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Full text of "Dictionnaire de théologie"

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DICTIONNAIRE 


THEOLOGIE 


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BESANÇON  ,  IMPRIMERIE  DE  OUTHEIilN-CHALAKDRE  FILS. 
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DICTIONNAIRE 


THÉOLOGIE, 


PAR  L'ABBÉ  BERGIER, 

CHANOINE  DE  L'ÉGLISE   DE  PARIS, 
liT     CONFESSEUR     DE     IlONSIEUR,     FRÈllE     DU      ROI 


Considérablement  augmentée  de  Notes 
Extraites  des  plus  célèbres  Apologistes  de  la  Religion. 


TOME  PREMIER. 


OUTHENIN-CIIAL  A  NDRE 
PARI 


MEQUIGNON  JUNIOR,  LIBRAIRE, 

Kiic  (les  Grands-Augustins,  n,  9. 

M  DCCG 


t;.,V>3nS^ 


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-ë^ht-^'c 


DE  L'AUTEUR, 

ÇUl    SE    TROUVE    DANS    l'ÉDITION    DE    PARIS    DE     I788. 


' — ' rnv^^ftL- 

^i  la  partie  théologique  de  V Encyclopédie  a  tardé  à  paroître  ,  nous 
espérons  que  le  public  nous  pardonnera  ce  retard  ,  lorsqu'il  sera 
instruit  des  difficultés  que  nous  avons  eues  à  vaincre ,  et  de  l'im- 
mensité du  travail  dont  nous  nous  sommes  trouvé  chargé. 

D'environ  deux  mille  cinq  cents  articles  dont  cet  ouvrage  est 
composé,  il  y  en  a  au  moins  un  quart  qui  manquoient  dans  l'an- 
cienne Encyclopédie ,  ou  qui  n^avoient  été  traités  que  comme  dos 
articles  de  grammaire  ;  il  a  fallu  les  faire.  Un  nombre  presque  égal 
contenoient  une  doctrine  fausse  ou  suspecte;  ils  avoient  été  copiés 
dans  des  écrivains  hétérodoxes,  ou  faits  par  des  littérateurs  qui, 
par  leurs  principes  ,  favorisoient  l'incrédulité;  il  a  fallu  les  corriger. 
Plusieurs  renfermoient  des  discussions  inutiles  ;  nous  les  avons 
abrégés.  D'autres  étoient  incomplets;  nous  y  avons  ajouté  ce  qui  nous 
a  paru  nécessaire.  Quelques-uns  ont  été  retranchés  comnie  superflus. 
Nous  n'avons  pas  vu,  par  exemple,  où  étoit  la  nécessité  de  faire  vingt 
articles  de  l'arianisme,  parce  que  les  partisans  de  cette  hérésie 
ont  porté  autant  de  noms  différents  ;  de  distinguer  homoousios  et 
tnnsubsianliel ,  dont  l'un  est  la  traduction  de  l'autre  ;  de  parler  du 
dimanche  des  Palmes  et  de  celui  des  Rameaux;  de  changer  une  lettre 
pour  placer  corban  et  korban  ;  chirotonie  et  heirotonie,  au  lieu  de  l'im- 
position  des  mains  ;  purim  etphurim,  qui  signifient  les  sorts;  de  mettre 
des  mots  grecs  ou  hébreux  au  lieu  des  mots  françois  qui  y  répon- 
dent. Ainsi  ,  à  presque  tous  les  égards ,  notre  travail  doit  paroître 
absolument  neuf. 

Des  trois  parties  qu'il  embrasse,  savoir,  la  théologie  dogmatique, 
la  critique  sacrée ,  et  l'histoire  ecclésiastique ,  la  première  est  celle 
qui  demande  le  plus  d'attention,  et  qui  renferme  le  plus  de  dif- 
ficultés. Comme  toute  autre  science  ,  elle  a  son  langage  particu- 
lier, certaines  expressions  consacrées  à  exprimer  les  mystères,  des- 
quelles on  ne  peut  se  départir  sans  s'exposer  à  tomber  dans  l'er- 
rcnr.  On  ne  doit  pas  exiger  d'un  théologien  qu'il  emploie  d'autre* 
termes  plus  clairs   tirés  du    langage    ordinaire,   ni   qu'il   fasse   com- 


îj  AVERTISSEMENT 

preiidre  évidemment  des  vérités  que  Dieu  a  révélées  pour  être  crues 

sur  sa  parole,  quoique  nous  ne  puissions  pas  les  concevoir. 

Depuis  prés  de  dix-huit  cents  ans  que  la  théologie  chrétienne  est 
formée,  il  ne  s'est  pas  écoulé  un  seul  siècle  dans  lequel  elle  n'ait  été 
combattue  par  quelque  secte  de  mécréants;  cette  science  est  donc  de- 
venue trè^-contentieuse.  Comme  elle  consiste  à  savoir  non-seulement 
ce  que  Dieu  a  révélé,  mais  comment  cette  doctrine  a  été  attaquée, 
et  comment  elle  a  été  défendue,  il  n'est  presque  pas  un  seul  article 
qui  ne  soit  un  sujet  de  dispute;  un  théologien  écrit  donc  toujours 
au  milieu  d'une  foule  d'ennemis,  et  jamais  ils  ne  furent  en  plus  grand 
nombre  que  dans  notre  siècle.  On  ne  doit  donc  pas  être  étonné  de 
nous  voir  continuellement  aux  prises  avec  les  sociniens,  avec  les 
protestants,  qui  ont  renouvelé  presque  toutes  les  anciennes  erreurs; 
avec  les  déistes  et  les  autres  incrédules  qui  les  ont  copiés  tous.  Nos 
maîtres  en  théologie  sont  les  Pères  de  l'Eglise;  nous  nous  croyons 
obligé  de  suivre  leur  exemple.  Or,  ces  auteurs  respectables  ont  écrit, 
chacun  dans  leur  temps ,  contre  les  erreurs  qui  faisoient  du  bruit 
pour  lors ,  et  non  contre  celles  dont  le  souvenir  étoit  à  peu  près  ef- 
facé ;  il  est  de  notre  devoir  de  les  imiter. 

Nous  ne  sommes  pas  assez  injuste  pour  accuser  les  protestants 
d'avoir  voulu,  de  propos  délibéré,  favoriser  les  ennemis  du  chris- 
tianisme; mais  il  n'est  pas  moins  vrai  que,  sans  le  vouloir,  ils  leur 
ont  fourni  presque  toutes  leurs  armes  ;  c'est  un  événement  que  nous 
n'avons  pas  pu  nous  dispenser  de  faire  remarquer  une  infinité  de 
fois  ,  parce  que  la  chose  est  évidente.  Si  les  protestants  se  fâchent 
de  se  trouver  continuellement  dans  notre  ouvrage  associés  aux  in- 
crédules, ce  n'est  pas  à  nous  qu'ils  doivent  s'en  prendre,  mais  à 
leurs  docteurs.  Chez  les  luthériens,  Mosheim  et  Brucker  ;  chez  les 
calvinistes,  Beausobre,  Basnage,  Le  Clerc,  Barbeyrac;  chez  les  an- 
glicans, Chillingworth  et  Bingham ,  sont  ceux  dont  nous  avons 
principalement  consulté  les  livres ,  parce  que  ce  sont  les  derniers  qui 
ont  écrit ,  et  qui  paroissent  avoir  le  plus  de  réputation.  Ils  ont  cher- 
ché à  donner  une  nouvelle  tournure  aux  anciennes  objections;  il« 
ont  eu  l'art  de  défigurer  la  plupart  des  faits  de  l'histoire  ecclé- 
siastique ;  il  n'est  presque  pas  un  seul  des  Pères  de  l'Eglise ,  contre 
lequel  ils  n'aient  formé  des  accusations;  ils  ont  donc  imposé  une 
nouvelle  tâche  anx  théologiens  catholiques,  à  laquelle  nos  meilleurs 
controversistes  n'ont  pas  pu  satisfaire  :  nous  avons  donc  été  obli- 
gé de  nous  en  charger;  et  si  nous  n'avons  pas  répondu  à  tout,  nous 
croyons  du  moins  avoir  fait  le  plus  essentiel.  En  donnant  une  courte 
notice  des  ouvrages  des  Pères,  nous  avons  tâché  de  faire  leur  apologie. 
^11  en  est  de  même  des  personnages  de  l'ancien  Testament  dont 
l'histoire  sainte  a  loue  les  vertus,  et  que  les  incrédules,  en  mar- 
chant sur  les  traces   des   manichéens,  se  sont  appliqués  à  noircir. 


DE    1/ AUTEUR.  Il) 

Mais  loin  de  chercher  à  multiplier  les  articles  île  :ritifjuc  sacrée  , 
nous  en  avons  supprimé  un  grand  nombre.  11  nous  a  semblé  inutile 
de  disserter  sur  des  expressions  que  tout  le  monde  entend,  ou  sur 
des  termes  qui  n'ont  rien  d'extraordinaire ,  et  de  copier  le  Diction- 
naire de  la  Bible.  Il  est  plus  nécessaire,  sans  doute,  d'éclaircir  les 
passages  dont  les  hérétiques  ou  les  incrédules  ont  abusé,  ou  qui  font 
un  objet  de  dispute  entre  les  théologiens. 

On  doit  comprendre  qu'un  Dictionnaire  Ihéologique,  quelque  exact 
qu'il  puisse  être,  ne  pourra  jamais  tenir  lieu  d'un  cours  de  théo- 
logie complet,  dans  lequel  on  rassemble  sur  chaque  question 
toutes  les  preuves  et  les  réponses  aux  objections;  où  l'on  fait  voir 
la  liaison  que  nos  dogmes  ont  entre  eux,  de  manière  que  l'un  éclair- 
cit  et  confirme  l'autre.  '  Ce  seroit  une  erreur  de  croire  qu'avec  le 
secours  d'un  Dictionnaire  aussi  abrégé,  l'on  peut  devenir  grand 
théologien.  Si  celui-ci  avoit  été  destiné  à  paroître  seul,  il  auroit 
nécessairement  fallu  le  rendre  plus  étendu,  y  faire  entrer  plusieurs 
articles  de  métaphysique,  de  morale,  d'histoire,  de  discipline  ,  de 
jurisprudence  canonique,  que  nous  avons  dià  laisser  à  ceux  auxquels 
ils  appartiennent. 

Il  n'auroit  pas  été  difficile  non  plus  de  le  charger  de  citations  ; 
mais  il  suffit  d'avertir,  en  général,  que,  pour  la  Critique  sacrée,  les 
Prolégomènes  de  la  Pol/gloite  d^ Angleterre ,  la  Philosophie  sacrée  de 
Glassius,  les  Dissertations  et  les  Préfaces  de  la  Bible  à"  Avignon ,  en  17  vo- 
lumes in-4.'',  sont  les  principales  sources  où  l'on  a  puisé.  Pour 
V Histoire  ecclésiastique,  Fleury ,  Cave,  Dupin,  Tillemont,  dom  Cel- 
lier, sont  les  auteurs  qu'il  auroit  fallu  citer  continuellement.  Nous 
n'avons  pas  hésité  de  copier  plusieurs  observations  dans  les  pro- 
testants desquels  nous  venons  de  parler,  surtout  de  Mosheim,  lors- 
qu'elles nous  ont  paru  vraies  et  dignes  de  l'attention  du  lecteur.  Pour 
la  théologie  dogmatique,  quand  nous  aurions  mis  à  chaque  article 
les  noms  de  Petau ,  de  Tournély ,  de  Wittasse ,  de  Lhei-minier  , 
de  Juénin,  ou  de  quelques  auteurs  plus  modernes,  le  lecteur  n'en 
auroit  pas  été  plus  instruit;  ces  ouvrages  sont  connus  de  tous  le» 
théologiens  ,  et  les  autres  personnes  ne  sont  pas  tentées  de  les  lire. 
Nous  n'avons  pas  la  vanité  de  croire  que  ce  Dictionnaire  est  tel 
qu'il  devroit  être;  un  seul  homme,  quelque  laborieux  qu'il  soit,  ne 
peut  suffire  à  cette  entreprise.  Ceux  qui  viendront  après  nous  pour- 
ront faire  mieux  ;  il  est  pins  aisé  de  voir  les  défauts  d'un  ouvrage 
déjà  fait,  que  de  les  éviter  en  le  composant. 

«  Un  Dictionnaire  théologique  a  d'autres  avantagea  que  n'offre  point  un  traité 
complet  :  il  est  d'un  usage  plus  ge'néral  ;  on  le  consulte  plus  commodément ,  plu» 
agréablement  ;  il  renferme  d'ailleurs  un  grand  nombre  d'articles,  dont  n'est  point 
susceptible  an  cours  de  lliéologic. 


NOTICE  HISTORIQUE 

SUR  M.  BERGIER. 


M-  Bergier  (  Nicolas-Sylvestre  ) ,  pieux  et  savant  prêtre 
qui  consacra  la  grande  partie  de  sa  vie  et  ses  rares  talents 
à  la  défense  de  la  religion ,  et  dont  le  nom  passera  avec 
honneur  à  la  postérité,  naquit  à  Darney,  petite  ville  des 
Vosges,  le  3i  décembre  1718,  d'une  famille  franc-comtoise 
qui  s'y  étoit  établie  ^  Son  père,  homme  religieux  et  inr 
struit  ,  commença  son  éducation  et  présida  à  ses  pre- 
mières études.  Il  l'envoya  pour  les  hautes  classes,  d'abord 
au  collège  et  successivement  au  séminaire  de  Besançon , 
si  avantageusement  connu  dans  toute  la  France  pour  sa 
régularité  et  pour  son  instruction.  Partout  le  jeune  Ber- 
gier fit  des  progrès  rapides  et  rares  ,  partout  il  eut  ces 
succès  brillants  qui  révèlent  les  dispositions  les  plus  heu- 
reuses dans  un  élève.  Ce  qui  le  distingua  peut-  être  plus 
particulièrement ,  et  put  faire  pressentir  sa  vocation  à 
l'état  ecclésiastique  et  les  services  importants  qu'il  y  ren- 
droit,  c'est  qu'il  montra  constamment  l'amour  de  l'étude, 
une  piété  douce  et  aimable,  un  goût  prononcé  et  une  fa- 
cilité singulière  pour  la  science  de  la  religion,  cette  phi- 
losophie véritable ,  la  seule  qui  conduise  à  l'amour  de  la 
sagesse  et  de  toutes  les  connoissances  utiles.  Les  belles 
espérances  qu'il  donnoit  furent  sans  doute  une  douce  jouis- 

•  Le  père  de  M.  Bergier  étoit  originaire  de  Myon,  près  Salim.  Darney,  ber- 
ceau du  fils,  appartint  au  diocèse  de  Besançon  jusqu'au  premier  concordat  entre 
Pie  VU  et  la  France.  C'est  dans  ce  diocèse  que  M.  Bergier  fut  élevé  ,  reçut  les  saints 
ordres  et  exerça  les  fonctions  pastorales  durant  seize  ans  ;  ce  diocèse  a  ainsi  tous  les 
litres  pour  revendiquer  ce  grand  homme,  et  c'est  à  tort  qu'onaélcvtf  un  doate  % 
cet  égard. 


VJ  nOTICE 

sance  pour  son  premier  maître.  Ce  bon  père  dut  s  applau- 
dir alors  d'avoir  contribué  à  l'usage  si  honorable  que  son 
fils  faisoit  de  ses  talents ,  par  la  première  et  sage  direction 
qu'il  leur  avoit  donnée.  Mais  il  dut  s'applaudir  bien  da- 
vantage ,  s  il  put  voir  ensuite  comment  ce  fils  savoit  hono- 
rer l'état  saint  qu'il  avoit  embrassé,  et  s'élever  lui-même 
à  une  glorieuse  célébrité. 

Déjà  en  i744»  <lans  sa  vingt-sixième  année  et  peu  après 
son  élévation  au  sacerdoce ,  il  concourut  pour  une  chaire 
de  théologie  vacante  à  l'université  de  Besançon,  d'une  ma- 
nière très-distinguée ,  et  en  faisant  preuve ,  à  l'entrée  de  sa 
carrière  ecclésiastique ,  d'une  instruction  que  la  plupart 
n'ont  pas  et  ne  pourroient  avoir  en  finissant  la  leur.  Ce- 
pendant il  crut  devoir  chercher  à  s'instruire  davantage ,  et 
dès  l'année  suivante  il  alla  suivre  les  grands  maîtres  de  la 
capitale,  et  s'aider  de  ses  riches  bibliothèques ,  pour  éten- 
dre ses  connoissances.  Il  ne  quitta  le  séjour  de  Paris,  qui 
convenoit  peut-être  à  l'intérêt  de  la  religion  plus  encore 
qu'à  son  goût ,  que  pour  rentrer  dans  son  diocèse  et  venir 
exercer  les  fonctions  pastorales  à  Flangebouche ,  paroisse 
de  campagne,  dans  les  montagnes  de  Franche-Comté.  Son 
mérite  sembloit  le  rendre  supérieur  à  ce  poste;  d'autres 
purent  avoir  cette  pensée;  M.  Bergier,  trop  modeste  pour 
la  partager,  ne  fit  attention  qu'à  l'appel  de  monseigneur 
l'archevêque  de  Besançon  ,  son  prélat,  et  il  se  rendit  sans 
hésitation  et  sans  répugnance  à  sa  destination. 

La  science  qui  enfle  ne  rend  pas  toujours  utile  ,  et  il 
arrive  quelquefois  qu'un  prêtre  savant  n'est  pas  un  bon 
curé;  mais  M.  Bergier  avoit,  outre  la  science,  les  vertus 
et  toutes  les  qualités  qui  assurent  des  succès  au  ministère 
pastoral.  Aussi  la  mémoire  du  sien  ,  quoiqu'il  ne  l'ail 
exercé  que  l'espace  de  seize  ans ,  s'est  conservé  à  Flange- 
bouche, et  y  est  aujourd'hui  en  bénédiction.  Un  prêtre  du 
diocèse ,  qui  fut  comme  lui  curé  à  Flangebouche ,  dépose 
que  la  foi  et  la  piété  de  cette  paroisse  attestoient  la  sage 
nctivité  et  la  persuasive  douceur  du  zèle  de  M.  Bergier, 
bien  des  années  après  qu'il  en  fut  sorti  ;  que  ce  fut  à  regret , 


HISTORIQUE.  vij 

fcl  par  des  considérations  majeures ,  que  ce  bon  pasteur 
s'éloigna  du  troupeau  qu'il  aimoit  et  dont  il  étoit  aimé  , 
et  qu'en  1786  il  écrivoit  encore  que,  sans  la  dureté  du 
climai  et  la  difficulté  de  la  desserte  qui  l'avaient  forcé  d'agir 
contre  son  cœur ,  //  aurait  voulu  vivre  et  mourir  au  milieu 
de  ses  bons  paroissiens  de  Flangebouche. 

Ce  fut  là  ,  malgré  le  peu  de  loisir  que  lui  laissoit 
l'exercice  du  saint  ministère ,  que  commença  sa  réputa- 
tion dans  le  monde  savant.  L'académie  des  sciences,  arts 
et  belles-lettres,  nouvellement  fondée  à  Besançon,  ayant 
proposé  en  1752  deux  médailles  d'or  pour  un  discours 
d'éloquence  et  une  dissertation  historique,  il  traita  l'un 
et  l'autre  sujet  dans  les  courts  instants  que  lui  laissoit  son 
ministère,  et  les  deux  médailles  lui  furent  adjugées.  Ce 
premier  triomphe  fut  pour  ce  laborieux  écrivain  le  pré- 
lude d'autres  succès  à  la  même  académie ,  et ,  jusqu'au  mo- 
ment où  elle  le  reçut  dans  son  sein ,  il  y  obtint  presque  chaque 
année  un  prix  ou  un  accessit.  Son  discours  sur  ce  sujet 
proposé  pour  1763  :  Combien  les  mœurs  donnent  de  lustre 
aux  talents,  fut  publié  comme  un  chef-d'œuvre  d'élo- 
quence ;  et  après  1  avoir  lu  ,  on  fit  cette  remarque  flatteuse 
pour  l'auteur  :  Sans  le  vouloir,  il  s'est  peint  lui-mcme. 

Dès  qu'il  occupa  le  fauteuil  académique ,  il  donna  une 
autre  direction  à  ses  talents ,  et ,  à  l'exception  de  quelques 
pièces  qu'il  écrivit  par  devoir  et  comme  académicien ,  il 
ne  travailla  plus  que  des  sujets  d'une  utilité  plus  grande 
et  mieux  sentie.  Dieu,  qui  lui  en  inspiroit  le  choix  pour 
l'avantage  de  la  religion,  permit  alors  qu'il  fût  nommé 
principal  du  collège  de  Besançon  :  place  mieux  assortie 
à  son  goiit  pour  les  belles -lettres  et  à  son  zèle  pour  en 
propager  l'amour ,  et  qui  lui  ménageoit  plus  de  temps 
et  de  ressources  pour  les  ouvrages  importants  qu'il  mé- 
ditoit. 

Le  philosophisme  avoit  déjà  levé  l'étendard  contre  la 
religion  de  Jésus-Christ;  M.  Bergier  étoit  décidé  à  repousser 
.ses  sacrilèges  attaques ,  et  il  consacra  désormais  à  cet  unique 
objet  le  temps  qu'il  ne  devoit  pas  à  sa  place,  et  les  i)ro- 


vil)  NOTICE 

(iigicusevS  connoissances  qu'il  avoit  dans  les  langues  orien- 
tales, la  critique  sacrée,  l'histoire  sainte  et  profane,  la 
philosophie,  la  physique,  la  géographie,  la  mythologie, 
rhistoire  naturelle,  etc.  Il  donna  successivenoent  i."  le 
Déisme  réfuté  par  lui-même;  2.°  les  Eléments  primitifs  des 
langues;  3.°  la  Certitude  des  preui^es  du  christianisme ,  ou- 
vrage auquel  il  ajouta  comme  supplément,  la  iî«]pon5«a«.r 
conseils  raisonnables,  et  la  Réponse  a  la  lettre  insérée  dam» 
le  recueil  philosophique;  l\°  Y  Apologie  de  la  religion  chré- 
tienne; 5.°  Y  Examen  du  matérialisme.  Il  donna  depuis  à 
ces  différentes  productions  qu'il  ne  regardoit  que  comme 
de  simples  essais,  plus  d'étendue  et  de  perfection,  en  les 
fondant  toutes  dans  son  Traité  historique  et  dogmatique  de 
la  vraie  religion,  Paris,  i2  vol.  in- 12,  1780,  traduit 
presque  aussitôt  en  italien  et  en  allemand.  C'est  dans  ce 
grand  ouvrage  qu'il  a  rassemblé  les  principes  épars  des 
impies  de  tous  les  siècles,  et  formé  de  leur  doctrine  une 
espèce  de  corps ,  pour  discuter  méthodiquement  les  re- 
proches qu'ils  ont  faits  à  la  religion.  Il  y  a  montré  la  filia- 
tion des  diverses  erreurs  des  ennemis  du  christianisme , 
et  prouvé  1°  que  les  incrédules  modernes  étoient  les  co- 
pistes de  Celse ,  de  Porphyre,  de  Julien,  etc.,  et  qu'ils 
n'avoient  fait  que  ressasser  leurs  difficultés  mille  fois  ré- 
futées; 2.°  que  les  incrédules  d'Angleterre  avoient  été  les 
précurseurs  des  incrédules  de  France  ;  3.**  que  leurs  ob- 
jections contre  les  dogmes  du  christianisme  leur  étoient 
fournies  par  les  anciens  hérétiques.  Ce  traité,  riche  en 
érudition  et  fort  en  raisonnements ,  est  une  réponse  solide 
à  tout  ce  qui  a  été  écrit  contre  la  religion. 

Dans  son  Dictionnaire  théologique,  publié  en  1788. 
avec  l'Encyclopédie  méthodique ,  on  retrouve  la  clarté , 
l'abondance  et  la  force  de  ses  autres  productions  ;  il  y  at- 
taque de  nouveau  et  dans  le  plus  grand  détail  tous  les 
raisonnements  les  plus  spécieux  des  ennemis  de  la  reli- 
gion ,  et  il  montre  la  foiblesse  de  chacun  avec  une  préci- 
sion et  une  lucidité  qui  ne  laissent  subsister  aucun  nuage 
d'erreur.  Si  des  hommes  qui  se  répètent  sans  cesse,   le 


HISTORIQUE.  ix 

forcenl  à  revenir  sur  des  difficullés  déjà  résolues,  il  le 
fait  avec  une  variété  de  moyens  et  en  déployant  tant  de 
lecondité  et  d'érudition,  qu'on  conçoit  à  peine  comment 
un  homme  a  pu  acquérir  autant  de  connoissances  en  tant 
de  genres.  Nous  devons  cependant  avouer  que  ce  Diction- 
naire lui  a  valu  deux  reproches  assez  graves  :  le  premier  , 
d'y  ménager  dans  quelques  endroits  des  erreurs  ou  des 
préjugés  accrédités;  le  second,  de  s'être  associé  aux  ency- 
clopédistes ,  et  d'avoir  fait  beaucoup  de  mal ,  en  accolant 
une  doctrine  pure  et  sainte  à  leurs  doctrines  licencieuses 
et  impies. 

Sur  le  premier  reproche  qui  ne  précise  rien  ,  des  théo- 
logiens très-orthodoxes  ,  après  avoir  beaucoup  lu  M.  Ber- 
gier,  demandent  quelles  sont  ces  erreurs  qu'il  a  ménagées, 
et  dans  quels  articles  de  son  Dictionnaire?  Pour  nous, 
nous  disons  à  de  tels  accusateurs  :  Pourquoi  une  dénon- 
ciation si  vague,  qui  n'est  d'aucune  utilité  et  qui  a  même 
ses  inconvénients ,  au  lieu  d'une  révélation  complète  qui 
n'en  auroit  aucun?  celle-ci  serviroit  à  nous  éclairer  et  à 
nous  prémunir ,  et  celle-là  nous  laisse  exposés  au  danger 
de  ne  pas  apercevoir  l'erreur.  Peut-être  n'a-t-on  à  repro- 
cher à  ce  grand  homme  que  d'avoir ,  dans  des  matières 
laissées  à  la  discussion  des  scolastiques  ,  embrassé  des 
sentiments  qu'on  ne  partage  pas  avec  lui  ;  mais  cela  n'est 
certainement  pas  ménager  l'erreur  et  composer  avec  elle  : 
et  pour  notre  compte ,  nous  l'avouons  ingénument ,  nous 
ne  pouvons  croire  queM.  Bergierl'a  ménagée  réellement, 
Nous  repousserons  aussi  ce  reproche  odieux  tant  qu'il  ne 
sera  pas  mieux  établi. 

Quant  à  son  association  aux  encyclopédistes,  il  est  cer- 
tain, disent  ses  censeurs,  que  l'aversion  des  hommes  les 
plus  sages  pour  V  JEncj^clopédie  â  cessé  et  qu'ils  l'ont  achetée 
sans  défiance  aucune ,  dès  qu'ils  l'ont  vue  décorée  du  nom 
de  M.  Bergier.  Ainsi,  à  les  entendre,  parce  qu'il  avoit 
fourni  la  partie  théologique,  les  plus  sages  ont  bonnement 
cru  que  les  autres  parties  étoient  excellentes  ,  quoique 
travaillées  par  des  impies;  que  le  cynisme  révoltant  de 


X  NOTICE 

leurs  précédentes  productions  ne  se  relrouvoît  pas  daris 
ceUe-ci,  et  qu'ils  y  faisoient  au  contraire  amende  hono- 
rable de  leurs  blasphèmes  ;  en  un  mot ,  que  le  nom  et  le 
concours  de  M.  Bergier  purifiant  tout  ,  ils  pouvoient 
acheter  ce  pernicieux  ouvrage.  Ceci  n'est  pas  une  simple 
conjecture;  il  est  certain,  on  l'a  tranchément  prononcé, 
que  les  plus  sages,  au  nom  seul  de  M.  Bergier,  ont  été 
fascinés  jusqu'à  juger  et  à  agir  ainsi,  c'est-à-dire,  jusquà 
juger  sans  ombre  de  sagesse  ni  de  jugement ,  et  à  agir  en 
extravagants.  Si  l'on  réussit,  au  moyen  de  semblables  as- 
sertions et  en  choquant  toutes  les  vraisemblances ,  à  flétrir 
un  nom  si  glorieux,  quelle  réputation  restera  entière? 

Au  reste  nous  sommes  loin  de  supposer  aucune  mé- 
chanceté à  ceux  qui  sont  si  révoltés  d'une  association  qui , 
nous  le  croyons  du  moins,  révolta  M.  Bergier  lui-même, 
et  pour  laquelle  il  eut  à  vaincre  une  forte  répugnance. 
Nous  pensons  seulement  qu'elle  n'a  pas  eu  la  funeste  in- 
fluence qu'on  lui  prête ,  et  voici  ce  qui  nous  le  persuade  : 
d'abord,  il  étoit  indubitable  que  \ Encjclopédie  seroit  pu- 
bliée ,  quelque  parti  qu'il  prît  ;  seulement  la  théologie , 
s'il  avoit  refusé  de  la  traiter ,  l'auroit  été  par  d'autres  et 
peut-être  de  la  manière  la  plus  perfide.  Son  association 
n'a  donc  rien  fait  pour  la  publication  de  l'ouvrage,  et  il 
seroit  injuste  de  la  lui  imputer.  Mais  n'est-il  pas  vrai  au 
moins  qu'elle  lui  a  donné  crédit  et  beaucoup  contribué  à 
le  répandre?  Nous  répondons  que  V Encjclopédie  fut ,  au 
commencement  comme  aujourd'hui  ,  achetée  par  les 
hommes  sans  principes  et  décidément  impies ,  ensuite  par 
ceux  qui  ne  font  profession  ni  d'impiété  ni  de  christia- 
nisme. Les  premiers  vouloient  cet  ouvrage  précisément 
parce  qu'il  étoit  mauvais ,  et  les  seconds  quoiqu'il  le  fut  ; 
tous  par  un  goût  de  curiosité  et  de  dépravation ,  sans  au- 
cun égard  au  travail  de  M.  Bergier,  et  ne  se  proposant 
pas  de  le  lire.  Mais  ses  nombreux  collaborateurs  étoient 
trop  connus ,  la  plupart  s'étoient  fait  par  de  hideux  écrits 
une  célébrité  trop  odieuse,  pour  ne  pas  inspirer  la  plus 
(orte  défiance  aux  hommes  sages,  et  aucun  d'entre  eux 


HISTORIQUE.  xi 

l'a  <lû  faire  les  frais  de  celte  immense  et  coûteuse  colJec- 
ion  encyclopédique.  L'association  de  M.  Bergier  n'a  donc 
u  et  ne  devoit  avoir  aucun  mauvais  effet. 

Nous  dirons  plus  encore  :  en  surmontant  sa  répugnance 
our  cette  association,  il  a  probablement  empêché  que 
arche  sainte  de  la  nouvelle  alliance  ne  fût  profanée;  que 
i  science  de  Dieu,  renfermée  dans  les  Ecritures  et  les  tra- 
itions saintes,  ne  fût  indignement  exposée;  en  un  mot, 
u'on  ne  fit  servir  au  scandale  et  à  la  perte  de  plusieurs, 
i  religion  que  le  ciel  a  donnée  à  la  terre  pour  Tédifica- 
lon  et  le  salut  de  tous.  S'il  n'a  pu  empêcher  la  publica- 
ion  de  ce  répertoire  monstrueux  où  l'art  le  plus  infernal 

partout  adroitement  mêlé  le  mensonge ,  l'impiété  et  le 
ice ,  avec  l'histoire ,  les  sciences  et  les  arts ,  il  a  du  moins 
ilacé  le  remède  à  côté  du  poison  ;  et  la  doctrine  saine  et 
iimineuse  de  son  Dictionnaire  en  a  peut-être  guéri  plu- 
ieurs  que  les  mauvaises  doctrines  des  autres  parties  de 
Encyclopédie  avoient  déjà  mortellement  blessés.  Ainsi , 
3ut  judicieusement  pesé,  son  association  aux  encyclopé- 
istes  avoit  des  motifs  plausibles ,  et  nous  ne  répugnons 
as  à  croire  (  ce  qui  nous  a  été  certifié  )  qu'il  y  fut  encou- 
agé  par  les  hommes  les  plus  religieux ,  et  en  particulier 
ar  Mgr.  l'archevêque  de  Paris. 

On  a  encore  de  M.  Bergier  deux  ouvrages  posthumes  : 
2  premier  composé  dans  sa  dernière  maladie,  ayant  pour 
itre  ,  Obserçalions  sur  h  divorce ,  Besançon  ,  1 799  ,  est 
ne  réponse  victorieuse  à  un  écrit  qui  venoit  d'être  distri- 
lué  à  tous  les  membres  de  l'assemblée  constituante,  pour 
irovoquer  un  décret  qui  autorisât  le  divorce.  M.  Bergier 
le  se  borne  pas  à  traiter  en  théologien  profond  cette  ma- 
ière  si  intéressante  pour  la  société ,  et  à  démontrer  que 
î  divorce  est  injurieux  à  la  religion;  il  prouve  encore  qu'il 
l'est  point  conforme  à  la  nature,  qu'il  est  contraire  à  la 
iistice  et  pernicieux  aux  mœurs ,  qu'il  n'a  jamais  contribué 

la  population ,  et  qu'il  l'a  même  détruite  chez  les  Grecs 
I  les  Piomains. 

Son  second   ouvrage  posthume  est  le  Tableau  de  la  nif~ 


XÎJ  NOTICE 

sérîcorde  divine,  Besançon,  1821.  11  le  composa  pour  la 
consolation  des  âmes  timides  et  pour  les  animer  à  la  con- 
fiance en  Dieu,  dont  il  puise  tous  les  motifs  dans  l'Ecri- 
lure  sainte.  «  Moins  il  y  aura  du  nôtre,  dit-il  lui-même  au 
»  premier  chapitre,  plus  l'instruction  sera  solide....  Dans 
»  tout  ce  qui  vient  de  la  main  des  hommes ,  l'erreur  peul 
»  s'êlre  glissée,  et  si  nous  donnions  nos  idées  particulières, 
»  il  y  auroit  lieu  de  s'en  défier  :  mais  lorsque  nous  nous 
»  bornons  à  exposer  la  conduite  de  Dieu  envers  tous  les 
»  hommes  et  dans  tous  les  temps ,  à  répéter  les  expres- 
»  sions  mêmes  des  auteurs  sacrés ,  et  à  rapprocher  leurs 
»  maximes ,  cette  doctrine  ne  peut  être  suspecte.  »  On  voil 
effectivement,  en  lisant  ce  Tableau,  que  M.  Bergier  s'esl 
scrupuleusement  renfermé  dans  son  plan.  Rien  n'est  de 
lui  dans  tout  ce  qu'il  offre ,  soit  aux  âmes  accablées  pai 
la  crainte,  soit  aux  pécheurs  tentés  de  désespoir,  poui 
réformer  leurs  idées  et  les  rappeler  à  l'espérance  chré- 
tienne. C'est  toujours  Dieu  qui  parle,  toujours  Dieu  qui 
dévoile  lui-même  le  fond  de  son  cœur  paternel ,  qui  étale 
à  nos  yeux  les  richesses  immenses  de  sa  bonté ,  et  les  planî 
admirables  de  cette  Providence  miséricordieuse  quiéclain 
les  pécheurs,  même  à  leur  dernière  heure,  les  converti! 
et  leur  pardonne.  Il  nousparoît  difficile  que  les  personnesi 
d'un  tempérament  triste  et  enclin  au  découragement ,  ou 
celles  qui  d'un  excès  de  présomption  ou  d'audace  sont 
tombées  dans  l'excès  contraire,  lisent  cet  ouvrage  sans  se 
sentir  fortement  excitées  à  une  piété  tendre  et  à  une  douct 
confiance  en  Dieu. 

Nous  n'avons  pas  parlé  de  l' Origine  des  dieux  du  paga 
nisme,  Paris,  1767,  autre  ouvrage  de  M.  Bergier,  qui 
répudia  en  quelque  sorte  lui-même ,  par  l'éloge  qu'il  fi 
de  Y  Histoire  des  temps  fabuleux.  «  Je  puis  assurer,  di 
»  l'abbé  Barruel ,  que  je  n'ai  point  vu  d'admirateur  plu; 
»  sincère  et  plus  éclairé  de  cette  admirable  production  d< 
»  M.  du  Rocher,  que  l'abbé  Bergier.  Il  la  louoit,  la  pré 
»  conisoit  partout ,  et  disoit  hautement  que  le  système  dt 
»  la  fable  expUauée  par  l'histoire,  étoit  mieux  prout'é  qui 


HISTORIQUE.  Xll; 

Je  sien,  et  fhéritoil  la  préférence  à  tout  égard.  »  Après  ce 

rait  d'une  modeslie  rare  dans  un  savant ,  on  croit  à  la 

Incérilé  de  M.  Bergier,  lorsqu'il  s'clonne  de  sa  célébrité 

lans  les  pays  étrangers  et  même  en  France  ;  lorsqu'il  té- 

noigne  de  la  surprise  à  la  vue  des  brefs  de  congratulation 

[ue  lui  adressent  deux  pontifes  romains,  et  à  la  réception 

e  portraits  en  miniature  de  plusieurs  potentats ,  auxquels 

litoient  jointes  des  boîtes  et  médailles  d'or  qu'ils  lui  en- 

l^oyèrent  en  signe  de  considération  et  d'estime. 

Nous  n'avons  fait  qu'indiquer  plusieurs  de  ses  ouvrages, 
Darce  qu'ils  ont  été  si  répandus  et  si  bien  appréciés  ,  qu'il 
lous  a  paru  inutile  de  nous  étendre  sur  l'importance  des 
iujets  et  le  talent  supérieur  avec  lequel  il  les  a  traités. 
Mais  nous  croyons  devoir  révéler  son  courage  et  sa  pa- 
tience à  soigner  tout  ce  qu'il  écrivoit ,  et  les  assujétisse- 
ments  pénibles  qu'il  s'imposoit  pour  le  porter  à  un  haut 
legré  de  perfection.  Il  a  déclaré  lui-même  que,  avant  de 
ivrer  au  censeur  les  douze  volumes  de  son  Traité  histo- 
"ique  et  dogmatique,  il  les  avoit  transcrits  de  sa  main  jus- 
qu'à trois  fois.  Son  travail  de  tous  les  jours,  qui  duroit 
luit  heures  au  moins  dans  les  années  même  de  sa  vieil- 
esse,  fut  presque  toujours  inspiré  par  la  religion  et  con- 
sacré à  sa  défense,  soutenu  et  sanctifié  jusqu'à  la  fin  par 
lette  piété  noble  et  touchante  qui  respire  dans  tous  ses  écrits. 

Désintéressé  et  sans  ambition ,  il  ne  demanda  rien  ;  et 
j'il  jouit  de  deux  pensions  de  2000  francs  chacune ,  la 
première ,  sur  bénéfice ,  accordée  par  Louis  XV,  la  seconde 
jue  lui  fit  l'assemblée  du  clergé  de  France ,  elles  avoient 
Hé  sollicitées  à  son  insçu ,  et  il  ne  s'attendoit  ni  à  l'une  ni 
i  l'autre.  Sa  nomination  à  un  canonicat  de  Notre-Dame  de 
Paris,  en  1769,  et  le  choix  que  Mesdames  de  France  firent 
le  lui  pour  leur  confesseur ,  furent  encore  deux  événe- 
[nents  auxquels  il  ne  s'attendoit  pas.  Mais  comme  il  étoit 
imi  de  la  règle,  et  que  ce  dernier  choix  fixoit  sa  résidence 
\  Versailles ,  il  alla  offrir  à  Mgr-  l'archevêque  de  Paris 
a  démission  de  son  canonicat  :  démission  que  ce  prélat 
'cfusa  sur  les  instances  du  chapitre. 


xiv  NOTICE   HISTORIQUE. 

«  A  Versailles  comme  à  Flangebouche,  a  dit  un  écrivain, 
»  Bergier  a  vécu  en  homme  de  cabinet,  sans  prétention 
»  et  sans  intrigue ,  ne  voulant  paroître  à  la  Cour  qu'autant 
»  que  le  devoir  l'y  appeloit.  Il  lui  eût  été  facile  de  par- 
»  venir  ;  il  étoit  connu ,  on  l'estimoit ,  il  avoit  le  cœur  ex- 
»  cellent  et  des  manières  franches  et  affables,  il  parloit 
»  avec  grâce  comme  il  écrivoit,  mais  il  ne  vouloit  rien.  » 
Monsieur  (  plus  tard  Louis  XVIII  ) ,  lui  ayant  offert  une 
abbaye  de  son  apanage,  il  refusa  en  disant  au  prince  :  Je 
suis  assez  riche. 

Ami  des  pauvres ,  et  accoutumé  à  verser  dans  leur  sein 
d'abondantes  aumônes,  il  s'affligea  pour  eux  des  pertes 
dont  la  révolution  le  menaçoit.  Quoique  je  sois,  écrivoit-il 
le  19  novembre  1789,  à  la  veille  de  faire  une  perte  consi- 
dérable ,  tant  sur  mes  retenus  que  sur  ce  qui  m'est  du ,  Je 
n'y  ai  de  regret  qu'autant  que  je  ne  pourrai  plus  assister  les 
malheureux. 

Il  termina  sa  vie  sainte  et  laborieuse  le  9  avril  1790.  Un 
orateur  chrétien  a  trouvé  son  éloge  dans  le  développement 
de  ces  paroles  du  Sage  :  Sapientia  justum  deduxit  per  vias 
rectas ,  et  ostendit  illi  regnum  Dei;  et  dédit  illi  scientiam 
sanctorum,  honesta^it  illum  in  laboribus  et  complevit  labores 
illius.  Sap. ,  c.  10,  y.  10. 


INTRODUCTION. 


DES5HIN   DE    LA   PROVIDENCE   DANS   L'ÉTABLISSEMENT   DE    LA    RELIGION, 
ORIGINE   ET   PROGRÉS   DE   l'iNCRÉDVILITÉ. 


§1- 

Dieu  ,  disent  les  Pères  de  l'Eglise ,  donne  au  genre  humain  des 
leçons  convenables  à  ses  difTérenfs  âges  '  ;  comme  un  père  tendre, 
il  a  égard  au  degré  de  capacité  de  son  élève;  il  fait  marcher  l'ou- 
vrage de  la  grâce  du  même  pas  que  celui  de  la  nature ,  pour  démon- 
trer qu'il  est  l'auteur  de  l'un  et  de  l'autre.  Tel  est  le  principe  du- 
quel il  faut  partir ,  pour  concevoir  le  plan  que  la  sagesse  étemelle 
a  suivi,  en  prescrivant  aux  hommes  la  religion. 

Ce  plan  renferme  trois  grandes  époques  relatives  aux  divers  états 
de  l'humanité.  Dans  les  siècles  voisins  de  la  création  le  genre 
humain ,  dans  une  espèce  d'enfance  ,  n'avoit  encore  d'autre  société 
que  celle  des  familles ,  d'autres  lois  que  celles  de  la  nature ,  d'autre 
gouvernement  que  celui  des  pères  et  des  vieillards.  Dieu  révéla 
aux  patriarches  une  religion  domestique ,  peu  de  dogmes ,  un  culte 
simple ,  une  morale  dont  il  avoit  gravé  les  principes  au  fond  des 
cœurs.  Le  chef  de  famille  étoit  le  pontife-né  de  cette  religion  pri- 
mitive. Emanée  de  la  bouche  du  Créateur,  elle  devoil  passer  des 
pères  aux  enfants  ,  parles  leçons  de  l'éducation.  La  tradition  do- 
mestique ,  les  pratiques  du  culte  journalier,  la  marche  régrîlîâTn  de 
l'univers  et  la  voix  de  la  conscience  se  réunissoient  pour  ap- 
prendre aux  hommes  à  n'adorer  qu'un  seul  Dieu.  Ce  premier  lîeTî 
de  société ,  ajouté  à  ceux  du  sang ,  étoit  assez  puissant  pour  unir  les 
diverses  branches  d'une  même  famille ,  et  pour  former  iasensible- 
ment  des  associations  plus  étendues. 

Cette  idée  de  la  religion  primitive  n'est  pas  de  nous ,  elle  est 
tirée  des  livres  saints.  L'Ecclésiastique  ,  après  avoir  parlé  de  la 
création  de  nos  premiers  parents ,  ajoute  :  «  Dieu  les  a  remplis  de 

«  TertuU.,  1.  (le  Vircin.  velandis ,  c,  i.  S.  Auc, ,  !.  de  verâ  Relig. ,  c  26 
et  27,  elc.  T hc'odoret ,  Haeret.  Fab. ,  I.  5  ,  c.  17;  De  Provid, ,  oral.  10  ,  etc. 


2  IINTRODUCTION 

»  la  lumière  de  rintelligence ,  leur  a  donné  la  science  de  l'espril ,  à 
»  doué  leur  cœur  de  sentiment ,  leur  a  montré  le  bien  et  le  mal  ;  il 
»»  a  fait  luire  son  œil  sur  leurs  cœurs ,  afin  qu'ils  vissent  la  maguifi- 
>»  cence  de  ses  ouvrages  ,  qu'ils  bénissent  son  saint  nom ,  qu'ils  le 
»  glorifiassent  de  ses  merveilles  et  de  la  grandeur  de  ses  œuvres.  Il 
»  leur  a  prescrit  des  règles  de  conduite ,  et  les  a  rendus  dépositaires 
»  de  la  loi  de  vie.  Il  a  fait  avec  eux  une  alliance  étemelle ,  leur  a 
»  enseigné  les  préceptes  de  sa  justice.  Ils  ont  vu  l'éclat  de  sa  gloire , 
»)  ont  été  honorés  des  leçons  de  sa  voix  ;  il  leur  a  dit  :  fuyez  toute 
>>  iniquité  ;  il  a  ordonné  à  chacun  d'eux  de  veiller  sur  son  prochain  • .  » 
Mais  la  religion  révélée  de  Dieu ,  est  un  joug  que  l'homme  con- 
sent difficilement  à  porter  ;  s'il  n'ose  le  secouer  absolument ,  il 
cherche  à  le  rendre  moins  incommode.  La  négligence  des  pères , 
l'indocilité  des  enfants  ,  la  jalousie  ,  l'intérêt ,  la  crainte ,  passions 
inquiètes  et  ombrageuses ,  firent  interrompre  peu  à  peu  les  pratiques 
du  culte  commun ,  et  oublier  la  tradition  domestique.  L'homme  se 
fit  autant  de  divinités  qu'il  y  a  d'êtres  dans  la  nature  ;  il  ne  suivit 
que  son  caprice  dans  le  culte  qu'il  leur  rendit.  Bientôt  il  y  eut 
autant  de  religions  que  de  peuplades;  chacune  voulut  avoir  ses 
dieux  tutélaires.  Cette  division  fatale  est  une  des  causes  qui  ont  le 
plus  retardé  les  progrès  de  la  civilisation. 

§n. 

Après  plusieurs  siècles ,  un  grand  nombre  d'hommes  se  réuni- 
rent ,  commencèrent  à  suivre  àes  lois  et  des  usages  communs ,  à 
former  un  peuple ,  une  république ,  un  royaume.  Mais  ces  nations 
naissantes  ,  toujours  en  défiance  les  unes  à  l'égard  des  autres  ,  de- 
meurèrent dans  un  état  de  guerre  ;  elles  ne  s'approchoient  que  pour 
se  dépouiller  et  s'entre-détniire  ;  tout  étranger  étoit  censé  un  en- 
nemi. Déjà  plongées  dans  l'erreur,  comment  pouvoient-elles  être 
corrigées  ?  comment  faire  revivre  la  révélation  donnée  à  nos  pre- 
miers pères.'*  Dieu  donna  aux  Hébreux  une  religion  nationale,  in- 
corporée aux  lois  et  à  la  constitution  de  leur  république  ,  ou  plutôt 
destinée  à  la  fonder.  Relative  au  climat ,  au  génie  de  cette  nation  , 
aux  dangers  dont  elle  étoit  environnée ,  elle  étoit  faite  non  pour  un 
peuple  déjà  poHcé,  mais  qui  alloit  le  devenir.  C'est  donc  relative- 

'Eecl.,c.  I7,y.  Setjiiir. 


INTRODUCTION  3 

ment  à  l'intérêt  politique,  à  l'utilité  nationale  qu'il  faut  l'envisager, 
l>our  en  voir  la  sagesse ,  et  pour  estimer  le  temps  de  sa  durée. 

Telle  est  encore  l'idée  que  nous  en  donne  le  même  auteur  sacré  : 
«  Dieu,  dit-il ,  a  préposé  un  chef  à  chaque  nation  ;  mais  il  a  réservé 
»  pour  sa  part  les  Israélites.  Il  a  éclairé  toutes  leurs  démarches, 
»)  comme  le  soleil  répand  sa  lumière  sur  toute  la  nature  ;  ses  yeux 
»  n'ont  cessé  de  veiller  sur  leurs  actions  ;  leurs  iniquités  n'ont  point 
»  effacé  l'alliance  qu'il  avoit  faite  avec  eux  '.  * 

L'homme  s'éloit  égaré  en  prenant  pour  des  dieux  les  différentes 
parties  de  la  nature  ;  Dieu  frappa  de  grands  coups  sur  la  nature , 
pour  faire  sentir  aux  hommes  qu'il  en  étoit  le  maître.  Il  effraya  les 
Egyptiens,  les  Chananéens  ,  les  Assyriens,  les  Hébreux,  par  des 
prodiges  de  terreur.  J'exercerai,  dit-il,  mes  jugements  sur  les  dieux 
de  l'Egypte;  il  déclare  qu'il  fait  des  miracles,  non  pour  les  Hébreux 
seuls,  mais  pour  apprendre  à  tous  les  peuples  qu'il  est  le  Seigneur. 
Il  les  fit  en  effet  sous  les  yeux  des  nations  qui  jouoient  le  plus  grand 
rôle  dans  le  monde  connu.  Dieu  ne  révéla  point  de  nouveaux 
dogmes,  mais  il  annonça  de  nouveaux  desseins.  La  croyance  de 
Moïse  et  des  Hébreux  étoit  la  même  que  celle  d'Adam  et  de  Noé  ; 
le  décalogue  est  le  code  de  morale  de  la  nature  :  le  culte  ancien  fut 
conservé  ;  mais  Dieu  le  rendit  plus  étendu  et  plus  pompeux  :  dans 
une  société  policée,  il  falloit  un  sacerdoce  ;  la  tribu  de  Lévi  en  fut 
chargée  à  l'exclusion  des  autres.  La  tradition  nationale  éloit  l'oracle 
que  les  Hébreux  dévoient  consulter  ;  toutes  les  fois  qu'ils  s'en  écar- 
tèrent, ils  tombèrent  dans  l'idolâtrie  ;  dès  qu'ils  voulurent  frater- 
niser avec  leurs  voisins ,  ils  en  contractèrent  les  vices  et  les  erreurs. 

Mais  Dieu  ne  laissa  point  ignorer  ce  qu'il  avoit  résolu  de  faire 
dans  les  siècles  suivants.  Par  la  bouche  de  ses  prophètes ,  il  annonça 
la  vocation  future  de  toutes  les  nations  à  sa  connoissance  et  à  son 
culte.  La  religion  juive  n'étoit  qu'un  préparatif  à  la  révélation  plus 
ample  et  plus  générale ,  que  Dieu  vouloit  donner ,  lorsque  le  genre 
humain  seroit  devenu  capable  de  la  recevoir 

§111. 

Ce  temps  étoit  arrivé,  quand  le  Fils  de  Dieu  vint  annoncer,  sous 
le  nom  <ï Evangile  ou  de  bonne  nouvelle ,  une  religion  unioerselie. 
La  révélation  précédente  avoit  eu  pour  but  de  former  un  royaume 

1  EcclJ.  ,c,  17,^.  i4cis«iv.  **■ 


4  IINTRODUCTION. 

ou  une  république  sur  la  terre  ;  Jésus-Christ  prêcha  le  royaume  des 
deux.  Une  grande  monarchie  avoit  englouti  toutes  les  autres;  tous 
les  peuples  policés  étoient  devenus  sujets  du  même  souverain.  Les 
arts ,  les  sciences ,  le  commerce,  les  conquêtes ,  les  communications 
établies,  avoient  enfin  disposé  les  peuples  à  fraterniser  et  à  se 
réunir  dans  une  seule  Eglise.  Le  Fils  de  Dieu  envoie  ses  apôtres 
prêcher  l'Evangile  à  toutes  les  nations.  J'en  ferai,  dit-il,  un  seul 
troupeau  sous  un  même  pasteur  ' .  Si  ce  dessein  n'avoit  pas  été 
conçu  dans  le  ciel ,  il  seroit  le  plus  beau  qui  eût  pu  se  former  sur 
la  terre;  et  si  Jésus-Christ  n'étoit  pas  Dieu,  il  seroit  encore  le 
meilleur  et  le  plus  grand  des  hommes. 

Ceux-ci  étoient  moins  grossiers  et  moins  stupides  que  dans  les 
siècles  précédents  ;  aussi  les  signes  de  la  mission  du  Sauveur  n'ont 
point  été  des  prodiges  de  terreur,  mais  des  traits  de  bonté.  Les 
mœurs  étoient  plus  douces ,  mais  plus  voluptueuses  ;  il  falloit  une 
morale  austère  pour  les  corriger.  Une  philosophie  curieuse  et  té- 
méraire n'avoit  laissé  subsister  aucune  vérité  ;  il  falloit  des  mystères 
pour  la  confondre  et  pour  réprimer  ses  attentats.  Les  usages  de  la 
vie  civile  avoient  acquis  plus  de  décence  et  de  dignité  ;  il  fall'oit  un 
culte  noble  et  majestueux.  Les  connoissances  circuloient  d'une 
nation  à  une  autre;  la  tradition  unioei'selle  ou  la  catholicité  étoit 
donc  la  base  sur  laquelle  l'enseignement  devoit  être  fondé.  Telle 
est  en  effet  la  constitution  du  christianisme. 

Ce  n'est  pas  le  connoître  que  de  l'envisager  comme  une  religion 
nouvelle ,  isolée ,  qui  ne  tient  à  rien ,  qui  n'a  ni  titres ,  ni  ancêtres. 
Ce  caractère  est  l'ignominie  de  ses  rivales  ;  ainsi  elles  portent  sur 
leur  front  le  signe  de  leur  réprobation.  Le  christianisme  est  le  der- 
nier trait  d'un  dessein  formé  de  toute  éternité  par  la  Providence ,  le 
couronnement  d'un  édifice  commencé  à  la  création  ;  il  s'est  avancé 
avec  les  siècles  ,  il  n'a  paru  ce  qu'il  est  qu'au  moment  où  l'ouvrier 
y  a  mis  la  dernière  main.  Aussi  les  apôtres  nous  font  remarquer 
que  le  Verbe  étemel  qui  est  venu  instruire  et  sanctifier  les  hommes, 
est  celui-là  même  qui  les  a  créés ^.  Saint  Augustin,  dans  ses  livres 
de  la  Cité  de  Dieu,  envisage  la  vraie  religion  comme  une  ville 
sainte,  dont  la  construction  a  commencé  à  la  création,  et  ne  doit 
être  finie  que  quand  ses  habitants  seront  tous  réunis  dans  le  ciel. 

Ce  plan  sublime  n'a  pu  éclore  dans  l'esprit  d'un  homme  ;  il  em- 
brasse toute  la  durée  des  siècles  ;  ceux  mêmes  qui ,  dans  les  premiers 

»  Fietunumovileet  uniispas«or./oan.  c.  io,]S?.  i6.  —  ^  Joan. ,  c.  i;  Heb.,  c.  i. 


INTRODUCTION.  r, 

âges,  ont  concouru  à  son  exécution,  ne  le  connoissoient  pas.  C'est 
Jésus-Christ  qui  nous  l'a  révélé.  Saint  Jean ,  au  commencement  de 
son  évangile;  saint  Paul,  dans  sa  lettre  aux  Galates,  et  dans  Ig 
premier  chapitre  de  l'épître  aux  Hébreux ,  l'ont  clairement  déve- 
loppé. Le  christianisme  est  la  religion  du  sage ,  de  l'homme  par- 
venu à  l'âge  viril  et  à  la  maturité  parfaite  '. 

L'auteur  de  l'Ecclésiastique ,  qui  a  si  bien  présenté  les  deux 
premières  époques  de  la  révélation,  ne  pouvoit  peindre  la  troisième; 
il  l'a  précédée  de  plus  de  deux  cents  ans  ;  mais  il  prie  Dieu  d'ac- 
complir ses  promesses  et  les  prédictions  des  anciens  prophètes  ; 
«  afin,  dit-il,  que  l'on  reconnoisse  la  fidélité  de  ceux  qui  ont  parlé 
»  en  votre  nom ,  et  pour  apprendre  à  toutes  les  nations  que  tous  les 
•»  siècles  sont  présents  à  vos  yeux^.  » 

§  IV. 

Un  signe  non  équivoque  de  l'opération  divine  est  la  constance 
et  l'uniformité  ;  ce  caractère  brille  dans  la  nature ,  il  n'éclate  pas 
moins  dans  la  religion.  Dieu  n'a  point  enseigné  aux  hommes  dans 
un  temps  le  contraire  de  ce  qu'il  leur  avoit  dit  dans  un  autre  ;  mais 
à  certaines  époques  il  leur  a  révélé  des  vérités ,  dont  il  ne  les  avoit 
pas  encore  instruits  auparavant.  La  crojance  des  patriarches  n'a 
point  été  changée  par  les  leçons  de  Moïse  ;  le  symbole  des  chré- 
tiens, quoique  plus  étendu,  n'est  point  opposé  à  celui  des  Hébreux. 
Le  code  de  morale  donné  à  Adam  se  retrouve  dans  le  décalogue  ; 
celui-ci  a  été  renouvelé ,  expliqué  et  confirmé  par  Jésus-Christ  ; 
mais  la  religion  parfaite  et  immuable  dès  sa  naissance,  parce 
qu'elle  est  l'ouvrage  de  la  sagesse  divine ,  a  souvent  été  défigurée 
par  l'aveuglement  et  par  les  passions  de  l'homme.  Dieu  ne  change 
point  ;  l'homme  varie  continuellement.  Plus  il  oublie  et  méconnoît 
les  leçons  de  son  Créateur ,  plus  il  est  nécessaire  que  ce  père  sage 
et  bon  les  renouvelle,  les  rende  plus  étendues  et  plus  frappantes. 

Dans  les  égarements  de  l'homme ,  rien  d'uniforme  ;  la  vérité  est 
une,  les  erreurs  changent  à  l'infini^;  un  peuple  nie  ce  que  l'autre 
affirme,  les  opinions  d'un  siècle  sont  effacées  par  celles  du  siècle 
suivant.  Tantôt  les  philosophes  ont  enseigné  qu'il  y  a  autant  de 
dieux  que  d'êtres  dans  la  nature;  tantôt,  qu'il  n'y  en  a  point  du 

I  Ephes. ,  c.  4,  y .  i3.  -r  2  Eccli. ,  c.  36,  >^ .  i6.  —  3  Thdod. ,  de  Prov. ,  oral,  i , 
p.  321. 


6  INTRODUCTION, 

tout.  Dans  un  temps,  ils  ont  confondu  la  Divinité  avec  l'âme  du 
monde  ;  dans  un  autre ,  ils  ont  cru  que  Dieu  étoit  l'artisan  du 
inonde,  mais  qu'il  ne  se  mêloit  point  de  le  gouverner.  Les  uns 
nous  ont  accordé  une  âme,  les  autres  nous  l'ont  refusée;  ceux-là 
comtattoient  pour  la  liberté  humaine ,  ceux-ci  pour  la  fatalité  ;  telle 
secte  croyoit  à  la  vie  future,  telle  autre  n'y  ajoutoit  point  de  foi. 
Les  plus  anciens  enseignèrent  une  morale  assez  pure  ;  leurs  succes- 
seurs la  corrompirent,  ou  la  sapèrent  par  les  fondements.  Dans 
tous  les  lieux  du  monde  on  raisonnoit  sur  la  religion  ;  dans  aucun 
l'on  n'osoit  y  toucher,  de  peur  de  la  rendre  pire.  Le  peuple  suivoit 
à  l'aveugle  les  leçons  de  ses  conducteurs  et  la  tradition  de  ses  an- 
cêtres :  fables,  contradictions,  dérèglement  partout. 

Au  milieu  de  cette  nuit  profonde ,  im  rayon  de  vérité  brille  dans 
un  coin  de  l'univers ,  une  religion  pure  y  subsiste  ;  elle  descend  en 
droite  ligne  du  premier  homme,  par  conséquent  du  Créateur;  elle 
s'est  perpétuée  dans  une  seule  branche  de  familles  successives. 
Lorsqu'elle  est  prête  à  s'éteindre,  Dieu  paroît  de  nouveau  et  se  fait 
entendre  :  il  parle  en  maître  souverain  de  la  nature  ;  les  Hébreux 
étonnés  tremblent,  écoulent  dans  le  silence.  Il  faut  les  séparer  de 
toutes  les  nations  livrées  à  l'erreur,  les  assujétir  par  une  loi  sévère. 
Vingt  fois  ils  veulent  en  secouer  le  joug ,  autant  de  fois  ils  sont 
forcés  de  le  reprendre.  Lors  même  qu'ils  y  paroissent  le  plus  sou- 
mis ,  ils  en  prennent  les  dogmes  de  travers  ,  en  corrompent  la  mo- 
rale, altèrent  le  sens  des  promesses  divines.  Dieu  cependant  est 
fidèle  à  les  accomplir  ;  au  moment  qu'il  a  marqué  d'avance ,  son 
Verbe  incamé  paroît  parmi  les  hommes ,  revêtu  de  tous  les  carac- 
tères de  la  Divinité.  Annoncé  par  les  prophètes,  attendu  par  les 
justes ,  précédé  par  des  prodiges ,  né  du  sang  le  plus  noble  qu'il  y 
eût  dans  l'univers ,  il  reçoit  le  nom  de  Sauoeur;  admirable  par  sa 
doctrine ,  étonnant  par  ses  miracles ,  respectable  par  ses  vertus , 
aimable  par  s&s  bienfaits ,  il  prêche  le  royaume  des  cieux.  Mais 
cette  lumière  luit  dans  les  ténèbres  :  il  est  méconnu,  rejeté,  con- 
damné par  la  nation  même  qu'il  venoit  instruire  et  sauver.  Il 
meurt ,  ressuscite ,  monte  au  ciel ,  ordonne  et  prédit  la  conversion 
du  monde  :  elle  s'accomplit  ;  le  christianisme  est  établi  ;  il  subsiste 
depuis  dix-huit  cents  ans ,  malgré  les  efforts  renaissants  des  incré- 
dules de  tous  les  siècles.  Voilà  le  tableau  de  la  religion.  On  ne 
peut  y  méconnoître  la  main  de  l'intelligence  toute-puissante  et  éter- 


INTRODUCTION.  7 

nelle ,  qui  d'un  coup  d'oeil  embrasse  tous  les  siècles  ' ,  voit  toutes  les 
révolutions  que  doivent  subir  ses  créatures  ,  trace  dès  le  premier 
instant  le  plan  qu'elle  suivra  dans  toute  la  durée  des  temps . 

Pour  en  saisir  l'ensemble,  nous  avons  trois  signes  qu'il  ne  faut 
pas  séparer.  Dans  l'histoire  de  la  religion  que  nous  présentent  les 
écrivains  sacrés ,  nous  voyons  : 

i.°  Une  chaîne  de  faits  qui  se  succèdent,  qui  ne  laissent  aucun 
vide,  où  l'on  ne  peut  rien  déplacer.  L'ordre  des  générations  et  des 
événements  nous  conduit  d'Adam  à  Noé,  de  Noé  à  Abraham,  de 
celui-ci  à  Moïse,  de  Moïse  à  Jésus-Christ.  La  création  et  la  chute 
de  l'homme ,  le  déluge  universel  et  la  dispersion  des  peuples ,  la 
vocation  d'Abraham  et  les  prédictions  qui  regardent  sa  postérité, 
sont  trois  grandes  époques  auxquelles  se  rappellent  les  faits  inter- 
médiaires ,  et  qui  préparent  de  loin  la  révélation  donnée  par  Moïse. 
Celle-ci  nous  fait  envisager  la  venue  du  Messie  et  la  conversion  des 
peuples ,  comme  le  terme  auquel  tous  ces  préparatifs  doivent  abou- 
tir. Voilà  un  plan  général ,  un  dessein  suivi ,  qui  démontre  que  rien 
n'est  arrivé  par  hasard ,  et  que  rien  n'a  été  écrit  sans  raison  ;  ce 
n'est  point  ainsi  que  sont  tissues  les  annales  mensongères  des  autres 
peuples  y  auxquelles  les  philosophes  trouvent  bon  de  donner  la  pré- 
férence. 

2.°  Une  chaîne  de  vérités  prouvées  par  ces  faits  mêmes ,  toujoui-s 
relatives  aux  besoins  actuels  et  à  la  situation  dans  laquelle  se  trouve 
le  genre  humain.  Sous  la  première  époque,  tout  concourt  à  incul- 
quer ce  dogme  capital,  qu'il  y  a  un  seul  Dieu  créateur,  dont  la 
providence  dirige  tous  les  événements ,  et  qu'il  gouverne  en  maître 
absolu  le  monde  qu'il  a  tiré  du  néant.  Sous  la  seconde,  tout  se 
rapporte  à  démontrer  que  ce  même  Dieu  est  le  fondateur  de  la 
société  civile ,  l'arbitre  souverain  de  la  destinée  des  peuples ,  qu'il 
les  place  et  les  déplace ,  les  élève  ou  les  humilie ,  les  éclaire  ou  les 
laisse  dans  l'aveuglement,  comme  il  lui  plaît.  Sous  la  troisième,  le 
but  principal  de  la  révélation  est  de  nous  convaincre  que  Dieu  est 
encore  l'auteur  de  la  sanctification  de  l'homme ,  que  le  salut  n'est 
point  l'ouvrage  de  la  volonté  seule ,  mais  de  la  grâce  divine  et  dea 
mérites  du  Médiateur. 

'  Tu  es  Deua  conspcctor  saeculorum.  Eccli. ,  c.  36 ,  ^.  19. 


g  INTRODUCTION. 

Ainsi,  depuis  la  notion  du  Créateur,  et  la  première  promesse 
faite  à  l'homme  pécheur,  l'étendue  et  la  clarté  de  la  révélation  va 
toujours  en  augmentant,  à  mesure  que  l'homme  devient  capable  de 
leçons  plus  amples  et  plus  parfaites,  jusqu'à  la  manifestation  pleine 
et  entière  de  la  grâce  et  de  la  vérité  par  Jésus-Christ.  Par  la  révé- 
lation primitive,  la  loi  naturelle  ne  paroît  connue  qu'autant  qu'il 
étoit  nécessaire  pour  la  prospérité  des  familles ,  et  pour  engager  les 
hommes  à  se  rapprocher.  Dieu  tolère,  dans  les  patriarches,  des 
abus  qui  dévoient  être  retranchés  dans  la  suite  des  temps,  mais 
qu'il  eût  été  difficile  d'arrêter  pour  lors ,  et  qui  ne  pouvoient  encore 
produire  d'aussi  mauvais  effets  que  chez  les  peuples  mieux  civilisés. 
La  loi  de  Moïse  supprime  ou  diminue  une  partie  de  ces  abus  :  mais 
le  droit  des  gens,  ou  le  droit  d'une  nation  à  l'égard  d'une  autre ,  est 
encore  très-peu  connu.  Il  étoit  nécessaire  que  les  Hébreux  demeu- 
rassent isolés  et  dans  l'état  de  séparation  dans  lequel  tous  les  peu- 
ples vivoient  pour  lors.  C'est  seulement  par  l'Evangile,  que  les 
grands  principes  de  morale  sociale,  de  charité  universelle,  d'Au- 
manité ,  ont  été  enfin  développés  ;  les  anciens  philosophes  n'en 
étoient  pas  mieux  instruits  que  les  autres  hommes.  Ici  on  reconnoît 
encore  la  sagesse  de  la  Providence,  qui  ne  donne  à  s,e.s  enfants  que 
les  leçons  dont  ils  sont  susceptibles ,  et  n'exige  d'eux  des  vertus 
que  selon  le  degré  de  leurs  connoissances. 

3.°  Une  chaîne  d'erreurs  et  d'égarements  chez  les  hommes  in- 
dociles; erreurs  qui  viennent  toujours  de  la  même  source,  de  leur 
révolte  contre  l'autorité  divine.  Sous  la  loi  de  nature,  ceux  qui  se 
sont  écartés  de  la  tradition  domestique,  sont  tombés  dans  le  poly- 
théisme et  y  ont  persévéré  ;  ils  ont  adoré  les  ouvrages  du  Créateur 
sans  l'adorer  lui-même  ;  leur  culte  n'a  été  qu'un  chaos  de  profana- 
tions. Tel  est  encore  l'état  des  peuples  chez  lesquels  le  flambeau  de 
la  révélation  ne  s'est  point  rallumé  ;  aucun  progrès  de  la  raison 
humaine,  pendant  soixante  siècles,  n'a  été  capable  de  les  en  tirer. 
Sous  la  loi  mosaïque ,  lorsque  les  Juifs  ont  méconnu  leur  tradition 
nationale,  ils  se  sont  plongés  dans  l'idolâtrie,  comme  toutes  les 
nations  voisines  ;  ils  ont  adoré  l'ouvrage  de  leurs  mains ,  sont  de- 
venus aussi  aveugles  que  si  Dieu  n'avoit  jamais  daigné  les  instruire. 
Dans  le  sein  du  christianisme,  quiconque  abandonne  la  tradition 
uniocrselle  ou  la  catholicité,  tombe  dans  l'hérésie  ,  qui  n'est  qu'une 
philosophie  erronée  ;  mais  s'il  raisonne  de  suite ,  il  n'y  demeure  pas 
long-temps,  il  passe  rapidement  au  déisme,  au  matérialisme,  au 


INTRODUCTION.  9 

pyrrhonisine  absolu  :  ou  il  adore  le  Dieu  de  Spinosa,  ou  il  n'adore 
rien  du  tout.  Nous  verrons  dans  un  moment  le  tissu  des  consé- 
quences qui  conduisent  à  cet  abîme  ;  l'enchaînement  n'en  fut  jamais 
aperçu  par  ceux  mêmes  qui  s'y  trouvent  enlaces. 

§  VI. 

Parmi  tous  ces  grands  génies  qui  attaquent  aujourd'hui  la  reli- 
gion ,  en  est-il  quelqu'un  qui  ait  entrepris  de  renverser  le  plan  gé- 
néral de  la  révélation  ,  ou  qui  ait  fait  de  fortes  objections  pour  le 
détruire  ?  Pas  un  seul  ne  s'en  est  seulement  douté.  A  les  entendre, 
il  semble  que  la  religion  soit  un  hors-d'œuvre  dans  la  société ,  et 
que  l'on  ne  sache  pas  d'où  elle  est  venue  ;  que  Jésus-Christ  soit 
arrivé  sur  la  terre  sans  être  prévu  ni  attendu  ;  que  le  christianisme 
soit  le  résultat  des  idées  d'un  homme  singulier,  qui  a  rêve  qu'il 
éloit  destiné  à  changer  la  face  de  l'univers. 

Ce  n'est  point  ainsi  qu'il  est  représenté  dans  nos  Livres  saints. 
«  Jésus-Christ ,  disent  ses  apôtres ,  n'est  pas  seulement  d'aujour- 
»  d'hui,  il  étoit  hier,  et  le  même  pour  tous  les  siècles  '.  Il  étoit  dans 
»  les  décrels  éternels  avant  la  naissance  du  monde ^.  C'est  l'agneau 
»  immolé  dès  la  création^.  L'ouvrage  qu'il  a  consommé  développe 
»  enfin  un  mystère  caché  dans  le  sein  de  Dieu ,  dès  le  commence- 
»  ment  des  siècles  ,  et  fait  comprendre  la  sagesse  de  sa  conduite  et 
»  de  ses  desseins  éternels  *.  j>  Jésus-Christ  a  fait  de  l'ancien  et  du 
nouveau  Testament  une  seule  et  même  alliance^,  Conséquemment 
saint  Augustin  soutient  que  le  christianisme  a  existé  depuis  la  créa- 
tion^; et  M.  Bossuet,  que  la  religion  est  la  même  depuis  l'ori- 
gine du  monde?. 

Entreprendre  de  prouver  la  vérité  et  la  divinité  du  christia- 
nisme ,  sans  avoir  égard  aux  deux  époques  de  la  révélation  qui  ont 
précédé,  ce  seroit  lui  dérober  la  plus  frappante  de  ses  preuves, 
juger  du  coin  d'un  tableau  sans  envisager  l'ensemble  ,  mettre 
notre  religion  de  niveau  avec  celles  des  Indiens  et  des  Chinois. 
Non ,  elle  tient  à  l'origine  du  monde ,  et  doit  durer  autant  que  lui. 
Les  autres  ne  sont  que  des  excrescences  ou  des  taches  qui  obscur- 
cissent ou  défigurent  le  plan  général ,  ou  tout  au  plus  des  ombres 
qui  ne  servent  qu'à  mieux  faire  sortir  les  traits  de  lumière. 

«  lleb.  c.  1 3 ,  >^.  8.  —  2  I.  Peir.  c.  i  ,  :ji/".  20.  —  3  Apoc.  c.  i3  ,  ^ .  8.  — ♦  Eph. 
c,  3,  ^.9  et  10.  —  5  Fecit  utraquc  unum.Eph.,  c.  2,  yï.  14.  —  6  Relract. ,  1.  1, 
c.  i3,  n.  3.  Ep.  I02,q.2.  —  7  Discours  sur  rHi'st.unlv.,  2.  i>iirl.  ^3Tt.  I» 


,o  INTPlODUCTION. 

De  même  que  la  religion  domestique  des  patriarches  n'a  dû 
persévérer  que  jusqu'au  moment  où  les  peuplades  dispersées  se 
rassembleroient  pour  former  des  corps  de  nation  ,  ainsi  la  religiun 
nationale  des  Hébreux  n'a  dû  se  maintenir  que  jusqu'à  l'époque  à 
laquelle  les  peuples  mieux  civilisés  seroient  capables  de  composer 
une  société  religieuse  universelle.  En  suivant  le  fil  de  l'histoire  ,  on 
voit  que  cette  constitution  même  du  christianisme  a  empêché  les 
peuples  de  l'Europe  de  retomber  dans  la  barbarie.  Une  quatrième 
révélation  générale  est  donc  impossible  ;  elle  ne  scroit  plus  ana- 
logue à  aucun  état  de  la  nature  humaine.  Tant  que  l'univers  sera 
policé ,  il  doit  être  chrétien  ;  il  ne  peut  être  bien  civilisé  que  par 
l'Evangile.  Jésus-Christ  a  embrassé  dans  son  plan  toute  la  durée 
du  monde  ,  lorsqu'il  a  promis  à  son  Eglise  d'être  avec  elle  jusqu'à 
la  consommation  des  siècles.  Long-temps  avant  la  mission  de  Moïse, 
le  Messie  avoit  été  annoncé  comme  un  législateur  qui  devoit  ras- 
sembler les  peuples  ;  aucune  prophétie  ne  nous  parle  d'un  nouvel 
envoyé  :  lorsque  Dieu  lui-même  a  daigné  nous  instruire  en  per- 
sonne ,  quel  pourroit  être  le  maître  capable  de  nous  donner  de 
meilleures  leçons  ? 

Jésus-Christ  a  reçu  de  son  Père  le  souverain  domaine  sur  toutes 
choses  ' ,  tout  a  été  créé  par  lui  et  pour  lui ,  rien  ne  subsiste  qu'en 
lui^  ;  son  règne  dans  le  ciel  est  éternel^ ,  et  il  ne  cessera  sur  la  terre 
que  quand  tous  ses  ennemis  seront  abattus  à  ses  pieds  *. 

§VIL 

Origine  et  progrès  de  rincrédulité. 

D'où  peut  donc  venir  l'irréligion,  qui  de  nos  jours  s'est  répandue 
dans  l'Europe  entière  ?  La  peste  noire,  qui  au  quatorzième  siècle 
ravagea  une  partie  de  notre  hémisphère  ,  ne  fit  pas  des  progrès  plus 
rapides.  Les  auteurs  sacrés  ont  constamment  attribué  à  l'esprit  de 
ténèbres  les  erreurs  des  hérétiques ,  les  superstitions  des  idolâtres  , 
les  artifices  malicieux  des  incrédules  ' ,  et  Us  nous  ont  appris  à  con- 
noître  les  moyens  dont  il  se  sert.  Disons-le  hardiment ,  nous  n'a- 
vons que  trop  de  preuves  à  produire;  l'incrédulité  est  fille  de  l'i- 
gnorance :  dans  un  siècle  qui  se  croit  très-instruit,  la  religion  n'est 
pas  connue.  Mais  cette  ignorance  même  tient  à  d'autres  causes  ;  il 

iMaUb.,  c.  II,  f.  ay.  —  2  Coloss. ,  c.  i,S.  16  et  17.  —  3  II.  Pet.,  c.  i. 

V.11.-4I.  Cor.,  c.  i5,  f.  25.  — 5Ephes.,c.5,?^.  12. 


INTRODUCTION.  ,, 

en  est  de  générales  et  de  particulières  ;  l'histoire  en  est  tracée  dans 
celle  des  peuples  qui  nous  ont  précédés. 

Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  cette  maladie  épidémique  a 
paru  dans  le  monde.  Les  Grecs  ,  parvenus  au  comble  de  la  pro- 
spérité par  leurs  victoires  sur  les  Perses ,  se  précipitèrent  dans  l'é- 
picuréisme  ;  Rome ,  maîtresse  du  monde ,  chargée  des  dépouilles 
de  l'Asie ,  fit  entrer  dans  ses  murs  avec  le  luxe  cette  odieuse  philo- 
sophie; les  Juifs,  délivrés  de  la  persécution  des  rois  de  Syrie,  cl 
enrichis  par  le  commerce  d'Alexandrie,  virent  éclorele  saducéisme, 
qui  n'étoit  qu'un  épicuréisme  grossier.  Selon  les  observations 
de  plusieurs  politiques  modernes,  les  mêmes  vaisseaux  qui  ont  voi- 
ture dans  nos  porls  les  trésors  du  Nouveau  Monde ,  ont  dû  y  ap- 
porter le  germe  de  l'irréligion ,  avec  la  maladie  honteuse  qui  em- 
poisonne les  sources  de  la  vie. 

A  la  suite  du  luxe  ,  marche  la, philosophie,  qui  n'est  elle-même 
qu'un  luxe  de  connoissances.  Une  nation  qui  s'applaudit  d'avoir 
quitté  les  mœurs  agrestes  de  ses  aïeux ,  se  fait  presque  un  point 
d'honneur  de  renoncer  à  leur  croyance.  Ne  seroit-il  pas  aussi  indé- 
cent de  conserver  l'antique  religion  de  nos  pères  ,  que  de  porter  les 
mêmes  habits?  L'esprit,  devenu  calculateur,  suppute  les  avantages 
d'une  nouvelle  façon  de  penser,  comme  il  estime  le  produit  d'un 
nouveau  commerce ,  ou  d'une  branche  d'industrie  ;  nos  philosophes 
ont  porté  l'exactitude  jusqu'à  évaluer  la  dépense  du  pain  bénit  et 
des  cierges'  :  bientôt  l'on  marchande  combien  coûte  la  vertu,  et 
l'on  juge  ordinairement  qu'elle  est  trop  chère. 

Chez  un  peuple  corrompu  par  l'amour  effréné  des  plaisirs , 
plus  la  religion  est  sainte ,  plus  elle  doit  devenir  odieuse  ;  sa  mo- 
rale se  trouve  si  éloignée  du  ton  général  des  moeurs,  qu'elle  ne  peut 
manquer  de  paroître  impraticable  :  l'esprit,  énervé  par  les  foi- 
blesses  du  cœur,  n'envisage  plus  cette  morale  qu'avec  effroi.  On 
,est  descendu  de  sa  hauteur  par  une  pente  imperceptible  ;  on  ne  se 
sent  plus  assez  de  force  pour  regagner  le  sommet.  On  argumente 
pour  prouver  qu'il  est  inaccessible,  que  la  tête  y  tourne  ,  que  l'on 
ne  peut  y  respirer  :  les  philosophes  ,  qui  promettent  de  le  démon- 
trer, sont  sûrs  de  trouver  des  auditeurs  dociles.  Les  uns  et  les 
autres  s'applaudissent  de  leur  sagacité,  vantent  les  progrès  des  lu- 
mières du  siècle,  donnent  l'irréhgion  comme  le  résultat  des  con- 
noissances qu'ils  ont  acquises:  ce  n*estque  l'effet  des  vices  qu'ils 

•  Encyclop. ,  Pain  Wnil. 


„  INTRODUCTION. 

ont  contractés.  Si  nous  pouvions  nous  flatter  d'avoir  plus  de  vertus 
que  nos  pères ,  il  nous  serolt  permis  de  penser  que  nous  sommes 
aussi  beaucoup  plus  éclairés. 

Les  panégyristes  même  du  siècle  présent  nous  font  remarquer 
que  «  l'âge  de  la  philosophie  annonce  la  vieillesse  des  empires , 
»  qu'elle  s'efforce  en  vain  de  soutenir.  C'est  elle  qui  forma  le  der- 
»  nier  siècle  des  belles  républiques  de  la  Grèce  et  de  Rome.  Athènes 
M  n'eut  de  philosophes  que  la  veille  de  sa  ruine ,  qu'ils  semblèrent 
»  prédire.  Cicéron  et  Lucrèce  n'écrivirent  sur  la  nature  des  dieux 
»  et  du  monde  qu'au  bruit  des  guerres  civiles  qui  creusèrent  le 
»)  tombeau  de  la  liberté'.  »  Triste  réflexion  !  Si  les  flambeaux  de 
la  philosophie  n'étoient  que  des  torches  funèbres  destinées  à  éclai- 
rer les  funérailles  du  patriotisme  et  de  la  vertu ,  il  devroit  être  dé- 
fendu ,  sous  peine  de  la  vie  ,  de  les  allumer  jamais. 

Un  autre  spéculateur  observe  que  le  laboureur  est  nécessaire- 
ment superstitieux  ,  le  matelot  impie ,  le  guerrier  fataliste  ,  l'habi- 
tant des  villes  indifi'érent^.  Quelle  philosophie  que  celle  qui  dé- 
pend de  la  profession  que  l'on  exerce,  ou  du  séjour  que  l'on  habite  ! 

Mais  il  est  bon  de  voir  par  quels  progrès  insensibles ,  par  quel 
enchaînement  de  conséquences  elle  est  parvenue  à  ce  point  à'indij- 
jcrence ,  que  l'on  veut  nous  faire  envisager  comme  le  comble  de 
la  sagesse. 

§vm. 

Il  y  a  un  fait  constant ,  et  dont  plusieurs  philosophes  sont  con- 
venus, c'est  que  les  nations  féroces  qui  ravagèrent  l'Europe  au 
cinquième  siècle  et  dans  les  âges  suivants,  auroient  étouffé  jusqu'au 
dernier  germe  des  connoissances  humaines ,  si  la  religion  n'avoit 
opposé  des  barrières  à  leur  fureur.  Les  ecclésiastiques,  obligés  à 
l'étude  par  leur  état ,  conservèrent  une  foible  teinture  des  sciences 
qui  avoient  été  cultivées  sous  la  domination  des  Romains.  Il  y  eut 
toujours  des  écoles  établies  dans  l'enceinte  des  chapitres  et  des  mo- 
nastères ,  pour  l'instruction  de  la  jeunesse  ;  le  nom  de  clerc  devint 
synonyme  avec  celui  de  lettré.  La  langue  latine  consacrée  aux  of- 
fices de  l'Eglise,  quoique  fort  déchue  de  son  ancienne  pureté, 
fut  dans  la  suite  un  secours  pour  reprendre  la  lecture  des  anciens 
auteurs.  Dans  le  loisir  du  cloître,  les  moines  s'occupèrent  à  ras- 

«  Hist.  des  êtabl.  des  Europ.  dans  tes  Indes,  tome  VII ,  c.  1 3.  —  *  Aux  Mânes 
de  Louis  XV,  tome  I ,  p.  297. 


INTRODUCTION.  ,3 

sembler  et  à  copier  les  écrits  que  le  génie  destructeur  des  Barbares 
avoit  épargnés  :  à  la  renaissance  des  lettres  ,  les  archives  des  églises 
et  des  monastères  ont  été  les  uniques  dépôts  où  l'on  a  retrouvé  les 
monuments  des  siècles  précédents. 

La  pompe  extérieure  du  culte  divin  contribuoit  à  entretenir  un 
reste  de  goût  pour  les  arts  ;  les  rapports  nécessaires  avec  le  siège 
de  Rome,  et  les  pèlerinages  de  dévotion,  furent  pendant  long-temps 
le  seul  lien  de  communication  entre  les  différentes  nations  de  l'Eu- 
rope ;  la  ireoe  de  Dieu,  établie  par  un  motif  de  religion,  suspendit 
par  intervalles  les  ravages  de  la  guerre.  Un  des  objets  de  l'institu- 
tion de  plusieurs  fêtes  fut  d'interrompre  les  travaux  des  serfs, 
accablés  sous  la  tyrannie  féodale.  Avant  l'établissement  des  foires  et 
des  marchés  publics ,  les  apports,  ou  le  concours  des  peuples  aux 
fêtes  et  aux  tombeaux  des  saints ,  furent  le  rendez-vous  ordinaire 
des  négociants  '. 

Si  donc  il  s'est  trouvé  quelques  vestiges  d'humanité,  de  mœurs , 
de  police ,  de  lumières ,  parmi  les  hommes  au  quinzième  siècle , 
c'est  incontestablement  au  christianisme  que  l'on  en  est  redevable'. 
Sans  la  résistance  que  le  zèle  de  la  religion  opposa  aux  tentatives 
réitérées  des  mahométans,  ils  auroient  envahi  l'Italie  et  les  Gaules; 
tout  étoit  perdu. 

Lorsque  les  premiers  littérateurs  commencèrent  à  reprendre  le 
fil  des  connoissances  humaines ,  on  n'avoit  pas  lieu  de  prévoir  que 
leurs  successeurs  se  serviroient  bientôt ,  pour  attaquer  la  religion  , 
des  secours  marnes  qu'elle  leur  avoit  conservés ,  et  toumeroierit 
contre  elle  les  armes  qu'ils  avoient  reçues  de  sa  main  :  la  révolution 
fut  aussi  prompte  qu'elle  avoit  été  imprévue. 

Il  étoit  impossible  qu'au  milieu  des  ténèbres  qui  avoient  cou- 
vert la  face  de  l'Europe  pendant  plusieurs  siècles ,  il  ne  se  fût  glissé 
des  abus  dans  la  religion  ,  que  les  mœurs  du  clergé  ne  se  sentissent 
de  la  licence  qui  avoit  régné  dans  tous  les  états  ;  c'est  de  là  que  l'on 
est  parti  pour  lancer  les  premiers  traits  contre  la  constitution  même 
du  christianisme. 

Ceux  qui  s'annoncèrent  au  seizième  siècle,  sous  le  titre  de  ré- 
formateurs, sentirent  ces  abus  ;  ils  crurent  y  remédier  en  détruisant 
le  principe  auquel  ils  les  attribuoient,  savoir ,  l'autorité  de  l'Eglise. 
Ils  ne  virent  pas  qu'ils  faisoient  une  brèche  par  laquelle  toutes  les 

'  La  première  foire  franche  en  France  a  commence  à  Saint-Denys.  Hist.  des  eta  • 
hliss.  des  Europ.  dfins  les  Indes,  t.  II,  p.  a. —  2  Vues  philos  de  Prcmontval, 
t.  I ,  p,  i54  ;  Hume ,  Hist.  de  la  maison  de  Tudor ,  tome  II,  p.  <y 


i4  INTRODUCTION. 

erreurs  alloient  bientôt  pénétrer  ;  que  pour  renverser  successive- 
ment tous  les  dogmes  et  les  fondements  même  de  la  foi  chrétienne, 
il  n'y  avoit  qu'à  suivre  la  route  qu'ils  venoient  de  tracer.  En  effet, 
bientôt  en  imitant  leur  méthode,  les  sociniens  rejetèrent  tous  les 
dogmes  qui  leur  parurent  incompréhensibles,  citèrent  au  tribunal 
de  la  raison  les  oracles  de  la  parole  divine.  Instruits  par  cet  exem- 
ple ,  les  déistes  ne  voulurent  plus  admettre  aucune  révélation  ,  ré- 
voquèrent en  doute  plusieurs  vérités  de  la  religion  naturelle.  Enfin 
le  matérialisme,  armé  de  leurs  arguments,  osa  lever  sa  tête  altière, 
et  nier  l'existence  de  Dieu.  Les  sceptiques ,  frappés  du  choc  de  ces 
divers  systèmes  ,  conclurent  qu'il  n'y  a  rien  de  certain  ;  qu'en  fait 
de  religion  et  de  morale ,  un  philosophe  doit  s'en  tenir  au  doute  ab- 
solu. Delà  est  née  V indifférence  pour  toutes  les  opinions  ,  à  laquelle 
on  donne  le  nom  de  tolérance.  Dans  l'excès  du  délire  ,  l'esprit  hu- 
main ne  peut  aller  plus  loin. 

§IX. 

Cette  progression  surprenante  est  clairement  marquée  par  les 
époques  des  personnages  qui  ont  été  à  la  tête  de  ces  différents  par- 
tis ,  et  par  la  date  de  leurs  ouvrages.  Luther  commença  de  dogma- 
tiser en  iSij  ;  Calvin  en  i532  ;  Lelio ,  Socin  et  Grentilis,  vers 
i55o.  Viret,  l'un  des  réformateurs,  a  parlé  des  premiers  déistes 
dans  son  instruction  chrétienne,  en  i563.  Vanini,  athée  décidé, 
fut  exécuté  en  1619.  Spinosa  n'a  paru  que  quarante  ans  après  ; 
La  Motte-le-Vayer  et  Bayle  ,  deux  sceptiques  ,  ont  écrit  sur  la  fin 
de  ce  même  siècle  ;  Montagne  les  avoit  précédés. 

En  Angleterre,  les  progrès  de  l'incrédulité  ont  été  les  mêmes. 
Après  les  divers  combats  des  différentes  sectes  protestantes  et  so- 
ciniennes,  le  déisme  y  eut  des  prosélytes.  Le  lord  Herbert  de  Cher- 
bury,  premier  auteur  anglais  qui  l'ait  réduit  en  système ,  publia  son 
livre  de  Veritate,  en  iGa^.-  Hobbes  ,  ToUand,  Blount,  Shaftsbury, 
Tindal,  Morgan,  Chubb,  Collins,  "VS^oolston,  Bolingbrocke ,  sont 
venus  à  la  suite.  Ce  dernier,  de  même  que  Hobbes  et  Tolland,  a 
semé  des  principes  d'athéisme  dans  ses  ouvrages  ;  David  Hume , 
plus  récent,  a  professé  le  scepticisme  dans  les  siens. 

Nos  incrédules  Français  ,  qui  parlent  aujourd'hui  si  haut ,  n'ont 
été  que  les  copistes  des  Anglais  ;  c'est  un  fait  aisé  à  vérifier.  Ils  ont 
commencé  par  enseigner  le  déisme  ;  insensiblement  ils  en  sont  ve- 
nus au  matérialisme  pur  ;  pour  achever  la  dégradation,  le  pyrrho- 


INTRODUCTION.  ,5 

nisnie  absolu  se  montre  à  découvert  dans  la  plupart  de  leurs  livres. 
Nous  citerons  ci-après  quelques-unes  de  leurs  maximes'. 

Ce  phénomène  ,  constamment  renouvelé  ,  ne  peut  être  un  effet 
du  hasard  ;  déjà  on  l'avoit  remarqué  chez  les  anciens  philosophes. 
Trois  cents  ans  avant  notre  ère  ,  les  dogmes  de  la  religion  naturelle 
et  de  la  morale  avoient  été  trop  foiblement  établis  par  Pythagore,  par 
Socrate ,  Platon  et  Aristote  ,  qui  avoient  précédé  cette  époque  ;  ils 
avoient  mêlé  des  erreurs  à  ces  vérités  essentielles.  Les  épicuriens 
et  les  cyniques  qui  parurent  alors,  attaquèrent,  les  uns  l'existence 
de  la  Divinité  ou  du  moins  sa  providence  ;  les  autres  ,  les  lois  de  la 
morale.  Leurs  égarements  furent  remplacés  par  les  hypothèses  de 
Pyrrhon  et  de  ses  descendants  ,  qui  ne  vouloient  admettre  aucune 
vérité. 

Il  n'en  faut  pas  davantage  pour  convaincre  un  esprit  droit ,  non- 
seulement  de  la  nécessité  de  la  révélation ,  mais  du  besoin  que 
nous  avons  d'une  autorité  visible  pour  nous  guider  en  matière  de 
religion  :  l'une  de  ces  vérités  découle  évidemment  de  l'autre.  L'au- 
teur de  l'article  Unitaires,  dans  l'Encyclopédie,  a  très-bien  mon- 
tré la  progression  que  doit  faire  un  raisonneur,  dès  qu'il  a  franchi 
la  barrière  de  l'autorité^.  Sur  ce  point  important,  les  principes  sont 
exactement  d'accord  avec  les  faits ,  ils  servent  d'appui  les  uns  aux 
autres. 


Le  premier  essai  des  novateurs  fut  d'attaquer  l'autorité  de  la 
tradition  :  ils  ne  virent  pas  qu'en  renversant  la  tradition  des  dogmes, 
ils  sapoient  du  même  coup  la  tradition  des  faits.  Car  enfin  on  ne 
conçoit  pas  pourquoi  il  est  plus  difficile  aux  hommes  de  rendre  té- 
moignage de  ce  qu'ils  ont  entendu ,  que  d'attester  ce  qu'ils  ont  vu  : 
s'ils  sont  indignes  de  croyance  sur  le  premier  chef,  nous  ne  voyons 
pas  quelle  confiance  on  peut  leur  accorder  sur  le  second.  Dès  que 
la  tradition  des  faits  est  aussi  caduque  et  aussi  incertaine  que  la 
tradition  des  dogmes ,  le  christianisme  ne  peut  se  soutenir  ;  il  est 
appuyé  sur  des  faits.  Tous  les  arguments  que  l'on  a  rassemblés 

'  Les  sectateurs  des  divers  systèmes  d'incre'dulité  ne  sont  appuyés  sur  aucune 
preuve  positive  ,  mais  sur  les  difficultés  qu'ils  voient  dans  les  opinions  de  leurs  ad- 
versaires. Des  difficultés  et  des  objections  peuvent  inspirer  des  doutes  ;  elles  n'o- 
pèrent point  la  conviction.  En  général  les  incrédules  sont  flottants  ,  incertains,  et 
non  persuadés.  —  2  Voyez  encore  Bayle  ,  DLcl.  Cri/.,  aï\..  Acosla.  Apol.  pour  les 
cathol.    t.  2  ,  r.  4- 


i6  INTRODUCTION. 

contre  l'infaillibilité  de  la  tradition  dogmatique  ,  ont  donc  servi  à 
ébranler  en  général  toute  certitude  morale  ou  historique'.  Celle-ci 
étant  intimement  liée  à  la  certitude  physique ,  comme  nous  le  fe- 
rons voir,  les  coups  portés  à  l'une  ne  pouvoient  manquer  de  re- 
tomber sur  l'autre.  Quand  on  est  parvenu  à  douter  des  vérités  phy- 
siques ,  il  ne  reste  qu'un  pas  à  faire  pour  contester  les  principes 
métaphysiques  sur  lesquels  portent  nos  raisonnements.  A  propre- 
ment parler ,  ces  trois  espèces  de  certitude  sont  appuyées  sur  le 
même  fondement ,  sur  le  sens  commun  ^  ;  l'on  ne  peut  donner  at- 
teinte à  l'une,  sans  diminuer  la  force  des  autres. 

*  Voyez  Daillé,  de  usu  Patrum. 

*  V.  Beatties,  an  essai  on  the  Nature  ad  immutabilityof  Tnith. 

«  A  proprement  parler  ,  dit  M.  Bergier,  ces  trois  espèces  de  certitude  ,  c'est-à- 
»  dire,  la  certitude  métaphysique,  la  certitude  physique  et  la  certitude  moi'ale , 
»  sont  appuyées  sur  le  même  fondement  sur  le  sens  commun.  »  Cette  proposition 
n'est  point  une  assertion  irréfléchie  delà  part  de  l'auteur;  elle  s'accorde  parfaite- 
ment avec  la  doctrine  qu'il  a  développée  dans  ses  ouvrages  ,  oii  regardant  la  raison 
individuelle  comme  incapable  d'acquérir  par  elle-même  la  certitude  de  quelque 
vérité ,  il  établit  la  nécessité  de  la  révélation  pour  tout  ce  qui  intéresse  l'homme 
et  la  société. 

Dans  sou  Traité  de  la  vraie  Religion  ,  t.  IV ,  p.  1 34 1  édit.  de  Besançon,  i8ao, 
il  dit  «  qu'en  dernière  analyse,  la  certitude  métaphysique  se  réduit,  aussi-bien 
»  que  les  autres ,  au  dictamen  du  sens  commun.  »  Nous  lisons  dans  le  même  ou- 
vrage, 1. 1,  p.  60,  que  «  parla  conduite  de  Dieu  envers  le  genre  humain  ,  desl'o- 
»)  rigine  du  monde,  par  les  égarements  des  peuples  qui  ont  oublié  la  révélation 
»  primitive ,  par  les  erreurs  des  philosophes  anciens  et  modernes ,  il  est  prouvé 
»  jusqu'à  l'évidence  que  la  raison  seule  est  très-foible,  qu'elle  n'a  jamais  su  dicter 
»  à  l'homme  ce  qu'il  devoit  croire  et  pratiquer.  »  —  «  A  parler  exactement , 
»  l'homme  n'a  que  des  lumières  d'emprunt  ;  Dieu  l'a  créé  pour  être  façonné  par  l'é- 
»  ducation  et  la  société  ;  abandonné  à  lui-même  ,  il  seroit  presque  réduit  à  l'anima- 
»  lité  pure  :  il  est  de  la  nature  de  l'homme  que  la  religion  lui  soit  transmise  par 
»  l'éducation.  »  (Tome  IV  ,  page  12.)  —  «A  proprement  parler  ,  la  raison  n'est 
u  rien  autre  chose  que  la  faculté  d'clre  instruit  et  de  sentir  la  vérité,  lorsqu'elle 
»  nous  est  proposée.  »  {Tiict.  théol.,  art.  Raison.) —  Si  l'on  prétend  que  rienn'est 
plus  conforme  aux  idées  généralement  reçues  que  d'admettre  une  religion ,  une  loi 
naturelle,  M.  Bergier  répond  que  «  la  religion  prescrite  aux  premiers  hommes 
»  étoit  naturelle,  dans  ce  sens  qu'elle  étoit  conforme  aux  besoins  de  l'humanité, 
»  à  la  nature  de  Dieu  et  à  la  nature  de  l'homme  ;  que  lorsque  nous  en  sommes 
»  instruits,  nous  pouvons,  par  les  lumières  de  la  raison,  en  sentir  et  en  dé- 
»  montrer  la  vérité  ;  mais  qu'elle  n'est  point  naturelle  dans  ce  sens ,  qu'aucun 
«  homme  soit  parvenu  ,  par  ses  propres  recherches ,  à  en  décojivrir  tous  les  dogmes 
»  et  tous  les  préceptes  ,  et  à  les  professer  dans  leur  pureté.  Personne  ne  l'a  connue 
»  que  ceux  qui  l'opt  reçue  par  tradition,  n  (^Traité de  la  vraie  Relig. ,  tome  IV, 
pag.  72.) 


IJNTRODUCTION.  ,7 

Dans  la  vue  de  détruire  l'auiorilé  de  la  tradition  dogmatique,  les 
novateurs  soutinrent  que  les  pasteurs  de  TEglise  avoient  changé  la 
doctrine  des  apôtres,  que  la  plupart  de  nos  dogmes  sont  de  nouvelles 
inventions  de  la  théologie.  Aujourd'hui  les  incrédules  nous  appren- 
nent que  les  apôtres  mêmes  ont  changé  la  doctrine  de  Jésus-Christ; 
que  le  christianisme ,  tel  que  nous  le  professons ,  a  été  fabriqué  par 
saint  Paul  et  par  ses  sectateurs.  Julien  avoit  fait  celte  rare  décou- 
verte, il  l'a  transmise  aux  docteurs  modernes  '. 

Pour  décréditer  les  témoins  de  la  tradition  ,  les  critiques  protes- 
tants se  sont  déchaînés  contre  les  Pères  de  l'Eglise  ;  ils  ont  sus- 
pecté leur  doctrine ,  leur  morale ,  leur  capacité ,  leur  conduite,  leur 
bonne  foi-.  Des  anciens  Pères  aux  apôtres,  la  distance  n'est  pas 
longue ,  les  déistes  l'ont  franchie  ;  ils  ont  appliqué  aux  apôtres  les 
mêmes  reproches  que  Ton  avoit  faits  à  leurs  successeurs^.  Il  n'est 
pas  une  seule  de  leurs  objections  contre  les  écrits  des  Pères,  qui 
n'ait  été  rétorquée  contre  ceux  des  apôtres.  Les  mêmes  arguments 
que  les  critiques  avoient  faits  contre  l'authenticité  de  certains  livres 
de  l'Ecriture  ,  ont  été  tournés  par  les  incrédules  contre  tous  les  au- 

«  Vainement  les  déistes  disent  que  les  devoirs  de  la  religion  naturelle  sont  fondes 
»  sur  des  relations  essentielles  entre  Dieu  et  nous,  entre  nous  et  nos  semblables,  et 
»  qu'ils  sont  gravés  dans  le  cœur  de  tous  les  hommes.  Si  l'éducation  ,  les  leçons  de 
»  nos  maîtres  ,  l'exemple  de  nos  concitoyens  ,  ne  nous  accoutument  point  à  en  lire 
"  les  caractères  ,  c'est  un  livre  fermé  pour  nous.  Une  expérience  générale  ,  et  qui 
»  date  depuis  six  mille  ans,  doit  nous  convaincre  que  la  raison  humaine,  privée 
))  da secours  de  la  révélation,  n'est  qu'un  aveugle  qui  marche  à  tâtons  dans  le  plus 
..  grand  jour.  »  (Pag.  8o.)  —  «  Autre  chose  est  de  découvrir  une  vérité  par  la 
»  seule  réflexion ,  autre  est  de  la  démontrer  lorsqu'elle  est  connue.  »  {Pag.  y8.) 
■ —  Enfin ,  «  l'on  n'établit  point  le  pyrrhonisme  en  se  fixant  à  la  tradition  constante , 
»  uniCarme,  universelle,  de  tous  les  peuples  dans  leur  origine,  qui  atteste  une 
»  révélation.  C'est  au  contraire ,  en  suivant  une  route  différente,  en  donnant  tout 
»  au  raisonnement  et  rien  à  la  tradition,  que  les  philosophes  ont  fait  naître  le  pyr- 
»  rhonisme.  Tous  ceux  qui  veulent  retenir  la  même  méthode,  aboutiront  au  même 
»  terme;  Dieu  a  voulu  nous  instruire  par  la  tradition  et  par  la  voie  d'autorité ,  et 
»  non  par  le  raisonnement.  »  {Tome  I,  page  5i6.) 

Au  reste ,  nous  aurons  l'occasion  de  faire  remarquer  que  les  plus  célèbres  doc- 
teurs de  l'Eglise  ont  suivi  la  mome  méthode ,  par  laquelle  M.  Bergier  combat 
viclorieuscTOent  tous  ceux  qui  s'élèvent  contre  la  science  de  Dieu.  Koy.  Ipsarticlcd 
CsaxiTUDE ,  Foi  ,  Loi ,  Religion  ,  etc. 

«  Hiit.  crtt.  de  J.-C. ,  Tabl.  des  saints.  Exam.  crlt.  de  saint  Paul,  etc.  — 
»  Daillé,  de  usu  Pùtrum.  Si  les  apôtres  eux-mêmes  n'ont  pas  été  exempts  d'crrciirs 
Adefoibiesses,  faut-il  s'étonner  que  leurs  disciples  les  plus  i^\és  en  aient  été  sus- 
ceptibles ?  Barbeyrac ,  Traité  de  la  morale  des  Pères ,  c.  8 ,  §  Sg ,  etc.  —  î  Pre- 
mière lettre  écrite  de  la  Montagne ,  p.  23  et  29  ;  Troisième  lettre ,  p.  97  ,  98 ,  J 18. 


i8  INTRODUCTION. 

très  livres  ;  les  objections  que  l'on  oppose  actuellement  aux  miracles 
du  diristianisme ,  ont  été  forgées  par  les  protestants  contre  les  mi- 
racles opérés  dans  l'Eglise  romaine. 

Lorsqu'il  fut  question  d'examiner  la  mission  des  prétendus  ré- 
formateurs, les  catholiques  objectèrent  que  des  hommes,  qui  avoient 
été  sujets  à  toutes  les  passions  humaines ,  et  à  des  erreurs  dont 
leurs  disciples  étoient  forcés  de  rougir ,  ne  pouvoient  avoir  été  sus- 
cités de  Dieu  pour  réformer  l'Eglise.  Pour  se  tirer  de  ce  mauvais 
pas ,  les  novateurs  répondirent  que  les  apôtres  mêmes  avoient  été 
sujets  aux  erreurs  et  aux  passions  humaines ,  et  s'efforcèrent  de  le 
prouver.  De  ces  accusations,  quoique  fausses,  les  déistes  concluent 
que  les  apôtres  n'ont  point  été  envoyés  de  Dieu  pour  éclairer  et  cor- 
riger les  hommes  :  bientôt  cette  critique  impie  s'est  jetée  sur  Jésus- 
Christ  même,  a  noirci  sa  doctrine  ,  ses  mœurs,  ses  intentions  ,  ses 
vertus,  et  a  tiré  contre  lui  la  même  conséquence.  Les  sociniens,  de- 
venus déistes ,  affectèrent  de  faire  de  pompeux  éloges  de  Jésus- 
Christ  ;  mais  ils  vomirent  des  torrents  de  biïe  contre  Moïse'  :  leurs 
successeurs  ,  moins  hypocrites ,  ont  également  blasphémé  contre 
l'un  et  l'autre.  Les  manichéens  et  les  marcionites ,  qui  soutenoient 
que  la  religion  juive  étoit  trop  grossière  pour  avoir  été  révélée  par 
un  Dieu  infiniment  sage  ,  prétendoient  aussi  que  ce  monde  est  trop 
imparfait  pour  être  l'ouvrage  d'un  Dieu  infiniment  bon  :  ainsi  s'en- 
chaînent les  erreurs. 

Si  nous  disons  aux  protestants  qu'un  fidèle  doit  user  de  sa  raison 
pour  connoître  quelle  est  la  véritable  Eglise ,  et  pour  peser  les 
preuves  de  son  infaillibilité  ;  mais  qu'après  l'avoir  connue ,  il  doit 
se  laisser  guider  par  cette  autorité  :  absurdité  !  s'écrient-ils  ;  il  s'en- 
suivroit  que  l'Eglise  pourroit  enseigner  toutes  sortes  d'erreurs , 
sans  que  ses  membres  aient  droit  de  consulter  leur  raison ,  pour  sa- 
voir s'ils  doivent  les  admettre  ou  les  rejeter.  Est-il  plus  difficile  à  la 
raison  de  juger  quelle  est  la  vraie  doctrine  ,  que  de  savoir  quelle  est 
la  véritable  Eglise  ?  Très-bien,  ont  répliqué  les  déistes  ;  selon  vous, 
on  ne  peut  juger  de  la  mission  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres ,  ni 
àc  l'inspiration  des  livres  saints  ,  que  par  la  raison  ;  donc  c'est  en- 
core à  elle  de  voir  si  leur  doctrine  est  vraie  ou  fausse  :  autrement 
Jésus-Christ ,  les  apôtres  ,  l'Ecriture ,  pourroient  enseigner  toutes 
sortes  d'erreurs,  sans  que  nous  eussions  droit  de  consulter  la  rai- 
son ,  pour  savoir  si  nous  devons  les  admettre  ou  les  rejeter. 

i  y.  Morgan ,  Moral  Philosopher   etc. 


INTRODUCTION  ,9 

En  vertu  de  celte  rétorsion  ,  il  a  fallu  convenir  que  c'est  à  la  rai- 
son en  dernier  ressort  de  juger  quelle  est,  dans  l'Ecriture  même,  la 
doctrine  digne  ou  indigne  de  Dieu ,  par  conséquent  révélée  ou  non 
révélée.  Alors  l'Ecriture  ne  nous  impose  pas  plus  d'obligation  de 
croire  ,  que  tout  autre  livre.  C'est  le  déisme  pur.  Dans  les  ouvrages 
faits  par  les  protestants  contre  les  déistes,  nous  n'avons  vu  aucune 
réponse  à  cet  argument. 

Les  difTérentes  sectes ,  pour  s'établir ,  demandèrent  la  tolérance, 
bien  résolues  de  ne  pas  l'observer  lorsqu'elles  auroient  acquis  des 
forces.  Selon  les  principes  qu'elles  posèrent ,  la  tolérance  doit  être 
illimitée  ;  les  juifs  ,  les  mahométans ,  les  païens  ,  les  déistes  ,  les 
athées  ,  ont  autant  de  droit  d'y  prétendre  qu'un  hérétique  quelcon- 
que. Ce  point  a  été  démontré  de  concert  par  les  catholiques ,  par 
les  protestants,  par  les  incrédules  '.  En  effet  toutes  les  raisons,  sur 
lesquelles  les  calvinistes  avoient  exigé  la  tolérance ,  ont  été  rétor- 
quées contre  eux-mêmes  par  les  sociniens^.  Les  déistes,  à  leur 
tour ,  s'en  sont  servis  pour  prouver  qu'il  leur  étoit  permis  de  dog- 
matiser^. Enfin,  les  athées  les  font  valoir  aujourd'hui  en  leur 
faveur,  et  s'en  autorisent  pour  enseigner  impunément  le  matéria- 
lisme *.  Il  est  ainsi  démontré  par  le  fait ,  aussi-bien  que  par  le  rai- 
sonnement, que  la  tolérance  universellement  réclamée  est  l'aliment 
(le  toutes  les  erreurs  et  la  destruction  de  toute  religion . 

§XL 

Si  nous  suivons  la  progression  des  controverses  qui  se  sont  éle- 
vées successivement ,  nous  ne  verrons  pas  moins  l'effet  que  devoit 
produire  le  principe  d'où  l'on  est  parti,  et  la  chaîne  de  conséquences 
qu'il  a  fallu  parcourir.  Dès  que  les  réformateurs  se  furent  élevés 
contre  l'autorité  de  l'Eglise  ,  et  qu'ils  s'arrogèrent  le  droit  de  juger 
du  sens  de  l'Ecriture ,  ce  livre  divin ,  loin  de  concilier  les  opinions 
et  de  réunir  les  esprits  ,  ne  servit  qu'à  les  diviser.  Les  mêmes  argu- 
ments ,  par  lesquels  les  calvinistes  avoient  attaqué  le  mystère  de 
l'Eucharistie  ,  servirent  aux  sociniens  pour  combattre  tous  les  au- 
tres mystères.  La  plus  forte  objection  que  les  premiers  aient  cru 
faire  contre  la  transsubstantiation  ,  a  été  tournée  par  David  Hume 

'  Papin,  sur  la  tolérance  des  protestants.  Bayle  ,  Corn.  Phil. ,  II.  Part.  ,  c.  7. 
Traité  sur  la  Tolérance,  c.  aa.  Hume,  Hkt.  nat.  de  lu  Relifçion ,  pag.  68.  — 
»Bo$suet,  6.«  Avert.  aux  protest.,  III.  part.  — Î-Em*7e,  t.  3,  p.  172.  Lettre  à 
M.  de  Beauinont ,  p.  'iL  —  4  Syst.  de  la  nat.,  t.  2  ,  c.  1 1  ,  12 ,  i3. 


20  INTRODUCTION. 

contre  tous  les  miracles  '.  D'autres  sont  allés  plus  loin.  Si  Dieu  ne 
nous  a  point  enseigné  d'autres  vérités  que  celles  qui  paroissent  d'ac- 
cord avec  la  lumière  naturelle ,  on  ne  voit  pas  pourquoi  la  révéla- 
lion  étoit  nécessaire.  Dès  que  le  christianisme  nous  enseigne  des 
mystères  ,  il  y  a  lieu  de  penser  qu'il  n'est  pas  une  religion  révélée  , 
et  qu  il  n'est  pai  appuyé  sur  des  preuves  sûres.  Les  ennemis  de  la 
révélation  commencent  par  les  préjuger  fausses  :  il  n'est  pas  be- 
soin ,  selon  eux ,  de  preuves  surnaturelles  pour  établir  des  vérités 
conformes  aux  lumières  de  la  nature  ;  preuve ,  selon  eux  ,  ne  peut 
nous  obliger  à  croire  des  dogmes  contraires  à  nos  idées  naturelles. 
On  a  donc  contesté  les  prophéties  et  les  miracles  ;  on  a  soutenu 
qu'ils  sont  non-seulement  faux,  mais  impossibles  :  pour  le  prouver, 
on  a  eu  recours  au  système  de  la  nécessité  ou  de  la  fatalité,  qui  tient 
au  matérialisme.  Mais  si  les  preuves  du  christianisme  sont  autant 
de  fables  ,  si  celte  religion  qui  paroît  si  sainte  n'est  qu'une  impos- 
ture ,  y  a-t-il  une  Providence  qui  veille  sur  la  religion ,  un  Dieu 
qui  exige  de  l'homme  un  culte ,  et  qui  lui  impose  des  lois  ?  Lors- 
qu'un pareil  doute  vient  à  éclore ,  on  n'est  pas  loin  de  l'athéisme. 

Les  déistes  ont  encore  attaqué  la  révélation ,  parce  qu'elle  n'a 
pas  été  donnée  à  tous  les  hommes  ;  on  leur  a  montré  que  leur  pré- 
tendue religion  naturelle  est  dans  le  même  cas ,  qu'elle  a  été  mé- 
connue par  les  païens ,  qu'elle  est  ignorée  des  peuples  barbares  : 
nouvelle  objection  contre  la  Providence;  les  athées  l'ont  fait  valoir. 
On  a  démontré  aux  déistes  ,  que  quiconque  admet  un  Dieu,  admet 
des  mystères  ;  que  plusieurs  attributs  de  Dieu  sont  incompréhen- 
sibles, et  semblent  inconciliables.  Pour  ne  pas  reculer,  nos  déistes 
révoquent  en  doute  tous  les  attributs  de  la  Divinité  que  l'on  ne  con- 
çoit pas.  Il  n'est  pas  difficile  aux  athées  de  tourner  en  ridicule  un 
Dieu  dont  les  déistes  n'osent  rien  affirmer. 

Ceux-ci  fondent  leur  incrédulité  sur  l'insuffisance  des  témoignages 
de  la  révélation  ;  les  premiers  établissent  la  leur  sur  l'insuffisance 
des  preuves  que  fournit  la  raison.  Selon  les  déistes,  la  Providence 
n'a  pas  assez  fait  de  bien  aux  hommes  dans  l'ordre  de  la  grâce  ;  se- 
lon les  athées  ,  elle  n'en  a  pas  assez  fait  dans  l'ordre  de  la  nature, 
puisqu'il  y  a  du  mal  dans  le  monde.  Mais  prendrons-nous  pour  me- 
sure de  la  bonté  divine  l'entêtement  des  esprits  opiniâtres  et  l'in- 

>  L'auteur  d'Emile  a  très-bien  prouve  aux  protestants ,  qu'en  établissant  le  dëistne 
il  n'avoit  fait  que  suivre  les  principes  fondamentaux  de  la  réforme.  Deuxième 
lettre  de  la  Montagne ,  p.  47  i  ^Q- 


INTRODUCTION.  2, 

gralilude  des  mauvais  cœurs  ?  En  comparant  la  justice  divine  h  la 
justice  humaine  ,  les  déistes  et  les  socinicns  ont  soutenu  que  Jésus- 
Christ  n'a  pas  pu  satisfaire  pour  nous  ;  en  comparant  la  bonté  di- 
vine à  la  bonté  humaine ,  les  athées  concluent  que  Texistence  du 
niai  anéantit  le  dogme  de  la  Providence. 

§XIL 

L'axiome  sacré  des  uns  et  des  autres  est  que  l'homme  ne  doit 
écouter  que  sa  raison  ,  ne  se  rendre  qu'à  l'évidence ,  rejeter  tout  ce 
qui  lui  paroît  faux  et  absurde.  Voyons  les  divers  usages  que  l'on  a 
faits  de  cette  maxime  séduisante. 

Je  vois  clairement  que  telle  loi ,  telle  discipline ,  tel  usage  reli 
gieux  est  un  abus  ;  que  la  raison  ,  le  bon  ordre ,  le  bien  public  en 
exigent  la  réforme  :  donc  je  dois  travailler  à  introduire  une  disci- 
pline contraire ,  malgré  tous  les  obstacles  ;  rompre ,  s'il  le  faut , 
toute  société  avec  ceux  qui  s'obstineront  à  maintenir  l'usage  actuel. 
Voilà  le  fondement  de  la  conduite  de  tous  les  schismatiques. 

Je  conçois  avec  une  évidence  invincible ,  qu'il  n'y  a  qu'un  seul 
Dieu  ;  la  divinité  de  Jésus-Christ  est  donc  une  erreur  :  qu'un  corps 
ne  peut  pas  être  en  dififérents  lieux  au  même  moment  ;  la  présence 
réelle  de  Jésus-Christ,  dans  toutes  les  hosties  consacrées,  est  donc 
un  dogme  absurde  :  que  Dieu  ne  peut  pas  être  un  et  trois  ;  le  mys- 
tère de  la  Trinité  est  donc  une  contradiction.  Les  passages  de  l'E- 
criture qui  semblent  prouver  la  divinité  du  Verbe ,  la  présence 
réelle ,  ou  la  Trinité ,  doivent  être  expliqués  par  d'autres  qui  me 
l)aroissent  dire  le  contraire.  Ainsi  ont  raisonné  les  ariens,  les  soci- 
niens  ,  les  protestants  ,  et  tous  les  sectaires  qui  ont  paru  depuis  la 
naissance  de  l'Eglise. 

Je  suis  intimement  convaincu  que  Dieu  ne  peut  pas  révéler  des 
dogmes  absurdes ,  inintelligibles  ,  contradictoires ,  indignes  de  sa 
sagesse  et  de  sa  véracité  suprême  ;  je  vois  de  pareils  dogmes  dans 
toutes  les  religions  qui  se  disent  révélées  :  donc  toutes  ces  préten- 
dues révélations  sont  des  chimères  ;  donc  toutes  les  preuves  sur  les- 
quelles on  peut  les  appuyer,  sont  fausses  ;  donc  il  faut  s'en  tenir  à 
la  religion  naturelle.  Tel  est  le  système  des  déistes. 

Il  n'est  pas  possible  de  douter  qu'un  Dieu  ,  qui  prendroit  intérêt 
au  culte  des  hommes  ,  ne  leur  en  révélât  directement,  actuellement 
et  sans  interruption  ,  la  forme  ;  il  ne  souffriroit  pas  qu'ils  le  lui  re- 
fusassent par  une  ignorance  invincible.  S'il  y  avoit  un  Dieu,  s'é- 


aa  INTRODUCTION. 

crioit  Toland,  et  un  Dieu  qui  s'intéressât  au  bonheur  des  humains, 
sans  doute  il  prendroit  pitié  de  l'état  d'incertitude  et  d'ignorance 
où  je  suis  ' .  C'est  le  langage  de  ceux  qui  soutiennent  l'indifFérence 
des  religions  ,  et  qui  n'en  veulent  aucune. 

Il  est  évident  qu'un  être  doué  de  qualités  incompatibles,  dont  les 
attributs  sont  inconciliables  et  contradictoires ,  n'existe  pas  :  or , 
quelle  que  soit  l'idée  que  l'on  veut  me  donner  de  Dieu ,  non-seule- 
ment je  n'y  conçois  rien,  mais  j'y  vois  des  contradictions  formelles  : 
donc  Dieu  n'existe  pas ,  et  ne  sauroit  exister.  Les  athées  ne  cessent 
de  répéter  cette  prétendue  démonstration'. 

Un  philosophe  ne  doit  admettre  que  ce  qu'il  conçoit ,  et  dont 
l'existence  lui  est  démontrée.  Or ,  ce  qu'on  dit  des  esprits  ou  des 
substances  distinguées  de  la  matière ,  est  inconcevable  ;  leurs  qua- 
lités ,  leurs  opérations,  leur  manière  d'être,  sont  autant  de  mys- 
tères inintelligibles ,  dont  on  ne  peut  avoir  aucune  idée  claire.  Je 
ne  conçois  que  des  corps ,  mes  sens  ne  peuvent  m'attester  l'exis- 
tence d'un  être  distingué  de  la  matière  :  donc  tout  est  matière , 
les  esprits  sont  des  chimères.  Voilà  le  grand  argument  des  maté- 
rialistes. 

Puisqu'un  philosophe  ne  doit  admettre  que  ce  qu'il  conçoit ,  je 
ne  puis  affirmer  l'existence  d'aucun  êtte  quelconque.  L'essence  de  la 
matière  et  la  plupart  de  ses  propriétés  sont  inconcevables.  Ce  que  l'on 
dit  du  temps  ou  de  la  durée ,  soit  finie ,  soit  infinie ,  de  l'espace  créé 
ou  incréé ,  du  mouvement ,  de  la  divisibilité  de  la  matière  ,  du  prin- 
cipe intérieur  des  opérations  de  l'homme,  des  causes  physiques,  etc., 
est  inintelligible  ;  il  n'est  pas  un  seul  de  ces  objets  sur  lequel  on 
ne  puisse  faire  des  questions  insolubles  ;  d'ailleurs  les  sens  nous 
trompent,  ils  ne  nous  attestent  que  des  apparences;  leur  témoignage 
ne  doit  jamais  prévaloir  à  celui  de  la  raison  :  donc  il  n'y  a  rien  de 
certain  ;  l'on  doit  tout  au  plus  admettre  des  probabilités  et  des  vrai- 
semblances. Ainsi  ont  parlé  les  acataleptiques ,  les  académiciens, 
les  sceptiques,  les  pyrrhoniens,  souvent  copiés  par  les  philosophes 
modernes  '. 

XIII. 

Si  la  maxime  sur  laquelle  se  fondent  les  incrédules  est  \Taie ,  le 

«  Dial.  sur  l'âme,  p.  64.  —  2  Sysi.  de  la  nat. ,  t.  Il ,  c.  2.  Truite  des  erreurs 
populaires,  p.  114  ,  etc.  —  3  Quiconque  ne  se rendroit  réellement  qu'à  révidence  , 
ne  seroit  guère  assmé  que  de  sa  propre  e^iistence.  De  l'Esprit ,  1. 1 ,  noie ,  p.  2a 


INTRODUCTION  23 

pyrrhonisme  est  donc  le  seul  syslème  raisonnable.  Après  avoir  sup- 
posé que  l'évidence  de  nos  idées  doit  être  la  seule  règle  de  nos  ju- 
gements ,  on  prouve  doctement  que  celte  évidence  est  réduite  à 
rien.  Un  philosophe  ne  la  voit  que  dans  ses  propres  opinions,  quel- 
que absurdes  qu'elles  soient  d'ailleurs'. 

Pour  résumer  en  deux  mots,  les  protestants  ont  dit  :  nous  ne  de 
vons  croire  que  ce  qui  est  expressément  révélé  dans  l'Ecriture  ,  et 
c'est  la  raison  qui  en  détermine  le  vrai  sens.  Les  sociniens  ont  ré- 
pliqué :  donc  nous  ne  devons  croire  révélé  que  ce  qui  est  conforme 
à  la  raison.  Les  déistes  ont  conclu  :  donc  la  raison  suffit  pour  con- 
noître  la  vérité  sans  révélation  ;  toute  révélation  est  inutile ,  par 
conséquent  fausse.  Les  athées  ont  repris  :  or  ce  que  l'on  dit  de  Dieu 
et  des  esprits  est  contraire  à  la  raison  :  donc  il  ne  faut  admettre  que 
la  matière.  Les  pyrrhoniens  viennent  fermer  la  marche ,  en  di- 
sant :  le  matérialisme  renferme  plus  d'absurdités  et  de  contradic- 
tions que  tous  les  autres  systèmes  :  donc  il  ne  faut  en  admettre 
aucun  *. 

Selon  un  déiste  anglois  :  de  même  que  le  calvinisme  a  produit  des 
enthousiastes  dans  son  origine ,  il  a  fait  éclore  enfin  des  athées.  Un 
athée  n'est  qu'une  espèce  d'enthousiaste ,  idolâtre  de  sa  raison ,  qui 
déclame  contre  Dieu  et  sa  providence'. 

Ainsi  le  premier  pas  dans  la  carrière  de  l'erreur  a  conduit  nos 
raisonneurs  téméraires  au  dernier  excès  d'aveuglement  ;  ainsi  la 
raison  livrée  à  elle-même  ne  trouve  plus  de  borne  où  elle  puisse 
s'arrêter  ;  elle  est  entraînée  par  le  fil  des  conséquences  beaucoup 
plus  loin  qu'elle  n'avoit  prévu.  Tout  homme ,  qui  a  suivi  la  nais- 
sance et  le  progrès  de  différentes  opinions  ,  est  convaincu,  qu'entre 
la  vérité  établie  par  la  main  de  Dieu  et  le  pyrrhonisme  absolu ,  il 
n'y  a  point  de  milieu  où  l'esprit  humain  puisse  demeurer  ferme. 
Quiconque  sepique  de  raisonner,  doit  être  chrétien  catholique,  ou 
enlièrementincrédule,  et  pyrrhonien  dans  toute  la  rigueur  du  terme. 

'  Je  n'ose  être  d'aucun  avia  ;  Je  ne  vois  qu'incompréhensîbilité  dans  l'un  et  dans 
Tautre  système.  Quest.  sur  l'Encyclvp.,  Idée,  sect.  i.  Adorez  Dieu,  soyez  hon- 
nête homme ,  et  croyez  que  deux  et  deux  font  quatre.  JDict.  philos.  ,  Nécessaire. 

2  En  traçant  celte  généalogie  impure,  nous  n'avons  aucune  intention  de  chagriner 
les  protestants; s'ils  méconnoissent  leurs  descendants,  ceux-ci,  plus  honnêtes,  ne  re- 
nient point  leurs  ancêtres  :  ce  sont  les  protestants,  diôent-ils ,  qui  ont  commencé  la 
révolution;  maïs  ils  ne  sont  pas  allés  assez  loin.  Enfin  l'on  est  allé  si  loin,  qu'il 
f?iudra  nécessairement  reculer. 

î  Morgan.  Moral  philosopher,  t.    I,  p.  a  19. 


24  INTRODUCTION. 

Nos  adversaires  mêmes  ont  confirmé  par  leur  aveu  la  vérité  de 
cette  théorie  :  ils  disent  que  le  christianisme,  une  fois  détruit,  l'exi- 
stence de  Dieu  et  l'immortalité  de  l'âme  ne  tiennent  presque  plus  à 
rien  ;  mais  que  si  l'on  admet  un  Dieu ,  l'on  est  forcé  de  dévorer 
toute  la  suite  des  conséquences  qu'en  tirent  les  superstitieux ,  c'est- 
à-dire  ,  les  chrétiens  ;  que  ceux-ci  raisonnent  plus  conséquemment, 
et  sont  plus  d'accord  avec  eux-mêmes  que  les  déistes;  que  le  déisme 
est  un  système  où  l'esprit  humain  ne  peut  pas  long-temps  s'arrê- 
ter'. C'est  donc  uniquement  la  crainte  des  conséquences  qui  con- 
duit les  incrédules  à  l'athéisme  ;  de  peur  d'être  forcés  à  croire  trop, 
ils  prennent  le  parti  de  ne  rien  croire  du  tout.  Leur  manière  de  phi- 
losopher, dit  un  encyclopédiste,  n'est  au  fond  que  l'art  de  décroire^. 
De  même  que  les  sociniens  pnt  démontré  aux  protestants  qu'ils 
n'avoient  pas  suivi  leur  principe  jusqu'où  il  peut  aller ,  et  s'étoient 
arrêtés  sans  savoir  pourquoi ,  un  déiste  prouve  aux  sociniens  qu'ils 
sont  coupables  de  la  même  inconséquence.  Mais  un  athée  retombe 
sur  les  déistes ,  et  leur  montre  qu'ils  sont  eux-mêmes  des  raison- 
neurs pusillanimes  ,  et  qu'ils  se  contredisent  ;  enfin  un  pyrrhonien , 
à  son  tour ,  fait  voir  aux  athées  qu'ils  déraisonnent ,  qu'un  dogma- 
tique quelconque  prête  le  flanc  à  ses  adversaires,  et  se  trouve  bien- 
tôt percé  de  ses  propres  traits.  Nous  demandons  si,  la  dispute  étant 
réduite  à  ce  point ,  le  triomphe  de  la  religion  peut  encore  paroître 
douteux  ;  pour  se  débarrasser  de  ses  ennemis ,  elle  n'a  qu'à  leur 
laisser  le  soin  de  s'entre-détruire. 

§XIV. 

Quand  on  connoît  les  vrais  motifs  qui  déterminent  la  plupart 
des  déserteurs  de  la  religion ,  l'on  n'est  plus  tenté  de  leur  prêter 
l'oreille;  ils  ont  eu  la  complaisance  de  les  dévoiler  eux-mêmes. 

«  Si  nous  remontons  ,  dit  l'un  d'entr'eux  ,  à  la  source  de  la  pré- 
»  tendue  philosophie  de  ces  mauvais  raisonneurs,  nous  ne  les  trou- 
M  verons  point  animés  d'un  amour  sincère  pour  la  vérité  ;  ce  n'est 
»  point  des  maux  sans  nombre  que  la  superstition  a  faits  à  l'espèce 
»  humaine ,  dont  nous  les  verrons  touchés  {  nous  verrons  qu'ils  se 

>  Sysl.  de  la  nat. ,  t.  II ,  c.  7 ,  p.  221  et  suiv.  Chap.  la ,  p.  357.  Première 
lettre  à  Sophie ^  p.  5.  Deuxième  lettre,  p.  ^i.  Dial.  sur  l'âme,  p.  14b ,  146.  E< 
bon  Sens,  §  117,  118. 

s  Encyclop.  Unitaires ,  p.  Syg. 


INTRODUCTION.  a5 

>>  Irouvenl  gênés-  des  entraves  importunes  que  la  religion ,  quelqne- 
n  fois  d'accord  avec  la  raison,  raetloit  à  leurs  dérèglements.  Ainsi 
»>  c'est  leur  perversité  naturelle  qui  les  rend  ennemis  de  la  religion  ; 
w  ils  n'y  renoncent  que  lorsqu'elle  est  raisonnable  ;  c'est  la  vertu 
»»  qu'ils  haïssent  encore  plus  que  l'erreur  et  l'absurdité.  La  super- 
«  siition  leur  déplaît,  non  par  sa  fausseté,  non  par  ses  conséquences 
"  fâcheuses,  mais  par  les  obstacles  qu'elle  oppose  à  leurs  passions, 
»  par  les  menaces  dont  elle  se  sert  pour  les  effrayer ,  par  les  fan- 
«»  tomes  qu'elle  emploie  pour  les  forcer  d'être  vertueux » 

«  Des  mortels  emportés  parle  torrent  de  leurs  passions,  de  leurs 
»  habitudes- criminelles,  de  la  dissipation,  des  plaisirs,  sont-ils 
»  bien  en  état  de  chercher  la  vérité ,  de  méditer  la  nature  humaine, 
••  de  découvrir  le  système  des  mœurs ,  de  creuser  les  fondements 
»  de  la  vie  sociale  ?  La  philosophie  pourroit-elle  se  glorifier  d'avoir 
/»  pour  adhérents ,  dans  une  nation  dissolue  ,  une  foule  de  libertins 
»  dissipés  et  sans  mœurs ,  qui  méprisent  sur  parole  une  religion 
»  comme  lugubre  et  fausse ,  sans  connoître  les  devoirs  qu'on  doit 
»  lui  substituer  ?  Sera-t-eile  donc  bien  flattée  des  hommages  inté- 
»  ressés  ,  ou  des  applaudissements  stupides  d'une  troupe  de  débau- 
»  chés  ,  de  voleurs  publics  ,  d'intempérants  ,  de  voluptueux  ,  qui , 
»  de  l'oubli  de  leur  Dieu  et  du  mépris  qu'ils  otit  pour  son  culte , 
»  concluent  qu'ils  ne  se  doivent  rien  à  eux-mêmes  ni  à  la  société,  et 
»  se  croient  des  sages  ,  parce  que  souvent ,  en  tremblant  et  avec  re~ 
n  mords ,  ils  foulent  aux  pieds  des  chimères  qui  les  forçoient  à  res- 
»  pecter  la  décence  et  les  mœurs  '  ?  » 

Nous  n'aurions  pas  osé  dire  d'aussi  terribles  vérités,  mais  il  nous 
est  permis  de  les  copier  ;  les  incrédules  ne  peuvent  être  mieux  défi- 
nis que  par  les  maîtres  qui  les  ont  formés. 

L'auteur  du  Système  de  la  nature  ne  s'est  pas  exprimé  avec  moins 
d'énergie,  en  recherchant  les  causes  qui  peuvent  porter  à  l'athéisme 
et  à  l'irréligion.  La  première  est,  selon  lui,  l'indignation  qu'inspire 
à  tout  homme  qui  pense  la  vue  des  maux  qu'ont  produits  dans  le 
monde  l'idée  de  Dieu  et  la  religion.  La  seconde  est  la  crainte  im- 
portune que  doit  faire  naître  dans  l'esprit  de  tout  raisonneur  consé- 
quent l'idée  d'un  Dieu  tel  que  ses  affreux  ministres  le  peignent , 
c'est-à-dire  ,  d'un  Dieu  vengeur  du  crime ,  et  rémunérateur  de  la 
vertu.  La  troisième  sont  les  passions  et  les  intérêts  des  hommes 
qui  les  poussent  à  faire  des  recherches. 

'  Essai  si/r  Ica/ireju^rs  ,  c.  8  ,  p.  l8i  cl  suir. 


26  INTRODUCTION. 

La  question  est  de  savoir  si  un  esprit  préoccupé  par  la  crainte , 
par  les  passions,  est  fort  en  état  défaire  des  recherches  avec  succès, 
et  de  découvrir  la  vérité. 

«  Nous  conviendrons,  dit-il,  que  souvent  la  corruption  des 
j»  mœurs ,  la  débauche ,  la  licence ,  et  même  la  légèreté  d'esprit , 
»  peuvent  conduire  à  l'irréligion  ou  à  l'Incrédulité  ;  mais  on  peut 
»  être  libertin  ,  irréligieux ,  et  faire  parade  d'incrédulité ,  sans  être 

»  athée  pour  cela Bien  des  gens  renoncent  aux  préjugés  re- 

»  çus ,  par  vanité  et  sur  parole  ;  ces  prétendus  esprits  forts  n'ont 
»  rien  examiné  par  eux-mêmes ,  ils  s'en  rapportent  à  d'autres  qu'ils 

»  supposent  avoir  pesé  les  choses  plus  mûrement Un  volup- 

»  tueux ,  un  débauché  enseveli  dans  la  crapule ,  un  ambitieux  ,  un 
»)  intrigant ,  un  homme  frivole  et  dissipé  ,  une  femme  déréglée  ,  un 
>»  bel  esprit  à  la  mode ,  sont-ils  donc  des  personnages  bien  capables 
y  de  juger  d'une  religion  qu'ils  n'ont  point  approfondie,  de  sentir  la 
j>  force  d'un  argument,  d'embrasser  l'ensemble  d'un  système?.. 
»  Les  hommes  corrompus  n'attaquent  les  dieux ,  que  lorsqu'ils  les 
>•  croient  ennemis  de  leurs  passions.  » 

Cependant ,  selon  le  même  auteur,  «  il  faut  être  désintéressé , 
»  pour  juger  sainement  des  choses  ;  il  faut  des  lumières  et  de  la 
'»  suite  dans  l'esprit ,  pour  saisir  un  grand  système.  Il  n'appartient 
»  qu'à  l'homme  de  bien  d'examiner  les  preuves  de  l'existence  de 

»  Dieu  et  les  principes  de  toute  religion L'homme  honnête  et 

»  vertueux  est  seul  juge  compétent  dans  ime  si  grande  affaire  '.  » 

Si,  avant  de  lire  un  livre  écrit  contre  la  religion,  l'on  commençolt 
par  demander  :  l'auteur  est-il  un  homme  de  bien,  vertueux,  hon- 
nête, sage,  désintéressé?  il  est  fort  douteux  qu'aucun  de  ces  ou- 
vrages fut  dans  le  cas  de  faire  fortune. 

Un  troisième  dit  avec  franchise  :  «  J'aime  mieux  être  anéanti 
»  une  bonne  fois  ,  que  de  brûler  toujours  ;  le  sort  des  bêtes  me  pa- 
»  roît  plus  désirable  que  le  sort  des  damnés.  L'opinion,  qui  me  dé- 
»  barrasse  de  craintes  accablantes  dans  ce  monde ,  me  paroît  plus 
»  riante  que  l'incertitude  où  me  laisse  l'opinion  d'un  Dieu  sur  mon 
«  sort  éternel —  On  ne  vit  point  heureux  ,  quand  on  tremble  tou- 
»>  jours.  Un  Dieu,  qui  damne  éternellement,  est  évidemment  le 
»  plus  odieux  des  êtres  que  l'esprit  l^umain  puisse  inventer  ^.  » 

Voilà  donc  la  source  dans  laquelle  nos  philosophes  ont  puisé  tant 

•  Sjrst.  de  la  nat. ,  tom.  Il ,  c.  lo  ,  pag.  36o  et  suiv.  —  i  Le  bon  Sens,  §  io8, 
i8a,i88. 


INTRODUCTION.  27 

de  lumières ,  la  crainte  de  brûler  toujours  ;  mais  celte  crainte  n'entre 
point  dans  une  âme  pure,  honu<îte,  vertueuse  :  l'enfer  n'est  destiné 
qu'aux  me'chanls.  Avouer  que  l'on  est  tourmenté  par  celle  idée, 
c'est  reconnoître  que  l'on  n'a  pas  la  conscience  nette.  Nos  adver- 
saires préfèrent ,  non  l'opinion  la  plus  vraie  et  la  mieux  prouvée , 
mais  la  plus  riante  et  la  plus  commode  ;  c'est  le  goût  et  non  le  rai- 
sonnement qui  les  détermine. 

L'un  des  derniers  qui  aient  écrit ,  convient  de  môme  qu'entre  la 
religion  et  l'athéisme ,  c'est  le  cœur,  le  tempérament,  et  non  la  rai- 
son qui  décide  du  choix  ' . 

L'auteur  du  livre  de  l'Esprit  n'avoit  pas  trop  bonne  opinion  de 
ses  confrères.  «  Peut-être,  dit-il,  nos  auteurs  sont-ils  quelquefois 
»  plus  soigneux  de  la  correction  de  leurs  ouvrages  ,  que  de  celle  de 
»  leurs  mœurs,  et  prennent-ils  exemple  surAverroës,  ce  philosophe 
»  qui  se  permeltoit ,  dit-on ,  des  friponneries  ,  qu'il  regardoit ,  non- 
»  seulement  comme  peu  nuisibles ,  mais  même  comme  utiles  à  sa 
»  réputation*.  » 

Un  autre  avoue  qu'au  terme  de  la  caducité ,  les  prinapes  de  la 
religion  reprennent  l'ascendant ,  parce  qu'alors  nous  n'avons  plus 
besoin  des  raisons  qui  nous  tranquillisoient  au  sein  des  plaisirs^.  Il 
est  donc  bien  décidé  que  l'on  n'est  incrédule  qu'autant  que  l'on  a 
besoin  de  raisons  pour  se  tranquilliser  au  sein  des  plaisirs. 

§  XV. 

Peut-être  en  est-il  plusieurs  qui  ne  méritent  point  ce  reproche , 
et  qui  ont  au  moins  des  mœurs  décentes.  Mais  ce  n'est  point  à  nous 
de  faire  des  recherches  sur  leur  conduite;  nous  ne  pouvons  en  juger 
mieux  que  sur  leur  propre  témoignage.  Or,  il  est  difficile  d'avoir 
bonne  opinion  de  maîtres ,  qui ,  de  leur  aveu ,  ont  formé  tant  de 
disciples  corrompus,  et  de  nous  fier  à  des  principes  toujours  adoptés 
par  les  cœurs  vicieux  et  par  les  esprits  pervers. 

Selon  eux ,  nous  attribuons  mal  à  propos  à  l'incrédulité  les  vices 
qui  viennent  plutôt  du  luxe  et  des  passions*  :  soit  ;  donc  ils  ont 
encore  plus  de  tort  de  les  attribuer  à  la  religion.  Mais  dans  quel 

»  Aux  niûnes  de  Louis  XV ,  p.  291 .  —  2  J)e  l'Esprit,  2.  Disc. ,  c.  6  ,  p.  142  ■ 
—  'iDialftf;.  sur  l'ârne,  pag.  i35  et  sulv. 

♦  Tenez  votre  âme  en  état  de  désirer  toujours  qu'il  y  ait  un  Dieu ,  et  vous  n'en  dou- 
terez jannai.s..I.  J.  Kousseau,  JEspril  et  Maximes,  etc. ,  pag.  4-  —  *  Histoire  des 
BUil//iss.  des  Europ.  dans  les  J  rides ,  t.  5 ,  1.  t3,  p.  176. 


a8  INTRODUCTION. 

cas  les  passions  causeront-elles  plus  de  ravage  ?  Sous  le  joug  de  la 
religion  qui  les  condamne,  ou  sous  le  règne  de  l'incrédulité  qui 
leur  lâche  la  bride?  Jamais  le  luxe  ne  fut  porté  à  l'excès  chez  une 
nation ,  sans  traîner  à  sa  suite  le  libertinage  d'esprit  et  de  cœur. 
Que  la  philosophie  incrédule  soit  fille  du  luxe,  comme  tous  les 
autres  vices ,  c'est  ce  que  nous  n'ignorons  pas  ;  un  tel  père  ne  fera 
jamais  honneur  à  ses  enfants. 

«  L'athéisme,  disent-ils,  n'est  point  fait  pour  le  vulgaire,  ni 

»  même  pour  le  plus  grand  nombre  des  hommes Des  êtres  igno- 

»  rants ,  malheureux  et  tremblants ,  se  feront  toujours  des  dieux — 
M  Les  principes  de  l'athéisme  ne  sont  point  faits  pour  le  peuple ,  ni 
»  pour  les  esprits  frivoles ,  ni  pour  les  hommes  ambitieux  et  re- 
.*  muants ,  ni  pour  un  grand  nombre  de  personnes  instruites  d'ail- 
»  leurs,  mais  qui  n'ont  point  assez  de  courage'.  »  Cependant  l'on 
répèle  sans  cesse  la  maxime ,  que  la  vérité  est  faite  pour  tout  le 
monde  ;  d'où  il  s'ensuit  clairement  que  l'athéisme  n'est  pas  la  vérité. 

«  Leucippe,  Démocrite,  Epicure,  Straton,  et  quelques  autres 
»  Grecs,  osèrent  déchirer  le  voile  épais  du  préjugé,  et  prêcher  l'a- 
»  théisme;  ils  ne  furent  pas  écoutés.  Chez  les  modernes,  Hobbes, 
»  Spinosa,  Bayle,  etc.,  ont  marché  sur  les  traces  d'Epicure  ;  mais 
»  leur  doctrine  ne  trouva  que  peu  de  sectateurs ,  dans  un  monde 
»)  trop  enivré  de  fables  pour  écouter  la  raison...  Ceux  qui  ont  eu  le 
«courage  d'annoncer  la  vérité,  ont  été  communément  punis  de 
»)  leur  témérité^.  Il  est  fort  dangereux  que  nos  docteurs  de  la  vérité 
I»  n'aient  encore  aujourd'hui  le  même  sort.  » 

Ils  demandent  «  quel  mal  on  peut  faire  aux  hommes  en  leur  pro- 
»  posant  ses  idées?  Le  pis  aller  est  de  les  laisser  dans  le  doute  et 
»  dans  la  dispute  ;  n'y  sont-ils  pas  déjà^  ?  >»  Mais  ils  observent  que , 
pour  bien  des  gens ,  leur  ôter  les  idées  de  Dieu ,  ce  seroit  leur  arra- 
cher une  portion  d'eux-mêmes*  ;  que  le  doute  sur  ce  sujet  n'est  rien 
moins  qu'un  oreiller  commode  ^  ;  que  le  doute ,  en  fait  de  religion , 
est  un  état  plus  cruel  que  d'expirer  sur  la  roue^.  Rendons  grâce  à 
ces  maîtres  charitables  qui  veulent  nous  arracher  une  portion  de 
nous-mêmes ,  et  nous  mettre  dans  un  état  pire  que  d'expirer  sur  la 
roue.  Si,  après  des  déclarations  aussi  précises,  ils  viennent  à  bout 
de  séduire  quelqu'un,  il  a  grande  envie  d'être  séduit.  Montaigne, 

'Sjrst.de/anat.,l.U,c.  10,12,  i3,  p.  Siy.SSa,  38i.  Le  bon  Sens,^iÇ)5. 

—  aZc  bon  Sens,  §  204.  — î  Sysi.  de  la  nat.,  t.  Il,  c.  11  eJ  i3.p.33i,  38.1. 

—  1,1b.,  c.  i3,  p.  388. —  5Z-^  hon  Sen\,%  ia3.  — fel>/û/.  iurl'dme,^.   iSg. 


INTRODUCTION.  29 

parlant  d'eux,  les  appeloit  hommes  bien  misérables  et  écervelés, 
qui  tachent  d'i-tre  pires  qu'ils  ne  peuvent  '. 

§XVI. 

On  croit  peut-être  que  les  incrédules  modernes  ont  fait  des  dé- 
couvertes dont  les  anciens  n'avoient  aucune  connoissance ,  qu'ils 
ont  créé  de  nouveaux  systèmes  ;  erreur.  Ils  ont  puisé  leurs  maté- 
riaux dans  àes  sources  abondantes ,  et  qui  ne  sont  point  inconnues. 
Pour  attaquer  les  vérités  de  la  religion  naturelle,  ils  ont  ramené 
sur  la  scène  les  objections  des  épicuriens,  des  pyrrhoniens,  des 
cyniques ,  des  académiciens  rigides  et  des  cyrénaïques  ;  c'est  une 
doctrine  renouvelée  des  Grecs.  Mais  ils  ont  passé  sous  silence  les 
raisons  par  lesquelles  Platon ,  Socrate ,  Cicéron ,  Plutarque ,  et 
d'autres,  ont  réfuté  toutes  ces  visions.  Contre  l'ancien  Testament 
et  la  religion  juive,  ils  ont  rajeuni  les  difi&cultés  et  les  calomnies  des 
manichéens ,  des  marcionites ,  de  Celse ,  de  Julien ,  de  Porphyre , 
et  des  autres  philosophes  ;  le  plus  célèbre  de  nos  adversaires  en  est 
convenu^.  On  en  retrouve  la  plupart  dans  Origène,  dans  Tertul- 
lien,  dans  saint  Cyrille,  dans  saint  Augustin,  et  dans  les  autres 
Pères  de  ces  temps-là;  mais  les  incrédules  ont  supprimé  les  ré- 
ponses de  ces  auteurs. 

Lorsqu'il  a  fallu  combattre  le  christianisme,  nos  adversaires  ont 
été  encore  mieux  servis  ;  ils  ont  copié  les  livres  des  juifs  et  ceux 
des  mahométans^.  Les  écrits  d'Isaac  Orobio,  le  Munimen  fidei, 
tous  les  autres  ouvrages  compilés  par  Wagenseil  * ,  sont  hachés  et 
cousus  par  lambeaux  dans  les  livres  des  déistes  :  on  doit  en  rendre 
la  gloire  aux  rabbins.  Contre  le  catholicisme,  ils  ont  extrait  les 
reproches  de  tous  les  hérétiques ,  surtout  des  controversistes  pro- 
testants et  des  sociniens.  Enfin,  pour  suspecter  les  titres  de  notre 
croyance,  ils  ont  fait  sérieusement  usage  d'une  méthode  que  le 
Père  Hardouin  n'avoit  hasardée  que  comme  uji  jeu  d'esprit  sur  un 
sujet  très-indifférent.  On  verra  dans  cet  ouvrage  la  chaîne  de  tra- 
ditions, par  laquelle  ces  sublimes  découvertes  sont  venues  jusqu'à 
nous ,  et  nous  aurons  soin  de  restituer  à  chacun  ce  qui  lui  appartient. 
Les  premiers  incrédules  françois  auroient  peut-être  rougi  de 

'  Essai  f.nr  le  mérite  et  la  vertu,  iiv.  i  ,  pag.  6.  —  -  Qiiest.  sur  l'Ericyclop.  , 
Coniradiclion ,  p.  I2i .  —  3  V.  Maracci,  Prodom.  adrefutat.  Alcoranni.  —  ^Tela 
i^neu  Salanfe. 


3o  INTRODUCTION, 

puiser  leurs  réflexions  dans  des  sources  aussi  inr.pures  ;  ils  copioient 
les  anglois ,  sans  savoir  d'où  ceux-ci  avoient  emprunté  tant  de 
richesses  littéraires.  Le  poison  étoit  du  moins  présenté  alors  sous 
un  masque  de  décence.  Ceux  d'aujourd'hui  ont  eu  moins  de  déli- 
catesse ;  ils  ont  fait  couler  de  leur  plume  tout  le  fiel  que  les  rahhins 
ont  vomi  contre  Jésus-Christ  et  contre  l'Evangile ,  sans  en  adoucir 
l'amertume ,  et  toute  la  hile  des  controversistes  protestants  contre 
l'Eglise  romaine  ;  ils  se  sont  même  efforcés  d'enchérir  sur  les  uns 
et  les  autres.  Grâce  à  leur  intrépidité,  il  n'est  plus  de  hlasphèimes , 
de  sarcasmes ,  d'invectives ,  de  grossièretés ,  auxquels  nous  n'ayons 
été  forcés  de  nous  endurcir. 

§XVII. 

Cependant  ils  nous  accusent  d'ignorance,  de  crédulité,  d'aveu- 
glement, de  prévention.  Selon  eux,  nous  ne  tenons  à  la  religion 
que  par  préjugé  de  naissance,  par  respect  pour  l'autorité  de  nos 
maîtres  et  de  nos  aïeux ,  par  négligence  de  réfléchir  et  de  consulter 
la  raison  ;  nous  commençons  par  croire  avant  d'examiner.  Soit  pour 
un  moment.  Nous  soutenons  qu'il  n'y  a  point  d'écrivains  plus  cré- 
dules ,  ni  d'espèce  plus  moutonnière  que  les  prétendus  philosophes. 
Déjà  ils  conviennent  que  la  plupart  renoncent  à  la  religion  par  va- 
nité., et  sur  parole  s'en  rapportent  à  d'autres,  sont  très-peu  en  état 
d'approfondir  une  question ,  et  de  sentir  la  force  ou  la  folhlesse  d'un 
argument.  Ce  n'est  donc  pas  la  raison,  mais  l'autorité,  qui  les 
détermine.  Qu'un  incrédule  quelconque  ait  avancé  il  y  a  cinquante 
ans  un  fait  bien  faux ,  bien  absurde ,  cent  fois  réfuté ,  il  n'en  est  pas 
moins  répété  par  vingt  auteurs  qui  se  suivent  à  la  file ,  sans  qu'un 
seul  ait  daigné  vérifier  la  chose.  Copier  aveuglément  Ceîse  et 
Julien,  les  juifs,  les  sociniens,  les  déistes  anglois,  les  controver- 
sistes de  toutes  les  sectes ,  sans  choix ,  sans  critique ,  sans  précau- 
tion; compiler,  répéter,  extraire,  affirmer  ou  nier  au  hasard,  parce 
que  d'autres  ont  fait  de  même ,  ce  n'est  pas  être  crédule  ?  Lorsque 
le  déisme  étoit  à  la  mode,  tout  philosophe  étoit  déiste  ;  le  plus  hardi 
a  osé  dire  :  Tout  est  matière,  et  a  fait  semblant  de  le  prouver;  à 
l'instant  la  troupe  docile  a  répété  en  grand  chœur,  tout  est  matière, 
et  a  fait  un  acte  de  foi  sur  la  parole  de  l'oracle.  Voilà  où  ils  en  sont . 
Les  plus  incrédules ,  en  fait  de  preuves ,  sont  toujours  les  plus  cré- 
dules en  fait  d'objections. 


INTRODUCTION.  3i 

Avant  de  voir  ce  que  l'on  peut  objecter  contre  la  religion  ,  quelle 
élude  la  plupart  des  lecteurs  ont-ils  faite  de  ses  preuves  ?  Aucune, 
Est-il  étonnant  que  dans  la  force  des  passions ,  sans  aucun  préser- 
vatif contre  Terreur,  un  jeune  homme  soit  aisément  séduit  par  les 
fausses  lueurs  des  raisonnements  philosophiques ,  par  les  faits  qu'on 
lui  déguise,  par  le  ridicule  que  l'on  jette  sur  la  religion?  Tout  lui 
paroît  clair,  évident,  démontré,  dans  les  écrits  des  incrédules;  il 
ne  soupçonne  pas  seulement  qu'il  y  ait  une  réponse  à  leur  faire. 
Les  impressions  qu'il  reçoit  se  gravent  profondément;  elles  plaisent 
à  son  esprit  et  à  son  cœur;  à  moins  d'un  miracle,  il  en  tient  pour 
la  vie.  Dès  qu'il  a  parcouru  quelques  brochures ,  il  se  croit  un  doc- 
teur, ce  n'est  qu'un  ignorant. 

Après  avoir  lu  pendant  vingt  ans  tous  les  ouvrages  écrits  contre 
la  religion,  après  s'être  rempli  l'esprit  d'objections,  de  sophismes  , 
de  préventions ,  de  fausses  anecdotes ,  un  homme ,  qui  se  pique 
d'impartialité ,  se  résout  enfin  à  lire  un  ou  deux  de  nos  apologistes. 
S'il  ne  trouve  pas  d'abord  de  quoi  satisfaire  à  toutes  ses  difficultés, 
et  calmer  tous  ses  doutes ,  il  en  conclut  que  la  religion  n'est  pas 
prouvée,  que  les  arguments  de  ses  ennemis  sont  insolubles.  Il 
semble  voir  un  malade  qui  a  travaillé  pendant  vingt  ans  à  se  ruiner 
le  tempérament,  et  qui  veut  que  son  médecin  le  guérisse  ou  le 
soulage  en  huit  jours.  L'habitude  de  raisonner  de  travers  se  con- 
tracte aussi  aisément  que  le  dérangement  d'estomac  ;  quand  il  faut 
en  revenir,  c'est  autre  chose.  Dès  que  l'on  envisage  la  religion 
comme  un  procès,  comme  une  question  de  controverse,  et  que  l'on 
veut  faire  la  fonction  de  juge,  il  est  fort  dangereux  que  la  balance 
ne  penche  du  côté  qui  paroît  le  plus  commode.  Je  me  trouoe,  dit-on 
alors ,  dans  un  scepticisme  nécessité.  Je  le  crois  ;  après  avoir  pris 
d'aussi  bonnes  mesures  pour  y  réussir,  il  seroit  fort  étonnant  que 
vous  n'en  fussiez  venu  à  bout. 

Parmi  nous,  tout  est  mode  et  goût  passager.  Sous  François  1." 
et  ses  successeurs,  il  éloit  du  bel  air  de  se  faire  huguenot  et  anti- 
papiste;  sous  la  minorité  de  Louis  XIV,  il  falloit  être  frondeur 
et  anti-mazarin  ,'  pendant  la  régence,  il  étoit  beau  de  déclamer 
contre  Rome  et  contre  la  bulle  :  aujourd'hui,  c'est  un  mérite  de 
se  donner  pour  philosophe  incrédule.  Quel  travers  nouveau  le  siècle 
prochain  verra-t-il  éclore  ? 


32  INTRODUCTION. 

§  XVIIÏ. 

Celui  dont  nous  nous  plaignons  seroit  moins  odieux,  s'il  n'in- 
spiroît  pas  tant  de  calomnies.  Les  prêlres,  disent  nos  adversaires, 
ne  sont  chrétiens  que  par  décence  et  par  intérêt;  leur  conduite  dé- 
ment évidemment  leur  croyance  ;  lorsqu'on  a  des  liaisons  familières 
avec  eux ,  on  s'aperçoit  bientôt  qu'ils  ne  sont  pas  fort  chargés  d'ar- 
ticles de  foi  ' . 

Avant  de  répondre  à  ce  reproche,  voyons  si  les  philosophes  sont 
eux-mêmes  exempts  de  toutes  vues  d'ambition  et  d'intérêt. 

Plusieurs  poussent  très-loin  les  prétentions.  Selon  eux,  tout 
écrivain  de  génie  est  magistrat-né  de  sa  patrie  ;  il  doit  l'éclairer,  s'il 
le  peut  :  son  droit,  c'est  son  talent^.  Voilà  leur  mission  fondée  sur 
un  titre  authentique,  sur  la  bonne  opinion  qu'ils  ont  d'eux-mêmes. 
Les  gens  de  lettres ,  disent-ils ,  sont  les  arbitres  et  les  distributeurs 
de  la  gloire';  il  est  donc  juste  qu'ils  s'en  réservent  la  meilleure 
part.  L'un  nous  fait  observer  qu'à  la  Chine  le  mérite  littéraire  élève 
aux  premières  places;  et,  à  son  grand  regret,  il  n'en  est  pas  de 
même  en  France*.  L'autre  dit  que  les  philosophes  voudroient  ap- 
procher des  souverains  ;  mais  que  par  l'ambition  et  les  intrigues  des 
prêtres,  ils  sont  bannis  des  cours ^.  Celui-ci  souhaite  que  les  sa- 
vants trouvent  dans  les  cours  d'honorables  asiles ,  qu'ils  y  obtien- 
nent la  seule  récompense  digne  d'eux,  celle  de  contribuer  par  leur 
crédit  au  bonheur  des  peuples  auxquels  ils  auront  enseigné  la  sa- 
gesse. Mais  si  l'on  veut,  dit-il,  que  rien  ne  soit  au-dessus  de  leur 
ge'nie,  il  faut  que  rien  ne  soit  au-dessus  de  leurs  espérances^.  Rare 
modestie  !  Celui-là  vante  les  progrès  qu'auroient  faits  les  sciences , 
si  l'on  avoit  accordé  au  génie  les  récompenses  prodiguées  aux 
prêtres?.  Tantôt  ces  hommes  désintéressés  se  plaignent  de  ce  que 
les  prêtres  sont  devenus  les  maîtres  de  l'éducation  et  des  richesses , 
pendant  que  les  travaux  et  les  leçons  des  philosophes  ne  servent 
qu'à  leur  attirer  l'indignation  pubhque^.  Tantôt  ils  opinent  qu'il 
faut  dépouiller  les  prêtres,  pour  enrichir  les  philosophes?.  Enfin, 

•  Gazette  littéraire  de  Deux-Ponts ,  Ï774»  ^•''  6a,  art.  i.  —  ^  Hist.  des  e'ta- 
bliss.  des  Europ.  dans  les  Indes,  t.  VII,  c.  2,  p.  Sg.  —  3  Encyclop. ,  GIour. 

—  illl.  Dial.  sur  l'ame,f.  66.  —  5  Essai  sur  les  préjuges,   c.    14,   p.  3-8, 

—  6  Œuv.  deJ.J.  Rousseau,  1. 1,  p.  43.  —  7  Sjst.  delà  riat.,\.  II,  c.  S.  —  8  Jbid. 
1.  H ,  c.  II.  —  9 Christianisme  de\vile  ,  prc'f. ,  p.  25. 


INTRODUCTION.  33 

concluent-ils ,  si  on  ne  peut  pas  guérir  les  hommes  de  leurs  préjugés 
de  religion ,  qu'ils  en  pensent  ce  qu'ils  voudront  ;  mais  que  les 
princes  et  les  sujels  apprennent  au  moins  à  résister  quelquefois  aux 
passions  des  odieux  ministres  de  la  religion'. 

Consolons-nous  :  ce  n'est  plus  à  la  religion  qu'en  veulent  les 
philosophes  ;  c'est  aux  privilèges ,  au  crédit ,  aux  biens  du  clergé  ; 
s'ils  peuvent  réussir  à  s'en  emparer ,  ils  croiront  en  Dieu  tous  les 
arguments  seront  résolus. 

§  XIX. 

Comment  prouve-t-on  que  les  prêtres  ne  sont  chrétiens  que  par 
intérêt  .>*  Par  les  fautes  vraies  ou  prétendues  qu'ils  ont  commises 
depuis  la  naissance  de  l'Eglise.  On  en  reproche  aux  papes ,  aux 
évêques ,  aux  ministres  inférieurs  ;  les  prolestants  surtout  ont 
fourni  là-dessus  de  bons  mémoires. 

C'est  s'arrêter  en  beau  chemin  ;  il  falloit  pousser  l'induction 
jusqu'où  elle  peut  aller. 

On  connoît  d'habiles  jurisconsultes,  dont  la  conduite  n'est  pas 
un  modèle  d'équité  ;  des  médecins  qui ,  après  avoir  disserté  savam- 
ment sur  la  nécessité  du  régime ,  ne  l'observent  pas  mieux  que  leurs 
malades  ;  des  philosophes  dont  les  actions  et  la  morale  ne  sont  pas 
toujours  d'accord.  «  Toutes  les  fois,  dit  un  écrivain  très-connu, 
»  que  je  songe  à  mon  ancienne  simplicité ,  je  ne  puis  m'empôcher 
»  d'en  rire.  Je  ne  lisoîs  pas  un  livre  de  morale  ou  de  philosophie, 
»  que  je  ne  crusse  y  voir  l'âme  ou  les  principes  de  l'auteur;  je  re- 
»  gardois  tous  ces  graves  écrivains  comme  des  hommes  modestes , 
»  sages,  vertueux,  irréprochables....  Je  me  formois  de  leur  com- 
»  merce  des  idées  angéliques ,  et  je  n'aurois  approché  de  la  maison 
»>  de  l'un  d'eux,  que  comme  d'un  sanctuaire.  Je  ne  comprenois  pas 
»  que  l'on  pût  s'égarer,  en  démontrant  toujours;  ni  mal  faire  en 
»  parlant  toujours  de  sagesse.  Enfin,  je  les  ai  vus  :  ce  préjugé  pué- 
»  ril  s'est  dissipe,  et  c'est  la  seule  erreur  dont  ils  m'aient  guéri ^.  » 
Donc  les  philosophes  ne  croient  pas  plus  à  la  morale  que  les  prêtres 
à  la  religion. 

Voilà  l'argument  dans  toute  sa  force.  Que  répondent  les  philo- 
sophes ?  Que ,  «  quand  un  homme ,  entraîné  par  ses  passions ,  pa- 
»  roît  oublier  ses  principes,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  n'en  a  point, 

•  «Vyj/.  fie  la  nul. ,  t,  II ,  c.  lO ,  p.Sig.  —  >  Prdface  de  Narcisse. 


34  INTRODUCTION. 

■  qu'il  n'y  croît  pas ,  ou  que  ces  principes  sont  faux  ;  que  le  tem- 
»•  pérament  est  plus  fort  que  les  systèmes ,  et  que  les  passions  l'em- 
•  portent  sur  la  croyance  ' .  »  Ainsi  les  prêtres  sont  justifiés  ou  du 
moins  excusés  par  leurs  propres  dénonciateurs. 

Supposons  que  ceux-ci  soient  venus  à  bout  d'en  séduire  quel- 
ques-uns qui  ont  eu  des  liaisons  trop  familières  avec  eux  ou  avec 
leurs  écrits,  il  s'ensuit  que  ces  foibles  théologiens  n'en  savoient  pas 
assez  pour  sentir  la  fausseté  des  raisonnements  des  incrédules. 
Cette  victoire  n'est  pas  assez  brillante  pour  en  faire  trophée  contre 
la  religion.  Semblables  aux  païens  qui  insultoient  aux  chrétiens 
apostats ,  nos  sages  philosophes  ne  pardonnent  ni  à  ceux  qui  leur 
résistent,  ni  à  ceux  qui  ont  succombé  sous  leurs  sophismes.  Belle 
récompense  de  la  docilité  que  l'on  a  pour  eux  ! 

§  XX. 

Personne  ne  disconvient  aujourd'hui  du  ressort  secret  qui  a  fait 
agir  les  hérétiques ,  lorsqu'ils  ont  troublé  le  repos  de  l'Eglise  et  de 
la  société  ;  ils  étoient  conduits  par  l'enthousiasme,  par  le  fanatisme. 
Les  philosophes  ont  éloquemment  déploré  les  ravages  de  ce  vice 
dangereux  ;  ils  en  ont  donné  le  nom  à  toute  espèce  d'attachement  à 
une  religion  vraie  ou  fausse  ;  les  athées  regardent  comme  des  fana- 
tiques tous  ceux  qui  croient  un  Dieu^.  Si  l'on  doit  appeler /ana- 
iisme  le  faux  zèle  allumé  au  foyer  des  passions ,  pouvons-nous  en 
méconnoître  les  symptômes  dans  ceux  mêmes  qui  déclament  contre 
lui  ?  Un  homme  qui  se  croit  né  pour  instruire  les  nations ,  résolu  de 
braver  les  lois  et  l'autorité  des  souverains  pour  établir  sa  doctrine , 
très-peu  délicat  sur  le  choix  des  moyens  et  des  prosélytes ,  ennemi 
déclaré  de  tous  ceux  qui  s'opposent  à  sqs  desseins,  appliqué  à  les 
rendre  odieux  et  méprisables,  toujours  prêt  à  se  porter  aux  der- 
niers excès  contre  eux,  à  bouleverser  la  société,  s'il  le  faut,  pour 
affermir  le  règne  de  ses  opinions  ;  si  ce  n'est  pas  wa  fanatique,  nous 
ne  savons  plus  quelle  idée  l'on  doit  attacher  à  ce  nom. 

Ils  disent  que  la  liberté  naturelle  à  l'esprit  humain ,  l'indépen- 
dance, moins  amoureuse  de  la  vérité  que  de  la  nouveauté,  fait  sou- 
vent rejeter  le  christianisme  dans  sa  vieillesse,  comme  elle  le  fit 

1  iS.>5/.  de  la  nat  ,  t.  II ,  c.  la  ,  p.  342.  —  »  Lettre  de  Trasib.  à  Leucfppe^ 
p.  aS  ;  S^l.  de  la  nat. ,  t    II ,  c.  7 ,  p.  aa4. 


IMTRODUCTION.  35 

adopter  à  sa  naissance'.  Serons-nous  encore  dupes  de  l'amour  de 
la  vcrità,  dont  nos  adversaires  sont  cmbrase's? 

Quelques-uns  ont  poussé  la  de'mence  jusqu'à  se  faire  un  mérite 
de  leur  haine  contre  les  défenseurs  de  la  religion.  «  J'ai  été,  dit 
»  l'im  d'entre  eux,  s'adressant  à  Dieu  même,  j'ai  été  l'ennemi  de 
»  ceux  qui  opprimoienl  la  société.  »  11  prétend  que,  s'il  y  a  un 
Dieu ,  il  doit  tenir  compte  à  un  athée  des  invectives  qu'il  a  vomies 
contre  les  souverains  et  contre  les  prêtres^.  Y  eut-il  jamais  de  fa- 
natisme mieux  caractérisé.'' 

Le  fanatisme,  dit  l'oracle  des  incrédules,  est  une  folie  religieuse, 
sombre  et  cruelle  ;  c'est  une  maladie  de  l'esprit  qui  se  gagne  comme 
la  petite  vérole;  les  livres  la  communiquent  beaucoup  moins  que 
les  assemblées  et  les  discours*.  Mettons  folie  antireligieuse ,  la 
définition  ne  sera  pas  moins  juste. 

Y  a-t-il  moins  de  danger  pour  un  génie  ardent ,  de  concevoir  une 
haine  aveugle  contre  la  religion,  que  de  se  livrer  à  un  zèle  incon- 
sidéré pour  elle.''  Le  premier  de  ces  deux  excès  trouve  plus  d'ali- 
ment que  le  second  dans  les  penchants  du  cœur.  Si  l'un  mérite  le 
nom  de  fanatisme ,  quel  titre  donnerons-nous  à  l'autre  ? 

Un  homme  sensé  qui  pourra  soutenir  la  lecture  de  la  harangue 
adressée  à  Dieu  dans  le  Système  de  la  nature'*,  y  reconnoîlra  le  vrai 
langage  d'un  énergumène ,  ou  d'un  réprouvé  condamné  aux  flammes 
éternelles. 

§XXL 

Quoi,  dira-t-on,  vous  osez  taxer  de  fanatisme  des  philosophes 
qui  ne  prêchent  que  la  tolérance ,  qui  ne  cessent  de  déclamer  contre 
la  fureur  avec  laquelle  les  hommes  se  sont  égorgés  pour  des  opi- 
nions ! 

Ne  soyons  pas  dupes  d'un  mot.  Tolérance ,  dans  le  style  de  nos 
adversaires ,  signifie  la  même  chose  que  liberté  dans  la  bouche  des 
séditieux.  «  Nom  spécieux ,  dit  très-bien  un  ancien  ;  quiconque  a 
»  voulu  se  rendre  le  maître  et  asservir  ses  semblables  ,  n'a  jamais 
»  manqué  de  s'en  décorer*.  »  On  sait  ce  que  les  ambitieux  en- 
tendent par  là  ;  ils  veulent  la  liberté  pour  eux ,  et  l'esclavage  pour 
les  autres  ;  c'est  précisément  ce  que  nous  voyons. Lorsque  les  phi- 

»  Hbt.  des  e'tabl:  des  Europ.  dans  les  Indes,  t.  VU  ,  c.  2.  —  =  Syst.  de  la  nul. , 
t.  II,  c.  10 ,  p.  3o3.  —  3  Quest.  sur  l'Encycl. ,  Fanatisme.  —  4  <!>yst.  de  ta  nat., 
il)id.  —  5  Tacile,  liist. ,  1.  4  1  "•  ji- 


30  INTRODUCTION. 

losophcs  éloicnt  (K^istes,  ils  jugeoient  rathéisme  inlolérable  ;  Us 
dccidoieijt  qu'on  doit  le  bannir  de  la  société  :  depuis  qu'ils  sont  de- 
venus athées,  ils  disent  que  l'on  ne  doit  pas  souffrir  le  déisme, 
parce  qu'il  est  intolérant ,  aussi-bien  que  les  religions  révélées.  Ces 
docteurs  pacifiques  sont  donc  bien  résolus  de  n'établir  la  tolérance 
que  pour  leurs  propres  opinions,  et  de  déclarer  la  guerre  à  toutes 
les  autres.  S'ils  ont  droit  d'attaquer  la  religion,  parce  qu'elle  est  in- 
tolérante ,  nous  ne  sommes  pas  moins  fondés  à  détester  l'incrédu- 
lité ,  puisqu'elle  est  encore  moins  tolérante  que  la  religion. 

«  Il  est  peu  d'hommes ,  dit  le  livre  de  V Esprit ,  s'ils  en  avoient 
»  le  pouvoir,  qui  n'employassent  les  tourments  pour  faire  géné- 
»  ralement  adopter  leurs  opinions...  Si  l'on  ne  se  porte  ordinaîre- 
w  ment  à  certains  excès  que  dans  les  disputes  de  religion ,  c'est  que 
»  les  autres  disputes  ne  fournissent  pas  les  mêmes  prétextes  ,  ni  les 
»  mêmes  moyens  d'être  cruel.  Ce  n'est  qu'à  l'impuissance  ,  qu'on 
■•  est  en  général  redevable  de  sa  modération  '.  »  L'auteur  du  Sfs- 
teme  de  la  nature  avoue  de  même  qu'il  est  difficile  de  ne  pas  se  fâ- 
cher en  faveur  d'un  objet  que  l'on  croit  très-important*.  Or,  tout 
philosophe  regarde  son  système  comme  très-important ,  et  nous  ne 
savons  pas  encore  à  quelles  extrémités  il  est  capable  d'en  venir , 
lorsqu'il  est  fâché.  Mais  quand  nous  lisons  que  «  celui  qui  parvien- 
»  droit  à  détruire  la  notion  fatale  d'un  Dieu ,  ou  du  moins  à  di- 
»  minuer  ses  terribles  influences ,  seroit  à  coup  sûr  l'ami  du  genre 
»  humain  ',  »  nous  croyons  avoir  lieu  de  nous  défier  d'une  pareille 
amitié. 

N'espérez  plus  de  paix ,  nous  crie  un  de  ces  bénins  philosophes  , 
après  avoir  vomi  six  pages  d'injures  et  de  calomnies  contre  les 
prêtres  ;  n'espérez  plus  de  paix  *.  Si  malheureusement  il  faut  nous 
résoudre  à  la  guerre ,  nous  nous  sentons  assez  de  forces  pour  la 
soutenir  encore  long-temps. 

Dans  les  commencements,  les  sectaires  du  seizième  siècle  étoieni 
des  agneaux  ;  ils  demandoient  humblement  la  tolérance  :  devenus 
assez  forts  ,  ils  se  conduisirent  en  lions  furieux  ;  ils  voulurent  tout 
détruire.  Les  incrédules ,  héritiers  de  leurs  principes  et  de  leur 
haine,  seroient-ils  plus  doux  en  pareil  cas  .''Ce  que  nos  pères  ont 
essuyé  pendant  près  de  deux  siècles ,  ne  nous  a  que  trop  instruits 

•  De  l'Esprit,  a.  dise.  ,  c  3,  note,  p.  io3.  —^Syst.  de  la  nat. ,  t.  II ,  c.  7, 
p.  024.  —  3  Ibid.  t.  II,  c.  3,  p.  88  ,  c.  10,  p.  317.  —  4  Lel.  à  l'aut.  duBiet.  dei 
trois  Sied. ,  p.  86. 


INTRODUCTION.  3; 

«les  excès  auxquels  le  fanaiLsuie  antireligieux  est  capable  de  se  por- 
itT.  L'incrédulité ,  plus  ou  moins  étendue ,  plus  ou  moins  ^^h{- 
ticuse  dans  ses  prétentions ,  se  ressemble  partout  ;  son  génie  est 
toujours  le  même'. 

§  XXII. 

Rassurons-nous  :  la  discorde  suffit  pour  faire  avorter  les  desseins 
de  nos  adversaires.  Tant  qu'ils  se  sont  bornés  à  prêcher  le  déisme , 
ils  pouvoient  paroître  redoutables  ;  ils  mettoient  les  théologiens  sur 
la  défensive;  ils  proposoient  des  objections  souvent  embarrassantes; 
ils  scmbloient  ne  donner  aucune  atteinte  à  la  morale  :  on  voyoit 
toujours  un  Dieu ,  une  religion  ,  une  base  aux  devoirs  de  la  société. 
Par  cet  artifice ,  ils  ont  séduit  d'abord  un  grand  nombre  de  lecteurs 
trop  peu  instruits  pour  apercevoir  les  conséquences  fimestes  de 
leurs  principes  ;  ils  ont  eu  la  maladresse  de  les  dévoiler.  En  renver- 
sant le  déisme  pour  lui  substituer  le  matérialisme  ,  ils  ont  écrasé  la 
vipère  sur  sa  morsure  ;  ils  ont  rais  au  grand  jour  la  discordance  des 
systèmes  d'incrédulité ,  les  excès  où  ils  conduisent ,  la  fragilité  de 
l'édifice  qu'ils  avoient  construit  à  si  grands  fr3is  ;  ils  ont  donné  lieu 
aux  théologiens  de  démontrer  que  cette  nouvelle  hypothèse  détruit 
jusqu'à  la  racine  les  fondements  de  la  morale ,  de  la  vertu ,  des  de- 
voirs de  l'homme ,  et  tous  les  liens  de  société  ;  qu'en  suivant  le  fil 
des  conséquences ,  il  faut  se  retrancher  dans  le  doute  absolu ,  res- 
susciter la  doctrine  absurde  des  cyrénaïques  ,  les  infamies  des  cy- 
niques y  l'entêtement  révoltant  des  pyrrhoniens. 

Il  n'y  en  a  p.is  deux  qui  pensent  de  même.  L'un  tâche  de  sou- 
tenir les  débris  chancelants  du  déisme  ;  l'autre  professe  le  matéria- 
lisme sans  déguisement  :  quelques-uns  biaisent  entre  ces  deux  opi- 
nions ,  défendent  tantôt  l'une  tantôt  l'autre ,  ne  savent  de  quel 
principe  partir  ni  où  ils  doivent  s'arrêter.  Ce  que  l'un  établit,  l'autre 
le  détruit  ;  il  n'est  pas  une  seule  question  de  fait  ou  de  raisonne- 
ment sur  laquelle  ils  soient  d'accord*.  Esl-il  difficile  de  prévoir  la 
chute  d'une  république  aussi  mal  réglée ,  où  règne  une  anarchie  et 
une  confusion  générale  ?  Si  les  déistes  se  réunissent  à  nous  pour 
combattre  les  athées ,  ceux-ci  empruntent  nos  armes  pour  atla- 

I  Annales  pol. ,  etc. ,  t.  3  ,  n,  i8,  p-  81 .  —  »  L'autour  d'Emile  lea  a  peint»  d'aprè» 
uatur«,  t.  II[,p.  25,37. 


38  INTRODUCTION. 

quer  les  déistes  ;  nous  pourrions  nous  borner  à  être  spectateurs  du 

combat. 

Ainsi  Dieu  veille  sur  la  religion  qu'il  a  lui-môme  établie ,  il  livre 
ses  ennemis  à  l'esprit  de  vertige.  Le  psakniste  a  tracé  leur  destinée, 
en  parlant  d'un  autre  objet.  «  Une  nation  bruyante  de  pbilosophes 
»  s'est  rassemblée;  un  peuple  de  raisonneurs  a  conjuré  contre  leSei- 
»  gneuretcontre  son  Christ.  Brisons,  disent-ils,  les  liens  qui  tiennent 
»  notre  raison  captive;  secouons  le  joug  de  la  religion  qui  nous  impor- 
«  tune.  Celui  qui  résiste  dans  le  ciel,  se  joue  de  leurs  vains  projets, 
»  il  les  couvrira  de  confusion,  et  leur  parlera  en  maître  irrité;  le 
»  souffle  de  sa  colère  troublera  leurs  sens  et  leurs  idées'.  » 

S'il  a  permis  que  les  docteurs  du  mensonge  jouissent  pendant 
quelque  temps  d'une  réputation  brillante,  le  jugement  qu'il  a  exercé 
sur  eux  doit  faire  trembler  leurs  imitateurs.  Il  menace  de  punir 
avec  la  même  sévérité  ceux  qui  se  laissent  volontairement  séduire 
par  leurs  prestiges^. 

I  Ps.  2,  V.  I,  —  2ll.  Thess.,c.  2,3^.  lo  of  ii. 


DICTIONNAIRE 

DE  THÉOLOGIE. 


AARON  ,  frère,  de  Moïse  ,  pre- 
mier pontife  de  la  religion  juive. 
On  peut  voir  son  histoire  dans 
l'Exode  et  dans  les  livres  suivants  : 
ce  n'est  point  à  nous  d'en  rassem- 
bler les  traits  ;  mais  nous  sommes 
obligés  de  justifier  les  deux  frères 
de  quelques  reproches  que  leur  ont 
faits  les  censeurs  anciens  et  mo- 
d.ernes  de  l'histoire  sainte. 

Us  ont  dit  que  Moïse  avoit  donné 
à  sa  tribu  et  à  sa  famille  le  sacer- 
doce par  un  motif  d'anibition.  S'il 
avoit  agi  par  ce  motif,  il  auroit  sans 
doute  assuréàsesproprcs enfants  le 
pontificat  plutôt  qu'à  ceux  de  son 
frère  ;  il  ne  l'a  pas  fait;  les  enfants 
de  Moïse  demeurèrent  confondus 
dans  la  foule  des  lévites.  Dans  le 
testament  de  Jacob,  Lévi  et  Si- 
mcon  sont  assez  maltraités  ;  la  dis- 
persion des  lévites  parmi  les  autres 
tribus  est  prédite  comme  une  puni- 
tion du  crime  de  leur  père.  Gen. , 
c.  49,  !J^-  5  et  suiv.  Qui  a  forcé 
Moïse  de  conserver  le  souvenir  de 
celte  tache  imprimée  à  sa  tribu  ? 
Nous  ne  voyons  pas  en  quoi  le  sa- 
cerdoce judaïque  pouvoit  exciter 
l'ambition.  Les  lévites  n'eurent 
point  de  part  à  la  distribution  des 
terres  :  ils  étoient  dispersés  parmi 
les  autres  tribus,  obligés  de  quitter 
leur  famille,  pour  venir  remplir 
leurs  fonctions  dans  le  temple  de 
Jérusalem  ;  leur  subsistance  éloil 
précaire  ;  ils  étoient  exposés  à  la 
perdre  lorsque  le  peuple  se  livroit 
à  l'idolâtrie.  Une  preuve  que  le  sa- 
I. 


cerdoce  n'étoit  pas  par  lui-même 
une  source  de  prospérité ,  c'est  que 
la  tribu  de  Lévi  fut  toujours  la 
moins  nombreuse  ;  on  le  voit  par 
les  dénombrements  qui  furent  faits 
en  différents  temps. 

A  la  vérité  l'auteur  de  l'Ecclé- 
siastique ,  c.  45,  S-  Il  fait  un 
éloge  magnifique  deladignitéd'^a- 
ron  et  des  privilèges  qui  étoient 
attachés  à  son  sacerdoce  ;  mais  il 
les  envisage  sous  uo  aspect  reli- 
gieux, beaucoup  plus  que  du  côté 
des  avantages  temporels;  le  privi- 
lège de  subsister  par  les  ofFrar.des 
des  prémices  et  par  une  prrtion 
des  victimes  ne  pouvoit  paà  com- 
penser les  inconvénients  auxquels 
les  prêtres  en  général  étoient  ex- 
posés aussi-bien  que  leur  chef.  Nous 
ne  voyons  pas  dans  l'histoire  sainte 
que  les  pontifes  des  Hébreux  aient 
jamais  joui  d'une  très-grande  auto- 
rité ni  d'une  fortune  considérable, 
et  nous  ne  comprenons  pas  quel 
motif  auroit  pu  exciter  l'ambition 
de  gouverner  un  peuple  aussi  in- 
traitable et  aussi  mutin  que  l'é- 
toient  les  Hébreux. 

Les  mêmes  censeurs  ont  ajoute 
qu'après  l'adoration  du  veau  d'or 
le  peuple  fut  puni,  et  qu'Aaron, 
le  plus  coupable  de  tous,  ne  le  fut 
point  ;  que  le  gros  de  la  nation 
porta  la  peine  du  crime  de  son  pon- 
tife. C'est  une  calomnie.  Aoron  ne 
fut  ni  l'auteur  de  la  prévarication 
du  peuple,  ni  le  plus  coupable  ;  il 
céda  par  foiblcsse  aux  cris  impor-^ 
•  I 


2  AAR 

tiins  d'une  multitude  sédîtieuse. 
Moïse,  à  la  vérité,  demanda  au  Sei- 
gneur grâce  pour  son  frère ,  et  l'ob- 
tint.  S'il  avoit  agi  autrement,  on 
l'auroit  accusé  d'inbumanité,  ou 
d'avoir  profité  de  l'occasion  pour 
supplanter  son  frère.  La  faute  d'yfa- 
ron  ne  demeura  cependant  pas  im- 
punie. Il  fut  exempt  de  la  conta- 
gion qui  fit  périr  les  prévarica- 
teurs ;  mais  il  eut  bientôt  à  pleu- 
rer la  mort  de  ses  deux  fils  aînés  ; 
il  fut  exclu,  aus-si-bien  que  Moïse, 
de  l'entrée  dans  la  terre  promise, 
et  subit  une  mort  prématurée  pour 
une  faute  assez  légère. 

Si  l'on  veut  faire  attention  à  la 
multitude  et  à  la  rigueur  des  lois 
auxquelles  le  grand-prêtre  étoit  as- 
sujéti ,  à  la  peine  de  mort  qu'il 
pouvoit  encourir  s'il  péchoit  dans 
ses  fonctions,  à  l'espèce  d'esclavage 
dans  lequel  il  étoit  retenu,  on  verra 
que  cette  dignité  n'étoit  pas  for.t 
propre  à  exciter  l'ambition.  Voyez 
LÉVITE ,  Pontife  ,  Prêtre  ,  Sacer- 
doce. 

La  révolte  de  Coré  et  de  ses  par- 
tisans, et  leur  punition  éclatante, 
ont  fourni  aux  incrédules  de  nou- 
veaux traits  de  malignité.  Coré  , 
chef  d'une  famille  de  lévites,  ja- 
loux du  choix  que  Dieu  avoit  fait 
d'./4aro«  pour  le  pontificat,  se  joi- 
gnit à  Dathan,  à  Abiron  et  à  deux 
cent  cinquante  autres  chefs  de  fa- 
mille, et  ils  reprochèrent  à  Moïse 
et  à  son  frère  l'autorité  qu'ils  exer- 
çoient  sur  le  peuple  du  Seigneur. 
Moïse  leur  répondit  avec  modéra- 
«ion  que  c'étoit  à  Dieu  seul  de  dé- 
signer ceux  qu'il  daignoit  revêtir 
du  sacerdoce ,  et  il  le  pria  de  con- 
firmer, par  la  punition  exemplaire 
des  rebelles,  le  choix  qu'il  avoit 
fait  d^Anron  et  de  &ts  enfants.  En 
effet,  la  terre  s'ouvrit  et  engloutît 
Coré  avec  ses  complices  et  toute 
leur  famille ,  et  un  feu  du  ciel  con- 
suma les  deux  cent  cinquante  au- 
tres coupables.  Num.,  c.  i6. 
Reprocher  ce  châtiment  à  Moïse 


AKA 

comme  un  trait  de  cruauté,  c'est 
s'en  prendre  à  Dieu  même.  Moïse 
ni  son  frère  n'avoient  pas  sans  doute 
le  pouvoir  de  faire  ouvrir  la  terre^ 
ni  de  faire  tomber  le  feu  du  ciel  ; 
et  ce  prodige  se  fit  à  la  vue  de 
tout  le  peuple  assemblé.  Dieu  au- 
roit-il  approuvé  par  un  miracle 
l'ambition  ou  la  cruauté  des  deux 
frères  ? 

Vainement  certains  cri  tiques  ont 
voulu  trouver  de  la  ressemblance 
entre  l'histoire  à'Aaron  et  la  fable 
de  Mercure  ;  tous  les  traits  du  pa- 
rallèle qu'ils  en  ont  fait  sont  forcés. 
Homère  et  Hésiode  ont  connu  la 
fable  de  Mercure  long-temps  avant 
que  les  Grecs  aient  pu  avoir  au- 
cune connoissance  de  l'histoire  des 
Juifs  ;  Hérodote,  qui  a  vécu  quatre 
cents  ans  après  ces  deux  poètes , 
connoissoittrè.s-peu  les  Juifs.  D'an- 
tres ont  cru  que  le  personnage  de 
Mercure  avoit  été  copié  sur  celui 
d'Éliezer,  économe  d'Abraham  ; 
ils  n'ont  pas  mieux  rencontré.  Il 
est  fort  aisé  d'abuser  de  ces  sortes 
de  parallèles  entre  l'histoire  sainte 
et  la  fable,  et  nous  ne  voyons  pas 
quelle  utilité  il  en  peut  résulter. 
Ceux  qui  voudront  consulter  lesal- 
légories  orientales  de  M  de  Gcbe- 
lin,pag.  loo  et  suiv. ,  verront  qu'il 
n'a  pas  été  nécessaire  de  copier 
l'histoire  sainte,  pour  forger  la  fa- 
ble de  Mercure. 

AB,  ABBA.  Fo/ez  PÈRE. 

ABADDON ,  est  le  nom  de  l'ange 
exterminateur  dans  l'Apocalypse; 
il  vient  de  l'hébreu  .<4ôad ,  perdre^ 
détruire. 

ABAILARD  ou  ABÉLARD 
(Pierre) ,  docteur  célèbre  du  dou- 
zième siècle,  mort  l'an  ii4a.  Nous 
n'aurions  rien  à  en  dire,  si  l'on 
n'avoit  pas  travaillé  de  nos  jours  à 
réhabiliter  sa  mémoire,  à  faire  l'a- 
pologie de  sa  doctrine,  et  à  donner 
au  dérèglement  de  sa  jeunesse  toute 


ABA 

la  célcbrilé  possible  ;  ce  que  l'on  en 
a  dit  est  tiré  du  Dictionnaire  de 
Bayle,  articles  Abclard,  Bérenger, 
Héloïse.  Saint  Bernard  y  est  accusé, 
«l'avoir  persécuté  ./ièai/ard  par  ja- 
lousie de  réputation.  Mosheim , 
Brucker  et  d'autres  protestants, 
n'ont  pas  manqué  d'adopter  cette 
calomnie. 

Malgré  les  efforts  de  Bayle  et 
de  ses  copistes,  il  résulte  de  leurs 
aveux,  i.o  que  le  dérèglement  des 
mœurs  d'^éaiVarcî  n'est  point  venu 
de  foiblesse,   mais  d'un  fonds  de 

{>crversité  naturelle  ;  il  avoit  formé 
e  dessein  de  séduire  Héloïse  avant 
qu'elle  fût  son  écolière  ;  c'est  dans 
cette  intention  qu'il  se  mit  en  pen- 
sion chez  le  chanoine  Fulbert  et 
lui  offrit  de  donner  des  leçons  à  sa 
nièce  ;  et  il  en  convient  lui-même 
dans  la  relation  qu'il  fait  de  ses 
malheurs. 

2.0  La  vanité,  la  présomption, 
la  jalousie,  le  caractère  hargneux 
(VAbailard,  sont  prouvés  par  ses 
écrits  et  par  sa  conduite.  Son  am- 
bition étnit  de  vaincre  ses  maîtres 
dans  la  dispute,  d'établir  sa  répu- 
tation sur  les  ruines  de  la  leur,  de 
leur  enlever  leurs  écoliers,  d'être 
suivi  d'une  fouie  de  disciples.  On 
voit  par  ses  ouvrages  qu'il  entrai- 
^loit  ses  auditeurs,  beaucoup  plus 
par  ses  talents  extérieurs  que  par  la 
solidité  de  sa  doctrine;  il  étoit  sé- 
duisant, mais  il  instruisoit  très- 
mal  :  il  se  fit  des  ennemis  de  pro- 
pos délibéré,  pour  le  seul  plaisir 
de  les  braver.  Jaloux  de  la  répu- 
tation de  saint  Norbert  et  de  celle 
de  saint  Bernard  ,  il  osa  les  calom- 
nier l'un  et  l'autre. 

3.»  Il  se  mit  à  professer  la  théo- 
logie sans  l'avoir  étudiée  suffisam-' 
ment  ;  il  y  porta  les  subtilités  fri- 
voles de  sa  dialectique  et  un  esprit 
faux  ;  cela  est  évident  par  le  pre- 
mier ouvrage  qu'il  publia.  Rien 
n'étoit  plus  absurde  que  de  donner 
nu  traité  de  la  foi  à  la  sainte  Tri- 
nité, pour  servir  d'introduction   à 


AliA  3 

J/«  théologie;  de  vouloir  expliq;ier 
ce  mystère  par  des  comparaisons 
sensibles  :  s'il  pouvoit  être  ccmparé 
à  quelque  chose,  ce  ne  seroit  plus 
un  mystère  ou  un  dogme  incom- 
préhensible. 

4."  Ses  apologistes  sont  forcés  de 
convenir  qu'il  y  a  des  erreurs  dans 
cet  ouvrage  et  dans  les  autres  ;  ce 
n'est  donc  pas  injustement  qu'il  fut 
condamné  dans  un  concile  de  Sois- 
sons,  l'an  1121,  et  que  l'auteur 
fut  obligé  de  se  rétracter.  Cet  évé- 
nement rendit  avec  raison  les  évo- 
ques et  les  autres  théologiens  plus 
attentifs  sur  sa  doctrine.  Vingt  ans 
après,  Guillaume,  abbé  de  Saint- 
Thierry,  crut  trouver  de  nouvelles 
erreurs  dans  les  écrits  à'Abailard  ; 
il  en  envoya  le  précis  et  la  réfutation 
àGeoffroi,  évèque  de  Chartres,  et 
à  saint  Bernard,  abbé  de  Clairvaux. 
A-t-on  quelque  motif  de  prêter  de 
la  jalousie,  de  la  haine,  delà  pré- 
vention à  l'abbé  de  SaintThierry  .^ 
Saint  Bernard,  loin  de  témoigner 
ces  mêmes  passions  contre  Abai- 
lard,  lui  écrivit  pour  l'engager  à 
se  rétracter  et  à  corriger  ses  livres. 
Cet  entêté  n'en  voulut  rien  faire  : 
il  voulut  attendre  la  décision  du 
concile  de  Sens,  qui  étoit  près  de 
s'assembler,  et  demanda  que  saint 
Bernard  y  fut  présent.  L'abbé  de 
Clairvaux  s'y  trouva  en  effet  ;  il 
produisit  les  propositions  extraites 
des  ouvrages  à''Abailard ,  et  1« 
somma  de  les  justifier  ou  de  les 
rétracter. 

Parmi  ces  propositions,  que  l'on 
peut  voir  dans  le  Dictionnaire  des 
hérésies,  article  Abailard ,  il  y  eu 
a  quatre  qui  sont  pélagiennes,  trois 
sur  la  Trinité,  dont  le  sens  littéral 
est  hérétique  ;  dans  une  autre,  l'au- 
teur enseigne  l'optimisme  ;  dans 
la  quatorzième ,  il  soutient  que 
Jésus-Christ  n'est  pas  descendu  aux 
enfers.  Qui  l'empêchoit  de  rétrac- 
ter les  unes  et  d'expliquer  les  au- 
tres ,  comme  il  fut  obligé  de  le  faire 
dans  la  suite  r*  Sans  vouloir  le  faire 
i' 


4  ABA 

dans  le  concile  de  Sens,  il  en  ap- 
pela à  la  décision  du  pape,  et  se 
retira.  Par  respect  pour  son  appel , 
le  concile  se  contenta  de.  condamner 
les  propositions  et  ne  nota  point 
sa  personne. 

On  dit,  pour  l'excuser,  qu'il  vit 
bien  que  saint  Bernard  et  les  évè- 
ques  du  concile  de  Sens  étoicnt 
prévenus  contre  lui,  et  que  sa  jus- 
tification n'eût  servi  à  rien.  Mau- 
vais prétexte  dont  un  opiniâtre 
peut  toujours  se  servir  quand  il  le 
veut.  S'en  rapporter  d'abord  au 
jugement  du  concile,  en  appeler 
ensuite  avant  même  qu'il  soit  pro- 
noncé ,  est  un  trait  de  révolte  et  de 
mauvaise  foi  :  les  éveques  étoient 
ses  juges  légitimes  ;  en  refusant  de  se 
justifier,  il  méritoit  condamnation. 

En  effet,  il  fut  condamné  à  Rome 
aussi  bien  qu'à  Sens.  Est-ce  encore 
par  haine  oii  par  jalousie  que  le 
pape  et  les  cardinaux  prononcèrent 
l'anathème  contre  lui  ?  Ce  n'est 
qu'après  cette  condamnation  qu'il 
fit  enfin  son  apologie  et  sa  profes- 
.çion  de  foi,  dans  laquelle  il  rétracta 
formellement  la  plupart  des  propo- 
sitions qu'on  lui  avoit  reprochées , 
et  tâcha  d'expliquer  les  autres. 

Le  grand  reproche  que  l'on  fait 
à  saint  Bernard,  est  de  s'être  ex- 
primé trop  durement  au  sujet  à^A- 
bailard,âans\es  lettres  qu'il  écrivit 
il  Rome  et  aux  éveques  de  France 
à  ce  sujet;  mais  ce  ne  fut  qu'après 
le  refus  que  fit  Abaîlard  de  s'ex- 
pliquer et  de  se  rétracter.  Cette 
conduite  dut  persuader  au  saint 
abbé  que  ce  no%'ateur  étoit  un  hé- 
rétique obstiné.  Mosheim  et  Bruc- 
ker  disent  que  saint  Bernard  n'en- 
tendoit  rien  aux  subtilités  do  la 
dialectique  de  son  adversaire  ;  mais 
celui-ci  s'entendoit-il  lui-même  i* 
On  voit,  par  les  ouvrages  du  pre- 
mier ,  qu'il  étoit  meilleur  théo- 
logien que  son  antagoniste,  et  qu'^- 
bailard  auroit  pu  le  prendre  pour 
maître  ou  pour  juge,  sans  se  dé- 
grader. Toujours  est-il  vrai  que  les 


ABA 

protestants  qui  reprochent  à  l'abbé 
deClairvaux  la  haine,  la  jalousie, 
la  violence,  l'injustice  contre  l'in- 
nocence persécutée,  se  rendent  eux- 
mêmes  coupables  de  tous  ces  vices. 

5.»  Ils  affectent  d'insinuer  qu'il 
fut  condamné  et  persécuté ,  non 
pour  ses  erreurs,  mais  pour  avoir 
soutenu  aux  moines  deSaint-Denys 
que  leur  saint  n'étoit  pas  le  même 
que  saint  Denys  l'aréopagite  ;  c'est 
une  imposture.  Ce  point  ne  fut  mis 
en  question  ni  à  Soissons ,  ni  à 
Sens,  ni  à  Rome  ;  Abailard  fut 
condamné  pour  des  erreurs  qu'il 
avoit  enseignées  sur  la  Trinité ,  sur 
l'incarnation,  sur  la  grâce,  et  sur 
plusieurs  autres  chefs. 

6.»  Lorsque  Pierre  le  Vénérable^ 
abbé  de  Cluni,  eut  donné  à  Abai- 
lard une  retraite  et  l'eut  converti, 
saint  Bernard  se  réconcilia  de 
bonne  foi  avec  lui,  et  ne  chercha 
point  à  troubler  son  repos  ;  il  n'a- 
voit  donc  poijit  dehainecontrelui. 
Mais  aux  yeux  des  incrédules,  \e& 
hérétiques  ont  toujours  raison  ;  les 
Pères  de  l'Église  ont  toujours  eu 
tort.  Ils  blâment  dans  les  ouvrages 
de  saint  Bernard  les  défauts  de  son 
siècle,  et  ils  les  excusent  dans  ceux 
à^ Abailard,  où  ils  sont  beaucoup 
plus  sensibles.  Voyez  Saint  Bf.r- 
NAUD,  Hist.  de  VÉgl.  Gallic. ,  tom.  8, 
ann.  1117  et  suiv.  ;  tom.  9,  ann. 
iiBg — 1142  ,  etc. 

ABAISSEMENT.  Les  livres  du 
nouveau  Testament  nous  parlent 
souvent  des  abaissernrnis  ou  des  hu- 
miliations du  Verbe  incarné.  «  Il 
»  s'est  anéanti,  dit  saint  Paul,  et  a 
»  pris  la  forme  d'un  esclave  ;  il 
»  s'est  humilié  et  s'est  rendu  obéis- 
»  sant  jusqu'à  mourir,  et  mourir 
))  sur  une  croix  :  c'est  pour  cela 
«  que  Dieu  l'a  exalté  et  lui  a  donné 
»  un  nom  supérieur  à  tout  autre 
»  nom  ;  afin  qu'au  nom  de  Jésus, 
»  tout  genou  fléchisse  dans  le  ciel , 
»  sur  la  terre  et  dans  les  enfers, 
'  »  et  que  toute  lang:ue  publie  que 


AiîA 
t>  Noire  -  Soigneur  Jésus  -  fllirisl 
»  jouit  de  la  gloire  <lc  son  Pore.  » 
Pliilipp.,  c.  2,3^^.  7,  8.  II  ne  s'en- 
suit donc  pas  que  le  Fils  de  Dieu, 
fnsc  faisant  homme,  ait  rien  perdu 
de  sa  grandeur.  Rien,  disent  les 
Pères  de  l'Église,  n'est  plus  digne 
de  la  majesté  divine  que  d'opérer 
le  salut  de  ses  créatures  ;  il  falloit 
cet  excès  à.^ abaissement  de  la  part 
du  Verbe  incarné,  pour  guérir 
1  homme  de  l'orgueil  excessif 
qu'une  fausse  philosophie  lui  avoit 
inspiré  :  il  le  falloit,  pour  consoler 
la  plus  grande  partie  dugenre  hu- 
main, de  l'humiliation  à  laquelle 
elle  est  réduite. 

ABANDON.  Il  y  a  dans  l'Ecri- 
ture sainte  des  passages  qui  sem- 
blent prouver  que  Dieu  abandonne 
les  pécheurs,  et  même  des  nations 
entières  ;  mais  il  en  est  d'autres 
qui  nous  assurent  que  Dieu  est  bon 
à  l'égard  de  tous,  qu'il  a  pitié  de 
tous,  qu'il  n'a  de  l'aversion  pour 
aucune  de  ses  créatures  ,  que  ses 
miséricordes  se  répandent  sur  tous 
ses  ouvrages,  etc.  Les  premiers  ne 
signifient  donc  pas  que  Dieu  prive 
absolument  de  toutes  grâces  les  pé- 
cheurs oulesnations infidèles,  mais 
qu'il  ne  leur  en  accorde  pas  autant 
qu'à  d'autres  peuples,  ou  qu'il  ne 
leur  fait  pas  autant  de  bien  qu'il  leur 
en  a  fait  autrefois.  C'est  un  usage 
commun  dans  toutes  les  langues  , 
d'exprimer  en  termes  absolus  ce 
c[ui  n'est  vrai  que  par  comparaison. 
Ainsi,  lorsqu'un  père  ne  veille  pi  us, 
avec  autant  de  soin  qu'il  le  faisoit 
autrefois,  sur  la  conduite  de  son 
fils,  on  dit  qu'il  l'abandonne;  s'il 
témoigne  au  cadet  plus  d'affection 
qu'à  l'aîné,  on  dit  que  celui-ci  est 
délaissé ,  négligé ,  pris  en  aversion , 
etc.  Ces  façons  de  parler  ne  sont  ja- 
mais absolument  vraies  ;  ]*ersonne 
n'y  est  trompé  ;  elles  ne  doivent  pas 
nous  surprendre  davantage  dans 
l'Écriture  .«mainte  que  dans  Je  lan- 
gage ordinaire. 


Ali  A  5 

En  effet,  malgré  les  promesses 
formelles  que  Dieu  avoit  faites  aux 
.Tuifs  de  ne  jamais  les  abandonner, 
ils  ne  manquoient  pas  de  dire  dana 
toutes  leurs  calamités:  le  Seigneur 
nous  a  délaissés,  nous  a  oubliés. 
Voici  ce  que  leur  répond  le  pro- 
phète Isaïe  de  la  part  de  Dieu , 
c.  49,  S-  i4  •  "  Une  mère  peut- 
»  elle  oublier  son  enfant  et  man- 
»  quer  de  tendresse  pour  le  fruit 
»  de  ses  entrailles  "?  Quand  elle 
»  pourroit  le  faire,  je  ne  vous  ou- 
»  blierois  point.  »  \Jabandon  pré- 
tendu dont  se  plaignoient  les  Juifs, 
consistoitseulementen  ce  que  Dieu 
ne  les  protégeoit  plus  d'une  manière 
aussi  éclatante, etne  leuraccordoit 
plus  autant  de  bienfaits  qu'autre- 
fois. 

Nous  devons  raisonner  de  même, 
et  entendre  de  même  l'Écriture 
sainte,  à  l'égard  des  grâces  de  salut 
et  des  secours  surnaturels.  Dans 
l'article  Grâce ,  §  3 ,  nous  prou- 
verons, par  l'Écrituie  sainte,  par 
les  Pères  de  l'Église,  par  l'efficacité 
de  la  rédemption,  qu'il  n'est  sous  le 
cielaucunecréature  queDien  laisse 
manquer  de  grâces  absolument 
et  entièrement,  mais  il  n'en  fait  pas 
également  et  en  même  mesure  à 
tous  les  hommes  ;  aux  uns  il  en 
accorde  de  plus  abondantes  et  de 
plus  efficaces  qu'aux  autres,  et  c'est 
dans  ce  sens  seulement  que  ceux-ci 
sont  abandonnés  en  comparaison 
des  premiers. 

Quelques  accusateurs  de  la  Pro- 
vidence ont  affecté  d'alléguer  un 
passage  du  livre  des  Proverbes, 
c.  I,  J^.  24,  où  la  Sagesse  dit  aux  pé- 
cheurs :  «  Je  vous  ai  appelés  ,  et 
»  vous  m'avez  rebutée  ;  je  vous  ai 
»  tendu  les  bras,  et  aucîin  devons 

»  ne  m'a   regardée De    mon 

»  côté,  je  rirai  et  j'insulterai  à  votre 
»  ruine,  lorsque  les  maux  que  vous 
»  craignez  vous  seront  arrivés.... 
»  Alors  on  m'invoquera,  et  je  n'c- 
»  co:iterai  point:onmechcrchera, 
»>  et  on  ne  me  trouvera  pas...  Mai > 


ft  ABA 

M  celui  qui  m'écoutera  reposera 
»  sans  crainte  ;  il  sera  dans  Tabon- 
B  (lance  et  n'aura  plus  de  maux 
»  à  redouter.  »  Nous  ne  voyons 
pas  comment  l'on  peut  conclure 
de  là  qu'il  y  a  un  moment  fatal  au- 
quel Dieu  n'écoute  plus  les  pé- 
cheurs ,  les  abandonne  entière- 
ment ,  leur  refuse  toute  g;ràce  ,  et 
les  laisse  périr,  i.»  Il  est  évident 
que  le  Sage  parle  de  maux  tempo- 
rels ,  et  non  de  la  réprobation  des 
pécheurs.  2.»  Ce  seroit  en  vain 
qu'il  ajoute  :  celui  qui  m* écoutera  , 
etc.  Les  pécheurs  peuvent-ils  en- 
core écouterDieu,  lorsqu'il  ne  leur 
parle  plus  par  la  grâce  ?  3."  Celte 
opinion  estformellcmentcontraire 
à  la  promesse  que  Dieu  a  faite  par 
Ézéchiel,  c.  33,  ^.  i4  ;  «  Lorsque 
»  i'aurai  dit  à  l'impie  ,  tu  mourras  , 
M  s'il  fait  pénitence  et  pratique  la 

»  justice, il  vivra  et  ne  mourra 

»  point,  n  Or  l'impie  ne  peut  faire 
pénitence,  à  moins  que  Dieu  ne 
lui  donne  la  grâce. 

Les  Pères  de  l'Église  ont  tous 
insisté  sur  ce  passage ,  et  sur  ce  qui 
précède ,  jH.  1 1  :  «  Par  ma  vie , 
j.  dit  le  Seigneur,  je  ne  veux  point 
j)  la  mort  de  l'impie,  mais  qu'il  se 
»  convertisse  et  qu'il  vive.  »  Ils  en 
ont  conclu  que  la  miséricorde  de 
Dieu  n'abandonne  jamais  entière- 
ment les  pécheurs.  Dieu  dit  dans 
l'Apocalypse,  c.  3,^  .  19  :  «  Faites 
»  pénitence  ,  je  suis  à  la  porte  et 
»  je  frappe  ;  si  quelqu'un  m'ouvre, 
«  j'entrerai  chez  lui.  »  Il  ne  met 
point  d'exceptions.  Jésus -Christ 
nous  est  représenté,  non  comme  un 
juge  empressé  de  faire  justice,  mais 
comme  un  Sauveur  miséricor- 
dieux, qui  craint  de  perdre  une 
âme  et  le  prix  du  sang  qu'il  a  ré- 
pandu pour  elle. 

Cependant  quelques  théologiens 
soutiennent  que  ce  n'est  point  là  le 
sentiment  de  saint  Augustin.  Ce 
Père ,  di.sent-ils,  a  répété  vingt  fois 
que  Dieu  n'abandonne  point  le 
juste,  à  moins  qu'il  n'en  soitaban- 


ABA 

donné  ;  il  applique  ce  principe 
mêmeà  notre  premier  père,  «ye/T/j./, 
in  Ps.  58,  n.  a;  il  dit  que  Dieu  a 
délaisse  Adam,  parce  qu'Adam  lui- 
même  a  délaissé  Dieu  :  donc  il 
suppose  que  quand  un  juste  aban- 
donne Dieu,  il  en  est  abandonné  a 
son  tour.  L.  3  de  pecc.  meritis  et 
reniiss. ,  c.  i3,  n.  22  ,  le  saint  doc- 
teur prétend  que ,  dans  quelques 
occasions,  Dieu  n'aide  point  les 
justes  à  faire  le  bien,  parce  qu'ils 
peuvent  s'enorgueillir  ;  il  pense  que 
Dieu  leur  refuse  la  grâce  et  les 
laisse  tomber,  afin  de  les  humilier 
par  leur  chute.  Or,  s'il  refuse  quel- 
quefois la  grâce  aux  justes,  à  plus 
forte  raison  aux  grands  pécheurs. 
Lorsque  ceux-ci  veulent  s'excuser 
en  disant'."  En  quoi  sommes-nous 
»  coupables  de  vivre  mal ,  dès  que 
»>  nous  n'avons  pas  reçu  la  grâce 
»  de  bien  vivre  ?»  Saint  Augustin 
répond,  Epist.  194  ad  Sixtum,  c.  6, 
n.  22.  :  «  S'ils  sont  au  nombre 
>»  des  vases  de  colère  destinés  à  la 
»  perdition  ,  qu'ils  s'en  prennent 
»>  à  eux-mêmes,  parce  qu'ils  ont 
»  été  faits  de  cette  masse  que  Dieu 
»  a  justement  condamnée  pour  le 
»  péché  d'un  seul ,  dans  lequel  tous 
»  ont  péché.  »  Ainsi,  ce  Père  sup- 
pose que  la  grâce  leur  est  refusée 
à  cause  du  péché  originel.  Enfin  , 
Tracl.  58,  in  Joan.,  n.  6,  il  dit 
que  Dieu  aveugle  et  endurcit  les 
pécheurs,  nonenlesforçantaumal, 
mais  en  ne  les  secourant  point,  par 
conséquent  en  les  abandonnant. 

Il  est  étonnant  que  ceux  qui  prê- 
tent à  saint  Augustin  cette  doctrine 
absurde  n'aient  pas  vu  qu'ils  le 
font  tomber  dans  des  contradic- 
tions grossières.  I. "Puisque  le  juste 
a  besoin  de  la  grâce  prévenante 
non-seulement  pour  faire  le  bien, 
mais  encore  poxir  y  persévérer,  s'il 
lui  arrive  d'abandonner  Dieu  ou 
de  pécher,  parce  qu'il  a  manqué 
de  la  grâce,  ce  n'est  pas  lui  qui  a 
délaissé  Dieu,  mais  c'est  Dieu  qui 
l'a  délaissé  le  premier  :  dans  ce  cas. 


ABA 

que  devienl  le  principe  lanl  répété 
par  saint  Augustin,  que  Dieu  n'a- 
bandonne janiais  le  juste,  à  moins 
qu'il  n'en  soit  abandonné  î*  Lors- 
qu'Adam  a  péché  pour  la  première 
fuis,  avoit-il  déjà  délaissé  Dieu  ? 
ou  la  grâce  lui  a-t-elle  été  refusée  , 
parce  qu'il  ctoit  né  de  la  masse  de 
perdition  ?2. "Lorsque  les  pécheurs 
veulent  rejeter  sur  Dieu  la  cause 
de  leurs  crimes,  saint  Augustin  leur 
oppose  ce  passage  de  l'Ecclésias- 
tique ,  c.  i5,  'jf .  II  :  «Ne  dites 
•>  point ,  Difu  me  manque  ;  cest 
»  lui  qui  ma  égaré  ;  Dieu  n'a  pas 
»  besoin  des  impies,  etc.  »  L.  de 
Grat.  et  Lib.  arb. ,  c.  a ,  n.  3.  Que 
l'on  dise ,  Dieu  me  manque  ,  ou 
Dieu  me  laisse  manquer  de  grâce , 
c'est  la  même  chose  :  or,  selon  l'au- 
teur sacré  et  selon  saint  Augustin, 
c'est  un  blasphème.  3.»  Ce  saint 
docteur  a  répété  vingt  fois  qu'il 
ne  faut  désespérer  d'aucun  homme 
vivant,  JEnarr.  2 ,  in  Ps.  36 ,  n.  11, 
etc.,  pas  même  des  impies,  in 
Ps.  5o  ,  n.  18  ;  que  le  démon  est  la 
seule  créature  de  la  conversion  de 
laquelle  il  faut  désespérer ,  in 
Ps.  54, n.  4-  Il  dit,  Confess.,Lib.  8, 
c.  II ,  n.  27  :  «  Jette-toi  entre  les 
»  bras  de  ton  Dieu  ;  ne  crains  rien  ; 
»  il  ne  se  retirera  pas  afin  que  tu 
»  tombes,  etc.  »  Que  signifie  tout 
cela,  si  Dieu  peut  abandonner  ab- 
solumentnon-seulement  les  grands 
pécheurs,  mais  encore  les  justes, 
afin  de  les  humilier  ? 

Cherchons  donc  un  moyen  de 
décharger  saint  Augustin  de  toutes 
!es  absurdités  qu'on  lui  impute  ; 
cela  n'est  pas  fort  difficile. 

Serrn.  I,  in  Ps.  58,  n.  2,  il  dit 
qu'Adam  après  son  péché  fut  privé 
de  la  joie  et  de  la  consolation  qu'il 
goiltoit  auparavant  à  voir  Dieu  et 
a  converser  avec  lui  ,  puisqu'il  se 
cacha  ;  c'est  ainsi  que  Dieu  se  re- 
tira de  lui  et  le  délaissa.  L'Écri- 
turenousl'apprendjet  il  nes'ensuil 
rien. 

L.  3    de  pec    merilis  et  reniiss    , 


ABIi  7 

c.  i3,  n.  22,  saint  Augustin  ne  dit 
point  que  Dieu  refuse  quelquefois 
aux  justes  la  grâce  pour  faire  le  bien , 
mais  pour  le  faire  parfaitement, 
ad  per/iciendum  jusiitiam;  et  cela 
est  vrai.  Dieu  ne  donne  pas  tou- 
jours aux  âmes  les  plus  saintes  la 
force  de  pratiquer  le  bien  avec 
autant  de  perfection  qu'elles  le 
voudroient  ;  c'est  ce  qui  les  afUige, 
les  humilie,  les  tourmente  même 
par  des  scrupules  :  s'ensuit-il  de  là 
que  Dieu  leur  refuse  les  grâces  né- 
cessaires pour  éviter  le  péché  et 
pour  persévérer  dans  le  bien  ? 

Epist.  194  ad  Sijct. ,  chap.  6, 
n.  21  et  22,  saint  Augustin  parle 
non  de  la  grâce  actuelle,  mais  de 
la  grâce  finale ,  du  don  de  la  persé- 
vérance, de  la  prédestination  à  la. 
gloire  éternelle.  Nous  convenons  , 
d'après  saint  Augustin,  que  ce  don 
n'est  dii  à  personne,  que  Dieu  peut 
le  refuser  à  qui  il  lui  plaît,  et  que 
ceux  auxquels  il  ne  l'accorde  point 
n'ont  pas  droit  de  se  plaindre  ;  que 
cela  ne  peut  pas  excuser  les  pé- 
cheurs, comme  le  prétendoit  Pe- 
lage. Nous  traiterons  cette  question 
aux  mots  Persévérance  et  Prédes- 
tination. Voyez  Grâce,  §  3. 

ABBAYE,  ABBÉ,  ABBESSE. 
Un  corps,  une  communauté  quel- 
conque, ne  peut  subsister  sans  sub- 
ordination ;  il  faut  un  supérieur 
qui  commande  et  des  inférieurs  qui 
obéissent:  parmi  des  membres  tous 
égaux  et  qui  font  profession  de 
tendre  à  la  perfection ,  l'autorité 
doit  être  douce  et  charitable  ;  on 
ne  pouvoit  donner  aux  supérieurs 
monastiques  un  nom  plus  conve- 
nable que  celui  de  père  ;  c'est  ce 
que  signifie  abba  :  par  la  même 
raison ,  l'on  a  nommé  abbesses  lea 
supérieures  des  religieuses  ,  et  ab- 
bayes les  monastères.  La  juridic- 
tion, les  droits,  les  privilèges  des 
abbés  et  des  abbesses  ont  été  fixés 
par  les  lois  erclésiasliques  ;  c'est 
un  des  articles  de  la  jurisprudence 


8  ABË 

canonique.  Il  nous  suffit  d'obser- 
ver que  la  multitude  des  abbayes 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe  n'a  rien 
d'étonnant  pour  ceux  qui  savent 
quel  étoil  le  malheureux  état  de 
la  société  en  Europe  pendant  le 
dixième  siècle  et  les  suivants  ;  les  mo- 
nastères étoient  non-seulement  les 
jeuls  asiles  où  la  piété  pût  se  ré- 
fugier, mais  encore  la  seule  res- 
source des  peuples  opprimés,  dé- 
pouillés, réduits  à  l'esclavage  par 
les  seigneurs  toujours  armés  et 
acharnés  à  se  faire  une  guerre  con- 
tinuelle. Ce  fait  est  attesté  par  la 
multitude  des  bourgs  et  des  villes 
bâtis  autour  de  l'enceinte  des  ab- 
bayes. Les  peuples  y  ont  trouvé  les 
secours  spirituels  et  temporels,  le 
repos  et  la  sécurité  dont  ils  ne  pou- 
voient  jouir  ailleurs. 

On  n'a  jamais  autant  déclamé 
que  de  nos  jours  contre  les  riches- 
ses, la  somptuosité,  la  magnifi- 
cence des  abbayes  :  dans  nos  dic- 
tionnaires géographiques ,  on  ne 
manquejamais,  enparlantdes  villes 
ou  des  bourgs  dans  lesquels  il  se 
trouve  une  abbaye ,  de  faire  con- 
traster l'opulence  qui  y  règne  avec 
la  pauvreté  et  la  misère  des  peuples 
du  canton,  et  d'insinuer  que  c'est 
ce  voisinage  fatal  qui  ruine  les 
colons. 

L'on  feroit  une  observation  à 
peu  près  aussi  sensée,  si  l'on  met- 
toil  en  opposition  la  magnificence 
du  château  de  Versailles  et  le  luxe 
de  la  cour,  avec  la  multitude  des 
pauvres  rassemblés  dans  cette  ville; 
ou  la  misère  répandue  sur  le  pavé 
de  Paris ,  avec  la  somptuosité  des 
hôtels  des  grands  seigneurs  et  des 
financiers.  Les  pauvres  se  rassem- 
blent dans  ces  deux  villes,  parce 
qu'ils  espèrent  de  trouver  du  se- 
cours dans  la  charité  des  princes 
et  des  grands  :  ainsi ,  les  abeilles 
se  répandent  sur  les  prairies  dans 
lesquelles  il  y  a  des  fleurs  à  sucer, 
el  non  dans  les  campagnes  labou- 
rées,  OÙ  il  n'y  en  a  point.  Nous 


pensons  qu'il  en  est  de  Tnème  àes 
abbayes  et  des  riches  monastères , 
et  que  si  les  misérables  n'y  trou- 
voient  rien  à  gagner ,  ils  iroient 
chercher  leur  subsistance  ailleurs. 
Les  réflexions  de  nos  censeurs  po- 
litiques prouvent  précisément  le 
contraire  de  ce  qu'ils  prétendent 

Il  vient  de  paroître  un  ouvrage 
intitulé  :  Observations  d'un  solitaire 
citoyen ,  dans  lequel  l'auteur  a 
prouvé ,  par  des  raisons  très- 
solides  ,  qu'à  n'envisager  les  ab- 
bayes et  les  monastères  que  sous  un 
aspect  politique,  ces  établissements 
sont  très-avantageux,  et  qu'en  les 
détruisant  ou  en  changeant  leur 
destination,  l'on  produiroit  beau- 
coup plus  de  mal  que  de  bien  ;  il 
a  répondu  d'une  manière  très- 
satisfaisante  à  toutes  les  objections 
que  les  censeurs  de  l'état  monasti- 
que ont  compilées  dans  leurs  dis- 
sertations.   • 

Sans  entrer  ici  dans  un  grand 
détail,  il  est  évident,  i.»  que,  dans 
toutes  les  abbayes  el  les  monastères 
en  règle,  le  revenu  est  consumé 
sur  le  lieu  même  et  dans  le  voisinage; 
au  lieu  que  s'il  éloit  donné  à  des 
séculiers ,  il  seroit  dépensé  à  la 
cour,  dans  la  capitale,  ou  dans 
qiielqu'autre  demeure  éloignée  du 
sol  et  du  séjour  des  colons.  2.»  Que, 
par  le  moyen  des  commendes,  il' 
n'est  aucune  espèce  de  revenu  qui 
soit  plus  immédiatement  sous  la 
main  du  gouvernement  ;  puisque  le 
roi  en  dispose  à  chaque  mutation, 
et  que  l'on  peut  les  employer  à  l'u- 
tilité publique  par  des  réunions  , 
par  les  économats,  par  des  pen- 
sions, etc.  3.0  Que,  dans  toutes  les 
calamités  qui  afiligent  les  cam- 
pagnes, il  n'est  point  de  ressource 
plus  prompte  el  plus  certaine  que 
celle  que  l'on  peut  trouver  dans  les 
abbayes.  Si  l'on  faisoit  une  liste 
des  bonnes  œuvres  qui  se  font  jour- 
nellement dans  ce  genre,  les  en- 
nemis des  moines  seroient  forces 
de  rougir  de  lenrs  déclamations 


ABD 

4.0  Que  CCS  vastes  bâtîmenls,  qui 
insultent,  dit-on,  à  la  niiscrc  pu- 
blique, ont  clé  élevés  par  les  liras 
des  ouvriers  du  canton,  qui  y  ont 
ainsi  gagné  leur  vie  ;  qu'en  cela  Ton 
s'est  conformé  au  sentiment  de  nos 
philosophes  politiques ,  qui  sou- 
tiennent que  la  meilleure  espèce 
d'aumône  est  de  l'aire  travailler  le 
peuple.  Il  y  auroit  bien  d'autres 
observations  à  l'aire.  Voyez  Moine  , 
Monastère. 

ABDAS.    Voyez  Zèle  de  Reli- 
gion. 


ABDENAGO.     Voyez 
dans  la  fournaise. 


Enfants 


ABDIAS,  le  quatrième  des  douze 
petits  prophètes,  vivoit  sous  le  rè- 
gne d'Ezéchias ,  vers  l'an  726  avant 
Jésus-Christ  :  il  prédit  la  ruine  des 
Idumécns  et  le  retour  de  la  capti- 
vité de  Juda ,  la  venue  du  Messie  et 
la  vocation  des  Gentils  ;  mais  ces 
dernièresprédictionsneparoissent 
pas  aussi  claires  que  les  premières. 
Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec 
plusieurs  ain\.TÇs  Abdîas ,  dont  il 
est  parlé  dans  l'Ecriture ,  savoir  : 
1 .0  un  certain  Abdias ,  intendant  de 
la  maison  d'Achab,  qui  cacha,  dans 
la  caverne  d'une  montagne  à  la- 
quelle il  donna  son  nom ,  cent  pro- 
phètes ,  pour  les  soustraire  à  la  fu- 
reur de  Jézabel  ;  2.»  un  intendant 
des  finances  de  David  ;  3.o  un  des 
généraux  d'armée  du  même  roi  ; 
4." un  lévite  qui  rétablit  le  temple 
sons  le  règne  de  Josias. 

Abdias  de  Babylone,  auteur  sup- 
posé d'une  histoire  du  combat  des 
apôtres.  Il  nous  dit  dans  sa  pré- 
face qu'il  avoit  vu  Jésus-Christ  ; 
qu'il  étoit  du  nombre  des  soixante 
et  douze  disciples  ;  qu'il  suivit  en 
Perse  saint  Simon  et  saint  Jude  , 
qui  l'ordonnèrent  premier  évêquc 
deBabylonc.  Mais  en  même  temps 
il  citellégésippe,  qui  n'a  vécu  que 
cent  trente  ans  après  l'ascension 


ABE  «j 

de  Jésus-Christ,  et  veut  nous  faire 
accroire  qu'ayant  écrit  lui-même 
en  hébreu,  son  ouvrage  a  été  tra- 
duit en  grec  par  un  nommé  Eu- 
trope  ,  son  disciple,  et  du  grec  en 
latin,par  Jules  Africain,  qui  vivoit 
en  221.  Ces  contradictions  démon- 
trent que  le  prétendu  Abdias  est 
un  imposteur.  Wolfang  Lazius , 
qui  déterra  le  manuscrit  de  cet  ou- 
vrage dans  le  monastère  d'Ossak  , 
en  Carinthie ,  le  fit  imprimer  à 
Bâle  en  i55i,  comme  un  monu- 
ment précieux.  Il  y  en  a  eu  plu- 
sieurs autres  éditions ,  sans  que 
cette  histoire  en  ait  acquis  plus 
d'autorité. 

ABDISSI,  ABDJÉSU  ou  ÉBEEK- 
JESU.  Voyez  Chaldéens. 

ABÉCÉDAIRES,  branche  d'a- 
nabaptistes, qui  prétendoient  que 
pour  être  sauvé  il  falloit  ne  savoir 
ni  lire,  ni  écrire.  Voyez  Anabap- 
tistes. 

ABEL  ,  second  fils  d'Adam.  Se- 
lon l'histoire  sainte ,  Caïn  son  aîné 
cultivoit  la  terre  ;  Abel  élevoitdes 
troupeaux  ;  le  premier  ofFroit  à 
Dieu  les  fruits  de  l'agriculture;  le 
second  lui  présentoit  la  graisse  ou 
le  lait  des  animaux  :  il  étoit  naturel 
que ,  par  reconnoissance  ,  les  hom- 
mes fissent  à  Dieu  l'offrande  des  ali- 
ments qu'ils  tenoient  de  sa  bonté. 
Dieu  agréa  les  dons  à^Ahcl,  et  n'eut 
point  égard  à  ceux  de  Caïn.  Celui- 
ci,  Jaloux  de  la  prospérité  de  son 
frère,  conçut  contre  lui  une  haine 
violente,  et  le  tua. 

Les  rêveries  que  les  rabbins  ont 
écrites  sur  la  conduite  A'' Abel  ne 
méritent  aucune  attention  ;  le  ré- 
cit simple  et  naïf  de  l'Écriture 
donne  lieu  à  plusieurs  réflexions 
i.**  Le  sort  des  deux  frères  dut  faire 
sentir  à  nos  premiers  parents  les 
suites  terribles  de  leur  yièché  , 
l'excès  des  misères  auxquelles  étoit 
condamnée  leur  postérité.  2."  La 


lo  ABE 

destinée  à^Abel  démontre  que  les 
récompenses  de  la  vertu  ne  sontpas 
de  ce  inonde.  Dieu  avoit  dit  à  Gain, 
pendant  qu'il  médiloit  son  crime  : 
«  Si  tu  fais  bien ,  n'en  recevras-tu 
»  pas  la  récompense  ?  Si  tu  fais 
»  mal,  ton  péché  s'élèvera  contre 
»  toi.  «Cependant^ie/ reçoit  pour 
toute  récompense  de  sa  piété  une 
mort  violente  et  prématurée.  Dieu 
a  donc  accompli  sa  promesse  dans 
une  autre  vie.  Selon  saint  Paul , 
Abel,  par  sa  foi ,  a  offert  à  Dieu 
de  meilleurs  sacrifices  que  Caïn  ; 
par-là  il  a  mérité  le  nom  de  juste; 
Dieu  lui-même  a  rendu  témoignage 
à  ses  offrandes ,  et  par  cette  foi  il 
parle  encore  après  sa  mort,  iîeèr., 
c.  ii,y.  4. 

Quelle  a  pu  être  la  foi  à^Abel , 
sinon  une  ferme  croyance  à  la  vie 
future  ?  Le  témoignage  que  Dieu 
lui  a  rendu  seroit  illusoire,  si  la 
piété  à'' Abel  étoit  frustrée  de  toute 
récompense.  L'indulgence  avec  la- 
quelle Dieu  traite  Caïn  après  son 
crime  seroit  un  nouveau  sujet  de 
scandale.  Voyez  Gain. 

Gomme  saint  Gyprien,  X.  de 
bono  patieniiœ ,  a  loué  Abel  de  ne 
s'être  pas  défendu  contre  son  frère, 
et  d'avoir  ainsi  donné  un  prélude 
de  la  constance  des  martyrs  et  de  la 
patience  des  justes,  BarbejTac  ac- 
cuse ce  Père  d'avoir  détruit  par- 
là  le  droit  naturel  d'une  juste  dé- 
fense de  soi-même;  Traité  de  la 
morale  des  Pères ,  c.  8,  §  ^i. 

Mais  le  droit  de  se  défendre  et 
Vnbligaiion  de  le  faire,  est-ce  la 
même  chose  ?  Barbeyrac  convient 
que  non  ;  qu'il  y  a  des  cas  dans  les- 
quels un  juste  peut  être  louable 
de  se  laisser  mettre  à  mort ,  plutôt 
que  de  tuer  l'injuste  agresseur;  il 
donne  pour  exemple  Jésus-Ghrist 
et  les  martyrs.  La  question  est  donc 
de  savoir  si  Abel  n'a  pu  avoir  au- 
cun motif  louable  de  se  laisser  ôter 
la  vie  :  or,  nous  soutenons  que  le 
dessein  de  laisser  à  son  frère  le 
temps  de  faire  pénitence,  de  donner 


ABG 

ksts  propres  enfants  un  exemple  de 
patience  ,  de  remettre  à  Dieu  seul 
le  soin  de  la  vengeance  ,  est  unmo- 
tif  très-louable,  et  que  saint  Gy- 
prien n'a  pas  eu  tort  de  le  louer. 
Voyez.  DÉFENSE  de  soi-même. 

ABELIENS ,  ABÉLOITES ,  secte 
d'hérétiques  assez  obscurs  et  en  pe- 
tit nombre,  qui  ont  subsisté  pen- 
dant quelques  années  auprès  d'Hip- 
pone  en  Afrique.  Quoique  mariés, 
ils  s'abstenoient  de  tout  commerce 
conjugal  avec  leurs  femmes.  Le  mo- 
tif de  cette  conduite  bizarre  étoit 
Probablement  d'imiter  la  chasteté 
'Abel ,  que  l'on  suppose  n'avoir 
jamais  eu  d'enfants.  Mais,  outre 
l'incertitude  de  ce  fait ,  il  auroit  été 
plus  simple  de  s'abstenir  du  ma- 
riage. Getle  continence  mal  en- 
tendue ne  pouvoit  manquer  de  pro- 
duire bientôt  du  désordre  dans  un 
climat  tel  que  l'Afrique.  Quels 
qu'aient  pu  être  leurs  motifs ,  ils  ne 
valoient  pas  la  peine  que  plusieurs 
écrivains  se  sont  donnée  pour  les 
deviner.  S.  Augustin  ,  de  Hœres.  , 
n.  87. 

Mosheim,  Hist.  Ecclésiast.,  a.' 
siècle,  2.e  part. ,  c.  5,  n.  18,  a  pris 
lesAbéliens  pour  une  secte  de  gnos- 
tiques.  Il  nous  paroît  qu'il  s'est 
trompé.  Saint  Augustin  parle  de 
ceux  d'Afrique  comme  d'une  secte 
qui  venoit  de  s'éteindre,  et  qui 
n'avoit  pas  duré  long-temps. 

ABGABE ,  roi  d'Edesse ,  ville  de 
la  Mésopotamie,  est  connu  dans 
l'histoire  ecclésiastique  par  ce  que 
Eusèbe  en  rapporte ,  liv.  i ,  ch.  i3  ; 
il  dit  que  ce  roi  écrivit  à  Jésus- 
Ghrist  pour  le  prier  de  venir  le 
guérir  d'une  maladie:  que  le  Sau- 
veur lui  fit  réponse  et  promit  de 
lui  envoyer  un  de  ses  disciples  ; 
qu'après  l'ascension,  saint  Thomas 
envoya  en  effet  saint  Thadée,  qui 
guérit  Abgare  et  convertit  la  ville 
d'Edesse.  Eusèbe  rapporte  la  lettre 
et  laréponse,  etprétendlesavoir  ti- 


ABI 

récs  des  archives  de  lavilled'Edessc. 

De  savants  critiques  ont  regardé 
ces  deux  pièces  comme  supposées  ; 
Tillemont,  Cave  et  d'autres,  les 
reçoivent  comme  authentiques ,  et 
répondent  aux  difficultés  qu'on 
leur  oppose.  Mosheimn'oseroitga- 
rantir  l'authenticité  de  ces  deux 
lettres;  mais  il  ne  voit  aucune  rai- 
son de  rejeter  l'histoire  qui  y  a 
donné  lieu.  D'autres  prolestants 
plus  hardis  s'inscrivent  également 
en  faux  contre  l'histoire  et  contre 
les  lettres  ;  mais  ils  n'allèguent  que 
des  preuves  négatives. 

Il  n'est  pas  tort  nécessaire  à  un 
théologien  de  prendre  parti  dans 
cette  dispute,  qui  est  dans  le  fond 
très-indifférente  à  la  religion  chré- 
tienne. On  ne  fonde  sur  ce  monu- 
ment aucun  fait,  aucun  dogme, 
aucun  point  de  morale  ;  et  c'est 
pour  cela  même  qu'il  neparoîtpas 
probable  que  l'on  ait  fait  une  su- 
percherie sans  motif.  La  lettre 
d'Abgare  pourroit  fournir  une 
preuve  de  plus  de  la  réalité  de  l'éclat 
des  miracles  de  Jésus-Christ;  mais 
nous  en  avons  assez  d'autres  pour 
pouvoir  aisément  nous  passer  de 
celle-là.  Koyez  les  notes  Varioruni 
sur  VHist.  Ecclésiast.  d'Eusèbe,  et 
Tillemont,  tom.  I,pag.  Sgoetsuiv. 

ABIAT^IÎAR ,  fils  d'Achimelech, 
fut  le  dixième  grand -prêtre  des 
Juifs,  depuis  Aaron.  Il  est  dit,  i 
fleg".,  c.  21, ;>^.  i8et  suiv.,  que  Saiil 
ayant  appris  qu'Achimelech  avoit 
fourni  à  David  des  vivres  et  une 
épéc,  fit  massacrer  ce  sacrificateur 
et  tous  ceux  de  la  ville  deNobé,au 
nombre  de  quatre-vingt-cinq hom- 
irics ,  et  fil  passer  tous  les  habitants 
de  cette  ville  au  fil  de  l'épée  ;  qu'un 
fils  d'Achimelech,  nommé  ^^l'a- 
ifiar,  se  sativa  axiprès  de  David,  qui 
le  prit  sous  sa  protection.  De  là  on 
a  conclu  qu'il  y  eut  alors  detix 
grands-prêtres  ;  savoir:  iSat/oc dans 
le  parti  de  Saiil  ,  et  Abialhar  dans 
relui  de  David.  Sous  le  règne  de 


Mil  ,r 

Salomon  ,  Abiaihar ^  s'étant  atta- 
ché au  parti  d'Adonia.s,  fut  privé 
du  sacerdoce  et  relégué  à  Anathot. 

Mais  il  est  dit  dans  saint  Marc  , 
c.  2,^.26,  que  le  fait  de  David  ar- 
riva sous  le  grand-prêtre  Abiathar. 
Comment  cela  s'accorde-t-il  avec 
le  premier  livre  des  Rois  qui  nous 
apprend  que  ce  fut  sous  Achime- 
lech .? 

On  répond  ordinairement,  i.c 
que,  sous  le  règne  de  Saiil ,  Abia- 
thar  exerçoit  déjà  le  souverain  .sa- 
cerdoce conjointement  avec  son 
père ,  et  que  cela  s'est  vu  plus 
d'une  fois;  qu'ainsi  l'évangélistea 
pu  nommer  l'un  ou  l'autre  indif- 
féremment. 2.0  Que  comme  Abia- 
ihar  a  été  revêtu  de  celle  dignité 
pendant  tout  le  règne  de  David  , 
et  même  pendantla  première  année 
de  Salomon,  il  étoit  plus  conve- 
nable de  le  nommer  que  son  père. 

Mais  un  auteur  anglois,  nommé 
Wision ,  a  résolu  autrement  celte 
difficulté  ;  il  soutient  qu'Achime- 
lech, et  son  fils  Abiaf7iar, dont  il  est 
parlé  dans  le  livre  des  Rois,  nesont 
point  deux  grands -prêtres  ,  mais 
de  simples  sacrificateurs ,  aussi- 
bien  que  les  autres  prêtres  de  la 
ville  deNobé,  que  Saiil  fil  mourir. 
En  effet,  ni  l'un  ni  l'autre  nesont 
appelés  grands -prêtres  y  mais  seule- 
ment sttcrj/?ca/eurs,  et  il  n'est  pas 
probable  que  Saiil  eiît  osé  faire 
massacrer  deux  grands  -  prêtres. 
"Wision  prétend  encore  qu'il  y  a 
eu  deux  grands-pretres  nommés 
Abiaihar,  l'un  sous  Saiil ,  et  qui 
étoit  frère  d'Achimelech  ;  l'autre 
sous  David  et  sous  Salomon ,  et  qui 
étôil  fils  d'Achimelech  ;  mais  qu'ils 
ne  sont  point  les  mêmes  person- 
nages que  les  sacrificateurs  deNobé 
dont  il  est  question  dans  le  2i.c 
chap.  du  i.'f  livre  des  Rois.  Voyez 
la  bible  de  Chais  sur  cet  endroit. 

ABISME,  ou  plutôt  Abysme,  for- 
mé d'à  privatif  et  de  pvoao;,  fond  ; 
i)   signifie  sans  fond.   Ce  mol    se 


J3  ABl 

prend  dans  TÉcrilure ,  i.«>  pour 
l 'immensité  des  eaux  qui  environ- 
noient  le  globe  de  la  terre  au  mo- 
ment de  la  création,  et  avant  que 
Dieu  les  eût  renfermées  dans  un 
même  lit.  Gènes. ,  c.  i ,  ^ .  2  et  9. 
2."  Pour  la  mer;  en  parlant  du  dé- 
luge, il  est  dit  que  les  sources  du 
grand  abime  furent  rompues ,  c'est- 
à-dire  ,  que  la  mer  sortit  de  son 
lit.  Gènes,  c.  7,  5^'.  11.  Au  sujet 
des  Egyptiens  submergés  dans  la 
mer  llouge.  Moïse  dit  qu'ils  ont 
été  couverts  par  les  abîmes.  F,ccod., 
c.  i5,  ^.  5,  etc.  3.0 Pour  les  lieux 
les  plus  profonds  de  la  mer.  £ccl.  , 
CI,  y/,  a.  4-'*  Pour  l'enfer.  Il  est 
représenté  comme  un  gouffre  placé 
sous  les  eaux  et  vers  le  centre  de  la 
terre,  dans  lequel  sont  renfermés 
le^  impies,  les  géants  qui  ont  fait 
trembler  les  peuples,  les  rois  de 
Tyr,  de  Babylone,  d'Egypte,  tou- 
jours vivants,  et  portant  la  peine 
de  leur  orgueil  et  de  leur  cruauté. 
Isaïe,  parlant  de  la  mort  du  roi  de 
Babylone,  lui  adresse  ainsi  la  pa- 
role :  n  Ton  arrivée  a  troublé  les 
»  enfers,  a  éveillé  les  géants;  les 
»  rois  des  nations  se  sont  levés  de 
»  leurs  sièges  :  ils  te  diront  :  Te 
»  voilà  donc  blessé  aussi-bien  que 
»  nous,  et  devenu  semblable  à 
n  nous;  ton  orgueil  a  été  précipité 
»  aux  enfers,  ton  cadavre  est  tombé  ; 
>»  il  sera  la  proie  de  la  pourriture 
»  et  des  vers,  etc.  n  Isaïe  ^  c.  i4, 
y'.  9  et  suiv.  Ezéchiel  ditia  même 
chose  du  roi  de  Tyr,  chap.  28, 
y.  8  ;  du  roi  d'Egypte  et  de  ses 
sujets,  ch.  32,  y^ .  18  et  suivants. 
luabîme  est  aussi  pris  pour  l'enfer 
dans  l'Apocalypse,  c.g,  11,  20,  etc. 
Les  conjectures  des  savants,  sur 
la  manière  dont  les  Hébreux  con- 
cevoient  le  centre  de  la  terre  ou  le 
fond  de  Vabime ,  la  source  des 
fontaines  et  des  rivières,  etc.,  nous 
importent  fort  peu;  il  nous  suffit 
de  présenter  le  sens  littéral  et  na- 
tur-el  des  livres  saints  :  il  en  résulte 
que  ceux  qui  ont  assuré  que  les  an- 


ABL 

cicns  Hébreux  n'avoicnt  aucune 
idée  de  l'enfer,  se  sont  trompés. 
Voyez  Enfer, 

ABISSmS.     Voyez    ÉTniopiENS. 

ABJURATION ,  est  le  serment 
par  lequel  un  hérétique  converti 
renonce  à  ses  erreurs  et  fait  pro- 
fession de  la  foi  catholique  ;  cette 
cérémonie  est  nécessaire  pour  qu'il 
puisse  être  absous  des  censures  qu'il 
a  encourues,  et  être  réconciliée 
l'Eglise, 

Les  protestants  ont  souvent 
tourné  en  ridicule  les  conversion» 
et  les  abjurations  de  ceux  d'entre 
eux  qui  rentrent  dans  le  sein  de 
l'Eglise  catholique  ;  pour  prévenir 
cette  espèce  de  désertion,  ils  ont 
posé  pour  maxime  qu'un  honnête 
homme  ne  change  jamais  de  reli- 
gion. Ils  ne  voient  pas  qu'ils  cou- 
vrent d'ignominie,  non-seulemejit 
leurs  pères,  mais  les  apôtres  de  la 
prétendue  réforme,  qui  ont  certai- 
nement changé  de  religion,  et  qui 
ont  engagé  les  autres  à  en  clianger  ; 
ils  rendent  suspectes  les  conver- 
sions des  juifs,  des  mahométans , 
des  païens,  qui  se  font  protestants  ; 
et  leur  censure  retombe  même  sur 
tous  ceux  qui  se  sont  convertis  à 
la  prédication  des  apôtres.  Leur 
maxime  ne  peut  être  fondée  que 
sur  une  indifférence  absolue  pour 
toutes  les  religions,  par  conséquent 
sur  une  incrédulité  décidée.  Voyc7 
Conversion, 

ABLUTION.  C'est  l'action  de. sa 
laver  le  corps.  Tous  les  peuples, 
dans  tous  les  temps  ,  ont  compris 
que  la  propreté  du  corps  étoit  le 
symbole  de  la  propreté  de  l'àme  ; 
que  le  péché  pouvoit  être  envisagé 
comme  une  tache  de  la  conscience; 
qu'en  se  lavant  le  corps,  un  homme 
témoigne  le  désir  qu'il  a  de  se  pu- 
rifier l'àme.  Ainsi  les  ablutions , 
très-nécessaires  à  la  santé  dans  les 
climats  chauds,   où  l'on  ne  con- 


nois5oIl  pas  l'usage  du  Hngc,  sont 
devenues  un  acte  religieux  univer- 
sellement pratiqué.  A-t-on  cru 
pour  cela  que  cetlecérémonieavoit 
la  vertu  d'effacer  le  péché  aux  yeux 
de  la  Divinité  ?  Si  les  ignorants 
l'ont  pensé,  les  sages  du  moins  ont 
senti  qu'un  rite  extérieur  ne  peut 
être  eHlcacc  qu'autant  qu'il  plaît 
à  Dieu  de  l'agréer  et  qu'il  est  ac- 
compagné d'un  sentiment  intérieur 
de  pénitence. 

II  pai'oît  que  les  ablutions  ont 
été  eii  usage  chez  les  patriarches, 
puisqu'il  en  est  parlé  dans  le  livre 
de  Job,  ch.  9,  y.  3o.  Moïse  en 
prescrivit  aux  Juifs  un  grand  nom- 
Ère  ;  Jésus-Christ  les  a  consacrées , 
en  donnant  au  hapleme,  conféré 
en  son  nom,  la  force  d'effacer  le 
péché.  Vo/ez  Baptême.  L'Église, 
animée  par  le  même  esprit,  a  con- 
servé l'usage  de  l'eau  bénite.  On 
sait  que  les  païens  pratiquoient 
aussi  différentes  espèces  d'aè/u- 
iîons  ;  quelesmahométansse  lavent 
{ilusieurs  fois  le  jour,  surtout  avant 
la  prière;  que  les  peuples  les  plus 
grossiers  pensent  sur  ce  sujet  com- 
me les  nations  les  plus  éclairées. 

Est-ce  une  superstition  générale 
qui  a  saisi  tous  les  esprits  ?  Quicon- 
que se  persuade  que,  pour  effacer 
le  crime,  il  suffit  de  se  laver  le  corps, 
sans  avoir  aucun  sentiment  de  com  - 
ponction  et  de  regret,  sans  aucun 
désir  de  se  corriger,  est  sapersti- 
tieuxsans  doute;  il  abuse  d'un  signe 
destiné  à  lui  rappeler  ce  qu'il  doit 
faire  intérieurement  :  mais  l'abus 
dans  aucun  genre  ne  prouve  rien 
contre  un  usage  utile  en  lui-même. 
11  n'est  aucune  institution  de  la- 
quelle on  ne  puisse  abuser;  l'igno- 
rance, la  stupidité,  l'hypocrisie, 
ne  prescriront  jamais  contre  les 
signes  naturels  de  la  piété  et  de  la 
religion.  Voyez  ExprAxiONS, 

En  terme  de  liturgie,  l'on  nomme 
ablution  l'eau  et  le  vin  queleprêtre 
met  dans  le  calice  après  la  com- 
munion, afin   qu'il  n'y  reste  rien 


AJiO  26 

du  vin  consacré.  Il  convient  de 
tenir  dans  la  plus  grande  pro- 
preté les  vases  destinés  à  contenir 
l'Eucharistie. 

ABNÉGATION.  Renoncement  à 
soi-même.  Jésus-Christ  dit  dans 
l'Évangile  :  «  Si  quelqu'un  veut 
»  venir  après  moi,  qu'il  renonr  e 
»  à  lui-même,  qu'il  porte  sa  croix 
»  et  me  suive.  »  Par-là  le  Sauveur 
nous  ordonne-t-il  d'étouffer  l'a- 
mour de  nous-mêmes  et  de  notre 
bonheur  ,  de  renoncer  à  notre 
intérêt  bien  entendu  i*  Non,  sans 
doute,  puisqu'il  nous  invite  à  la 
verluparl'attrait  de  la  récompense 
et  du  bonheur  qu'il  nous  promet, 
conséquemment  par  un  motif  d'in- 
térêt très-solide.  Il  veut  donc  que 
nous  renoncions  à  l'amourdenous- 
mêmes,  aveugle  et  mal  réglé,  à  nos 
passions,  à  nos  inclinations  vi- 
cieuses, que  nous  confondons  mal  à 
propos  avec  notre  intérêt.  Un  juste 
s'aime  plus  véritablement,  et  en- 
tend mieux  ses  intérêts  qu'un  pé- 
cheur ;  le  premier  cherche  le  vrai 
bonheur  et  le  trouve  ;  le  second  le 
cherche  où  il  n'est  pas,  et  ne  le 
trouve  ni  en  ce  monde  ni  en  l'au- 
tre. Koycz  Renoncement. 

ABOMINABLE  ,  ABO>nNA- 
TION.  Il  est  dit  dans  l'histoire 
sainte  que  les  pasteurs  des  brebis 
étoient  en  abomination  aux  Egyp- 
tiens. Moïse  répond  à  Pharaon  , 
leur  roi,  que  les  Hébreux  doivent 
immoler  au  Seigneuries  abomina^ 
lions  des  Egyptiens,  c'est-à-dire, 
leurs  animaux  sacrés,  les  bœufs, 
les  boucs ,  les  agneaux ,  les  béliers  , 
dont  Vi  sacrifice  devoit  paroître 
abominable  aux  Egyptiens.  L'Écri- 
ture donne  ordinairement  le  nom 
iH' abomination  à  l'idolâtrie  et  aux 
idoles,  tant  à  cause  que  le  culte 
des  idoles  est  en  lui-mêmeunechose 
abominable ,  que  parce  qu'il  étoit 
presque  toujours  accompagné  de 
dissolutions  et  d'actions  iufàines. 


i4  ABIV 

Moïse  donne  aussi  le  nom  d'aio- 
mînables  aux  animaux  dont  il  in- 
terdit l'usage  aux  Hébreux. 

U' abomination  de  la  désolation, 
ou  plutôt  V abomination  désolante 
prédite  par  Daniel,  ch.  9,  |){^.  27, 
marque,  selon  plusieurs  interprè- 
tes ,  l'idole  de  Jupiter  Olympien 
qu'Antiochus-Epiphane  fit  placer 
dans  le  temple  de  Jérusalem.  La 
même  abomination  dont  il  est  parlé 
dans  saint  Matthieu,  ch.  24,  ^ï^.  i5  , 
dans  saint  Marc,  ch.  6,  ^.  7,  et 
que  l'on  vit  à  Jérusalem  pendant 
le  dernier  siège  de  cette  ville  par 
les  Romains,  sont  les  enseignes  de 
l'armée  romaine,  chargées  des  figu- 
res de  leurs  dieux  et  de  leurs  empe- 
reurs, qui  furent  placées  dans  la 
ville  et  dans  le  temple,  lorsque 
Tite  s'en  fut  rendu  maître. 

ABRA,  dans  l'Écriture,  signifie 
une  fille  d'honneur,  une  suivante, 
la  servante  d'une  femme  de  condi- 
tion. Ce  nom  est  donné  aux  filles 
de  la  suite  de  Rébecca ,  à  celles  de  la 
fille  de  Pharaon,  à  celles  de  la 
reine  Esther,  à  la  servante  de  Ju- 
dith. Ce  n'est  ni  une  simple  esclave, 
ni  une  fille  de  peine,  mais  plutôt 
une  femme  de  chambre  ou  une 
fille  d'atour. 

ABRAHAM.  Les  divers  événe- 
ments de  la  vie  de  ce  patriarche , 
les  discussions  chronologiques  sur 
son  âge,  appartiennent  à  l'histoire  ; 
nous  ne  devons  parler  que  des  cir- 
constances qui  peuvent  donner  lieu 
à  des  objections  théologiques  ;  les 
autres  ont  été  éclaircies  de  nos 
jours  par  plusieurs  savants. 

Pourquoi  Dieu  a-t-il  choisi  un 
Chaldéen  pour  se  faire  connoître  à 
lui  et  à  sa  postérité,  pour  en  faire 
la  tige  de  son  peuple  chéri,  plutôt 
qu'un  Grec,  un  Romain,  un  Chi- 
nois FParce  queDieuétoit  lemaître 
de  son  choix  ;  quel  que  fût  le  per- 
sonnage qu'il  eût  préféré ,  la  même 
objection    reviendroit.   Ceux    qui 


ABR 

disent  que  c'est  un  trait  de  partia- 
lité, une  injuste  prédilection  de  la 
part  de  Dieu ,  n'entendent  pas  les 
tenues.  Dieu  ne  doit  à  personne 
telle  ou  telle  mesure  de  bienfaits 
naturels  ou  surnaturels,  de  faveurs 
spirituelles  outemporelles;  ce  qu'il 
accorde  à  l'un  ne  diminue  pas  la 
portion  qu'il  veut  donner  à  un 
autre  ,  et  ne  lui  porte  aucun  pré- 
judice ;  la  distribution  inégale  de 
biejifaits  purement  gratuits  n'est 
donc  ni  une  injustice,  ni  une  par- 
tialité. Voyez  Acception  de  per- 
sonnes ,  Justice  de  Dieu  ,  Partia- 
lité. 

Quelques  auteurs  ont  avancé 
(IvC Abraham  ,  avant  sa  vocation , 
étoit  idolâtre  ;  ils  ont  cité  en  preuve 
ce  passage  de  Josué,  ch.  s^tJ^-  2  : 
>>  Vos  pères  ont  habité  au-delà  du 
»  fleuve ,  Tharé ,  père  A'' Abraham , 
»  et  Nachor  ;  et  ils  ont  servi  des 
»  dieux  étrangers.  »  Mais  cette  ac- 
cusation ne  peut  tomber  que  sur 
Tharé  et  sur  Nachor.  Abraham 
est  disculpé  dans  le  livre  de  Ju- 
dith ,  c.  5 ,  ;)^.  6  ;  il  y  est  dit  :  «  Les 
»  Hébreux  sont  un  peuple  origi- 
»  naire  delà  Chaldée;  ils  ont  dc- 
»  meure  d'abord  dans  la  Mésopo- 
»  tamie  ,  parce  qu'ils  n'ont  pas 
»  voulu  suivre  les  dieux  de  leurs 
»  pères,  qui  étoient  dans  le  pays 
»  des  Chaldéens.  Ainsi,  en  renon- 
»  çantàla  religion  de  leurs  pères, 
»  qui  admettoient  plusieurs  dieux , 
»  ils  ont  adoré  le  Dieu  du  ciel  , 
»  qui  leur  a  commandé  de  sortir  de 
»  làet  d'aller  demeurera  Charan.  » 
Cela  ne  peut  s'entendre  que  à'A- 
braham,  puisque  c'est  à  lui  que 
Dieu  ordonna  de  quitter  son  pays 
et  sa  famille  ;  et  il  est  probable  que 
dès  ce  moment  son  père  Tharé, 
qui  le  suivit,  cessa  d'être  idolâtre. 
La  fidélité  d!! Abraham  à  n'adorer 
que  le  seul  Dieu  du  ciel  peut  être 
une  des  raisons  pour  lesquelles  Dieu 
l'a  choisi  pour  être  la  tige  de  son 
peuple. 

Dans  plusieurs  endroits  de  l'É- 


AT5R 

criluTP.,  Dieu  est  nommé  le  Dieu 
<V Abraham  ;  les  auteux's  sacrés  out- 
ils voulu  insinuer  par-là  que  Dieu 
abandonnoit  les  autres  hommes 
pour  ne  protéger  que  le  seul  Abra- 
ham. ;  que  c'est  un  Dieu  local  dont 
la  Providence  ne  s'étendoit  que  sur 
une  seule  famille  ?Non  sans  doute. 
Cela  signifie  seulement  que  le  vrai 
Dieu  étoit  seul  adoré  par  ce  pa- 
triarche,pendant  que  la  plupart  des 
peuplades  déjà  formées  offroient 
leur  encensa  des  dieux  imaginaires. 
Lorsqu'un  chrétien  dit  au  Sei- 
gneur: vous  êtes  mon  Dieu,  il  sait 
bien  que  Dieu  est  aussi  le  créateur , 
le  père  et  le  bienfaiteur  des  au- 
tres hommes. 

Il  semble  d'abord  c^n'Abraham 
se  rendit  coupable  de  mensonge, 
en  disant  au  roi  d'Egypte  et  au  roi 
deGérare,  que  Sara  étoit  sa  sœur, 
pendant  qu'elle  étoit  son  épouse.  Ce 
soupçon  n'a  plus  lieu  lorsqu'on  fait 
attention  qu'en  hébreu  le  même 
terme  désigne  une  sœur  et  une  pro- 
che parente,  une  nièce  ou  une  cou- 
sine i  les  Hébreux  n'avoient  pas  , 
comme  nous,  des  termes  propres 
pour  désigner  les  divers  degrés  de 
parenté.  Voyez  Frère  ,  SœuR. 

Plusieurs  interprètes  ont  pensé 
que  Sara ,  épouse  à^ Abraham,  étoit 
véritablement  sa  sœur,  issue  d'un 
même  père,  mais  non  d'une  même 
mère  ;  ce  sentiment  n'est  pas  pro- 
bable. Dans  le  temps  où  vivoit 
Abraham,  de  pareils  mariages 
étoient  déjà  censés  incestueux  ;  ils 
ne  pouvoient  plus  être  excusés  par 
la  nécessité,  parce  que  le  genre 
humain  étoit  déjà  suffisamment 
multiplié.  D'ailleurs,  la  conduite 
et' Abraham ^  qui ,  pour  cacher  son 
mariage  avec  Sara ,  l'appelle  sa 
sœur,  semble  prouver  que  les  peu- 
ples au  milieu  desquels  il  vivoit 
ne  croyoient  pas  qu'un  frère  pût 
épouser  sa  sœur.  Ainsi  nous  pen- 
sons que  Sara  n'étoit  que  la  nièce 
i!* Abraham  ;  il  a  pu  dire  néanmoins 
qu'elle  étoit  fille  de  son  père,  puis- 


AliR  ,5 

qu'elle  en  étoit  la  petite-fille.  Il  y  a 
sur  cette  question  une  dissertalion 
dans  les  mémoires  de  Trévoux , 
an  1710,  juin,  pag.  io53. 

Barbeyrac  soutient  que  le  dis- 
cours d^ Abraham  eloit  du  moins 
une  équivoque  équivalente  à  un 
mensonge,  puisque  ce  patriarche 
en  faisoit  usage  afin  de  tromper  les 
Egyptiens  et  de  leur  cacher  que  Sara 
étoit  son  épouse.  A  cela  nous  ré- 
pondons que  taire  la  vérité  à  des 
gens  qui  n'ont  aucun  droit  de  la 
demander,  n'est  point  un  men- 
songe, lorsqu'on  no  leur  dit  rien 
de  faux  ;  autrement  il  ne  scroit 
jamais  permis  de  se  débar- 
rasser des  questions  d'une  indis- 
crète curiosité.  II  est  fort  étonnant 
que  Barbeyrac,  qui  d'ailleurs  est 
d'une  morale  si  relâchée  touchant 
le  mensonge  officieux,  soit  si  sé- 
vère censeur  de  la  conduite  ^Abra- 
ham et  de  celle  des  Pères  qui  ont 
voulu  disculper  ce  patriarche. 

Mais  n'étoit-ce  pas  exposer  la  pu- 
dicilé  de  Sara  que  de  dire,  en  pays 
étranger,  qu'elle  étoit  sa  nièce  ou 
sa  parente,  au  lieu  d'avouer  que 
c'étoit  son  épouse  î*  Abraham  du 
moins  ne  le  pensoit  pas  ainsi  ;  il 
craignoil  que,  s'il  déclaroit  son 
mariage,  les  Égyptiens  ne  fussent 
tentés  de  se  défaire  de  lui  pour  en- 
lever Sara;  au  lieu  qu'en  disant 
qu'elle  étoit  sa  parente,  il  espéroit 
de  trouver  un  moyen  d'écarter  leur 
recherche  S'il  se  trompoit,  son  er- 
reur n'étoit  pas  un  crime.  Dieu  eut 
égard  à  l'intention  des  deux  époux; 
il  ne  permit  point  que  le  roi. d'E- 
gypte ni  celui  de  Gérare  attentas- 
sent à  la  pudicité  de  Sara.  Les  cri- 
tiques téméraires  qui  ont  osé  affir- 
mer qu'Abraham,  avoit  prostitué 
sonépouse,  afin  d'être  mieux  traité  , 
l'ont  calomnié  par  pure  malignité. 

Saint  Jean-Chrysostôme  semble 
louer  Sara  d'avoir  exposé  volon- 
tairement sa  chasteté,  afin  de  con- 
server la  vie  à  son  mari  ;  et  trouver 
bon  que  celui-ci  y  ait  consenti.  11 


,6  AIÎR 

suppose  que  tous  deux  but  agi  avec 
l'intention  la  plus  pure,  et  dans  la 
confiance  que  le  Seigneur,  dont  ils 
avoient  éprouvé  si  souvent  la  pro- 
tection, les  secourroitdans  une  cir- 
constance aussi  périlleuse  ;  il  n'y  a 
donc  pas  lieu  à  la  censure  amére 
que  Barbeyrac  a  lancée  contre  ce 
Père. 

Sara,  stérile  et  avancée  en  âge, 
engage  son  époux  à  prendre  Agar, 
sa  servante,  afin  d'en  avoir  des 
enfants:  alorscenefutpasuncrime. 
Dans  l'état  des  familles  encore  iso- 
lées et  nomades,  la  polygamie n'é- 
ioit  pas  défendue  par  le  droit  na- 
turel. Les  Pères  de  l'Église  ne  se 
sont  point  trompés  lorsqu'ils  ont 
soutenu  tyyC Abraham  n'avoit  point 
péché  en  cela  contre  la  loi  natu- 
relle ;  à  plus  forte  raison  contre  la 
loi  positive,  qui  n'existoit  pas  en- 
core. Nous  ne  voyons  pas  sur  quoi 
se  sont  fondés  plusieurs  critiques 
modernes  pour  décider  qu'Agar 
n'étoit  point  femme  légitime  à^A- 
braham  ;  nous  prouverons  le  con- 
traire au  nnot  Polygamie. 

Vainement  Barbeyrac  fait  re- 
marquer qu'' Abraham  ,  par  cette 
conduite,  sembloit  se  défier  des 
promesses  que  Dieu  lui  avoit  faites 
d'une  postérité  nombreuse.  Ce  re- 
proche est  injuste.  Dieu ,  en  faisant 
ces  promesses,  Gcn.,  c.  12  et  i5, 
n'avoit  pas  dit  que  cette  postérité 
naîtroit  de  Sara ,  et  non  d'une  au- 
tre femme  ;  Dieu  ne  s'expliqua  sur 
ce  point  que  treize  ans  après  la 
naissance  d'Ismaèl.  Gcnes. ,  c.  17  , 
S-  16  et  a5. 

Cet  enfant  étoit  né  d'Agar  lors- 
que Sara  devint  féconde  et  mit  au 
monde  Isaac  ;  bientôt  la  désobéis- 
sance d'Agar  et  le  caractère  fé- 
roce d'Ismaël  firent  craindre  à  Sara 
pour  les  jours  de  son  fils  Isaac. 
Elle  exigea  que  la  mère  et  l'enfant 
fussent  éloignés  de  la  tente  pater- 
nelle, et  Abraham  y  consentit.  Ce 
procédé  a  paru  diiP  et  injusteà  ceux 
qui  n'ont  pas  examiné  les  circon- 


ABR 

stances  et  pesé  la  valeur  des  termes. 
Il  est  dit  x^WAbraham  donna  du 
pain  et  de  Veau  à  ces  deux  bannis. 
Gen.^  c.  21,  "^ .  14.  Or,  dans  le 
style  de  l'Écriture,  le  pain  signifié 
la  nourriture,  la  subsistance,  les 
choses  nécessaires  à  la  vie.  Dans 
notre  langue  même  ,  lorsqu'un 
homme  sans  fortune  dit  à  son  pro- 
tecteur :  Donnez-moi  du  pain,  il 
entend ,  procurez-moi  une  sub.sis- 
tance  honnête.  D'ailleurs,  dans 
cette  circonstance,  ./iôra^a/nobcis- 
soit  à  l'ordre  de  Dieu,  beaucoup 
plus  qu'au  désir  de  Sara,  et  Dieu 
lui  avoit  promis  de  protéger  Agar 
et  son  fils.  Gen.,  c.  21,  jl^.  12 
et  i3.  Aussi  ne  voyons-nous  au- 
cune inimitié  entre  Ismaël  et  Isaac , 
soit  pendant  la  vie,  soit  après  la 
mort  à^ Abraham,  ni  aucune  di- 
vision entre  leurs  descendants. 

Pour  juger  sensément  de  la  con- 
duite des  patriarches,  il  faut  se  pla- 
cer dans  les  mêmes  circonstances, 
se  mettre  au  ton  des  mœurs  et  des 
usages  qui  régnoient  dans  les  pre- 
miers âges  du  monde. 

Isaac  étoit  âgé  de  près  de  vingt- 
cinqans,lorsqueDieu,  pour  éprou- 
ver-(4ôrrt/ia77i,  lui  ordonna  de  l'im-» 
moler  en  sacrifice.  Il  semble  d'abord 
que  cet  ordre  soit  indigne  de  Dieu  : 
mais  le  souverain  maître  de  la  vie 
et  de  la  mort  peut  abréger  ou  pro- 
longer nos  joursccnameilhii  plaît; 
si,  par  un  accident  ou  par  unema- 
ladie,  il  avoit  tranché  ceux  d'Isaac, 
Abraham  auroit-il  été  en  droit  dô 
murmurer  l'A  la  vérité ,  un  sacrifice 
du  sang  humain  auroit  été  un  très- 
mauvais  exemple  ;  aussi  Dieu  ne 
permit  point  qu'il  fût  accompli  ;  il 
se  contenta  de  la  disposition  dans 
laquelle  étoit  Abraham  d'obéir,  et 
redoubla  ses  bienfaits  envers  ce 
patriarche. 

On  dira  que  Dieu,  qui  connoît 
le  fond  des  cœurs,  qui  prévoit  nos 
sentiments  futurs  avec  autant  de 
certitude  qu'il  voit  nos  dispo- 
sitions présentes,  n'avoit  pas  be- 


AJilV 

soin  de  mettre  Abraham  à  l'é- 
preuve. Cela  est  vrai  ;  mais  Abra- 
ham avoit  besoin  d'être  éprouvé, 
et  le  genre  humain  avoit  besoin  de 
cet  exemple  pour  concevoir  que 
Dieu  est  en  droitd'exiger  de  nous, 
quand  il  lui  plaît  ,  des  sacrifices 
héroïques  ,  parce  qu'il  est  assez 
puissant  pour  les  récompenser. 
(  Note  I,  p.i.) 

C'est  donc  avec  raison  que  les 
écrivains  sacrés  ont  fait  l'éloge  de 
"  la  foi  et  du  courage  à^ Abraham  ,  et 
le  proposent  pour  modèle  ;  il  crut, 
dit  saint  Paul ,  que  Dieu,  qui  a  le 
pouvoir  de  ressusciter  les  morts  , 
feroit  plutôt  un  miracle  que  de 
manquer  à  ses  promesses.  Heb.^ 
c.  II ,  ^\  19. 

Lorsque  Dieu  dit  à  Abraham  : 
Toutes  les  nations  de  la  terre 
seront  bénies  dans  votre  race ,  Gen.^ 
c.  22,  26,  28,  nous  soutenons  , 
après  saint  Paul ,  Galat. ,  3  ,  jj!^.  16, 
avec  les  Pères  de  l'Eglise ,  que  race 
désigne  un  seul  descendant  à''A- 
braham ,  qui  est  Jésus-Christ , 
comme  dans  la  prédiction  faite  au 
serpent,  Gen.,  c.  3  ,  ^.  i5  :  Larace 
de  la  femme  t'écrasera  la  tête. 

Mais  en  quoi  consiste  cette  béné- 
dictionPS'iln'étoit  question  que  de 
bienfaits  temporels  et  d'une  pro- 
tection particulière  de  Dieu  à  l'é- 
gard des  descendants  A'' Abraham, 
enquelsens  cettebénédictionpour- 
roit-elle' s'étendre  à  toutes  les  na- 
tions de  la  terrée  La  prospérité  des 
Juifs  ne  pouvoit  intluer  en  rien  sur 
celle  des  autres  peuples.  Il  est  donc 
évident  que  Dieu  promet,  dans  cet 
endroit  et  ailleurs  ,  parles  mêmes 
paroles,  les  grâces  de  salut  ou  les 
bénédiclionsspirituelles  qu'il  vou- 
Joit  répandre  par  le  Messie  sur 
^  tous  les  hommes  qui  croiroient  en 
lui,  et  qui  deviendroient  ainsi  les 
enfants  d^ Abraham. ,  en  imitant  sa 
foi.  Saint  Paul ,  qui  les  explique 
ainsi ,  Galat.,  c.  3  et  4  ,  n'en  a  pas 
seulement  donné  le  sens  mystique 
et  allégorique,  comme  certains  cri- 
I. 


AlJS  i; 

tiques  le  prétendent,  mais  le  sens 
littéral  et  naturel.  Ainsi  les  Juifs, 
qui  prennent  ces  promesses  dans 
un  sens  grossier  et  qui  les  res- 
treignent à  leur  nation  seule ,  sont 
dans  l'erreur. 

ABR  AH  AMIENS.   Ko/ez  Samo- 

SATIENS. 

ABRAHAMITES,  moines  ca- 
tholiques qui  souffrirent  le  mar- 
tyre pour  le  culte  des  images  sou* 
Théophile,  au    neuvième  siècle. 

Vojrez  Iconoclastes. 

ABSOLU,  adject.  ABSOLU- 
MENT, adv.  Absolu  se  ait,  i.»  par 
opposition  à  ce  qui  est  relatif.  Nous 
soutenons  qu'il  n'y  a  dans  le  monde 
aucun  mal  absolu ,  mais  seulement 
des  maux  relatifs  ;  la  condition  des 
créatures  n'est  bonne  ou  mauvaise, 
un  bien  ou  un  mal,  que  par  com- 
paraison. Le  bien  absolu ,  c'est  l'in- 
fini ;  le  mal  absolu  est  le  néant  : 
entre  ces  deux  extrêmes  il  y  a  une 
infinité  de  degrés  ou  de  manières 
d'être  qui  sont  censés  un  mal  en 
comparaison  d'un  plus  grand  bien, 
et  un  bien  si  on  les  compare  à  uii 
état  plus  mauvais.  L'oubli  de  ces 
notions  a  rendu  plus  obscure  la 
question  de  l'origine  du  mal.  Voyez 
Bien  et  Mal. 

Dans  le  même  sens ,  certaines 
propositions  ,  énoncées  en  termes 
absolus,  ne  sont  vraies  que  par 
comparaison  ou  dans  un  sens  re- 
latif. Quand  on  dit  que  Dieu  aban- 
donne les  pécheurs,  cela  n'est  pas 
absolument  vrai,  puisqu'il  n'en  est 
aucun  à  qui  Dieu  ne  donne  des  grâ- 
ces; mais  il  ne  leur  en  accorde  pas 
autant  qu'aux  justes.  Voyez  Grâce, 
§  3.  Saint  Paul  répète  ce  que  Dieu 
a  dit  par  un  prophète  :  J^ai  aimé 
Jacob,  et  fai  haï  JEsaii.  Cependant 
Dieu  n'a  pas  cessé  absolument  de 
répandre  des  bienfaits  sur  Esaiiet 
sa  postérité  ;  mais  il  ne  les  a  pas 
traités  aussi  favorablement  que  Ja- 


i8  ABS 

cob  et  ses  descendants.  L'auteur  du 
livre  de  la  Sagesse  dit  à  Dieu  :  Vous 
ne  haïssez,  Seigneur ,  rien  de  ce  que 
vous  avezfait.  Cette  proposition  est 
absolument  vraie  ;  Ja  précédente 
n'est  vraie  que  par  comparaison. 

Il  faut  distinguer  encore  les  ar- 
guments absolus  d'avec  les  argu- 
ments relatifs  personnels,  que  l'on 
nomme  arguments  ad  hominem  : 
ceux-ci  ne  sont  solides  que  rela- 
tivement aux  opinions  et  aux  prin- 
cipes de  l'adversaire  contre  lequel 
on  dispute  ;  ils  ne  prouvent  rien 
contre  ceux  qui  ont  des  principes 
ou  des  opinions  contraires. 

2.0  Absolu  se  dit  par  opposition 
à  ce  qui  est  conditionnel  ;  ainsi  l'on 
distingue  en  Dieu  la  volonté  ab- 
solue^ par  laquelle  il  opère  immé- 
diatement par  lui-même  tout  ce 
qu'il  lui  plaît,  et  la  volonté  con- 
ditionnelle, par  laquelle  il  nous 
laisse  la  liberté  de  résister.  Dieu 
veut  notre  salut,  non  absolument, 
mais  sous  condition  que  nous  le 
voudrons  nous-mêmes, et  que  nous 
obéirons  à  ses  grâces. 

3.0  L'on  distingue  l'impossibilité 
absolue  ou  métaphysique  ,  d'avec 
V impossibilité  morale,  qui  signifie 
seulement  une  très-grande  dif- 
ficulté. 

4."  Absolu,  se  prend  dans  un 
sens  opposé  à  déclaratif.  Dans  ce 
sens  les  catholiques  soutiennent 
que  le  prêtre  a  le  pouvoir  de  re- 
mettre les  péchés  absolument  ;  les 
protestants,  au  contraire,  préten- 
dent qu'il  peut  seulement  déclarer 
que  Dieu  a  remis  les  péchés. 

5.»  On  nomme  le  jeudi  de  la  se- 
maine sainte  \e  jeudi  absolu,  parce 
que  dans  plusieurs  églises  on  fait 
l'absoute  avant  la  cérémonie  de  la 
cène  ;  c'est  un  reste  de  l'ancienne 
discipline  ou  de  l'usage  de  récon- 
cilier ce  jour-là  les  pénitents  pu- 
blics, avant  de  les  admettre  à  la 
communion. 

ABSOLUTION,  rémission    des 


ABS 

péchés  faite  par  le  prêtre  au  nom 
de  Jésus-Christ  dans  le  sacrement 
de  pénitence.  Voyez  Pénitence. 

Absolution  se  prend  encore  pour 
la  levée  des  censures  et  l'action 
deréconcilier  un  excommuniée  l'É- 
glise:dansce  sens  elle  tient  audroit 
canonique  plus  qu'à  la  théologie. 

Enfin  l'on  nomme  absolution 
une  prière  qui  se  dit  à  la  fin  de  cha- 
que nocturne  de  l'office  divin,  à  la 
fin  des  heures  canoniales,  et  une 
prière  qui  se  fait  pour  les  morts. 

ABSOUTE.   Cérémonie   qui    se  . 

pratique  dans  l'Église  romaine  le  ^ 

jeudi  de  la  semaine  sainte,  pour 
représenter  l'absolution  qu'on  don- 
noit  vers  le  même  temps  aux  pé- 
nitents de  la  primitive  Église. 

L'usage  de  î'Éjjlise  de  Rome  et  de 
la  plupart  des  Eglises  d'Occident, 
étoit  de  donner  l'absolution  aux  pé- 
nitents le  jour  du  jeudi  saint,  nom- 
mé pour  cette  raisonle  jeudi  absolu. 

Dans  l'Église  d'Espagne  et  dans 
celle  de  Milan ,  cette  absolution 
publique  se  donnoit  le  jour  du 
vendredi  saint  ;  et  dans  l'Orient 
c'étoit  le  même  jour  ou  le  samedi 
suivant,  veille  de  Pâques.  Dans  les 
premiers  temps  ,  l'évêque  faisoit 
Vabsoute  ,  et  alors  elle  étoit  une 
partie  essentielle  du  sacrement  de 
pénitence;  parce  qu'elle  suivoit  la 
confession  des  fautes  ,  la  répara- 
tion des  désordres  passés  et  l'exa- 
men de  la  vie  présente.  «  Le  jeudi 
»  saint,  dit  M.  l'abbé  Fleury,  les 
»  pénitents  se  présentoient  à  la 
»  porte  de  l'église;  l'évêque,  après 
»  avoir  fait  pour  eux  plusieurs 
»  prières,  les  faisoit  entrer,  à  la 
»  sollicitation  de  l'archidiacre  qui 
n  lui  représentoit   que  c'étoit  un    ^ 

»  temps  propre  à  la  clémence 

»  Il  leur  faisoit  une  exhortation 
»  sur  la  miséricorde  de  Dieu,  et  le 
»  changement  qu'ils  dévoient  faire 
»  paroître  dans  leur  vie,  les  obli- 
»  géant  à  lever  la  main  pour  signe 
»  de  cette  promesse;  enfin  selai»' 


ABS 

1»  sanl  fléchir  aux  prièrps  de  Vh- 
»  glise,  et  persuadé  de  leur  coii- 
»  version  il  leur  donnoit  l'ab- 
»>  solutioa  solennelle.  i>  Mœurs  des 
chrétiens,  tit.  xxv. 

A  présent,  ce  n'est  plus  qu'une 
cérémonie  qui  s'exerce  par  un  sim- 
ple prêtre  et  qui  consiste  à  réci- 
ter les  sept  psaumes  de  la  péni- 
tence, quelques  oraisons  relatives 
au  repentir  que  les  fidèles  doivent 
avoir  de  leurs  péchés.  Après  quoi 
le  prêtre  prononce  les  formules 
Misereaiw  et  Indulgentiam;  mais 
tous  les  théologiens  conviennent 
qu'elles  n'opèrent  pas  la  rémission 
des  péchés;  et  c'est  la  différence 
de  ce  qu'on  appelle  absoute ,  d'avec 
l'absolution  proprement  dite. 

ABSTEME,  du  latin  absiemius. 
On  nomme  ainsi  les  personnes  qui 
ont  une  répugnance  naturelle  pour 
le  vin  et  ne  peuvent  en  boire.  Pen- 
dant que  les  calvinistes  soutenoient 
de  toutes  leurs  forces  que  la  com- 
munion sous  les  deux  espèces  est 
de  précepte  divin,  ils  décidèrent 
au  synode  de  Charenton  que  les 
abstèmes  pouvoient  être  admis  à  la 
cène ,  pourvu  qu'ils  touchassent 
seulement  la  coupe  du  bout  des  lè- 
vres, sans  avaler  une  seule  goutte 
de  vin. -Les  luthériens  leur  repro- 
chèrent cette  tolérance  comme  une 
prévarication  sacrilège. 

De  cette  contestation  même  on 
a  conclu  contre  eux  qu'il  n'est 
pas  vrai  que  la  communion  sous 
les  deux  espèces  soit  de  précepte 
divin,  puisqu'il  y  a  des  cas  où  l'on 
peut  s'en  dispenser.  Voyez  Com- 
munion sous  les  deux  espèces ,  Coupe. 

ABSTINENCE.  Le  motif  général 
de  l'abstinence  est  de  mortifier  les 
sens  et  de  dompter  les  passions  : 
l'on  connoît  assez  les  suites  natu- 
relles de  la  gourmandise.  Selon 
M.  de  BufFon,  la  mortification  la 

Îlus  efficace  contre  la  luxure  est 
'abstinence  tt  le  jeûne.  Histi  iVo/., 


AliS  19 

tom.  111,  in-ia,  c.  4,  pag.  io5. 
Dieu  ,  après  avoir  créé  nos  pre- 
miers parents,  leur  accorda  pour 
nourriture  les  plantes  et  les  fruits 
de  la  terre;  il  ne  leur  parla  point 
de  la  chair  des  animaux.  Gen.  , 
c.  1  ,y/'.  29.  Mais  vu  les  excès  aux- 
quels se  livrèrent  les  homtnes  an- 
térieurs au  déluge  ,  il  n'est  guère 
probable  qu'ils  se  soient  abstenus 
d'aucun  des  aliments  qui  pouvoient 
flatter  leur  goût. 

Après  le  déluge.  Dieu  permit  à 
Noé  et  à  ses  enfants  de  manger  la 
chair  des  animaux  ;  mais  il  leur  dé- 
fendit d'en  manger  le  sang.  Gen.  g, 
^.  3  et  suiv.  Par  les  termes  dans 
lesquels  cette  défense  est  conçue  , 
il  paroît  que  le  motif  étoit  d'in- 
spirer aux  hommes  l'horreur  du 
meurtre.  L'habitude  d'égorger  les 
animaux  et  d'en  boire  le  sang 
porte  infailliblement  l'homme  à  la 
cruauté. 

Moïse  par  ses  lois  défendit  aux 
Juifs  la  chair  de  plusieurs  ani- 
maux qu'il  nomme  impurs;  il  ex- 
clut nommément  tous  ceux  dont 
la  chair  pouvoit  être  malsaine , 
relativement  au  climat ,  et  causer 
des  maladies.  Quelques  philoso- 
phes ont  rapporté  au  même  motif 
l'usage  des  Egyptiens ,  de  s'abstenir 
de  la  chair  de  plusieurs  animaux. 

L'usage  du  vin  étoit  interdit  aux 
prêtrespendanttout  le  temps  qu'ils 
étoient  occupés  au  service  du  tem- 
ple, et  aux  nazaréens  pour  tout  le 
temps  de  leur  purification. 

A  la  naissance  du  christianisme , 
les  Juifs  vouloient  que  l'on  assu- 
jétît  les  païens  convertis  à  toute.^ 
les  observances  de  la  loi  judaïque, 
à  toutes  les  abstinences  qu'ils  pra- 
tiquoient.  Les  apôtres  assemblés 
à  Jérusalem  décidèrent  qu'il  suf- 
fisoit  aux  fidèles  convertis  du  pa- 
ganisme de  s'abstenir  du  sang,  des 
viandes  suffoquées,  de  la  fornica- 
tion et  de  l'idolâtrie,  ^cl.,  c.  i5. 
Saint  Paul  dans  ses  lettres  a 
donné  sur  ce  point  des  règles  très- 
3 


20  ABS 

sages.  Bientôt  même  cette  absti- 
nence se  trouva  sujette  à  des  incon- 
vénients; TertuUiennous  apprend 
que  les  païens  ,  pour  mettre  les 
chrétiens  à  l'épreuve  ,  leur  pré- 
sentoient  à  manger  du  sang  et  du 
boudin.  Apol. ,  c.  9.  Mais  les  abs- 
iinences  prescrites  à  Noé,  aux  Juifs, 
aux  premiers  fidèles,  démontrent 
Tabus  que  les  protestants  ont  fait 
de  la  maxime  de  l'Evangile ,  que 
ce  n'est  point  ce  qui  entre  dans  la 
bouche  qui  souille  l'homme.  ikZbW., 

Les  manichéens  faisoient  déjà 
cette  objection  pour  prouver  que 
les  abstinences  prescrites  par  Moïse 
étoient  absurdes ,  et  saint  Augus- 
tin a  réfuté  plus  d'une  fois  ce  so- 
phisme. L.  contra  Adim.,  c.  i5, 
n.  I  ;  L.  16  contra  Faust. ,  c.  6  et 
3i.  Est-il  donc  permis  de  manger 
de  la  chair  humaine ,  sous  prétexte 
qu'aucune  nourriture  ne  souille 
l'homme  ?  La  pomme  mangée  par 
Adam  le  souilla  sans  doute,  puis- 
qu'il en  fut  puni ,  lui  et  toute  sa 
postérité.  Dès  que  les  apôtres  ont 
eu  le  droit  de  défendre  aux  chré- 
tiens l'usage  du  sang  et  des  viandes 
suffoquées ,  pourquoi  leurs  suc- 
cesseurs n'ont  -  ils  pas  eu  celui 
d'interdire  l'usage  de  toute  viande 
dans  certains  jours  et  dans  un  cer- 
tain temps  ï 

Ce  qu'il  y  a  de  singulier ,  c'est 
que  les  manichéens  ,  qui  tour- 
noient en  ridicule  les  abstinences 
prescrites  par  Moïse ,  ordonnoient 
eux-mêmes  à  leurs  élus  de  s'abste- 
jiir  du  vin  et  de  la  chair  des  ani- 
maux. Pour  justifier  cette  disci- 
pline, ils  disent  que  ceux  d'entre 
les  catholiques  qui  faisoient  la 
même  chose  ,  passoient  pour  être 
les  plus  parfaits.  Saint  Augustin 
leur  répond  que  ceux-ci  prati- 
quent Vabstinence  pour  mortifier 
les  passions ,  au  lieu  que  les  ma- 
nichéens croyoient  que  la  chair 
en  soi  étoit  impure  ,  parce  que 
c'étoit  l'ouvrage  du  mauvais  prin- 


ABS 
cipe.  Beausobre,  qui  veut  à  toute 
force  disculper  les  manichéens , 
passe  sous  silence  leur  contradic- 
tion touchant  les  abstinences  ju- 
daïques ,  et  soutient  qu'ils  rai- 
sonnent plus  conséquemment  que 
les  catholiques.  Il  abuse  d'une 
équivoque ,  en  appelant  nourriture 
saine,  celle  qui  n'est  ni  infecte  ni 
corrompue  ,  et  celle  qui  ne  nuit 
point  d'ailleurs  à  la  santé.  Est-ce 
donc  la  même  chose  i*  Avec  de  pa- 
reils sophismes  ,  on  peut  prouver 
tout  ce  que  l'on  veut.  Hist.  des  ma- 
nich.,  1.  9,  c.  II. 

Lorsque  l'Eglise  nous  a  com- 
mandé V abstinence  t\  le  jeune,  elle 
n'a  envisagé  que  le  motif  général 
de  la  mortification  ;  elle  ne  s'est 
fondée  ni  sur  les  défenses  faites 
aux  Juifs,  ni  sur  les  rêveries  de 
quelques  hérétiques;  elle  se. re- 
lâche même  de  la  sévérité  de  ses 
lois ,  toutes  les  fois  qu'il  se  pré- 
sente des  raisons  d'user  d'indul- 
gence. Quelques  philosophes  sont 
convenus  qu'en  bonne  politique  il 
est  très-utile  de  suspendre  le  car- 
nage des  animaux  pendant  quel- 
ques jours  et  quelques  semaines  de 
l'année. 

Quantaux  aôs/i/iencespratiquées 
par  quelques  sectes  de  philosophes, 
par  les  pythagoriciens,  par  les  or- 
phiques ,  etc. ,  elles  ne  nous  re- 
gardent point;  les  motifs  pour  les- 
quels Vabstinence  est  observée  par 
les  chrétiens  n'ont  rien  de  com- 
mun avec  ceux  qui  dirigeoient  la 
conduite  de  ces  philosophes. 

Quelques  protestants  ont  soutenu 
que ,  dans  les  premiers  siècles  de 
l'Eglise ,  Vabstinence  de  la  viande 
ne  faisoit  pas  partie  essentielle  du 
jeûne  du  carême  ;  qu'il  étoit  dé" 
fendu  seulement  d'user  d'une  nour- 
riture délicate  et  recherchée,  soit 
qu'elle  fût  grasse  ou  maigre  ;  qu'il 
n'y  avoit  rien  de  prescrit  sur  le 
genre  des  aliments  ,  pourvu  que 
l'on  y  observât  la  sobriété  et  la 
mortification.  Le  Père  Thomassin 


ABS 

a  fait  voir  le  contraire  par  des 
preuves  solides.  Traité  des  Jamts , 
I."  part.,  c.  lo  et  II  ;  a.*^  part.  , 
c.  3,  etc.  Comme  il  n'y  avoit  point 
de  loi  positive  et  formelle  touchant 
le  jeûne,  il  n'y  en  avoit  point  non 
plus  concernant  Vabstinence;  c'est 
donc  à  l'usage  établi  qu'il  a  fallu 
s'en  tenir  dans  tous  les  temps.  Or, 
dès  le  troisième  siècle  ,  Origène 
nous  apprend  que  plusieurs  chré- 
tiens fervents  s'abstenoient  pour 
toujours  de  la  viande  et  du  vin  , 
non  par  les  mêmes  raisons  que  les 
pythagoriciens  ,  mais  pour  réduire 
leur  corps  en  servitude  et  répri- 
mer les  passions.  L.  5  contra  Cels.  , 
n.  49  )  ^t  homil.  ig  in  Jerem. ,  n.  y . 
Nous  voyons  la  même  chose  par 
le  5i.*  canon  des  apôtres.  A  plus 
forte  raison ,  le  commun  des  chré- 
tiens devoient-ils  le  faire  les  jours 
de  jeûne. 

Quand  même  cet  usage  n'auroit 
pas  été  établi  dès  l'origine  parmi 
les  Orientaux,  il  auroit  encore  été 
nécessaire  de  l'introduire  à  mesure 
que  le  christianisme  a  pénétré  dans 
nos  climats  septentrionaux.  Dans 
ces  contrées  les  viandes  ont  tou- 
jours été  les  aliments  les  plus  déli- 
cats et  les  plus  succulents  ,  pour 
lesquels  tout  le  monde  se  sent  le 
plus  d'attrait  et  dont  l'apprêt 
peut  être  le  plus  varié  ;  ce  sont 
donc  ceux  dont  la  privation  a  dû 
paroître  la  plus  dure  les  jours  de 
jeûne.  Si  les  peuples  du  Nord 
avoient  été  moins  carnassiers  ,  ils 
auroient  été  moins  empressés  d'a- 
dopter la  morale  des  prétendus  ré- 
formateurs touchant  Vabstinence  et 
le  jeûne. 

Barbeyrac  ,  protestant  très-peu 
modéré,  reproche  à  saint  Jérôme 
d'avoir  condamné  absolument  l'u- 
sage de  la  viande  ,  d'avoir  jugé 
qu'il  est  aussi  mauvais  en  lui-même 
que  l'usage  du  divorce.  «  Jésus- 
»  Christ,  dit  ce  Père,  a  remis  la 
»  fin  des  temps  sur  le  même  pied 
»  que  le  commencement;  de  sorte 


AÎÎS  2 1 

»  qu'aujourd'hui  il  ne  nous  est 
»  permisniderépudierunefemme, 
»  ni  de  nous  faire  circoncire ,  ni 
»  de  manger  de  la  chair,  selon  ce 
»  que  dit  l'Apôtre  :  Il  est  bon  de  ne 
»  point  boire  de  vin  et  de  ne  point 
»  manger  de  la  chair;  car  l'usage 
)>  du  vin  a  commencé  avec  celui 
n  de  la  chair ,  après  le  déluge.  » 
Adi>.  Jovin.,  1.  i.",  page  3o.  Saint 
Jérôme  ,  selon  Barbeyrac  ,  abuse 
ici  du  passage  de  saint  Paul  ;  et 
dans  tout  ce  qu'il  dit  de  Vabsti- 
nence et  du  jeûne  ,  il  copie  Ter- 
tullien  devenu  montaniste.  Traité 
de  la  morale  des  Pères ,  c.  i5,  §  12 
et  suii>.  Tout  cela  est-il  vrai? 

En  premier  lieu,  le  texte  de  saint 
Jérôme  n'est  pas  fidèlement  ren- 
du ;  il  porte  :  «  Depuis  que  Jésus- 
»  Christ  a  remis  la  fin  des  temps 
»  sur  le  même  pied  que  le  com- 
»  mencement ,  il  ne  nous  est  pas 
»  permis  de  répudier  une  femme; 
n  nous  ne  recevons  plus  la  circon- 
)>  cision  et  nous  ne  mangeons 
n  point  de  chair.  »  Saint  Jérôme 
ne  dit  point  que  ce  dernier  usage 
ne  nous  est  pas  permis  :  remarque 
essentielle.  Son  intention  est  évi- 
demment de  dire  :  Nous  ne  man- 
geons pas /ous  de  la  chair,  et  dans 
tous  les  temps. 

En  second  lieu,  ce  Père  écrivoit 
contre  Jovinien  qui  soutenoil , 
comme  les  protestants,  qu'il  n'y  a 
aucun  mérite  à  s'abstenir  de  la 
viande,  parce  que  c'est  un  usage 
indifférent  ;  puisque  Dieu  ,  qui 
l'avoit  défendu  avant  le  déluge  , 
le  permit  ensuite.  Or,  ce  raison- 
nement est  évidemment  faux.  L'E- 
criture approuve  les  nazaréens  , 
qui  faisoient  vœu  de  s'abstenir  du 
vin  et  de  ne  point  se  raser  la  tête 
pendant  un  certain  temps.  Num., 
c.  6  ,  ^.  3.  Les  réchabites  sont 
loués  d'avoir  observé  la  défense 
que  leur  père  leur  avoit  faite  de 
boire  du  vin  et  d'habiter  dans  des 
maisons.  Jerc/n. ,  c.  35,  ^.  16.  Jé- 
sus-Christ a  loué  saint  Jean-Bap- 


aa  ABS 

tisle  qui  vivoit  de  sauterelles  el 
de  miel  sauvage.  Les  apôtres  dé- 
tendirent aux  premiers  fidèles  l'u- 
sage du  sang  et  des  chairs  suffo- 
quées ,  quoique  cet  usage  fût  en 
lui-même  indifférent.  Il  y  a  donc 
du  mérite  à  s'abstenir  de  choses 
indifférentes  ,  lorsque  le  motif  de 
cette  abstinence  est  louable. 

En  troisième  lieu,  saint  Jérôme 
ne  compare  point  l'usage  de  la 
viande  a  celui  du  divorce  ,  quant 
à  leur  nature  et  à  leurs  effets ,  mais 
relativement  à  la  défense  et  à  la 
permission  de  Dieu,  sur  lesquelles 
Jovinien  argumentoit.  Celui  -  ci 
disoit:  Dieu  a  permis  après  le  dé- 
luge la  chair  qu'il  avoit  défendue 
auparavant  ;  donc  cet  usage  est 
indifférent  en  lui-même ,  donc  il 
n'y  a  aucun  mérite  à  s'en  abstenir, 
S  aint  Jérôme  attaque  ces  deux  con- 
séquences l'une  après  l'autre  ,  et 
voici  le  sens  de  sa  réponse.  Votre 
raisonnement  pèche  par  trois  en- 
droits, 1 .0  Dieti  a  permis  par  Moïse 
le  divorce  qu'il  avoit  défendu  au- 
paravant; il  ne  s'ensuit  pas  néan- 
moins que  le  divorce  soit  indiffé- 
rent enlui-même.  2  .<>  Quand  l'usage 
de  la  chair  seroit  indifférent  en 
soi-même  ,  il  suffiroit  que  Jésus- 
Christ  ,  qui  a  voulu  rétablir  la 
perfection  primitive,  nous  eût  dé- 
conseillé cet  usage ,  comme  il  a 
défendu  le  divorce  ,  pour  nous 
faire  abstenir  de  l'un  et  de  l'autre. 
3.°  Qu'il  y  ait  ou  qu'il  n'y  ait  pas 
une  défense  positive ,  saint  Paul 
dit,  RoTU.^c.  14,  S.  21  :  «  Jlvaut 
i>  n2Îeu.rne  point  manger  de  viande, 
»  ne  point  boire  de  vin  et  s'abs- 
1)  tenir  de  tout  ce  qui  peut  faire 
»  tomber  le  prochain ,  le  scanda- 
«  User  ou  affoiblir  sa  foi,  »  Donc 
il  peut  y  avoir  de  bonnes  raisons 
de  s'abstenir  de  ce  qui  est  indif- 
férent en  soi-même  ,  et  alors 
c'est  un  mérite  ;  donc  votre  ar- 
gument ne  vaut  rien.  Barbeyrac  , 
qui  sentoit  le  poids  de  ces  trois 
réUexions  ,  les  a  confondues  et  a 


ABS 

tout  brouillé  pour  déraisonner  à 
son  aise. 

Que  l'on  dise  ,  si  l'on  veut,qne 
la  réponse  de  saint  Jérôme  n'est 
pas  assez  développée  ,  soit  ;  il  ne 
s'ensuit  pas  qu'elle  est  mauvaise, 
et  que  sa  morale  est  fausse. 

Il  n'est  pas  vrai  non  plus  qu'il 
ait  mial  entendu  le  passage  de  saint 
Paul  :  il  a  rendu  mot  à  mot  les 
premières  paroles  ;  et  en  lui  don- 
nant le  même  sens  que  Barbeyrac , 
le  raisonnement  de  saint  Jérôme 
conserve  toute  sa  force. 

En  quatrième  lieu,  qu'importe 
que  ce  Père  ait  copié  Tertullien 
devenu  montaniste,  pourvu  qu'il 
ne  soit  pas  tombé  dans  le  même 
excès  i'  Les  raisonnements  que  ce 
dernier  a  faits  depuis  sa  chute  ne 
sont  pas  tous  des  hérésies  ,  et  un 
raisonnement  mal  appliqué  n'est 
pas  toujours  une  erreur.  11  y  a  sur 
V  abstinence  deux  excès  à  éviter,  et 
un  milieu  à  suivre.  Le  premier 
excès  est  celui  des  hérétiques 
encratites  ,  montanistes  ,  mani- 
chéens, etc.,  qui  soutenoient  que 
l'usage  de  la  viande  est  impur  , 
défendu  ,  mauvais  en  lui-même  ; 
saint  Paul  les  a  combattus ,  i  Tint. , 
c.  4,  "$'•  3-  Le  second  est  celui  de 
Jovinien  et  des  protestants  qui 
prétendent  que  Vabstinence  de  la 
viande  est  sans  aucun  mérite  , 
superstitieuse  ,  judaïque  ,  absur- 
de ,  etc.  Le  milieu  est  suivi  par 
l'Eglise  catholique  qui  décide  que 
cette  abstinence  peut  être  louable, 
méritoire,  comruandée  même  pouï 
de  bons  motifs  et  en  certains  cas. 
Tel  est  l'esprit  du  43-*  ou  Si.*^  ca- 
non des  apôtres  :  «  Si  un  clerc 
»  s'abstientdumariage,delaviandc 
»  et  du  vin,  non  par  mortifica- 
»  tion ,  mais  par  horreur  et  eu 
»  blasphémant  contre  la  créa  - 
»  tion ,  qu'il  se  corrige  ou  qu'il 
»  soit  déposé.  » 

II  est  donc  absurde  d'alléguer 
aujourd'hui  ,  contre  Vabstinence 
pratiquée  par  mortification ,  ce  que 


AJiS 

Tes  apôtres  cl  les  anciens  Pères  ont 
dit  contre  celle  des  hérétiques. 

Si  ou  nous  demande  pourquoi 
il  est  louable  de  se  mortifier  par 
V abstinence ,  nous  répondrons  avec 
saint  Paul,  Galat. ,  c.  5  ,  3i^.  24  • 
"  Ceux  qui  sont  à  Jésus-Christ  ont 
»  crucifié  leur  chair  avec  ses  vices 
»  et  ses  convoitises.  »  i  Corinih.  , 
c.  9 ,  ^.  27  :  «  Je  châtie  mon  corps, 
»  et  je  le  réduis  en  servitude ,  de 
»  peur  d'être  réprouvé  après  avoir 
»  prêché  aux  autres.  » 

Comme  on  a  eu  de  nos  joui-s 
l'ambition  de  réformer  toutes  les 
lois ,  on  a  proposé  fort  sérieuse- 
ment de  retrancher  un  bon  nom- 
bre des  jours  à'' abstinence  et  de 
jeune,  parce  que  la  loi  qui  les  or- 
donne n'est  plus  respectée  et  de- 
vient une  occasion  continuelle  de 
transgression;  l'on  a  cité  à  ce  su- 
jet le  passage  de  saint  Paul,  Rom.^ 
c.  y,  ^".  10  :  «  Le  commandement 
»  qui  devoit  me  donner  la  vie  a 
»  servi  à  me  donner  la  mort.  » 

Si  cette  raison  étoit  solide,  il 
ne  faudroit  pas  seulement  conclure 
à  retrancher  quelques  jours  d'aés- 
iinence  ,  mais  à  supprimer  toute 
loi  à'' abstinence  quelconque.  On 
n'a  pas  vu  que  saint  Paul  parloit 
du  précepte  de  la  loi  naturelle  : 
Tu  ne  convoiteras  point  ^  etc.  Faut-il 
aussi  abolir  la  loi  naturelle,  parce 
qu'elle  est  souvent  violée  ?  Lorsque 
les  mœurs  publiques  sont  licen- 
cieuses, on  ne  respecte  plus  aucune 
loi  ;  ce  n'est  point  alors  le  cas  d'a- 
bolir les  lois,  mais  de  les  renforcer 
si  on  le  peut.  FbrezCARÈME,  Jeune. 

ABSTINENTS,  secte  d'hérétiques 
qui  parurent  dans  les  Gaules  et  en 
Espagne  sur  la  fin  du  troisième 
siècle.  On  croit  qu'ils  avoient  em- 
prunte unepartiede  leurs  opinions 
(les  gnostiques  et  des  manichéens, 
parce  qu'ils  décrioient  le  mariage, 
condamnoient  l'usage  des  viandes 
et  mettoient  le  Saint-Esprit  au 
rang  des  crcalurcs.  Baronius  sem- 


ABU  23 

ble  les  confondre  avec  les  hiéra- 
cites;  mais  ce  qu'il  en  dit,  d'après 
saint  Philastre  ,  convient  mieux 
aux  encratites  dont  le  nom  se 
rend  exactement  par  ceux  d'aôs/j- 
nenis  et  de  continents.  Fo^CiENCRA- 
TITES  et  HiÉRACITES. 

ABUS  en  fait  de  Religion .  Vu  la 
manière  dont  l'homme  est  consti- 
tué ,  il  abuse  souvent  de  la  reli- 
gion, comme  il  abuse  des  lois,  des 
coutumes,  du  langage,  de  l'ami- 
tié, des  signes  d'affection,  des  ta- 
lents, des  arts,  etc.  Il  n'abuseroit 
de  rien,  s'il  étoit  sans  passions  et  si 
la  droite  raison  étoit  toujours  la 
règle  de  sa  conduite;  mais  cette  per- 
fection  est  au-dessus  de  ses  forces. 

Les  pratiques  du  culte  primitif 
étoient  simples  et  pures;  l'homme, 
devenu  polythéiste  ,  s'en  servit 
pour  honorer  les  divinités  imagi- 
naires qu'il  s'étoit  forgées  :  ce  fut 
un  abus  et  une  profanation.  Ces 
pratiques  étoient  destinées  à  exci- 
ter en  lui  des  sentiments  intérieurs 
de  respect,  de  soumission,  de  re- 
connoissance  ,  de  pénitence  ,  de 
confiance  à  l'égard  de  Dieu  ;  il  se 
persuada  que  les  signes  seuls  suf- 
tisoient ,  pouvoient  tenir  lieu  de 
piété,  plaire  à  Dieu  et  mériter  ses 
grâces,  sans  être  accompagnés  des 
sentiments  du  cœur.  Dieu  n'avoit 
pas  défendu  d'employer  à  son  cullc 
les  signes  de  la  joie,  le  chant,  la 
danse  ,  les  repas  de  fraternité  ; 
l'homme  voluptueux  en  abusa  , 
pour  satisfaire  sa  sensualité.  Les 
signes  du  repentir  sont  utiles  pour 
nous  humilier  et  nous  corriger  ; 
des  esprits  ardents  peuvent  les 
poussera  l'excès  et  les  rendre  nui- 
sibles. La  religion  est  destinée  à 
réprimer  l'orgueil ,  l'inlcrêt,  l'am- 
bition, la  jalousie,  la  haine;  sou- 
vent des  hommes,  dominés  par  ces 
passions  impérieuses,  se  sont  per- 
suadés qu'ils  agissoienl  par  motif  de 
religion,  elc.Voïlà  d'énormes aAus. 

Si  nous  remontons  à  la  source 


ai  ABU 

première  de  tous  les  abus,  nous  la 
trouverons  toujours  dans  les  pas- 
sions humaines;  sans  elles  l'igno- 
rance stupide  n'auroit  pas  pu  agir  : 
mais  les  passions  inquiètes  suggé- 
rèrent de  faux  raisonnements  et 
une  fausse  science,  bien  plus  re- 
doutables que  l'ignorance.  Ainsi 
l'avidité  pour  les  biens  de  ce 
monde  et  la  crainte  de  les  perdre, 
firent  inventer  la  multitude  des 
dieux  ou  génies  chargés  de  les  dis- 
tribuer; et  le  culte  insensé  qu'on 
leur  rendit;  la  vanité  des  impos- 
teurs leur  suggéra  des  fables  et  des 
pratiques  prétenduesmerveilleuses 
pour  tromper  les  hommes;  l'a- 
mour impudique,  la  haine,  la  ja- 
lousie, la  vengeance,  invoquèrent 
les  puissances  infernalesjla  curiosité 
effrénée  voulut  pénétrer  dans  l'a- 
venir e  t  forger  l'art  de  la  d ivination  ; 
la  mollesse  trouva  son  compte  dans 
le  culte  purement  extérieur  ,  etc. 
Quel  remède  y  apporta  la  philo- 
sophie ?  Aucun.  Loin  d'attaquer 
de  front  toUs  ces  abus ,  elle  les  con- 
firma par  son  suffrage;  elle  les  étaya 
par  des  sophismes  et  les  rendit 
ainsi  plus  incurables. 

La  lumière  du  christianisme  en 
fit  disparoître  le  plus  grand  nom- 
bre ;  jnais  elle  n'étouffa  pas  toutes 
les  passions  prêtes  à  les  repro- 
duire. Plusieurs  sectes  d'hérétiques 
s'obstinèrent  à  en  conserver  une 
partie,  et  les  éclectiques  du  qua- 
trième siècle  firent  tous  leurs  efforts 
pour  remettre  en  crédit  toutes  les 
superstitions  du  paganisme.  Au 
cinquième  ,  les  Barbares  du  Nord 
nous  apportèrent  celles  qui  étoi  ent 
nées  dans  leurs  forêts  ,  et  ils  en 
consacrèrent  plusieurs  par  leurs 
lois.  L'Eglise  ne  cessa  de  faire  des 
décrets  et  de  prononcer  des  ana- 
thèmes  pour  les  extirper;  mais  que 
peuvent  les  leçons,  les  lois,  les 
menaces,  les  censures,  contre  des 
Barbares  ?  Aujourd'hui  de  faux  rai- 
sonneurs accusent  l'Église  même 
d'avoir  fomenté  les  superstitions, 


ABU 

en  y  attachant  trop  d'importance: 
C'est  parla  physique,  disent-ils, 
et  par  l'histoire  naturelle  qu'il 
faut  instruire  les  peuples;  et  cette 
grande  révolution  étoit  réservée  à 
notre  siècle  qui  est  celui  de  la 
philosophie. 

Nous  voudrions  savoir  d'abord 
quels  progrès  la  physique  a  faits 
dans  les  vallées  des  Pyrénées,  des 
Cévennes  ,  des  Alpes ,  des  Vosges 
et  du  Mont- Jura;  dans  les  campa- 
gnes du  Berri ,  de  la  Bretagne ,  de 
la  Champagne  et  de  la  Picardie.  Ce 
ne  sont  pas  des  livres  d'histoire 
naturelle  que  nos  philosophes  s'at- 
tachent à  répandre  panni  le  peu- 
ple, mais  des  livres  d'athéisme  et 
d'incrédulité.  Or,  noussavonspar 
une  longue  expérience  que.  l'incré- 
dulité ne  guérit  ni  les  passions,  ni 
la  superstition  qui  en  est  l'effet, 
et  que  l'on  peut  très-bien  croire 
à  la  magie  sans  croire  en  Dieu.  Si 
le  peuple,  affranchi  du  joug  de  la 
religion,  pouvoit  donner  un  libre 
cours  à  ses  vices  ,  seroit-ce  la  phi- 
losophie qui  le  retiendroit  ? 

Nous  avouons  sans  difficulté 
qu'aujourd'hui  comme  autrefois 
toute  passion  quelconque  peutabu- 
ser  de  la  religion  :  ainsi ,  l'on  en 
abuse  par  orgueil,  lorsqu'on  se 
glorifie  des  grâces  de  Dieu,  que 
l'on  montre  de  lahaineou  du  mé- 
pris pour  ceux  à  qui  Dieu  n'a  pas 
fait  les  mêmes  faveurs;  c'étoit  le 
défaut  des  Juifs  :  on  en  abuse  par 
ambition,  lorsque,  sous  prétexte 
de  zèle  ,  on  se  croit  fait  pour  rem- 
plir toutes  les  places ,  pour  obtenir 
toutes  les  dignités  de  l'Eglise;  par 
avarice ,  lorsque  l'on  trafique  des 
choses  saintes,  que  l'on  emploie 
des  impostures  et  des  fraudes  pieu- 
ses pour  extorquer  les  aumônes 
des  fidèles  ;  par  envie  ou  par  ja- 
lousie, lorsque  l'on  ne  rend  pas 
j ustice  aux  talents ,  aux  vertus ,  aux 
travaux,  aux  succès  d'un  ouvrier 
évangélique;  par  violence  de  ca- 
ractère,  quand  on  voudroil  faire 


ABU 

loinbcr  le.  feu  «lu  ciel  sur  les  Sa- 
maritains ou  exterminer  tous  les 
mécréants;  par  paresse,  lorsque  , 
par  une  fausse  humilité  ,  l'on 
refuse  de  travailler  au  salut  des 
âmes,  etc. 

Mais  ne  sont-ce  pas  ces  mêmes 
passions  qui  font  naître  l'incrédu- 
lité ?  On  l'embrasse  par  orgueil , 
parce  «{u'elle  donne  un  relief  d'es- 
prit fort  aux  yeux  des  ignorants,  et 
que  l'on  se  pique  de  mieux  penser 
que  les  autres  hommes  ;  par  ambi- 
tion et  par  cupidité,  lorsqu'on  l'en- 
visage comme  un  moyen  de  plaire 
aux  grands  ,  de  se  donner  du  cré- 
dit, de  parvenir  aux  honneurs  lit- 
téraires et  aux  récompenses  des  ta- 
lents ;  par  lubricité,  parce  que 
c'est  un  moyen  de  séduire  les  fem- 
mes et  de  les  débarrasser  du  joug 
de  la  religion  ;  par  jalousie  contre 
le  clergé,  parce  que  l'on  est  fâché 
du  crédit  et  de  la  considération 
dont  il  jouit;  par  emportement 
d'humeur ,  lorsque  l'on  déclame 
et  que  l'on  invective  contre  lui , 
sans  garder  aucune  bienséance  ;  par 
mollesse,  parce  que  les  pratiques 
de  religion  sont  incommodes,  etc. 
De  quoi  servent  donc  aux  incré- 
dules leurs  dissertations  conti- 
nuelles touchant  les  abus  en  fait 
de  religion  ?  Il  y  aura  des  vices  tant 
qu'il  y  aura  des  hommes,  vitia 
erunt  donec  hnmines  ;  ce  n'est  pas 
l'incrédulité  qui  guérira  les  imper- 
fections de  l'humanité. 

Que  faire  pour  prévenir  tous  les 
abus  ?  Les  lois  ,  les  défenses  ,  les 
menaces,  les  peines,  sont  souvent 
inutiles  ;  l'homme  passionne  les 
esquive  ou  les  brave.  L'Église,  qui 
ne  peut  infliger  que  des  peines  spi- 
rituelles ,  qui  craint  d'aigrir  le  mal 
par  des  remèdes  violents  ,  gémit , 
exhorte,  instruit,  se  borne  à  des 
réprimandes  et  à  des  menaces;  elle 
lolère  des  abus  qu'elle  ne  peut  ni 
empêcher  ni  réformer.  L'expérien- 
ce des  maux  causés  par  les  réfor- 
mes   imprudentes ,    la    résistance 


ACA  2^ 

qu'elle  a  souvent  éprouvée  de  la 
part  de  ceux  qui  étoient  intéressés 
à  perpétuer  les  aèas  ,  la  jalousie  et 
les  alarmes  que  produit  presque 
toujours  l'usage  de  son  autorité  , 
la  retiennent  et  l'empêchent  de 
sévir.  Ceux  qui  la  blâment  seroient 
peut-être  les  premiers  à  maintenir 
les  abus  qu'elle  voudroit  corriger , 
et  ils  abusent  eux-mêmes  de  la 
simplicité  des  hommes ,  souvent 
dupes  de  ce  zèle  hypocrite. 

ABYSSINS.  Voyez  Ethiopiens. 

ACACIENS.  Acace ,  surnomme 
le  Borgne ,  fut  disciple  et  succes- 
seur d'Eusèbe  dans  le  siège  de  Cé- 
saréc  et  eut  comme  lui  une  grande 
part  aux  troubles  de  l'arianisme. 
11  avoit  de  l'érudition  et  de  l'élo- 
quence, maisbeaucoup  d'ambition; 
et  ce  vice  lui  fit  faire  un  très-mau- 
vais usage  de  ses  talents.  C'étoit  un 
de  ces  hommes  inquiets ,  intrigants 
et  ardents,  qui  se  mêlent  de  toutes 
les  affaires,  veulent  avoir  du  cré- 
dit à  quelque  prix  que  ce  soit ,  et 
qui  n'ont  de  religion  qu'autant 
qu'elle  peut  servir  à  leur  intérêt. 
Acace  fut  arien  déterminé  sous 
l'empereur  Constance;  il  redevint 
catholique  srms  Jovicn  et  rentra 
dans  le  parti  des  ariens  sous  Va- 
lens.  On  ne  peut  pas  savoir  quelle 
étoit  la  croyance  de  ceux  qui  se 
laissoient  conduire  par  lui  et  qui 
furent  nommés -(4caci'cns.  Il  fit  dé- 
poser saint  Cyrille  de  Jérusalem, 
qu'il  avoit  ordonné  lui-même  ;  il 
eut  part  au  bannissement  du  pape 
Libère  et  à  l'intrusion  de  l'anti- 
pape Félix  :  il  fut  déposé  .i  son  tour 
par  le  concile  de  Séleucie  en  SSg  , 
et  par  celui  dcLampsaque  en  365  ; 
elilmourutprobablement  sans  sa- 
voir ce  qu'il  croyoit  ou  necroyoit 
pas.  VoyezT'iWcmoni^  Mém.  ^  t.  6, 
p.  3o4  et  suiv. 

Il  y  a  eu  plusieurs  autres  évê- 
ques  du  même  nom,  qu'il  ne  faut 
pas  confondre  avec   lui.  yicacc  de 


26  ACC 

Berce,  en  Palestine,  fut  ami  de 
saint  Epiphaneet  se  fit  long-temps 
respecter  par  ses  vertus  ;  mais  il 
déshonora  sa  vieillesse  en  se  met- 
tant à  la  tête  des  persécuteurs  de 
saint  Jean  Chrysostôme.  Acace, 
évêque  d'Amide,  se  rendit  célèbre 
par  sa  charité  envers  les  pauvres. 
Acace  de  Constantinople  fut  un 
des  partisans  d'Eutychés,  etc. 

ACCEPTION  DEPERSONNES. 
L'Écriture  nomme  ainsi  la  faute 
d'un  juge  qui  favorise  un  parti  au 
préjudice  de  l'autre  ,  qui  a  plus 
d'égard  pour  un  homme  puissant 
que  pour  un  pauvre  :  Dieu  le  dé- 
fend, Dch/.,  c.  i,^.  17,  et  ailleurs  : 
c'est  un  crime  contraire  à  la  loi 
naturelle:  Job  en  témoigne  de  l'hor- 
reur, c.  24et  3i.Tl  est  dit  dans  l'an- 
cien et  le  nouveau  Testament  que 
Dieu  ne  fait  point  accep/1'0/2  de  per- 
sonnes \  que  quand  il  est  question 
de  justice  ,  de  bonnes  œuvres  ,  de 
récompenses,  il  traite  de  même  les 
Juifs  et  les  païens.  11  ne  s'ensuit  pas 
de  là  que  Dieu  ne  puisse  ,  sans  bles- 
ser sa  justice  ,  accorder  plus  de 
bienfaits  naturels  ou  surnaturels  à 
une  personne ,  à  une  famille  ,  à  une 
nation  qu'à  une  autre.  Quand  il 
s'agit  de  grâces  ou  de  dons  pure- 
ment gratuits,  ce  n'est  plus  une 
affaire  de  justice;  ce  que  Dieu  donne 
à  un  homme  ne  porte  aucun  pré- 
iudiceàun  autre. Il  peut  donc  accor- 
«1er  à  l'un  la  grâce  de  la  foi,  le  bap- 
tême .  tel  ou  tel  moyen  de  salut ,  et 
ne  pas  l'accordera  l'autre.  11  peut 
punir  un  pécheur  en  ce  monde  , 
différer  le  châtiment  d'un  autre 
jusqu'après  la  mort  :  dès  qu'il  ne 
rend  au  coupable  que  ce  qu'il  a 
mérité  ,  la  justice  est  observée  ; 
personne  n'a  droit  de  se  plaindre  ; 
Dieu  ne  demande  compte  à  per- 
sonne que  de  ce  qu'il  lui  a  donné. 
Voyez  Justice  de  Dieu  ,  Partialité. 

ACCIDENTS    EUCHARISTI- 
QUES. Selon  la  croyance  catho- 


ACE 

lique,  après  les  paroles  de  la  con- 
sécration ,  la  substance  du  pain  et 
du  vin  est  détruite;  elle  est  changée 
au  corps  et  au  sang  deJésus-Christ; 
mais  les  qualités  sensibles  du  pain 
et  du  vin,  lagrandeur,  la  couleur, 
le  goût,  etc.,  demeurent:  ces  qua- 
lités sensibles  sont  nommées  par 
les  théologiens ,  accidents,  espèces , 
apparences.  Comme  la  substance 
des  corps  abstraite  ou  séparée  par 
notre  esprit  d'avec  les  qualités  sen- 
sibles n'est  point  une  idée  claire  , 
les  accidents  séparés  de  la  substance 
ne  nous  présentent  pas  non  plus 
une  idée  fort  nette;  il  est  donc  inu- 
tile d'argumenter  contre  ce  dogme 
de  foi  sur  des  notions  philoso- 
phiques. Si  le  mystère  de  l'Eu- 
charistie pouvoit  être  clairement 
conçu,  ce  ne  seroit  plus  un  mys- 
tère.  Voyez  Eucharistie. 

ACCOMPLISSEMENT  DES 
PROPHÉTIES,  ro/ez  Prophéties. 

ACCORD  DE  LA  RAISON  ET 
DE  LA  FOI.  Voyez  Foi  ,  Raison. 

ACEPHALES,  sans  chef.  L'his- 
toire ecclésiastique  fait  mention  de 
plusieurs  sectes  nommées  acépha- 
les. De  ce  nombre  sont ,  i .°  ceux 
qui  ne  voulurent  adhérer  ni  à  Jean, 
patriarche  d'Antioche  ,  ni  à  saint 
Cyrille  d'Alexandrie  ,  au  sujet  de 
la  condamnation  de  Nestorius  au 
concile  d'Éphèse.  2. **  Certains  hé- 
rétiques du  cinquième  siècle  ,  qui 
suivirent  d'abord  les  erreurs  de 
Pierre  Mongus,  évêque  d'Alexan- 
drie ,  et  l'abandonnèrent  ensuite  , 
parce  qu'il  avoitfeint  de  souscrire  à 
la  décision  du  concile  de  Chalcé- 
doine;c'étoient  des  sectateurs  d'Eu- 
tychés. Voyez  EuTTCHiBNS.  3.°  Les 
partisans  de  Sévère,  évêque  d'An- 
tioche, et  tous  ceux  qui  refusoient 
d'admettre  le  concile  de  Chalcédoi- 
ne;  c'étoient encore  des euty chiens. 

On  a  aussi  nommé  acéphales  les 


prêtres  qui  se  soustraient  à  la  juri- 
diction de  leur  évêquc ,  lesévêques 
qui  refusent  de  se  soumettre  à  celle 
deleur  métropolitain,  leschapitres 
et  les  monastères  qui  se  prétendent 
indépendants  de  la  juridiction  des 
ordinaires.  Ce  point  de  discipline 
regarde  les  canonistes. 

ACHIAS,  Voyez  A.m\s. 

ACHIMËLECH.  Vo/.  Abiathar. 

ACŒMETES  ,  c/ui  ne  dorment  j 
point.  Nom  de  certains  religieux 
fort  célèbres  dans  les  premiers  siè- 
cles de  l'Église  ,  surtout  dans  l'O- 
rient ,  appelés  ainsi  ,  non  qu'ils 
eussent  les  yeux  toujours  ouverts 
sans  dormir  un  seul  moment, com- 
me quelques  auteurs  l'ont  écrit  , 
mais  parce  qu'ils  observoient  dans 
leurs  églises  une  psalmodie  perpé- 
tuelle ,  sans  l'interrompre  ni  jour 
ni  nuit.  Ce  mot  est  grec,  composé 
d'o  privatif,  et  de  Koifiàu,  dormir. 

Les  acœmèles  étoient  partagés 
en  trois  bandes,  dontchacunepsal- 
modioit  à  son  tour  et  relevoit  les 
autres  ;  de  sorte  que  cet  exercice 
duroit  sans  interruption  pendant 
toutes  les  heures  du  jour  et  de  la 
nuit.  Suivant  ce  partage  chaque 
acœmèie  consacroit  religieusement 
tous  les  jours  huit  heures  entières 
au  chant  des  psaumes,  à  quoi  ils 
joignoient  la  vie  la  plus  exemplaire 
et  la  plus  édifiante:  aussi  ont-ils  il- 
lustré l'Église  orientale  par  un 
grand  nombre  de  saints,  d'évêques 
et  de  patriarches. 

Nicéphore  donne  pour  fonda- 
teur aux  acœméics  un  nommé  jNIar- 
cellus  ,  que  quelques  écrivains 
modernes  appellent  Marcellus  d'A- 
pamée  ;  mais  Bollandus  nous  ap- 
prend que  ce  fut  Alexandre,  moine 
de  Syrie  ,  antérieur  de  plusieurs 
années  à  Marcellus.  Suivant  Bol- 
landus, celui-là  mourut  vers  l'an 
33o.  Il  fut  remplacé  dans  le  gou- 
vernement des  aca-Turtcs  par  Jean 


ACO  a; 

Calybe  ,  et  celui-ci  par  Marcellus. 

On  lit  dans  saint  Grégoire  de 
Tours  etplusieurs  autres  écrivains, 
que  Sigismond,  roi  de  Bourgogne, 
inconsolable  d'avoir, à  l'instigation 
d'une  méchante  princesse  qu'il 
avoit  épousée  en  secondes  noces  , 
etquiéloit  fille  de  Théodoric,  roi 
d'Italie,  fait  périr  Géséric  son  fils, 
prince  qu'il  avoit  eu  de  sa  première 
femme ,  se  retira  dans  le  monastère 
de  Saint-Maurice,  connu  autrefois 
sous  le  nom  d'Agaune ,  et  y  établit 
les  acœmèies  ,  pour  laisser  dans  l'É- 
glise un  monument  durablc.de  se 
douleur  et  de  sa  pénitence. 

II  n'en  fallut  pas  davantage  pour 
que  le  nom  à^acœmète  et  la  psal- 
modie perpétuelle  fussent  mis  en 
usage  dans  l'Occident,  et  surtout 
en  France.  Plusieurs  monastères  , 
entr'autres  celui  de  Saint-Denys  , 
suivirent  l'exemple  de  Saint-Mau- 
rice. Quelques  monastères  de  filles 
se  conformèrent  à  la  même  règle  . 
II  paroît  par  l'abrégé  des  actes  de 
sainte Saleberge,  recueillis  dans  un 
manuscrit  de  Corapiegne  cité  par 
le  Père  Ménard ,  que  cette  sainte  , 
après  avoir  fait  bâtir  un  vaste  mo- 
nastère et  y  avoir  rassemblé  trois 
cents  religieuses  ,  les  partagea  en 
plusieurs  chœurs  difTcrents, de  ma- 
nière qu'elles  pussent  faire  retentir 
nuit  et  jour  leur  église  du  chant 
des  psaumes. 

On  pourroit  encore  donner 
aujourd'hui  le  nom  à^ acœmèies  à 
quelques  maisons  religieuses,  où 
l'adoration  perpétuelle  du  saint 
Sacrement  fait  partie  de  la  règle; 
en  sorte  qu'il  y  a  jour  et  nuit  quel- 
ques personnes  de  la  communauté 
occupées  de  ce  pieux  exercice. 
Voyez  Psalmodie. 

On  a  quelquefois  appelé  les  sty- 
lites  ,  acœrtictes  ,  et  les  acœmèles  , 
studites.  Voy.  Stylite  et  Studite  . 

ACOLYTE  ,  c'est-à-dire  ,  sui- 
vant, celui  (jui  accompagne.  Dan.» 
les  auteurs  ecclésiastiques  ,  ce  nom 


28  ACO 

est  spécialement  donné  aux  jeunes 
clercsqui  aspiroientau  saint  minis- 
tère ,  et  tenoient  dans  le  clergé  le 
premier  rang  après  les  sous-diacres. 
L'Église  grecque  n'avoit  point  d'a- 
colytes  ,  au  moins  les  plus  anciens 
monuments  n'en  font  aucune  men  - 
tion  ;  mais  l'Eglise  latine  en  a  eu 
dès  le  troisième  siècle  ;  saint  Cy- 
prien  etlepapeCorneilleenparlent 
dans  leurs  épîtres ,  et  le  quatrième 
concile  de  Carthage  prescrit  la  ma- 
nière de  les  ordonner. 

Les  acolytes  ctoient  de  jeunes 
hommes  entre  20  et  3o  ans  ,  des- 
tinés à  suivre  toujours  l'évêque  et 
à  être  sous  sa  main.  Leurs  princi- 
pales fonctions  ,  dans  les  premiers 
siècles  de  l'Eglise,  étoient  de  porter 
aux  évèques  les  lettres  que  lesEglises 
étoient  en  usage  de  s'écrire  mutuel- 
lement,  lorsqu'elles  avoient  quel- 
que affaire  importante  à  consulter; 
ce  qui  dans  les  temps  de  persécu- 
tion ,  où  les  Gentils  épioient  toutes 
les  occasions  de  profaner  nos  mys- 
tères, exigeoit  un  secret  inviolable 
et  une  fidélité  à  toute  épreuve.  Ces 
qualités  leur  firent  donner  le  nom 
à^  acolytes,  aussi -bien  que  leur  as- 
siduité auprès  de  l'évêque ,  qu'ils 
étoient  obligés  d'accompagner  et  de 
servir.  Ils  faisoient  ses  messages  , 

fiortoientles  eulogies,  c'est-à-dire, 
es  pains  bénits  que  l'on  envoyoit 
en  signe  de  communion  :  ils  por- 
toient  même  l'eucharistie  dans  les 
premierstemps;iIsservoientà  l'au- 
tel sous  les  diacres  ;  et  avant  qu'il 
y  eiit  des  sous-diacres,  ils  en  te- 
noient la  place.  Le  martyrologe 
marque  qu'ils  tenoient  autrefois 
à  la  messe  la  patène  enveloppée  , 
ce  que  font  à  présent  les  sous- 
diacres  ;  et  il  est  dit  dans  d'au- 
tres endroits  qu'ils  tenoient  aussi  le 
chalumeau  qui  servoità  la  commu- 
nion du  calice.  Enfin ,  ils  servoient 
encore  les  évêques  et  les  officiants 
en  leur  présentant  les  ornements 
sacerdotaux.  Leurs  fonctions  ont 
changé  ;  le  pontifical  ne  leur  en  as- 


ACl' 

signe  point  d'autre  que  de  porter  les 
chandeliers  ,  allumer  les  cierges  , 
et  préparer  le  vin  et  l'eau  pour  le 
sacrifice  :  ils  servent  aussi  l'encens, 
et  c'est  l'ordre  que  les  jeunes  clercs 
exercent  le  plus.  Thomass.  Discipl. 
de  VÈglise.  Fleury,  Insiit.  au  Droit 
ecclés.  ,tom.  I  ,  part,  i,  chap.  6; 
Grandcolas,  Ancien  Sacrant.  ,  i." 
part.  ,  p.  124. 

Dans  l'Eglise  romaine,  il  y  avoit 
trois  sortes  à^acolytes  :  ceux  qui 
servoient  le  pape  dans  son  palais 
et  qu'on  nommoit  palatins;  les  sta- 
tionnaires  qui  servoient  dans  les 
églises  ,  et  les  régionnaires  ,  qui 
aidoient  les  diacres  dans  les  fonc- 
tions qu'ils  exerçoient  dans  les 
divers  quartiers  de  la  ville.  Koyez 
Ordres  mikeurs. 

ACTE  ,  ACTION .  Les  théolo- 
giens emploient  ces  deux  termes  à 
l'égard  de  Dieu  et  à  l'égard  de  l'hom- 
me ,  mais  dans  un  sens  différent. 
Us  disent  que  Dieu  est  un  acte  pur  , 
c'est-à-dire ,  que  l'on  ne  peut  pas 
supposer  en  Dieu  une  puissance  d'a- 
gir qui  ait  réellement  existé  avant 
Vaetion\i\  est  éternel  et  parfait;  il 
ne  peut  lui  survenir  ,  comme  à 
l'homme,  une  nouvelle  modifica- 
tion ,  un  nouvel  attribut,  ou  une 
nouvelle  ac/zon, qui  change  son  état, 
qui  le  rende  autre  qu'il  n'étoit. 

Cependant,  comme  nous  ne  pou- 
vons concevoir  ni  exprimer  les  at- 
tributs et  les  actions  de  Dieu  que 
par  analogie  aux  nôtres  ,  nous 
sommes  forcés  de  distinguer  en 
Dieu  comme  en  nous,  1.0  deux 
facultés  ou  deux  puissances  actives, 
savoir,  l'entendement  et  la  volonté, 
et  les  actes  qui  sont  propres  à  i'un 
et  à  l'autre. 

2.  Des  ac/es  intérieurs  ou  adi«/ra, 
et  des  actes  extérieurs  ou  ad  extra, 
comme  s'expriment  les  scolasti- 
ques.Dieuse  connoît  et  s'aime  :ce 
sont  là  des  actes  purement  inté- 
rieurs qui  ne  produisent  rien  au  d  e- 
hors.  Dieu  a  voulu  créer  le  monde; 


ACT 

cet  acte  de  volonté  n'cloit  qu'inté- 
rieur, avant  que  le  monde  existât; 
depuis  que  les  créatures  existent , 
cet  acte  est  censé  extérieur  ;  il  a 
produit  un  effet  réellement  dis- 
tingué de  Dieu;  Vacie ou  le  décret 
est  éternel ,  mais  son  e£Fet  n'a  com- 
mencé qu'avec  le  temps.  De  même , 
dans  l'homme,  une  pensée,  un  dé- 
sir, sont  des  actes  intérieurs  ;  une 
parole,  un  mouvement,  une  prière, 
une  aumône ,  sont  des  actes  exté- 
rieurs et  sensibles:  les  premiers  sont 
nommés  par  les  scolastiques,  acius 
immanens  ou  eliciius;\es  seconds, 
actus  iransiens  ou  imperatus. 

3."  L'on  distingue  les  actes  né- 
cessaires jd'avec  les  actes  libres  : 
Dieu  se  connoît  et  s'aime  nécessai- 
rement, mais  il  a  voulu  librement 
créer  le  monde ,  il  auroit  pu  ne  pas 
vouloir  et  ne  pas  créer.  Le  senti- 
ment intérieur  nous  convainc  que 
nous  sommes  capables  nous-mêmes 
de  ces  deux  espèces  d'ac/es,  et  qu'il 
y  a  une  différence  essentielle  entre 
les  uns  et  les  autres.  Fb/e;: Liberté. 

4.° La  nécessité  d'exposer  le  mys- 
tère de  la  sainte  Trinité  a  obligé  les 
théologiens  d'appeler  en  Dieu  actes 
essentiels  les  opérations  communes 
aux  trois  Personnes  divines,  telles 
que  la  création,  et  actes  nationaux 
ou  notions,  les  actions  qui  servent 
à  caractériser  ces  Personnes  et  à  les 
distinguer; ainsi, la  génération  ac- 
tive est  Vacte  national  du  Père  ,  la 
spiratian  active  est  propre  au  Père 
et  au  Fils ,  la  procession  ,  au  seul 
Saint-Esprit,  etc.  Voyez  ces  mots. 

On  demandera  sans  doute  à  quoi 
servent  toutes  ces  distinctions  sub- 
tiles :  à  donner  au  langage  théolo- 
gique la  précision  nécessaire  pour 
éviter  les  erreurs  et  pour  prévenir 
les  équivoques  frauduleuses  des 
hérétiques. 

5. "Nous  distinguons  en  nous  les 
actes  spontanés  ,  c'est-à-dire  ,  in- 
délibérés et  non  réfléchis,  comme 
Y  action  d'étendre  le  bras  pour  nous 
empêcher  de  tomber  ;  les  actes  vo- 


ACT  2g 

lantaircs  et  non  libres,  comme  le 
désirdemanger,  lorsque  nous  som- 
mes pressés  par  la  faim  ,  l'amour 
du  bien  en  général  ,  etc.  ;  les  actes 
libres  que  nous  faisons  avec  ré- 
ilcxion  et  de  propos  délibéré  :  ces 
derniers  sont  les  seuls  imputables, 
les  seuls  moralement  bons  ou  mau- 
vais, dignes  de  récompense  ou  de 
châtiment.  Ils  sont  nommés  par  les 
moralistes  actes  humains ,  parce 
qu'ils  sont  propres  à  l'homme  seul; 
les  actes  spontanés  sont  appelés 
actes  de  Vhomme,  parce  que  c'est 
lui  qui  lesproduit,  quoiqueles  ani- 
maux en  paroissent  capables.  Quant 
aux  actes  purement  volontaires  , 
nous  les  appelons  mouvements,  sen- 
timents, plutôt  qa^aciians. 

6.°  Les  actes  humains  ou  libres 
sontprincipalementconsidéréspar 
les  théologiens  relativement  à  la  loi 
de  Dieu,  qui  les  commande  ou  les 
défend  ,  qui  les  arpprouve  ou  les 
condamne;  etc'est  sous  cet  aspect 
qu'ils  sont  censés  bons  ou  mau- 
vais, péchés  ou  bonnes  œuvres. 

Mais  on  demande  s'il  peut  y  avoir 
des  actions  indifférentes  ,  qui  ne 
soient  moralement  ni  bonnes  ni 
mauvaises.  Il  nous  paroît  difficile 
d'en  admettre  de  telles  à  l'égard  d'un 
chrétien  ,  parce  qu'il  n'est  jamais 
indifférent  au  salut  de  perdre  le 
mérite  d'une  ac//on  quelconque:  or, 
il  n'en  est  aucune  qui  ne  puisse  être 
méritoire  par  le  motif  et  par  le  se- 
cours de  la  grâce.  En  second  lieu, 
laloideDieu  ne  nous  laisse  la  liber- 
té de  perdre  le  fruit  d'aucune  action, 
puisqu'elle  nous  commande  de 
tout  faire  pour  la  gloire  de  Dieu  , 
ICar.,c.  I  o,^. 3 1. En  troisième  lieu, 
lagràce  est,  pour  ainsi  dire,  prodi- 
guée au  chrétien ,  et  donnée  avec  tant 
d'abondance,  qu'il  n'est  jamais  in- 
nocent lorsqu'il  n'agit  pas  par  son 
secours. Une  peut  doncyavoirpour 
]uià' actions  indifférentes,  sinon  par 
le  défaut  d'attention  et  de  réflexion. 

7.°  Parmi  les  actions  bonnes  et 
louables  ,  les  unes  sont  naturelles, 


3o  ACT 

les  autres  «urnaturelles.  Un  païen 
qui  fait  Taumône  à  un  pauvre  ,  par 
compassion ,  fait  une  bonne  œuvre 
naturellement  ;  il  n'est  pas  besoin 
de  la  révélation ,  ni  d'une  lumière 
surnaturelle  de  la  grâce,  pour  sen- 
tir qu'il  est  bon  et  louable  de  se- 
courir nos  semblables  quand  ils 
souffrent  ;  la  nature  seule  nous  in- 
spire de  la  pitié  pour  eux.  Un 
chrétien,  qui  fait  l'aumône  parce 
que  le  pauvre  tient  à  son  égard  la 
place  de  Jésus-Christ ,  parce  que 
Dieu  a  promis  à  cette  bonne  œuvre 
la  rémission  des  péchés  et  une  ré- 
compense éternelle  ,  agit  surnatu- 
rellement;  la  raison  seule  n'a  pas 
pu  lui  suggérer  ces  motifs ,  et  il 
ne  peut  agir  ainsi  que  par  le  se- 
cours d'une  grâce  intérieure  et 
prévenante.  Ces  sortes  de  bonnes 
œuvres  sont  les  seules  méritoires 
et  les  seules  utiles  au  salut  éternel. 
Quant  à  celles  que  font  naturelle- 
ment les  païens  ,  nous  prouverons, 
au  mot  Infidèle  ,  que  ce  ne  sont 
pas  des  péchés  et  que  Dieu  les  a 
souvent  récompensées. 

Mais  un  chrétien  péche-t-il  , 
lorsqu'il  fait  une  bonne  œuvre  par 
un  motif  purement  naturel  ?  Nous 
ne  le  pensons  pas  et  nous  ne 
voyons  pas  par  quelle  raison  l'on 
pourroit  le  prouver  ;  il  nous  pa- 
roît  même  à  peu  près  impossible 
qu'un  chrétien  fasse  une  bonne 
œuvre ,  sans  que  les  motifs  qui  lui 
sont  suggérés  par  la  foi  y  entrent 
pour  quelque  chose. 

8.°  Entre  les  actions  surnatu- 
Telles  on  distingue  les  actes  des 
différentes  vertus.  Un  acte  de  foi 
est  une  protestation  que  nous  fai- 
sons à  Dieu  de  croire  à  sa  parole; 
par  un  acte  d'espérance  ,  nous  lui 
témoignons  la  confiance  que  nous 
avons  à  ses  promesses  ;  un  acte  d& 
charité e&lun  témoignage  de  notre 
amour  pour  lui. 

Nous  sommes  obligés  sans  doute 
de  produire  de  temps  en  temps  ces 
sortes  d'actes  ;  mais,  pour  prévenir  [ 


ACT 

les  scrupules  et  les  inquiétudes  des 
âmes  simples ,  il  est  bon  de  les 
avertir  que  la  récitation  du  sym- 
bole est  un  acte  de  foi;  que  quand 
elles  disent,  Je  crois  la  vie  éternelle , 
c'est  un  témoignage  d'espérance; 
qu'en  disant  à  Dieu,  dans  l'oraison 
dominicale  ,  Que  voire  nom  soit 
sanctifié  ,  que  votre  volonté  soit 
faite  ,  etc. ,  elles  font  un  acte  d'a- 
mour de  Dieu.  La  prière ,  en  gé- 
néral ,  est  un  acte  de  religion  ,  de 
confiance  en  Dieu  ,  de  soumission 
à  sa  providence,  etc. 

ACTES  DES  APOTRES.  Livre 
sacré  du  nouveau  Testament,  qui 
contient  l'histoire  de  l'Église  nais- 
sante pendant  l'espace  de  29  ou 
3o  ans,  depuis  l'ascension  de  No- 
tre-Seigneur  Jésus -Christ  jusqu'à 
l'année  63  de  l'ère  chrétienne.  Saint 
Luc  est  l'autexir  de  cet  ouvrage ,  au 
commencement  duquel  ilse  désigne, 
et  il  l'adresse  à  Théophile ,  auquel 
il  avoit  déjà  adressé  son  Evangile. 
Il  y  TA'p'poTi^Xc^s  actions  des  apôtres , 
et  presque  toujours  comme  témoin 
oculaire  :  de  là  vient  que ,  dans  le 
texte  grec ,  celivreestintitulé-4c/es. 
Ony  voit  l'accomplissement  deplu- 
sieurs  promesses  de  Jésus-Christ, 
sonascension,  la  descente  du  Saint- 
Esprit  ,  les  premières  prédications 
des  apâtres  et  les  prodiges  par  les- 
quels elles  furent  confirmées;  un 
tableau  admirable  des  mœurs  des 
preraiers  chrétiens;  enfin  tout  ce 
qui  se  passa  dans  l'Église  jusqu'à  la 
dispersion  des  apôtres,  qui  se  par- 
tagèrent pour  porter  l'Évangile 
dans  tout  le  monde.  Depuis lepoint 
de  cette  séparation,  saintLuc  aban- 
donna l'histoire  des  autres  apôti'es 
dontilétoittrop  éloigné,  pour  s'at- 
tacher particulièrement  a  celle  de 
saint  Paul,  qui  l'avoit  choisi  pour 
son  disciple  et  pour  compagnon  de 
ses  travaux.  Il  suit  cet  apôtre  dans 
toutes  ses  missions,  et  jusqu'à  Ro- 
me même,où  ilparoît  que  les  Actes 
ont  été  publics  la  seconde  a'nnée  du 


Acr 

séjour  f|u'y  fil  saint  Paul  ,  c'csl-à- 
dirc  ,  la  soixante-troisième  année 
de  l'ère  chrétienne ,  et  les  neuvième 
et  «lixième  de  l'empire  de  Néron. 
Au  reste  le  style  de  cet  ouvrage 
qui  a  été  composé  en  grec ,  est  plus 
pur  que  celui  des  autres  écrivains 
canoniques;  et  l'on  remarque  que 
saint  Luc  ,  qui  possédoit  beaucoup 
mieux  la  langue  grecque  que  l'hé- 
braïque ,  s'y  sert  toujours  de  la 
version  des  Septante  dans  les  cita- 
tions de  l'Écriture.  Ce  livre  est  cité 
dans  l'épître  de  saint Polycarpe aux 
Philippiens ,  n.  i .  Eusèbe  le  met  au 
rang  des  écrits  du  nouveau  Testa- 
ment ,  de  l'authenticité  desquels 
on  n'a  jamais  douté  ;  il  est  placé 
comme  tel  dans  le  canon  dressé  par 
le  concile  de  Laodicée,  et  il  n'y  a 
jamais  eu  là-dessus  de  contestation. 
Saint  Epiphane,  Hccr.  3o  ,  c.  3  et 
6 ,  dit  que  ces  Actes  ont  été  traduits 
en  hébreu  ou  dans  la  langue  syro- 
hébraïque  des  Églises  de  la  Pales- 
tine; ils  ont  donc  été  très-connus 
dès  le  moment  de  leur  publication. 
On  ne  peut  pas  non  plus  révo- 
quer en  doute  la  vérité  de  l'his- 
toire qu'ils  renferment.  i.°  L'as- 
cension de  Jésus-Christ ,  la  descente 
du  Saint-Esprit ,  la  prédication 
de  saint  Pierre  ,  ses  miracles,  la 
formation  d'uneÉgliseà  Jérusalem, 
la  persécution  des  premiers  fidèles, 
la  conversion  de  saint  Paul  ,  ses 
voyages ,  ses  travaux ,  etc. ,  sont  des 
faits  qui  se  tiennent;  l'un  ne  peut 
pas  être  faux  sans  que  tout  le  reste 
ne  soit  renversé.  Ces  faits  sont  trop 
publics  et  en  trop  grand  nombre, 
la  scène  est  en  trop  de  lieux  diffé- 
rents, pour  que  toute  cette  narra- 
tion soit  fabuleuse.  Les  fidèles  de 
la  Judée,  ceux  d'Antiocheet  d'A- 
lexandrie, n'ont  pas  pu  ignorer  ce 
qui  s'étoitpasséà  Jérusalem  depuis 
la  mort  de  Jésus-Christ;  leur  con- 
version même  prouve  la  vérité  de 
ce  qui  est  rapporté  par  saint  Luc  ; 
a'iU'avoitaltéréeen  quelque  chose, 
les  fidèles  de  Jérusalem  se  seroient 


ACT  3i 

inscritsenfauxconlreson  histoire; 
ceux  d'Antioche,  d'Éphèse,  de  Co- 
rinthe,  etc.,  auroientfaitdemème, 
si  ce  qui  s'étoit  passé  chez  eux  n'a- 
voit  pas  été  fidèlement  rapporté. 
2.°  Les  lettres  de  saint  Paul  con- 
firment la  plupart  de  ces  faits,  et 
les  supposent.  3.°  Leschismearrivé 
à  Jérusalem  entre  les  disciples  des 
apôtres  et  les  ébionites  ou  judaï- 
sants,  démontre  qu'il  n'a  pas  été 
possible  d'en  imposer  à  personne 
sur  des  faits  qui  intéressoient  les 
deux  partis.  Dans  la  suite  ,  les 
ébionites  cherchèrent  à  décrier 
la  doctrine  et  la  conduite  de 
saint  Paul  ;  ils  forgèrent  de  faux 
actes  pour  le  rendre  odieux;  mais 
ils  n'ont  pas  osé  s'inscrire  en  faux 
contre  les  actes  écrits  par  saint  Luc  : 
d'ailleurs  leur  témoignage  est  venu 
trop  tard  pour  afFoiblir  celui  d'un 
témoin  oculaire.  4-°  Le  Juif  que 
Celse  fait  parler ,  avoue  ou  suppose 
la  naissance  d'une  Église  à  Jérusa- 
lem ,  telle  que  saint  Luc  la  ra- 
conte. L'apôtre  saint  Jean  a  vécu 
jusqu'au  commencement  dusecond 
siècle  :  tant  qu'il  a  subsisté,  a-t-il 
été  possible  de  forger  une  fausse 
histoire  des  travaux  des  apôtres  et 
del'établissementde  l'Église  r'5.°Ce 
que  l'on  a  noT[ivD.é  faux  Actes  des 
apôtres ,  composés  par  les  héréti- 
ques ,  ne  sont  pas  des  histoires  qui 
contredisent  celle  de  saint  Luc, 
mais  de  prétendues  relations  de  ce 
qu'ont  fait  les  apôtres ,  desquels 
saint  Luc  n'a  pas  parlé:  tels  sont 
les  Actes  de  saint  Thomas ,  de  saint 
Philippe  ,  de  saint  André  ,  etc.  ; 
pièces  apocryphes,  inconnues  aux 
anciens  Pères,  qui  n'ont  paru  que 
fort  tard,  dont  on  ne  peut  fixer  la 
date  ni  nommer  les  auteurs. 

Le  premier  livre  de  cette  nature 
qu'on  vit  paroître,  et  qui  fut  inti- 
tulé Actes  de  Paul  et  de  Thè- 
cle  ,  avoit  pour  auteur  un  prêtre  , 
disciple  de  saint  Paul.  Son  impos- 
ture fut  découverte  par  saint  Jean; 
et  quoique  ce  prêtre  ne  se  fCït  porté 


32  ACT 

à  composer  cet  ouvrage  que  par 
un  faux  zèle  pour  son  maître,  il 
ne  laissa  pas  d'être  dégradé  du  sa- 
cerdoce. Ces  Actes  ont  été  rejetés 
comme  apocryphes  par  le  pape  Gé- 
iase.  Depuis,  les  manichéens  sup- 
posèrent des  Actes  de  saint  Pierre 
et  saint  Paul,  où  ils  semèrent  leurs 
erreurs.  On  vit  ensuite  les  Actes  de 
saint  André,  de  saint  Jean  et  des 
apôtres  en  général,  supposés  par  les 
mêmes  hérétiques  ,  selon  saint! 
Épiphane,  saint  Augustin  et  Phi- 
lastre  ;  les  Actes  des  apôtres  faits 
par  les  ébionites  ;  le  Voyage  de  saint 
Pierre  ,  faussement  attribué  à  saint 
Clément;  V  Enlèvement  et  le  raoisse- 
ment  de  saint  Paul,  dont  les  gnos- 
tiques  se  servoient  ;  les  Actes  de 
saint  Philippe  et  de  saint  Thomas  , 
forgés  par  les  encratites  et  les 
apostoliques;  la  Mémoire  des  apô- 
tres, composée  par  les  priscillia- 
nistes  ;  V Itinéraire  des  apôtres,  qui 
fut  rejeté  dans  le  concile  de  Nicée; 
et  divers  autres  dont  nous  ferons 
mention  sous  le  nom  des  sectes 
qui  les  ont  fabriqués.  Voyez  Hie- 
ronym.,  De  Vins  illust.,  c.  7;  Chry- 
sostom.,  In  Act.;  Dupin,  Dissert, 
prélimin.  sur  le  nouveau  Testam.; 
TertuU.  ,  De  Baptism.;  Épiphan. 
Hœres.  8,n.°47  et6i  :  Saint  Aug., 
De  Fide  contra  Manich.,  et  Tract. 
in  Joan.  ; Philast.,  iferes.  48; Du- 
pin ,  Biblioih.  des  Auteurs  ecclésias- 
tiques des  trois  premiers  siècles. 


ACTES  DES  CONCILES. 

C0NCII.ES. 


Voyei 


ACTES  DES  MARTYRS.  Voy. 
Martyre  et  Martyrologe. 

ACTES  DE  PILATE.  VoyezV\- 

LATE. 

ACTUEL.  Les  théologiens  dis- 
tinguent la  grâce  actuelle  et  la 
grâce  habituelle ,  le  péché  actuel  et 
le  péché  originel. 

La  grâce  actuelle  est  celle  qui 


ADA 

nous  est  accordée  par  manière 
d'acte  ou  de  motion  passagère.  On 
pourroit  la  définir  plus  clairement, 
celle  que  Dieu  nous  donne  pour 
nous  mettre  en  état  de  pouvoir 
agir  ou  de  faire  quelque  action. 
C'est  de  cette  grâce  que  parle  saint 
Paul  quand  il  dit  aux  Philippiens, 
ch.  I  :  «  Il  vous  a  été  donné  non- 
»  seulement  de  croire  en  Jésus- 
»  Christ,  mais  encore  de  souffrir 
»  pour  lui.  n  Saint  Augustin  a  dé- 
montré, contre  les  pélagiens,  que 
la  grâce  actuelle  est  absolument 
nécessaire  pour  toute  action  méri- 
toire dans  l'ordre  du  salut. 

La  grâce  habituelle  est  celle  qui 
nous  est  donnée  par  manière  d'ha- 
bitude, de  qualité  fixe  et  perma- 
nente, inhérente  à  l'àme,  qui  nous 
rend  agréables  à  Dieu  et  dignes 
des  récompenses  éternelles.  Telle 
est  la  grâce  du  baptêm  edans  les  en- 
fants. Voyez  Grâce. 

Le  péché  actuel  est  celui  que 
commet,  par  sa  propre  volonté  et 
avec  pleine  connoissance,  une  per- 
sonne qui  est  parvenue  à  l'âge  de 
discrétion.  Le  péché  originel  est 
celui  que  nous  contractons  en  ve- 
nant au  monde,  parce  que  nous 
sonunes enfants  d'Adam.  VoyezVé- 
CHÉ.  Le  péché  actuel  se  subdivise 
en  péché  mortel  et  péché  véniel. 
Voyez  Mortel  et  Véniel. 

ADi\M,nom  du  premier  hom- 
me que  Dieu  a  créé  pour  être  la  tige 
du  genre  humain.  J4da/ra  est  aussi 
en  hébreu  le  nom  appellatif  de 
l'homme  en  général  ;  il  paroît  for- 
mé d'à  augmentatif  et  de  la  racine 
dam,  dom,  élevé,  supérieur;  il 
désigne  le  principal  et  le  plus  fort 
individu  de  l'espèce. 

On  peut  voir  dans  les  premiers 
chapitres  de  la  Genèse  toute  l'his- 
toire à^Adam,  la  loi  que  Dieu  lui 
imposa,  sa  désobéissance  ,  la  peine 
à  laquelle  il  fut  condamné  avec,  sa 
postérité.  Cette  narration ,  qui  est 
fort  courte,a  fourni  une  ample  ma- 


ADA 

tière  aux  conjectures  des  commen- 
tateurs ,  aux  disputes  des  théolo- 
giens, aux  erreurs  des  hérétiques, 
el  aux  ohjectious  des  incrédules. 

Il  est  d'abord  évident  que  le  pre- 
mier homme  n'a  pu  exister  que  par 
création.  (N."  II,  p-  i-)  Les  anciens 
athées,  qui  disoient  queleshommes 
etoientfor  lui  tement  sortis  du  sein  de 
la  terre  ,  comme  les  champignons  ; 
les  matérialistes  modernes  ,  qui 
pensent  que  la  naissance  de  l'hom- 
me a  été  un  effet  nécessaire  du  dé- 
brouillement  du  chaos  ;  les  savants 

f>hysiciens,  qui  ont  calculé  et  fixé 
es  époques  de  la  nature ,  îans  nous 
apprendre  comment  les  hommes  , 
les  animaux  et  les  plantes  ,  ont  pu 
cclore  d'un  globe  de  veri"e  enilam- 
raé  dans  son  origine,  sont  aussi 
peu  sages  les  uns  que  les  autres. 
Leurs  rêves  sublimes  disparoissent 
devant  le  récit  simple  et  naturel 
de  l'auteur  sacré  :  «  Au  comraen- 
»  cernent   Dieu    créa  le  ciel  et  la 

»  terre Il   dit  :  Que  la    lumière 

V soit,  et  la  lumière  fut Il  dit: 

:>Faisons  V homme  à  notre  image  eià 
V  notre  ressemblance  ,  et  l'homme 
»  fut  fait  à  l'image  de  Dieu.  »  Gen,, 
c.  I.  Par  ce  peu  de  paroles  l'hom- 
me apprend  ce  qu'il  est ,  ce  qu'il 
doit  à  Dieu  et  à  soi-même ,  ce  qu'il 
a  lieu  d'attendre  de  la  bonté  de  son 
Créateur. 

Dieu  est-il  donc  corporel  aussi- 
bien  que  l'homme  ï  On  a  répondu 
aux  marcionites  ,  aux  manichéens, 
aux  philosophes  du  quatrième  siè- 
cle, aux  incrédules  du  dix-huitiè- 
me, qui  ont  fait  cette  question,  que 
la  partie  principale  de  l'homme 
n'est  pas  le  corps,  mais  l'àme.  Or, 
cette  âme  est  douée  d'intelligence, 
de  réflexion,  de  volonté,  de  liberté, 
d'action;  elle  a  le  pouvoir  de  ré- 
primer les  appétits  déréglés  du 
corps,  de  penser  au  présent,  au 
passé  et  à  l'avenir ,  de  communi- 
quer aux  autres  par  la  parole  ce 
qu'elle  pense,  de  commander  aux 
animaux,  défaire  servir  à  son  usage 

X. 


ADA  33 

la  plupart  des  ouvrages  du  Créa- 
teur, de  le  connoître,  de  l'adorer 
et  de  l'aimer  ;  c'est  par-là  que 
l'homme  ressemble  à  Dieu.  Préfc- 
rerons-nous  ,  comme  certains  phi- 
losophes ,  de  res.sembler  aux  ani- 
maux, plutôt  qu'à  Dieu  qui  nous 
a  faits  f 

La  manière  dont  la  formation  de 
la  femme  est  racontée  dans  l'his- 
toire sainte  a  donné  lieu  à  quel- 
ques railleries  froides  et  à  des 
imaginations  bizarres  qui  ne  valent 
pas  la  peine  d'être  réfutées  ;  mais 
c'est  une  grande  leçon  donnée  au 
genre  humain.  Dieu  a  voulu  par-là 
iaire  connoître  à  la  femme  la  supé- 
riorité de  l'homme  de  qui  elle  a 
été  formée;  à  l'homme,  combien 
sa  compagne  doit  lui  être  chère, 
puisqu'elle  est  une  partie  de  sa 
propre  substance;  à  tous  les  deux, 
qu'ils  doivent  conserver  entre  eux 
l'union  la  plus  étroite  ,  de  laquelle 
dépend  leur  bonheur  et  celui  de 
leurs  enfants. 

Mais  en  quel  état  se  trouvoient 
ces  deux  créatures  au  moment  de 
leur  naissance  ,  quelle  étoit  leur 
félicité  dans  l'état  d'innocence  , 
quelle  auroit  été  leur  destinée  et 
celle  de  leurs  enfants  ,  si  les  uns 
ni  les  autres  n'avoient  pas  péché  !* 
Questions  intéressantes,  mais  sur 
lesquelles  l'Ecriture  sainte  ne  s'est 
expliquée  qu'avec  beaucoup  de  ré- 
serve. 

Elle  nous  apprend  que  Dieu  a 
créé  Vhomme  droit  ,  Eccli.  ,  c.  7  , 
'}^.  3o,  et  dans  la  justice ,  Éphes., 
c.  4  ,  y-  24  ,  par  conséquent  non- 
seulement  exempt  de  vice,  mais 
encore  doue  de  la  grâce  sanctifiante 
qui  le  rendoit  agréable  à  Dieu. 
Elle  nous  dit  qu'il  a  été  créé  im- 
mortel ,  dans  ce  sens  qu'il  pouvoit 
s'exempter  de  la  mort  en  ne  pé- 
chant pas  ;  la  mort  n'étant  entrée 
dans  le  monde  que  par  la  jalousie 
du  démon,  Sap.  ,  c.  2,  ^.  23,  et 
par  le  péché  ,  Bom.  ,  c.  5,  jl'.  la. 
Nous  voyons  aussi  ,  Eccli.  ,  c.  171 
3 


34  ADA 

y.  6,  que  Dieu  sVtoit  plu  à  don- 
ner à  nos  premiers  parents  toutes 
sortes  de  connoissances  ,  en  créant 
dans  eucc  la  science  de  Vesprit ,  en 
remplissant  leur  cœur  de  sentiment , 
et  leur  faisant  voir  les  biens  et  les 
maux.  D'où  il  suit  que  Tétat  du 
premier  homme  avant  son  péché 
étoit  un  état  très-heureux,  quoi- 
que son  bonheur  ne  fut  pas  com- 
plet, puisqu'il  pouvoit  perdre  par 
sa  désobéissance  la  justice  dans  la- 
quelle il  avoit  été  créé,  et  tous  les 
dons  qui  y  étoicnt  attachés.  JJn 
bonheur  plus  parfait  devoit  être 
le  fruit  de  sa  persévérance  libre 
dans  le  bien.  Nous  ne  savons  pas 
combien  il  auroit  fallu  qu'elle  du- 
rât pour  qu^Adam  fût  confirmé 
dans  la  justice  et  nepût  désormais 
la  perdre. 

S'il  eût  persévéré  ,  ses  enfants 
auroient  eu  en  naissant  la  justice 
originelle  dans  laquelle  il  avoit  été 
créé  ;  mais  chacun  de  ses  descen- 
dants auroit  été  peut-être  assujéti 
à  des  lois,  exposé  au  danger  de  les 
violer,  etdeperdre,  coTameAdam, 
tous  les  privilèges  de  l'innocence: 
c'est  le  sentiment  d'Estius  d'après 
■saint  Augustin,  I.2,  Sentent.^  I)ist. 
2ù,  §  5.  On  pourroit  encore  agi- 
ter bien  d'autres  questions  ;  mais, 
puisque  l'Écriture  se  tait,  n'imi- 
tons pas  la  curiosité  téméraire  de 
notre  premier  père  :  n'approchons 
pas  de  l'arbre  de  la  science  pour  y 
chercher  un  fruit  qui  nous  est 
défendu. 

Pourquoi ,  demandent  les  in- 
crédules après  les  manichéens , 
Îiourquoi  imposer  à  l'homme  une 
ci,  et  lui  faire  une  défense,  lors- 
que Dieusavoit  bien  qu'elle  seroit 
violée?  Parce  que  l'homme  créé 
libre  étoit  capable  d'obéissance,  et 
qu'il  la  devoit  a  sonCréateur.  C'est 
par  son  libre  arbitre,  autant  que 
par  son  intelligence ,  que  l'hom- 
me est  distingué  des  animaux  ;  il 
étoit  juste  que  Dieu  exigeât  de  loi 
un  témoignage  de  soumission  ,  en 


ADA 

reconnoîssance  de  la  vie  et  des  au- 
tres bienfaits  qu'il  lui  avoit  accor- 
dés. Dans  tous  les  états  possibles, 
il  est  de  l'ordre  que  le  bonheur 
parfait  ne  soit  pas  un  don  de  Dieu 
purement  gratuit ,  mais  une  ré- 
compense réservée  à  l'obéissance 
de  l'homme  et  à  la  vertu  :  aucun 
argument  des  incrédules  ne  peut 
prouver  le  contraire;  laprévoyance 
que  Dieu  avoit  de  la  désobéissance 
future  d'yi-ia/n  ,  ne  devoit  déroger 
en  rien  à  cet  ordre  éternel,  infi- 
niment juste  et  sage. 

En  effet ,  dit  saint  Augustin  , 
pourquoi  Dieu  ne  devoit-il  pas 
permettre  t[u'Adam  fût  tenté  et 
succombât  ?I1  savoit  que  la  chute 
de  l'homme  et  sa  punition  seroient 
pour  ses  descendants  un  exemple 
qui  serviroitàles  rendre  plus  obéis- 
sants ;  que  de  cette  race  même  pé- 
cheresse naîtroit  un  peuple  de 
saints  qui ,  avec  la  grâce  divine  , 
remporteroient  à  leur  tour  sur  le 
démon  une  victoire  plus  glorieuse. 
Si  donc  cet  esprit  malicieux  a  sem- 
blé prévaloir  pour  un  temps  par  la 
chute  de  l'homme,  il  a  été  vaincu 
pour  l'éternité  par  la  réparation  de 
l'homme.  L.  i  contra  advers.  leg. 
et  proph.,  n.  21  et  23.  De  Cil)  Dei , 
1.  i4,  c.  27.  De  Catech.  rudib.  , 
c.  18. 

Lorsque  les  incrédules  deman- 
dent encore  pourquoi  Dieu  a  in- 
terdit à  notre  premier  père  le  fruit 
qui  donnoit  la  connoissance  du  bien 
et  du  mal,  ils  affectent  de  ne  pas 
entendre  de  quelle  connoissance  il 
est  question.  Adam  connoissoit 
déjà  le  bien  et  le  mal  moral  ;  l'É- 
criture nous  apprend  que  Dieu  la 
lui  avoit  donnée,  jEcc/t.,  c.  17,^.6. 
autrement  il  auroit  été  aussi  in- 
capable de  pécher  que  les  enfants 
qui  n'ont  pas  encore  atteint  l'âge  de 
discrétion  :  mais  il  n'avoit  point 
encore  la  connoissance  du  niai 
physique  ,  puisqu'il  n'en  avoit 
éprouvé  auctin;  il  n'avoit  aucune 
idée  de  la  honte  et  du  remords  que 


ADA 

cause  la  conscience  d'un  crime.  Il 
les  sentit  après  son  péché  ;  il  fui 
en  étal  (le  comparer  lcl)iea-èlre  et 
la  douleur  :  telle  est  la  connois- 
sance  expérimentale  de  laquelle 
Dieu  vouloit  le  préserver.  11  ne 
s'ensuit  donc  pas  qu'il  y  ait  eu  un 
arbre  dont  le  Iruit  avoit  la  vertu 
de  faire  connoître  le  bien  et  le 
mal. 

C'est  une  nouvelle  témérité,  de 
la  part  des  incrédules  ,  de  soutenir 
qu'il  y  a  eu  de  l'injustice  à  rendre 
Adam  maître  du  sort  de  sa  posté- 
rité. C'est  la  condition  naturelle 
de  l'humanité  ;  et  tel  est  l'ordre 
établi  dans  toutes  les  sociétés  po- 
litiques. Un  père ,  par  sa  mauvaise 
conduite,  peut  réduire  à  la  mi- 
sère ses  enfants  nés  et  à  naître  ;  il 
peut  les  déshonorer  d'avance  par 
un  crime  ;  il  peut ,  dans  les  pays 
où  l'esclavage  est  établi ,  les  ré- 
duire à  cette  condition  en  vendant 
sa  liberté.  Il  est  du  bien  de  la  so- 
ciété que  cela  soit  ainsi ,  afin  d'in- 
spirer aux  pères  plus  d'horreurdes 
crimes  qui  peuvent  avoir  pour 
leurs  enfants  des  suites  si  terribles, 
et  plus  de  reconnoissance  aux  en- 
fants envers  un  père  qui  ,  par  la 
sagesse  de  ses  mœurs  ,  les  a  mis  à 
couvert  de  ce  malheur. 

Dieu  ,  continuent  nos  adversai- 
res, pouvoit  prévenir  le  péché  de 
l'homme  par  une  grâce  efficace, 
sans  nuire  à  son  libre  arbitre  ;  s'il 
oe  devoit  pas  cette  grâce  à  l'hom- 
me, du  moins  il  la  devoit  à  lui-mê- 
me et  à  sa  bonté  infinie.  Ne  donner 
à  l'homme  dans  celte  circonstance 
qu'un  secours  inefficace  dont  Dieu 
prévoyoit  l'inutilité  ,  c'étoit  plutôt 
lui  faire  du  mal  que  du  bien. 

Ce  raisonnement ,  s'il  étoit  soli- 
de ,  prouveroit  que  Dieu,  en  vertu 
de  sa  bonté  infinie,  ne  peut  don- 
ner à  aucun  homme  une  grâce  dont 
il  prévoit  l'inefficacité  ,  et  ne  peut 
permettre  aucun  pécfié  ;  mais  il 
porte  sur  trois  ou  quatre  suppo- 
sitions fausses.  La  première,  qu'un 


ADA  35 

moindre  bienfait,  comparé  à  un 
plus  grand,  n'est  plus  un  bien, 
mais  un  mal.  La  deuxième,  que  de 
deux  bienfaits  inégaux ,  Dieu  se 
doit  à  lui-même  d'accorder  tou- 
jours le  plus  grand ,  ce  qui  va  droit 
à  l'infini.  La  troisième,  que  pluj 
Dieu  prévoit  de  résistance  de  la 
part  de  l'homme  ,  plus  il  est  obli- 
gé d'augmenter  la  grâce;  comme 
si  la  malice  de  l'homme  étoit  un 
titre  qui  lui  donne  droit  aux  grâ- 
ces de  Dieu.  La  quatrième,  qu'il 
faut  raisonner  de  la  bonté  de  Dieu 
jointe  à  une  puissance  infinie , 
comme  de  la  bonté  de  l'homme, 
qui  n'a  qu'un  pouvoir  très-borné. 
Toutes  CCS  absurdités  n'ont  pas 
besoin  d'une  plus  longue  réfuta- 
tion. 

Une  grâce  inefficace ,  ou  de  la- 
quelle Dieu  prévoit  l'inefficacité, 
est  sans  doute  un  moindre  bienfait 
qu'une  grâce  dont  il  prévoit  l'ef- 
ficacité; mais  il  est  faux  que  la  pre- 
nxière  soit  un  mal ,  un  don  inutile 
ou  pernicieux ,  un  piège  tendu  à 
l'homme  ,  etc.  Un  secours  ,  qui 
donne  à  l'homme  toute  la  force 
nécessaire  pour  le  rendre  maître 
de  son  choix  et  de  son  action  ,  ne 
peut  sous  aucune  face  être  envi- 
sagé comme  un  mal. 

Ce  que  l'historien  sacré  dit  de 
la  tentation  d'Eve  et  de  ses  suites 
a  fourni  aux  incrédules  de  quoi 
exercer  leur  malignité.  Cette  nar- 
ration leur  paroît  renfermer  plu- 
sieurs absurdités  :  que  le  serpent 
soit  le  plus  rusé  de  tous  les  ani- 
maux ,  qu'il  ait  eu  une  conversa- 
tion suivie  avec  la  femme  ,  et 
qu'elle  se  soit  laissé  tromper  ; 
qu'il  soit  plus  maudit  que  les  au- 
tres animaux ,  pendant  qu'il  y  a 
des  peuples  qui  l  ui  rendent  un  culte; 
qu'il  n'ait  rampé  sur  son  ventre 
que  depuis  ce  temps- là;  qu'il  mange 
la  terre ,  etc. 

Par  ces  réflexions  mêmes ,  les 
censeurs  de  l'histoire  sainte  prou- 
vent,   ou  que  Moïse  étoit  un  in- 


36 


ADA 


sensé ,  ou  qu'il  y  a  un  sons  caclié 
soiisl'écorcede  cette  histoire.  C'est 
ce  que  nous  soutenons,  et  un  cé- 
lèbre incrédule  l'a  reconnu.  <e  De 
M  la  manière ,  dit-il ,  dont  l'his- 
j)  torien  raconte  ce  funeste  événc- 
»  ment ,  il  paroît  bien  que  son 
»  intention  n'a  pas  été  que  nous 
j>  sussions  comment  la  chose  s'é- 
»  toit  passée  ;  et  cela  seul  doit 
>»  persuader  à  toute  personne  rai- 
»>  sonnable  que  la  plume  de  Moïse 
»  a  été  sous  la  direction  particu- 
»  lièrc  du  Saint-Esprit.  En  effet , 
»  si  Moïse  eût  été  le  maître  de  ses 
»  expressions  et  de  ses  pensées  ,  il 
»  n'auroit  jamais  enveloppé  d'une 
»  façon  si  étonnante  le  récit  d'une 
»  telle  action  ;  il  en  auroit  parlé 
»  d'un  style  un  peu  plus  humain 
»  et  plus  propre  à  instruire  la 
»  postérité  :  mais  une  force  ma- 
»  jeure,  une  sagesse  infinie  le  di- 
»  rigeoit  de  telle  sorte  qu'il  n'écri- 
»  voit  pas  selon  ses  vues,  mais 
n  selon  les  desseins  cachés  de  la 
w  Providence.  »  Bayle ,  Nouv.  Juin 
1686,  art.  2,  p.  592. 

Est-ilvrai  d'ailleurs  que  sonrécit 
renferme  des  absurdités!*  i.°  Nous 
ne  connoissons  pas  assez  les  diffé- 
rentes espèces  de  serpents,  pour  sa- 
voir jusqu'à  quel  point  ces  ani- 
maux sont  rusés  et  industrieux; 
ceux  qui  entendent  parler  des  cas- 
fors  pour  la  première  fois  ,  sont 
tentés  de  prendre  pour  des  fables 
ce  que  l'on  en  raconte.  2.°  Il  est 
constant  que  ce  fut  le  démon  qui 
emprunta  l'organe  duserpent  pour 
converser  avec  Eve  ,  et  cette  fem- 
me n'avoit  pas  encore  assez  d'ex- 
périence pour  savoir  si  un  anima] 
étoit  capable  ou  incapable  de  par- 
ler. 3.°  Il  n'est  pas  moin^  vrai 
qu'en  général  nous  avons  horreur 
des  serpents  ,  et  qu'il  n'y  a  qu'une 
longue  habitude  qui  puisse  accou- 
tumer des  peuples  à  demi  sauva- 
ges à  se  familiariser  avec  quelques 
espèces  de  ces  animaux.  4  "  Si  l'on 
en  croit  les  voyageurs  et  les  natu- 


ADA 

ralistes,  il  y  a  des  serpents  ailés  qui 
s'élèvent  dans  les  airs  ;  il  n'est  donc 
pas  certain  que  toutes  les  espèces 
aient  toujours  rampé  sur  leur  ven- 
tre. On  dit  encore  qu'il  y  en  a  qui 
sont  d'une  beauté  singulière  ,  et 
l'on  en  a  vu  de  très-apprivoisés. 
Enfin  ,  si  les  serpents  ne  mangent 
pas  la  terre  ,  ils  semblent  du  moins 
avaler  la  poussière  et  les  ordures 
en  cherchant  les  insectes  dont  ils 
se  nourrissent.  Il  n'y  a  donc  rien 
d'absurde  ni  de  ridicule  dans  la 
narration  de  Moïse. 

Une  question  plus  importante 
est  de  savoir  si  Dieu  a  puni  trop 
rigoureusement  le  péché  i^Adam , 
comme  le  supposent  les  incré- 
dules. La  faute  ,  disent-ils ,  fut  lé- 
gère ,  et  le  châtiment  est  terrible  : 
être  condamné  ,  pour  toute  cette 
vie ,  au  travail  et  aux  souffrances  ; 
éprouver  sans  cesse  la  révolte  de 
la  chair  contre  l'esprit ,  et  des  pas- 
sions contre  la  raison  ;  avoir  con- 
tinuellement sous  les  yeux  la  mort 
qu'il  faut  subir,  et  un  supplice 
éternel  dont  nous  sommes  mena- 
cés ,  et  cela  pour  un  prétendu 
crime  ,  qui  n'est ,  dans  le  fond  , 
qu'une  légère  désobéissance  ;  y  a- 
t-il  de  la  proportion  entre  le  pé- 
ché et  la  peine  ? 

Nous  répondons  ,  en  premier 
lieu ,  qu'il  est  absurde  de  vouloir 
juger  de  la  grièveté  de  la  faute 
à^Adani  autrement  que  par  le  châ- 
timent que  Dieu  en  a  tiré  ;  avons- 
nous  assisté  au  conseil  de  Dieu,  ou 
avons-nous  vu  ce  qui  s'est  passé 
dans  l'âme  à' Adam,  pour  savoir 
jusqu'à  quel  point  il  a  été  crimi- 
nel ou  excusable  Y  La  facilité  de 
l'obéissance  ,  dit  saint  Augustin  , 
est  précisément  ce  qui,  dans  les 
circonstances,  aggrave  la  faute  à^A~ 
dam.  En  second  lieu  ,  les  misères 
de  cette  vie  ,  la  concupiscence 
même  ,  sont  une  suite  de  notre  na- 
ture :  l'exemption  de  la  mort,  la 
soumission  entière  de  la  chair  à 
l'esprit,  étoit  une  grâce  que  Dieu 


ADA 

ne  (lovoit  point  à  nos  premiers 
parents,  ainsi  que  nous  le  prouve- 
rons à  l'arlicle  Nature  puke  ;  il  a 
donc  pu  ,  sans  injustice  ,  en  pri- 
ver l'homme  coupable  et  ses  des- 
cendants. En  troisième  lieu  ,  l'on 
u'est  ])as  obligé  de  croire  ,  puis- 
que l'Eglise  ne  l'a  pas  décidé  , 
que  les  enfants  souillés  du  péché 
originel  sont  tourmentés  par  des 
supplices.  Ils  n'entreront  pas  dans 
le  royaume  du  ciel  ;  mais  il  n'est 
pas  dit  que  le  lieu  où  ils  seront 
sera  pour  eux  un  lieu  de  tour- 
ments.Nous  discuterons  celte  ques- 
tion au  mot  Baptême. 

Les  péchés  actuels ,  qui  font  per- 
dre la  grâce,  seront  punis  ,  il  est 
vrai  ,  par  des  supplices  éternels  ; 
mais  ces  péchés  ne  sont  pas  des 
châtiments  de  la  faute  d'Adam ,  ce 
sont  des  maux  que  nous  nous  faisons 
volontairement  à  nous-mêmes  par 
des  vices  et  des  habitudes  que  nous 
avon.s  contractées  très-librement , 
et  dont  il  ne  tiendroit  qu'à  nous 
de  nous  préserver.  Enfin,  quand 
on  parle  de  la  faute  d'Adam  et  de 
la  punition,  il  faudroit  ne  pas  ou- 
blier la  manière  dont  Jésus-Christ 
l'a  réparée  par  la  grâce  de  la  ré- 
demption. 

C'est  en  démontrant,  par  l'Écri- 
ture sainte  ,  l'excellence,  la  pléni- 
tude, l'universalité  de  cette  grâce, 
que  les  Pères  de  l'Eglise  ont  ré- 
j)ondu  aux  objections  des  marcio- 
niles  et  des  manichéens ,  qu'ils  ont 
prouvé  aux  ariens  la  divinité  de 
Jésus-Christ,  qu'ils  ont  réfuté  les 
pélagiens,  qui,  dans  leur  système, 
réduisoient  à  rien  la  rédemption, 
comme  font  encore  aujourd'hui  les 
sociniens. 

Ils  nous  font  remarquer  d'abord 
que  la  promesse  de  la  rédemption 
est  aussi  ancienne  que  le  péché. 
Avant  de  condamner  Adam  aux 
souffrances  et  à  la  mort,  Dieuavoit 
déjà  lance  la  malédiction  contre  le 
serpent,  et  lui  avoit  dit  :  La  race 
tie  la  femme  f  écrasera  la  tcfc.  C'est , 


ADA  37 

disent  les  Pères,  en  vertu  de  cette 
promesse  et  des  mérites  du  Ré- 
dempteur, que  Dieu  n'a  condamné 
Adam  etsa  postérité  qu'aune  peine 
temporelle  ;  ainsi  la  rédemption 
future  a  commencé  d'opérer  son 
effet,  au  moment  même  qu'elle  a 
été  promise.  Fb/cz  Prot-évangile, 

RÉDEMPTION. 

2.0  Ils  nous  représentent  queles 
souffrances  et  la  mort  sont  l'expia- 
tion du  péché  et  un  sujet  de  mérite 
en  vertu  de  la  passion  du  Sauveur  ; 
d'où  ils  concluent  que  la  condam- 
nation de  l'homme  a  été  sous  ce 
rapport  un  acte  de  miséricorde  de 
la  part  de  Dieu.  Jésus-Christ,  dit 
saint  Paul ,  a  été  les  amertumes  de 
la  mort,  en  nous  assurant  une  ré- 
surrection semblable  à  la  sienne. 
I  Cor.,  c.iS,y/.55.  Voyez  Mort, 
Souffrance. 

3. «Ils  observent  que  la  grâce,  ré- 
pandue avec  abondance  par  Jésus- 
Christ,  nous  rend  victorieux  de  la 
concupiscence;  que  par  ce  combat 
la  vertu  devient  plus  méritoire,  et 
digne  d'une  récompense  aussi  gran- 
de que  celle  qui  étoit  destinée  à  no- 
tre premier  père.  Par  ces  différentes 
considérations,  nos  saints  docteurs 
font  comprendre  la  dignité  à  la- 
quelle notre  nature  a  été  élevée  par 
son  union  avec  le  Verbe  divin;  ils 
montrent  la  grandeur  du  mal  par 
La  puissance  du  remède. 

Selon  l'histoire  sainte  ,  la  pé- 
nitence à'' Adam  a  été  fort  longue  : 
il  avécu  neuf  cent  trente  ans. Ge/?., 
c.  5,5'.  5. Dieu  lui  accorda  cette 
longue  vie,  afin  de  perpétuer  parmi 
ses  descendants  la  certitude  des 
grandes  vérités  dont  il  avoit  été 
témoin,  ou  qu'il  avoit  reçues  de 
la  propre  bouche  de  Dieu  même  : 
les  hommes  pouvoient-ils  avoiruu 
maître  plus  respectable  et  plus  di- 
gne de  foi?  Mais,  sans  la  promesse 
qui  lui  avoit  été  faite  d'un  répa- 
rateur, il  auroit  été  souvent  tenté 
de  se  livrer  au  désespoir,  en  voyant 
le  déluge  de  maux  de  toute  espèce 


8  ADA 

que  sa  faute  avoit  t'ait  tomber  sur 
la  terre. 

Aucun  des  pères  de  l'Eglise  n'a 
douté  du  salut  à'' Adam;  tous  ont 
été  persuadés  qu'il  a  été  sauvé  par 
Jésus-Christ.  Saint  Augustin  dit 
que  c'est  la  croyance  de  l'Eglise,  et 
l'on  a  taxé  d'erreur  Tatien  et  les 
encratites,  qui  ne  vouloienl  pas 
admettre  cette  vérité. 

On  a  même  cru,  dans  les  pre- 
ïniers  siècles ,  cyn^Adam  avoit  été 
enterré  sur  le  Calvaire  ,  et  que 
Jésus-Christ  avoit  été  crucifié  sur 
sa  sépul  ture ,  afin  que  le  sang  versé 
pour  le  salut  du  monde  purifiât  les 
restes  du  premier  pécheur.  Quoi- 
que cette  tradition  ne  paroisse  fon- 
dée que  sur  un  passage  de  l'Écri- 
ture mal  entendu,  elle  atteste  tou- 
jours la  haute  idée  qu'avoient  nos 
anciens  maîtres  de  l'étendue  etde 
l'efficacité  de  la  rédemption. 

Il  paroît  que  certains  théolo- 
giens l'avoient  profondément  ou- 
bliée ,  lorsqu'ils  ont  dit  que  le 
péché  originel  ou  la  chute  à' Adam 
est  la  clef  de  tout  le  système  du 
christianisme,  le  premier  anneau 
auquel  tient  toute  la  chaîne  de  la 
révélation;  il  auroit  fallu  dire  au 
moins  :  Le  pèche  originel  effacé  et 
pleinement  réparé  par  Jésus-Christ. 
Sans  le  dogme  fondamental  de  la  ré- 
demption ,  celui  du  péché  originel 
pourroit  nous  inspirer  de  la  ci'ain- 
te,des  regrets,  de  la  douleur,  peut- 
être  le  désespoir;  il  n'exciteroit en 
nous  ni  reconnoissance,  ni  con- 
iiance,  ni  amour  de  Dieu,  senti- 
ments dans  lesquels  consiste  la 
religion.  Au  mot  Péché  originel, 
nous  ferons  voir  que  la  croyance 
de  l'un  de  ces  dogmes  ne  peut  pas 
subsister  sans  celle  de  l'autre. 

Quelques  auteurs  ont  pensé  que 
Platon  avoit  eu  connoissance  de  la 
chute  à'' Adam  ,  et  qu'il  l'avoit 
apprise  par  la  lecture  des  livres  de 
Moïse.  Eusèbe ,  dans  sa  Préparation 
évangélique .,  liv.  12,  c.  11,  cite 
une  fable  tirée  des  Symposiaqucs 


ADA 

de  Platon ,  dans  laquelle  celle  his- 
toire semble  être  rapportée  d'une 
manière  allégorique  ;  mais  cette 
allusion  n'est  ni  fort  sensible,  ni 
absolument  certaine.  Au  temps  de 
Platon,  les  livres  deMoïsen'étoient 
pas  encore  traduits  en  grec,  et  ce 
philosophe  n'avoit  point  de  con- 
noissance de  rhcbreu.  On  sait 
d'ailleurs  que  les  Juifs  ne  mon- 
troient  pas  aisément  leurs  livres 
aux  païens.  Il  faut  juger  de  même 
de  la  fable  de  Pandore ,  que  quel- 
ques-uns ont  prise  pour  une  alté- 
ration de  l'histoire  de  la  chute 
à'' Adam. 

ADAMITES  ou  ADAMIENS  , 

secte  d'anciens  hérétiques,  qu'on 
croit  avoir  été  un  rejeton  des  basi- 
lidiens  et  des  carpocï^atiens  ,  sur 
la  fin  du  second  siècle. 

Selon  saintÉpiphane,  ils  prirent 
le  nom  à''adamiies,  parce  qu'ils 
prétendoient  avoir  été  rétablis  dans 
l'état  de  nature  innocente,  être  tels 
qu'Adam  au  moment  de  sa  création, 
et  par  conséquent  devoir  imiter  sa 
nudité.  Ils  détestoient  le  mariage, 
soutenant  que  l'union  conjugale 
n'auroit  jamais  eu  lieu  sur  la  terre 
sans  le  péché,  et  regardoient  la 
jouissance  des  femmes  en  commun 
comme  un  privilège  de  leur  pré- 
tendu rétablissement  dans  la  justi- 
ce originelle.  Quelque  incompati- 
bles que  fussent  ces  dogmes  infâmes 
avec  une  vie  chaste ,  quelques-uns 
d'eux  ne  laissoient  pas  de  se  vanter 
d'ètrecontinenls,  et  assuroient  que 
si  quel  qu'un  des  leurs  tomboit  dans 
le  péché  de  la  chair,  ils  1  e  chassoien  t 
de  leur  assemblée,  comme  Adam 
et  Eve  avoient  été  chassés  du  para- 
dis terrestre  pour  avoir  mangé  du 
fruit  défendu;  qu'ils  se  regardoient 
comme  Adam  etÉve,  et  leur  tem- 
ple comme  le  paradis.  Ce  temple, 
après  tout,  n'étoit  qu'un  souter- 
rain, une  caverne  obscure,  ou  un 
poêle  dans  lequel  ils  entroient  tout 
nus,  hommes  et  femmes;  et  là,  tout 


ADA 

liMir  ^lolt  permis,  )usqu\\  l'adul- 
tcre  et  à  l'incesle  ,  dès  que  l'ancien 
ou  le  chef  de  leur  sociclc.  avoit 
prononce  ces  paroles  de  la  Genèse , 
c  I  ,  Jl'^.  23,  Crescile  et  midliplica- 
rnini.  Théodoret  ajoute  que  ,  pour 
commettre  de  pareilles  actions, 
ils  n'avoient  pas  même  d'cf^ard  à 
rhonnêleté  publique  ,  et  imitoient 
l'impudence  des  cyniques  du  pa- 
ganisme. TertuUien  assure  qu'ils 
uioient,  avec  Valentin,  l'unité  de 
Dieu,  la  nécessité  de  la  prière,  et 
traitoîent  le  martyre  de  folie  et 
d'extravagance.  Saint  Clémentd'A- 
lexandrie  dit  qu'ils  se  vantoient  d'a- 
voir des  livres  secrets  deZoroastre; 
ce  qui  a  fait  conjecturer  à  M.  deTil- 
lemont  qu'ils  étoient  livrés  à  la 
magie.  Tom.  2 ,  pag.  280. 

Cette  secte  infànie  fut  renouvelée 
dans  le  douzième  siècle  par  un 
certain  Tendème,  connu  encore 
sous  le  nom  deTanchelin,quisema 
ses  erreurs  à  Anvers,  sous  le  règne 
de  l'empereur  Henri  V.  Les  prin- 
cipales étoient,  qu'il  n'y  avoit  point 
de  distinction  entre  les  prêtres  et 
les  laïques  ,  et  que  la  fornication 
et  l'adultère  étoient  des  actions 
saintes  et  méritoires.  Accompagné 
de  trois  mille  scélérats  armés,  il 
accrédita  cette  doctrine  par  son 
éloquence  et  par  ses  exemples  ; 
sa  secte  lui  survécut  peu ,  et  fut 
éteinte  par  le  zèle  de  saintNorbert. 

D'autres  adamiics  reparurent 
encore  dans  le  quatorzième  siècle  , 
sous  le  nom  de  lurlupîns  et  de  /jaw- 
iTcsyrèrcs,  dans  le  Dauphiné  et  la  Sa- 
voie. Ils  soutenoient  que  l'homme , 
arrivé  à  un  certain  état  de  perfec- 
tion, étoit  affranchi  de  la  loi  des 
])assions  ,  et  que  ,  bien  loin  que  la 
liberté  de  l'homme  sage  consistât 
à  n'être  pas  soumis  à  leur  empire , 
elle  consistoit  au  contraire  à  se- 
couer le  joug  des  lois  divines.  Us 
alloient  tout  nus,  et  commeltoient 
en  plein  jour  les  actions  les  plus 
brutales.  Le  roi  Charles  V  en  fit 
périr   plusieurs  par   les  llammes  : 


ADA  39 

on  brilla  aussi  quelques-uns  de 
leurs  livres  à  Paris,  dans  la  place 
du  marché  aux  Pourceaux ,  hors 
de  la  rue  Saint-Honoré 

Un  fanatique,  nommé  Picard, 
natif  de  Flandre,  ayant  pénétré 
en  Allemagne  et  en  Bohême  au 
commencement  du  quinzième  siè- 
cle ,  renouvela  ces  erreurs,  et  les  ré- 
pandit surtout  dans  l'armée  du  fa- 
meux Zisca.  Malgré  la  sévérité  de  ce 
général,Picardtrompoit  les  peuples 
par  ses  prestiges,  et  se  qualifioit 
/ils  de  Dieu.  Il  prétendoit  que,  com- 
me un  nouvel  Adam,  il  avoit  été 
envoyé  dans  le  monde  pour  y  ré- 
tablir la  loi  dénature,  qu'il  faisoit 
surtout  consister  dans  la  nudité  de 
toutes  les  parties  du  corps  et  dans 
la  communauté  des  femmes.  Il  or- 
donnoitàses  disciples  d'aller  nus 
parles  ruesetlesplaces  publiques; 
moins  réservé  à  cet  égard  que  les 
anciens  adamites  qui  ne  se  permet- 
toient  cette  licence  que  dans  leurs 
assemblées.  Quelques  anabaptistes 
tentèrent  en  Hollande  d'augmen- 
ter le  nombre  des  sectateurs  de 
Picard  ;  mais  la  sévérité  du  gou- 
vernement les  eut  bientôt  dissipés. 
Cette  secte  a  aussi  trouvé  des  par- 
tisans en  Pologne  et  en  Angleterre  ; 
ils  s'assembloient  la  nuit,  et  l'on 
prétend  qu'une  des  maximes  fon- 
damentales de  leur  société  étoit 
contenue  dans  ce  vers  : 

Jura  ,  perjura  ,  secrelutn  prodere  noli, 

Mosheiro  ,  qui  a  examiné  de  près 
l'histoire  de  ces  fanatiques,  pense 
que  le  nom  de  Picards  ne  leur  ve- 
noit  pas  d'un  chef  ainsi  appelé, 
mais  que  c'étoit  une  corruption  du 
nom  de  begghards  ou  bigghards. 
Vojfez  ce  mot.  Leur  maxime  capi- 
tale étoit  que  ,  quiconque  use  d'ha- 
bits pour  couvrir  sa  nudité ,  et 
n'est  pas  capable  de  voir  sans  émo- 
tion le  corps  nu  d'une  personne 
d'un  sexe  différent  du  sien,  n'est 
pas  encore //ôrc,  c'est-à-dire,  suffi- 


4o  ADI 

samment  dégagé  désaffections  cor- 
porelles. 11  étoit  impossible  qu'a- 
vec un  pareil  principe,  suivi  dans 
la  pratique,  il  ne  se  passât  rien  de 
criminel  dans  leurs  assemblées. 
Aussi  Mosheim  n'est  point  de  l'avis 
de  Basnage,  qui  a  voulu  iustifier 
les  Tpicards  ou adarnitesAe  Bohême, 
et  qui  lésa  confondus  avec  les  vau- 
dois.  Trad.  de  VHistoire  ecclésiast. 
de  Mosheim,  t.  3,  pag.  472. 

Quelques  savants  sont  dans  l'o- 
pinion que  l'origine  des  adamiies 
remonte  beaucoup  plus  haut  que 
l'établissement  du  christianisme  : 
ils  se  fondent  sur  ce  que  Maacha, 
mère  d'Asa  ,  roi  de  Juda  ,  étoit 
grande-prêtresse  de  Priape,  et  que, 
dans  les  sacrifices  nocturnes  que 
les  femmes  faisoient  à  cette  idole 
obscène  ,  elles  paroissoient  toutes 
nues.  Le  motif  des  adamiies  n'étoit 
pas  le  même  que  celui  des  adora- 
teurs de  Priape  ;  et  l'on  a  vu ,  par 
leur  théologie,  qu'ils  n'avoient  pris 
du  paganisme  que  l'esprit  de  dé- 
bauche, et  non  le  culte  de  Priape. 

ADESSENAIRES  ,  nom  formé 
par  Pratéolus  du  verbe  latin  adesse, 
etreprésent,  et  employé  pour  dé- 
signer les  hérétiques  du  seizième 
«iècle,  qui  reconnoissoient  la  pré- 
sence réelle  de  Jésus-Christ  dans 
l'eucharistie  ,  mais  dans  un  sens 
différent  de  celui  des  catholiques. 

Ces  hérétiques  sont  plus  connus 
sous  le  nom  à^Jmpanateurs  ;  leur 
secte  étoit  divisée  en  quatre  bran- 
ches: les  uns  soutenoient  que  le 
corps  de  Jésus-Christ  est  dans  le 
pain,  d'autres  qu'il  est  alentour 
du  pain,  d'autres  qu'il  est  sur  le 

Î>ain,  et  les  derniers  qu'il  est  sous 
e  pain.  Ko/ez  Impanation. 

ADIAPHORISTES,  nom  formé 
du  grec ,  âiîiaipipoç,  indifférent. 

On  donna  ce  titre,  dans  le  sei- 
zième siècle,  aux  luthériens  miti- 
gés, qui  adhéroient  aux  sentiments 
de  Mélanclhon,  dont  le  caractère 


ADO 

pacifique  ne  s'accommodoit  point 
de  l'extrême  vivacité  de  Luther. 
Conséquemment ,  l'an  i348  ,  l'on 
appela  ainsi  ceux  qui  souscrivi- 
rent à  Vintérim  que  l'empereur 
Charles-Quint  avoitfait  publier  a 
la  diète  d'Ausbourg.  ?'o/&s Luthé- 
riens. 

Cette  diversité  de  sentiments 
parmi  les  luthériens  causa  entre 
leurs  docteurs  une  contestation 
violente:  il  étoit  question  de  savoir 
i.os'il  est  permis  de  céder  quelque 
chose  aux  ennemis  de  la  vérité 
dans  les  choses  purement  indiffé- 
rentes ,  et  qui  n'intéressent  point 
essentiellement  la  religion  ;  2.°  si 
les  choses  que  Mélancthon  et  ses 
partisans  jugeoient  indifférentes 
l'étoient  véritablement.  Ces  dis- 
puteurs,  qui  appel  oient  cnweni/s  de 
la  vérité  tous  ceux  qui  ne  pensoient 
pas  comme  eux  ,  n'avoient  garde 
d'avouer  que  les  opinions,  ou  les 
rites  auxquels  ils  étoient  attachés  , 
éloient  indifférentes  au  fond  de 
la    religion.    Voyez     Mélanctho- 

NIENS. 

ADJURATION.  Commande- 
ment que  l'on  fait  au  démon ,  de  la 
part  de  Dieu ,  de  sortir  du  corps 
d'un  possédé,  ou  de  déclarer  quel- 
que chose. 

Ce  mot  est  dérivé  du  latin  ad- 
jurare,  conjurer,  solliciter  avec 
instance;  et  l'on  a  ainsi  nommé 
les  formules  d'exorcisme,  parce 
qu'elles  sont  presque  toutes  con- 
çues en  ces  termes  :  Adjuro  te  , 
spiriius  immunde,per  Heumvivum, 
ut,  etc. 

Dans  le  Dictionnaire  de  Juris- 
prudence, l'on  a  blâmé  les  curés 
qui  font  des  adjurations  ou  des 
exorcismes  contre  les  orages  et 
contre  les  animaux  nuisibles  ;  nous 
en  parlerons  au  mot  Exorcisme. 

ADONAI ,  est  parmi  les  Hé- 
breux un  des  noms  de  Dieu;  il 
signilie  mon  Seigneur.  Les  masso- 


ADO 

rôles  onl  irvis  sous  le  nom  que  l'on 
iitaiijoiird'lmi ,  Jchovuh^  les  points 
qui  conviennent  aux  consonnes  rlu 
mot  Adonai ^  parce  qu'il  éloil  dé- 
fendu, chez  les  Juifs,  de  pronon- 
cer le  nom  propre  de  Dieu,  et 
qu'il  n'yavoit  que  le  grand-pretre 
qui  eût  ce  priviléjçe,  lorsqu'il  en- 
troit  dans  le  sanctuaire.  Les  Grecs 
ont  aussi  mis  le  nom  Adona'i  à 
tous  les  endroits  où  se  trouve  le 
nom  de  Dieu.  Le  mot  Adona'i  est 
tiré  de  la  racine  don ,  qui ,  dans 
toutes  les  langues ,  signifie  éléva- 
tion ,  grandeur,  au  propre  et  au 
figuré.  Les  Grecs  l'ont  traduit  par 
KvptoSjCt  les  Latins  par  Dominus. 
Il  s'est  dit  aussi  quelquefois  des 
hommes,  comme  dans  c«  verset 
du  ps.  io4,  ConsiUuit  eum  domi- 
num  dormis  suœ,  en  parlant  des 
honneurs  auxquels  Pharaon  éle- 
va Joseph.  Voyez  Génébrard,  Le 
Clerc ,  Cappel  ^  De  nomine  Dei  ie- 
iragrani . 

ADOPTIENS  ,  hérétiques  du 
huitième  siècle,  qui  prétendoient 
que  Jésus-Christ,  en  tant  qu'hom- 
me, n'étoit  pas  fils  propre  ou  fils 
naturel  de  Dieu,  mais  seulement 
son  fils  adoptif.  C'étoit renouveler 
l'erreur  de  Nestorius. 

Cette  secte  s'éleva  sous  l'empire 
de  Charlemagne,  vers  l'an  778, 
à  cette  occasion.  Élipand,  arche- 
vêque de  Tolède,  ayant  consulté 
Félix,  évéque  d'Urgel,  sur  la  filia- 
tion de  Jésus-Christ,  cet  évéque 
répondit  que  Jésus-Christ,  en  tant 
que  Dieu,  est  véritablement  et 
proprement  fils  de  Dieu,  engendré 
naturellement  par  le  Père;  mais  que 
Jésus-Christ,  en  tant  qu'homme 
ou  fils  de  Marie,  n'est  que  fils 
adoptif  deDieii;  décision  à  laquelle 
Élipand  souscrivit. Le  pape  Adrien, 
averti  de  cette  erreur ,  la  condam- 
na dans  une  lettre  dogmatique 
adressée  aux  évêques  d'Esj)agne. 

On  tint,  en  791,  un  concile  à 
Narbonne,  où  la   cause  dos  deux, 


ADO 


4i 


eveques  espagnols  fut  discutée  , 
mais  nondecidée. Félix  se  rétracta 
puis  revint  à  ses  erreurs;  et  Éli- 
pand de  son  côté,  ayant  envoyé 
à  Charlemagne  une  profession  de 
foi  qui  n'étoit  pas  orthodoxe  ,  ce 
prince  fit  assembler  un  concile 
nombreux  à  Francfort ,  en  794 ,  où 
la  doctrine  de  Félix  et  d'Élipand 
fut  condamnée ,  de  même  que  dans 
celui  deForli,  de  l'an  798,  et  peu 
de  tempsaprès dans  le  concile  tenu 
à  Rome  sous  le  pape  Léon  IlL 

Félix  d'Urgel  passa  sa  vie  dans 
une  alternative  continuelle  d'abju- 
rations et  de  rechutes,  et  la  termina 
dans  l'hérésie;  il  en  fut  de  même 
d'Élipand. 

Geoffroi  de  Clairvaux  impute  la 
mémeerreur  à  Gilbert  de  laPoirée; 
Scot  et  Durand  semblent  ne  s'être 
pas  assez  éloignés  de  cette  opinion, 
qui  paroît  retomber  dans  celle  de 
Nestorius. 

L'erreur  dont  nous  parlons  fut 
réfutée  avec  succès  par  saintPaul in, 
patriarche  d'Aquiléc,  et  par  AI- 
cuin.  Dans  ia  vie  que  Madrissi  a 
donnée  du  premier,  il  a  discuté 
plusieurs  faits  concernant  Élipand 
et  Félix  d'Urgel,  qui  n'avoient 
pas  encore  été  suffisamment  éclair- 
cis.  Histoire  de  VEgUse  gallic,  t.  5, 
an.  797)  799- 

ADOPTION  ,  dans  le  sensthéo- 
logique  ,  est  la  grâce  que  Dieu  nous 
a  laite  par  le  baptême;  ce  sacre- 
ment nous  imprime  le  caractère 
d'enfants  adoptifs  de  Dieu,  de 
frères  de  Jésus-Christ,  d'héritiers 
du  bonheur  éternel  :  droit  pré- 
cieux duquel  sont  privés  ceux  qui 
ne  sont  pas  baptisés.  «■  Voyez,  dit 
»  aux  fidèles  l'apôtre  saint  Jean , 
»  quelle  bonté  Dieu  le  Père  a  eue 
))  pour  nous,  de  nous  accorder  le 
»  nom  et  les  droits  d'enfants  de 
»  Dieu.  J.  Joan.^  c.Z.S-  i-  Or, 
»  continue  saint  Paul  ,  si  nous 
»  sommes  enfants,  nous  sommes 
»  aussi  héritiers   de  Dieu,  cohc- 


/^î  ADO 

»)  rî tiers  tle  Jésus-Christ.  »  Rorn. ,  | 
c.  8,  y/'.  17.  Dieu  est  le  père  de 
tous  les  hommes ,  puîsfju'il  est  le 
créateur  et  le  bienfaiteur  de  tous, 
uon-seuleraent  dans  l'ordre  de  la 
nature ,  mais  dans  celui  de  la  grâce  ; 
il  ne  refuse  à  aucun  les  secours 
nécessaires  et  suffisants  dont  il  a 
besoin  pour  parvenir  au  salut. 
Dieu  est  néanmoins  plus  particu- 
lièremient  le  père  des  chrétiens  , 
puisqu'il  leur  donne,  par  le  bap- 
tême, une  nouvelle  naissance,  et 
qu'il  leur  accorde  des  grâces  de  sa- 
lut plus  puissantes  et  plus  abon- 
dantes qu'au  reste  des  hommes. 
Voyez  Enfant  de  Dieu. 

ADORATION,  ADORER.  Ce 
terme,  pris  dans  sa  signification 
littérale,  signifie  porter  la  main  à 
la  bouche ,  baiser  sa  main  par  un 
sentiment  de  vénération.  Dans  tout 
l'Orient  ce  geste  est  une  des  plus 
grandes  marques  de  respect  et  de 
soumission  :  il  a  été  en  usage  à 
l'égard  de  Dieu  et  à  l'égard  des 
hommes.  Il  est  dit  dans  le  livre  de 
Job,  c.  3i  ,  }^'.  17  :  «  Si  j'ai  re- 
»  gardé  le  soleil  dans  son  éclat,  et 
j)  la  lune  dans  sa  clarté;  si  j'aibaisé 
j>  ma  main  avec  une  joie  secrète, 
j>  ce  qui  est  un  très-grand  péché, 
»  et  une  manière  de  renier  le  Dieu 
}>  très-haut.  »  Dans  le  troisième 
livre  des  Rois,  c.  19,  j^.  18:  «  Je 
»  me  réserverai  sept  millehommes 
»>  qui  n'ont  pas  tlechi  le  genou  de- 
»  vant  Baal,  et  toutes  les  bouches 
>)  qui  n'ont  pas  baisé  leurs  mains 
»  pour  Vadorer.  »  Minutius-Félix 
dit  que  Cécilius  passant  devant  la 
statue  de  Sérapis,  baisa  sa  main, 
comme  c'est  la  coutume  du  peuple 
superstitieux.  Ceux  qui  adorent  , 
dit  saint  Jérôme,  ont  coutume  de 
baiser  la  main  et  de  baiser  la  terre; 
les  Hébreux,  selon  le  génie  de  leur 
langue,  mettent  le  baiser  pour 
Vadoraiion  :  il  est  dit,  Ps.  2,  3^.  12, 
«  Baises  le  fils,  de  peur  qu'il  ne 
o  s'irrite,  »  c'est-à-dire,    adorez- 


ADO 

le,  et  soumettez-vous  à  son  empire. 

Pharaon  parlant  à  Joseph  ,  lui 
àit:«  Tout  mon  peuple  baisera  la 
»  main  à  votre  commandement.  Il 
»  recevra  vos  ordres  comme  ceux 
»  du  roi.  »  Abraham  adore  leptui- 
pic  d'Hébron,  Gen.,  c.  23,  ^'.  7 
et  12.  La  SunamitearforeÉHsée  qui 
avoit  ressuscité  son  fils,  VJ.  Reg.^ 
c.  4,  S-  37,  etc.  Dans  ces  divers 
passages,  le  terme  adorer  ne  signi- 
fie certainement  pas  la  même  chose 
ni  la  même  espèce  de  culte. 

Lorsqu'il  est  emplo}  é  à  l'égard 
de  Dieu,  il  signifie  le  culte  suprême 
qui  n'est  dû.  qu'a  Dieu  seul;  lors- 
qu'il est  mis  en  usage  à  l'égard  des 
idoles,  c'est  un  acte  d'idolâtrie;  si 
l'on  s'en  sert  à  l'égard  des  Kommes, 
ce  mot  n'exprime  qu'un  culte  pu- 
rement civil.  La  même  équivoque 
a  lieu  dans  l'hébreu  comme  dans 
les  autres  langues. 

Baiser  la  main,  fléchir  les  ge- 
noux ,  se  prosterner,  sont  des  si- 
gnes extérieurs,  dont  le  sens  varie 
selon  l'intention  de  ceux  qui  les 
emploient. 

C'est  donc  mal  à  propos  que  les 
protestants  se  sont  élevés  contre 
notre  croyance;  parce  que  nous  di- 
sons adorer  la  croix  ^  et  que  nous 
donnons  des  marques  de  respect 
à  la  vue  de  ce  signe  de  notice  ré- 
demption. Il  est  évident  que  nous 
ne  prenons  pas  alors  le  terme  d'a- 
doration  dans  le  même  sens  que  par 
rapport  à  Dieu;  que  ce  culte  se 
rapporte  à  Jésus-Christ  Homme- 
Dieu  ;  qu'il  ne  se  borne  ni  à  la 
matière,  ni  à  la  figure  de  la  croix. 
Voyez  VExposUion  de  la  Foi  co' 
tholique  ,  par  M.  Bossuet. 

Vainement  ils  disent  que  DieU; 
seul  doit  être  adoré  ;  si  par-là  ils 
entendent  honoré  comme  Etre  su- 
prême, cela  est  vrai;  s'ils  enten- 
dent honoré  comme  cire  respec- 
table, c'est  une  fausseté.  Le  culte, 
l'honneur,  le  respect,  doivent  être 
proportionnés  à  la  dignité  des  per- 
sonnages auxquels  ils  sont  adre^séf^ 


ADR 

et  il  scroitaLsurde  de  soutenir  que 
le  respect  n'est  du  qu'à  Dieu.  Kojrcz 
Cor.TE, 

Us  disent  et  répètent  sans  cesse 
que  nous  adorons  les  saints,  leurs 
images,  leurs  reliques.  C'est  tou- 
jours la  même  équivoque.  Nous 
honorons  les  saints,  et  nous  leur 
témoignons  du  respect,  mais  non 
le  même  respect  qu'à  Dieu;  nous 
respectons  leurs  images,  à  cause 
de  cequ'elles  représentent,  et  leurs 
reliques,  parce  qu'elles  leur  ontap- 
partenu  ;  mais  nous  ne  les  adorons 
pas ,  si  par  adorer  l'on  entend  le 
culte  suprême.  Quand  quelques 
auteurs  catholiques ,  peu  exacts 
dans  leurs  expressions,  auroient 
mal  appliqué  le  terme  à'adoralion, 
cela  ne  prouveroit  encore  rien  ; 
puisque  notre  croyance  est  claire- 
ment exposée  dans  tous  nos  caté- 
chismes. Voyez  Paganisme  ,  §  XI. 

Une  autre  grande  question  entre 
les  protestants  et  nous,  est  de  sa- 
voir si  l'on  doit  adorer  l'Eucha- 
ristie; cela  dépend  de  savoir  si 
Jésus-Christ  y  est  véritahlement, 
ou  s'il  n'y  est  pas.  Voyez  Eucha- 
ristie ,  §  IV. 

On  nomme  encore  adoration 
l'hommage  que  les  cardinaux  ren- 
dent au  pape  après  son  élection  , 
et  une  manière  extraordinaire  d'é- 
lection ,  qui  se  lait  lorsque  la  foule 
des  cardinaux  va  subitement  se 
prosterner  devant  l'un  d'entr'eux 
et  le  proclame  pape.  Ces  termes 
équivoques  ne  peuvent  induire  en 
erreur  que  ceux  qui  ne  l'ont  pas 
attention  aux  bizarreries  du  lan- 
gage, ou  qui  veulent  se  tromper 
eux-mêmes  par  l'abus  des  termes. 

Au  mot  Paganisme  ,  §  XI,  nous 
réfuterons  la  notion  que  quelf[ues 
protestants  ont  voulu  donner  de 
Yadoralion ,  afin  de  persuader  que 
les  catholiques  adorent  les  saints 
et  les  images. 

ADRAMÉLEC.  Voy.  Samaritains. 

ADRIANISTES.  Théodoret  met 


ADU  l,■^ 

Xesadriani'stes  AU.  nomhrt  des  héré- 
tiques qui  sortirent  de  la  secte  de 
Simon  le  magicien;  mais  aucun 
autre  auteur  n'en  parle.  Théodo- 
ret ,  Iwre  I  des  Fables  hérétiques  , 
c.   1. 

Les  sectateurs  d'Adrien  Hams- 
tcdius,  l'un  des  novateurs  du  sei- 
zième siècle,  lurent  appelés  de  ce 
nom.  11  enseigna  premièrement 
dans  la  Zélande,  et  ensuite  en 
Angleterre,  que  l'on  étoit  libre  de 
garder  les  enfants durantquelques 
années  sans  leur  conférer  le  bap- 
tême ;  que  Jésus-Christ  avoit  été 
formé  de  la  semence  de  la  femme, 
et  qu'il  n'avoit  fondé  la  religion 
chrétienne  que  pour  certaines  cir- 
constances. Outre  ces  erreurs  et 
quelques  autres  pleines  de  blas- 
phèn'ies,  il  souscrivoit  à  toutes 
celles  des  anabaptistes.  Pratéol , 
S  ponde,  Lindan. 

ADVERSITÉ.  Fo/ez  Affliction, 

ADULTÈRE,  crime  de  ceux 
qui  violent  la  foi  conjugale. Les  ju- 
risconsultes ne  donnent  ordinaire- 
ment ce  nom  qu'à  l'infidélité  d'une 
personne  mariée;  mais  les  théo- 
logiens appellent  aussi  adultère  le 
crime  d'une  personne  libre  qui 
pèche  avec  une  personne  mariée  ; 
parce  que  l'une  et  l'autre  coopèrent 
à  la  violation  de  la  foi  jurée;  si  tous 
deux  sont  mariés,  c'est  alors  un 
double  adultère.  Aussi  la  loi  de 
Moïse,  qui  condamne  à  la  mortier 
adultères  de  l'un  et  de  l'autresexe, 
Levit.',  c.  20,  }(^.  10;  Veut.,  c.  22, 
y.  22,  n'exempte  point  de  la  peine 
le  coujiable  non  marié  :  la  loi  du 
décalogue,  quidéfend  àtouthomme 
de  convoiter  la  femme  de  son  pro- 
chain ,  n'excepte  personne  ,  non 
plus  que  la  décision  portée  par  Jé- 
sus-Christ, Matt.  ,  c.  5,  J.  28, 
que  celui  qui  regarde  une  femme 
pour  s'exciter  à  de  mauvais  désirs, 
a  déjà  commis  Vadultère  dans  son 
cœur.  Saint  Paul   s'exprime  d'une 


44 


ADU 


manière  aussi  géncrale,  en  disant 
que  si  une  femme,  pendant  la  vie 
de  son  mari ,  habite  avec  un  autre 
homme  ,  elle  sera  coupable  d'a- 
duliére.  Rom.,  c.  7  ,  y.  3. 

La  sévérité  de  ces  lois  et  de  cette 
morale  est  évidemment  fondée  sur 
l'intérêt  de  la  société.  S'il  y  a  un 
crime  capable  de  troubler  l'ordre 
public  et  de  faire  commettre  d'au- 
tres forfaits,  c'est  celui  dont  nous 
parlons.  Plus  les  devoirs  qu'impose 
l'état  du  mariage  sont  grands ,  plus 
il  importe  que  cet  engagement  soit 
sacré  et  inviolable.  Les  droits  des 
ceux  conjoints  sont  égaux;  quel 
que  soit  celui  des  deux  qui  les  foule 
aux  pieds,  il  est,  aux  yeux  de 
Dieu  et  de  la  religion ,  coupable 
du  même  crime.  A  la  vérité,  l'in- 
fidélité de  la  femme  entraîne  des 
conséquences  plus  fâcheuses ,  puis- 
qu'elle l'expose  à  placer  dans  sa 
famille  un  enfant  adultérin  ,  qui 
enlèvera  injustement  aux  enfants 
légitimes  une  partie  de  leur  héri- 
tage, et  qui  sera  pour  le  mari  une 
charge  de  plus.  Mais  ,  d'autre  part, 
un  mari  infidèle,  quelle  que  soit 
la  personne  à  laquelle  il  s'attache, 
fait  à  son  épouse  l'injure  la  plus 
sensible ,  et  à  ses  enfants  un  tort 
irréparable;  il  n'est  pas  rare  de 
voir  des  pères  perfides  témoigner, 
pour  les  fruits  de  leur  débauche  , 
plus  d'attachement  que  pour  ceux 
de  l'union  conjugale, 

Ce  crime  une  fois  commis,  il  ne 
reste  plus  d'estime,  plus  de  con- 
fiance, plus  de  tendresse  mutuelle 
entre  les  époux;  le  lien  qui  devoit 
faire  leur  bonheur  leur  devient 
insupportable.  De  là  naissent  les 
divisions  éclatantes,  les  sépai-a- 
tions  scandaleuses,  les  diffamations 
réciproques  ,  les  haines  déclarées 
entre  les  familles.  A  quels  excès  ne 
sont  pas  capables  de  porter  la  ja- 
lousie ,  la  vengeance ,  la  fureur  ? 
Quels  exemples  pour  des  enfants 
qui  auroient  dû  trouver  des  mo- 
elles de  vertu  dans  ceux  de  qui  ils 


ADU 

ont  reçu  le  jour!  Quelle  recon- 
noissance,  quel  respect  peuvent- 
ils  avoir  pour  eux  ï 

Lorsque  les  mœurs  d'une  nation 
sont  dépravées,  que  l'irréligion,  le 
luxe,  l'épicuréisme  ontétouffé  tous 
les  sentiments  et  perverti  tous  les 
principes,  ce  désordre  ne  peut  pas 
manquer  de  devenir  commun;  l'on 
n'en  rougit  plus ,  et  l'on  ferme  les 
yeux  sur  toutes  les  conséquences. 
L'on  disserte  alors  et  l'on  déclame 
contre  l'indissolubilité  du  mariage; 
on  soutient  la  justiceet  la  nécessité 
du  divorce.  Un  crime  peut-il  donc 
rendre  nécessaire  un  autre  crime  r 
C'est  augmenter  le  mal ,  au  lieu  d'y 
remédier,  f'bjei. Divorce. 

Jésus-Christ ,  plus  sage  que  tous 
les  dissertateurs,  a  pris  le  seul 
moyen  efficace  de  le  prévenir ,  en 
fermant  toutes  les  avenues  qui  peu- 
vent y  conduire ,  en  condamnant 
le  simple  désir  de  l'impudicité; 
pour  conserver  les  corps  chastes , 
dit  saint  Jean  Chrysostôrae,  il 
s'est  attaché  à  purifier  les  âmes , 
i.  7 ,  Honiil.  17,  in  Matih.  En  ré- 
tablissant le  mariage  dans  sa  sain- 
teté primitive,  il  a  voulu  bannir 
les  désordres  qui  le  rendent  mal- 
heureux. 

Le  sentiment  commun  des  théo- 
logiens protestants,  est  que  ce  divin 
maître  a  permis  le  divorce  ou  la 
rupture  du  mariage ,  en  cas  d^adui- 
ière;  nous  prouverons  le  contraire 
au  mot  Divorce. 

Certains  critiques  ont  été  scan- 
dalisés de  ce  que  Jésus-Christ  ne 
voulut  pas  condamner  la  femme 
adultère.  Joan.,  c.  8,  y.  3.  S'il 
l'avoit  condamnée ,  ces  censeurs 
téméraires  déclanieroient  encore 
plus  fort.  I. «Le Sauveur n'étoit ni 
juge  ni  magistrat;  il  ne  voulut  pas 
seulement  en  faire  les  fonctions 
pour  accorder  deux  frères  qui  con- 
testoienl  sur  leur  héritage.  Luc.  , 
c.  12,  y/'.  14.  2.0  Les  scribes  et  les 
pharisiens,  qui  accusoient  cette 
femme,  ne  l'cloientpas  non  plus; 


ADU 

•e  n'élolt  point  le  zclc  pour  l'ob- 
ervation  tic  la  loi  qui  les  faisoil 
igir,maislr  ilésirdc  tendre  un  piojço 
lu  Sauveur.  Dés  qu'ils  virent  que 
eur  hypocrisie  étoit  démasquée  , 
Is  se  retirèrent  tout  confus.  3."  En 
isant  d'indulgence  envers  l'accu- 
ée,  il  n'ôloit  pas  aux  magistrats 
e  pouvoir  de  la  punir,  si  elle  étoit 
/éritablement  coupable,  et  ce 
l'étoit  point  à  lui  de  poursuivre 
ia  condamnation  :  il  étoit  venu  , 
ion  pour  perdre  les  pécbcurs , 
nais  pour  les  sauver.  4-°  En  disant 
lUX  accusateui's  :  Que  celui  d'enlrc 
ous  qui  est  sans  péché  jette  la  prc- 
nicrc  pierre,  il  ne  décidoit  pas 
{u'il  iaut  être  sans  péché  pour 
uger  un  criminel ,  puisqu'encore 
inc  lois  il  n'y  avoit  point  là  de 
uges,  et  que  cette  femme  n'avoit 
'té  ni  convaincue  ni  condamnée. 
Vi  tel  avoit  été  le  sens  de  sa  ré- 
)onse  ,  les  scribes  et  les  pharisiens 
le  se  seroient  pas  tus;  mais  elle 
eur  fit  sentir  que  Jésus-Christ 
:onnoissoit  leurs  motifs  et  leur 
lessein;  c'est  ce  qui  les  couvritde 
confusion,  et  les  fit  retirer  l'un 
iprès  l'autre. 

Cette  histoire  manquoit  autre- 
"ois  dans  plusieurs  exemplaires  de 
'évangile  de  saint  Jean;  saint  Au- 
gustin et  d'autres  au  leurs  ont  pense 
qu'elle  avoit  été  omise  exprés  par 
les  copistes  ,  qui  craignoient  que 
'on  n'en  tirât  des  conséquences  fâ- 
cheuses comime  font  auj  ourd'hui  les 
incrédules.  Fausse  prudence,  mais 
"(ui  heureusement  n'a  pas  eu  de  suc- 
cès. Celte  narration  nous  fait  ad- 
mirer la  sagesse  et  la  charité  du 
Sauveur;  elle  ne  peut  inspirer  une 
fausse  confiance  aux  pécheurs,  mais 
ieulement  leur  apprendre  que  s'ils 
se  repentent,  Jésus-Christ  est  tou- 
(ours  prêt  à  leur  pardonner.  C'est 
encore  une  bonne  leçon  pour  les 
zélateurs  hypocrites  qui  déclament 
contre  la  négligence  et  la  douceur 
<lfe.s  magistrats  ,  pendant  qu'ils  se- 
roienl  eux-inêtnes  en  danger  d'être 


punis,  si  les  loiséloient  observée* 
à  la  rigueur. 

AÉRIENS.  Sectaires  du  qua- 
trième siècle,  qui  furent  ainsi  ap- 
pelés d'Aérius,  prêtre  d'Arménie, 
leur  chef.  Les  aériens  avoient  à 
peu  près  les  mêmes  sentiments  sur 
la  Trinité  que  les  ariens  ;  mais  ils 
avoient  de  plus  quelques  dogmes 
qui  leur  étoient  propres  et  parti- 
culiers ;  par  exemple,  que  l'épis- 
copat  n'est  point  un  ordre  diffé- 
rentdusacerdoce,  et  qu'ilnedonne 
aux  évêques  le  pouvoir  d'exercer 
aucune  fonction  qui  ne  puisse  être 
faite  par  les  prêtres.  Ils  fondoient 
ce  sentiment  sur  plusieurs  passages 
desaintPaul,  et  singulièrement  sur 
celui  de  la  première  épître  à  Ti- 
mothée,  c.  4î  S-  i4î  où  l'apôtre 
l'exhorte  à  ne  pas  négliger  le  don 
qu'il  a  reçu  par  l'imposition  des 
mains  des  prêtres.  Sur  quoi  Aérius 
observe  qu'il  n'est  pas  là  question 
d'évêques  ,  et  qu'il  est  clair  par  ce 
passage  que  Timothée  reçut  l'or- 
dination par   la  main  des  prêtres. 

Saint  Epiphane  ,  Hœres.  yS , 
s'élève  avec  force  contre  les  aériens , 
en  faveur  de  la  supériorité  des  évê- 
ques. Il  observe  judicieusement  que 
le  moi  presbjterii ,  dans  saint  Paul , 
renferme  les  deux  ordres  d'évêques 
et  de  prêtres,  tout  le  sénat,  toute 
l'assemblée  des  ecclésiastiques  d'un 
même  endroit,  et  que  c'étoit  dans 
une  pareille  assemblée  que  Timo- 
thée avoit  été  ordonné.  Voyez  Pres- 
bytère, ÉviÈQUE. 

Les  disciples  d'Aérius  soutenoient 
encore,  après  leur  maître,  que  les 
prières  pour  les  morts  étoient  inu- 
tiles; queles  jeiines  établis  par  l'E- 
glise ,  et  surtout  ceux  du  mercredi , 
du  vendredi  et  du  carême, étoient 
superstitieux;  qu'il  falloit  plutôt 
jeûner  le  dinnanche  que  les  autres 
jours,  et  qu'on  ne  devoit  plus  cé- 
lébrer la  pàque.Us  appeloient  par 
mépris  antiquaires ,  les  fidèles  at- 
taciiés  aux  cércmonies  prescrites 


4(»  AER 

p  ai  l'Église  et  aux  traditions  ecclé- 
siaslif[ue.s.  Les  aériens  se  réunirent 
aux  catholiques  pour combatti'e les 
rêveries  de  celte  secte,  qui  ne  sub- 
sista pas  long-temps.  Tillcmont, 
Hist.  ecclés.,  t.  g,  p.  87. 

Comme  la  plupart  des  erreurs 
soutenues  par  Aérius  ont  été  re- 
nouvelées par  les  protestants ,  il 
est  de  leur  intérêt  de  justifier  cet 
hérétique.  Ils  disent  que  son  prin- 
cipal but  étoitde  réduire  le  chris- 
tianisme à  sa  simplicité  primitive. 
«  Ce  dessein ,  dit  Mosheim ,  est 
»  sans  doute  louable;  mais  les  prin- 
»  cipes  qui  y  portent  et  les  moyens 
»  que  l'on  emploie  sont  souvent  ré- 
»  préhensibles  à  plusieurs  égards, 
»  et  tel  peut  avoir  été  le  cas  de  ce 
>>  réformateur.  y>Hist.  ecclésias.,  4-' 
siècle,  2.e  part.,  c. 3,  §21. Ainsi ,  se- 
lonMosheim,  Aérius  pouvoitavoir 
tort  pour  la  forme ,  mais  il  avoit 
raison  pour  le  fond."  Son  opinion, 
»  dit-il  encore,  plut  beaucoup  à 
»  plusieurs  bons  chrétiens  qui 
»  étoient  las  de  la  tyrannie  et  de 
»  l'arrogance  de  leurs  évéques.  » 

Mais  nous  soutenons  que  ce  ré- 
formateur, très-semblable  à  ceux 
du  seizième  siècle,  étoit  répréhen- 
sible  et  condamnable  à  tous  égards. 
i.o  Étoit-ce  à  un  simple  prêtre  , 
sans  autorité  et  sans  mission,  de 
vouloir  réformer  la  croj'ance  et  la 
pratique  de  l'Église  universelIei'S'il 
croyoit  y  apercevoir  des  innova- 
tions et  des  abus,  il  pouvoit  faire 
des  représentations  modestes  etres- 
pectueuses  aux  pasteurs  auxquels 
il  appartenoit  d'y  pourvoir; mais 
se  révolter  contre  son  évêque,  lui 
débaucher  ses  diocésains,  se  sépa- 
rer de  l'Église  pour  devenir  chef 
de  secte  et  de  parti,  c'est  une  con- 
duite condamnée  par  les  apôtres, 
et  que  rien  ne  peut  excuser.  2. «Le 
motif  qui  faisoit  agir  Aérius  étoit 
connu  :  c'étoit  la  jalousie  contre 
son  évêque  et  le  dépit  de  ne  lui 
avoir  pas  été  préféré  pour  remplir 
le  siège  de  Sébaste  ;  on  en  étoit  con- 


AJ<T 

vaincu  par  ses  discours  et  par  tou- 
te sa  conduite^  3."  Cet  hérétique 
n'attaquoit  point  des  abus  nouvel- 
lement introduits,  mais  des  usages 
aussi  anciens  que  le  christianisme," 
Saint  Épiphane  ,  en  le  réfutant  , 
lui  oppose  la  tradition  primitive, 
constante  et  universelle  de  toute 
l'Église  chrétienne. Jftrres.yS.Vou- 
loir  supprimer  ou  changer  ces  no- 
tions et  ces  usages,  ce  n'étoit  pas 
réduire  le  christianisme  à  sa  sim- 
plicité primitive,  mais  créer  un 
nouveau  christianisme.  Au  qua- 
trième siècle  il  étoit  aisé  de  savoir 
quel  avoit  été  le  christianisme  de- 
puisles  apôtres.  4.<'Unepreuveque 
ceux  qui  s'attachèrent  à  Aérius  n'é- 
toient  pas  de  èo72ScAr^//ens, c'est  que 
cet  hérétique  n'admettoit  pas  la 
divinité  de  Jésus-Christ;  aussi  ses 
sectateurs  et  lui  furent-ils  chassés 
de  toutes  les  églises,  réduits  à  s'as- 
sembler dans  les  campagnes  et  dans 
les  forêts.  5. «Aucune  secte  héré- 
tique n'a  jamais  manqué  de  regar- 
der les  pasteurs  légitimes  comme 
des  tyrans  et  des  arrogants  ;  mais 
aucun  chef  de  secte  n'a  jamais  man- 
qué non  plus  de  s'arroger  une  auto- 
rité plus  absolue  et  plus  tyrannique 
que  celle  des  évêques  ;  témoins 
Luther  et  Calvin.  Il  est  fâcheux 
qu'Aérius,  un  de  leurs  précurseurs, 
ait  été  universellement  condamné 
comme  novateur;  cet  exemple  au- 
roit  dû  les  rendre  plus  sages.  Fbj'cr 
Novateurs. 

AÉTIENS.  Voyez  Anoméens, 

AFFINITÉ,  parenté  par  allian- 
ce. On  trouvera  dans  le  Diction- 
naire  de  jurisprudence  la  distinction 
des  différentes  espèces  à^ affinité  , 
et  des  divers  degrés  dans  lesquels 
c'est  un  empêchement  dirimantdu 
mariage. 

Affinité  SPiRrruELLE.  Espèce  d*al' 
liance  que  contractent  avec  leur 
filleul  ceux  qui  lui  servent  de  par- 


AFF 

raîn  cl  de  marraine  au  Baptême  ; 
ils  la  conlractcjit  encore  avec  le 
père  et  la  mère  du  baptisé;  de  même 
celui  qui  baptise  est  censé  contrac- 
ter une  alliance  ou  affinité  spiri- 
tuelle avec  le  baptisé  et  avec  ses  pcre 
et  mère.  C'est  un  empêchement  de 
mariage  sur  lequel  il  laut  consul- 
ter les  canonistes.Fb/es  aussi  V An- 
cien >5«crar7icA7/a/rcparGrandcolas, 
2.*  part.,  p.  23.  Lamême  affinité  se 
contracteroit  par  le  sacrement  de 
Confirmation,  si  c'étoit  encore  l'u- 
sage d'y  prendre  des  parx'ains  et  des 
marraines. 

AFFLICTION.  Nous  laissons 
aux  philosophes  les  réflexions  que 
la  raison  peut  nous  suggérer  sur 
l'utilité  des  afflictions^  et  dontnous 
nous  servons  pour  répondre  aux 
blasphèmes  des  athées  contre  la 
Providence  et  contre  la  bonté  di- 
vine. Notre  travail  doit  se  bornera 
montrer  ce  que  la  révélation  nous 
enseigne  sur  ce  point. 

Déjà,  du  temps  de  Job,  les  af- 
flictions des  justes  étoient  un  sujet 
de  scandale  pour  ceux  qui  se  pi- 
quoicnt  de  raisonner.  Ses  amis  lui 
soutenoient  que  Dieu  ne  l'àuroit 
point  affligé  ,  s'il  n'avoit  pas  été 
pécheur;  le  saint  homme  leur  ré- 
pond et  justifie  la  providence  :  c'est 
le  plus  ancien  exemple  de  dispute 
philosophique  dontl'histoire  nous 
donne  connoissance.  i."  Job  fait 
parler  le  Seigneur  pour  apprendre 
aux  hommes  que  sa  conduite  et  ses 
desseins  sont  impénétrables ,  et 
qu'il  n'en  doit  compte  à  personne, 
c.  9  ,  '^ .Z^.  Nous  ne  connoissons 
ni  l'intérieur  des  hommes,  ni  ce 
que  Dieu  fera  pour  eux  dans  la 
suite;  il  y  a  donc  bien  de  la  témé- 
rité à  juger  de  sa  providence  par 
le  mon.ent  présent. 

2.0  II  nosc  pour  principe  que 
l'homme  n'est  jamais  exempt  de 
tout  péché  aux  yeux  de  Dieu,  ï'AzW., 
"^ .  2.  Les  afflictions  qu'il  éprouve 
pt-uvent  donc  toujours  être  le  chà- 


AFF  /,7 

liment  de  ses  fautes. 3.°  Job  sou- 
tient queDieu  dédommage  ordinai- 
rement en  cemonde  le  juste  affligé^ 
cap.  21,  24,  27;  et  il  en  est  lui- 
même  un  illustre  exemple  .  l^."  11 
compte  surune  vieàvenir. «Quand 
»  Dieu  Tn'ôteroit  la  vie,  dit-il,  j'es- 

»  pérerois  encore  en  lui Les  le- 

»  viers  de  ma  bière  porteront  mon 
»  espérance,  elle  reposera  avec  moi 
»  dans  la  poussière  du  tombeau.» 
C.  i3,  3k7'.i5;  c.  \q,1i .  16,  Hebr. 
Après  avoir  déploré  la  brièveté  de 
la  vie  de  l'homme  ,  il  dit  au  Sei- 
gneur: <f  Accordez-lui  donc  quel- 
»  ques  moments  de  repos,  jusqu'à 
»  celui  auquel  il  attend, comme  le 
)>  mercenaire,  le  salaire  de  son  tra- 
»  vail.  »  C.  i4,  'S •  6. 

Mais  ces  vérités  capitales  ,  qui 
faisoient  déjà  la  désolation  des  pa- 
triarches,ont  été  mises  dans  un  plus 
grand  jour  par  Jésus-Christ;  c'est 
lui  qui  ,  par  ses  leçons  et  par  son 
exemple  ,  a  fait  comprendre  aux 
hommes  qu'il  faut  acheter  le  bon- 
heur éternel  par  les  souffrances  , 
et  qui  a  su  apprendre  aux  justes  à 
remercier  Dieu  des  afflictions. 

D'ailleurs,  l'Écriture  sainte  nous 
fait  sentir  que  cette  vie  ne  peut  pas 
être  le  temps  de  récompenser  la 
vertu  et  de  punir  tous  les  crimes. 
1 .0  Cette  conduite  ôteroitaux  justes 
le  mérite  de  la  persévérance  et  de 
la  confiance  en  Dieu  ,  banniroit 
au  monde  \çs  vertus  héroïques  , 
rendroit  l'homme  esclave  et  merce- 
naire. Elle  ôteroit  aux  pécheurs  le 
temps  et  les  moyens  de  faire  péni- 
tence et  de  se  corriger.  Un  être 
aussi  foible,  aussi  inconstant  que 
l'homme,  doit-il  être  ainsi  traité? 
2. "Souvent  une  action  qui  paroît 
louable  ,  a  été  faite  par  un  motif 
criminel ,  elle  est  plus  digne  de  pu- 
nition que  de  récompense;  souvent 
un  délit,  qui  paroît  mériter  des 
supplices,  est  pardonnable,  parce 
qu'il  a  été  commis  par  surprise  , 
par  foible.sse  ,  par  erreur  .  Est-il 
utile  à  la  société  que  tous  les  cri- 


48 


AFR 


mes  secrets  soient  dévoilés  par  un 
châtiment  éclatant  ?  Qui  oseroit 
souhaiter  pour  lui-même  cette 
Providence  rigoureuse?  3.° Il  fau- 
droit  que  notre  vie  fût  éternelle 
sur  la  terre  ;  quand  les  peines  de 
ce  monde  pourroient  suffire  pour 
punir  tous  les  crimes  ,  la  félicité 
de  cette  vie  est  trop  iniparfaite 
pour  être  le  salaire  de  la  vertu.  4.° 
Il  faudroit  des  miracles  continuels 
pour  mettre  les  justes  à  couvert 
des  lléaux  qui  sont  universels,  et 
pour  empêcher  les  pécheurs  de 
prospérer  par  leur  industrie  etpar 
leurs  talents  naturels.  Ceux  qui  ac- 
cusent la  Providence  sont  donc  des 
insensés. 

Dès  qu'il  est  établi  par  la  révé- 
lation que,  quand  Dieu  nous  afflige, 
c'est  par  miséricorde  ;  qu'il  veut 
par-là  nous  purifier  en  ce  monde, 
afin  de  nous  pardonner  et  de  nous 
récompenser  dans  l'autre  ;  nous 
sommes  encore  plus  obligés  de  le 
bénir  dans  les  ajjliciians  que  dans 
la  prospérité. 

AFFRANCHI, en  latin  libcriinus. 
Ce  terme  signifie  proprement  un 
esclave  mis  en  liberté.  Dans  les 
Actes  des  apôtres  il  est  pai'lé  de  la 
synagogue  des  affranchis ,  qui  s'éle- 
vèrent contre  saint  Etienne  ,  qui 
disputèrent  contre  lui,  et  qui  mon- 
trèrent beaucoup  de  chaleur  à  le 
faire  mourir.  Les  interprètes  sont 
partagés  sur  ces  libertins  ou  affran- 
chis :  les  uns  croient  que  le  texte 
grec  ,  qui  porte  liberiini ,  est  fautif, 
et  qu'il  faut  lire  libyslini,  les  Juifs 
de  la  Lybie  voisine  de  l'Egypte.  Le 
nom  liberiini  n'est  pas  grec  ;  et  les 
noms  auxquels  il  est  joint  dans  les 
Actes  ,  font  juger  que  saint  Luc  a 
voulu  désigner  les  peuples  voisins 
des  Cyrénéens  et  des  Alexandrins; 
mais  cette  conjecture  n'estappuyée 
sur  aucun  manuscrit  ni  sur  aucune 
version  que  l'on  sache.  Joan. 
Drus.,  Cornel.  à  Lapid.,Mill. 
D'autres  croient  que  les  affran- 


AFR 

clùs  dont  parlent  les  Actes  éloienl 
des  Juifs  que  Pompée  et  Sosius 
avoient emmenés  captifs  delà  Pa- 
lestine en  Italie,  lesquels  ayant  ob- 
tenu la  liberté,  s'élablirentàRome, 
et  y  demeurèrent  jusqu'au  temps 
deTibère,qui  les  en  chassa  souspré- 
textc  de  superstitions  étrangères 
qu'il  vouloit  bannir  de  Rome  et 
d'Italie.  Ces  affranchis  purent  se 
retirer  en  assez  grand  nombre  dans 
la  Judée  ,  et  avoir  une  synagogue  à 
Jérusalem  ,  où  ils  étoient  lorsque 
saintEtienne  fut  lapidé. Les  rabbins 
enseignent  qu'il  y  avoit  dans  Jéru- 
salem ,  jusqu'à  quatre  cents  syna- 
gogues ,  sans  compter  le  temple. 
Œcuménius ,  Lyran  ,  etc.  Mais  il 
pouvoit  y  avoir  en  Afrique  une  co- 
lonie nommée  liberiina  ,  puisqu'à 
la  conférence  deCarthage,  c.  116, 
deuxéveques,  l'un  catholique,  l'au- 
tre donatiste  ,  prirent  tous  deux 
le  titre  à''Episcopus  Ecclesiœ  liber- 
tinensis. 

AFRICAINS ,  AFRIQUE.  On  ne 

sait  pas  certainement  qui  est  celui 
des  apôtres,  ou  de  leurs  disciples, 
qui  a  prêché  le  premier  la  religion 
chrétienne  sur  les  côtes  de  1' J(/rj- 
9«e. Quelques  auteursont  écrit  que 
c'étoit  l'apôtre  saint  Simon;  d'au- 
tres soutiennent  que  le  christianis- 
me ne  s'est  établi  dans  cette  partie 
du  monde  que  vers  l'an  120  de  no- 
tre èi'e.  Il  y  avoit  fait  en  peu  de 
temps  de  très-grands  progrès,  puis- 
qu'au  cinqiiième  siècle  on  y  comp- 
toit  plus  de  quatre  cents  évêques. 
Les  Vandales  ,  qui  pour  lors  se 
rendirent  maîtres  de  VAfrique  y 
établirent  l'aiianisme;  mais  ils  en 
furent  chassés  sous  Justinien,  l'an 
533.  Dans  le  siècle  suivant,  les  Sar- 
rasins ou  Arabes  mahométans  l'ont 
subjuguée,  et  en  ont  banni  le  chris- 
tianisme. Voyez  Fabricius  ,  Salut, 
lux  Baang.^  c.  44  )  F-  702. 

Pour  comprendre  jusqu'à  quel 
point  le  christianisme  avoitcbangé 
le  génie  et  le  caractère  àQsAfri~ 


eains  ,  il  n'y  a  qu'à  comparer  les 
mœurs  des  anciens  Carthaj^inois  et 
celles  des  Barbaresques  d'aujour- 
d'hui avec  celles  qui  rc'gnoient  dans 
ce  même  climat  du  temps  de  Tcr- 
tullien,  de  saint  Cyprien  ,  de  saint 
Augustin.  Le  même  phénomène  se 
voyoit  en  Egypte,  et  subsiste  encore 
aujourd'hui  chez  les  Abyssins;c'est 
bien  une  preuve  qu'il  u'y  a  dans  l'u- 
nivers aucune  contrée  où  le  chris- 
tianisme ne  puisse  s'établir  et  se 
conserver,  et  que  la  sainteté  de 
cette  Religion  peut  triompher  dans 
tous  lesclimats. 

A  la  vérité  ,  lorsque  l'on  fait  at- 
tention à  l'excès  du  rigorisme  de 
TertuIIien,  à  l'obstination  avec  la- 
quelle les  évêques  à.''Ajrii]ue  refu- 
sèrent pendant  long- temps  de 
reconnoîtrecomme  valide  le  baptê- 
me donné  par  les  hérétiques,  aux 
fureurs  atroces  des  donatistes  et  de 
leurs  circoncellions,'«aux  mœurs  de 
la  plupart  de  leurs  évêques  ,  à  la 
dureté  avec  laquelle  s'expriment 
plusieurs  conciles  de  ce  pays-là ,  on 
voit  qu'en  général  le  caractère  o/r/- 
cain  ne  gardoit  point  de  mesure , 
et  donnoit  presque  toujours  dans 
l'excès.  Salvien,<ie  Provid.  ,  1.  8  , 
n.  2  et  suiv.  ,  fait  des  mœurs  de 
cette  partie  du  monde  un  affreux 
tableau;  il  soutient  que  l'irruption 
des  Vandales  est  une  juste  punition 
des  crimes  des  Africains.  On  est 
tenté  de  croire  que,  pour  conserver 
long-temps  le  christianisme  dans  ce 
pays-là  ,  il  falloit  un  miracle  aussi 
grand  que  celui  que  Dieu  avoit  fait 
pour  l'y  établir.  Cependant  il  y  a 
subsisté  pendant  près  de  six  cents 
ans,  en  y  comprenant  le  siècle  en- 
tier pendant  lequel  l'arianisme  des 
Vandales  y  a  dominé;notreReligion 
n  'y  a  été  entièrement  détruite  qu'en 
]'an  709  ,  lorsque  les  mahométans, 
pour  achever  la  conquête  de  V Afri- 
que^ passèrent  tous  les  chrétiens  au 
fil  de  l'épée.  Hist.  de  VAcad.  des 
Inscript.  ,  t.  10,  in-12  ,  p.  sofi. 

Aujourd'hui  même  une  très- 
I. 


AGA  4f) 

grande  partie  de  V Afrique  seroit 
chrétienne  ,  s'il  étoit  possible  de 
vaincre  plusieurs  obstacles  qui 
s'opposent  au  succès  des  missions, 
i.o  Dans  plusieurs  contrées  de  ce 
vaste  continent  le  climat  est  meur- 
trier pour  les  Européens;  plusieurs 
des  tentatives  que  l'on  a  faites  pour 
y  établir  des  missions,  n'ont  abouti 
qu'à  faire  périr  les  missionnaires  ; 
comme  à  Madagascar ,  au  Congo  , 
à  Loango  dans  la  Guinée  ,  etc.  Il 
faudroit  des  naturels  du  pays  pour 
y  établir  solidement  la  Religion 
chrétienne. 2."  Les  relations  que  les 
missionnaires  européens  sont  forcés 
d'entretenir  avec  la  nation  qui  les 
protège,  les  rendent  suspects  aux 
Africains^  qui  redoutent  beaucoup 
le  génie  conquérant ,  l'ambition,  la 
rapacité  et  le  ton  impérieux  des 
nations  de  l'Europe. 3. °La  politique 
détestable  de  celles-ci  les  a  souvent 
portées  à  croiser  le  succès  des  mis- 
sions ;  parce  que  si  les  Africains 
cmbrassoientie  christianisme, ils  ne 
vendroient  plus  leurs  compatrio- 
tes, et  l'on  n'auroit  plus  de  nègres 
pour  cultiver  les  colonies  de  l'A- 
mérique. 4-°  Le  caractère  de  laplu- 
part  de  ces  peuples  méridionaux 
est  extrêmement  léger  ,  et  à  peu 
près  semblable  à  celui  des  enfants  ; 
ils  sont  très-sensibles  au  moindre 
intérêt  temporel  ;  ils  renoncent  à 
la  Religion  aussi  aisément  qu'ils 
l'embrassent ,  dès  qu'ils  y  trouvent 
lemoindreavantage.  JÉ/a//?re.se/j^Jc 
la  Religion,  etc.,  pag.  222  et  suiv. 

Mosheim,  qui  n'a  négligé  aucune 
occasion  de  déprimer  les  travauxet 
les  succès  des  missionnaires  catho- 
liques ,  a  cependant  été  forcé  de 
rendre  justice  au  zèle  héroïque  avec 
lequel  les  capucins  se  sont  livrés  aux 
missions  de  V Afrique.  Hist.  eccl.  , 
17.*^  siècle,  sect.  i."^*,  §  18. 

AGAG,  roidesAmalécites.  Saiil, 
vainqueurdece  roi,  l'avoit  épargné 
contre  l'ordre  exprès  du  Seigneur  ; 
Samuel  indigné  le  mit  à  mort  de- 

4 


5o  AGA 

vantle  tabernacle.  J,  Bci;.  ,c.  i5  ,  i 
y^.  33 .  On  reproche  à  Samuel  ce  ! 
ineurtre,non -seulement  comme  un 
acte  de  cruauté,  mais  comme  un 
sacrifice  de  sang  humain  offert  à 
Dieu. 

Il  n'étoit  point  là  qu-eslion  desa- 
crifice  ,  miais  d'exécuter  l'ordre  de 
Dieu,  et  de  ti-aiter  un  ennenxi  dans 
toutelarif^ueurdu  droit  delà  guer- 
re,tel  qu'il  étoitconnu  et  suivipour 
lors.  Loin  d'agir  par  un  motif  de 
cruauté,  Samuel  veut  punir  Agag 
de  ses  cruautés.  «  De  même ,  lui 
»  dit-il ,  que  ton  épée  a  privé  les 
»  mères  de  leurs  enfants  ,  ainsi  la 
»  mère  sera  privée  de  toi.  »  Saiil 
lui-même  reconnut  qu'il  avoit  eu 
tort  d'épargner  Agag.  Ibid.,  _y.3o. 

Maisles  incrédules  forment  con- 
tre Samuel  une  accusation  plus 
grave  ,  c'est  d'avoir  été  la  cause  de 
cette  guerre: rien  ne  leur  paroi t 
plus  injuste  que  d'avoirengagé  Saiil 
à  exterminer  entièrement  les  Ama- 
lécites  ,  sous  prétexte  que  ,  quatre 
cents  ans  auparavant ,  leurs  ancê- 
tres avoient  refusé  aux  Israélites  , 
sortant  dé  l'Egypte  le  passage  sur 
leurs  terres. 

Est-ce  là  véritablement  tout  le 
crime  des  Amalécitesi^  Non-seule- 
ment ils  avoient  refusé  le  passage, 
mais  ils  étoient  tombés  sur  ceux  des 
Israélites  qui  étoient  restés  en  ar- 
rière, épuisés  de  faim  et  de  fatigues, 
et  les  avoient  massacres  sans  rai  son 
etsanscrainte  de  Dieu. Voilà  pour- 
quoi Dieu  donna  aux  Israélites 
l'ordre  suivant  :  «  Lorsque  le  Sci- 
»  gneur  vous  aura  donne  le  repos 
»  dans  la  terre  qu'il  vous  a  promise, 
»  vous  exterminerez  de  dessous  le 
»  ciel  lenom  d'Amnlec.  »  Dealer.  , 
G.  aS,  y.  17.  Ce  même  ordre  avoit 
déjà  été  donné  au  moment  que  les 
Amalécites  vinrent  attaquer  les 
Israélites.  Exod.  ,  c.  17  ,  jl^.  8  el 
i4-  Sous  les  juges,  ils  se  joignirent 
deux  fois  aux  Moabites  et  aux  Ma- 
dianites,  pour  mettre  les  posses- 
sions des  Israélites  a  feu  elà  san». 


AGA 

,/HJ.,c.4,!)i^i3;c.6,^.3.Ilsavoient 
donc  mérité  la  vengeance  qui  fut 
exercée  contre  eux,  et  Samuel  étoit 
bien  fondé  à  demander  que  l'ordre 
du  Seigneur  fiit  exécuté  à  la  rigueur. 
Mais  pourquoi ,  disent  nos  cen- 
seurs ,  exterminer  non-seulement 
les  hommes  ,mais  les  animauxi'Par- 
ce  que  Dieu  l'avoil  ainsi  ordonné  ; 
parce  que  les  Amalécites  avoientagi 
de  même  envers  les  Israélites,  Jud. , 
c.  6,  ^ .  4  ;  parce  qu'en  épargnant 
le  bétail,  les  Israël  itesauroient  paru 
agir  par  cupidité,  et  non  par  obéis- 
sance à  l'ordre  de  Dieu. 

AGAPES,  du  grec  àyâ-nvi  ^ 
amour  :  repas  de  charité  que  fai- 
soient  entre  eux  les  premiers  chré- 
tiens dans  leurs  assemblées  ,  pour 
cimenter  la  concorde  et  l'union 
entre  les  membres  du  même 
corps  ,  et  pour  rétablir  du  moins 
au  pied  des  autels  la  fraternité  dé- 
truite dans  la  société  civile  parla 
trop  grande  inégalité  des  condi- 
tions. 

Dans  les  commencements  ,  ces 
agapes  se  passoient  sans  désordre 
et  sans  scandale  ;  il  le  paroît  par  ce 
que  saintPaul  en  écrivit  aux  Corin- 
thiens, Fpist.  J,  c.  II.  Les  païens, 
qui  n'en  connoissoient  ni  la  police 
ni  la  fin,  en  prirent  occasion  de 
faire  aux  premiers  fidèles  les  repro- 
ches les  plus  odieux.  On  les  accusa 
d'égorger  des  enfants,  d'en  manger 
la  chair  ,  de  se  livrer  dans  les  té- 
nèbres à  l'impudicité  ;  le  peuple 
crédule  ajouta  foi  à  ces  calomnies. 
MaisPline,  après  des  informations 
exactes,  en  rendit  compteàTi'ajan, 
et  assura  que ,  dans  les  agapes  , 
tout  respiroit  l'innocence  et  la 
frugalité. 

L'empereur  Julien  ,  quoic'u'en- 
nemi  déclaré  des  chrétiens ,  conve- 
noit  que  leur  charité  envers  les 
pauvres,  leurs  agapes,  le  soin  que 
leurs  prêtres  prenoicnt  des  misé- 
rables ,  étoient  un  des  principaux 
attraits  par  lesquels  ilsengageoienl 


AGA 

lospaïcnsà  embrasser  lourreli^^ion. 
Œiiv.  de  Julien  fédit.  dcSpanhcIni, 
p.  3o5. 

Les  j)aRlC)irs,  pour  bannir  loiilc 
ombre  de  licence,  dclondircnt  que 
le  baiser/de  paix  par  lequel  s'uuis- 
soit  l'assemblée  ,  se  donnât  entre 
les  personnes  de  sexe  différent,  et 
q u'on  d  ressà  t  des  1  i ts  dans  les  égl  ises 
pouryinanger  plus  commodément; 
mais  divers  autres  abus  engagèrent 
insensiblement  à  supprimer  les 
agapes.  SAini  Ambroisey  travailla 
si  efficacement,  que,  dans  l'Eglise 
de  Milan,  l'usage  en  cessa  entiè- 
rement. Dans  celle  d'Alrique ,  il 
ne  subsista  plus  qu'en  laveur  des 
clercs,  etpour  exercer  l'hospitalité 
envers  les  étrangers;  mais  ce  ne  tut 
pas  sans  peine  que  saintAugustin 
vint  a  bout  de  taire  supprimer  à 
Hippone  cette  coutume  de  majiger 
dans  l'église  ,  abus  qui  avoit  été 
détendu  parle  concile  de  Laodicée, 
can  .  i8;  il  tut  obligé  de  prendre 
toutes  les  précautions  et  d'user 
de  tous  les  ménagements  possibles. 
Mcm.de  Tilleni.,  tom.i3,  pag.206. 

Il  y  a  eu  entre  les  savants  plu- 
sieui's  contestations  pour  savoir  si 
la  communion  de  l'eucharistie  se 
faisoit  avant  ou  après  le  repas  des 
agapes  ;  il  paroît  que  dans  l'origine 
elle  se  laisoil  après,  afin  d'imiter 
yjlus  exactement  l'action  de  Jésus- 
Christ  ,  qui  n'institua  l'eucharistie 
et  ne  communia  ses  apôtres  qu'a- 
près la  cène  qu'il  venoit'  de  taire 
avec  eux.  Cependant  l'on  comprit 
bientôt  qu'il  étoit  mieux  de  rece- 
voir reucharistieàjeun,etil  paroît 
i\nQ  cet  usage  s'établit  des  le  second 
siècle;  mais  le  troisième  concile  de 
Carthage  ,  en  l'ordonnant  ainsi  , 
excepta  le  jour  du  jeudi  saint, au- 
i|uel  on  continua  de  taire  les  agapes 
avant  la  communion.  L'on  en  con- 
<lut  que  la  discipline, sur  ce  point, 
ne  l'ut  pas  d'abord  uniforme  par- 
tout, liingham.  Orig,Eccles.^\.  i5, 

Quebiuos  écrivains    prelendcnt 


AGA 


5i 


que  ces rt^a/7Csétoienlunc coutume 
empruntée  du  paganisme  ;  c'étoit 
un  des  reproches  de  Fauste  le  ma- 
nichéen. 

Ils  ne  font  pas  attention  que  les 
Juifs  étoient  dans  l'usage  de  manger 
des  victimes  qu'ils  immoloient  au 
vrai  Dieu  ,  et  qu'en  ces  occasions 
ils  rassembloient  leurs  parents  et 
leurs  amis.  Le  christianisme  ,  qui 
avoit  pris  naissance  parmi  eux  , 
en  prit  cette  coutume,  indifférente 
en  elle-même,  mais  bonne  et  loua- 
ble par  le  motif  qui  la  dirigeoit. 
Les  premiers  fidèles  ,  d'abord  en 
petit  nombre  ,  se  considéroient 
comme  une  famille  de  frères  ,  et 
vivoient  en  commun  :  l'esprit  de 
charité  institua  ces  repas,  où  ré- 
gnoitlatempérance;  multipliés  par 
la  suite  ,  ils  voulurent  conserver 
cet  usage  des  premiers  temps;  les 
abus  s'y  glissèrent ,  et  l'Église  fut 
obligée  de  l'interdire. 

Saint  Grégoire  le  Grand  permit 
aux  Anglois  nouvellement  conver- 
tis de  faire  des  festins  sous  des  ten- 
tes ou  des  feuillages,  au  jour  de  la 
dédicace  de  leurs  églises  ou  des  fêtes 
des  martyrs  ,  auprès  des  églises  , 
mais  non  pas  dans  leur  enceinte. 
On  rencontre  aussi  quelques  traces 
des  agapes  dans  l'usage  où  sont 
plusieurs  églises  cathédrales  ou  col- 
légiales ,  de  faire, le  jeudi  saint, 
après  le  lavement  des  pieds  et  celui 
des  autels  ,  une  collaiicn  dans  lu 
chapitre  ,  le  vestiaire  ,  et  même 
dans  l'église.  St.  Grég.,  i'p.  71,  I. 
9;  Baronius,  ad  c/î/î.  Sy,  877,384; 
Fleury,  Hisl.  ccc/es.,  t.  i, p. 64,  l-i. 

AGAPÈTES.  C'étoient,  dans  la 
primitive  Église  ,  des  vierges  qui 
vivoient  en  communauté  ,  et  qui 
servoient  les  ecclésiastiques  par 
pur  motif  de  piété  et  de  charité. 

Ce  mot  signifie  bien-aimée  ,  et, 
comme  le  précédent,  il  est  dérivé 
du  grec. 

Dans  la  première  ferveurde  l'E- 
glise naissante,  ces  pieuses  sociétés, 

4. 


52  AGA 

loin  d'avoir  rien  de  criminel  , 
étoicnt  nécessaires  à  bientles  égards. 
Le  petit  nombre  de  vierges  qui  fai- 
soient,  avec  la  mère  du  Sauveur, 
partie  de  l'Eglise, etdontlaplupart 
étoient  parentes  de  Jésus-Christ  ou 
deses  apôtres,  ontvécu  en  commun 
avec  eux  comme  avec  tous  les  autres 
fidèles.  Il  en  lut  de  même  de  celles 
que  quelques  apôtres  prirent  avec 
eux  en  allant  prêcher  l'Evangile 
aux  nations;  outre  qu'elles  étoient 
probablement  leurs  proches  pa- 
rentes ,  et  d'ailleurs  d'un  âge  et 
d'une  vertu  hors  de  tout  soupçon, 
ils  ne  les  retinrent  auprès  de  leurs 
personnes  que  pour  le  seul  intérêt 
de  l'Evangile,  afin  de  p(5uvoir  par 
leur  moyen,  comme  dit  saint  Clé- 
ment d'Alexandrie  ,  introduire  la 
foi  dans  certaines  maisons  ,  dont 
l'accès  n'étoit  permis  qu'aux  fem- 
mes. On  sait  que  chez  les  Grecs 
leur  appartement  étoit  séparé  ,  et 
qu'elles  avoient  rarement  commu- 
nication avec  les  hommes  du 
dehors.  Onpeutdire  la  mêmechose 
des  vierges  dontlepèreétoitpromu 
aux  ordres  sacrés  ,  comme  des 
quatre  filles  de  saint  Philippe , 
diacre,  etde  plusieurs  autres.  Mais, 
hors  de  ces  cas  privilégiés  et  de 
nécessité,  il  ne  paroît  pas  que  l'E- 
glise ait  jamais  souffert  que  des 
vierges,  sous  quelque  prétexte  que 
ce  fut,  vécussent  avec  des  ecclé- 
siastiques autres  que  leurs  plus 
proches  parents.  On  voit  par  ses 
plus  anciens  monuments  qu'elle  a 
toujours  interdit  ces  sortes  de  so- 
ciétés. Tertullien,  dans  son  livre 
sur  le  Voile  des  (^ierffes,j)ein  t  leur  état 
comme  un  engagement  indispen- 
sable à  vivre  éloignées  des  regards 
des  hommes;  à  plus  forte  raison, 
à  fuir  toute  cohabitation  avec  eux. 
Saint  Cyprien  ,  dans  une  de  ses 
Epitres,  assure  aux  vierges  de  son 
temps  ,  que  l'Eglise  ne  pouvoit 
souffrirnon-seulemenl  qu'on  les  vît 
loger  sous  le  même  toit  avec  des 
hommes,  mais  encore  manger  à  la 


AGA 

même  table:  le  même  saint  évcque 
instruit  qu'un  de  ses  collègues  vc 
noitd'excommunierundiacrepour 
avoir  logé  plusieurs  fois  avec  une 
vierge,  félicite  ce  prélat  de  cette  ac- 
tion comime  d'un  trait  digne  de  la 
prudence  et  de  la  fermeté  épisco- 
pale  ;  enfin  les  Pères  du  concile  ùp. 
Nicée  détendent  expressément  à 
tous  les  ecclésiastiques  d'avoir  chez 
eux  de  ces  femmes  qu'on  appeloit 
subintroductœ,  si  ce  n'étoit  leur  mè- 
re, leur  sœur,  ou  leur  tante  pater- 
nelle, à  l'égard  desquelles ,  disent- 
ils,  ce  seroit  une  horreur  de  penser 
que  des  ministres  du  Seigneur  fus- 
sent capables  de  violer  les  droits  de 
la  nature. 

Par  cette  doctrine  des  Pères,  et 
par  les  précautions  prises  par  le 
concile  de  Nicée  ,  il  est  probable 
que  la  fréquentation  des  agapètts 
et  des  ecclésiastiques  avoit  occa- 
sionné des  désordres  et  des  scanda- 
les. C'est  ce  que  semble  insinuer 
saint  Jérôme  ,  quand  il  demande 
avec  une  sorte  d'indignation:  Undè 
agapefarum  peslis  in  Ecclesiani  in- 
troii>it?  C'est  à  cette  même  fin  que 
saint  Jean-Chrysostôme,  après  sa 
promotion  au  siège  de  Constanti- 
nople,  écrivit  deux  petits  traités 
sur  le  danger  de  ces  sociétés  ;  et 
enfin  le  concile  général  deLatran, 
sous  Innocent  Ili  ,  en  iiSg  ,  les 
abolit  entièrement. 

Les  protestants  et  tous  ceux  qui 
on  t  écrit  contre  le  célibat  des  clercs, 
ont  fait  grand  bruit  des  scandales 
qui  naquirent  de  la  fréquentation 
des  agapètes  avec  les  ecclésias  tiques; 
il  semble,  à  les  entendre,  que  cet 
abus  étoit  très-commun  ,  que  les 
lois  de  l'Eglise  ne  furent  pas  suffi- 
santes pour  le  déraciner  ,  et  qu'il 
fallut  pour  cela  recourir  à  l'auto- 
rité des  empereurs  ;  ils  ont  répété 
vingt  fois  le  mot  de  saint  Jérôme 
que  nous  venons  de  citer 

C'est  ainsi  ([ue  ,  par  des  exagé- 
rations ridicules  ,  on  trompe  les 
lecteurs,  i."  Ces  déclamateurs  ne 


AGA 

font  pas  allciUioii  que  la  fréquen- 
tation dont  nous  pavions  avoil  lieu 
avant  qu'il  y  eût  une  !oi  générale 
du  célibat  pour  les  ecclésiastiques; 
cette  loi  ne  lut  pas  même  portée 
dans  le  concile  de  Nicée,  qui  dé- 
iendi  taux  clercs  promus  aux  ordres 
sacrés  de  retenir  chez  eux  des  per- 
sonnes   qui    ne  lussent   pas   leurs 
proches  parentes  :  ce  n'est  donc  pas 
la  loi  du  célibat  qui  donna  lieu  à 
leur  société  avec  les  ai;ufièfcs ,  ou 
femmes  sous-iniroduUes.  2..°  Tous 
les  exemples  que  l'un  a  pu  citer  de 
rc  scandale  de  réduisentà  deux  ou 
lrois,à  celui  de  Paul  deSamosatequi 
retexioit  chez  lui  deux  jeunes  per- 
sonnes ,  et  ce  lut  une  des  causes  de 
sa  déposition  •,   ei   à  deux   diacres 
dont  parle  saint  Cyprien  dans  ses 
lettres ,  et  qui  furent  excommuniés 
par   leur  évéquc.  Ces   châtiments 
exemplaires  n'étoientpas  fort  pro- 
pres à  persuader  aux  clercs  qu'ils 
pouvoient  être  scandaleux  impu- 
nément. Les  autres  scandales  que 
saint   Cyprien    reprochoit    à   des 
vierges  ne  regardoient  pas  les  ec- 
clésiastiques; du  moins  il  n'y  a  rien 
dans  ses  expressions  qui  le  témoi- 
gne. 3."  Quand  il  ne  serolt  arrivé 
dans  toute  l'Eglise  à  ce  sujet  qu'un 
seul  scandale  dans  cinquante  ans  , 
c'en  a  été  assez  pour  donner  lieu 
aux  lois  qui  ont  été  faites  pour  le 
[) révenir ,  soit  par  les  conciles ,  soit 
par  les  empereurs  ;  et  il  ne  s'ensuit 
point  pour  cela   que   le  désordre 
ait   été  commun.   Ne  sait-on  pas 
que  le   moindre  soupçon ,   formé 
contre  la  conduite  d'un  ecclésias- 
tique connu,  suffit    pour   exciter 
une  grande  rumeur  et  faire  parler 
tout  le  monde  i*  /^.°  Lorsque  saint 
Jérôme  s'est  élevé  contre  les  héré- 
tiques et  leur  a  reproché  leurs  dés- 
ordres, nos  adversaires  le  regar- 
dent comme  un  déclamaleur,et  lui 
refusent  toute  croyance;  ici ,  parce 
qu'il    tonne    contre  les  ecclésias- 
tiques de  son  temps,  ils  argumen- 
tent   sur    ses   expressions  comme 


AGG 


53 


sur  des  paroles  sacramentelles.  Et 
voilà  comme  les  protestants  et  les 
incrédules,  leurs  élèves  ,  ont  traité 
l'histoire  ecclésiastique;  un  seul 
fait  désavantageux  au  clergé,  qu'ils 
peuvent  citer ,  est  pour  eux  un 
triomphe  ;  vingt  exemples  de  vertu 
ne  leur  paroissent  mériter  aucune 
attention. 

Le  nom  d'agapètes  fut  encore 
donné  ,  vers  l'an  SgS  ,  à  une  secte 
de  gnosti({ues  qui  étoit  principa- 
lement composée  de  femmes. Colles- 
ci  s'attar.hoient  les  jeunes  gens  , 
en  leur  enseignant  qu'il  n'y  avoit 
rien  d'impur  pour  les  consciences 
p  ures.  Une  de  leurs  maximes  «  étoit 
»  de  jurer  et  de  se  parjurer  sans 
»  scrupule,  plutôt  que  de  révéler 
»  les  secrets  de  la  secte.  On  a  vu 
»  régner  le  même  esprit  parmi 
»  tous  les  hérétiques  débauchés.  » 
Saint  Ang. ,  Hœr.  70. 

Il  ne  faut  pas  confondre  les  aga~ 
pcics  avec  les  diaconesses.  Voyez 
Djaconesse. 

AGGÉE  ,  le  dixième  des  douze 
petits  prophètes  ,  naquit  pendant 
la  captivité  des  Juifs  à  Babylone  ; 
et  après  leur  retour,  il  exhorta  vive- 
ment Zorobabel ,  prince  de  Juda  , 
le  grand-prêtre  Jésus ,  fils  de  Jo- 
sédech,  et  tout  le  peuple,  au  réta- 
blissement du  temple  ;  il  leur  re- 
pi-oche  leur  négligence  à  cet  égard, 
leur  promet  que  Dieu  rendra  ce 
second  temple  plus  illustre  et  plus 
glorieux  que  le  premier,  non  par 
l'abondance  de  l'or  et  de  l'argent, 
mais  par  la  présence  du  Messie. 
C.  2,  ^'.  7  et  suiv. 

Cette  prophétie  est  formelle  ;  les 
termes  ne  peuvent  pas  être  plus 
clairs.  «  Encore  un  peu  de  temps, 
»  et  j'ébranlerai  le  ciel,  la  terre, 
»  la  mer  et  tout  l'univers  ,  je  met- 
»  trai  en  mouvement  tous  les  peu- 
»  pies  ,  et  le  désiré  de  toutes  les 
»  nations  viendra.  Je  remplirai 
»  ainsi  de  gloire  celle  maison,  dit 
»  le  Seigneur  des  armées  :  l'or  «1 


54  AGN 

»  l'argent  sonlàinoi;in;iis!a  {gloire 
V  de  cette  maison  sera  plus  grande 
»  que  celle  de  la  première  ,  et  je 
»  donnerai  la  paix  en  ce  lieu.  » 

Le  désiré  de  toutes  les  nations  ne 
peutpas  être  un  autre  que  leMessie. 

Selon  la  prophétie  de  Jacob,  il 
doit  rassembler  les  nations  ;  selon 
les  promesses  faites  à  Abraham  , 
toutes  les  nations  de  la  terre  doi- 
vent être  bénies  en  lui  ;  selon  les 
prédictions  d'Isaïe,  les  nations  es- 
péreront en  lui  ,  et  les  îles  atten- 
dront sa  loi,  etc.  Tacite,  Suétone 
et  Josèphe  nous  apprennent  qu'à 
l'avènement  de  Jésus-Christ,  tout 
l'Orient  étoit  persuadé  qu'unper- 
sonnagc  sorti  de  la  Judée  seroit  le 
maître  du  monde.  A  la  venue  du 
Sauveur ,  le  ciel ,  la  terre  ,  la  mer 
ont  été  ébranlés  par  les  prodiges 
qui  ont  paru;  le  concert  des  anges 
qui  ont  annoncé  sa  naissance,  l'é- 
toile qui  l'a  indiquée  aux  mages  , 
le  ciel  ouvert  à  son  baptême  ,  les 
ténèbres  qui  ont  couvert  la  Judée 
à  sa  mort  ,  son  ascension,  la  des- 
cente du  Saint-Esprit,  ont  été  au- 
tant de  prodiges  opérés  dans  le  ciel; 
il  a  calmé  les  tempêtes,  et  a  rem- 
pli toute  la  Judée  de  ses  miracles. 
Avant  sa  naissance,  les  guerres  des 
Juifs  contre  les  rois  de  Syrie;  après 
sa  mort  ,  la  conquête  de  la  Judée 
par  les  Romains,  ont  mis  tous  les 
peuples  en  mouvement.  Le  second 
temple  étoit  beaucoup  moins  riche 
que  le  premier  ;  mais  il  a  été  sanc- 
tifié et  honoré  par  la  présence  du 
Messie  ,  qui  y  a  opéré  plusieurs 
miracles,  et  qui  y  a  prêché  l'Evan- 
gile de  la  paix. 

Aussi  les  auteurs  du  Talmud  ont 
entendu  comme  nous  cette  pro- 
j)hétie  de  l'avènement  du  Messie. 
Galatin^  1.  8,  c.  g, 

AGIOGRAPHE.    Kofcz    IIagio- 

GRAPHE. 

AGNEAU  PASCAL.  C'est  la 
victime  qu'il  est  ordonné  aux  Juifs 


AGN 

d'immoler  en  mémoire  de  leur 
sortie  miraculeuse  de  l'Egypte. 
Voyez  Paque.  Saint  Paul  dit  aux 
chrétiens  que  Jésus-Chrisl  a  été 
immolé  pour  être  notre  agneau 
pascal^  ou  notre  Pàque.  J.  Cor., 
c.  5,  S '  1  '  L'Eglise  répète  dans  hç^s 
prières  ce  que  saint  Jean-Baptiste 
a  dit  de  Jésus-Christ,  qu'il  est  VA- 
gneau  de  Dieu  ,  qui  ôte  les  péchéa 
du  monde.  Joan.  ,  c.  i,  ^.  26. 

AGNOETES,  AGNOITES,  secte 
d'hérétiques  qui  sulvoient  l'erreur 
de  Théophrone  de  Cappadoce,  le- 
quel attaquoit  la  science  de  Dieu 
sur  les  choses  futures  ,  présentes 
et  passées.  Les  eunomicns,  ne  pou- 
vant souffrir  cette  erreur,  le  chas- 
sèrent de  leur  communion  ,  et  il 
se  fit  chef  d'une  secte  à  laquelle  on 
donna  le  nom  à''eunomisphroniens . 
Socrate,  Sozomène  et  Nicéphore, 
qui  parlent  de  ces  hérétiques,  ajou- 
tent qu'ils  changèrent  aussi  la 
forme  du  baptême  usitée  dans  l'E- 
glise, ne  baptisant  plus  au  nom  de 
la  Trinité,  mais  au  nom  de  la  mort 
de  Jésus-Christ.  Cette  secte  com- 
mença sous  l'empire  de  Valens  , 
vers  l'an  du  salut  Syo. 

Agnoïtes  ou  Agnoètes  ,  secte 
d'eutychiens  dont  Thémistius  fut 
l'auteur  dans  le  sixième  siècle.  Jls 
soutenoient  que  Jésus-Christ ,  en 
tant  qu'homme,  ignoroit  certaines 
choses,  et  particulièrement  le  jour 
du  jugement  dernier. 

Ce  mot  vient  du  grec  àyvo-r,:iiç , 
ignorant,  dérivé  d'à/voeTy,  ignorer. 

Eulogius,  patriarche  d'Alexan- 
drie, qui  écrivit  contre  les  agno'iies 
sur  la  fin  du  sixième  siècle,  attri- 
bue cette  erreur  à  quelques  soli- 
taires qui  habitoient  dans  le  voi- 
sinage de  Jérusalem,  et  qui,  pour 
la  défendre,  alléguoient  différents 
textes  dunouveau  Testament,  entre 
autres celuidesaintMarc,chap.  i3, 
y.  32,  que  nul  homme  sur  la  terre 
ne  sait  ni  le  jour  ni  l'heure  du 
jugement  ,  ni  les  anges  qui  sont 


AGN  AGN  55 

ilaiis  le  ciel,  ni  même  le  Fils,  mais 
le  Père  seul.  Les  sociiiiens  se  ser- 
vent aussi  de  ce  passage  pour  at- 
taquer la  divinité  de  Jésus-Christ, 

Les  théolof^iens  catholiques  ré- 
pondent, i.°  que,  dans  saint  Maïc, 
il  n'est  pas  question  du  jour  du 
jugement  dernier, mais  du  jour  au- 
<|uel  Jésus-Christ  devoit  venir  jm- 
nir  la  nation  juive  par  Tépee  des 
Romains  ;  2.°  que  Jésus-Christ  , 
même  comme  homme,  n'iguoroil 
pas  le  jour  du  jugement,  puisqtj'i! 
en  avoit  prédit  l'heure, iuc,  c.ôy. 
j.  3i  ;  le  lieu,  Maiih.,  c. -^^ ,  >  . 
28;  les  signes  et  les  causes,  Luc.  , 
C.21  ,y.  25. Maisque  par  ces  paroles 
le  Sauveur  vouloit  réprimer  la 
curiosité  indiscrète  de  ses  disciples, 
en  leur  faisant  entendre  qu'il  n'é- 
toit  pas  à  propos  qu'il  leur  révélât 
ce  secret.  Sa  réponse  a  le  même 
sens  que  celle  d'un  père  qui  dit  à 
un  entant  trop  curieux  :  Je  ncn 
sais  rien. 

Ainsi  l'ont  entendu  saint  Basile, 
saint  Augustin,  et  d'autres  Pères 
de  l'Eglise. 

En  effet,  Jésus-Christ  dit  de  lui- 
même  ,  Jnan.  ,  c.  12  ,  jy,  49  :  «  Je 
»  ne  parle  pas  de  moi-même  ,  je 
j)  ne  dis  que  ce  qui  m'a  été  ordonné 
»  par  mon  Père  qui  m'a  envoyé.  » 
JLl,Act.,  c.  i,^  .  7,  il  répond  à  une 
autre  question  que  lui  faisoient  ses 
apôtres  :  «  Ce  n'est  point  à  vous  de 
»  connoître  les  temps  ni  les  mo- 
)>  ments  que  le  Père  lient  en  sa 
»  puissance  .»  SaintPaul  dit  d'ail- 
leurs qu'en  Jésus-Christ  sont  ca- 
chés tous  les  trésors  de  la  sagesse 
et  delà  science.  Co/os5.,  c.2,y.3. 

hesagnoi'ies  oLjectoient  encore , 
aussi-bien  que  les  ariens,  le  passage  1  cierge  pascal,  prenoit  d'autre  cire, 
de  l'évangile  selon  saint  Luc,  c.  2  ,  j  sur  laquelle  il  versoit  de  l'huile, 
3ï^.52,où  ilestditque  Jésus  crois-  en  faisoit  divers  morceaux  défigure 
soit  en  sagesse ,  en  âge  et  m  grâce,  |  d'agneaux,  les  bénissoit  et  les  dis- 
devantDieuct  devant  leshommes.  '  tribuoit  au  peuple.  Telle  estl'ori- 


yi .  i^:  "  Nous  avons  vu  sa  gloire  , 
»  telle  qu'elle  convient  au  Fils 
»  unique  du  Père  ,  rempli  de  grâce 
»  et  de  vérité,  par  conséquent  de 
»  science  et  de  sagesse.  «Pétau,  Je 
Incarn. ,1,   1 1  ,  c.  2. 

Par  cette  contestation  et  parla 
plu[)art  des  autres  disputes,  il  est 
évident  que  l'on  ne  pourroit  jamais 
terminer  aucune  question  avec  les 
hérétiques  ,  si  l'on  s'en  tenoit  à 
l'Ecriture  toute  seule  ,  et  qu'il  taut 
nécessairement  recourir  à  la  tradi- 
tion, pour  en  prendrele  vrai  sens. 
Aussi  plusieurs  prolestants  sont 
tombés  dans  la  même  erreur  que 
les  sociniens  touchant  la  science 
de  Jésus-Christ.  Noie  de  Feuardent 
sur  saint  Jrénée,  l.  2,  c.  49- 

AGNUS  DEI,  est  un  nom  que 
l'on  donne  aux  pains  de  cire  em- 
preints de  la  figure  d'un  agneau 
portant  l'étendard  de  la  croix,  et 
que  le  pape  bénit  solennellement 
ledimanchem«/è/s,aprèssa  consé- 
cration, et  ensuite  de  sept  ans  en 
sept  ans  ,  pour  être  distribués  au 
peuple. 

L'origine  de  cette  cérémonie 
vient  d'une  coutume  ancienne  dans 
l'Eglise  de  Rome.  On  prenoit  au- 
trefois, le  dimanche  m  albis,  le  reste 
du  cierge  pascal  béni  le  jour  du 
samedi  saint,  et  on  le  distribuoit 
au  peuple  par  morceaux.  Chacun 
les  briàloit dans  sa  maison,  dans  les 
chamjjs  ,  les  vignes  ,  etc.  ,  comme 
un  préservatif  contre  les  prestiges 
du  démon  ,  et  contre  les  tempêtes 
et  les  orages .  Cela  se  pratiquoit 
ainsi  hors  de  Rome;  mais  dans  la 
ville  ,   l'archidiacre  ,   au    lieu  du 


I/esPères  répondoient  que  cela  doit 
s'entendre  tout  au  plus  des  appa- 
rences extérieures  ,  puisque  saint 
Jean  dit  dans  son  évangile,  c.  i  , 


gine  «les  Agnus  Vei,  que  leS  papes 
ont  depuis  bénis  avec  plus  de  cé- 
rémonies. Le  sacristain  les  prépare 
long-lemps  avant  la  bénédiction. 


56  AGO 

Le  pape,  revêtu  de  ses  habits  ponti- 
ficaux, les  trempe  dans  l'eau  bénite, 
et  les  bénit  après  qu'on  les  en  a 
retirés.  On  les  met  dans  une  boîte 
qu'un  sous-diacre  apporte  au  pape 
a  la  mes.se,  après  Vagnus  Dei ,  et 
les  lui  présente  en  répétant  trois 
fois  ces  paroles  :  Ce  sont  ici  de  jeunes 
agneaux  qui  vous  ont  annoncé  Z'al- 
leluid  ;  voilà  qu'ils  viennent  à  la 
fontaine,  pleins  de  charité,  a\\ç\\i\2i. 
Ensuite  le  pape  les  distribue  aux 
cardinaux,  éveques ,  prélats,  etc. 

On  croit  qu'il  n'y  a  que  ceux  qui 
sont  dans  les  ordres  sacrés  qui 
puissent  les  toucher  ;  c'est  pour- 
quoi on  les  couvre  de  morceaux 
d'étoffe  proprement  travaillés  , 
pour  les  donner  aux  laïcs.  Quel- 
ques écrivains  en  rendent  plusieurs 
raisons  mystiques  ,  et  leur  attri- 
buent plusieurs  effets.  Voy.  l'Or- 
dre romain  ,  Amalarius  ,  Valafrid, 
Strabon ,  Sirmond  dans  ses  Noies 
sur  Ennodius  ,  Théophile  Ray- 
naud  ,  etc. 

Agnus  Dei, partie  de  la  liturgie 
de  l'Eglise  romaine,  ou  prière  de 
la  messe  entre  le  Pater  et  la  com- 
munion.C'est  l'endroit  de  la  messe 
où  le  prêtre,  se  frappant  trois  fois 
la  poitrine,  répète  autant  de  fois  à 
voix  intelligible  :  Agneau  de  Dieu  , 
qui  ôtez  les  péchés  du  monde,  par- 
donnez-nous. C'est  une  profession 
de  foi  de  l' universalité  de  la  ré- 
demption, qui  est  tirée  de  l'Evan- 
gile. Jba/2.,  c,  I  ,  ^.  29. 

Isaïe  avoit  déjà  dit  dans  le  même 
sens,  c.  53  ,  }^'.  6  :  «  Nous  nous 
»  sommes  tous  égarés  comme  des 
»  brebis...,  et  Dieu  a  mis  sur  lui 
»  l'iniquité  de  nous  tous.  »Lebrun, 
Explic.  des  Cérém. ,  tom.  1 1 ,  p.  577. 

AGOBARD,  archevêque  deLyon 
dans  le  neuvième  siècle  ,  est  au 
nombre  des  écrivains  ecclésias- 
tiques. Il  prouva  ,  contre  Félix 
d'Urgel ,  que  Jésus-Christ  n'est  pas 
seulement  fils  de  Dieu  par  adop- 
tion, mais  par  nature  :  il  écrivit 


AGO 

contre  les  duels,  les  épreuves  su- 
perstitieuses du  feu  et  de  l'eau  , 
l'abus  des  biens  ecclésiastiques  , 
et  contre  plusieurs  erreurs  popu- 
laires. Il  mourut  en  840.  La  meil- 
leure édition  de  ses  ouvrages  est 
celle  de  Baluse  ,  faite  en  i666  ,  en 
2  vol.  in-^.° 

Les  protestants  ont  voulu  mettre 
cet  archevêque  au  nombre  de  ceux 
qu'ils  nomment  les  témoins  de  la 
vérité^  parce  qu'il  attaqua  les  su- 
perstitions de  son  siècle  :  preuve 
frivole  et  qui  ne  mérite  aucune 
attention.  Basnage  a  voulu  aussi 
faire  douter  de  la  foi  à'' Agobard 
touchant  l'Eucharistie  ;  mais  il  est 
constant  que  cet  écrivain  a  pro- 
fessé formellement  la  croyance  de 
l'Eglise  sur  ce  point  dans  plusieurs 
endroits  de  ses  ouvrages. 

AGONIE  ,   AGONISANT  .  Ce 

terme  vient  du  grec  àyàv  ,  com- 
bat. Les  censeurs  de  la  religion 
chrétienne  ont  poussé  la  préven- 
tion jusqu'à  faire  un  crime  à  l'E- 
glise catholique  de  la  charité  qu'elle 
témoigne  aux  fidèles  prêts  à  sortir 
de  ce  monde,  et  des  secours  spiri- 
tuels qu'elle  s'efforce  de  leur  pro- 
curer :  ils  ont  dit  que  c'est  une 
cruauté  de  faire  envisager  à  un 
mourant  sa  fin  prochaine ,  et  de 
mettre  déjà  sous  ses  youx  une  par- 
tie de  l'appareil  de  sa  pompe  fu- 
nèbre. Cette  réflexion  de  leur  part 
dénaontre  sans  doute  que  ce  dernier 
moment  est  terrible  pour  eux;  mais 
il  ne  l'est  point  pour  un  chrétien 
qui  croit  en  Dieu  ,  qui  espère  en 
Jésus-Christ,  qui  attend  avec  con- 
fiance une  vie  éternelle.  Les  confré- 
ries des  agonisanls ,  les  prières  que 
l'on  y  récite,  celles  que  l'on  dit 
auprès  d'un  malade  ,  les  derniers 
sacrements  ,  sont  une  consolation 
pour  lui  ;  il  les  demande,  il  se  tran- 
quillise sur  l'intercession  del'Eglise 
et  sur  les  vœux  de  ses  frères  ;  il  les 
regarde  comme  la  dernière  marque 
d'amitié  que  l'on  peut  lui  donner. 


AGO 

l-n  père  411!  bénit  ses  enfants  ras- 
semblés, prosternés  et  fondant  en 
Jarines  ,  est  certainement  nn  grand 
spectacle.  Souvent  il  a  fait  rentrer 
en  eux-mêmes  des  pécheurs  qui 
n'y  étoient  guère  disposés;  et,  si  le 
philosophe  le  plus  intrépide  avoit 
de  temps  en  temps  cet  objet  sous 
les  yeux  ,  ce  seroit  peut-être  la 
meilleure  réponse  à  toutes  ses  ob- 
jections. 

Agotsie  T)E  Jésus-Christ.  Quel- 
ques moments  avant  d'être  saisi 
par  les  Juifs ,  Jésus-Christ ,  priant 
au  jardin  des  Olives,  est  tombe  en 
l'oiblesse  et  à  Vagonie;  il  a  conjuré 
son  Père  d'écarter  de  lui  le  calice 
des  souffrances  ;  il  a  sué  sang  et  eau. 
Celse  ,  dans  Origène,  liv.2,n.  28; 
les  juifs,  dans  le  Munimen  fidd ^ 
sec.  partie  ,  c.  24  ;  les  incrédules 
modernes,  ont  insisté  à  l'euvi  sur 
cette  circonstance.  «  L'Homme- 
»  Dieu ,  disent-ils,  aux  approches 
»  de  la  mort,  montre  une  foiblesse 
»  dont  un  hommie  courageux  rou- 
»  giroit  en  pareil  cas.» 

Nous  les  prions  de  considérer , 
1.°  que  Jésus-Christ  avoit  prédit 
plus  d'une  fois  à  %e%  disciples  sa 
passion  et  sa  naort;  il  venoit  encore 
de  leur  en  parler  après  la  dernière 
cène.  Il  nommoit  !iç.&  soufFra'nces 
le  moment  de  sa  gloire  ;  il  avoit 
constamment  annoncé  sa  résurrec- 
tion. 2."  Il  ne  lenoit  qu'à  lui  de 
tromper  le  dessein  de  Judas  et  des 
Juifs  ;  s'il  étoit  allé  passer  la  nuit 
ailleurs,  s'il  s'étoit  éloigné  de  Jéru- 
salem, ses  ennemis  auroient  man- 
qué leur  proie.  3.°  Au  moment 
qu'il  sait  leur  approche,  il  se  lève, 
éveille  ses  disciples,  va  au-devant 
des  soldats,  se  présente  à  eux  d'un 
air  intrépide,  les  renverse  par  terre 
d'un  seul  mot,  leur  fait  sentir  qu'il 
est  le  maître  de  les  exterminer  ou 
de  se  livrer  entre  leurs  mains. 

Par  son  agonie  ,  Jésus-Christ 
vouloit  nous  apprendre  que  la  ré- 
pugnance naturelle  de  souffrir  et 
de  mourirn'est  pasun  crime,  lors- 


AIII  «;7 

qu'elle  est  jointe  à  une  parfaite 
soumission  à  Dieu.  11  vouloit  in- 
struire les  martyrs,  leur  apprendre 
qu'il  faut  attendre  la  mort  et  non 
la  pi'ovoquer.  11  finit  sa  prière  par 
ces  paroles  :  ISlon  Père  ,  que  votre 
volonté  se  fasse  et  non  la  mienne. 
Un  philosophe  moderne  est  con- 
venu qu'il  y  a  un  extrême  courage  a 
marcher  à  la  mort  en  la  redoutant. 
Voyez  Dissertât,  sur  la  sueur  de 
sang ,  etc.  Bible  d'Ai^ignon,  t.  i3, 
p.  468. 

AGONISTIQUES  ,  nom  par  le- 
quel Donat  et  les  donatistes  dé- 
signoient  les  prédicateurs  qu'ils 
envoyoient  dans  les  villes  et  dans 
les  campagnes  pour  répandre  leur 
doctrine  ,  et  qu'ils  regardoient 
comme  autant  de  combattants  pro- 
pres à  leur  conquérir  des  disciples. 
On  lesappeloit  ailleurs  ci'rcz/i/eur^, 
circellions,  circoncellions ,  catropites, 
coropiles ,  et  à  Rome  montenses. 
L'histoire  ecclésiastique  est  pleine 
des  violences  qu'ils  exerçoient  con- 
tre les  catholiques.  Voyez  Circon- 
cellions ,  Donatistes,  etc. 

AGONYCLITES ,  hérétiques  du 
huitième  siècle  qui  avoient  pour 
maxime  de  ne  prier  jamais  à  ge- 
noux ,  mais  debout. 

Cemot  est  composé  d'aprivatif, 
de  yovy  ,  genou ,  et  du  verbe  xh'vco , 
incliner ,  plier ,  courber. 

AGYlSfNIENS,  hérétiques  nom- 
més aussi  agioniies  ,  ou  agionois  , 
qui  parurent  environ  l'an  de  Jé- 
sus-Christ 694.  Ils  ne  prenoient 
point  de  femmes,  et  prétendoienf 
que  Dieu  n'étoit  pas  auteur  du 
mariage  ;  leur  nom  vient  d'à  pri- 
vatif et  de  yvvY),  femme.  Cette  secte 
paroît  avoir  été  un  rejeton  des  ma- 
nichéens. 

AIIIAS  ,  prophète  du  Seigneur, 
dont  il  est  parlé,  JII.  Ecg.,c.  11 . 
X-   29.  C'est  lui  qui ,  sous  le  règne 


B8  AHI 

de  Salomon ,  annonça  à  Jéroboara 
qu'après  la  mort  de  ce  roi ,  il  rè- 
gneroit  lui-même  sur  dix  des  tribus 
d'Israël  ;  sa  prophétie  s'accomplit 
en  effet  sous  Roboara ,  fils  de  Sa- 
lomon ,  parce  que  ce  jeune  roi 
traita  avec  dureté  le  peuple  qui 
lui  dcmandoit  d'être  déchargé 
d'une  partie  des  impôts. 

De  là  les  incrédules  modernes 
ont  pris  occasion  d'assurer  que  ce 
prophète  lut  la  cause  du  schisme 
de  ces  dix  tribus ,  de  toutes  les 
guerres  et  de  tous  les  maux  qui 
s'ensuivirent  ;  que  ce  fut  lui  qui 
inspira  à  Jéroboam  l'ambition  et 
le  projet  de  parvenir  à  la  royauté. 
Ils  en  ont  conclu  qu'en  général 
les  prophètes  étoient  des  rebelles 
fanatiques,  quisoulevolent  les  su- 
jets contre  leur  roi,  qui  souflloient 
le  feu  de  la  discorde ,  et  qui ,  par 
leurs  prétendues  prophéties  ,  tou- 
jours crues  par  le  peuple,  furent 
enfin  la  cause  de  la  ruine  de  leur 
nation. 

Ce  reproche  est  grave  ;  niais  a- 
t-il  quelque  fondement  dans  l'his- 
toire ? 

i."  Nos  censeurs  supposent  que 
la  prédiction  à'Ahias  fut  faite  à 
Jéroboam  après  la  mort  de  Sa- 
lomon ;  c'est  une  fausseté,  Salomon 
vivoit  encore  :  si  ce  prophète  n'é- 
toit  qu'un  fanatique  ,  comment 
put-il  prévoir  que  Roboam ,  monté 
.su  rie  trône,  rebuteroit  le  peuple; 
que  le  peuple  se  mutineroit  ;  que 
dix  tribus  ,  ni  plus  ni  moins  ,  se- 
coueroient  le  joug,  et  se  donne- 
roient  un  autre  roi  ?  Jéroboam 
conçut  alors  si  peu  le  dessein  de 
parvenir  à  la  royauté  ,  qu'il  se 
sauva  eu  Egj-^ple,  et  qu'il  n'en  re- 
vint qu'après  la  mort  de  Salomon. 

2.°  Nous  ne  voyons  point  qu'^- 
hias  ait  eu  aucune  part  au  soulè- 
vement du  peuple ,  ni  qu'il  y  ait 
contribué  en  rien.  La  seule  cause 
de  cette  révolte  fut  la  réponse  dure 
et  menaçante  que  fit  Roboam  aux 
plaintes  de  cette  multitude  assem- 


AIII 

blée.  Dieu  lui-même  avoit  révélé 
à  Salomon  ce  qui  arriveroit  après 
sa  mort;  Ahias  ne  fit  que  confir- 
mer la  prédiction.  Si  Salomon  n'en 
profita  pas  pour  donner  de  salu- 
taires leçons  à  son  fils,  il  fut  cou- 
pable; ce  n'est  point  au  prophète 
qu'il  faut  en  attribuer  la  iaute. 
III.  Beg.,  c.  li  ,f.  II. 

3.°  Jéroboam  lui-même  ne  pa- 
roît  être  entré  pour  rien  dans  la 
sédition.  Il  est  dit  que  les  tribus 
mécontentes  s'en  retournèrent  cha- 
cune chez  elle;  que  Roboam  ayant 
envoyé  un  de  ses  officiers  pour  les 
ramener  à  l'obéissance ,  elles  le 
lapidèrent;  que  le  roi  lui-même 
s'enfuit  de  Sichem  à  Jérusalem  ; 
qu'ensuite  les  tribus  ayant  appris 
que  Jéroboam  étoit  de  retour  d'E- 
gypte, elles  lui  envoyèrent  des  dé- 
putés ,  le  firent  venir  dans  leur 
assemblée,  et  l'établirent  roi  d'Is- 
raël. Ce  fut  donc  de  letir  propre 
mouvement  qu'elles  le  choisirent, 
et  non  point  par  l'instigation  du 
prophète.  Ibid. ,  c.  12,  "^ .  16.  Si 
elles  avoient  eu  connoissance  de 
sa  prédiction,  sans  doute  elles au- 
roient  commencé  par  m.ettre  Jé- 
roboam à  leur  tête,  avant  de  mettre 
à  mort  l'officier  de  Roboam. 

4.°  Les  prophètes  ,  loin  de  souf- 
fler le  feu  de  la  discorde  à  cette 
occasion  ,  empêchèrent  la  guerre 
et  l'effusion  du  sang.  Lorsque  Ro- 
boam eut  fait  prendre  les  armes 
aux  tribus  de  Juda  et  de  Benja- 
min ,  pour  forcer  les  dix  tribus 
rebelles  à  rentrer  sous  le  joug,  le 
prophète  Séméïas  leur  défendit  de 
la  part  de  Dieu  de  combattre  contre 
leurs  frères;  ils  n'allèrent  pas  plus 
loin  ,  et  la  guerre  n'eut  pas  lieu. 
Ibid.,  c.  12,  y.  22.  Quelques  in- 
crédules ont  encore  trouvé  bon  de 
reprocher  à  ce  prophète  qu'il  avoit 
confirmé  les  rebelles  dans  leur 
schisme.  Mais  nous  les  défions  de 
citer  un  seul  prophète  du  Seigneur 
qui  ait  excité  le  peuple  à  se  sou- 
lever contre   son  souverain,   soit 


AIN 

lîans  le  royaume  d'Israël,  soit  dans 
celui  de  Juda. 

5.°  Nous  lie  voyons  pas  qncJé- 
roboam  ait  reconnu  par  aucun 
bicnl'ait  le  service  que  lui  avoil 
rendu  le  prophète  AJnas  ;  loin  de 
suivre  ses  leçons ,  il  engagea  les 
Israélites  dans  l'idolâtrie.  Aussi  , 
lorsqu'il  envoya  son  épouse  dé- 
{^uisée  pour  consulter  Ahios  sur 
la  maladie  de  son  fils,  ce  prophète, 
quoique  devenu  aveugle  de  vieil- 
lesse ,  la  reconnut  avant  inéme 
qu'elle  eut  parlé  ;  il  lui  annonça 
sans  ménagement  la  mort  pro- 
<:haiiie  de  cet  enfant,  et  les  châti- 
ments terribles  queUieuexerceroit 
sur  la  race  de  Jéroboam  en  puni- 
tion de  son  idolâtrie.  Jô/rf. ,  c.  i!^. 

Des  prophètes  imposteurs  et  fa- 
natiques auroient  cherché  sans 
doute  à  faire  leur  cour  et  à  mé- 
nager les  rois  ;  nous  voyons  au 
contraire  les  prophètes  juifs  tou- 
jours prêts  à  reprocher  aux  rois 
tous  leurs  crimes,  à  leur  prédire 
des  châtiments  et  à  braver  la  mort , 
pour  s'acquitter  des  ordres  qu'ils 
avoient  reçus  de  Dieu.  Leur  attri- 
buer les  miaux  qui  sont  arrivés , 
c'est  vouloir  qu'ils  aient  été  la 
cause  de  la  perversité  des  princes 
qui  n'ont  jamais  voulu  profiter  de 
leurs  leçons.  Peut-on  citer  un  seul 
roi  qui  se  soit  mal  trouvé  de  les 
avoir  suivies  ? 

AINE,  AINESSE.  Il  est  naturel 
qu'un  père  conçoive  une  tendre 
affection  pour  le  premier  fruit  de 
son  mariage,  pour  l'enfant  qui  lui 
a  fait  éprouver  les  premiers  mou- 
vements de  l'amour  paternel.  Ce 
sentiment  étoit  plus  vif  dans  les 
prenfiiers  âges  du  monde,  lorsque 
chaque  famille  étoit  une  petite  ré- 
publique isolée.  Le  cœur  étoit 
moins  partagé  par  la  multitude 
des  affections  sociales;  les  enfants 
étoient  la  force  et  la  richesse  de 
leur  père.  Uainé  étoit  destiné  par 
la  nature  à  être  le  chef  de  famille, 


AIN  5q 

si  le  père  venoit  à  manquer.  C'est 
ce  qui  rendoit  le  droit  d'aînesse 
si  sacré  et  si  précieux  chez  les  pa- 
triarches. Moïse  l'avoit  conservé 
en  entier  par  ses  lois.  Mais  à  me- 
sure que  les  peuplades  se  sont  aug- 
mentées et  civilisées,  le  pouvoir 
paternel  a  diminué  ,  et  le  droit 
d'aînesse  a  perdu  son  prix  ;  nous 
en  sommes  venus  au  point  de  re- 
garder aujourd'hui  cedroit  comme 
injuste. 

Il  faut  donc  se  rapprocher  des 
mœurs  antiques  pour  sentir  l'é- 
nergie de  plusieurs  expressions  de 
l'Ecriture  sainte.  Dieu  promet  à 
David  qu'il  le  rendra  Vaine  de  tous 
les  rois.  Saint  Paul  nomme  Jésus- 
Christ  Vaine  de  toutes  les  créatures, 
parce  qu'il  a  été  engendré  du  Père 
avant  la  création  ;  dans  l'Apoca- 
lypse ,  il  est  appelé  le  preniier-né 
db  entre  les  morts ,  parce  qu'il  est  le 
prenaicr  qui  soit  ressuscité  par  sa 
propre  vertu.  Isaïe  nomme  pre- 
miers-nés des  pauvres  ,  ceux  qui 
souffrent  le  plus  ;  dans  le  livre  de 
Job  ,  primogenita  mors  signifie  la 
plus  cruelle  de  toutes  les  morts. 

Il  paroît  par  l'histoire  sainte  que 
le  droit  d'aînesse  a  été  établi  dès 
la  création  ,  mais  il  n'étoit  pas 
inaliénable;  Dieu,  pour  de  bonnes 
raisons,  l'a  souvent  transporté  aux 
puînés.  Ainsi  Caïn  ,  fils  aine  d'A- 
dam ,  fut  privé  de  ses  droits  en 
punition  de  son  crime;  Seth  lui 
tut  substitué.  Japhet,  fils  aîné  de 
Noé,  fut  moins  privilégié  que  Sem; 
Isaac  fut  préféré  à  Ismaé'l  son  aîné , 
mais  qui  étoit  né  d'une  étrangère  ; 
Jacob  acheta  le  droit  d'aînesse  de 
sou  frère  Esaii;  il  l'ètaà  son  propre 
fils  Ruben  ,  pour  le  donner  à  Jo- 
seph ;  et  en  bénissant  les  deux  fils 
de  Joseph  ,  il  accorda  la  préfé- 
rence à  Ephraïm  sur  Manassc. 

Nous  voyons  par  le  chap.  21  , 
y  12,  du  Deutéronomc ,  que  Vaine 
avoit  une  double  portion  dans 
l'héritage  paternel;  et  après  la  mort 
du  père,  il  dcvenoit  le  chef,  par 


6o  AliN 

conséquent  le  prêtre  de  sa  famille. 
Les  incrédules  ont  censuré  avec 
beaucoup  d'aigreur  la  conduite  de 
Jacob ,  qui  profita  de  la  lassitude 
de  son  frère  pour  acbeter  de  lui 
le  droit  à'aînesse  à  très-vil  prix  , 
et  qui  trompa  son  pèrelsaac  pour 
extorquer  de  lui  la  bénédiction 
destinée  à  Vatné.  Nous  examine- 
rons ce  trait  d'histoire  au  mot 
Jacob. 

Depuis  que  Dieu  eut  fait  mourir 
tous  les  premiers-nés  des  Egyptiens 
par  l'épée  de  l'ange  exterminateur, 
et  qu'il  eut  préservé  ceux  des  Is- 
raélites ,  il  ordonna  que  ceux-ci 
lui  fussent  offerts  et  consacrés  ; 
cette  loi  ne  regardoit  que  les  mâles, 
soit  des  hommes  ,  soit  des  ani- 
maux. Exod.,c.  i3.  Si  le  premier 
enfant  d'une  femme  étoit  une  fille, 
le  père  n'étoit  obligé  à  rien  ,  ni 
pour  cet  enfant ,  ni  pour  les  sui- 
vants ;  si  un  homme  avoit  deux 
femmes,  il  étoit  obligé  d'offrir  au 
Seigneur  les  premiers-nés  de  cha- 
cune. En  les  offrant  dans  le  tem 
pic,  les  parents  les  rachetoient  pour 
la  somme  de  cinq  sicles.  Jésus 
Christ  fut  offert  et  racheté  par  ses 
parents  comme  les  autres  premiers 
nés  ;  mais  il  étoit  destiné  à  être 
lui-même  le  prix  de  la  rédemption 
du  monde. 

Les  premiers -nés  des  animaux 
purs ,  tels  que  le  veau ,  l'agneau  , 
le  chevreau  ,  dévoient  être  offerts 
dans  le  temple ,  immolés  en  sacri 
fice,  et  non  rachetés;  quant  à  ceux 
des  animaux  impurs  qui  ne  pou 
voient  pas  servir  de  victimes,  ils 
étoient  ou  rachetés  ou  tués. 

Cette  loi  étoit  un  monument  ir- 
récusable du  miracle  opéré  en 
Egypte  en  faveur  des  Israélites  ;  elle 
fut  observée  d'abord  par  ceux 
même  qui  avoient  été  témoins  ocu- 
laires du  prodige.  Auroient  -  ils 
voulu  se  soumettre  à  cette  loi 
onéreuse  ,  s'ils  n'avoient  pas  été 
convaincus  par  leurs  propres  yeux 
de  la  vérité  du  fait  ?  Il  leur   fut 


ALB 

ordonné  d'instruire  soîgneuseînïnt 
leurs  enfants  du  sens  et  du  molii 
de  la  cérémonie.  Exod.  ^  c.  i3  , 
y.  14.  Ce  témoignage,  ainsi  trans- 
mis de  génération  en  génération 
avec  l'observance  de  la  loi ,  étoit 
une  preuve  à  laquelle  l'incrédulité 
la  plus  hardie  ne  pouvoit  rien  op- 
poser. Un  incrédule  quelconque 
voudroit-il  ainsi  attester,  par  ses 
paroles  et  par  son  obéissance,  un 
fait  public  et  très-éclatant  de  la 
fausseté  duquel  il  seroit  intime- 
ment convaincu.''  Le  conduite  des 
Juifs  dans  tous  les  temps  démontre 
qu'ils  n'étoient  pas  plus  disposés 
que  les  mécréants  d'aujourd'hui, 
à  croire  des  choses  dont  ils  n'au- 
roient  pas  eu  la  preuve. 

ALBANOIS  ,  hérétiques  qui 
troublèrent  dans  le  septième  siècle 
la  paix  de  l'Eglise,  et  qui  parurent 
principalement  dans  l'Albanie,  ou 
dans  la  partie  orientale  de  la  Géor- 
gie. Ils  renouvelèrent  la  plupart 
des  erreurs  des  manichéens  et  des 
autres  hérétiques  qui  avoient  vécu 
depuis  plus  de  trois  cents  ans.  Leur 
première  rêverie  consistoit  à  éta- 
blir deux  principes  :  l'un  bon  , 
père  de  Jésus-Christ,  auteur  du 
bien  et  du  nouveau  Testament;  et 
l'autre  mauvais,  auteur  de  l'ancien 
Testament  ,  qu'ils  rejetoient  en 
s'inscrivant  en  faux  contre  tout  ce 
qu'Abraham  et  Moïse  ont  pu  dii'e. 
Ils  ajoutoient  que  le  monde  est  de 
toute  éternité;  que  le  Fils  de  Dieu 
avoit  apporté  un  corps  du  ciel  ; 
que  les  sacrements,  à  la  réserve  du 
baptême  ,  sont  des  superstitions 
inutiles;  que  l'Eglise  n'a  point  le 
pouvoir  d'exconaniunier  ,  et  que 
l'enfer  est  un  conte  fait  à  plaisir. 
Praiéoïe.  Gautier^  dans  sa  Chron, 

ALBIGEOIS,  nom  général  donné 
aux  hérétiques  qui  parurent  en 
France  dans  les  douzième  et  trei- 
zième siècles ,  et  qui  furent  ainsi 
nommes  ,   parce   qu'ils  se  multi, - 


ALIÎ 

()liiTcnt  non -seulement  ilans  la 
ville  d'Albi ,  mais  encore  dans  le 
l]a.s-Lan£;ueiloc,  dont  les  habitants 
sont  nommés  par  les  auteurs  de 
ce  temps-là  Albigciiscs. 

Le  tond  de  leur  doctrine  étoil 
le  manichéisme  ,  mais  différem- 
ment modifié  par  les  visions  des 
différents  chefs  qui  Tavoient  prê- 
ché en  France ,  tels  que  Pierre  de 
Bruis,  Henri  son  disciple,  Arnaud 
de  Bresse  ,  etc.  :  c'est  ce  qui  fit 
nommer  ces  sectaires  péirobru- 
siens  ,  henriciens  ,  arnaldistes  ,  ou 
arnaudistes  ;  mais  ils  portèrent  en- 
core plusieurs  autres  noms  tirés 
de  leurs  mœurs ,  dont  nous  parle- 
rons ci-après.  Nous  ne  devons  donc 
pas  être  étonnés  de  ce  que  les  au- 
teurs qui  ont  exposé  leurs  erreurs  , 
ne  les  ont  pas  rapportées  unifor- 
mément ;  jamais  aucune  secte  d'hé- 
rétiques ne  fut  constante  dans  ses 
opinions;  chaque  docteur  se  croit 
le  maître  de  les  entendre  et  de  les 
arranger  comme  il  lui  plaît.  Les 
albigeois  étoient  un  amas  confus  de 
sectaires,  la  plupart  très-ignorants 
et  très -peu  en  état  de  rendre 
compte  de  leur  croyance  ;  mais 
tous  se  réunissoient  à  condamner 
l'usage  des  sacrements  et  le  culte 
extérieur  de  l'Eglise  catholique,  à 
vouloir  détruire  la  hiérarchie  et 
changer  la  discipline  établie.  C'est 
à  ce  titre  que  les  protestants  leur 
ont  fait  l'honneur  de  les  regarder 
comme  leurs  ancêtres. 

Alanus,  moine  de  Cîteaux  ,  et 
Pierre,  moine  de  Vaux  -  Cernay  , 
qui  ont  écrit  contre  eux,  leur  re- 
prochent ,  i.°  d'admettre  deux 
principes  ou  deux  créateurs ,  l'un 
bon,  l'autre  méchant;  le  preniier, 
créateur  des  choses  invisibles  et 
spirituelles;  le  second  ,  créateur 
des  corps,  auteur  de  l'ancien  Tes- 
tament et  de  la  loi  judaïque,  pour 
lesquels  ces  hérétiques  n'avoient 
aucun  respect  :  voilà  le  fond 
de  Vancien  manichéisme.  2.°  De 
supposer  deux    christs,  l'un  me- 


ALB  Gi 

chant,  qui  avoit  paru  sur  la  terre 
avec  un  corps  fantastique  ,  qui 
n'étoit  mort  et  ressuscité  qu'en 
apparence;  l'autre  bon,  mais  qui 
n'avoit  pas  été  vu  en  ce  monde  : 
c'étoit  l'erreur  de  la  plupart  des 
gnostiques.  3.°  De  nier  la  résur- 
rection future  de  la  chair,  d'en- 
seigner que  nos  âmes  sont  des  dé- 
mons, qui  ont  été  logés  dans  nos 
corps  en  punition  des  crimes  qu'ils 
avoient  commis;  conséquemmient 
ils  nioient  le  purgatoire  et  l'uti- 
lité de  la  prière  pour  les  morts;  ils 
traitoient  même  de  fol  ie  la  croyance 
des  catholiques  touchant  les  peines 
de  l'enfer.  Ces  rêveries  sont  em- 
pruntées de  différentes  sectes  d'hé- 
rétiques. 4-°  De  condaminer  tous 
les  sacrements  de  l'Eglise,  de  re- 
jeter le  baptême  comme  inutile , 
d'avoir  en  horreur  l'eucharistie  , 
de  ne  pratiquer  ni  la  confession, 
ni  la  pénitence ,  de  croire  le  ma- 
riage défendu  ,  ou  du  moins  de 
regarder  la  procréation  des  en- 
fants comme  un  crime.  C'étoit  en- 
core l'opinion  des  manichéens. 
Enfin  ces  auteurs  rapportent  que 
les  albigeois  détestoient  les  minis- 
tres de  l'Eglise  ,  ne  cessoient  de 
les  décrier  et  de  déclamer  contre 
eux  ;  qu'ils  n'avoient  aucun  res- 
pect pour  la  croix,  pour  les  ima- 
ges ,  pour  les  reliques;  qu'ils  les 
détruisoient  et  les  briiloienl  par- 
tout où  ils  étoient  les  maîtres. 

Ils  étoient  divisés  en  deux  or- 
dres ;  savoir  ,  les  parfaits  et  les 
croyants.  Les  premiers  menoient 
une  vie  austère  en  apparence ,  vi- 
voient  dans  la  continence  ,  fai- 
soient  profession  d'avoir  en  hor- 
reur le  jurement  et  le  mensonge. 
Les  seconds  vivoient  comme  le 
reste  des  hommes  ,  et  plusieurs 
avoient  des  mœurs  très-déréglées; 
ils  croyoient  être  sauvés  par  la  foi 
et  par  l'imposition  des  mains  des 
parfaits.  C'étoit  l'ancienne  disci- 
pline des  manichéens 

Leconciled'AIbi ,  qnequelques- 


G  2  ALB 

uns  nomment  concile  de  Lornbez , 
tenu  Tan  1176,  dans  lequel  les 
albigeois  furent  condamnés  sous  le 
nom  de  bons-Jiommes ,  et  dont  les 
actes  sont  cités  par  Fleury ,  Hist. 
ccclés.,  I.  72,  n.  61 ,  leur  attribue 
les  mêmes  erreurs  d'après  leur 
propre  confession.  Rainérius,  dans 
l'histoire  qu'il  a  donnée  de  ces 
mêmes  hérétiques  sous  le  nom  de 
cathares,  expose  leur  croyance  à 
peu  prés  de  même.  M.  Bossuet  , 
Hist.  des  variai.,  1-  9  ,  a  cité  encore 
d'autres  auteurs  qui  confu'ment 
toutes  ces  accusations. 

A  la  vérité,  la  plupart  des  pro- 
testants qui  auroient  voulu  per- 
suader que  les  albigeois  soutenoicnt 
la  même  doctrine  qu'eux ,  ont  ac- 
cusé les  écrivains  catholiques  d'a- 
voir attribué  à  ces  sectaires  des 
erreurs  qu'ils  n'avoicnt  pas ,  afin 
de  les  rendre  odieux,  et  de  justi- 
fier la  rigueur  avec  laquelle  on  les 
a  traités.  Mosheim,  mieux  instruit, 
n'a  pas  osé  faire  de  même;  il  n'a 
rien  dit  de  leurs  dogmes  ni  de  leur 
conduite,  parce  qu'il  a  bien  senti 
qu'il  n'éloit  pas  possible  de  justi- 
fier ni  l'un  ni  l'autre,  iï/s^.  ecclés. , 
treizième  siècle  ,  deuxième  partie, 
c.  5 ,  §  2  et  suiv. 

Le  nom  de  bons -hommes  leur 
fut  donné  d'abord  ,  parce  qu'ils 
affectoient  un  extérieur  simple  , 
régulier  et  paisible,  et  ils  se  don- 
noient  eux-mêmes  le  nom  de  ca- 
thares, qui  signifie  purs  ;  mais  leur 
conduite  leur  en  fit  bientôt  donner 
d'autres  ;  on  les  appela  pifres  et 
patarins  ,  c'est-à-dire  ,  rustres  et 
grossiers  ;  piiblicains  on  poplicains , 
parce  qu'on  supposa  que  les  femmes 
étoient  communes  entre  eux  ;  pas- 
sagers, parce  qu'ils  envoyoient  des 
émissaires  et  des  prédicantsde  tou- 
tes parts  pour  répandre  leur  doc- 
trine et  faire  des  prosélytes. 

Leur  condamnation,  prononcée 
au  concile  d'Albi ,  l'an  11 76,  fut 
confirmée  dans  celui  de  Latran  , 
l'an   II 79,  et  dans  d'autres  cou-' 


ALB 

elles  provinciaux;  mais  la  protec- 
tion que  leur  accorda  Raimond  VI, 
comte  de  Toulouse,  leur  fit  mé- 
priser les  censures  de  l'Eglise ,  les 
rendit  plus  entreprenants,  et  em- 
pêcha le  fruit  des  prédications  de 
saint  Dominique  et  des  autres  mis- 
sionnaires que  l'on  envoya  pour 
les  instruire  et  les  convertir.  Les 
violences  qu'ils  exercèrent  ,  enga- 
gèrent les  papes  à  publier  une 
croisade  contre  eux  l'an  1210.  Ce 
ne  fut  qu'après  dix -huit  ans  de 
guerres  et  de  nfiassacres ,  qu'aban- 
donnés par  les  comtes  de  Toulouse 
leurs  protecteurs,  affoiblis  par  les 
victoires  de  Simon  de  Montfort  , 
poursuivis  dans  les  tribunaux  ec- 
clésiastiques et  livrés  au  bras  sé- 
culier, les  albigeois  furent  entière- 
ment détruits.  Quelques-uns  s'é- 
chappèrent et  se  joignirent  aux 
vaudois  dans  les  vallées  du  Pié- 
mont ,  de  la  Provence ,  du  Dau- 
phiné  et  de  la  Savoie  ;  c'est  pour 
cela  que  quelques  auteurs  ont  quel- 
quefois confondu  ces  deux  sectes , 
mais  elles  étoient  très- différentes 
dans  l'origine;  les  vaudois  n'ont 
jamais  été  manichéens.  Ko/.  Vau- 
dois. 

A  la  naissance  de  la  pre'tendue 
réforme,  les  uns  et  les  autres  chcr- 
chèrentà  se  joindre  auxzuingliens, 
etils  s'unirent  enfinaux  calvinistes 
sous  le  règne  de  FrançoisL*^"^.  Fiers 
de  ce  nouvel  appui  ,  ils  se  per- 
mirent des  violences  qui  attirèrent 
sur  eux  l'exécution  sanglante  de 
Cabrière  et  de  Mérindol  ;  depuis 
ce  moment  ils  ont  disparu  ,  et  ii 
n'en  reste  plus  que  le  nom. 

La  croisade  entreprise  contre 
les  albigeois,  les  supplices  auxquels 
on  les  condamna  ,  l'inquisition 
que  l'on  établit  contre  eux  ,  ont 
fourni  une  ample  matière  de  dé- 
clamations aux  protestants  et  aux 
incrédules  leurs  copistes.  Les  uns 
et  les  autres  ont  répété  cent  fois 
que  cette  guerre  fut  une  scène 
continuelle    de  barbarie  ;  qu'il  y 


ALB 

avoit  »!»■  la  (lémoncc  à  vouloir  con- 
vertir des  hérétiques  par  le  fer  et 
par  le  leu  ;  que  le  vrai  motif  de 
cette  guerre  fut  l'ambition  du 
comte  de  Montfort  ,  qui  vouloit 
s'emparer  des  états  du  comte  de 
Toulouse,  et  de  la  fausse  politique 
de  nos  rois,  qui  ont  été  bien  aises 
d'en  partager  les  dépouilles. 

Nous  n'avons  aucun  dessein  de 
justifier  les  excès  qui  ont  pu  être 
commis  de  part  ou  d'autre  par  des 
gens  armés  ,  pendant  une  guerre 
de  dix-huit  ans  ;  nous  savons  assez 
que  dés  que  l'on  a  tiré  l'épée,  l'on 
se  croit  tout  permis  ;  qu'un  trait 
de  cruauté  commis  par  l'un  des 
deux  partis  devient  un  motif  ou 
un  prétexte  de  représailles  san- 
glantes :  c'est  ce  que  l'on  a  vu  dans 
nos  guerres  civiles  du  seizième  siè- 
cle ;  l'on  n'étoit  silrement  pas  plus 
modéré  au  treizième.  Nous  ne  pré- 
tendons pas  soutenir  non  plus  qu'il 
est  louable  ou  permis  de  poursui- 
vre à  feu  et  à  sang  des  hérétiques, 
dont  la  doctrine  n'intéresse  en  rien 
l'ordre  et  la  tranquillité  publique, 
et  dont  la  conduite  est  paisible 
d'ailleurs  ;  toute  la  question  est  de 
savoir  si  les  albigeois  étoient  dans 
ce  cas.  C'est  une  discussion  dans 
laquelle  nos  adversaires  n'ont  ja- 
mais voulu  entrer. 

i.°  Enseigner  que  le  mariage  ou 
la  procréation  des  enfants  est  un 
crime;  que  tout  le  culte  extérieur 
de  l'Eglise  catholique  est  un  abus, 
et  qu'il  faut  le  détruire  ;  que  tous 
les  pasteurs  sont  des  loups  ravis- 
sants, et  qu'il  faut  les  exterminer: 
est-ce  une  doctrine  f[ul  puisse  être 
suivie  et  réduite  en  pratique  sans 
que  Tordre  et  le  repos  public  en 
souffrent  ?  Les  pasteurs  de  l'Eglise 
peuvent-ils  se  croire  obligés  en 
conscience  de  la  tolérer  ;'Lc  comte 
de  Toulouse,  quels  que  fussent  ses 
motifs,  éloit-il  sage  ,  et  avoit- 
il  raison  de  la  proléger  î'ISous  sa- 
vons bien  qu'à  la  réserve  du  pre- 
mier   article    les   protestants   ont 


ALB  G.3 

été  de  cctavis;  mais  nousappelle- 
rons  toujours  au  tribunal  du  bon 
sens  ,  de  leur  décision.  Il  est  fort 
singulier  que  les  catholiques  aient 
dû  tolérer  des  opinions  qui  ne  ten- 
doient  à  rien  moins  qu'à  les  faire 
apostasier  et  à  les  faire  blasphémer 
contre  Jésus-Christ,  et  que  \e&  al- 
bigeois aient  été  dispensés  de  tolé- 
rer la  doctrine  catholique  ,  parce 
qu'elle  ne  s'accordoit  pas  avec  la 
leur. 

2.°  Quoi  qu'en  puissent  dire  les 
protestants  ,  les  albigeois  avoient 
commencé  par  des  insultes  ,  des 
voies  de  fait  et  des  violences  con- 
tre les  catholit[ues  et  contre  le  cler- 
gé ,  dès  qu'ils  s'étoient  sentisasscz 
forts.  L'an  ii4.7î  plus  de  soixan- 
te ans  avant  la  croisade ,  Pierre 
le  Vénérable,  abbé  de  Cluni,  écri- 
voit  aux  évèques  d'Embrun,  de  Die 
et  de  Gap  :  <t  On  a  vu  ,  par  un 
«  crime  inouï  chez  les  chrétiens  , 
»  rebaptiser  les  peuples  ,  profaner 
»  les  églises,  renverser  les  autels, 
)>  brûler  les  croix,  fouetter  lesprê- 
»  très,  emprisonner  les  moines ,  les 
u  contraindre  à  prendre  des  fem- 
»  mes  par  les  menaces  et  lestour- 
»  mcnts.  »  Parlant  ensuite  à  ces 
hérétiques  ,  il  leur  dit  :  «  Après 
»  avoir  fait  un  grand  biàcher  de 
»  croix  entassées,  vous  y  avez  mis 
»  le  feu;  vous  y  avez  fait  cuire  de 
))  la  viande  ,  et  en  avez  mangé  le 
»  vendredi  saint ,  après  avoir  in- 
»  vite  publiquement  le  peuple  à 
»  en  manger.»  Fleury,iï/A7;  ecc/t's.  , 
I.  6g,  n,  24.  C'est  pour  ces  belles 
expéditions  que  Pierre  de  Bruis 
fut  brûlé  à  Saint-Gilles  quelque 
temps  après.  Nous  aurions  peine 
à  les  croire,  si  les  protestants  n'a- 
voient  pas  renouvelé  ces  excès  au 
seizième  siècle. 

3.°  L'on  ne  peut  pas  douter  que 
tous  les  libertins  et  les  malfaiteurs 
de  ces  temps-là,  connus  sous  le 
nom  de  routiers,  coitereaux  elrnai- 
riades  y  ne  se  soient  joints  aux  al- 
bigeois   tlès  qu'ils  virent  que  sons 


6i  ALB 

prétexte  de  religion  l'on  pouvoit 
pilier  ,  violer  ,  brûler  et  saccager 
impunément.  C'est  ainsi    qu'à   la 
naissance  de  la  réforme ,  l'on  vit 
tous  les  ecclésiastiques  libertins, 
tous  les  moines  dyscoles  et  déréglés, 
tous  les  mauvais  sujets  de  l'Europe, 
embrasser  le  calvinisme  ,  afin  de 
satisfaire  en  liberté  leurs  passions 
criminelles.Unhuguenot,quiavoit 
un  ennemi  catholique ,  s'en  ven- 
geoit  à  son  aise  et  avec  honneur: 
les   enfants  révoltés  contre   leurs 
parents  les  menaçoient  d'aposta- 
sier;  un  paysan,  qui  en  vouloit  à 
son  seigneur  ou  à  son  curé,  pou- 
roit  exercer  contre  eux  toute   sa 
haine  :  les  prédicants  sanctifioient 
tous  les  crimes  commis  par  zèle  con- 
tre le  papisme  ;  leurs  successeurs 
les  excusent  encore   aujourd'hui. 
4.°  Avant  de  sévir  contre  les  al- 
bigeois, l'on  avoit  employé  pendant 
plus  de  quarante  ans  les  missions, 
les  instructions  et  toutes  les  voies 
que  la  charité  chrétienne  pouvoit 
suggérer. L'on  n'en  vint  aux  armes 
et  aux  supplices,  que  quand  ces 
hérétiques  intraitables  et  furieux 
ne  laissèrent  plus  aucune  espérance 
de  conversion.  Lorsque  saint  Ber- 
nard alla  en  Languedoc  pour  les 
combattre, l'an  1 147, il  n'étoitarmé 
que  de  la  parole  deDieu  et  de  ses  ver- 
tus.L'an  1 179,  leconcile  général  de 
Latrandit  anathcme  contre  eux,  et 
il  ajouta:  i^Quant  aux  Brabançons, 
»  Arragonnois,Navarrois, Basques, 
»  cottereaux  et  tria\ierdins,  qui  ne 
i>  respectent  ni  les  églises,ni  les  mo- 
i>  nastères,etn'épargnentni  orphe- 
»  lins,  ni  âge,  ni  sexe, mais  pillent  et 
»  désolent  tout  comme  des  païens, 

»  nous  ordonnons à  tous  les 

»  fidèles,  pour  la  rémission  de  leurs 
»  péchés, de  s'opposer  courageuse- 
»  ment  à  ces  ravages,  et  de  défendre 
»  les  chrétiens  contre  ces  malheu- 
»  reux.  »  Can.  27. Voilà  le  motif 
de  la  guerre  contre  les  albigeois 
clairement  exprimé,  et  c'est  pour 
cela  que  le  légat  Henri  marcha 


ALB 

contre  eux  avec  une  armée  ,  l'an 
n8i.  Cen'étoit  donc  pas  pour  les 
convertir  que  l'on  employoit  con- 
tre eux  la  violence,  mais  pour  ré- 
primer leurs  ravages. 

Les  excès  auxquels  ils  s'étoienl 
livrés  ,  sont  prouvés  ,  i.°  par  la 
confession  même  que  le  comte  de 
Toulouse  fit  publiquement  au  lé- 
gat,  l'an  1209,  pour  obtenir  son 
absolution  ;  2.°  par  le  vingtième 
canon  du  concile  d'Avignon  tenu 
la  même  année  ;  3.°  par  le  témoi- 
gnage des  historiens  du  temps,  té- 
moins oculaires.  Que  penser  des 
albigeois,  lorsque  l'on  voit  le  comte 
de  Toulouse  ,  leur  protecteur  , 
pousser  la  barbarie  jusqu'à  faire 
étrangler  son  propre  frère,  parce 
qu'il  s'étoit  réconcilié  à  l'Eglise 
catholique  i*Le  comte  de  Foixétoit 
un  monstre  encore  plus  cruel.  JÎ15/. 
de  TEgl.  gall. ,  t.  10  ,  1.  29  et  3o. 

Mosheim  a  déguisé  les  faits  avec 
sa  prudence  ordinaire  ;  il  dit  que 
toutes  les  sectes  hérétiques  du  trei- 
zième siècle  convcnoient  unanime- 
ment que  la  religion  dominante 
n'étoit  qu'un composébizarre d'er- 
reurs et  de  superstitions,  l'empire 
des  papes  une  usurpation  ,  et  leur 
autorité  une  tyrannie.  Ces  sectai- 
res, selon  lui,  ne  se  bornèrent  pas 
à  répandre  ces  opinions: ils  réfu- 
tèrent encore  les  superstitions  et 
les  impostures  du  temps  par  des  ar- 
guments tirésderEcrituresainte;ils 
déclamèrent  contre  la  puissance, 
les  richesses  et  les  vices  du  clergé. 
avec  un  zèle  d'autant  plus  agréable 
aux  princes  et  aux  magistrats  ci  vils, 
que  ceux-ci  étoient  las  des  usur- 
pations et  de  la  tyrannie  des  gens 
d'église.  Treizième  siècle,  2.*  part., 
ch.  5,  §  2. 

En  eflFet,  les  tisserands,  les  ma- 
nouvriers  ,  les  laboureurs  de  la 
Provence  et  du  Languedoc,  étoient 
des  docteurs  fort  habiles  dans  l'E- 
criture sainte;  au  concile  d'Albi, 
l'an  II 76,  l'evêque  de  Lodève  leur 
opposa  l'Ecriture  sainte,et  ils  fu- 


AlJi 
rcnt  confondus  ,  los  actes  on  font 
loi.  Leurs  seuls  arf^uiiients  étoienl 
les  déclamations,  les  railleries,  les 
insultes,  les  calomnies,  les  voies 
de  lait,  comme  ceux  des  huguenots. 
L'on  sait  d'ailleurs  quel  usage  les 
manichéens  savoient  faire  de  l'E- 
crituresainte;  nous  le  voyons  dans 
les  disputes  que  saint  Augustin 
soutint  contre  eux. 

Quand  il  seroit  vrai  que  la  reli- 
gion dominante  au  treizième  siècle 
étoit  un  amas  d'erreurs  et  de  su- 
perstitions, celle  des  a/6/^eo75valoit 
encore  moins  ;  puisque  c'étoit  un 
chaos  de  rêveries  de  deux  ou  trois 
sectes  différentes.  Quand  celle-ci 
auroit  été  plus  pure,  il  n'apparte- 
noit  pas  à  de  simples  particuliers, 
sans  mission,  de  l'établir,  encoi'e 
moins  d'employer  la  violence ,  le 
meurtre,  le  brigandage,  pour  en 
venir  à  bout.  Parce  que  les  pro- 
testants ont  fait  de  même ,  ce  n'est 
pas  une  raison  d'approuver  cette 
étrange  manière  de  réformer  l'É- 
glîse. 

Si  les  princes  étoient  las  de  la 
tyrannie  des  gens  d'église  ,  com- 
iTient  ont-ils  pu  soutenir  à  main 
armée  les  efforts  que  faisoient  le 
pape  et  les  évêques  pour  réprimer 
les  albigeois? 

Nous  ne  prendrons  pas  la  peine 
de  réfuter  les  motifs  odieux  pour 
lesquels  on  prétend  que  nos  rois , 
et  surtout  saint  Louis,  sont  entrés 
dans  la  guerre  contre  le  comte  de 
Toulouse  et  contre  les  albigeois. 
A  la  vérité,  le  traité  par  lequel  ce 
seigneur  fît  sa  paix  avec  saint  Louis, 
;mi228,futtrès  avantageux  à  la  cou- 
ronne ,  puisqu'il  y  fut  stipulé  que 
l'héritière  du  comte  de  Toulouse 
e.pouseroilun  des  frères  du  roi,  et, 
<{u'au  défaut  d'enfants  mâles  ,  ce 
<;omté  reviendroit  au  roi.  Mais 
lorsque  la  croisade  contre  les  al- 
bigeois fut  résolue,  dix-huit  ans 
auparavant,  on  ne  pouvoltpaspré- 
voir  cette  clause,  et  il  nous  paroît 
que  le  comte  de  Toulouse  dut  se 


ALB  65 

tenir  forthonoré  de  cette  alliance. 
II  se  révolta  quatorze  ans  après , 
trait  qui  ne  lui  fait  pas  honneur; 
mais  la  victoire  de  saint  Louis  à 
Taillebourg  força  ce  vassal  rebelle 
de  se  soumettre;  dès-lors  les  albi- 
geois,  privés  de  toute  protection, 
lurent  aisément  détruits, 

Basnage  ,  dans  son  Histoire  de 
V Eglise^  '-24,  a  fait  tous  ses  efforts 
pour  réfuter  l'histoire  des  albigeois 
tracée  par  M.  Bossuct  ;  voici  ce 
qui  résulte  de  toutes  ses  recherches. 

I .°  Avant  que  les  manichéens  l'é- 
pandus  dans  laLombardie  au  dou- 
zième siècle  eussent  pénétré  en 
France  ,  il  y  avoit  déjà  dans  nos 
provinces  méridionales  des  secta- 
teurs de  Pierre  et  de  Henri  de 
Bruis,  qui  y  dogmatisoient  et  y  te- 
noient  des  assemblées.  Quoiqu'ils 
n'eussent  point  les  mêmes  opinions 
que  les  manichéens,  ils  ne  laissèrent 
pas,  lorsque  ceux-ci  arrivèrent,  de 
se  joindre  à  eux  et  de  faire  cause 
commune  avec  eux, de  même  qu'au 
treizième  siècle  ils  s'associèrent  en- 
core aux  vaudois.  Telle  a  toujours 
été  la  politique  des  sectaires ,  afin 
de  faire  nombre  et  de  tenir  tête 
aux  catholiques. Par  la  même  rai- 
son les  vaudois  se  sont  ensuite 
joints  aux  calvinistes  ,  quoiqu'ils 
n'eussent  pas  la  même  croyance. 

2.°  De  là  même  il  résulte  qu'au 
treizième  siècle  \es albigeois  étoient 
un  ramas  de  manichéens,  d'ariens, 
depétrobrusicns,  de  henricicns  et 
de  vaudois,  très-peu  d'accord  sur 
le  dogme,  mais  réunis  par  intérêt 
et  par  la  haine  contre  l'Eglise  ro- 
maine et  son  clergé;  que  la  plupart 
très-ignorants  ne  savoient  pas  trop 
ce  qu'ils  croyoient  ou  ne  croyoient 
pas.  De  là  vient  la  variété  des 
récits  que  les  historiens  du  temps 
ont  laits  de  la  doctrine  de  ces  sec- 
taires. 

3.°  Dans  les  interrogatoires  que 
l'on  fit  subir  à  leurs  chefs,  et  dans 
les  conciles  où  ils  furent  condam- 
nés, il  ne  fut  pas  aisé  de  découvrir 
5 


66  ALC 

et  de  distinguer  leurs  différentes 
opinions  ,  soit  parce  que  ces  prc- 
dicants  n'avoient  aiicune  doctrine 
fixe,  soit  parce  qu'ils  cachoient 
avec  soin  celles  de  leurs  erreurs 
qui  pouvoienl  inspirer  le  plus 
d'horreur  aux  catholiques. 

4.°  Par-là  même  on  voit  le  ridi- 
cule de  Basnage  et  des  protestants, 
qui  veulent  faire  passer  les  albigeois 
pour  leurs  ancêtres  ;  aucun  de  ces 
hérétiques  n'auroit  voulu  signer 
une  profession  de  foi  luthérienne 
ou  calviniste,  et  aucun  protestant 
sincère  ne  voudroit  adopter  toutes 
les  rêveries  des  différentes  sectes 
^albigeois. 

5.°  Basnage  a  eu  grand  soin  de 
dissimuler  les  véritables  raisons 
pour  lesquelles  on  fut  obligé  de 
sévir  contre  ces  mécréants,  savoir: 
leurs  violences,  leurs  voies  de  fait, 
leur  fureur  contre  le  culte  exté- 
rieur de  l'Eglise  catholique  et  con- 
tre le  clergé. Il  veut  persuader  qu'on 
les  punissoit  uniquement  pour 
leurs  erreurs  ,  ce  qui  est  faux.  Si 
quelquefois  on  a  condamné  au 
supplice  des  novateurs,avant  qu'ils 
eussent  eu  le  temps  de  se  former 
un  parti  redoutable  ,  c'est  que 
leur  doctrine  et  leurs  principes 
tendoient  directement  à  la  sédition 
et  à  troubler  la  tranquillité  pu- 
blique. Voyez  HÉRÉTIQUE. 

ALCORAN.  Voy.  Mahométisme. 

ALCUIN ,  diacre  de  l'Église 
d'Yorck,  fut  appelé  en  France  par 
Charlemagne,  et  eut  l'avantage  de 
donner  des  leçons  à  cet  empereur, 
«t  de  contribuer  au  rétablissement 
des  lettres  ;  il  mourut  dans  son  ab- 
baye de  Saint-Martin  de  Tours  , 
en  804.  Il  a  fait  plusieurs  ouvrages 
théologiques  qui  se  sentent  de  la 
rudesse  du  huitième  siècle  ;  mais 
la  doctrine  en  est  pure.  L'auteur 
doit  être  rangé  parmi  les  écrivains 
ecclésiastiques  et  les  témoins  de  la 
tradition. L'on  attend  la  nouvelle 


ALE 

édition  de  ses  œuvres,  promise  par 
un  savant  bénédictin  de  la  congré- 
gation de  Saint- Vannes  ;  elle  sera 
plus  exacte  et  plus  complète  que 
celle  d'André  Ijuchesne  ,  en  3  vo- 
lumes in-fol. 

Basnage  a  voulu  persuader  qu',^?- 
cuin  n'étoit  pas  du  sentiment  ca- 
tholique touchant  l'Eucharistie  ; 
le  contraire  est  prouvé  dans  la 
Perpétuité  de  la  foi,  tom.  i,l.  8,c.4' 

ALEXANDRIE.  Nous  n'avons 
à  parler  que  de  l'Eglise  fondée  dans 
celte  ville  célèbre.  Selon  tous  lejs 
monunients  anciens  de  l'histoire 
ecclésiastique  ,  c'est  saint  Marc  , 
disciple  de  saint  Pierre,  qui  a  prê- 
ché l'Évangile  àans  Alej:andrie,  et 
y  a  fondé  une  Église.  M.  de  Valois 
pense  que  ce  fut  la  neuvième  année 
de  l'empereur  Claude,  environ  dix- 
sept  ans  aprè^  la  nnort  de  Jésus- 
Christ  :  d'autres  placent  cet  événe- 
ment dix  ans  plus  tard. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  l'on  ne  pou- 
voit  ignorer  dans  Alexandrie,  ville 
remplie  de  Juifs  ,  ce  qui  s'étoit 
passé  en  Judée  dix-sept  ans  aupa- 
ravant :  il  y  avoit  un  commerce 
habituel  entre  Alexandrie  et  Jéru- 
salem, et  une  synagogue  dans  cette 
dernière  pour  les  Alexandrins. 
Act.,  c.  6 ,  ^.  9.  Si  saintMarc  avoit 
raconté  des  faits  imaginaires  dans 
l'Evangile  ([u'il  écrivit  pour  l'in- 
struction des  nouveaux  fidèles  ,  il 
leur  auroit  été  très-aisé  d'en  con- 
stater la  fausseté.  Apollo ,  disciple 
de  saint  Paul ,  étoit  d'Alexandrie. 
Ad.,  c.  18,  y!'.  24.  Les  troubles 
qui  causèrent  la  ruine  de  Jérusalem 
ne  se  firent  point  seJitir  en  Egypte; 
l'Eglise  naissante  put  y  jouir  d'une 
longue  tranquillité.  SaintMarc  eut 
une  suite  non  interrompue  de  suc- 
cesseurs dont  Eusèbe  a  donné  la 
liste;  la  tradition  apostolique  a  dû 
se  conserver  long-temps  sans  al- 
tération dans  cette  Église  patriar- 
cale. On  sait  ({u' Alexandrie  étoit 
unedes  villesoùlessciences  éloient 


ALE 

le  plus  ctillivées  ;  il  y  avoit  une 
école  de  philosophie.  Panthaeniis, 
Clémenl  à"" Alexandrie  ,  Origciie  , 
y  furent  instruits  et  y  donnèrent 
ensuite  des  leçons.  Ce  n'est  donc 
pas  dans  les  ténèbres  ,  ni  sous  le 
voile  de  l'ignorance  que  le  chris- 
tianisme s'est  établi  dans  Alexan- 
drie. Ceux  qui  ont  cru  en  Jésus- 
Christ,  ne  l'ont  pas  fait  sans  s'être 
informés  de  la  vérité  des  faits  pu- 
bliés par  les  apôtres.  Il  n'est  pas 
douteux  que  cette  Eglise  n'ait  eu 
une  liturgie  qui  lui  étoit  propre, 
et  il  est  très-probable  que  c'est 
celle  qui  a  paru  dans  la  suite  sous 
le  nom  de  saint  Marc.  Nous  en 
parlerons  au  mot  Liturgie. 

II  n'est  aucune  des  anciennes 
Eglises  qui  ait  été  aussi  agitée  que 
celle  à^ Alexandrie  ;  cette  ville  , 
grande,  riche  et  très-peuplée,  étoit 
partagée  en  trois  religions,  le  pa- 
ganisme ,  le  judaïsme  et  le  chris- 
tianisme ,  et  ses  habitants  étoient 
naturellement  .séditieux  et  vio- 
lents. Pour  cette  raison  ,  les  em- 
pereurs furent  obligés  d'accorder 
beaucoup  d'autorité  à  l'évêque  ; 
sa  juridiction  s'étendit  bientôt  sur 
toute  l'Egypte.  La  célébrité  de  l'é- 
cole à'Alcxandrie  contribua  en- 
core à  lui  donner  beaucoup  de 
considération  parmi  les  autres 
évêques  ;  mais  plus  cette  place 
étoit  importante  ,  plus  elle  étoit 
exposée  à  de  fréquents  orages.  Dés 
le  commencement  du  troisième 
siècle,  l'ordination  d'Origène,  qui 
parut  irrégulière  à  deux  évêques 
à' Alexandrie  y  leur  fournit  nu.  su- 
jet de  troubler  le  repos  de  ce  grand 
homme  ;  d'autres  le  protégèrent , 
en  particulier  Denys,  qui  occupa 
ce  siège  vers  l'an  aSo  :  mais  celui- 
ci  à  son  tour  fut  accusé  d'avoir 
préparé  les  voies  à  l'erreur  d'A- 
rius.  L'an  3o6,  le  schisme  de  Mé- 
lece  divisa  cette  Eglise,  et  l'an  Sac 
Arius  commença  d'y  publier  son 
hérésie.  On  sait  combien  elle  causa 
de  désordres  dans  tonte  l'Eglise, 


AI.E  G; 

et  .i  quelles  persécutions  saint 
Athanase  fut  exposé  ,  parce  qu'il 
soutenoit  avec  zèle  la  divinité  de 
Jésus-Christ.  Théophile  ,  «n  de 
ses  successeurs  en  385,  fut  ennemi 
de  saint  Jean-Chrysostôme  ,  et 
augmenta  les  brouilleries  qui  ré- 
gnoientdéjà  entre  les  évêques  d'^- 
lexandrie  et  ceux  de  Constanti- 
nople.  L'épiscopat  de  saint  Cyrille, 
neveu  et  successeur  de  Théophile, 
fut  très-orageux;  Nestorius,  qu'il 
condamna  dans  le  concile  d'E- 
phèse,  en  43 1 ,  et  contre  lequel  il 
écrivit ,  eut  beaucoup  de  partisans 
qui  accusèrent  saint  Cyrille  d'eu- 
tychianisme.  Dioscore  qui  lui  suc- 
céda ,  embrassa  ouvertement  le 
parti  d'Eutychès  ;  il  résista  aux 
décisions  du  concile  de  Chalcé- 
doine  ,  tenu  l'an  4^1  »  et  entraîna 
toute  l'Egypte  dans  son  schisme. 
Lorsqu'on  voulut  mettre  sur  ce 
siège  des  évêques  catholiques ,  les 
Alexandrins  en  massacrèrent  un  et 
en  chassèrent  un  autre.  Pendant 
près  d'un  siècle  ,  les  empereurs 
employèrent  vainement  toute  leur 
autorité  pour  rétablir  la  paix  ; 
leurs  efforts  n'aboutirent  qu'à  ai- 
grir les  Egyptiens  contre  le  gou- 
vernement. L'an  63o,  le  patriarche 
Cyrus  fut  le  premier  auteur  du 
monothélisme,  et  quatre  ans  après, 
les  mahométans  conquirent  et  ra- 
vagèrent l'Egypte. 

Basnage  ,  dans  son  Histoire  de 
VEglise  ,  liv.  a  ,  s'est  beaucoup 
étendu  sur  ce  tableau;  son  dessein 
étoit  de  prouver  que  les  évêques 
à'' Alexandrie  n'ont  jamais  reconnu 
la  juridiction  du  pontife  romain, 
et  ne  lui  ont  jamais  été  soumis.  Ce 
n'estpas  ici  le  lieu  de  discuter  tous 
les  faits  dont  il  veut  tirer  avan- 
tage ;  mais  quand  l'indépendance 
de  ces  évêques  seroit  encore  mieux 
prouvée,  qu'en  résulteroit-il  ?  Les 
tristes  effets  qu'elle  a  produits 
suffiroient  pour  démontrer  contre 
les  protestants  la  nécessité  d'un 
centre  d'unité  dans  la  foi ,  et  d'un 
5. 


C8  ALL 

chef   dans  l'ëpiscopat  ;  puisque  , 

faute    d'en    reconnoître    un  ,    les 

fiatriarches  d'Alexandrie  ont  vu 
eur  Ejçlise  sans  cesse  agitée  par 
des  schismes  et  par  des  hérésies  , 
jtisqu'à  ce  qu'enfin  le  christianisme 
y  ai  tété  presque  entièrement  aboli; 
il  n'y  en  a  plus  qu'un  foible  reste 
parmi  les  cophtes  ,  et  encore  y 
est-il  très-défiguré  par  l'ignorance 
et  par  l'erreur.  Voyez  Cophtes  , 
Egypte. 

L'abbé  Renaudot  a  donné  une 
histoire  des  patriarches  d'Alexan- 
drie ,  depuis  la  fondation  de  cette 
Eglise  jusqu'au  treizième  siècle. 

ALLÉGORIE,  discours  dont  le 
sens  est  détourné ,  ou  qui ,  sous  le 
sens  littéral  ,  cache  un  autre  sens 
moins  facile  à  saisir.  Ce  mot  vient 
du  grec  a).>lyj  âyoptuo)  ,  je  parle  au- 
trement., c'est  par  conséquent  une 
métaphore  continuée.La  différence 
entre  une  allégorie  el  une  parabole, 
est  que  la  première  renferme  un 
sens  historique  ou  littéral  vrai  , 
au  lieu  que  la  seconde  est  une  es- 
pèce de  fable  ,  dont  les  person- 
nages ou  les  faits  n'ont  jamais 
existé.  Ainsi  saint  Paul  ,  Galat.  , 
c.  ^,yf.  22,  nous  apprend  que  ce 
quiest  ditdes  deuxfils  d'Abraham, 
dont  l'un  étoit  né  d'une  esclave  , 
Vautre  d'une  épouse,  est  une  allé- 
gorie qui  signifie  les  deux  alliances 
que  Dieu  a  faites  avec  les  hommes , 
dont  l'une  produisoit  des  esclaves , 
l'autre  faitnaître  des  enfants  libres; 
que  la  loi  qui  déiendoit  aux  Juifs 
de  lier  le  mufle  du  bœuf  qui  fou- 
loit  le  grain,  signifioit  que  les  fi- 
dèles dévoient  fournir  la  substance 
aux  ouvriers  évangéliques  ,  etc. 
Cela  n'empêche  pas  que  l'histoire 
des  deux  enfants  d'Abraham  ne 
soit  vraie  ,  et  que  la  loi  imposée 
aux  Juifs  n'ait  du  être  exécutée  à 
la  lettre.  Au  contraire ,  les  para- 
boles dont  se  servoit  Jésus-Christ 
pour  instruire  le  peuple  ,  comme 
celle  de  l'enfant  prodigue,  de  la 


ALL 

brebis  perdue,  etc. ,  ne  sont  point 
des  narrations  historiques  ,  mais 
des  fictions  ,  dont  le  but  est  de 
peindre  la  bonté  et  la  miséricorde 
de  Dieu  envers  les  pécheurs.  Voyez 
Parabole. 

Outre  le  sens  allégorique  de  l'E- 
criture sainte  ,  les  interprètes  y 
distinguent  encore  un  sens  tropo- 
logique ,  qui  regarde  les  mœurs ,  et 
un  sens  anagogique  ,  qui  concerne 
les  récompenses  que  Dieu  nou."» 
promet  dans  l'autre  vie.  Voy.  Ecri- 
ture SAINTE,  §  3. 

De  là  quelques  incrédules  ont 
pris  occasion  de  conclure  que  les 
auteurs  sacrés  ont  écrit  exprès 
dans  un  style  énigmatiqu-e ,  afin 
de  tromper  les  auditeurs  et  les 
lecteurs  :  conséquence  très  -  peu 
réfléchie.  Quand  nous  disons  que 
l'Ecriture  sainte  a  souvent  un  sens 
allégorique  ou  figuratif,  nous  ne 
prétendons  pas  que  les  écrivains 
sacrés  ont  eu  toujours  en  vue  un 
double  sens.  Il  n'est  pas  certain 
que  Moïse ,  en  parlant  des  deux  en- 
fants d'Abraham,  a  compris  que 
l'un  étoit  une  figure  du  peuple 
juif,  l'autre  du  peuple  chrétien  ; 
ni  qu'en  portant  la  loi  dont  nous 
avons  parlé,  il  pensoit  à  pourvoir 
à  la  subsistance  des  prédicateurs 
de  l'Evangile.  Il  peut  avoir  ignoré 
le  dessein  que  Dieu  avoit  en  lui 
faisant  écrire  cette  histoire  et  por- 
ter cette  loi  ;  et  Dieu  s'est  réservé 
de  le  révéler  aux  écrivains  du  nou- 
veau Testament.  Moïse  n'a  donc 
péché  ni  contre  la  sincérité  d'un 
historien  ,  ni  contre  la  sagesse 
d'un  législateur.  Il  en  est  de  niême 
des  prophètes  et  des  autres  histo- 
riens sacrés  ;  tous  peut-être  n'ont 
eu  en  vue  que  le  sens  littéral  ;  mais 
cela  n'empêche  pas  que  Dieu  n'ait 
pu  nous  découvrir ,  sous  l'écorce 
de  la  lettre,  un  autre  sens  ,  ou  par 
Jésus-Christ,  ou  par  les  apôtres, 
ou  par  les  docteurs  de  l'Eglise.  Il 
ne  s'ensuit  pas  de  là  que  Dieu  a 
trompé   les   écrivains  sacrés  ,  ni 


ALL 

qu'il  a  voulu  induire,  en  erreur  les 
Juifs,  dépositaires  des  Ecrilures; 
tl  s'ensuit  seulement  qu'il  n'a  pas 
révélé  à  ces  anciens  tout  ce  qu'il 
se  proposoit  de  faire  dans  la  suite 
des  siècles. 

Nous  lisons  dans  l'Evangile  , 
Joan. ,  c.  II  ,  ]5i!^.  49,  que  Caïphe 
dit  aux  prêtres  et  aux  pharisiens 
rassemblés ,  en  parlant  de  Jésus- 
Christ:  «Vous  n'y  entendez  rien; 
»)  vous  ne  voyez  pas  qu'il  est  ex- 
»  pédient  pour  vous  que  cet  homme 
i>  meure  pour  le  peuple ,  et  pour 
»  que  toute  la  nation  ne  périsse 
«  point.  »  L'Evangile  ajoute  : 
«  Caïphe  ne  dit  point  cela  de  luî- 
»  même  ;  mais  ,  comme  il  étoit 
»  pontife  ,  il  prophétisa  que  Jé- 
))  sus  mourroit  non  -  seulement 
»  pour  le  peuple,  mais  pour  ras- 
»  sembler  tous  les  enfants  de  Dieu.  » 
Caïphe  fit  donc  une  prédiction 
sans  le  savoir  ;  son  discours  fut 
une  allégorie  dont  il  ne  compre- 
noit  pas  tout  le  sens.  Mais,  soit 
que  les  écrivains  de  l'ancien  Tes- 
tament aient  compris  tout  le  sens 
de  ce  qu'ils  disoient,  ou  qu'ils  n'en 
aient  vu  qu'une  partie,  ils  n'ont 
été  ni  trompeurs  ni  trompés. 

C'est  une  question  de  savoir  si, 
dans  le  dessein  de  Dieu ,  toute  la 
loi  de  Moïse  étoit  figurative  ;  si  l'on 
peut  et  si  l'on  doit  donner  à  tous 
les  événements  de  l'ancien  Testa- 
ment un  sens  allégorique  ,  et  les 
e  uvisager  comme  autant  de  types 
e  de  figures  de  ce  qui  arrive  dans 
le  nouveau.  Nous  examinerons 
c  ette  question  au  mot  Figure  et 

F/GURISME, 

Non-seulement  plusieurs  incré- 
dules, mais  quelques  auteurs  chré- 
tiens ,  ont  pensé  que  les  anciennes 
prophéties  ne  pouvoient  être  ap- 
pliquées à  Jésus-Christ  que  dans 
un  sens  allégorique  ;  que  dans  le 
sens  littéral  elles  regardoient  d'au- 
tres personnages  et  d'autres  évé- 
nements. Nous  prouverons  le  con- 
traire a»  mot  Prophétie, 


ALJL  G9 

De  même  que  les  anciens,  sur- 
tout les  Orientaux  ,  aimoient  à 
parler  en  paraboles ,  ils  avoienï 
aussi  du  goût  pour  les  allégories-^ 
ils  se  plaisoieut  à  trouver  dans  un 
événement  quelconque  la  figure 
d'un  autre  événement.  Un  de  nos 
philosophes  ,  très-appliqué  à  tour- 
ner en  ridicule  les  livres  saints  , 
est  convenu  qu'une  ancienne  cou- 
tume de  l'Orient  étoit  non-seu- 
lement de  parler  en  allégories ,  mais 
d'exprimer,  par  des  actions  sin- 
gulières, les  choses  qu'on  vouloit 
signifier ,  et  de  peindre  aux  yeux 
des  auditeurs  les  objets  dont  on 
vouloit  leur  frapper  l'imagination. 
Rien  n'étoit,  dit-il ,  plus  naturel; 
car  les  hommes  n'ayant  écrit  long- 
temps leurs  pensées  qu'en  hié- 
roglyphes ,  ils  dévoient  prendre 
l'habitude  de  parler  comme  ils 
écrivoient.  Nous  ne  devons  donc 
pas  être  étonnés  de  ce  que  Dieu  a 
souvent  ordonné  aux  prophètes 
des  actions  qui  sembloient  ridi- 
cules ,  mais  qui  éloient  très-capa- 
bles d'exciter  l'attention  des  spec- 
tateurs, et  qui  renfermoient  beau- 
coup de  sens. 

Ainsi,  le  prophète  Isaïe  marche 
au  milieu  de  Jérusalem  avec  la  nu- 
dité des  esclaves  ,  pour  annoncer 
aux  Juifs  leur  sort  futur,  Isaï.  , 
c.  20  ;  Jérémie  met  un  joug  sur  ses 
épaules,  pour  leur  montrer  d'a- 
vance celui  qui  leur  sera  imposé 
par  Nabuchodonosor  ;  il  envoie 
des  chaînes  aux  rois  de  l'Idumée, 
de  Moab  et  de  Tyr ,  symbole  de 
celles  dont  ils  étoient  menacés. 
Dieu  ordonne  à  Osée  d'épouser  une 
prostituée  ,  de  l'abandonner  pen- 
dant quelque  temps ,  et  de  la  re- 
prendre ensuite  ,  pour  peindre  la 
conduite  de  Dieu  à  l'égard  de  la 
nation  juive  ,  etc.  G'étoient  des 
allégories  très-frappantes ,  et  l'on 
en  trouve  quelques  exemples  dans 
l'histoire  profane. 

Puisque  telle  étoit  la  tournure 
des  mœurs  antiques ,  il  n'est  i)a5 


7© 


ALL. 


surprenant  que  les  Juifs  aient  sou- 
vent donné,  un  sens  allégorique  aux 
laits  de  l'histoire  sainte.  Saint  Paul 
l'a  fait  plus  d'une  fois  ;  les  Pères 
de  r  Eglise  les  plus  anciens  l'ont 
imité. ,  parce  que  cette  manière 
d'instruire  étoit  du  goût  de  leurs 
auditeurs.  Mais  les  protestants  leur 
en  font  un  crime  ;  ils  disent  que 
cette  méthode  ,  ridicule  en  elle- 
même  ,  n'est  bonne  qu'à  pallier 
l'ignorance  du  prédicateur  ,  à  faire 
passer  des  visions  pour  des  vérités 
importantes,  à  donner  aux  audi- 
teurs un  goût  faux,  à  les  détourner 
de  la  recherche  du  sens  littéral  et 
naturel  de  l'Ecriture  sainte.  Tel 
est  le  jugement  qu'en  a  porté  Bar- 
beyrac  ,  Traité  de  la  morale  des 
Pères,  c.  7,  §  6  et  suiv.  Il  sou- 
tient que  l'exemple  des  apôtres  ne 
peut  pas  servir  à  justifier  les  Pères. 

i.°  Les  apôtres,  dit-il ,  ont  fait 
rarement  usage  des  allégories  ,  et 
les  Pères  s'en  servent  continuelle- 
ment ;  les  premiers  y  ont  recours, 
plutôt  pour  montrer,  dans  l'an- 
cien Testament ,  les  mystères  de 
Jésus-Christ,  que  pour  en  tirer 
des  leçons  de  morale  ;  à  peine  en 
trouve-t-on  deux  ou  trois  exem- 
ples dans  saint  Paul,  au  lieu  que 
les  Pères  n'en  donnent  presque 
point  d'autres. 

Cependant  saint  Matthieu  a  pris 
dans  un  sens  allégorique  au  moins 
vingt  prophéties  de  l'ancien  Tes- 
tament :  c'est  un  reproche  que  lui 
font  les  incrédules  ;  et  Barbeyrac  , 
sans  le  savoir  ,  a  pris  la  peine  de 
le  confirmer.  Saint  Paul  a  tourné 
en  leçon  de  morale,  non -seule- 
ment la  loi  duDeutéronome,  dont 
nous  avons  parlé,  et  celle  qui  dé- 
♦endoit  de  se  servir  de  pain  levé 
dans  la  célébration  de  la  pâque , 
mais  encore  la  loi  de  la  circonci- 
sion ,  celle  du  sabbat ,  celle  des 
ablutions,  celle  des  abstinences, 
les  promesses  faites  à  Abraham , 
les  reproches  et  les  menaces  adres- 
sés aux  Juifs   par  Isaïe,  etc.  Les 


ALL 

Juifs  modernes  en  font  un  crime 
à  saint  Paul  ;  ils  disent  que  c'est 
un  expédient  imaginé  par  cet  apô- 
tre ,  pour  exempter  ses  prosélytes 
de  l'observation  de  la  loi  cérémo- 
nielle.  Il  est  fâcheux  que  Barbeyrac 
n'ait  pas  vu  qu'il  autorisoit  l'en- 
têtement des  Juifs. 

Saint  Pierre  ,  epist.  i,  cap.  2, 
"^ .  6,  tourne  en  leçon  de  morale 
la  prophétie  d'Isaïe,  c.  8,3i^.  i4, 
concernant  la  pierre  angulaire  qui 
écrase  les  incrédules  ;  celle  d'Osée, 
c.  2 ,  S •  24 ,  qui  regarde  les  Juifs 
rentrés  en  grâce  avec  Dieu  ;  l'exem- 
ple des  pécheurs  exterminés  par  le 
déluge ,  et  il  compare  le  baptême 
à  l'arche  de  Noé ,  c.  3 ,  ^.  29,  etc. 
Ces  sortes  de  leçons  ne  sont  donc 
pas  aussi  rares  dans  les  écrits  des 
apôtres  que  Barbeyrac  le  prétend. 

2."  Il  dit  que,  comme  les  écri- 
vains sacrés  étoient  inspirés ,  nous 
devons  les  croire,  lorsqu'ils  nous 
découvrent  un  sens  allégorique , 
dans  un  fait  ou  dans  une  loi ,  où 
nous  ne  l'aurions  pas  aperçu  ;  mais 
qu'ils  n'ont  commandé  à  personne 
de  faire  de  même ,  et  qu'ils  n'ont 
donné  aucune  règle  pour  décoii- 
vrir  ces  sortes  de  sens;  qu'ainsi  ce 
sont  des  explications  arbitraires 
et  de  vaines  imaginations. 

Nouvelle  imprudence  :  comment 
n'a-t-il  pas  vu  que  les  incrédules 
se  prévaudroient  encore  de  cette 
remarque  et  la  tourneroient  contre 
les  apôtres  mêmes  ?  En  e£Fet ,  les 
incrédules  disent  que  l'inspiration 
prétendue  ne  peut  pas  rendre  réel 
ce  qui  est  imaginaire,  ni  respec- 
table ce  qui  est  ridicule,  ni  J!isli- 
fier  un  sens  auquel  il  est  évident 
que  le  législateur  des  Juifs  et  leurs 
prophètesn'ont  jamais  pensé  :  c'est 
à  Barbeyrac  de  prouver  le  con- 
traire. Il  s'ensuit  seulement  de  son 
observation  que  les  explications 
allégoriques  données  par  les  Pères 
ne  sont  pas  des  articles  de  foi  ;  et 
qui  l'a  jamais  prétendu? Les  apô- 
tres n'ont  pas  commandé  ces  ex- 


ALI. 

plicalions,  mais  ils  ne  les  ont  pas 
défendues  non  plus ,  puisque  saint 
Barnabe  et  saint  Clément  en  ont 
fait  grand  usage  ;  nous  devons 
présumer  qiie  ces  deux  disciples 
immédiats  des  apôtres  connois- 
soient  pour  le  moins  aussi-bien 
les  intentions  de  leurs  maîtres  , 
que  les  critiques  protestants  du 
17.*  ou  du  18.*  siècle. 

3.°  Les  apôtres,  continue  le  cen- 
seur des  Pères,  ont  donné  des  sens 
allégoriques  à  l'Ecriture  sainte  , 
par  condescendance  pour  les  Juifs 
qui  avoient  du  goût  pour  ce  genre 
d'instruction  ;  mais  ce  n'est  pas 
un  exemple  à  suivre  :  ce  goilt  est 
pernicieux  en  lui-même  ,  parce 
qu'il  nous  détourne  de  la  recherche 
du  sens  littéral  et  vrai  de  la  parole 
de  Dieu, 

Nous  n'avouerons  jamais  qu'un 
genre  d'instruction  duquel  les 
apôtres  se  sont  servis,  soit  perni- 
cieux en  lui-memê  ;  mais  nous 
soutenons  que  les  Pères  l'ont  mis 
en  usage  par  le  même  motif,  par 
condescendance  pour  leurs  audi- 
teurs. En  effet,  après  saint  Bar- 
nabe et  saint  Clément  de  Rome  , 
les  deux  Pères  de  l'Eglise  qui  y  ont 
été  le  plus  attachés  ,  sont  saint 
Clément  d'Alexandrie  et  Origène; 
l'un  et  l'autre  instruisoient  et  écri- 
voienl  en  Egypte  :  or,  les  Juifs 
d'Alexandrie  étoient  1res -accou- 
tumés aux  explications  a/Z^^g'on'^Mes 
de  l'Ecriture  sainte ,  témoin  les 
ouvrages  de  Philon.  Les  Egyptiens 
en  général  n'y  étoient  pas  moins 
habitués  par  l'usage  de  leurs  hié- 
roglyphes. 

Une  autre  preuve  du  motif  qui 
a  conduit  les  Pères,  c'est  qu'ils  ne 
se  bornent  point  au  sens  mystique 
ou  allégorique  de  l'Ecriture  sainte. 
Origène,  avant  d'y  avoir  recours, 
donne  assez  souvent  l'explication 
liltérale  du  texte,  et  l'on  connoîl 
les  travaux  entrepris  par  ce  savant 
homme  pour  confronter  le  texte 
fiébreu    avec    les   versions.  Saint 


ALL 


7» 


Grégoire  de  Nysse  ,  après  avoir 
tiré  de  la  loi  de  Moïse  un  grand 
nombre  à'' allégories  ^  conclut  ainsi: 
n  Ce  que  nous  venons  de  propo- 
»  ser ,  se  réduit  à  des  conjectures-, 
M  nous  les  abandonnons  au  juge- 
»  ment  des  lecteurs  :  s'ils  les  re- 
»  jettent  ,  nous  ne  réclamerons 
»  point;  s'ils  les  approuvent,  nous 
»  n'en  serons  pas  pour  cela  plus 
»  contents  de  nous-mêmes.  »  L.de 
Vitâ  Mosis ,  pag.  223.  Saint  Au- 
gustin, peu  de  temps  après  sa  con- 
version ,  avoit  écrit  deux  livres 
sur  la  Genèse  contre  les  mani- 
chéens ,  où  il  avoit  donné  des  rai- 
sons allégoriques  de  la  plupart  des 
faits ,  parce  que  je  ne  vojrois  pas , 
dit-il ,  comment  on  pouvait  les  en- 
tendre dans  le  sens  propre.  Mieux 
instruit  dans  la  suite,  il  fit  un 
autre  ouvrage  sur  la  Genèse,  prise 
dans  le  sens  littéral ,  de  Genesi  ad 
litteram.  La  bonne  foi  auroit  exigé 
que  Beausobre  fit  cette  remarque, 
avant  de  censurer  saint  Augustin, 
Hist.  du  Manich.  ,  tom.  1 ,  I.  i. 
c.  4  5  pag>  283. 

C'est  donc  très -mal  à  propos 
que  l'on  blâme  les  Pères  de  l'E- 
glise; voudroit-on  qu'ils  eussent 
pris  une  autre  méthode  d'in- 
struire, qui  auroit  déplu  à  leurs 
auditeurs ,  et  qui  n'auroit  pas  été 
écoutée  ?  Juger  du  goiàt  du  second 
et  du  troisième  siècle  de  l'Eglise 
par  celui  du  dix-huitième  ,  c'est 
une  absurdité.  En  second  lieu,  les 
Pères  ne  pensoient  point  à  former 
des  savants  ,  mais  des  chrétiens 
vertueux:  ils  vouloient  les  accou- 
tumer à  chercher  dans  les  livres 
saints,  non  de  l'érudition  ou  des 
connoissances  profanes,  mais  des 
leçons  de  morale  et  des  sujets  d'é- 
dification; nous  soutenons  qu'ils 
n'avoient  pas  tort.  Grâces  à  l'en- 
têtement des  hérétiques  et  des  In- 
crédules, ce  n'est  plus  là  ce  qu'on 
veut  aujourd'hui;  il  faut  des  re- 
marques grammaticales,  critiques, 
historiques,  philosophiques,    de 


72  ALL 

la  chronologie,  de  la  géographie,! 
de  la  physique  et  de  l'histoire  na-j 
turelle,  pour  expliquer  les  livres 
saints.  Nous  sommes  sans  doute , 
dans  tous  les  genres,  plus  habiles 
que  nos  pères,  en  sommes-nous 
meilleurs  chrétiens  ?  Ces  savantes 
discussions  sont-elles  à  portée  du 
peuple  ? 

Or,  c'est  principalement  lepeu- 

f»le  que  les  Pères  dévoient  et  vou- 
oient  instruire.  L'événement  suf- 
fit pour  nous  convaincre  qu'ils 
ont  mieux  réussi  que  leurs  accu- 
sateurs. Les  sas'ants  commentaires 
des  protestants  n'ont  abouti  qu'à 
multiplier  parmi  eux  les  disputes, 
les  sectes ,  les  erreurs  ;  ceux  des 
Pères  de  l'Eglise  formoient  des 
hommes  vertueux  et  des  saints. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  singulier , 
c'est  que  les  protestants ,  qui  cen- 
surent avec  tant  d'aigreur  le  goût 
des  anciens  Pères  pour  les  allégo- 
ries ,  sont  cependant  très-attentifs 
à  profiter  des  explications  allégo- 
riques que  saint  Clément  d'Alexan- 
drie, Origène  et  Tertullien  ont 
données  quelquefois  aux  paroles 
de  Jésus-Christ  touchant  l'Eucha- 
3'istie. 

Mais  il  est  bon  de  voir  combien 
leur  prévention  contre  les  Pères  a 
donné  d'avantage  aux  incrédules. 
C'est  mal  à  propos,  dit  l'un  d'entre 
eux ,  que  les  apologistes  du  chris- 
tianisme ont  voulu  prouver  aux 
païens  l'absurdité  de  leur  religion 
par  la  nécessité  de  recourir  à  des 
allégories  pour  dissiper  le  scandale 
de  leurs  fables  ;  ne  sommes-nous 
pas  dans  le  même  cas  à  l'égard  de 
la  plupart  des  faits  de  l'ancien 
Testament  i'  Les  Pères  de  l'Eglise 
l'ont  senti ,  puisque  tous  ont  allé- 
gorisé ,  et  sont  convenus  que  sans 
cette  méthode  il  étoit  impossible 
d'entendre  l'Ecriture  sainte.  Il 
cite  en  preuve  saint  Clément  d'A- 
lexandrie, Origène,  Tertullien  et 
saint  Augustin.  La  fureur  pour  les 
allégories  a  fait  diviniser  le  can- 


ALL 

tique  de  Salomion  ;  les  mahomé- 
lans  font  de  même  pour  pallier  les 
absurdités  de  l'alcoran. 

Vainement  nous  demanderions 
aux  censeurs  des  Pères  une  ré- 
ponse solide  à  cette  objection;  ce 
n'est  pas  chez  eux  que  nous  irons 
la  chercher.  Les  actions  infàm«s 
et  scandaleuses  racontées  dans  les 
fables  étoient  attribuées  aux  dieux  ; 
pouvoit-on  les  condamner  ou  les 
blâmer  ?  S'il  y  en  a  dans  l'histoire 
sainte ,  elles  sont  attribuées  à  des 
hommes,  elles  ne  sont  point  ap- 
prouvées, souvent  même  elles  sont 
punies  ;  cela  est  fort  différent.  Les 
hommes  ne  sont  pas  impeccables  , 
mais  les  dieux  dévoient  l'être  ; 
toutes  les  actions  des  premiers  ne 
sont  pas  des  exemples  à  suivre  ; 
mais  pouvoit-on  être  coupable  en 
imitant  les  dieux  ?  Nous  n'avons 
donc  pas  besoin  A'' allégories  pour 
expliquer  l'ivresse  de  Noé  ,  l'in- 
ceste de  Loth  avec  ses  filles,  le 
mensonge  que  Jacob  dit  à  son  père 
pour  avoir  sa  bénédiction  ,  l'adul- 
tère et  l'homicide  de  David,  etc.  , 
puisque  nous  ne  sommes  pas  obli- 
gés de  les  justifier. 

Nous  avons  vérifié  les  citations 
des  Pères  que  l'on  nous  oppose  ; 
la  plupart  sont  fausses  :  voici  tout 
ce  qu'il  y  a  de  vrai. 

Saint  Clément  d'Alexandrie  , 
Sirom. ,  1.  2,  c.  19,  pag.  4^i  ^  dit 
que  la  manière  dont  Dieu  en  a  agi 
à  l'égard  d'Adam ,  de  Noé  ,  d'A- 
braham ,  de  Jacob  et  d'Esaii ,  étoit 
prophétique  et  typique;  c'est  aussi 
le  sentiment  de  saint  Paul  à  l'égard 
des  deux  derniers.  Saint  Clément 
conclut  par  les  paroles  de  Jacob  : 
Parce  que  Dieu  a  en  pitié  de  moi , 
il  n\a  donné  tout  ce  que  je  possède^ 
1.  6,  c.  i5,  p.  8o3.  Il  observe  que, 
selon  l'Evangile,  Jésus-Christ  ne 
parloit  qu'en  paraboles  ;  il  conclut 
que,  puisque  Jésus-Christ  est  aussi 
l'auteur  de  la  loi  et  des  prophètes, 
il  y  a  parlé  de  même  en  paraboles. 
Saint  Clément  en  donne  pour  rai- 


AU. 

«on,  I .°  riuc  par-là  ])icu  a  voulu 
fxcilcr  noire  vigilance  et  notre  cu- 
riosité ;  2.°  parce  que  jjlusicurs 
auroienl  abusé  d'un  style  plus 
clair;  3.°  parce  que  c'étoit  la  ma- 
nière d'enseigner  la  plus  ancienne 
et  la  plus  générale;  4-°  parce  que 
le  style  des  Hébreux  est  ordinaire- 
ment figuré.  Riais  il  ajoute  que 
les  bommes  vraiment  intelligents 
sont  ceux  qui  entendent  l'Ecri- 
ture sainte' *"e/o/2  la  rrgle  ecclésias- 
tique. 11  n'admeltoit  donc  pas  les 
explicalionsarbitraires,  et  il  ne  s'en- 
suit pas  de  là  que  tout  est  parabole 
oxx  allégorie  dans  l'Ecriture  sainte. 
Origcne,  parlant  de  la  distinc- 
tion des  animaux  purs  et  impurs, 
Horn.  7  in  LevU. ,  n.°  5  ,  dit  que  si 
on  l'entend  comme  les  Juifs  et 
comme  le  peuple,  les  lois  que  Dieu 
a  portées  sur  ce  sujet  paroîtroiit 
moins  raisonnables  et  moins  res- 
j)ectables  que  celles  des  Atbéniens, 
des  Spartiates  ou  des  Romains  ; 
mais  que  si  on  les  entend  selon  le 
sens  qu enseigne  V Eglise,  elles  pa- 
roîtront  vraiment  divines  et  su- 
périeures à  toutes  les  lois  humai- 
nes. L.  2 ,  in  JEpisi.  ad  Rom. ,  n.  g. 
il  demande  que  peuvent  avoir  de 
commun  avec  la  loi  naturelle  celles 
qui  ordonnent  la  circoncision,  qui 
défendent  de  faire  un  tissu  de  lin 
et  de  laine,  ou  de  manger  du  pain 
levé  à  la  fête  de  Pâques.  Il  dit 
qu'ayant  demandé  à  des  Juifs  la 
raison  et  l'utilité  de  ces  lois,  ils  ne 
lui  en  ont  point  donné  d'autre  que 
le  bon  plaisir  du  législateur.  Il  ne 
s'ensuit  pas  de  là  qu'Origéne  vou- 
loit  que  l'on  prît  aussi  dans  un  sens 
allégorique  les  autres  lois  dont  la 
raison  étoit  claire  et  sensible  ,  et 
les  lois  morales  contenues  dans  le 
Décalogue.  Il  nous  paroît  que  l'on 
a  jugé  ce  Père  un  peu  trop  sévè- 
rement, quand  on  a  conclu  delà 
qu'il  détruisoit  souvent  le  sens 
littéral  de  l'Ecriture  sainte  ;  ce 
n'étoitpas  le  détruire  que  d'avouer 
qu'il  ne  le  voyoit  pas. 


ALL  73 

Tertullicn  ,1.5,  contre  Marcion., 
c.  5,  dit  que  rien  ne  paroît  plus 
ridicule  ni  plus  méprisable  que 
les  sacrifices  sanglants,  les  puri- 
fications, la  loi  du  talion,  la  cir- 
concision, les  abstinences  ;  qu'aussi 
tout  hérétique  tourne  en  dérision 
l'ancien  Testament  dans  son  en- 
tier: mais  que  Dieu  a  voilé  sous 
ces  énigmes  et  sous  ces  figures  une 
sagesse  qui  devoit  être  révélée  par 
Jésus-Christ.  Cependant  Tertul- 
lien,  dans  ce  même  ouvrage,  donne 
de  très-bonnes  raisons  des  absti- 
nences prescrites  aux  Juifs,  de  la 
distinction  des  animaux  purs  et 
impurs ,  de  la  multitude  des  sacri- 
fices et  des  offrandes.  Lors  donc 
qu'il  a  dit  que  tout  cela  pris  à  la 
lettre  étoit  ridicule  et  méprisable , 
il  a  entendu  que  cela  paroissoit  tel 
aux  hérétiques  ,  et  non  aux  fidèles 
instruits  par  Jésus-Christ.  Quand 
même  il  auroit  voulu  dire  de  toute 
la  loi  cérémonielle  ce  que  les  in- 
crédules lui  attribuent,  il  ne  s'en- 
suivroit  pas  encore  qu'il  a  pensé 
de  même  de  tout  l'ancien  Testa- 
ment. 

Saint  Augustin ,  L.  contra  Men- 
dacium  ,  ad  consent. ,  c.  10,  n.  23 
et  24  ,  soutient  qu'Abraham  et 
Isaac  n'ont  pas  menti,  en  disant 
que  leurs  épouses  étoient  leurs 
sœurs  ,  non  plus  que  Jacob  ,  en 
disant  à  Isaac  qu'il  étoit  Esaii  son 
aîné  ,  parce  que  c'étoient  des  figu- 
res, des  types  ou  des  métaphores. 
Nous  ne  pensons  pas  que  cette  ex- 
cusesoltsolide  ;  parce  qu'une  équi- 
voque ,  employée  pour  tromper 
quelqu'un ,  est  un  vrai  mensonge  : 
mais  on  n'en  peut  pas  conclure 
que ,  selon  saint  Augustin  ,  toute 
l'histoire  sainte  est  figurative  ou 
allégorique,  et  que  sans  le  secours 
des  allégories,  il  seroit  impossible 
de  l'entendre. 

Il  n'a  pas  été  difficile  de  réfuter 
Woolston,  qui  prétendoit  que  les 
miracles  de  Jésus-Christ  dévoient 
être  pris  dans  un  sens  purement 


74  ALL 

allégorique  ,  et  qu'ils  avoieut  été 
ainsi  envisages  par  les  Pères.  Voyez 
le  sens  littéral  de  VEcriture  sainte 
défendu  par  Stakhouse,  etc. 

Ce  n'est  point  le  goût  pour  les 
allégories  <\\i\  a  fait  diviniser  le  can- 
tique de  Salomon  ;  c'est  au  con- 
traire l'habitude  du  style  allégo- 
rique, usité  de  tout  tenips  chez  les 
Orientaux,  qui  a  fait  écrire  ainsi 
cet  ancien  ouvrage  ,  monument 
original  de.s  mœurs  simples  et  in- 
nocentes qui  régnoient  pour  lors. 
L'Eglise  chrétienne  l'a  reçu  comme 
un  livre  divin ,  sur  la  foi  de  la  tra- 
dition constante  des  Juifs,  trans- 
mise par  les  apôtres,  et  leur  témoi- 
gnage n'a  pas  besoin  d'un  autre 
garant. 

Il  n'est  pas  vrai  que  les  maho- 
métans  recoururent  aux  allégories 
pour  pallier  les  absurdités  et  les 
turpitudes  renfermées  dans  l'al- 
coran  ;  ils  font  profession  de  les 
croire  à  la  lettre,  telles  que  leur 
prétendu  prophète  les  a  écrites;  et 
quand  ils  voudroient  user  de  ce 
palliatif,  ils  ne  viendroient  jamais 
à  bout  de  leur  donner  la  moindre 
apparence  de  bon  sens.  Voyez  Ma- 
RACCi,  Prodomus  ad  refut.  Alcoran- 
ni,  et  Mahométisme, 

ALLELUIA  ou  ALLELU-IAH, 
deux  mots  hébreux  qui  signifient , 
louez  le  Seigneur. 

Saint  Jérôme  est  le  premier  qui 
aitintroduit  le  raotalleluia  dans  le 
service  de  l'Eglise;  pendant  long- 
temps on  ne  l'employoit  qu'une 
seule  fois  l'année  dans  l'Eglise  la- 
tine; savoir,  le  jour  de  Pâques  ; 
mais  il  étoit  plus  en  usage  dans 
l'Eglise  grecque,  où  on  le  chantoit 
dans  la  pompe  funèbre  des  saints, 
comme  saint  Jérôme  le  témoigne 
expressément  en  parlant  de  celle 
de  sainte  Fabiole  :  cette  coutume 
s'est  conservée  dans  cette  Eglise  , 
où  l'on  cha nte même  l'a/Ze/uj'a  quel- 
quefois pendant  le  carême. 

Saint.  Grégoire  le  Grand  ordon- 


ALL 

na  qu'on  le  chanteroil  de  même 
toute  l'année  dans  l'Eglise  latine; 
ce  qui  donna  lieu  à  quelques  per- 
sonnes de  lui  reprocher  qu'il  étoit 
trop  attaché  aux  rits  des  Grecs ,  et 
qu'il  introduisoit  dans  l'Eglise  de 
Rome  les  cérémonies  de  celle  de 
Constantinople;  mais  il  répondit 
que  tel  avoit  été  autrefois  l'usage  à 
Rome,  même  lorsque  le  pape  Da- 
mase ,  qui  mourut  en  384  >  intro- 
duisit la  coutume  de  chanter  V allé- 
luia dans  tous  les  offices  de  l'année. 
Ce  décret  de  saint  Grégoire  fut  tel- 
lement reçu  dans  toute  l'Eglise 
d'Occident ,  qu'on  y  chantoit  Yal- 
/c/«/a,même  dans  l'office  des  morts, 
comme  l'a  remarqué  Baronius 
dans  la  description  qu'il  fait  de 
l'enterrement  de  sainte  Radegonde. 
On  voit  encore  dans  la  messe  moz- 
arabique ,  attribuée  à  saint  Isidore 
de  Séville ,  cet  introït  de  la  messe 
des  défunts  :  Tu  es  portio  mea  ,  Do- 
mine ,  alléluia ,  in  terra  viventium , 
alléluia. 

Dans  la  suite  ,  l'Eglise  romaine 
supprima  le  chant  de  ra//c/uîa  dans 
l'office  et  dans  la  messe  des  morts, 
aussi-bien  que  depuis  la  septuagé- 
sime  jusqu'au  graduel  de  la  messe 
du  samedi  saint,  et  elle  y  substitua 
ces  paroles,  Laus  tibi,  Domine,  Rex 
ceternœ  gloriœ ,  comme  on  le  pra- 
tique encore  aujourd'hui.  Le  qua- 
trième concile  de  Tolède,  dans  le 
onzième  de  ses  canons ,  en  fit  une 
loi  expresse,  qui  a  été  adoptée  par 
les  autres  Eglises  d'Occident. 

Saint  Augustin ,  dans  son  épîlre 
119  ad  Januar. ,  remarque  qu'on 
ne  chantoit  alléluia  que  le  jour  de 
Pâques.  Il  n'a  fait  que  rapporter 
l'usage  de  son  siècle.  Dans  la  messe 
mozarabique,  on  le  chantoit  après 
l'évangile  ,  mais  non  pas  en  tout 
temps  ;  au  lieu  que  dans  les  autres 
Eglises  on  le  chantoit,  comme  on 
le  fait  encore,  entre  l'épître  et 
l'évangile  ,  c'est-à-dire,  au  graduel . 
Sidoine  Apollinaire  remarquoit 
qtie  les  forçats  ou  rameurs  chan- 


ALL 

toient  à  haute  voix  Valleluia  , 
comme  un  signal  pour  s'exciter  et 
s'cncouraf^cr  à  leurs  manœuvres. 

C'étoit  en  effet  la  coutume  des 
premiers  chrétiens  de  sanctifier 
leur  travail  par  le  chant  des  hym- 
nes et  des  psaumes.  Bingham  , 
Orig.  Ecoles. ,lom.  6,  lib.  i4  ,  cap. 

",§4- 

ALLEMAGNE.  Cette  partie  de 
l'Europe ,  à  la  prendre  dans  toute 
l'étendue  qu'on  lui  donne  aujour- 
d'hui, n'a  pas  été  convertie  à  la 
foi  chrétienne  en  même  temps. 
Saint  Boniface  ,  archevêque  de 
Mayence ,  né  en  Angleterre ,  et  re- 
ligieux  bénédictin  ,  est  regardé 
comme  l'apôtre  de  V Allemagne  \ 
c'est  par  ses  travaux,  continués  de- 
puis l'an  7 1 5  ,  i  usqu'à  sa  mort ,  ar- 
rivée l'an  755  ,  que  les  Germains  , 
voisins  du  Rhin  ,  c'est-à-dire  ,  les 
habitants  de  la  Thuringe  ,  de  la 
Hesse ,  de  la  Frise  ,  et  même  de  la 
Bavière ,  furent  solidement  conver- 
tis au  christianisme  ,  et  que  les 
premiers  évêchés  de  cette  partie 
occidentale  de  V Allemagne  furent 
fondés  :  son  apostolat  fut  cou- 
ronné par  le  martyre  ;  il  fut  mas- 
sacré par  les  Barbares  avec  cin- 
quante-deux de  ses  compagnons  , 
soit  missionnaires,  soit  chrétiens; 
leur  sang  fut  une  semence  qui  pro- 
duisit d'autres  apôtres. 

Les  protestants  mêmes  n'ont  pas 
osé  contester  son  zèle ,  ses  travaux , 
son  courage  ,  ses  succès  ;  mais  , 
comme  ce  saintmissionnaire  apre- 
ché  le  christianisme  catholique,  et 
non  le  protestantisme  ,  il  a  bien 
fallu  en  déprimer  l'éclat  et  en  em- 
poisonner au  moins  le  motif.  «Bo- 
»  niface  ,  dit  Mosheira  ,  obtint  , 
»  par  ses  travaux  et  par  ses  pieux 
»  exploits,  le  titre  honorable  d'a- 
»  poire  de  la  Germanie  ,  et  il  le 
»  mérita  certainement  par  les  ser- 
»  vices  signalés  qu'il  rendit  au 
»  rlirislianisine ;  mais  celéminent 
»  prélat  fut  un  apôtre  à.   la  façon 


ALL  75 

»  moderne;  il  s'écarta  à  plusieurs 
»  égards  de  l'excellent  modèle  qu'il 
X  avoit  dans  la  conduite  et  le  mi- 
»  nistère  des  premiers  et  vrais 
»  apôtres.  Indépendamment  deson 
»  zèle  pour  la  gloire  et  l'autorité 
»  du  pontife  romain,  quiégaloit, 
»  s'il  ne  surpajssoit  point ,  celui 
»  qu'il  avoit  pour  le  service  du 
«  Christ  et  pour  la  propagation  de 
»  sa  religion  ,  on  lui  reproche  plu- 
»  sieurs  autres  choses  indignes  d'u  n 
»  vrai  ministre  chrétien.  En  com- 
»  battant  les  superstitions  païen- 
)>  nés  ,  il  n'employa  pas  toujours 
»  les  armes  dont  les  anciens  hé- 
»  rauts  de  l'Evangile  se  servirent 
n  pour  faire  triompher  la  vérité, 
»  mais  souvent  la  violence  et  la 
)i  terreur  ,  quelquefois  même  l'ar- 
»  tifice  et  la  fraude ,  pour  multi- 
»  plier  le  nombre  des  chrétiens. 
»  J'ajouterai  que  ses  lettres  annon- 
)>  cent  un  caractère  impérieux  et 
»  arrogant ,  un  esprit  fourbe  et 
»  trompeur,  un  zèle  excessif  pour 
»  accroître  les  honneurs  et  les  pré- 
»  tentions  de  l'ordre  sacerdotal  , 
n  et  une  profonde  ignorance  de 
»  plusieurs  choses  dont  laconnois- 
»  sance  est  absolument  indispen- 
»  sable  à  un  apôtre,  et  surtout  de 
»  celles  qui  ont  pour  objet  la  vraie 
»  nature  et  le  véritable  génie  de  la 
»  religion  chrétienne.»  Hist.  ec- 
clés.  8.°  siècle  ,  i."  part,,  c.  i  ,  §  4- 
Instruits  par  ce  tableau  ,  nos  in- 
crédules François  n'ont  pas  hésité 
de  dire  q'ue  les  missionnaires  de 
V Allemagne  prêchèrent  le  papisme 
et  non  le  christianisme  ;  qu'ils  fu- 
rent les  émissaires,  les  satellites  , 
les  esclaves  des  papes,  plutôt  que 
les  esivoyés  de  Jésus-Chri.^t  ;  d'où 
nous  devons  conclure  que  les  Bar- 
bares ne  firent  pas  si  mal  de  les 
massacrer  :  mais  il  ne  nous  paroît 
pas  fort  difficile  de  les  justifier. 

1°  Il  est  absurde  de  vouloir  que 
saintBonifaceailprêché  dans  \  Al- 
lemagne un  autre  christianisme, 
une   autre  religion  que  celle  dnn.> 


yS  ALL 

laquelle  il  avoit  été  élevé  et  instruit, 
et  de  la  vérité  de  laquelle  il  étoit 
très-persuadé  ;  qu'il  ait  établi  le 
prétendu  christianisme  de  Luther 
et  de  Calvin,  huit  cents  ans  avant 
(jue  celui-ci  eût  été  forgé.  Il  y  a 
donc  aussi  du  ridicule  a  trouver 
mauvais  qu'il  ait  cru  fermement  à 
l'autorité  du  pape,  et  qu'il  l'ait 
établie  dans  les  Eglises  à! Allema- 
gne, dés  quec'étoit  pour  lors  la  foi 
et  la  croyance  universelle  de  tout 
l'Occident.  S'il  avoit  fait  autre- 
ment, c'est  alors  qu'il  faudroit 
l'accuser  d'infidélité  à  son  minis- 
tère et  de  mauvaise  foi.  La  seule 
preuve  que  l'on  allègue  de  l'excès 
de  son  zèle  sur  ce  point,  c'est  que, 
selon  les  auteurs  de  V Histoire  liitér. 
de  la  France^  «  saint  Boniface  , 
»  dans  ses  lettres  ,  exprime  son 
»  dévouement  pour  le  saint  siège, 
»  en  des  termes  qui  ne  sont  pas  as- 
»  sez  proportionnés  à  la  dignité  du 
»  caractère  épiscopal.  »  Mais  ces 
termes  n'étonnoient  personne  dans 
ce  temps-là,  parce  que  l'autorité  des 
papes  étoit  plus  grande  au  huitième 
siècle  qu'elle  n'est  aujourd'hui;  cl 
nous  verrons  au  mot  Pape  ,  que 
cela  étoit  ainsi  par  nécessité  et  par 
le  besoin  des  circonstances. 

2."  C'est  encore  une  absurdité 
de  conclure  de  là  que  le  zèle  de 
saint  Boniface  étoit  plus  grand 
pour  l'autorité  du  pontife  romain 
que  pour  la  gloire  de  Jésus-Christ 
et  pour  la  propagation  de  sa  reli- 
gion.Puisque  cesaint  missionnaire 
croyoit  fermement  que  l'autorité 
du  pape  avoit  été  établie  par  Jé- 
sus-Christ lui-même,  qu'elle  étoil 
nécessaire  pour  la  propagation  de 
la  foi  et  pour  maintenir  l'unité  de 
l'Eglise  ,  que  l'on  ne  pouvoit  pas 
être  sincèrement  soumis  à  Jésus- 
Christ  sans  obéir  à  son  vicaire  sur 
terre;  son  zèle  pour  cette  autorité 
étoit  un  vrai  zèle  pour  la  gloire  et 
pour  le  service  de  Jésus-Christ. 
Quand  saint  Boniface  auroit  été 
dans  l'erreur,  ce  qui  n'est  cas,  elle 


ALL 

lui  auroit  été  commune  avec  tout 
son  siècle  ,  et  sa  conduite  étoit 
parfaitement  d'accord  avec  sa 
croyance. 

3.°  Quelle  preuve  peut-on  don- 
ner ,  pour  faire  voir  qu'il  a  em- 
ployé la  violence  et  la  terreur  pour 
subjuguer  les  païens  et  faire  triom- 
pher la  vérité  i*  Aucune;  on  nous 
tait  seulement  remarquer  qu'il  fut 
secondé  par  la  puissante  protec- 
tion et  encouragé  par  les  libéra- 
lités de  Charles  Martel ,  de  Carlo- 
raan  et  de  Pépin  ses  enfants.  Il  en 
avoit  besoin  sans  doute ,  pour  fon- 
der des  évèchés ,  des  monastères  et 
des  écoles;  mais  ces  princes  le  fi- 
rent-ils escorter  par  des  soldats, 
pour  imprimer  la  terreur  aux  Bar- 
bares ,  et  pour  les  forcer  à  se  faire 
chrétiens  i*  Il  ne  voulut  pas  seule- 
ment que  ses  compagnons  fissent 
aucune  résistance,  lorsque  les  Fri- 
sons vinrent  le  massacrer;  sa  dou- 
ceur, sa  patience,  sa  résignation 
à  la  mort ,  sont  attestées  par  ses 
lettres.  Vies  des  Pères  et  des  Mar- 
tyrs,  tom.  V,  p.  i33. 

4-°  On  ne  donne  point  de  preu- 
ves non  plus  de  son  caractère 
fourbe  et  trompeur,  des  artifices 
et  de  la  fraude  qu'il  employa  pour 
multiplier  le  nombre  des  chré- 
tiens. Si  \)dLT  fraudes  les  protestants 
entendent  les  reliques ,  les  indul- 
gences, le  purgatoire,  la  confes- 
sion, même  les  miracles,  nous 
avouerons  que  saint  Boniface  les 
mit  en  usage  ;  mais  il  faut  com- 
mencer par  prouver  que  tout  cela 
sont  des  fraudes ,  et  que  saint  Bo- 
nilace  lui-même  n  y  avoit  aucune 
foi.  Ces  prétendues  fraudes  sont 
un  peu  différentes  des  mensonges  , 
des  impostures  ,  des  calomnies  , 
dont  les  prédicants  du  protestan- 
tisme se  sont  servis  pour  l'établir. 

5."  Nous  avons  beau  chercher 
dans  les  lettres  de  ce  saint  évêque, 
ou  ailleurs,  des  vestiges  du  carac- 
tère impérieux  et  arrogant  qu'on 
lui  attribue;  nous  n'y  trouvons  que 


ALL 

tics  témoignages  du  contraire. 
INT.TÎ.s  il  éloit  zélé  poiir  l'honneur 
cl  los  prétentions  (le  l'ordre  sacer- 
i1  ()  lai  ;  assurément,  et  ce  crime  lui 
«■si  commun  avec  saint  Paul,  qui 
«lisoit  :  «  Tant  que  je  serai  l'apôtre 
)'  (les  nations  ,  j'honorerai  mon 
»  luinistère.  j»  Jîo^ra,,  c.  ii,  }('^.  i3; 
il  à  Tiie,  c.  2.  ,S-  i5  :  «  Que  per- 
»  sonne  ne  vous  méprise.  »  Saint 
Boniface  ne  s'est  pas  attribué  au- 
tant d'autorité  sur  les  Eglises  qu'il 
avoit  fondées ,  que  Luther  et  Cal- 
vin sur  celles  qu'ils  avoient  per- 
verties. Avant  sa  mort  il  se  donna 
un  successeur  sur  le  siège  de 
Mayence,  et  lui  laissa  le  soin  de 
gouverner  cette  Eglise,  pour  aller 
continuer  ses  missions  chez  les 
idolâtres;  il  n'attribua  aux  évêques 
point  d'autre  autorité  que  celle 
dont  ils  jouissoient  dans  tout  l'Oc- 
cident. 

6.°  Enfin  ,  quand  les  mission- 
naires de  VAîlemagne  auroient 
donné  quelque  sujet  aux  préven- 
tions des  protestants ,  ce  qui  n'est 
point ,  ces  derniers  seroient  encore 
injustes,  et  pour  ainsi  dire  bar- 
bares, de  chercher  à  ternir  la  gloire 
des  ouvriers  évangéliques  qui  ont 
instruit  et  civilisé  leurs  ancêtres  : 
sans  leurs  travaux, Luther  auroit- 
il  établi  dans  ces  contrées  sa  pré- 
tendue réformalion  ?  Aucun  des 
prédicants  n'est  allé  prêcher  l'E- 
vangile chez  les  Barbares  ;  et  nous 
connoissons  le  succès  qu'ont  eu 
leurs  successeurs ,  quand  ils  ont 
voulu  faire  le  personnage  d'apô- 
tres. Ils  ne  savent  que  noircir  et 
calomnier  comme  leurs  prédéces- 
seurs. 

"Nous  ne  nous  arrêtons  point  à 
relever  le  ridicule  deBrucker,qui 
reproche  à  saint  Boniface  de  n'a- 
voir pas  assez  rendu  de  services 
aux  lettres  et  à  la  philosophie,  en 
portant  le  christianisme  en  Alle- 
magne; il  se  lâche  contre  les  béné- 
dictins, parce  qu'ils  lui  ont  attri- 
bué de  l'érudition  et  de  la  capa- 


ALL 


77 


cité,  cl  qu'ils  l'ont  loué  d'avoir 
établi  des  écoles  dans  les  monas- 
tères de  Fulde  et  de  Fritzlar.  Il 
en  prend  occasion  de  confirmer  ce 
que  les  auteurs  protestants  ont  dit 
de  l'ignorance  de  ce  missionnaire, 
et  il  eu  apporte  pour  preuve,  non- 
seulentent  ses  lettres ,  mais  ce  que 
rapporte  Aventin ,  que  ce  fut  saint 
Boniface  qui  dénonça  au  pape 
Zacharie  Virgile  de  Saltzbourg 
comme  hérétique  ,  pour  avoir 
avancé  qu'il  y  a  des  antipodes. 
Nous  ne  pensons  point  que  l'in- 
tention des  bénédictins  ait  été  de 
persuader  que  saint  Boniface  étoit 
un  grand  philosophe,  et  qu'il  éta- 
blit en  Allemagne  des  écoles  de 
philosophie  pour  des  Germains 
qui  ne  savoient  pas  lire.  Ce  zélé 
missionnaire  étoit  instruit  autant 
que  l'on  pouvoit  l'être  au  8.^  siè- 
cle ;  il  avoit  fait  les  études  que  l'on 
faisoit  pour  lors  ;  et  il  s'étoit  at- 
taché aux  sciences  ecclésiastiques, 
les  seules  dont  il  eût  besoin  pour 
prêcher  l'Evangile.  Il  établit  des 
écoles  pour  ces  mêmes  sciences,  el 
contribua  ,  autant  qu'il  le  put,  à 
tirer  les  peuples  de  V Allemagne  de 
l'ignorance  grossière  dans  laquelle 
ils  étoient  plongés.  Que  devoit-il 
faire  de  plus  ?et  n'est-ce  pas  là  un 
service  réel  rendu  aux  lettres  ? 

Ne  savons-nous  pas  ce  que  veut 
dire  Mosheim  ,  lorsqu'il  refuse  à 
saint  Boniface  la  connaissance  des 
choses  qui  ont  pour  objet  la  vraie 
nature  et  le  véritable  génie  de  la 
religion  chrétienne  ?  S'il  entend  par- 
là  que  ce  missionnaire  ne  connois- 
soit  pas  le  christianisme  tel  qu'il 
a  plu  aux  protestants  de  le  forger, 
nous  en  sommes  déjà  convenu  ; 
il  suffit,  selon  leur  opinion,  de 
lire  et  d'étudier  l'Ecriture  sainte: 
or,  saintBoniface  l'avoit  étudiée  et 
la  lisoit  constamment  ,  il  l'avoit 
même  enseignée  aux  autres  dans 
son  monastère  ;  mais  il  eut  le  mal- 
heur de  n'y  pas  voir,  non  plus 
que  nous,  ce  quelesprolcslanisont 


78  ALI. 

prétendu  y   voir  huit   cents  ans 

après. 

Quant  à  la  prétendue  hérésie 
touchant  les  antipodes  ,  voyez  ce 
mot.  Mosheim  et  les  autres  pro- 
testants n'ont  pas  parlé  d'une  ma- 
nière plus  équitable  des  missions 
faites  au  neuvième  siècle  chez  les 
Saxons  ,  par  ordre  de  Charle- 
magne.  Vo/ez  Missions. 

ALLIANCE.  Dans  les  saintes 
Ecritures  ,  on  emploie  souvent 
le  nom  iesiamentum  ,  et  en  grec 
SixO-hx^  j  P  o^^  exprimer  la  valeur  du 
mot  héhreu  bérith ,  qui  signifie  a^ 
liance  :  d'où  viennent  les  noms 
d'ancien  et  de  nouveau  Testament, 
pour  marquer  l'ancienne  et  la  nou- 
velle alliance.  La  première  alliance 
de  Dieu  avec  les  hommes  est  celle 
qu'il  fit  avec  Adam  au  moment  de 
sa  création ,  lorsqu'il  lui  défendit 
l'usage  du  fruit  de  la  science  du 
bien  et  du  mal.  Gen. ,  c.  z^'f .  16. 
Cette  défense  est  une  espèce  de 
contrat  entre  Dieu  et  l'homme; 
c'est  ainsi  qu'elle  est  appelée.  Ec- 
cîi. ,  c.  i4 ,  '^.  12. 

La  seconde  alliance  est  celle  que 
Dieu  a  faite  avec  l'homme  après 
son  péché,  en  lui  promettant  un 
rédempteur.  En  considération  de 
cette  promesse  ,  Dieu  n'a  point 
condamné  Adam  à  la  peine  éter- 
nelle qu'il  méritoit,  mais  seule- 
ment à  une  peine  temporelle,  au 
travail ,  aux  souffrances ,  à  la  mort. 
«  Si  notre  vie,  dit  saint  Augustin, 
»  est  souffrante  et  suj  ette  à  la  mort, 
»  c'est  un  effet  de  la  colère  de  Dieu, 
»  et  une  punition  du  premier  pé- 
»  ché....  Mais  Dieu  ne  nous  a  pas 
j»  traitée  comme  nos  péchés  le  mé- 
»  ritoient  ;  il  a  eu  pitié  de  nous 
»  comme  un  père  a  compassion  de 
»  ses  enfants;  ce  que  nous  souf- 
»  frons  est  un  remède  et  non  une 
»  vengeance ,  c'est  une  correction 
»  et  non  une  damnation,  etc.  Il  a 
»»  envoyé  son  Fils ,  parce  qu'il  a  eu 
»  pitié  de  nous.  »  Enarr.  in  Ps. 


ALL 

loa,   n.    17    et  suiv.  ;  Enchir.  ad 
Laur.,  c.  27,  n.  8.  Voyez  Adam. 

Saint  Paul  a  souvent  relevé  les 
avantages  de  cette  alliance  par  la- 
quelle le  second  Adam ,  qui  est 
Jésus-Christ ,  a  pleinement  réparé 
le  préjudice  que  le  premier  homme 
avoit  porté  à  sa  postérité.  «  De 
»  même  que  tous  meurent  en 
»  Adam,  ainsi  tous  seront  vivifiés 
»  par  Jésus-Christ.  »  I.  Cor.,  ci 5, 
yt.  22.  «  De  même  que  par  la  dés- 
»  obéissance  d'un  seul  ,  la  multi- 
»  tude  des  hommes  sont  devenus 
»  pécheurs,  ainsi  par  l'obéissance 
»  d'un  seul,  la  multitude  des  hom- 
»  mes  deviendront  justes.  »  Rom.^ 
c.  5  ,  j)^.  12  ,  19. «  Par  sa  mort, 
»  Jésus-Christ. à  détruit  celui  qui 
»  avoit  l'empire  de  la  mort,  c'est- 
»  à-dire,  le  démon,  n  Hebr.^c.  a, 

y/'.  14.    Voyez  RÉDEMPTION. 

Une  troisième  alliance  est  celle 
que  le  Seigneur  fit  avec  Noé,  lors- 
qu'il lui  dit  de  bâtir  une  arche  ou 
un  grand  vaisseau  pour  y  sauver 
les  animaux  de  la  terre,  et  pour  y 
retirer  avec  lui  un  certain  nombre 
d'hommes,  afin  que  par  leur  moyen 
il  pût  repeupler  la  terre  après  le 
déluge.  Gènes. ,  6.  18. 

Cette  alliance  fut  renouvelée  cent 
vingt-un  ans  après  ,  lorsque  les 
eaux  du  déluge  s'étant  retirées,  et 
Noé  étant  sorti  de  l'arche  avec  sa 
femme  et  ses  enfants,  Dieu  lui  dit: 
»  Je  vais  faire  alliance  avec  vous 
»  et  avec  vos  enfants  après  vous  , 
»  et  avec  tous  les  animaux  qui  sont 
»  sortis  de  l'arche; en  sorte  que  je 
»  ne  ferai  plus  périr  toute  chair 
»  par  les  eaux  du  déluge:  et  l'a rc- 
>»  en-ciel  que  je  mettrai  dans  les 
»  nues,  sera  le  gage  de  V alliance qae 
»  je  ferai  aujourd'hui  avec  vous.» 
Gen.,  c.  g,  y.  8,  9,  10  et  11. 

Toutes  ces  alliances  ont  été  gé- 
nérales entre  Adam  et  Noé  et  toute 
leur  pastérité  ;  mais  celle  que  Dieu 
fit  dans  la  suite  avec  Abraham  , 
fut  plus  limitée  ;  elle  ne  regardoit 
que  ce  patriarche  et  la  race  qui 


dcvoil  naître  de  lui  par  Isaac.  Les 
autres  descendants  d'Abraham  par 
Ismaël  et  par  les  enfants  de  Célhura 
n'y  dévoient  point  avoir  de  part. 
La  marque  ou  le  sceau  de  cette  al- 
liance fut  la  circoncision ,  que  tous 
les  mâles  de  la  famille  d'Abraham 
dévoient  recevoir  le  huitième  jour 
après  leur  naissance.  Les  effets  et 
les  suites  de  ce  pacte  sont  sensibles 
dans  toute  l'histoire  de  l'ancien 
Testament  ;  la  venue  du  Messie  en 
est  la  consommation  et  la  fin.  L'«/- 
liance  de  Dieu  avec  Adam  forme 
ce  que  nous  appelons  la  loi  de  na- 
ture ;  Vaillance  avec  Abraham,  ex- 
pliquée dans  la  loi  de  Moïse,  forme 
la  loi  de  rigueur  ;  Vaillance  de  Dieu 
avec  tous  les  hommes,  par  la  mé- 
diation de  Jésus-Christ ,  fait  la  loi 
de  grâce.  Gen. ,  12,  S-  ^ -,  2;  et 
c.  \i l'S '  10,  II 1  12. 

Dans  le  discours  ordinaire,  nous 
ne  parlons  guère  que  de  l'ancien 
et  du  nouveau  Testament  :  de  Vai- 
llance du  Seigneur  avec  la  race 
d'Abraham,  et  de  celle  qu'il  a  faite 
avec  tous  les  hommes  par  Jésus^ 
Christ  ;  parce  que  ces  deux  alliances 
contiennent  éminemment  toutes 
les  autres  qui  en  sont  des  suites , 
des  émanations  et  des  explications; 
par  exemple ,  lorsque  Dieu  renou- 
velle ses  promesses  à  Isaac  et  à 
Jacob  ,  et  qu'il  fait  alliance  à  Sinaï 
avec  les  Israélites  et  leur  donne  sa 
loi  •,  lorsque  Moïse ,  peu  de  temps 
avant  sa  mort  renouvelle  V alliance 
que  le  Seigneur  a  faite  avec  son 
peuple  ,  et  qu'il  rappelle  devant 
leurs  yeux  tous  les  prodiges  qu'il 
a  faits  en  leur  faveur  ;  lorsque  Jo- 
sué ,  se  sentant  près  de  sa  fin  ,  jure 
avec  les  anciens  du  peuple  une  fi- 
délité inviolable  au  Dieu  de  leurs 
pères  :  tout  cela  n'est  qu'une  suite 
de  la  première  alliance  faite  avec 
Abraham.Josias,Esdras,Néhémie, 
renouvelèrent  de  même  en  diffé- 
rents temps  leurs  engagements  et 
leur  alliance  avec  le  Seigneur;  mais 
ce  n'est  qu'un  renouvcliemcnf   de 


ALL 


79 


ferveur,  et  une  promesse  d'une  fi- 
délité nouvelle  à  observer  des  lois 
données  à  leurs  pères.  Exod.,  c.  11. 
y/.24;c.6,f.4-j;c.i^,f.h.Veut., 
c.  29.  Jos.  ,  c,  23  et  24.  IV^-  Beg. , 
c.   18.  Paralip.,  c.  z^jH.  22. 

La  plus  grande ,  la  plus  solen- 
nelle, la  plus  excellente  et  la  plus 
parfaite  de  toutes  les  alliances  de 
Dieu  avec  les  hommes  ,  est  celle 
qu'il  a  faite  avec  nous  par  la  mé- 
diation de  Jésus-Christ  :  alliance 
éternelle  qui  doit  subsister  jusqu'à 
la  fin  des  siècles  ,  dont  le  Fils  de 
Dieu  est  le  garant ,  qui  est  cimen- 
tée et  affermie  par  son  sang,  qui  a 
pour  fin  et  pour  objet  la  vie  éter- 
nelle, dont  le  sacerdoce,  le  sacri- 
fice et  les  lois  sont  infiniment  plus 
parfaites  que  celles  de  l'ancien 
Testament.  Voyez  saint  Paul,  dans 
ses  Epitres  aiuv  Galates  et  aux  Hé- 
breux. 

Vainement  les  Juifs  soutiennent 
que  Dieu  n'a  pas  pu  établir  une 
nouvelle  alliance ,  après  leur  avoir 
ordonné  d'observer  celle  de  Moïse 
à  perpétuité.  On  leur  prouve  le 
contraire,  1.°  parce  que  Dieu  l'a 
ainsi  déclaré,  Jerem. ,  c.  3i,  X-  3i 
et  suiv.  ;  et  c'est  l'argument  que 
leurfaitsaintPaul,Jfeèr.,c.8,;j?".8. 
2.°  Ils  conviennent  eux  -  mêmes 
([ue ,  selon  les  prophètes ,  le  Messie 
doit  être  législateur  ajissi-bien  que 
Moïse.  Deut. ,  c.  1^  ^^ .  i5  ;  Isaï. , 
c.  42,  S-  4  ;  Munimen  fidei,  i." 
part. ,  c.  20.  Cette  fonction  seroit 
superflue,  s'il  ne  devoit  point  éta- 
blir de  nouvelles  lois.  3.°  Dieu 
a  rejeté  les  anciens  sacrifices  etpro- 
mis  un  nouveau  sacerdoce.  Ps.  49, 
S-  7.  Isaï. ,  c.  1 ,  S •  i^  et  suiv.  ; 
c.  66,  S-  2.  Jerem.,  c.  7,  ^.  21, 
Ezech. ,  c.  20 ,  y .  5  et  suiv.  Mich. , 
c.  6,if.  6.  Malach.,  c.  i  ,  }^.  10. 
C'est  encore  un  argument  de  saint 
Paul,ffc6r.,c.  7,^.  i2;c.  8,  :j;^.  8. 
4.°  L'ancienne  alliance  mettoit  un 
mur  de  séparation  entre  les  Juifs  et 
les  autres  nations;  la  loi  de  Moïse 
n'étoif  praticable  que  dans  la  Judée; 


8o 


ALO 


sous  le  Messie,  au  contraire,  tou- 
tes les  nations  doivent  se  réunir  et 
devenir  le  peuple  du  Seigneur;  les 
Juifs  en  conviennent  :  donc  il  faut 
une  loi  nouvelle  qui  soit  praticable 
dans  toutes  les  parties  du  inonde. 
5."  Dieu  a  rendu  la  loi  de  Moïse 
impraticable  aux  Juifs  mièmes  par 
leur  dispersion,  par  la  destruction 
du  temple  ,  par  la  confusion  des 
généalogies,  par  rincompatibilité 
de  leurs  lois  avec  le  droit  public  de 
toutes  les  nations  :  donc  Dieu  en  a 
établi  une  nouvelle  par  le  Messie  ; 
elle  subsiste  depuis  près  de  dix- 
huit  cents  ans.  Voyez  Philippi  à 
'Lirnborch  arnica  collai,  cum  erudiio 
Judœo ,  etc. 

ALOGES  ou  ALOGIENS ,  secte 
d'anciens  hérétiques,  dont  le  nom 
est  formé  d'à  privatif,  etide  ^oyoç, 
parole  ou  verbe ,  comme  qui  diroit 
sans  verbe  ;  parce  qu'ils  nioient 
que  Jésus-Christ  fiit  le  Verbe  é- 
ternel.  Ils  rejetoient  l'évangile  de 
saint  Jean  ,  comme  un  ouvrage 
apocryphe  ,  écrit  par  Cérinthe  ; 
quoique  cet  apôtre  ne  l'eût  écrit 
que  pour  confondre  cet  hérétique, 
qui  nioit  aussi  la  divinité  de  Jésus- 
Christ. 

Quelques  auteurs  rapport ent  l'o- 
rigiiie  de  cette  secte  à  Théodote  de 
Bysance,  corroyeur  de  son  métier, 
et  cependant  homine  éclairé,  qui , 
ayant  apostasie  pendant  la  persé- 
cution de  Sévère,  répondit  à  ceux 
qui  lui  reprochoient  ce  crime,  que 
ce  n'étoit  qu'un  homme  qu'il  avoit 
renie,  et  non  un  Dieu  :  et  que  de 
là  ses  disciples,  qui  nioient  l'exis- 
tence du  Verbe  ,  prirent  le  nom 
({''alôyoi  :  «  Ils  disent  ,  ajoute 
i>  M.Fleury  ,  que  tous  les  anciens 
»»  etmemeles  apôtres,  avoient  reçu 
»>  et  enseigné  cette  doctrine ,  et 
»  qu'elle  s'étoit  conservée  jusqu'au 
i>  temps  de  Victor,  quiétoit  le  trei- 
u  zième  évêque  de  Rome  depuis 
»  saint  Pierre  ;  mais  queZéphirin 
»  son  successeur  avoit  corrompu 


AMA 

"  la  vérité.  «Mais  on  leur  opposoit 
les  écrits  de  saint  Justin,  de  Mil- 
tiade,  de  Tatien,  de  Clément,  d'I- 
rénée,  de  Méliton  et  d'autres  an- 
ciens,qui  disoient  que  Jésus-Christ 
étoit  Dieu  et  homme  ;  Victor  avoit 
excommunié  Théodote  ;  comment 
l'eût-il  excommunié ,  s'ils  eussent 
été  du  même  sentiment  ?  Hist.  eccl. , 
tom.  I,  liv.  IV,  n.°  33. 

D'autres  avancent  que  ce  fut 
saint  Epiphane  qui  ,  dans  sa  liste 
des  hérésies,  leur  donna  ce  nom  ; 
mais  d'autres  Pères  et  grand  nom- 
bre d'autres  ecclésiastiques  par- 
lent des  alogiens,  comme  sectateurs 
de  Théodote  de  Bysance.  Voyez 
Tertul.  ,  livre  des  Prescr.  ,  chap. 
dernier;  saint August. de ifœr. cap. 
33;Eusèbe  ,  liv.  5  ,  chap.  19  ;  Ba- 
ronius  ,  ad  ann.  196  ;  Tillemont , 
Dupin,  Bibtioth.  des  auteurs  ecclés. y 
premier  siècle. 

ALPHA  et  OMÉGA,  A  et  Q, 
première  et  dernière  lettres  de  l'al- 
phabet grec.  Jésus-Christ  dit  dans 
l'Apocalypse  :  «  Je  suis  Valpha  et 
»  Voméga ,  le  commencement  et  la 
»  fin.  »C.  1,^.8;  C.21,  Jii'.  6  ;  c.  23, 
y^.  i3.  Il  est  en  effet  le  Verbe  divin 
qui  a  créé  toutes  choses  ;  il  en  est 
la  dernière  fin,  puisque  c'est  en  lui 
seul  et  par  lui  que  nous  pouvons 
trouver  le  souverain  bonheur.  Voy. 
Coloss,,  c.  I  ,  ^.  i5  et  suiv. 

ALPHABET  grec  et  latin  ,  ca- 
ractères ou  lettres  à  l'usage  des 
Grecs  et  des  Latins  ,  que  ,  dans  la 
consécration  d'une  église,  le  prélat 
consécrateur  trace  avec  son  doigt 
sur  la  cendre  dont  on  a  couvert  le 
pavé  de  la  nouvelle  église. 

Celte  cérémonie  nous  donne  à 
entendre  que  l'Église  est  la  vraie 
mère  des  fidèles  ;  qu'elle  leur  don- 
ne les  éléments  de  la  vraie  science, 
de  la  science  du  salut  ,  et  qu'elli" 
réunit  tous  les  peuples. 

(\]NIALÉCITES.  rorez  Agag. 


AMB 
\JVIA.URI ,  théologien  de  Paris  , 
parut  au  commencenient  du  trci- 
tiéme  siècle.  Il  enseigna  que  Dieu 
étoitla  matière  première;  que  la  loi 
de  Jèsua-Christ  devoit  finir  l'an 
I200  ,  et  faire  place  à  la  loi  du 
Saint-Esprit ,  qui  «anctifieroit  les 
hommes  sans  sacrements  et  sans 
aucun  acte  extérieur  ;  que  les  pé- 
chés commis  par  charité  étoient 
innocents.  Il  nioit  la  résurrection 
des  morts  et  l'enfer,  rejetoit  le  culte 
des  saints  ,  déclamoit  contre  le 
pape,  etc.  Il  eut  des  sectateurs  opi- 
niâtres. On  pardonna  aux  femmes; 
mais  dix  de  leurs  séducteurs  su- 
birent le  dernier  supp lice  l'an  1 2 1  o. 
Le  concilede  Latran,tenu  en  i2i5, 
confirma  la  condamnation  de  leur 
doctrine.  Amauri  eut  pour  succes- 
seur David  de  Dinant ,  qui  prêcha 
la  même  doctrine.  Hist.  de  VEgl. 
gallic,  liv.  3o,  an.  1210-1212. 

AMBITION  ,  désir  excessif  des 
honneurs.  Plusieurs  philosophes 
de  notre  siècle  ont  fait  l'apolo.'^ic 
de  V ambition ,  parce  que  l'Evangile 
la  réprouve  et  commande  l'humi- 
lité. Ils  disent  qu'un  homme  est 
louable  lorsqu'il  recherche  les  di- 
gnités et  les  places  importantes, 
dans  le  dessein  de  se  rendre  utile  à 
ses  semblables. Cela  seroit  fort  bien, 
si  c'étoit  là  le  motif  des  ambitieux; 
mais  on  sait  trop  par  expérience 
que  leur  intention  est  de  jouir  des 
privilèges  attachés  aux  grandes  pla- 
ces, sans  se  mettre  beaucoup  en 
peine  d'en  remplir  les  devoirs  ,  et 
que  les  sujets  les  plus  ineptes  sont 
ordinairement  les  plus  avides  et  les 
plus  empressés  de  parvenir.  «  N'i- 
»  mitez  point,  dit  Jésus-Christ , 
»  ceuxqui  recherchent  lespremiè- 
>»  res  places  ,  les  respects  et  les 
»  hommages  des  hommes.  »  Il  re- 
proche ce  vice  aux  pharisiens  ,  et 
tâche  d'en  préserver  ses  disciples. 
Malth.  ,  c.  23  ,  >^.  6.  Cette  morale 
»era  toujours  plus  sage  que  celle 
des  philosophes.  Avec  des  palliatifs 
I. 


AMD  8i 

il  n'est  point  de  passion  que  l'on 
ne  vienne  à  bout  de  justifier. 

AMBROISE  (  S.  )  ,  docteur  de 
l'Église  et  archevêque  de  Milan  , 
mort  l'an  397.  La  ineilleureédition 
de  ses  ouvrages  est  celle  des  béné- 
dictins ,  en  deux  volumes  in-folio. 
Le  fait  le  plus  honorable  à  saint 
Ambroise  est  d'avoir  eu  saint  Au- 
gustin pour  disciple.  On  peut  voir 
ses  autres  actions  dans  le  Diction- 
naire historique;  nous  nous  bornons 
à  examiner  les  accusations  formées 
contre  sa  doctrine.  On  lui  reproche 
d'avoir  poussé  trop  loin  l'étendue 
de  la  patience  chrétienne,  le  mérite 
de  la  virginité  et  du  célibat;  d'avoir 
dit  qu'avantMoïse  il  n'y  avoit  point 
de  loi  qui  défendît  l'adultère; 
d'avoir  voulu  justifier  ,  dans  les 
saints  personnages  dont  parle  l'E- 
criture, des  actions  qui  ne  doivent 
être  ni  louées,  ni  excusées. 

Ces  reproches  empruntés  de 
Daillé  et  de  Barbeyrac ,  deux  pro- 
testants .  ne  valoient  pas  la  peine 
d'être  répétés  par  les  incrédules. 
Les  premiers  chrétiens  ont  poussé 
la  patience  jusqu'à  l'héroïsme  ;  il 
le  falloit,  afin  de  convaincre  les 
persécuteurs  de  l'inutilité  des  sup- 
plices pour  exterminer  le  christia- 
nisme, et  de  montrer  aux  païens  la 
supériorité  des  maximes  de  l'Evan- 
gile sur  la  morale  de  leurs  philo- 
sophes. Aujourd'hui  des  censeur» 
téméraires  osent  soutenir  que  cette 
patience  n'a  pas  été  poussée  asses 
loin- 
Dans  les  articles  Célibat  et  Vir- 
ginité ,  nous  ferons  voir  que  les 
Pères  n'ont  rien  dit  de  plus  que 
saint  Paul  ;  que  cette  doctrine  est 
sage  et  irrépréhensible  ;  qu'il  n'est 
pas  vrai  qu'elle  déroge  àla  sainteté 
du  mariage,  ni  qu'elle  soit  nuisible 
au  bien  de  la  société. 

Saint  Arnbroise  a.  eu  raison  d'a- 
vancer qu'avant  Moïse  il  n'y  avoit 
point  de  loi/;os/7tWqui  défendît  l'a- 
dultère ;  mais  il  n'a  pas  prétendu 


82  AMB 

iju'il  fût  permis  parla  loi  naturelle. 
Le  commerce  d'Abraham  avec 
Agar  n'étoit  ni  un  adultère  ni  un 
concubinage,  mais  une  polygamie  ; 
etalors  elle  n'étoit  point  réprouvée 
par  le  droit  naturel.  Voyez  Poly- 
gamie. 

C'est  donc  très-improprement 
que  saint  Ambroise  nomme  adultère 
ce  second  mariage  d'Abraham  ; 
mais  il  n'a  pas  tort  de  prétendre 
qu'en  cela  ce  patriarche  n'a  point 
péché.  11  est  évident,  par  ce  qu'il 
dit  de  Pharaon,  à''Abrahanij  liv.  2, 
r.  2,  qu'il  n'a  jamais  pensé  que  l'a- 
dultère proprement  dit  piit  être 
permis  ;  et  quoi  qu'en  dise  Barbey- 
rac,  ce  n'est  point  là  une  contradic- 
tion. Traité  de  la  Morqle  des  Pères, 
c.  i3,  §  12. 

Quant  aux  autres  actions  des 
patriarches  que  les  Pères  de  l'Eglise 
ont  excusées ,  voyez  Patriarche  , 
Abraham  ,  etc. 

D'autres  critiques  ont  accusé 
.sa/n/^TTïèroise  d'avoir  enseigné  que 
l'âine  humaine  est  matérielle,  parce, 
f^u'il  dit  qu'il  n'y  a  rien  d'exempt 
de  composition  matérielle  que  la 
substance  de  la  Trinité  ,  qui  est 
d'une  nature  simple  et  sans  mé- 
lange. De  Abraham  ,  liv.  2  ,  c.  8  , 
n.  58.  Mais,  dans  cetendroitmême, 
il  dit  que  l'àme  humaine  est  indivi- 
sible et  unie  à  la  Sainte  Trinité,  qui 
est  simple.  D'ailleurs  il  professe 
formellement  l'iramatérialité  et 
l'immortalité  de  l'àme  dans  plu- 
sieurs autres  ouvrages.  In  Psalm. 
1 18, «CTTre.  10, n.  i5, 16,  i%;Hexam., 
liv.  6,  c.  7,  n.  10,  etc. 

Le  Clerc ,  dans  ses  notes  sur  les 
Confessions  de  saint  Augustin  ,  pré- 
tend que  l'invention  des  reliques 
de  saint  Gervais  et  de  saint  Protais 
fut  une  fraude  pieuse  de  saint  Am- 
broise, qui  se  servit  de  cet  expé- 
dient pour  augmenter  sonautorité, 
pour  réprimer  les  ariens,  pour  en 
imposer  à  l'impératrice  Justine 
qui  les  favorisoit.  Il  prouve  ce 
soupçon,  i.°  parce  que  saint  A.n- 


AMB 

gustin  rapporte  que  saint  Ambroise 
fut  instruit  par  une  vision  ou  une 
révélation  du  lieu  où  étoient  ces 
reliques,  au  lieu  que  saint  Am- 
broise neparle'pointde  cette  vision 
en  racontant  cet  événement.  Epist . 
22  ,  lib.  I.  2.°  Saint  Ambroise  dit  : 
Nous  trouvâmes  deux  corps  d'une 
grandeur  étonnante  ,  lels  quils 
étaient  dans  les  anciens  temps. 'VeuX- 
il  parler  des  temps  héroïques  ,  ou 
veut- il  faire  ejitendre  que  les  mar- 
tyrs devenoient  plus  grands  que 
les  autres  hommes  .•*  3.°  Il  rapporte 
que  les  possédés,  ou  plutôt  les  dé- 
mons ,  tourmentés  par  ces  reli- 
ques ,  confondirent  les  ariens. 
4.°  En  effet ,  cet  événement  servit 
à  humilier  et  à  contenir  ces  héré- 
tiques. Ce  fut  donc  un  stratagènae 
imaginé  à  propos.  Le  Clerc  pense 
qu'il  en  est  de  même  de  toutes  les 
autres  inventions  de  même  espèce. 
Sont-ce  donc  là  des  preuves  as- 
sez fortes  pour  accuser  de  fourbe- 
rie un  personnage  aussi  respectable 
que  saint  Ambroise?  S'il  avoit  parlé 
de  la  révélation  qu'il  avoit  eue,  Le 
Clerc  lui  auroit  reproché  de  l'avoir 
forgée  par  orgueil.  Ce  n'est  pas  un 
prodige  que  deux  martyrs  aient  été 
de  haute  stature ,  tels  que  les  poètes 
nous  peignent  les  hommes  des 
temps  héroïques  ;  il  n'y  a  rien  de 
ridicule  dans  cette  remarque  de 
saint  Ambroise.  Il  se  fit  d'autres 
miracles ,  à  cette  occasion ,  que  des 
guérisons  de  possédés.  Saint  Au- 
gustin raconte  qu'un  aveugle  re- 
couvra la  vue,  et  il  paroît  l'attes- 
ter comme  témoin  oculaire.  Pour 
commettre  une  fraude,  il  auroit 
fallu  avoir  un  trop  grand  nombre 
de  complices,  les  fossoyeurs  et  les 
témoins,  les  miraculés,  tout  le 
clergé  de  Milan,  et  même  tous  les 
catholiques  environnés  des  ariens; 
croirons -nous  qu'aucun  de  ces 
derniers  ne  fut  témoin  des  faits  .'* 
Saint  Ambroise  se  seroit  exposé  à 
la  dérision  des  hérétiques,  au  dis- 
crédit de  la  foi  catholique ,  au  res- 


AMB 

sentiment  de  l'impcratrice  Just  ine; 
il  n'étoit  pas  assez  imprudent  pour 
courir  un  aussi  grand  danger. 
Etoit-il  indigne  de  Dieu  de  confir- 
mer par  des  miracles  la  foi  à  la  di- 
vinité du  Verbe,  et  le  culte  des  re- 
liques contre  lequel  Vigilance  s'é- 
leva pendant  ce  temps-là  ?  Mais  Le 
Clerc,  qui  ne  croyoit  ni  l'un  ni 
l'autre  de  ces  dogmes ,  aime  mieux 
accuser  toute  l'Eglise  catholique  de 
fourberie ,  que  de  démordre  de  ses 
opinions.  Par  un  effet  du  même  en- 
têtement ,  il  a  reproché  à  saint  Au- 
gustin d'avoir  feint  les  prétendus 
miracles  opérés  par  les  reliques  de 
saint  Etienne,  et  d'avoir  aposté  les 
miraculés. 

AMBROSIEN  (  rit  ou  office  ). 
Manière  particulière  de  faire  l'of- 
fice dans  l'Eglise  de  Milan  ,  qu'on 
appelle  aussi  quelquefois  VÈglise 
Ambrosienni.  Ce  nom  vient  de 
saint  Ambroise  ,  docteur  de  l'E- 
glise et  évêque  de  Milan  ,  dans  le 
quatrième  siècle.  Walafrid  Stra- 
bon  a  prétendu  que  saint  Ambroise 
étoit  véritablement  l'auteur  de  l'of- 
fice qu'on  nomme  encore  aujour- 
d'hui a/nèros/e«  ,  et  qu'il,le  disposa 
d'une  manière  particulière  ,  tant 
pour  son  église  cathédrale  que 
pour  toutes  les  autres  de  son  dio- 
cèse. Cependant  quelques-uns 
pensentque  l'Eglise  de  Milan  avoit 
un  office  différent  de  celui  de 
Rome,  quelque  temps  avant  ce 
saint  prélat.  En  effet,  jusqu'au 
temps  de  Charlemagne. ,  les  églises 
avoient  chacune  leur  office  pro- 
pre ;  dans  Rome  même  il  y  avoit 
une  grande  diversité  d'offices;  et,  si 
l'on  en  croit  Abailard ,  la  seule 
église  de  Latran  conservoit  en  son 
entier  l'ancien  office  romain  ;  et 
lorsque  ,  dans  la  suite  ,  les  papes 
voulurent  faire  adopter  celui-ci  à 
toutes  les  Eglises  d'Occident,  afin 
d'y  établir  une  uniformité  de  rit, 
l'Eglise  de  Milan  se  servit  du  nom 
du  grand  Ambroise  et  de  l'opinion 


AMIi 


83 


où  l'on  étoit  qu'il  avoit  composé 
ou  travaillé  cet  office,  pour  être 
dispensée  de  l'abandonner;  ce  qui 
l'a  fait  nommer  rit  ambrosien  ,  par 
opposition  au  rit  romain. La  litur- 
gie ambrosienne  a  été  publiée  par 
Pamélius ,  en  1 56o  :  lePère  Le  Brun 
l'a  tirée  de  divers  missels  anciens  , 
imprimés  ou  manuscrits  ;  il  note 
exactement  en  quoi  elle  étoit  dif- 
férente de  celle  de  Rome,  ce  que 
saint  Ambroise  y  avoit  ajouté  ,  et 
ce  qui  existoit  avant  lui.  Il  rap- 
porte les  tentatives  qui  ont  été 
faites ,  soit  par  le  pape  Adrien  1 
sous  Charlemagne,  soitpar  les  suc- 
cesseurs de  ce  pontife  dans  les 
siècles  suivants,  pour  introduire 
dans  l'Eglise  de  Milan  la  liturgie 
romaine  et  le  rit  grégorien,  et  la 
résistance  constante  du  clergé  de 
Milan.  Saint  Charles  lui-même  fut 
très-zélé  pour  la  conservation  du 
rit  ambrosien  ;  et  ce  rit  subsiste  en- 
core dans  la  cathédi'ale  et  dans 
la  plupart  des  églises  du  dio- 
cèse de  Milan.  Explication  des 
Cérémonies  de  la  messe  ^  tom.  3, 
pag. 175. 

Ambrosien  (  chant).  Il  est  parlé 
dans  les  rubricaires  du  chant  am- 
brosien ,  aussi  ustté  dans  l'Eglise  de 
Milan  et  dans  quelques  autres ,  et 
qu'on  distinguoit  du  chant  ro- 
main, en  ce  qu'il  étoit  plus  fort  et 
plus  élevé;  au  lieu  que  le  romain 
étoit  plus  doux  et  plus  harmo- 
nieux. Vojr.  Chant  et  Grégorien. 
Saint  Augustin  attribue  à  saint 
Ambroise  d'avoir  introduit  en 
Occident  le  chant  des  psaumes ,  à 
l'imitation  des  Eglises  orientales  ; 
et  il  est  très -probable  qu'il  en 
composa  ou  revit  la  psalmodie. 
August. ,  Confess.  9  ,  cap.  7. 

AMBROSIENS  ou  PNEUMATI- 
QUES ,  nom  que  quelques-uns 
ont  donné  à  des  anabaptistes  dis- 
ciples d'un  certain  Ambroise  qui 
vantoit  ses  prétendues  révélations 
divines,  en  comparaison  desquel 


84  AIME 

les  il  méprisoit  les  livres  sacrés 
de  l'Ecriture.  Gautier  ,  De  hcer.  , 
au  seizième  siècle. 

AME,  substance  spirituelle,  qui 
pense  et  qui  est  le  principe  de  la 
vie  dans  Thoninie.  C'est  aux  philo- 
sophes d'exposer  les  preuves  de  la 
spiritualité  et  de  l'immortalité  de 
Vâme  humaine  ,  que  la  lumièi'e 
naturelle  peut  fournir  ;  le  devoir 
des  théologiens  est  de  faire  voir 
que  ces  deux  dogmes  essentiels  ont 
été  révélés  aux  hommes  dès  le 
commencement  du  monde  ;  que 
Dieu  n'a  pas  attendu  les  spécula- 
tions de  la  philosophie,  pour  leur 
enseigner  ces  deux  importantes 
vérités  ;  que  les  philosophes  mê- 
mes n'ont  jamais  pu  les  démontrer 
invinciblement,  faute  d'avoir  été 
éclairés  par  la  révélation.  (N;*I1I, 
p.  ni.)  Nous  ajouterons  quelques 
réflexions  touchant  l'origine  de 
Vâme. 

I.  De  la  spîrUualiié  de  rame.  La 
première  vérité  que  nous  enseigne 
l'histoire  sainte,  est  que  Dieu  est 
créateur,  qu'il  a  tout  fait  par  sa 
parole  ou  par  un  simple  acte  de 
sa  volonté;  donc  il  est  pur  esprit. 
Au  mot  Création  ,  nous  ferons 
voir  que  cette  conséquence  est 
incontestable.  Or  ,  cette  même 
histoire  nous  apprend  que  Dieu  a 
fait  l'homme  à  son  image  et  à  sa 
ressemblance.  Gen.,  c.  i,'^.  26  et 
37;  c.  9,  y.  6.  Donc  l'homme 
n'est  pas  seulement  un  corps;  il 
est  intelligent,  actif,  libre  dans 
ses  volontés  comme  Dieu. 

Il  est  dit  qu'après  avoir  formé 
un  corps  de  terre.  Dieu  souffla 
sur  le  visage  de  l'homme;  que, 
dès  ce  moment,  ce  corps  fut  vi- 
vant, animié,doué  du  mouvement 
et  de  la  parole.  En  effet,  c'est  sur 
le  visage  ou  sur  la  physionomie 
de  l'homme  que  brillent  la  vie  , 
l'intelligence,  l'activité,  les  désirs, 
les  sentiments  de  son  âme.  Rien 
de    semblable  dans  les  animau.x. 


AME 

Uâme,  l'esprit,  ne  sont  point  sen- 
sibles par  eux-mêmes,  mais  par 
leurs  effets;  ils  ne  peuvent  donc 
être  désignés  que  par  là  :  le  plus 
sensible  de  ces  effets  est  le  soujfle 
ou  la  respiration  ;  tout  ce  qui  res- 
pire est  censé  vivant.  Il  est  donc 
naturel  d'exprimer  par  le  souffle 
le  principe  même  de  la  vie.  Mais 
il  est  écrit  que  le  souffle  du  Tout- 
Puissant  donne  l'intelligence.  Job, 
c.  32,  '^.  8.  Jamais  nos  auteurs 
sacrés  n'ont  attribué  l'intelligence 
à  la  matière.  Les  philosophes  qui 
ont  dit  que  le  souffle  désigne  ici 
quel  que  chose  dematériel,  ont  bien 
peu  réfléchi  sur  l'énergie  du  lan- 
gage. (N.«  IV,  p. IV.) 

Dieu  dit  :  «  Faisons  l'homme  à 
»  notre  image  et  ressemblance , 
»  pour  qu'il  préside  aux  animaux, 
»  à  tout  ce  qui  vit  sur  la  terre  , 
»  à  toute  la  terre  elle-même.  » 
Gen.  ,  c.  I  ,  ;)^.  26.  Et  Dieu  lui 
donne  en  effet  cet  empire,  "^ .  28; 
l'homme  est  donc  d'une  nature 
bien  supérieure  à  celle  des  ani- 
maux, puisqu'il  est  créé  pour  être 
leur  maître. 

En  effet  ,  Dieu  ne  parle  point 
aux  êtres  matériels,  il  n'adresse 
pointla  parole  aux  animaux;  mais 
il  parle  à  l'homme,  il  converse  avec 
lui,  il  lui  accorde  des  droits,  lui 
impose  des  devoirs;  il  agit  avec  lui 
comme  avec  un  être  intelligent  , 
libre  ,  maître  de  ses  actions,  digne 
de  récompense  ou  de  châtiment*: 
est-ce  ainsi  que  l'on  traite  un  au- 
tomate ou  un  animal  ?  Des  spécu- 
lations métaphysiquessurlanature 
de  l'esprit  et  de  la  matière,  des 
dissertations  grammaticales  sur  la 
signification  des  termes,  sont  bien 
froides  en  comparaison  des  leçons 
que  nous  donne  l'histoire  sainte. 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'il 
ne  se  soit  encore  trouvé  sur  la 
terre  aucun  peuple  assez  stupide 
pour  confondre  l'esprit  avec  la 
matière,  et  l'homme  avec  les  ani- 
maux j  la  plupart  ont  inieux  aimé 


AME 

donner  une  âme  iulelligente  el 
spirituelle  aux  animaux  que  de  la 
refuser  à  l'homme. 

Faudra-t-il  parcourir  toute  lasui— 
le  de  l'histoire  et  des  livres  saints, 
pour  montrer  la  même  croyance 
toujours  subsistante  chez  les  Hé- 
breux ?  Vainement  on  y  cherchc- 
roit  des  vestiges  de  matérialisme  , 
ou  des  expressions  capables  de 
prouver  que  les  Juifs  ont  mis 
l'homme  au  rang  des  animaux. 
Le  reproche  le  plus  sanglant  que 
les  auteurs  sacrés  font  aux  hom- 
mes corrompus  et  livrés  à  des 
passions  brutales,  est  de  leur  dire 
qu'ils  ont  oublié  leur  propre  na- 
ture, qu'ils  se  sont  dégradés  jus- 
qu'au rang  des  animaux ,  et  se 
sont  rendus  semblables  aux  bru- 
tes. Ps.  48,  S-  i5  et  21;  Isaï.  , 
c.  1 ,  ]^.  3,  etc. 

On  a  voulu  tourner  Moïse  en 
ridicule  ,  parce  qu'en  défendant 
aux  Israélites  de  manger  le  sang 
des  animaux ,  il  a  dit  que  Vâme 
de  toute  chair  est  dans  le  sang  , 
et  que  le  sang  est  Vâme  des  ani- 
maux. Levit.,  c.  18,  y.  II  et  i4  ; 
Deuf.,  c.  12,  yî .  23.  Et  l'on  a 
conclu  que  les  auteurs  sacrés,  en 
parlant  de  Vdme  en  général ,  n'ont 
entendu  rien  autre  chose  que  le 
souflle  ou  la  respiration. 

Quand  Moïse  auroitvoulu  don- 
ner à  entendre  que  le  principe  de 
la  vie  des  animaux  est  dans  leur 
sang,  nous  ne  voyons  pas  par 
quelle  raison  démonstrative  nos 
plus  habiles  physiciens pourroient 
prouver  le  contraire,  et  il  ne  s'en- 
suivroit  pas  que  Moïse  a  pensé  de 
même  à  l'égard  de  Vâme  de  l'hom- 
me. Mais  ce  législateur  ne  faisoit 
pas  une  dissertation  philosophi- 
que sur  Vâme  des  betes;  il  don- 
noit  aux  Hébreux  une  raison  sen- 
sible de  la  loi  qu'il  leur  imposoit. 
Il  leur  défend  de  nnanger  le  sang 
des  animaux,  parce  que  ce  sang, 
sans  lequel  les  animaux  ne  peuvent 
vivre     a  été  donné  de  Dieu  aux 


AME  85 

Israélites  pour  expier  leurs  ârnes, 
lorsqu'il  est  offert  sur  l'autel- 
C'est  donc  dans  ce  stns  qu'il  dit, 
Levit.,  c.  \'j ,  "^ .  \i  :  «  Le  sang 
»  est  pour  l'expiation  de  l'aine,  » 
et  Deui. ,  c.  12  ,  j!/ .  23:  «  Leur 
»  sang  est  pour  Vâme.  »  Mais  cela 
ne  signifie  point  que  le  sang  tient 
lieu  (ï'âmc  aux  animaux. 

Comme  l'ame  signifie  en  général 
le  principe  de  la  vie,  les  Hébreux 
ont  pu  dire  ,  comme  nous  ,  Vârm 
des  brutes  ,  puisqu'elles  ont  en  ef- 
fet un  principe  de  vie.  Quel  est- 
il  .''  Nous  ne  le  savons  pas  mieux 
qu'eux.  Mais  ils  n'ont  jamais  pen- 
sé, non  plus  que  nous,  que  ce 
principe  fût  le  même  en  nous  et 
dans  les  brutes.  Ils  se  servent  du 
mot  âme  pour  désigner  l'homme, 
et  non  les  animaux  qujind  ils  disent: 
toute  âme  qui  ne  recevra  point  la 
circoncision ,  toute  âme  qui  péchera 
mourra,  toute  àme  quine  s^ajfligera 
point,  etc.  Ils  attribuent  a  l'ame 
et  non  au  corps  les  fonctions  spiri- 
tuelles. Lorsque  David  dit  :  Mon 
âme  se  réjouit  dans  le  Seigneur  ; 
mon  âme  est  affligée;  mon  âme  , 
bénissez  le  Seigneur ,  etc. ,  cela  ne 
peut  s'entendre  du  souflle  ,  de  la 
respiration,  du  principe  de  vie 
matérielle. 

Nous  prouverons  dans  un  mo- 
ment que  les  Israélites  ont  cru 
constamment  l'immortalité  de 
Vâme  humaine;  il  en  résultera 
qu'ils  ne  l'ont  point  confondue 
avec  le  souftle  ou  la  respiration. 

Personne  ne  nous  obligera,  sans 
doute ,  à  montrer  que  Jésus-Christ 
a  confirmé  par  ses  leçons  divi- 
nes la  croyance  primitive  de  la 
spiritualité  de  Vâme,  et  qu'il  a 
pleinement  dissipé  les  doutes 
qu'une  philosophie  contentieuse 
avoit  répandus  sur  celte  impor- 
tante question.  «  Dieu  est  esprit , 
»  dit-il ,  et  ceux  qui  lui  rendent 
»  un  culte  doivent  l'adorer  en  cs- 
»  prit  et  en  vérité.  »  Joan.,  0.4^ 
J?.  a4-  Mais  c'est  surtout  en  éla- 


86  AME 

blissant  d'une  manière  invincible 
l'immortalité  de  r«me,  que  notre 
divin  Maître  en  a  démontré  la  spi- 
ritualité; nous  le  verrons  ci- 
après. 

Les  incrédules ,  qui  ne  savent 
argumenter  que  sur  des  mots,  ont 
cependant  objecté  que  souvent  , 
dans  l'Evangile,  Vàme  ne  signifie 
rien  autre  chose  que  la  vie.  Cela 
n'est  pas  étonnant ,  puisque  c'est 
Yâme  qui  est  le  principe  de  la  vie; 
mais  lorsque  Jésus-Chrit  a  dit  : 
«  Celui  qui  perdra  son  âme  pour 
»  moi,  la  retrouvera;  celui  qui 
»  hait  son  âme  en  ce  monde  la 
»  garde  pour  une  vie  éternelle  ,  » 
Matih.  ,  c.  lo  ,  S •  Sg  ;  Joan.  , 
c.  12 ,  ^.  a5  ;  n'est-il  question  là 
que  de  la  vie  du  corps  i' 

Dans  l'impossibilité  de  faire  de 
Jésus-Christ'un  matérialiste ,  nos 
savants  dissertateurs  ont  du  moins 
voulu  imprimer  cette  tache  aux 
Pères  de  l'Eglise.  Ils  ont  soutenu 
que ,  comme  aucun  des  anciens 
philosophes  n'a  eu  l'idée  de  la  par- 
faite spiritualité,  les  Pères  de  l'E- 
glise ne  l'ont  pas  mieux  conçue  ; 
qu'ils  ont  seulement  entendu  par 
V esprit  une  matière  subtile  ;  que 
selon  leur  opinion  Dieu,  les  an- 
ges, les  âmes  humaines,  sont  fon- 
cièrement des  corps,  mais  légers, 
ignés  ou  aériens. 

Nous  n'avons  certainement  au- 
cun intérêt  à  justifier  les  anciens 
philosophes  ;  mais  nous  ne  pou- 
vons nous  résoudre  à  croire  que 
des  hommes,  qui  ont  combattu  de 
toutes  leurs  forces  contre  le  maté- 
rialisme des  épicuriens ,  sont  tontv- 
bés  cependant  dans  la  même  er- 
reur.Cicéron,  dans  ses  Tusculanes, 
a  prouvé  la  spiritualité  de  Vâme 
aussi  solidement  que  Descartes  , 
et  il  fait  profession  de  répéter  les 
leçons  de  Platon,  de  Socrate  et 
d'Aristote.  Nos  littérateurs  mo- 
dernes se  sont  moqués  de  celui- 
ci  ,  parce  qu'il  a  dit  que  Yâme  est 
nue  eniéléchie;  ils  n'ont  pas  vu  que 


AME 

ivTCAextîa  chez  Ics  Grecs  signifie  la 
même  chose  que  intelligentia  chex 
les  Latins.  Voilà  des  dissertateurs 
fort  en  état  de  juger  de  la  doctrine 
des  anciens  philosophes. 

Nous  croirons  encore  moins  que 
les  Pères  de  l'Eglise  ont  préféré  les 
leçons  du  portique  ou  de  l'acadé- 
mie à  celles  de  l'Écriture  sainte  , 
et  qu'en  admettant  un  Dieu  créa- 
teur, ils  ont  supposé  un  Dieu  cor- 
porel :  ces  deux  dogmes  sont  in- 
compatibles. Laplupart  ont  insisté 
sur  ce  qu'il  est  dit  dans  la  Genèse, 
que  Dieu  a  fait  l'homme  à  son  ima- 
ge; et  ils  n'ont  jamais  pensé  qu'un 
corps  ,  tant  subtil  qu'il  pût  être  , 
pouvoit  ressembler  à  un  pur  es- 
prit. Enfin  ,  tous  ont  attribué  à 
l'a/ne humaine  l'intelligence,  la  li- 
berté et  l'immortalité  :  propriétés 
qui  ne  peuvent  appartenir  à  un 
corps. 

A  la  vérité  les  Pères,  obligés  de 
s'assujétir  au  langage  ordinaire  , 
ont  été  dans  le  même  embarras 
que  les  philosophes  ;  ils  ont  été 
forcés  d'exprimer  la  nature  ,  les 
propriétés,  les  opérations  de  r«7i7« 
par  des  termes  empruntés  des  cho- 
ses corporelles;  parce  qu'aucune 
langue  de  l'univers  ne  peut  en 
fournir  d'autres.  Ainsi ,  les  uns 
ont  pris  le  mot  de  corps  dans  un 
sens  synonyme  à  celui  de  substance, 
parce  que  celui-ci  n'étoit  pas  em- 
ployé chez  les  Latins  dans  la  même 
signification  que  chez  nous  ;  les 
autres ontaopelé  la  manière  d'être 
des  esprits  une  forme^  et  leur  action 
un  mouvement  \  d'autres  ont  dési- 
gné la  présence  de  Yâme  dans  tou- 
tes les  parties  du  corps  par  le  terme 
de  diffiisîen ,  d'égalité  ou.  dc'quan- 
tité  ;  autant  de  métaphores  sur  les- 
quelles il  est  ridiculed'appuyerdcs 
arguments  Au  troisième  siècle  de 
l'Eglise, Plotin,  disciplede  Platon, 
dans  sa  quatrième  Ennéade;  saint 
Augustin ,  dans  son  livre  De  quan- 
fitaieanimœ;  au  cinquième,  Clau- 
dien  Mamert  ,  dans  son  traité  De 


AME 

slaiu  animœ,  ont  démontré  l'im- 
matcrialité  de  Vâme  par  les  mêmes 
preuves  que  Descartes.  Il  est  donc 
ridicule  de  leur  attribuer  le  maté- 
rialisme par  voie  de  conséquence, 
ou  sur  quelques  expressions  qui 
ne  sont  pas  parfaitement  exactes  , 
pendant  qu'ils  font  une  profession 
formelle  de  la  doctrine  contraire. 

Le  comble  de  la  témérité  a  été 
d'affirmer,  comme  on  l'a  fait  de 
nos  jours  ,  que  saint  Augustin  est 
le  premier  qui,  après  blendes  ef- 
forts ,  est  venu  à  bout  de  concevoir 
la  spiritualité  et  l'essence  de  Vâme; 
que  cependant  il  a  toujours  rai- 
sonné en  parfait  matérialiste  sur 
les  substances  spirituelles.  Non- 
seulemient  dans  l'ouvrage  que  nous 
venons  de  citer,  mais  dans  le  li- 
vre lo  ,  De  Trinitaie  ^  c.  lo,  ce 
Père  donne  de  la  spiritualité  de 
l'aine  une  démonstration  à  laquelle 
aucun  matérialiste  n'a  jamais  ré- 
pondu. 

On  attribuoit  autrefois  à  saint 
Grégoire  Thaumaturge  une  dis- 
pute dans  laquelle  l'auteur  prouve 
contre  Tatien  que  Vâme  humaine 
est  une  substance  immatérielle  , 
simple  et  non  composée,  par  con- 
séquent immortelle.  Cet  ouvrage 
est  sans  doute  d'un  écrivain  plus 
récent,  mais  qui  raisonne  très-so- 
lidement. Gérard  Vossius  observe 
que  la  même  doctrine  est  formel- 
lement professée  par  saint  Maxime 
dans  une  dissertation  sur  Vrlme  , 
par  saint  Athanase,  par  saint  Jean- 
Chrysostôme  et  par  saint  Gré- 
goire de  Nazianze.  Nous  aurons 
soin  de  justifier  les  autres  dans 
leur  article  particulier. 

Parmi  les  passages  allégués  par 
les  incrédules  pour  calomnier  les 
Pères,  il  y  en  a  plusieurs  qui  sont 
forgés,  d'autres  que  l'on  a  tirés 
d'ouvrages  qui  ne  sont  point  des 
auteurs  auxquels  on  les  attribue  , 
d'autres  dans  lesquels  on  force  le 
.sens  des  expressions;  mais  nos 
adversaires  ne  sont  pas  scrupuleux 


AME  87 

sur  le  choix  des  armes  dont  ils  se 
sei'vent. 

Us  disent  que  les  anciens  étoicnt 
fort  embarrassés  à  expliquer  l'ori- 
gine de  l'ame,  surtout  Tertullien, 
1.  De  anima  ^  c.  19,  et  saint  Au- 
gustin, 1.  De  origine  animœ.  Mais 
avons-nous  besoin  de  l'expliquer 
mieux  que  ne  fait  l'Écriture 
sainte  ?  Saint  Augustin  n'a  traité 
cette  question  que  parce  qu'il  au- 
roit  voulu  concevoir  comment  le 
péché  d'Adam  est  transmis  à  ses 
descendants.  Cela  n'est  pas  fort  né- 
cessaire ;  il  suffit  de  croire  le  dog- 
me du  péché  originel  tel  qu'il 
est  révélé.  Tertullien,  dans  ce  li- 
vre même,  soutient  de  toutes  ses 
forces  la  simplicité  ,  l'indivisibi- 
lité et  l'indissolubilité  de  Vâme  , 
c.  14.  Cependant  l'on  s'obstine  à 
dire  qu'il  a  cru  Vâme  corporelle. 

II.  De  Vimmortalilé  de  Vâme. 
(N/ V,  p.  IX.)  On  demande  si  ce 
dogme  est  clairement  révélé,  s'il 
a  été  cru  par  les  patriarches  et 
par  les  Juifs  :  il  n'en  est  rien  ,  se- 
lon nos  philosophes  matérialistes  ; 
ils  disent  qu'avant  la  captivité  de 
Babylone  les  Juifs  n'en  ont  eu 
aucune  notion ,  qu'ils  l'ont  em- 
pruntée des  Chaldéens  ou  des  Per- 
ses; mais  on  ne  nous  dit  point  à 
quelle  école  ces  derniers  en  avoient 
été  instruits. 

Nous  répondons  d'aboi'd  que  le 
soultle  de  la  bouche  du  Seigneur 
ne  meurt  point;  mais  nous  ne 
sommes  pas  réduits  à  cette  seule 
preuve.  Après  le  péché  d'Adam , 
avant  de  le  condamner  à  la  mort. 
Dieu  lui  promet  un  rédempteur. 
En  quoi  cette  promesse  pouvoit- 
elle  l'intéresser,  si  elle  ne  devoit 
pas  être  accomplie  pendant  sa  vie, 
et  s'il  devoit  mourir  tout  entier! 
Dieu  dit  à  Caïn  :  «  Si  tu  fais  bien, 
»  n'en  recevras-tu  pas  la  récom- 
»  pense  ?  Mais  si  tu  fais  mal,  ton 
»  fléché  s'élèvera  contre  toi.  » 
Gen. ,  c.  ^,y .'].  Cependant  Abel, 
loin  de  recevoir  la  récompense  de 


88  AME 

ses  vertus  en  ce  inonde,  a  péri 
par  une  mort  violente  et  pré- 
maturée. Dieu  ,  qui  faisoit  alors 
la  fonction  de  législateur  et  de 
juge ,  a-t-il  pu  le  permettre  .  s'il 
n'y  a  ni  récompenses  à  espérer, 
ni  châtiments  à  craindre  après 
la  mort. 

Abraham  entend  de  la  bouche  de 
Dieu  ces  paroles  consolantes  :  «  Je 
»  serai  moi-même  ta  grande  récom- 
»  pense.  »  Gen.  ,  c.  i5,  J/'.  i.  Elle 
étoit  bien  foible  ,  si  elle  devoit  se 
borner  à  la  vie  présente.  Que  fai- 
soient  à  ce  patriarche  les  bénédic- 
tions queDieuluipromettoitderé- 
pandre  sur  sa  postérité  ?  Abraham 
achète  une  caverne  pour  servir  de 
tombeau  à  Sara  son  épouse  ;  il  la 
laisse  pour  héritage  à  ses  enfants. 
Jacob  veut  y  être  enterré  et  dormir 
avec  ses  pères.  Gen.  ,  c.  4/  ,  ^^  3o. 
Lamortnepeutetrecenséeun  som- 
meil, qu'autant  qu'il  y  a  un  réveil 
a  espérer.  Ce  patriarche  ,  près  de 
mourir,  assemble  ses  enfants  :  <t  Je 
M  meurs,  dit-il  ;  enterrez-moi  dans 
»  le  tombeau  d'Abraham  et  d'I- 
»  saac  ;  »  et  s'adressant  à  Dieu  ,  il 
ajoute  ;  «  J'attends  de  vous  ,  Sei- 
»  gneur  ,  ma  délivrance  et  mon 
»  salut.  »  Gen.,  c.48,  S.  21;  c.49, 
^.  18  et  29.  Il  n'étoit  point  ques- 
tion là  de  guérison  ;  Jacob  savoit 
bien  qu'il  ne  relèveroit  pas  de  sa 
maladie. 

Joseph  son  fils  ,  dans  la  même 
circonstance  ,  dit  à  ses  frères  : 
M  Après  ma  mort ,  Dieu  vous  visi- 
»  tera  et  vous  conduira  dans  la 
>»  terre  qu'il  a  promise  à  nos  pères 

»  Abraham  ,  Isaac  et  Jacob 

»  Transportez  mes  os  avec  vous,  » 
c.  5o ,  yi.  23.  Cet  ordre  fut  exécuté. 
JExod. ,  c.  i3.,  yj'.  19,  Si  on  nous 
demande  où  est  gravé  le  dogme 
de  l'immortalité,  nous  répondrons 
hardiment  :  Sur  le  tombeau  des 
patriarches. 

Job ,  réduit  au  comble  du  m^al- 
heur,ne  perdpoint  courage;  il  dit: 
«  Quand  Dieu  m'ôteroit  la  vie  , 


AiVIE 

»  j'espérerois  encoreenluî,>»c.  i3, 
y.  i5.  «  Les  leviers  de  ma  bière 
»  porteront  mon  espérance  ;  elle 
u  reposera  avec  moi  dans  la  nous- 
»  sière  du  tombeau,  »  c.  16,^.  17, 
Hebr.  Sur  ce  sujet  ,  Salomon  dit 
dans  les  Proverbes,  c.  i4,  y. 3a  , 
que  le  juste  espère  même  dans  sa 
mort.  Que  peut-il  espérer ,  s'il 
nrieurt  pour  toujours  ."* 

Il  est  incontestable  que  les  Égyp- 
tiens croyoient  non-seulement  l'im- 
mortalité de  Vdme,  mais  encore  la 
résurrection  future  ;  c'est  pour  cela 
qu'ils  embaumoient  les  corps.  Les 
Israélites  ont  demeuré  plus  de  deux 
cents  ans  parmi  les  Égyptiens,  et 
ils  ont  imité  leur  coutume  d'em- 
baumer ;  seroit-il  possible  qu'ils 
n'eussent  pas  adopté  la  même 
croyance, si  déjàilsnel'avoientpas 
eue  par  la  tradition  de  leurs  pères? 
Mais  nous  en  avons  des  preuves 
trop  positives  pour  pouvoir  en 
douter. 

I  ."Moïse  leur  défend  d'interroger 
les  morts  ,  pour  apprendre  d'eux 
les  choses  cachées,  comme  faisoient 
les  Chananéens.Dt;u/.,c.  18,  y.  11. 
Malgré  la  défense  ,  cette  supersti- 
tion fut  pratiquée.  Saûl  fit  évoquer 
par  une  python  isse  Y  âme  de  Sa- 
muel ,  qui  lui  dit  :  «  Demain  vous 
»  et  vos  fils  serez  avec  moi.  » 
I.  Reg.  ,  c.  28  ,yj'.  II.  Isaïc  parle 
encore  de  cet  abus  ,  c.  8  ,  y .  19  ; 
c.  65  ,  y.  4-  Il  n'auroit  pas  eu  lieu 
chez  une  nation  persuadée  que  les 
morts  ne  subsistent  plus.  C'est 
pour  cela  même  que  tout  homme 
qui  avoit  touché  un  mort  étoit 
censé  impur. 

2.°  En  offrant  à  Dieu  les  pré- 
mices des  fruits  de  la  terre  ,  un 
Israélite  étoit  obligé  de  protester 
<[u'il  n'en  avoit  rien  employé  à  un 
usage  impur  ,  et  qu'il  n'en  avoit 
rien  donné  au  mort.  Deut.  ,  c.  26  , 
y^.  iS.L'usage  défaire  desoffrandes 
aux  mânes,  ou  aux  âmes  des  morts, 
de  se  couper  les  cheveux  et  la  barbe, 
et  de  les  mettre  dans  leur  cercueil^ 


AME 

de  répandre  du  sang  à  leur  hon- 
neur ,  suppose  évidemment  la 
croyance  de  T immortalité  de  Vànie; 
toates  ces  superstitions  sont  dé- 
fendues aux  Juifs  ,  parce  qu'ils 
éloient  enclins  à  y  tomber.  Lecit. , 
c.  19  ,  yî.  27  ;  J)eut. ,  c.  i4  ,  ^.  I. 
Cela  n'auroit  pas  été  nécessaii-e 
s'ils  n'avoient  eu  aucune  notion 
d'une  autre  vie. 

3.°  Le  prophète  Balaam  dit  , 
Num. ,  c.  23  ,  y.  10  :  «  Que  mon 
M  âme  meure  de  la  mort  des  justes, 
»  et  que  mes  derniers  moments 
»  soient  semblables  aux  leurs.  » 
Quelle  différence  peut-il  y  avoir 
entre  la  mort  des  justes  et  celle  des 
pécheurs ,  s'il  n'y  a  rien  à  espérer 
ni  à  craindre  après  la  mort.  Les  pre- 
miers, sans  doute,  sont  tranquilles 
et  n'ontpoint  de  remords;  etpour- 
quoi  les  seconds  en  auroient-ils ,  si 
tout  finit  avec  cette  vie? 

4.°  Pour  avertir  Moïse  de  sa 
mort  prochaine,  Dieu  lui  dit:  «Tu 
»>  dormiras  avec  tes  pères.  »  Deut. . 
c.  3i  ,y/.  16.  «  Monte  sur  la  mon- 
»  tagne  de  Nébo  ;  tu  y  seras  réuni 
»  à  tes  proches  ,  comme  ton  frère 
»  Aaron  est  mort  sur  la  montagne 
»  de  Hor  ,  et  a  été  réuni  à  son 
»  peuple.  »Ib.,c.  32, ^.49. Mais  les 
parents  deMoïse  et  d' Aaron  avoient 
été  enterrés  en  Egypte  ;  ces  deux 
frères  ,  morts  dans  le  désert  ,  ne 
poùvoient  donc  pas  être  réunis  , 
par  la  sépulture  ,  à  leur  famille. 
Ces  expressions  nous  indiquent 
évidemment  un  séjour  des  morts 
différent  du  tombeau. 

5.°  David  ,  étonné  de  la  prospé- 
rité des  pécheurs,  de  leur  insolence, 
de  leur  impiété,  avoit  été  tenté  de 
désespérer  des  récompenses  de  la 
vertu,  et  de  regarder  les  justes  com- 
me des  insensés.  «J'ai  voulu,  dit-il, 
»  comprendre  ce  mystère;  j'y  ai  eu 
»  de  la  peine,  jusqu'à  ce  que  je  suis 
»  entré  dans  le  secret  de  Dieu  ,  et 
»  que  j'ai  considéré  leur  dernière 
»  fin.  »Ps.  72,  yî.  16.  Ce  scandale 
ne  scroît  pas  dissipé  ,  si  les  uns  et 


AME  89 

les  autres   avoient  la   mort   pour 
dernière  fin. 

6.°Salomon  son  fils  fait  lamême 
chose  dans  l'Ecclésiaste  il  tient 
d'abord  le  langage  d'un  épicurien, 
qui  juge  que  tout  se  termine  au 
tombeau  ,  que  les  bons  et  les  mé- 
chants ont  la  même  destinée.  «  Qui 
»  sait,  dit-il,  si  l'esprit  des  enfants 
»  d'Adam  monte  en  haut,  et  si  celui 
»  des  animaux  descend  dans  la 
»  terre?...  Tousmeurentde  même; 
»  les  morts  ne  sentent  ni  ne  con- 
»  noissent  plus  rien  ;  il  n'y  a  plus 
»  de  récompense  pour  eux,  et  leur 
»  mémoire  tombe  également  dans 
»  l'oubli  :  bornons-nous  donc  à 
»  jouir  du  présent,  etc.  »Maisbien- 
tôt  il  réfute  ce  langage  impie.  «  Ne 
»  ditespoint  :  Jl  ny  a  point  dePro- 
»  vidence,  de  peur  que  Dieu,  irrité 
•>  de  ce  discours,  ne  confonde  tous 
»  vos  projets. ..Craignez  Dieu,  c.5, 
»  ^i'.  5.  Il  vautmieux  aller  dans  une 
»  maison  où  règne  le  deuil,  que 
»  dans  celle  où  l'on  prépare  un  fes- 
»  tin  :  dans  la  première  ,  l'homme 
»  est  averti  de  sa  fin  dernière  ,  et , 
»  quoique  plein  de  vie  ,  il  pense  à 
»  ce  qui  doit  lui  arriver,  c.  7,^.3. 
»  Parce  que  les  méchants  ne  sont 
»  pas  punis  d'abord,  les  enfants 
»  des  hommes  font  le  mal  sans 
»  crainte;  cependant,  puisque l'im- 
j)  pie  a  péché  cent  fois  impunément, 
»  je  suis  certain  que  ceux  qui 
n  craignent  Dieu  prospéreront  à 
»  leur  tour,c.  8,  y.  1 1.  Ré  jouissez - 
»  vous  pendant  votre  jeunesse  ,  a 
))  la  bonne  heure  ;  mais  sachez  que 
»  Dieu  sera  Totre  juge  sur  tout 
»  cela,  c.  ii^yi .  ^.  Souvenez-vous 
»  de  votre  Créateur  dans  ce  temps- 
»  là  même  ,  avant  que  n'arrive  le 
»  moment  auquel  la  poussière  re- 
»  tombera  dans  la  terre  d'où  elle  a 
»  été  tirée  ,  et  auquel  l'esprit  re- 
»  tournera  à  Dieu  qui  l'a  donné  , 
»  c.  12,  yi .  1  et  7.  Craignez  Dieu  et 
»  observez  ses  commandements  : 
1)  c'est  l'essentiel  pour  l'iiomme  ; 
»>  Dieu  entrera  en  jugement  avec 


go  AME 

M  lui  pour  tout  le  bien  et  le  mal 
1)  qu'il  aura  fait,  Cl 3.  "Comment 
les  épicuriens  de  nos  jours  ont-ils 
osé  affirmer  que  Salomon  pensoit 


comme  eux; 


^."Elievoulantressusciterun  ea- 
fant  dit  à  Dieu  :  «  Seigneur  ,  faites 
«  que  Vâme  de  cet  enfant  revienne 
»  dans  son  corps.  »  L'historien  a- 
)Oute  que  rame  de  cet  enfant  revint 
en  lui  et  qu'il  ressuscita.  JJI.JReg., 
CI  7,1)!^. 20. Ce  n'est  pas  le  seul  prodi- 
ge ds  cette  espécerapporté  dans  les 
livres  saints.  Les  matérialistes  ont- 
ils  jamais  cru  aux  résurrections  .'' 

8.°Isaïenousassureque  les  justes 
morts  se  reposent  dans  le  lieu  de 
leur  sommeil,  parce  qu'ils  ont  mar- 
ché droit ,  c.  57  ,  ^.  I  et  2.  Il  sup- 
pose ,  c.  i4  ,  y.  9  ,  que  les  morts 
parlent  au  roi  de  Babylone  lors- 
qu'il va  les  rejoindre,  et  lui  repro- 
chent son  orgueil. 

Tous  ces  écrivains  sacrés  que 
nous  citons  ont  vécu  avant  la  cap- 
tivité de  Babylone  ;  ils  tiennent  ce- 
pendant le  même  langage  que  ceux 
qui  sont  venus  après  ,  comme  Da- 
niel ,  Esdras ,  les  auteurs  des  livres 
de  la  Sagesse,  de  l'Ecclésiastique  et 
des  Machabées.  Cette  uniformité 
d'expressions,  de  conduite,  de  lois, 
d'usages ,  nous  paroît  plus  capable 
de  constater  le  fait  de  la  croyance 
constante  des  patriarches  et  des 
Juifs,  qu'une  dissertation  philoso- 
phique sur  la  nature  et  la  destinée 
de  Vâme  humaine  ,  quand  même 
elle  auroit  été  faite  par  l'un  des  en- 
fants d'Adam. 

Le«  Egyptiens  ,  l^Chananéens  , 
les  Chaldéens ,  les  Perses ,  les  In- 
diens, les  Chinois,  les  Scythes,  les 
Celtes  ,  les  anciens  Bretons  ,  les 
Gaulois ,  les  Grecs  et  les  Romains  , 
les  Sauvages  même,  ont  cru  de  tout 
temps  l'immortalité  de  Vdme.  C'est 
sur  cette  tradition  universelle  que 
Platon,  Cicéron  et  les  autres  philo- 
sophes fondoient  l'opinion  qu'ils 
en  avoient,  beaucoup  plus  que  sur 
leurs  démonstrations.  Et,  des  dis- 


AME 

serta  leurs  modcmesavoîent  entre- 
pris denous  persuader  que,  par  une 
exception  unique  sous  le  ciel  ,  les 
Juifs  ignoroient  profondément 
cette  vérité  ,  et  qu'il  n'en  est  pas 
fait  mention  dans  leurs  livres  ! 

Nous  convenons  que  chez  les 
païens  la  croyance  de  l'immortalité 
de  Vdme  n'a  jamais  fait  partie  de 
la  religion  publique  ;  aucune  loi  ne 
rendoit  sacré  ce  dogme  important; 
on  pouvoit  l'admettre  ou  le  nier 
sans  conséquenceetsanscourirau- 
cun  danger.  C'est  ce  qui  démontre 
combien  la  religion  païenne  étoit 
incapable  de  contribuera  la  pureté 
des  mœurs,  et  combien  les  peuples 
avoient  besoin  d'une  religion  plus 
sage  et  plus  sainte. 

Lorsque  Jésus-Christ  parut  sur 
la  terre ,  la  philosophie  épicu- 
rienne, les  fables  des  poètes  sur  les 
enfers,  et  la  corruption  des  mœurs, 
avoient  presqu'entiérement  détruit 
chez  les  païens  la  croyance  de  l'im- 
mortalité de  Vâme.  Malgré  les  ar- 
guments de  Platon  et  de  Cicéron, 
Juvénal  nous  apprend  que  ,  chez 
les  Romains,  personne,  excepté  les 
enfants  ,  ne  croyoit  plus  à  la  fable 
des  enfers.  Par  une  vieil  le  habitude, 
on  honoroit  encore  les  mânes  ou 
les  âmes  des  morts  ,  et  l'on  faisoit 
des  apothéoses  ;  mais  personne  ne 
savoit  ce  qu'il  falloit  penser  de  l'é- 
tat de  ces  âmes.  La-  foi  à  la  vie  à 
venir  n'entroit  pour  rien  dans  la 
morale  ;  il  ne  restoit  à  la  vertu  , 
pour  se  soutenir,  que  l'instinct  de 
la  nature  et  un  foible  pressentiment 
des  peines  et  des  récompenses  fu- 
tures. Cettemêmefoiétoit  ébranlée 
chez  les  Juifs  par  les  sophisraes  des 
saducéens  ;  l'on  sentoit  le  besoin 
d'un  maître  plus  imposant  que 
les  docteurs  de  la  loi  et  que  les 
philosophes. 

Le  Fils  de  Dieu  annonça  la  vie 
éternelle  pour  les  justes,  et  le  feu 
éternel  pour  lesméchants;il  fonda 
ce  dogme  ,  non  sur  des  arguments 
philosophiques,  mais  sur  sa  parole, 


AME 

qui  élolt  celle  île  Dieu  son  Père  ; 
il  le  prouva  non-seulement  par  les 
résurrections  qu'il  opéra,  mais  par 
sa  propre  résurrection  ;  il  assura 
non-seulement  la  vie  éternelle  de 
Yâme,  mais  la  résurrection  future 
des  corps.  Il  fit  de  ce  dogme  capital 
la  base  de  toute  sa  morale  ;  par-là 
il  consola  et  encouragea  la  vertu  , 
il  fit  trembler  le  crime,  il  forma  des 
disciples  capables  de  mourir  com- 
me lui  en  bénissant  Dieu,  et  il  im- 
posa plus  d'une  fois  silence  aux 
frivoles  objections  des  saducéens. 
Lorsqu'ils  voulurent  argumenter 
contre  le  dogme  de  la  résurrection 
future  ,  il  leur  dit  :  «  N'avez-vous 
)»  pas  lu  ce  que  Dieu  vous  a  dit,  Je 
»  suis  le  Dieu  d'Abraham. ,  d^Isaoc 
»  et  deJacob  ?\\n'tsi  pas  le  Dieu 
»  des  morts  ,  mais  des  vivants.  » 
Maith.  ,  c.  22,  f.3i.  En  effet,  ces 
patriarches  n'ont  pas  été  récom- 
pensés dans  cette  vie  de  leurs  vertus 
et  du  culte  qu'ils  ont  rendu  con- 
stamment à  Dieu  ;  il  faut  donc  que 
Dieu  les  récompense  dans  une  autre 
vie;  et  s'ils  vivent,  pourquoi  ne  res- 
susciteroient-ils  pas? 

Jésus-Christ  ,  dit  saint  Paul  ,  a 
mis  en  lumière  la  vie  et  l'imnYorta- 
lité  par  l'Evangile. /J.  Tim.,  c.  i, 
y.  lo.  S'il  n'a  pas  dit  de  la  vie 
future  tout  ce  que  voudroient  les 
philosophes  ,  pour  satisfaire  leur 
curiosité,  il  nous  en  a  suffisamment 
appris  pour  confirmer  la  foi  desjus- 
tes  et  pour  effrayer  les  pécheurs. 

Celse  et  les  autres  philosophes 
ennemis  du  christianisme  ,  ont 
tourné  en  ridicule  le  dogme  de  la 
résurrection  des  corps  ;  mais  ili 
n'ont  osé  rien  affirmer  sur  l'état 
desdmcsaprés  la  mortàls  ont  mieux 
aimé  demeurer  dans  une  ignorance 
qui  favorisoit  leurs  vices,  que  d'em- 
brasser une  doctrine  qui  les  auroit 
excités  à  la  vertu.  Il  est  trop  tard  , 
après  dix-sept  centsansdelumière, 
de  vouloir  ramener  les  anciennes 
ténèbres  touchant  la  nature  et  la 
destinée  de  Vâme  humaine. 


AME  91 

III.  De  Vorigine  de  Vâme.  La 
croyance  générale  de  l'Eglise  chré- 
tienne est  que  les  àrnes  humaines 
sont  l'ouvrage  immédiat  de  la  puis- 
sance divine,  et  queDieu  leur  donne 
l'être  par  création.  Cesentimentest 
fondé  tout  à  la  fois  sur  l'Ecriture 
sainte  ,  qui  dit  que  Dieu  a  créé  tou- 
tes choses  sans  exception  ,  et  sur  la 
notion  claire  que  nous  avons  de  la 
nature  des  esprits.  Puis([ue  ce  sont 
des  êtres  simples  ,  sans  étendue  et 
sans  parties,  un  esprit  ne  peut  être 
détaché  de  la  substance  d'un  autre 
esprit;  il  nepeutdonc  en  sortir  par 
émanation,  comme  un  corps  sort 
d'un  autre  corps  dans  lequel  il  étoit 
renfermé.  Ou  il  faut  que  les  âmes 
soient  éternelles  et  sans  commen- 
cement comme  Dieu  ,  ou  il  faut 
qu'elles  aient  commencé  d'être  par 
création. 

Cependant  de  savants  critiques 
protestants  prétendent  que  ce  n'a 
point  étélàlesentimentdes  anciens 
Pères  de  l'Eglise;  que  la  plupart  ont 
cru,  comme  le  grand  nombre  des 
philosophes,  que  les  dmes  sont  une 
partie  de  la  substance  divine  ,  et 
qu'elles  en  sont  sorties  par  émana- 
tion. Bcausobre  ,  en  particulier  , 
dans  son  Histoire  du  Manichéisme, 
1.  6,  c.  5  ,  §  g  ,  s'est  attaché  à 
prouver  ce  fait,  et  il  s'en  est  servi 
pour  réfuter  ou  pour  éluder  les 
arguments  par  lesquels  les  Pères 
ont  attaqué  les  manichéens. Comme 
cette  erreur  seroit  grossière  et 
donneroit  lieu  à  des  conséquences 
très-fa  usses,  il  est  bon  desavoir  si 
les  Pères  y  sont  réellement  tombés. 
i.°  Il  est  difficile  de  croire  que 
les  Pères ,  qui  ont  formellement 
enseigné  que  Dieu  a  créé  les  corps 
ou  la  matière,  aient  douté  s'i  l  a  aussi 
créé  les  esprits  ;  l'un  lui  a-t-il  été 
plus  difficile  que  l'autre  ?  Les  an- 
ciens philosophes  n'ont  admis  les 
émanations  que  parce  qu'ils  reje- 
toient  le  dogme  de  la  création;  dès 
qucIesPèrcs  ont  professé  ce  dogme, 
quelle  raison  auroienl -ils  pu  avoir 


93  AME 

de  croire  l'émanation  des  esprits  . 
2.°  Beausobre,  après  avoir  cité  un 
passade  de  Mânes  ,  qui  porte  que 
la  prcraiére  àme  émana  du  Dieu  de 
la  lumière  ,  dit  qu'il  ne  faut  pas 
presser  ces  mots,  qu'ils  pcuventsi- 
gnifier  seulement  que  l'a/?!*  fut  en- 
voyée de  la  part  de  Dieu  ;  mais  dans 
les  passages  des  Pères  qu'il  cite,  il 
presse  tous  les  mots,  ou  les  prend 
dans  le  sens  le  plus  rigoureux. 
3."  Il  ne  veut  pas  que  l'on  impute 
aux  manichéens  les  conséquences 
qui  suivoient  de  leur  doctrine  , 
parce  que  ces  hérétiques  les  nioient; 
mais  il  a  grand  soin  de  relever 
toutes  les  conséquences  des  opi- 
nions fausses  qu'il  attribue  aux 
Pères,  quoique  ceux-ci  ne  les  aient 
jamais  admises.  Telle  est  sa  mé- 
thode dans  tout  son  livre.  Mais 
voyons  les  passages  qui  lui  servent 
de  preuves. 

Dans  !e  dialogue  de  saint  Justin 
avec  Tvy'phon  ,  n.  4  ?  ce  Juif  lui 
demande  si  Vâme  de  l'homme  est 
divine  et  immortelle  ;  si  c'est  une 
partie  de  l'Esprit  souverain,  reg^/cc 
mentis  particula  ;  si  ,  de  même  que 
cetEsprit  voit  Dieu,  nous  pouvons 
espérer  de  voir  en  esprit  la  Divi- 
nité, et  d'être  ainsi  heureux.  As- 
surément, répond  saintJustin.Mais 
ce  qui  précède  prouve  clairement, 
i.°queparr£s/7nÏ5ouc^erai«quivoit 
Dieu,  saint  Justin  entend  le  Saint- 
Esprit  ;  2. "que  la  seule  question 
étoit  de  savoir  si  Vâme  peut  voir 
Dieu.  Ainsi,  la  réponse  affirmative 
de  saint  Justin  tombe  directement 
sur  cette  partie  de  la  question,  et 
non  sur  ce  qui  précède.  Beausobre 
a  tronqué  le  passage,  pour  persua- 
der le  contraire.  6°  Saint  Justin 
déclare ,  ibid.  ,  n.  4 ,  qu'il  ne  croit 
point,  comme  Platon,  que  Vâme 
est  incréée  ,  àj'/wioTOî  ,  et  indes 
tructible  par  sa  nature,  non  plus 
que  le  monde.  «  Je  ne  pense  pas 
»  néanmoins, dit-il, qu'aucuneamg 
»  périsse.  »  S'il  avoil  pensé  que 
Vâme  est  une  portion  de  Dieu  , 


AME 

auroit  -  il    cru    qu'elle  peut   être 
anéantie  ? 

Dans  le  fragment  d'un  ouvrage 
sur  la  résurrection  future,  n.°  8, 
saint  Justin  reprend  ceux  qui  di- 
soient que  Vâme  est  incorruptible, 
parce  que  c'est  une  partie  et  un 
souffle  de  Dieu  ;  mais  qu'il  n'en  est 
pas  de  même  de  la  chair.  «  Seroit-ce 
»  donc,  dit  cePère,  une  preuve  de 
»  puissanceou  de  bonté  de  la  pari 
»  deDieu,de  sauver  ce  qui  doit  être 
»  sauvé  par  sa  propre  nature ,  qui 
j)  est  une  portion  de  lui-même  et 
»  son  souffle  "^  Ce  seroit  se  conserver 
»  soi-même.  »  Je  croirois  ,  dit 
Beausobre,  que  ce  raisonnement  de 
Justin  est  un  argument  ad  homi- 
776771,  s'il  ne  s'étoitpas  expliqué  clai- 
rement dans  sa  dispute  avec  Try- 
phon.  Or,  nous  venons  de  voir  que 
cette  explication  est  absolument 
contraire  au  sentiment  de  Beau- 
sobre ;  donc  le  seul  but  de  saint 
Justin  ,  dans  le  passage  que  nous 
examinons,  estdeprouverque  ceux 
qui  nient  la  résurrection  de  la  chair 
raisonnent  mal. 

Talien ,  son  disciple,  contra 
Grœcos  ,  n.  7  ,  dit  :  «  Le  Verbe 
»  divin  a  fait  l'homme  image  de 
j)  l'inamortalité  ;  de  manière  que  , 
»  comme  Dieu  est  immortel ,  ainsi 
»  l'homme,  fait  participant  d'une 
»  portion  de  Dieu ,  a  aussi  l'im- 
»  mortalité  ;  mais  avant  de  créer 
»  l'homme  ,  le  Verbe  a  créé  les 
»  anges.  »  Il  est  constant  que,  par 
celte  portion  de  Dieu,  Tatien,  com- 
me saint  Justin  son  maître,  entend 
le  Saint-Esprit;  si  cette  portion 
étoit  Vâme  de  l'homme ,  il  seroit 
absurde  de  dire  que  l'homme  en  a 
été  fait  participant.  N."  12.  «  Nous 
»  connoissons ,  dit  Tatien  ,  deux 
»  espèces  d'esprit:  l'une estappelce 
nVâme;  l'autre,  plus  excellente, 
»  est  l'image  et  la  ressemblance  de 
»  Dieu.  Les  premiers  hommes 
»  avoient  l'une  et  l'autre,  de  ma- 
»  nicre  qu'ils  ctoientcn  partie  ma- 
»  ticre  et  en  partie  supérieurs  à  la 


AME 

«matière.  »  Bcausobre ,  liv.  7, 
c.  1 ,  n.  I  ,  conclut  de  ce  passage 
que  les  Pères,  aussi-bien  que  les 
manichéens  ,  admettoient  deux 
«îme^dans  l'homme.  Notivelle  faus- 
seté :  jamais  les  Pères  n'ont  pensé 
que  le  Saint-Esprit  fut  une  partie 
de  Vâme  humaine. 

Saint  Clément  d'' Alexandrie , 
Stroin. ,  liv.  6,  pag.  663  ,  et  saint 
Ircnée,  liv.  5,  c.  12,  n.  2  ,  se  sont 
exprimés  de  même  ;  tous  ont  pensé 
que  Vâme  est  rendue  immortelle 
par  la  vertu  du  Saint-Esprit ,  et  non 
par  sa  nature ,  parce  qu'elle  a  été 
créée  :  or,  si  c'étoit  une  portion 
de  la  substance  divine,  elle  seroit 
immortelle  par  sa  nature  même,  et 
seroit  incréée. 

Saint  Méthode ,  Sympos.  Vîrg. , 
pag.  74 ,  dit  que  la  semence  hu- 
maine contient,  pour  ainsi  dire, 
une  partie  divine  de  la  puissance 
créatrice.  Beausobre  a  supprimé 
ces  mots  pour  ainsi  dire ,  qui  font 
voir  qu'il  ne  faut  pas  prendre  à  la 
lettre  ce  passage;  il  signifie  seule- 
ment que  l'homme  a  reçu  de  Dieu 
le  pouvoir  de  procréer  des  enfants. 

L'auteur  des  Fausses  Clémen- 
lines ,  Homil.  i5,  n.  16,  dit  que 
Vâme  procédant  de  Dieu  est  de 
même  substance  que  lui ,  quoique 
les  âmes  ne  soient  pas  des  dieux  : 
c'est-à-dire,  que  Vâme  est  esprit 
comme  Dieu  ;  mais  l'auteur  ne  dit 
pas  qu'elle  est  une  partie  de  sa  sub- 
fitance. 

Suivant Lactance,  liv.  2,  c.  i3, 
«  Dieu ,  ayant  formé  le  corps  de 
»  l'homme ,  lui  souffla  une  âme  de 
n  la  source  vivifiante  de  son  esprit 

»  qui  est  immortel Uâme  par 

n  laquelle  nous  vivons  vient  du  ciel 
»  et  de  Dieu,  au  lieu  que  le  corps 
»  vient  de  la  terre.  »  Si  cela  prouve 
que  Vâme  est  une  émanation  de  la 
nature  divine,  il  faut  attribuer 
cette  erreur  à  Moïse  :  Lactance  ne 
fait  que  répéter  son  expression. 

TertuUien  est  plus  obscur  :  selon 
sa  coutume,  en  parlant  de  Vâme , 


AME  93 

il  prodigue  les  métaphores  ;  si  l'on 
veut  tout  prendre  à  la  lettre  ,  il  n'y 
a  pas  d'erreur  que  l'on  ne  puisse  lui 
imputer.  XïA.  de  anima,  c.  11,  il 
dit  que  Vâme  n'est  pas  proprement 
l'esprit  de  Dieu ,  mais  le  souffle  de 
cet  esprit.  Il  distingue  l'esprit  ou 
l'entendement  d'avec  Vâme;  il  l'ap- 
pelle le  siège  naturel  de  Vâme ,  ce 
qu'il  y  a  en  elle  de  principal  et  de 
divin,  c.  12.  «  Cet  entendement, 
»  dit-il ,  peut  être  obscurci ,  parce 
»  qu'il  n'est  pas  Dieu;  mais  il  ne 
»  peut  être  éteint ,  parce  qu'il  vient 
»  de  Dieu....  Dieu  l'a  fait  sortir  de 
»  lui  par  son  propre  souffle.  nAdv. 
Praxeam ,  c.  5.  Il  dit  que  l'animal 
raisonnable  n'a  pas  seulement  été 
faitpar  un  ouvrier  intelligent, mais 
qu'il  a  été  aninxé.  de  sa  propre  sub- 
stance. Rien  n'est  plus  formel... 

Mais  il  est  de  l'équité  naturelle  de 
juger  des  sentiments  d'un  auteur 
par  ses  raisonnements  plutôt  que 
parses  expressions.  Or,  TertuUien, 
dans  son  livre  contre  Hermogène  , 
qui  soutenait  la  matière  éternelle 
et  incréée,  prouve  que  Dieu  est 
créateur ,  seul  éternel ,  que  tout  ce 
qui  existe  a  été  créé  de  rien  ;  c'est  la 
conclusion  de  son  ouvrage.  Ainsi , 
par  le  souffle  de-  ï esprit  de  Dieu  ,  il 
entend  l'effet  d'un  souffle  créa- 
teur; autrement  cette  expression 
seroit  inintelligible.  Dans  son  livre 
de  anima,  c.  i ,  il  dit  qu'il  a  traité 
contre  Hermogène  de  l'origine  de 
Vâme,  de  Censu  animœ;  qu'il  a 
prouvé  qu'elle  n'est  point  tirée  du 
sein  de  la  matière ,  mais  du  souffle 
de  Dieu  :  puisque  ce  souffle  est 
créateur,  il  faut  que  l'amc  ait  com- 
mencé d'être  par  création.  C'est 
aussi  ce  que  prouve  Tertullien  , 
c.  4'  «  Puisque  nous  soutenons  , 
»  dit-il ,  que  Vâme  vient  du  souffle 
»  de  Dieu  ,  nous  devons  par  consé- 
»  quent  lui  attribuer  un  commen- 
»  cément  ;  aussi  enseignons-nous 
»  contre  Platon  qu'elle  est  née  ci  a 
»  étéfaite,  parce  qu'elle  a  commen- 
»  ce...  Il  est  pcrraisd'expriraer  par 


94  AME 

»  le  même  terme  ,  être  fait ,  être  tn- 
»  gendre,  receooirVétre,  puisque  tout 
»  ce  qui  a  commencé  d'être  reçoit 
»  la  naissance  ;  et  l'on  peut  appeler 
»>  un  ouvrier  le  père  de  ce  qu'il  a 
»  fait.  Ainsi ,  selon  notre  foi ,  qui 
»  enseigne  que  Vdme  est  née  ou  a 
»  été  faite,  l'Ecriture  prophétique 
»  a  réfuté  le  sentiment  de  Platon.  » 
Or,  Platon  admettoit  les  émana- 
tions des  esprits,  parce  qu'il  reje- 
toit  la  création. 

Ibid.,  c.  lo  etsuîo.  Loin  de  dis- 
tinguer deux  substances,  ou  deux 
parties  dans  Vâme  ,  il  réfute  cette 
opinion  commeune  erreur  des  phi- 
losophes. aUdme,  dit-il,  c.  i4, 
»  est  une  et  simple  ,  toute  entière 
»  en  soi ,  desuoioia  es/;  elle  ne  peut 
»  pas  plus  être  composée,  que  di- 
»  visible  et  destructible  ,  etc.  n 
Après  une  profession  de  foi  aussi 
claire ,  nous  ne  concevons  pas  com- 
ment on  peut  accuser  Tertullien 
d'avoir  cru  Vâme  corporelle ,  et 
cependant  émanée  de  la  substance 
de  Dieu ,  et  d'avoir  distingué  Vâme 
de  l'esprit  ou  de  l'entendement.  Il 
a  seulement  distingué  dans  Vdme 
les  facultés  et  les  opérations,  com- 
me la  vie  ou  la  respiration  ,  la 
puissance  de  mouvoir  ou  de  sentir, 
l'intelligence  ou  l'entendement,  et 
la  volonté  :  nous  faisons  encore  de 
même. 

Que  prouve  donc  ce  qu'il  a  dit 
en  passant ,  dans  le  livre  contre 
Praxéas  ,  où  il  s'agissoit  de  tout 
autre  chose  que  de  la  nature  de 
Vdme  ?  Rien  du  tout.  On  peut  dire 
sans  erreur  que  l'homme  a  été  ani- 
mé par  le  souffle  de  Dieu ,  souffle 
créateur,  émané  de  la  propre  sub- 
stance de  Dieu  ;  mai»  ce  souffle  a  été 
la  cause  efficiente  de  Vdme  ,  et  non 
Vdme  elle-même.  Cent  fois  l'on  a 
dit  que  Vdme  est  un  souffle  divin , 
parce  qu'elle  en  est  l'effet ,  et  non 
parce  que  c'est  une  émanation  de 
la  substance  de  Dieu.  Nous  lisons 
dans  Job,  c.  33  ,  ')^.  ^  :  «  Le  souf- 
»  fle  du  Toul-Pnissant  m'a  donné 


AME 

»  la  vie.  »  Les  Pères  n'ont  rien  dit 
déplus. 

Enfin  Beausobre  a  cité  Synésius, 
qui  appelle  Vdme  de  l'homme  ,  ta 
semence  de  Dieu;  une  étincelle  de 
son  esprit ,  la  fille  de  Dieu  ,  une 
partie  de  Dieu  :  mais  c'est  dans 
des  poésies  que  Synésius  s'exprime 
ainsi,  et  les  métaphores  chez  les 
poètes  ne  sont  pas  des  arguments 
de  métaphysique.  Il  est  absurde  de 
les  prendre  à  la  rigueur,  pendant 
que  Beausobre  ne  veut  pas  que  l'on 
en  agisse  ainsi  à  l'égard  des  héré- 
tiques. 

Nous  convenons  que  la  question 
de  l'origine  de  Vdme  est  très-obs- 
cure, surtout  lorsqu'on  s'en  tient 
aux  notions  philosophiques  :  il  y  a 
eu  sur  ce  point  trois  ou  quatre  opi- 
nions différentes  chez  les  anciens. 
Les  uns  ont  cru  la  préexistence  des 
dmes ,  Comme  Origène  ,  mais  il 
supposoit  que  Dieu  les  a  tirées  du 
néant  toutes  ensemble  ;  les  autres 
ont  pensé  que  Dieu  les  a  créées  en 
détail ,  à  mesure  que  les  corps  hu- 
mains sont  engendrés  :  plusieurs 
ont  imaginé  que  Vdme  d'Adam  fut 
tirée  du  néant ,  et  que  toutes  les 
autres  naissent  de  celle-là  par  voie 
de  propagation ,  ex  traduce.  Quant 
au  système  de  l'émanation  des am« 
hors  de  la  substance  de  Dieu ,  c'a 
été  celui  des  philosophes ,  et  non 
des  docteurs  de  l'Eglise,  qui  tous 
ont  admis  la  création.  Aussi  saint 
Augustin  qui,  dans  sa  lettre  i43  à 
Marcellin,  et  dans  sa  lettre  à  Op- 
tât ,  compte  quatre  opinions  tou- 
chant l'origine  de  Vdme,  ne  fait 
aucune  mention  des  émanations. 
Au  reste ,  il  est  faux  que  l'une  de 
ces  opinions  soit  plus  commode  que 
les  autres  pour  résoudre  les  diffi- 
cultés que  l'on  fait  sur  l'origine  du 
mal  moral.  Les  critiques  protes- 
tants ne  se  sont  obstinés  à  prêter 
aux  Pères  de  l'Eglise  le  système  des 
émanations,  qui  a  été  celui  des  phi- 
losopheset  des  anciens  hérétiques  » 
que  pour  avoir  la  satisfaction    de 


AME 

les  dëprimcr,  et  ou  diroit  qu'ils 
ont  cherché  à  faire  leur  cour  aux 
sociiiiens.  Voyez  Emanation. 

Ame  i)u  monde.  Le  système  de 
Pythagorc,  des  stoïciens  et  d'autres 
philosophes  ,  étoit  que  le  monde 
e«t  un  grand  tout  dont  Dieu  est 
Y  âme  ,  et  duquel  les  différents 
corps,  comme  les  astres,  la  terre, 
la  mer,  etc.,  sont  les  membres  ; 
que  Dieu  est  répandu  dans  toutes 
ces  parties  et  les  anime ,  comme 
notre  âme  vivifie  et  fait  mouvoir 
toutes  les  parties  de  notre  corps. 
Cette  opinion  supposoit  que  lama- 
tière  est  éternelle;  que  Dieu  ne  l'a 
point  créée,  mais  seulement  arran- 
gée ,  et  qu'il  a  ainsi  formé  son 
propre  corps ,  qui  est  le  monde. 
Quelques  stoïciens poussoient  l'ab- 
surdité jusqu'à  dire  que  le  monde 
aunea/nc,  qui  s'est  faite  elle-même 
et  a  fait  le  monde  :  Habere  meniem 
quœ  et  se  et  ipsumfabricatasil.  Cic, 
Acad.  Quœst. ,  1.  2 ,  c.  87.  On  pré- 
tend que  c'étoit  aussi  le  sentiment 
des  Egyptiens.  Dans  cette  hypo- 
thèse, toutes  les  parties  de  la  na- 
ture sont  animées  aussi-bien  que 
l'homme  et  que  les  brutes  ;  toutes 
les  âmes  particulières  sont  des  por- 
tions détachées  de  la  grande  âme 
qui  meut  le  tout  ;  elles  vont  s'y 
réunir,  lorsque  le  corps  particulier 
qu'elles  animent  vient  à  se  dissou- 
dre. Combien  d'erreurs  les  anciens 
philosophes  ont  soutenues,  faute 
d'admettre  le  dogme  de  la  création  ! 

Les  athées  modernes  et  les  ma- 
térialistes, afin  de  tourner  notre 
croyance  en  ridicule ,  ont  dit  que , 
50US  le  nom  de  Dieu,  nous  n'en- 
tendons rien  autre  chose  que  Vâme 
du  monde  ,  ou  l'univers  animé  ; 
qu'ainsi  nous  retombons  dans  l'er- 
reur des  stoïciens  ;  que ,  comme 
eux,  nous  adorons  la  nature  et  rien 
de  plus  :  c'est  ce  qu'ils  appellent  le 
panthéisme. 

S'ils  vouloient  être  de  bonne  foi, 
ilsconviendroicnlaucontraire  que 
la  révélation  sape  celte  erreur  x»ar 


AMK  95 

le  fondement,  en  nous  enseignant 
que  Dieu  a  créé  le  monde  :  le  pan- 
théisme est  absolument  incompa- 
tible avec  le  dogme  de  la  création. 

I .°  Les  pythagoriciens  et  les  stoï- 
ciens supposent,  les  uns,  l'éternité 
du  monde;  les  autres,  l'éternité  de 
la  matière  :  dans  l'hypothèse  de  la 
création,  rien  n'est  éternel  que 
Dieu  ;  tous  les  autres  êtres  ont 
commencé,  et  Dieu  les  a  tirés  du 
néant  par  son  seul  vouloir.  Il  a 
dit ,  et  tout  a  été  fait. 

2.°  Selon  la  doctrine  des  stoï- 
ciens ,  Dieu  ,  identifié  avec  le 
monde,  n'étoitpas  libre  d'en  diri- 
ger les  mouvements  à  son  gré;  il 
étoit  soumis  aux  lois  éternelles  et 
immuables  du  destin  :  la  provi- 
dence n'étoit  autre  chose  que  la 
chaîne  successive  et  nécessaire  de 
ces  mêmes  lois.  C'est  par-là  que  ces 
philosophes  se  ilattoient  d'absou- 
dre la  providence  des  maux  de  ce 
monde.  Vainement  des  critiques 
anciens  ou  modernes  ont  cru  adou- 
cir la  roidenr  du  destin ,  en  disant 
que  Dieu  a  commandé  une  fois  , 
qu'ensuite  il  obéit  toujours  :  sem- 
perparet,  semel  jussit.  S'il  a  com- 
mandé librement  une  fois,  il  est 
responsable  des  conséquences  de 
sa  propre  loi  ;  s'il  l'a  fait  néces- 
sairement, c'est  plutôt  une  obéis- 
sance qu'un  commandement.  Sui- 
vant la  doctrine  de  nos  livres  saints, 
Dieu  gouverne  le  monde  aussi  li- 
brement qu'il  l'a  créé  ;  il  suspend , 
quand  il  veut,  l'effet  des  lois  qu'il 
a  lui-même  établies  ;  il  pourroit 
anéantir  le  monde,  sans  rien  perdre 
de  son  être  ;  et  avec  un  peu  de  ré- 
flexion ,  il  est , aisé  de  justifier  sa 
providence. 

3.°  Dans  l'hypothèse  de  Vâme  du 
monde  ,  Dieu  n'est  point  un  être 
simple;  non-seulement  il  est  com- 
posé d'un  corps  et  d'une  âme^mais 
toutes  les  âmes  des  hommes  ,  des 
animaux,  des  éléments,  ne  sont  que 
des  parties  de  la  grande  âme  qui 
donne  la  vie  au  tout.  De  là  il  ré- 


96  AME 

suite  que  tous  les  êtres  en  mouve- 
ment sont  autant  de  dieux  parti- 
culiers, aussi  dignes  d'être  adorés 
les  uns  que  les  autres.  C'est  le  fon- 
dement philosophique  de  l'idolâ- 
trie. Aussi  dans  le  Traité  de  Cicé- 
ron,  de  Ifat.  Deor.,  1.  2,  le  stoïcien 
Balbus  s'efforce  de  prouver  que 
chaque  partie  du  monde  est  Dieu  ; 
qu'elle  est  animée,  douée  d'intelli- 
gence et  de  sagesse ,  adorable  par 
conséquent. 

4.°  De  là  il  s'ensuit  que  Dieu  est 
corporel,  qu'il  est  le  sujet  de  tous 
les  changements  qui  surviennent 
dans  la  nature ,  que  l'un  des  mem- 
bres de  Dieu  périt  lorsqu'un  corps 
se  dissout ,  etc.  C'est  l'objection 
que  l'épicurien  VelléiTis  fait  aux 
stoïciens,  ibid.,  1.  i ,  et  qu'Origène 
répète  contre  Celse  ,1.  i ,  n.  20. 
Vainement  Beausobre  observe  que 
Pythagore  nioit  cette  conséquence  ; 
qu'il  soutenoil  que  la  natxire  divine 
est  une  et  indivisible  :  l'opiniâtreté 
d'un  philosophe  à  soutenir  des  con- 
tradictions,  ne  l'excuse  point.  Au- 
cun de  ces  inconvénients  n'a  lieu 
dans  l'hypothèse  de  la  création. 

5.°  Dans  celle  de  Pythagore  et 
des  stoïciens  ,  on  ne  conçoit  pas 
mieux  la  spiritualité  des  dmes^que 
celle  de  Dieu  ;  toutes  sont  des  par- 
ties de  la  grande  CTTzc,  de  laquelle 
elles  ont  été  détachées ,  dont  elles 
sont  sorties  par  émanation  ,  et  à 
laquelle  elles  doivent  se  réunir  et 
s'y  confondre,  comme  une  goutte 
d'eau  qui  retombe  dans  l'Océan. 
Les  eàprits  ont-ils  donc  des  par- 
ties ,  etc.  ?  Beausobre  emploie  inu- 
tilement toute  son  industrie  pour 
sauver  encore  cette  absurdité.  II 
peut  avoir  raison  de  soutenir  que 
ce  n'estpointlàlespinosisme;  mais 
c'est  du  moins  une  erreur  qui  en 
approche  beaucoup. 

6.°  Les  âmes  réunies  ,  après  la 
mort  du  corps,  à  la  grande  âme  de 
l'univers  ,  n'ont  plus  d'existence 
individuelle  et  personnelle  ;  elles 
sont   incapables   de  plaisir   et  de 


AME 

douleur ,  de  récompense  et  de  pu- 
nition :  supposé  le  destin,  elles  sont 
dans  tous  les  temps  privées  de  la 
liberté,;  ce  système  détruit  donc 
toute  morale  raisonnée. 

Le  dogme  de  la  création  fait  di»- 
paroître  toutes  ces  absurdités. 
Dieu ,  pur  esprit ,  est  un  être  sim- 
ple; il  a  créé  les  âmes  aussi-bien 
que  les  corps ,  il  les  a  douées  de  li- 
berté, et  leur  a  donné  des  lois  ;  il 
les  punit  ou  les  récompense  éter- 
nellement, selon  leurs  mérites. 

L'aine  du  monde  est  donc  une 
rêverie  philosophique  qui  n'a  rien 
de  commun  avec  la  doctrine  révé- 
lée; c'est  une  erreur  inévitable  , 
dès  que  l'on  n'admet  point  la  créa- 
tion. Mais  le  peuple  n'a  jamais  eu 
connoissance  de  cette  absurdité  ; 
aucun  peuple  n'a  élevé  des  autels 
à  l'orne  du  monde.  Les  païens  sup- 
posoient  autant  à''âmes  particu- 
lières dans  l'univers  qu'il  y  a  d'êtres 
qui  paroissent  animés  ;  ils  ado- 
roient  ces  intelligences  particuliè- 
res ,  parce  qu'ils  les  croyoient 
douées  de  connoissances  et  de  for- 
ces supérieures  à  celles  de  l'homme, 
et  ils  nommoient  ces  esprits  les 
immortels.  Les  patriarches  et  les 
Juifs  ont  adoré  le  Créateur  du 
monde ,  et  l'ont  adoré  seul  ;  ils  lui 
ont  attribué  une  providence  géné- 
rale sur  tous  les  êtres,  et  une  pro- 
vidence particulière  à  l'égard  de 
l'homme;  nous  l'adorons  comme 
eux ,  nous  avons  la  même  foi  que 
Dieu  a  daigné  enseigner  à  notre 
premier  père. 

Quelques  déistes  ont  voulu  jus- 
tifier l'opinion  des  stoïciens  :  danS 
ce  système,  disent-ils,  il  n'y  a  qu'un 
seul  Dieuauquel  serapportoit  tout 
le  culte  que  les  païens  rendoient 
aux  différentes  parties  de  la  na- 
ture ;  on  a  donc  tort  de  les  accuser 
de  polythéisme.  Fausse  réflexion. 

En  premier  lieu,  ilétoit  absurde 
d'adresser  un  culte  à  un  être  assu- 
jéti  aux  lois  suprêmes  du  destin  : 
lois  immuables,  auxquelles  lesbon- 


AME 

nés  ni  les  mauvaises  actions  des] 
hommes  ne  pouvoient  rien  clian- 
eer.  Les  stoïciens  disoient  que  les 
dieux  d'Epicure  étoient  absolu- 
ment nuls;  qu'il  étoit  ridicule  de 
les  honorer,  puisqu'ils  ne  se  me- 
loient  point  des  choses  d'ici-bas  ; 
niais  les  épicuriens  pouvoient  leur 
rendre  le  change ,  en  soutenant 
qu'il  étoit  ridicule  d'adorer  des 
dieux  soumis  à  la  fatalité  ,  puis- 
qu'ils nepouvoient  faire  de  bien  ni 
de  mal  aux  hommes  que  ce  qui 
étoit  déterminé  par  un  inimuable 
destin.  Si  Dieu  n'est  pas  libre  dans 
les  décrets  de  sa  providence,  toute 
religion  est  superflue. 

En  second  lieu ,  il  n'est  pas  vrai 
que  le  culte  rendu  aux  différentes 
parties  de  la  nature  fut  adressé  à 
la  grande  âme  de  l'univers.  Un 
païen  qui  adoroit  le  soleil  et  qui 
le  croyoit  animé,  étoit  persuadé 
que  Yâme  de  cet  astre  voyoit  et 
connoissoit  le  culte  qu'il  lui  ren- 
doit,  lui  ensavoitgré,  et  pouvoit 
lui  faire  du  bien  ou  du  mal.  En 
général  les  dieux  n'ont  été  adorés 
que  parce  qu'on  les  supposoit  in- 
telligents et  puissants,  susceptibles 
d'amitié  ou  de  colère.  C'est  donc  à 
Vdme  ou  à  l'esprit  logé  dans  le  so- 
leil que  le  culte  se  terminoit,  sans 
remonter  plus  haut  ni  sans  aller 
plus  loin.  On  n'a  jamais  cru  que  le 
soleil  ou  tel  autre  dieu  attendoit 
les  ordres  de  la  grande  àme  de  l'u- 
nivers, pour  faire  du  bien  ou  du 
mal  aux  hommes.  Il  y  avoit  donc 
réellement  autant  de  dieux  indé- 
pendants les  uns  des  autres ,  qu'il  y 
avoit  d'êtres  animés  dans  la  nature. 
Si  ce  n'est  pas  là  le  polythéisme  , 
comment  doit-on  nommer  cette 
croyance  ? 

En  troisième  lieu  ,  Vdme  d'un 
homme  n'étoit  pas  moins  une  por- 
tion de  la  grande  ànie  de  l'univers, 
que  Vàr/ic  du  soleil,  de  la  lune,  d'un 
fleuve  ou  d'une  fontaine  ;  on  devoit 
donc  lui  rendre  un  culte  aussi-bien 
qu'à  toas  les  autres  êtres  :  nous  ne 
I. 


AMK 


97 


voyons  pas  pour<iuoi  un  héros,  on 
homme  puissant  et  bienfaisant  ne 
méritoit  pas  un  culte  religieux  pen- 
dant sa  vie,  aussi-bien  qu'après  sa 
mort.  Ce  même  système  ne  tendoit 
pas  à  moins  qu'à  justifier  les  hon- 
neurs divins  que  les  Egyptiens  ren- 
doient  aux  animaux.  Il  seroit  inu- 
tile de  pousser  plus  loin  le  détail 
des  absurdités  qui  en  résultoient. 
Ce  n'est  pas  sans  raison  que  l'Ecri- 
ture sainte  condamne  avec  tant  de 
rigueur  le  polythéisme  et  Vidolâtrie  ; 
de  quelque  côté  qu'on  les  envisage, 
ils  sont  inexcusables.  Fojes  ces  deux 
mots.  Noui>.  Démonst.  évang.  de 
J.  Leland,  tom.  2,  pag.  aSo. 

AMEN,  mot  hébreu,  usité  dans 
l'Eglise  à  la  fin  de  toutes  les  prières 
solennelles,  dont  il  est  la  conclu- 
sion ;  il  signifie  y7rt/,  ainsi  soit-il. 
Les  rêveries  des  cabalistes  sur  ce 
terme  ne  méritent  pas  de  nous  oc- 
cuper. Le  mot  amen  se  trouvoit 
dans  la  langue  hébraïque  ,  avant 
qu'il  y  eût  au  monde  ni  cabale  ni 
cabalistes.    Deuferonom.  ,    c.    27  , 

La  racine  du  mot  amen  est  le 
verbe  aman  ,  lequel  au  passif  signi- 
fie être  vrai ,  fidèle ,  constant ,  etc. 
On  en  a  fait  une  espèce  d'adverbe 
affirmatif ,  qui,  placé  à  la  fin  d'une 
phrase  ou  d'une  proposition,  signi- 
fie qu'on  y  acquiesce ,  qu'elle  est 
vraie,  qu'on  en  souhaite  l'accom- 
plissement, etc.  Ainsi  dans  le  pas- 
sage que  nous  venons  de  citer  du 
Deutéronome  ,  Moïse  ordonnoit 
aux  lévites  de  crier  à  haute  voix  au 
peuple  :  Maudit  celui  qui  taille  ou 
jette  en  fonte  aucune  image,  etc. , 
et  le  peuple  devoit  répondre  flmeA7; 
c'est-à-dire,  oui,  qu'il  le  soit,  je 
le  souhaite  ,  j'y  consens.  Mais  au 
commencementd'unephrase,  com- 
me il  se  trouve  dans  plusieurs  pas- 
sages du  nouveau  Testament  ,  il 
signifie  vraiment  ,  véritablement  ; 
quand  il  est  répété  deux  fois,  comme 
il  l'est  toujours  dans  saint  Jean  ,  il 

7 


cjS  AME 

a  l'efifet  d'un  superlatif,  confor- 
niément  au  génie  de  la  langue  hé- 
braïque et  des  deux  langues  dont 
elle  est  la  mère ,  la  chaldaïque  et  la 
syriaque.  C'est  en  ce  sens  qu'on 
doit  entendre  ces  paroles  :  ainen  , 
amen,dicovobis.Ijes  évangélistes  ont 
conserve  le  mot  hébreu  amen,  dans 
leur  grec  ,  excepté  saint  Luc,  qui 
l'exprime  quelquefois  par  àkfôSç , 
véritablement ,  ou ,  vei ,  certaine- 
ment. 

AMÉRICAINS  ,     AMÉRIQUE. 

Quelques  incrédules  avoient  sou- 
tenu qu'il  étoit  impossible  de  con- 
cevoir comment  l'Amérique  s'est 
peuplée  après  le  déluge;  d'où  ils  coii- 
cluoientque  ce  fléau  n'a  pas  été  uni- 
versel,et  qu'il  n'apas  submergé  cette 
partie  du  monde.  Mais  ,  depuis  les 
nouvelles  découvertes  qui  ont  été 
faites  par  les  navigateurs  ,  il  est  dé- 
montré que  depuis  le  nord-est  de  la 
Tartarie  le  passage  en  Amérique 
n'est  ni  long  ni  difficile.  La  ressem- 
blance que  l'on  a  remarquée  entre 
les  habitants  de  ces  deux  continents 
achève  de  nous  convaincre  qu'ils 
ont  une  origine  commune ,  que  les 
Américains  septentrionaux  sont  ve- 
nus des  extrémités  orientales  de 
l'Asie.  M.  de  Guignes  ,  dans  son 
Histoire  des  Huns ,  a  prouvé  qu'au 
cinquième  siècle  les  Chinois  ont 
commercé  avec  l'Amérique,  et  l'on 
atrouvé  des  débris  de  vaisseaux  chi- 
nois et  japonois  sur  les  côtes  de  la 
Californie  et  de  la  mer  du  Sud.  Au 
dixième  siècle ,  les  Norwégiens  dé- 
couvrirent l'Amérique  septentrio- 
nale ,  et  y  envoyèrent  une  colonie 
qui  fut  oubliée  dans  les  siècles  sui- 
vants :  ce  qui  arriva  pour  lors  a  pu 
se  faire  de  même  dans  les  siècles 
précédents. 

L'auteur  des  Etudes  de  la  Nature, 
tome  2,  p.  621  ,  a  rassemblé  plu- 
sieurs observations  qui  concourent 
à  prouver  que  la  population  de 
l'Amérique  méridionale  s'est  faite 
par  les  îles  delà  mer  du  Sud;  que 


AME 

les  habitants  des  extrémités  méri- 
dionales de  l'Asie  ont  pu ,  d'île  en 
île  ,  pénétrer  aisément  en  Amé- 
rique, hts  Noirs  que  l'on  y  a  trou- 
vés en  petit  nombre  ne  sont  donc 
pas  indigènes;  ils  y  ont  été  trans- 
portés par  hasard  ou  autrement 
des  côtes  méridionales  de  l'Afrique. 
(N.e\I,p.xv.) 

La  question  de  la  population  de 
l'Amérique  n'est  plus  une  difficulté 
parmi  les  savants  ;  lorsque  les  in- 
crédules affectent  de  la  renouveler, 
ils  ne  font  pas  honneur  à  leur  éru- 
dition. 

Ils  n'ont  pas  parlé  avec  plus  de 
prudence  des  missions  qui  ont  été 
faites  dans  cette  partie  du  monde , 
et  des  effets  qui  en  ont  résulté.  De 
nos  jours  on  a  peint  ces  missions 
sous  les  couleurs  les  plus  noires  ; 
on  a  soutenu  et  l'on  a  essayé  de 
prouver  que  le  fanatisme  ou  le  zèle 
aveugle  de  la  religion  a  été  la  vraie 
cause  des  cruautés  que  les  Espa- 
gnols ont  exercées  sur  les  Indiens  ; 
que  douze  ou  quinze  millions  d'.4- 
méricains  ont  été  égorgés ,  le  cru- 
cifix à  la  main ,  pour  établir  ie 
christianisme  en  Amérique. 

Pour  réfuter  complètement  cette 
calomnie,  il  suffit  d'établir  un  cer- 
tain nombre  de  faits  incontesta- 
bles, et  tous  avoués  par  les  écri- 
vains mêmes  qui  l'ont  avancée. 

i.°  Il  est  constant  que  les  pre- 
miei'S  Espagnols  qui  ont  découvert 
V Amérique,  et  ont  commencé  à  y 
pénétrer ,  étoient  la  lie  de  leur  na~ 
tion  ,  des  aventuriers  ,  des  cri- 
minels échappés  des  prisons.,  des 
scélérats  qui  avoient  mérité  le 
supplice  ;  ils  étoient  conduits  au- 
delà  des  mers  par  la  soif  de  l'or, 
par  l'attrait  du  brigandage  ,  par 
l'espoir  de  l'impunité.  Il  est  ab- 
surde d'attribuer  à  de  pareils 
hommes  un  zèle  bien  ou  mal  réglé  ; 
la  plupart  n'avoient  pas  plus  de 
religion  que  de  mœurs.  Quelques 
moines  qui  les  suivirent  en  qualité 
d'aumôniers  de  vaisseaux,  n'étoient 


AME 

ni  assez  puissants  ,  ni  assez  habiles 
pour  réprimer  la  cruauté  de  ces 
malfaiteurs. 

2."  Après  avoir  exercé,  leur  ca- 
ractère féroce  sur  les  Américains , 
les  Espagnols  ont  fini  par  se  faire 
la  guerre ,  par  se  décliirer  et  se  dé- 
vorer les  uns  les  autres  ;  ils  ont 
traité  les  hommes  de  leur  propre 
nation  avec  la  même  barbarie  dont 
ilsavoientusé  à  l'égard  des  Indiens. 
Ce  n'est  donc  pas  un  zèle  fanatirjue 
de  religion  qui  a  été  le  principe  de 
leurs  crimes. 

3.°  Loin  d'avoir  envie  de  con- 
tribuer à  la  conversion  de  ces  mal- 
heureux peuples,  les  conquérants 
ont  traversé  tant  qu'ils  ont  pu  les 
travaux  des  missionnaires.  Ceux-ci 
n'avoierit  pas  plus  tôt  rassemblé  un 
certain  nombre  d'Indiens,  que  les 
Espagnols  venoient  les  enlever  pour 
les  faire  travailler  aux  mines.  Ils 
ont  donc  tourmenté  les  Améri- 
cains,  non  pour  les  obliger  à  se 
convertir,  mais  pour  les  forcer  à 
fouiller  les  métaux ,  à  découvrir 
leurs  trésors,  à  fournir  de  l'or. 

4.°  Le  gouvernement  d'Espagne 
a  ignoré  d'abord  ces  cruautés  ;  loin 
de  les  autoriser  par  aucun  ordre  , 
il  avoit  recommandé  de  traiter  les 
Indiens  avec  douceur;  il  fut  enfin 
éveillé  par  les  plaintes  que  Barthe- 
lemi  de  Las  Casas  ,  évèque  de 
Chiapa  ,  vint  porter  au  nom  des 
Américains  ;  l'on  envoya  des  offi- 
ciers et  des  magistrats  en  Amérique 
pour  réprimer  le  brigandage  des 
Espagnols;  mais  le  mal  étoil  fait , 
il  n'étoit  plus  possible  de  le  ré- 
parer. 

5.°  Aucun  tribunal  ecclésiastique 
n'a  justifié,  approuvé, ni  excusé  la 
conduite  des  Espagnols.  Lorsque 
le  vertueux  Las  Casas  la  rendit  pu- 
blique et  en  informa  sa  nation  , 
lin  seul  docteur,  nommé  Sépul- 
veda  ,  payé  par  les  grands  qui 
avoient  des  possessions  en  Amé- 
rique, osa  soutenir  que  la  violence 
étoit  permise  contre  les  Indiens. 


AIMJi: 


99 


Son  ouvrage  fut  censuré  par  les 
universités  de  Salamanquc  et  d'AI- 
cala  ;  le  conseil  des  Indes  s'étoit 
opposé  à  l'impression  ,  et  le  roi 
d'Espagne  en  fit  saisir  tous  les 
exemplaires.  Il  est  donc  démontré 
que  la  soif  insatiable  de  l'or,  l'or- 
gueil qui  veut  tout  obtenir  par  la 
force,  le  ressentiment  contre  les 
Indiens  dont  on  avoit  provoqué  la 
cruauté  ,  l'habitude  de  répandi'e 
le  sang ,  ont  été  les  seules  causes 
des  crimes  commis  en  Amérique 
par  les  Espagnols  ,  et  que  le  zèle 
fanatique  de  religion  n'y  est  entré, 
pour  rien.  Voyez  Histoire  d''Amé~ 
r/^J/e,  parM.  Robertson. 

Des  voyageurs  désintéressés,  des 
militaires  ,  des  navigateurs  ,  ont 
rendu  justice  dans  plusieurs  ou- 
vrages aux  travaux  ,  à  la  sagesse  , 
au  zèle  pur  et  véritable  de  ceux 
qui  ont  établi  les  missions  de  la 
Californie  ,  du  Paraguay  ,  des 
Moxes  ,  des  Chiquites  ,  du  Brésil , 
du  Pérou  :  les  calomnies  des  pro- 
testants et  des  incrédules,  qui  les 
ont  copiées ,  ne  feront  pas  oublier 
l'éloge  qu'en  a  fait  l'auteur  de 
y  Esprit  des  Lois ,  1.  iv,  c.  6.  Il  est 
fâcheux  que  la  révolution  arrivée 
en  Europe,  qui  a  rappelé  les  mis- 
sionnaires, ait  entraîné  la  chute  de 
la  plupart  de  ces  établissements 
aussi  honorables  .à  l'humanité  qu'à 
la  religion. 

Mosheim,  quoique  luthérien  , 
avoit  parlé  des  missions  faites  par 
les  jésuites  dans  l'intérieur  de  VA' 
mérique,  avec  une  certaine  modé- 
ration; il  avoit  niême  applaudi  au 
moyen  que  ces  missionnaires  em- 
ployoient  pour  convertir  les  Sau- 
vages. Rien ,  selon  lui ,  n'étoit  plus 
sage  que  de  commencer  par  les  ci- 
viliser avant  de  les  instruire,  et 
que  d'en  faire  des  hommes  avant 
de  vouloir  en  faire  des  chrétiens. 
Il  avoit  cependant  cherché  à  eni- 
poisonner  le  motif  des  mission- 
naires, en  disant  que  ces  prétendus 
apôtres  avoient  moins  pour  but  la 


^0'vers;(as 


BIBLIOTHECA 


loo  AME 

propagation  du  christianisme,  que 
le  désir  de  satisfaire  leur  avarice 
insatiable  et  leur  ambition  déme- 
surée; et  il  citoit  pour  preuve  les 
sommes  prodigieuses  d'or  qu'ils 
tiroient  des  différentes  provinces 
de  V Amérique.  Hist.  ecclés.  du  dix- 
septiéme  siècle,  sect.  i  ,  §  19.  Mais 
son  traducteur  ,  mécontent  de 
cette  modération  ,  soutient  que 
Mosheiia  n'étoit  pas  assez  instruit  ; 
que  depuis  ce  temps  -  là  il  a  été 
prouvé  que  les  jésuites  n'avoient 
point  d'autre  dessein  que  de  se 
former  au  Paraguay  une  souve- 
raineté indépendante  des  cours 
d'Espagne  et  de  Portugal ,  de  do- 
miner despotiquement  sur  les  In- 
diens sous  prétexte  de  religion  ;  que 
ce  sont  eux  qui  ont  armé  les  In- 
diens ,  et  qui  les  ont  engagés  à  se 
révolter  contre  l'échange  que  ces 
deux  cours  avoient  fait  entre  elles 
d'une  partie  de  ces  colonies  ;  que 
telle  a  été  l'origine  de  la  disgrâce 
que  les  jésuites  ont  éprouvée  en 
Espagne  et  en  Portugal.  Il  cite  en 
preuve  une  relation  publiée  par  la 
cour  de  Lisbonne  en  lySS.  Selon 
lui,  Montesquieu,  le  savant  Mu- 
ratori ,  et  d'autres  qui  ont  fait  l'a- 
pologie de  ces  missionnaires,  ont 
trahi  la  vérité ,  ou  ils  étoient  mal 
informés. 

Pour  rendre  croyables  les  rela- 
tions publiées  contre  la  conduite 
des  missionnaires,  il  auroit  fallu 
éclaircir  plusieurs  doutes  qu'elles 
ont  naturellement  fait  naître  ;  nous 
les  proposons  avec  d'autant  plus 
de  confiance,  que  nous  en  avons 
puisé  la  plupart  dans  l'ouvrage 
d'un  militaire  que  l'on  ne  peut  pas 
accuser  de  prévention,  soit  en  fa- 
veur de  la  religion  catholique,  soit 
à  l'égard  des  missionnaires  et  des 
missions.  De  V  Amérique  et  des  Amé- 
ricains ,  par  le  philosophe  Ladou- 
ceur,  Berlin,  1771. 

i."  Il  est  difficile  de  comprendre 
comment  des  jésuites  alleniands 
avoient  le  courage  de  se  dévouer 


AME 

aux  missions  de  VAmériqtu,  par 
l'attrait  d'y  établir  une  souverai- 
neté temporelle  de  laquelle  ils  ne 
jouissoient  pas,  et  dont  tout  l'a- 
vantage revenoit  à  leur  ordre  ou  à 
leur  société  en  Europe.  Car  enfin 
on  ne  les  accuse  pas  d'avoir  eu  au 
Paraguay  ,  ou  ailleurs  ,un  train  de 
souverains  ,  d'y  avoir  étalé  le  faste, 
la  magnificence,  les  commodités  de 
la  vie,  et  les  plaisirs  d'une  cour 
européenne  ou  asiatique.  Ils  y 
étoient  pasteurs ,  catéchistes ,  pères 
spirituels  et  temporels  des  Indiens; 
ils  supportoient  tous  les  travaux  du 
ministère  ecclésiastique  ;  souvent 
ils  s'exposoient  à  être  massacrés  par 
les  nouveaux  Sauvages  qu'ils  vou- 
loient  apprivoiser.  On  n'en  a  vu 
aucun  revenir  en  Europe,  pour  y 
jouir  de  la  récompense  que  la  so- 
ciété devoit  accorder  par  recon- 
noissance  à  ceux  de  sçs  membres 
qui  la  rendoient  souveraine  en 
Amérique.  Les  officiers  de  la  com- 
pagnie angloise  des  Indes,  après 
avoir  exercé  en  son  nom  la  souve- 
raineté sur  les  bords  du  Gange  ,  se 
sont  empressés  de  venir  dépenser 
en  Angleterre  le  fruit  de  leurs  con- 
cussions ;  pas  un  seul  jésuite  n'a 
rapportéen  Allemagne,  ou  ailleurs, 
la  moindre  partie  des  monceaux 
d'or  qu'il  avoit  amassés  en  Améri- 
que pour  le  con\pte  de  la  société. 
Ou  ces  missionnaires  étoient  con- 
duits par  des  motifs  de  religion,  ou 
c'étoient  les  plus  vrais  insensés  qu'il 
y  eût  au  inonde. 

2.°  Si  leur  gouvernement  étoit 
absolu,  dur  et  tyrannique,  com- 
ment les  Sauvages,  originairement 
accoutumés  à  l'indépendance,  con- 
sentoient-ils  à  le  supporter  ?  Com- 
ment ne  désertoient- ils  pas,  comme 
font  lesNegres  marrons  rebutés  de 
l'esclavage,  pour  retourner  dans 
les  forêts  i*  Les  missionnaires  n'a- 
voient pas  à  leurs  ordres  une  armée 
d'Européens ,  pour  retenir  les  In- 
diens sous  le  joug  malgré  eux.  Si  au 
contraire   ce  gouvernement  éloil 


AMF. 

»loux  et  paternel ,  nous  ne  voyons 
plus  quel  crime  commettoient  les 
missionnaires,  en  tirant  les  Indiens 
lie  rétat  sauvage  pour  leur  faire 
goûter  les  avantages  de  la  société 
civile,  et  en  les  amenant  par  ce 
bienfait  au  christianisme.  Il  n'est 
défendu  nulle  part  aux  prédica- 
teurs de  l'Evangile  de  réunir  , 
«juand  ils  le  peu>ent,  le  bien  tem- 
porel d'un  peuple  à  son  salut  éter- 
nel. 

3.°  Oïl  ne  prouve  point  le  droit 
qu'avoient  les  rois  d'Espagne  et  de 
Portugal  d'assujétir  à  leurs  lois  des 
peuplades  d'Indiens  originaire- 
ment indépendants,  de  les  échan- 
ger et  d'en  disposer  comme  d'un 
troupeau  de  bétail  ;  on  ne  dit  point 
pourquoi  des  jésuites  allemands 
étolent  obligés  en  consci-ence  de 
soumettre  à  l'un  ou  à  l'autre  de  ces 
rois,  les  Sauvages  qu'ils  avoient  ci- 
vilisés ,  et  qui  n'avoient  reçu  de 
Madrid  ni  de  Lisbonne  aucun  se- 
cours ,  aucun  bienfait,  aucune 
marque  de  protection.  La  manière 
dont  ces  souverains  ont  traité 
leurs  sujets,  dans  cette  partie  du 
monde,  étoit-elle  propre  à  exciter 
l'ambition  de  leur  appartenir  ?  En 
supposant  même  que  ce  sont  les  jé- 
suites qui  ont  armé  les  Indiens  ,  et 
les  ont  excités  à  défendre  leur  li- 
berté, nous  ne  voyons  pas  encore 
enquoi  ilssesont  rendus  coupables 
de  sédition  ,  de  révolte,  de  trahi- 
son. Ou  il  faut  accuser  de  ce  crime 
les  peuples  des  Etats-Unis  de  l'A- 
mérique ,  ou  il  faut  en  absoudre 
les  Indiens  du  Paraguay,  la  cause 
de  ceux-ci  estméme  plus  favorable, 
puisque  jamais  ils  n'ont  été  sujets 
de  l'Espagiie  ni  du  Portugal. 

4.°  Puisque  les  jésuites  ,  selon 
l'opinion  de  leurs  accusateurs  ,  ont 
toujours  été  aveuglément souTnis et 
dévoués  à  la  cour  de  Rome,  nous 
ignorons  pourquoi  celles  de  Lis- 
bonne et  de  Madrid  ,  mécontentes 
de  ces  missionnaires,  n'ont  pas 
porté    d'abord    leurs    jilaintcs  au 


AME  101 

pape,  et  n'en  ont  pas  obtenu  un 
ordre  positif  qui  enjoignît  à  ce-s  der- 
niers de  soumettre  leurs  nouvelles 
peuplades  à  la  domination  de  l'un 
ou  de  l'autre  de  ces  rois.  Ce  parti 
n'eùl-il  pas  été  plus  sage  que  de 
mettre  des  armées  en  campagne,  et 
de  dissiper  le  troupeau  en  lui  ôtant 
ses  pasteurs  i*  On  sait  que  le  mé- 
moire publié  en  lySS  par  la  cour 
de  Lisbonne  ,  fut  l'ouvrage  du  mar- 
quis dePombal,  despote  le  plus 
absolu  qui  fut  jamais,  et  dont  la 
mémoire  est  aujourd'hui  en  exé- 
cration. Cette  pièce  n'est  pas  assez 
respectable  pour  opérer  la  con- 
damnation des  accusés,  sans  autre 
preuve. 

5.°  Une  nouvelle  énigme  à  expli- 
quer est  la  conduite  des  mission- 
naires. Ils  ont  armé  les  Indiens  pour 
la  défense  de  leur  liberté  naturelle; 
mais  ils  n'ont  pas  eu  recours  aux 
armes  pour  se  maintenir  en  pos- 
session de  leur  prétendue  souverai- 
neté ;  ils  ont  obéi  sans  résistance 
au  premier  ordre  qui  leur  a  été 
donné  de  quitter  leurs  missions  ; 
ils  sont  revenus  en  Europe,  où 
ils  étoient  bien  sûrs  d'être  mal- 
traités ,  comme  ils  l'ont  été  eu  ef- 
fet. Puisqu'on  leur  suppose  des 
trésors  ,  s'ils  avoient  gagné  les  co- 
lonies angloises,  qu'auroit-on  pu 
leur  faire? 

6.°  Nous  ne  demandons  pas  où 
sont  aujourd'hui  ces  monceaux 
d'or  que  les  jésuites  tiroient  de 
V Amérique,  ce  qu'ils  sont  devenus, 
comment  ils  ont  disparu  ;  mais  s'il 
est  vrai,  comme  on  l'assure,  que 
les  Indiens,  désolés  d'être  privés  de 
leurs  pasteurs,  se  sont  séparés  et 
sont  retournés  dans  leurs  forêts  ; 
nous  demandons  ce  qu'ont  gagné 
les  deux  puissances  qui  ont  fait  cette 
destruction  ,  et  quel  avantage  elles 
peuvent  tirer  d'un  pays  désert  , 
dont  les  habitants  ont  mieux  aimé 
redevenir  sauvages  que  de  subir 
leur  joug? 

Que  des  protestants  cl  des  incré- 


I02  AMI 

d  aies  applaudissent  à  celle  brillan  le 
expédition ,  nous  n'en  sommes  pas 
étonnés  :  c'est  un  effet  de  leur  fu- 
reur antichrétienne;  mais  lorsque 
des  hommes ,  qui  affectent  du  zèle 
pour  la  religion  ,  semblent  se  ré- 
jouir de  la  destruction  de  plusieurs 
missions  très  -  nombreuses  ,  on 
est  tenté  de  leur  demander  s'ils 
croient  en  Dieu. 

Disons-le  hardiment  :  il  n'est  que 
trop  prouvé  par  l'événement  que 
les  accusations  formées  contre  les 
fondateurs  de  ces  missions  sont  de 
pures  visions  et  des  calomnies  ; 
l'on  sent  à  présent  la  faute  énorme 
que  l'on  a  faite  en  y  prêtant  l'o- 
reille :  mais  le  mal  est  fait,  et  il  ne 
sera  pas  réparé.  Voyez  Jésuites  , 
Missions. 

AMITIÉ.  Plusieurs  de  nos  mo- 
ralistes incrédules  ont  enseigné 
qu'il  n'y  a  point  d'a/wiVi'è' désinté- 
ressée; que  Y  amitié  ne  fait  que  des 
échanges  ;  qu'il  est  impossible  d'ai- 
mer quelqu'un ,  à  moins  que  l'on 
n'en  espère  quelque  avantage.  Ils 
ont  consul  té  sans  doute  leurpropre 
cœur  ;  et  comme  ils  se  sont  sentis 
incapables  d'un  sentiment  à''amitié 
pure,  ils  ont  conclu  qu'il  en  est  de 
même  de  tous  les  hommes.  Jésus- 
Christ  ,  qui  connoissoit  mieux 
qu'eux  l'humanité,  nous  a  prêché 
une  morale  très-opposée  à  la  leur  : 
«  Si  vous  n'aimea  ,  dit-il ,  que 
»  ceux  qui  vous  aiment,  quelle  ré- 
»  compense  aurez-vous  ?  Les  pu- 
»  blicainsenfont  autant.  »  Maith., 
c.  5,  S'  4^-  Il  se  donne  lui-même 
pour  exemple  d'une  amitié  par- 
faite :  «Personne,  dit-il,  ne  peut 
»  témoigner  un  plus  grand  amour 
»  que  celui  qui  donne  sa  vie  pour 
»  ses  amis.  »  Joan.  ,  c.  i5,  y.  i3. 
Dans  ce  cas ,  il  ne  peut  y  avoir  au- 
cun lieu  à  l'intérêt. 

Quelques censeursse  sontplaints 
de  ce  que  l'Evangile  ne  recom- 
mande pas  Vamitié.  Ils  dévoient 
faire  allenlion  que  c'est  un  senti- 


AMM 

ment  naturel  qui  ne  se  commande 
point;  les  lois  prescriroient  vaine- 
ment à  un  homme  d'avoir  desamis, 
s'il  n'a  pas  reçu  de  la  nature  les 
qualités  propres  à  lui  gagner  l'af- 
fection de  ses  semblables.  Mais  l'E- 
vangile nous  commande  certaine- 
ment toutes  les  vertus  capables  de 
nous  concilier  ra/ziiV/e  de  ceux  avec 
lesquels  nous  vivons  :  la  charité, 
la  douceur,  l'indulgence  pour  les 
défauts  d'autrui ,  la  commisération 
pour  ceux  qui  souffrent ,  l'empres- 
sement à  faire  du  bien  à  tous ,  l'ou- 
bli des  injui'es,  l'amour  même  des 
ennemis.  Un  chrétien  ,  doué  de 
toutes  ces  qualités ,  pourroit-il  ne 
pas  avoir  des  amis?  Jésus -Christ 
en  a  eu  plusieurs  ;  Lazare  et  ses 
sœurs  étoient  de  ce  nombre  ;  il  a  eu 
une  afiFeclion  particulière  pour 
saint  Jean;  cet  apôtre  se  nomme 
lui-même  le  disciple  que  Jésus  ai- 
mait :  souvent  le  Sauveur  appelle 
ses  disciples  ses  amis.  Luc. ,  c.  12  , 
y. 4- 11  dità  ses  auditeurs  :  «Faites- 
»  vous  des  amis  avec  les  richesses 
»  périssables  de  ce  monde,  »  c.  16, 
y/.  9.  Il  ne  s'est  donc  pas  borné  à 
nous  montrer,  par  ses  paroles  et 
par  ses  exemples,  que  Vamitié  est 
un  sentiment  louable  ;  mais  il  nous 
a  appris  à  la  sanctifier ,  à  la  fonder 
sur  sa  vi'aie  base,  sur  la  vertu. 

AMMON,  AMMONITES.  Am- 

mon ,  né  de  l'inceste  de  Lot  avec 
sa  fille  puînée,  a  été  la  tige  des  Am^ 
monites  ,  peuple  placé  à  l'orient  de 
la  Palestine.  Certains  critiques  ont 
écrit  que  Moïse  avoit  inventé  cette 
origine  obscure  des  Ammonites  , 
afin  de  persuader  à  son  peuple 
qu'il  pouvolt  sans  scrupule  s'em- 
parer de  leur  pays.  Voyez  Lot. 

Au  contraire ,  Moïse  déclare  aux 
Israélites  que  Dieu  ne  leur  don- 
nera pas  un  seul  pouce  du  terrain 
possédé  par  les  Ammonites ,  par  les 
Moabites  ;  ni  par  les  descendants 
d'Esaii;  il  leur  défend  d'y  toucher, 
parce  que  c'eat  Dieu  qui  a  placé 


AMO 

•  es  peuples  sur  le  sol  qu'ils  occu- 
jieiit,  coninic  il  veut  établir  le  sien 
ùaaslepays  desChananéeiis.XJcu/., 
r.  2,  y.  5  ctsuw.  Trois  cents  ans 
après,  Jephté,  bien  instruit  des 
intentions  de  Moïse,  soutient  aux 
Ammonites  (\iic  les  Hébreux  ne  leur 
ont  pas  enlevé  un  seul  coin  de  terre, 
non  plus  qu'aux  INIoabites.  Jud.  , 
c.  II  ,  'Sf .  i5.  Lorsque  Moïse  dé- 
cide que  ces  deux  peuples  n'en- 
treront jamais  dans  l'Eglise  du 
Seifçneur  ,  il  n'allègue  point  leur 
oi-igine,  mais  le  relus  qu'ils  ont 
fait  de  laisser  passer  les  Israélites 
sur  leurs  frontières  en  sortant  de 
l'Egypte.  Deut.,  c.  aS,  y.  3.  Il  ne 
parle  de  cette  origine  que  pour 
rendre  raison  à  son  peuple  de  la 
délensc  qu'il  lui  fait  de  la  part  de 
Dieu  ;  il  n'avoit  pas  tort  de  regar- 
der les  Ammonites  comme  des  en- 
nemis irréconciliables ,  ils  le  furent 
en  effet.  Lorsque  David  les  vain- 
quit et  les  subjugua,  ils  avoient 
j)rovoqué  la  guerre  par  une  insul  te 
laite  à  ses  ambassadeurs.  II.  Heg. , 
c.  lo  et  suif.  Et  c'est  mal  à  propos 
i[ue  l'on  accuse  ce  roi  d'avoir  traité 
cepeupleavec cruauté.  Fb/. David. 

AMORRHÉENS,  peuple.  Lors- 
que Dieu  promet  à  Abraham  de 
donner  à  sa  postérité  le  pays  des 
Chananéens  ,  il  lui  dit  que  cette 
promesse  ne  s'accomplira  que  dans 
(juatre  cents  ans,  parce  que  les  ini- 
f{uités  des  Aniorrhéens  ne  sont  pas 
encore  parvenues  au  comble.  Gen., 
c.  i5,y.  i6.  Dieu  accordoit  donc 
quatre  siècles  de  délai  à  ce  peuple 
pervers  pour  rentrer  en  lui-même 
et  desarmer  la  justice  divine.  Bel 
exemple  de  la  patience  de  Dieu  à 
l'égard  des  pécheurs  !  On  peut  voir 
les  observations  de  M.  de  Gébelin 
sur  les  Ammonites  ,  les  Moabites 
el  les  Amorrhcens.  Monde  prim.it. , 
lonj.6,  pag.2i. 

AMOS  ,  l'un  des  douze  petits 
prophcles,  ctoil  un  pasteur  de  Jn 


AMO  io3 

ville  de  Thécué  :  il  prophétisoit  à 
Réthel,où  Jéroboam  adoroit  des 
veaux  d'or  ;  il  prédit  que  la  maison 
de  ce  prince  scroil  menée  en  capti- 
vité, s'il  persistoit  dans  son  ido- 
lâtrie. Amasias,  prêtre  des  veaux 
d'or,  choqué  de  la  liberté  (ÏAmos , 
l'accusa  devant  Jéroboam,  le  trai- 
tant de  visionnaire  et  d'homme 
dangereux  ,  propre  à  soulever  le 
peuple  contre  son  roi  ;  ce  qui  obli- 
gea le  prophète  à  sortir  de  Béthel, 
après  avoir  prédit  à  Amasias  que 
sa  femme  seroit  prostituée  au  mi- 
lieu de  Samarie,  et  que  ses  fils  et 
ses  filles  périroient  par  l'épée.  Du 
reste,  on  ignore  le  temps  et  le  genre 
de  sa  mort. 

Le  principal  objet  de  ce  pro- 
phète est  de  reprocher  aux  Juifs 
des  deux  royaumes  d'Israël  et  de 
Juda  leurs  infidélités  et  leur  ido- 
lâtrie, de  leur  annoncer  les  châti- 
ments qui  tomberont  sur  eux  et 
sur  les  plus  voisins;  mais  il  finit 
par  prédire  que  les  Juifs  seront  ré- 
tablis dans  leur  terre  natale,  et  que 
le  trône  de  David  sera  relevé  ,0.9, 
y.  II-  Les  Juifs  modernes  abusent 
de  cette  prophétie  ,  en  se  flattant 
qu'un  jour  Dieu  les  rétablira  dans 
la  Palestine  ,  et  y  renouvellera  le 
règne  de  David.  Il  suffit  de  lire  at- 
tentivement le  texte,  pour  voir  que 
le  prophète  a  seulement  prédit  le 
rétablissement  des  Juifs  après  la 
captivité  de  Babylone  ,  et  que  ce 
qu'il  a  dit  s'est  accompli  pour  lors, 

La  Bible  fait  mention  d'un  autre 
Amos ,  père  du  prophète  Isaïe  :  on 
en  trouve  un  troisième  dans  la  gé- 
néalogie de  notre  Sauveur ,  rap- 
portée dans  l'évangile  selon  saint 
Luc. 

AInIOUR  de  DIEU.  Moïse  dit 
aux  Juifs  :  «  Vous  aimerez  le  Sei- 
»  gncur  votre  Dieu  de  toute  votre 
))  âme  et  de  toutes  vos  forces.  » 
Deut.,  c.  6,  ^'.  4-  "  Dieu  fait  mi- 
»  séricordc  à  ceux  qui  l'aiment  et 
->  qui  gardent   ses   lois;   il  punit 


jo4  AMO 

)i  ceuxqui  le  haïssent  ou  qui  violent  j 
«  ses  commandements.  »  Exod.  , 
c.  20  ,  '^' .  5.  Cependant  il  y  a  eu  des 
philosophes  assez  mal  instruits 
pour  affirmer  qu'il  n'y  avoit,  dans 
les  tables  de  l'ancienne  loi ,  aucun 
coramandementd'aimerDieu.Nous 
convenons  qu'en  général  les  Juifs 
accomplissoient  assez  mal  ce  pré- 
cepte ;  que  le  motif  de  leur  obéis- 
sance à  la  loi  étolt  plutôt  l'espé- 
rance des  biens  temporels  qu'un 
attachement  sincère  à  Dieu.  Ce 
défaut  fut  encore  plus  sensible, 
lorsque  le  saducéisme  eut  in- 
fecté une  grande  partie  de  la  na- 
tion. 

Jésus  -  Christ  a  renfermé  toute 
sa  morale  dans  le  commandement 
d'aimer  Dieu  sur  toutes  choses,  et 
le  prochain  comme  soi-même  : 
Dans  ces  deux  commandements  , 
dit-il,  sont  contenus  toute  la  loi 
et  les  prophètes.  Maiih. ,  c.  22, 
"y .  ?>']\Marc. ,  c.  12;  Luc,  c.  10.  Il 
jie  nous  laisse  pas  ignorer  en  quoi 
consiste  Vamour  de  Dieu:  «  Celui 
i>  qui  retient  mes  commandements 
»  et  les   observe ,   m'aime  vérita- 

5>  blement; celui  quinem'aime 

»  point ,  ne  les  observe  point.  » 
Joan. ,  cap.  i4  ,  ^.  21  ,  24.  Il  n'est 
donc  point  ici  question  de  senti- 
ments affectueux,  souvent  sujets 
à  l'illusion,  mais  d'obéissance  et 
de  fidélité  à  remplir  tous  nos  de- 
voirs. 

Les  motifs  qui  nous  portent  à 
aimer  Dieu  sont  sa  bonté  infinie , 
lesbienfaits  dont  il  nous  a  comblés 
dans  l'ordre  de  la  nature  et  dans 
l'ordre  de  la  grâce  ,  les  promesses 
qu'il  nous  fait,  le  bonheur  éternel 
qu'il  nous  prépare,  l'amour  qu'il  a 
pour  nous.  Voyez  Reconnoissance. 
11  n'est  pas  vrai  que  Jésus-Christ 
nous  ait  défendu  de  rien  aimer  que 
Dieu  ;  cela  seroit  contradictoire 
au  précepte  d'aimer  le  prochain 
comme  nous-mêmes;  mais  il  nous 
défend  de  rien  aimer  plus  que  lui. 
Maith.,  c.  10,  5"'.  37.  Il  veut  que 


AMO 

nous  soyons  prêts  à  tout  quitter, 
lorsque  cela  est  nécessaire  pour  le 
service  de  Dieu  et  pour  le  salut  du 
prochain  ;  c'est  le  sens  de  ces  pa- 
roles :  «  Si  quelqu'un  vient  à  moi, 
»  et  ne  hait  pas  son  père ,  sa  mère . 
»  son  épouse  ,  ses  enfants  ,  ses 
»  frères  et  sœurs ,  et  miome  sa 
»  propre  vie,  il  ne  peut  être  mon 
»  disciple.  »  Luc.,c.  i^^'^.zf).  Ce 
courage  étoit  nécessaire  aux  apô- 
tres ,  il  l'est  encore  aux  hommes 
apostoliques  ;  ont-ils  cessé  pour 
cela  d'aimer  leur  famille  ?  En  se 
confiant  à  Jésus-Christ,  ils  assu- 
roient  à  leurs  proches  la  protec- 
tion du  meilleur  et  du  plus  puis- 
sant de  tous  les  maîtres.  Aucune 
morale  ne  tend  plus  directement  à 
resserrer  les  liens  de  la  nature  et 
de  la  société  que  la  morale  de 
l'Evangile. 

Nous  ne  nous  arrêterons  point 
ici  à  discuter  s'il  peut  y  avoir  un 
amour  de  Dieu  pur  et  désintéressé, 
sans  aucun  rapport  à  nous-mêmes; 
il  nous  suffit  de  savoir  que  notre 
plus  grand  intérêt  pour  ce  monde 
et  pour  l'autre  est  d'aimer  Dieu  , 
et  qu'un  cœur  assez  ingrat  pour  ne 
pas  aimer  Dieu  ,  n'est  pas  fort  dis- 
posé à  aimer  les  hommes.  Voyez 
Charité. 

AMOUR  DU  PROCHAIN.  Lors- 
que Jésus-Christ  nous  commande 
dans  l'Evangile  d'aimer  notre  pro- 
chain comme  nous-mêmes,  il  ex- 
plique très-clairement  en  quoi  doit 
consister  cet  amour.  «  Faites  aux 
»  autres ,  dit-il ,  ce  que  vous  vou- 
»  lez  qu'ils  vous  fassent.  »  Maiih., 
c.  7,  ^.  12  ;  Xz/c. ,  c.  6,  }?'.  Sa.  11 
ne  nous  ordonne  point  d'avoir 
pour  tous  les  hommes  les  senti- 
ments tendres  et  affectueux  que 
nous  avons  pour  nos  amis ,  mais 
de  leur  témoigner  de  la  bienveil- 
lance par  des  effets.  La  douceur, 
la  complaisance,  l'indulgence,  la 
commisération ,  les  secours  ,  les 
conseils,  les  services  :  voilà  ce  que 


AMO 

nous  cxi{i;con.s  tic  nos  semblables  , 
et  ce  que  nous  leur  devons. 

Comme  les  .luils  cntendoient  as- 
sez mal  ce  commandement  de  la 
loi,  et  ne  comprenoient ,  sous  le 
nom  de  prochain  ,  que  les  hommes 
de  leurnalion,  Jésus-Christ  les  dé- 
trompe par  la  parabole  du  Samari- 
tain qui  soulage  un  Juif  blessé  , 
dépouillé,  abandonné;  il  leur  ap- 
prenoit  par  cet  exemple  qu'ils  dé- 
voient regarder  comme  prochain 
les  hommes  même  qu'ils  détes- 
loient  davantage,  les  Samaritains. 
Luc. ,  c.  lo  ,  y .  3o. 

Le  commandement  qu'ajouteJé- 
sus-Christ  d'aimer  nos  ennemis  , 
dans  ce  sens,  n'a  donc  rien  d'in- 
juste ni  d'impossible.  Ce  sont  des 
hommes,  ils  ont  droit  à  tous  les  de- 
voirs d'humanité.  Les  anciens  phi- 
losophes regardoient la  vengeance 
comme  un  droit  naturel  ;  notre  di- 
vin Maître  la  réprime ,  en  nous  as- 
surant que  Dieu  ne  nous  pardon- 
nera point  nos  fautes,  si  nous  ne 
les  pardonnons  nous-mêmes  à 
ceux  qui  nous  offensent.  Maiih.  , 
c.  6,  y.  i4  Pt  i5.  Si  cette  leçon 
ii'étoit  pas  assez  claire,  que  pou- 
vons-nous opposer  à  l'exemple  de 
Jésus-Christ  mourant  ,  qui  de- 
mande pardon  à  son  Père  pour 
ceux  qui  l'ont  crucifié  ^. 

AMOUR-PROPRE  ,  amour  de 
nous-mêmes.  Un  peu  de  réflexion 
.suffit  pour  nous  faire  comprendre 
le  vrai  sens  des  maximes  de  l'E- 
vangile, qui  condamnent  Vamour- 
propre ,  qui  nous  ordonnent  de  re- 
noncer à  nous-mêmes  et  de  nous 
haïr  nous-mêmes.  Quoi  qu'en  di- 
sent les  incrédules,  ces  maximes 
ne  sontniabsurdes  ,ni  impossibles 
à  suivre.  \j  arnour  propre  ,  pour 
peu  qu'on  le  llatte  ,  est  nécessaire- 
mentaveugleet  injuste,  et  il  trouve 
tôt  ou  tard  sa  punition  en  lui- 
même.  Un  homme  qui  s'aime  k 
l'excès,  qui  rapporte  tout  à  son 
propre  intérêt  ,  f[ui  veut  une  pré- 


AMU  io5 

fcrence  exclusive  ,  qui  ne  sait 
rendre  justice  à  personne,  devient 
l'ennemi  de  tous;  plus  il  est  sen- 
sible et  chatouilleux  ,  plus  il  est 
aisé  de  le  mortifier  et  de  le  chagri- 
ner. Combien  d'hommes  célèbres 
se  sont  rendus  malheureux  par  là! 
Ils  avoient  beau  s'enivrer  d'encens 
et  d'éloges,  la  moindre  censure,  le 
plus  léger  trait  de  satire  suffisoit 
pour  les  mettre  en  fureur ,  pour 
troubler  leur  repos,  pour  empoi- 
sonner leur  vie.  S'ils  avoient  su 
réprimer  et  modérer  Vamour-pro- 
pre ,  ils  auroient  été  heureux. 

Il  n'y  a  rien  d'outré  dans  le  ta- 
bleau que  saint  Paul  a  tracé  de  cet 
odieux  caractère  :  «  Il  viendra, 
»  dit-il ,  des  hommes  amoureux 
»  d'eux-mêmes,  ambitieux,  hau- 
»  tains,  superbes,  violents  ,  enne- 
»  mis  de  leur  propre  famille  ,  in- 
»  grats  et  méchants,  sans  affection, 
»  incapables  d'amitié  ,  calomnia- 
»  teurs ,  débauchés  ,  querelleurs  , 
»  durs  envers  tout  le  monde ,  per- 
»  fides,  insolents,  orgueilleux ,  en- 
1)  nemis  de  Dieu  et  de  leurs  sem- 
..  blables.  »  II.  Tim.,  c.  i,f.  2. 
L'on  pourroit  peut-être  en  citer 
un  plus  grand  nombre  d'exemples 
dans  notre  siècle  que  dans  aucun 
autre.  Ko/ez  Abnégation  ,  Haine. 

AMSDORFIENS.  Secte  de  pro- 
testants du  seizième  siècle  ,  ainsi 
nommés  de  leur  chef  Nicolas  Ams- 
dorf,  disciple  de  Luther,  qui  le  fif 
d'abord  ministre  de  Magdebourg, 
et,  de  sa  propre  autorité,  éveqne 
de  Nuremberg.  Ses  sectateurs 
étoient  des  confessionnistes  rigides, 
qui  soutenoient  que  non-seulement 
les  bonnes  œuvres  étoient  inutiles, 
mais  naême  pernicieuses  au  salut: 
doctrine  aussi  contraire  au  bon 
sens  qu'à  l'Ecriture,  et  qui  fut  im- 
prouvée par  les  autres  sectateurs 
de  Luther.  Voy.  Luthériens 

AMULETTE,  préservatif.  On 
appelle  ainsi  certains  remèdes  su- 


io6  AMU 

persli lieux  que  l'on  porte  sur  soi, 
ou  que  l'on  s'attache  au  cou, pour 
se  préserver  de  quelque  maladie  ou 
de  quelque  danger. 

Pour  remonter  à  l'origine  de  cet 
usage ,  il  faut  se  souvenir  que ,  se- 
lon la  croyance  des  païens ,  les  en- 
chanteurs, les  magiciens,  les  sor- 
ciers, par  de  certains  charmes, 
par  des  paroles  ou  par  des  carac- 
tères, pouvoient  envoyer  des  ma- 
ladies ou  d'autres  malheurs  aux 
personnes  aux([uelles  ils  vouloient 
nuire;  que,  par  d'autres  paroles 
ou  par  d'autres  ligures ,  on  pou- 
voil  arrêter  leur  pouvoir  etrendre 
leur  malice  inutile;  qu'ainsi  des 
médailles,  des  morceaux  de  vélin 
ou  de  parchemin  ,  empreints  de 
certains  caractères,  étoient  un  re- 
mède ou  un  préservatif  assuré 
contre  toute  espèce  de  maladie  et 
d'accidents.  Lucien,  dans  son  Plii- 
Inpseudès ,  a  fait  de  sanglantes  rail- 
leries de  cette  absurdité.  Voyez 
ChapcIme.  Les  Grecs  les  nommoient 
phylactères,  préservatifs;  les  La- 
tins ,  amolimen'um ,  ou  amoleium  , 
du  verbe  amoliri ,  détourner  :  d'où 
nous  avons  fait  amuMle,  qui  a  le 
même  sens.  Les  Orientaux  les  ap- 
pellent talisman,  et,  selon  l'opi- 
nion commune  des  Arabes  ,  un 
magicien ,  par  son  talisman ,  peut 
opérer  des  prodiges. 

C'est  quelquefois  une  pierre  pré- 
cieuse, une  pierre  tirée  du  corps 
de  quelque  animal,  ses  os  réduits 
en  poudre,  le  signe  d'une  planète 
ou  d'une  constellation ,  une  langue 
de  parchemin,  de  plomb  ou  d'é- 
tain  sur  laquelle  sont  écrites  cer- 
taines paroles  ,  une  figure  ob- 
scène, etc.  Sur  ce  point,  les  hom- 
mes, dans  tous  les  temps  et  dans 
tous  les  lieux  ,  ont  poussé  la  foi- 
blesse  et  la  crédulité  à  un  excès  in- 
croyable. Les  anciens  avoient  sur- 
tout grand  soin  de  pendre  une 
amulette  au  cou  des  enfants ,  pour 
leur  servir  de  pi-éservatif  contre 
les  regards  des  envieux;  l'on  sup- 


AMU 

posoit  qu'à  cet  âge  îla  étoient  plus 
sujets  aux  maléfices  et  aux  enchan- 
tements que  les  adultes;  que  le  sim- 
ple regard  d'un  ennemi  jaloux,  ou 
d'une  vieille,  pouvoit les  fasciner. 

Comme  cette  erreur  vient  d'un 
attachement  excessif  à  la  vie,  et 
d'une  crainte  puérile  de  tout  ce  qui 
peut  nous  nuire,  le  christianisme 
n'est  pas  venu  à  bout  de  la  détruire 
universellement.  Des  les  premiers 
siècles ,  les  conciles  et  les  Pères  de 
l'Eglise  défendirent  aux  fidèles  ces 
pratiques  du  paganisme,  sous  peine 
d'anathème.lls  représentèrent  que 
l'usage  des  amulettes  étoit  un  reste 
d'idolâtrie,  ou  de  la  confiance  que 
l'on  avoit  aux  prétendus  génies 
gouverneurs  dumonde.une  espèce 
d'apostasie  de  la  foi  chrétienne,  un 
défaut  de  confiance  en  Dieu ,  un 
préjugé  aussi  ridicule  que  celui  des 
païens,  qui  attendoient  du  secours 
d'une  statue  muette  et  insensible. 
Thicrs  ,  dans  son  Traité  des  Su- 
perstitions,  1.^^  part.,  liv.  5,  c.  i, 
a  rapporté  un  grand  nombre  de 
passages  des  Pères  à  ce  sujet ,  et  les 
canons  de  plusieurs  conciles. 

C'est  aux  médecins  de  décider  si 
des  poudres,  des  plantas,  des  pré- 
parations chimiques ,  renfermées 
dans  des  sachets  et  portés  sur  la. 
chair ,  peuvent  ou  ne  peuvent  pas 
étie  des  préservatifs  contre  cer- 
taines maladies.  Une  vaine  con- 
fiance à  ces  sortçs  de  remèdes  ne 
tire  à  aucune  conséquence  contre 
la  religion  ;  il  n'y  a  point  de  su- 
perstition, lorsqu'on  ne  leur  attri- 
bue qu'une  vertu  naturelle,  vraie 
ou  fausse.  Il  n'en  est  pas  de  même 
lorsqu'on  porte  sur  soi  des  choses 
qui  par  leur  nature  ne  peuvent 
avoir  aucune  vertu ,  et  que  l'on  se 
persuade  cependant  qu'elles  pro- 
curent du  bonheur  ou  détournent 
quelque  danger  ;  c'est  le  cas  de  ceux 
qui  espèrent  de  gagner  au  jeu, 
lorsqu'ils  ont  sur  eux  de  la  corde 
d'un  pendu,  etc.  Cette  confiance 
est  non-seulement  une  absurdité, 


AMD 

mais  une  iiiipu'lé,  puis<iii\'lle  sup- 
pose qu'il  y  a  sur  la  lerre  un  autre 
pouvoir  surnaturel  que  celui  de 
Dieu  ,  <[ui  peut  nous  faire  du  bien 
ou  du  mal.  On  pourroit  excuser 
cette  erreur  par  la  i'oiblesse  d'esprit 
de  ceux  qui  y  tombent,  si  elle  n'é- 
toit  pas  ordinairement  accompa- 
gnée d'opiniâtreté, 

Une  autre  question  est  de  savoir 
si  c'est  une  superstition  de  porter 
sur  soi  des  reliques  des  saints, une 
croix ,  une  image ,  une  chose  bé- 
nite par  les  prières  de  l'EjjHse, 
comme  VAgnusDci ,  etc.,  et  si  l'on 
doit  mettre  ces  choses  au  rang  des 
amulettes,  comme  le  prétendent  les 
protestants.  Nous  convenons  que 
si  l'on  attribue  à  ces  choses  une 
vertu  surnaturelle  de  nous  préser- 
ver d'accident,  de  niort  subite,  de 
mort  dans  l'état  du  péché ,  etc. , 
c'est  une  superstition.  Elle  n'est 
pas  du  même  genre  que  celle  des 
amulettes ,  dont  le  prétendu  pou- 
voir ne  peut  pas  se  rapporter  à 
Dieu;  mais  c'est  ce  que  les  théolo- 
giens appellent  vaine  observance  , 
parce  que  l'on  attribue  à  des  cho- 
ses saintes  et  respectables  un  pou- 
voir que  Dieu  n'y  a  point  attaché. 

Un  chrétien  bien  instruit  ne 
les  envisage  point  ainsi;  il  sait 
que  les  saints  ne  peuvent  nous  se- 
courir que  par  leurs  prières  et 
par  leur  intercession  auprès  de 
Dieu  ;  c'est  pour  cela  que  l'Eglise  a 
décidé  qu'il  est  utile  et  louable  de 
les  honorer  et  de  les  invoquer.  Or, 
c'est  un  signe  d'invocation  et  de 
respect  à  leur  égard ,  de  porter  sur 
soi  leur  image  ou  de  leurs  reliques; 
de  même  que  c'est  une  marque 
d'affection  et  de  respect  pour  une 
personne  que  de  garder  son  por- 
trait ou  quelque  chose  qui  lui  ait 
appartenu.  Ce  n'est  donc  ni  une 
vaine  observance,  ni  une  folle  con- 
fiance d'espérer  qu'en  considéra- 
lion  du  respect  et  de  l'affection 
que  nous  témoignons  à  un  saint  , 
il  intercédera  et  priera  pour  nous. 


AMU  107 

De  même  une  croix  n'a  par  elle- 
même  aucune  vertu  ,  mais  c'est  le 
signe  du  christianisme  et  de  notre 
rédemption  par  Jésus-Christ  ;  por- 
ter ce  signe  sur  nous ,  est  un  té- 
moignage de  notre  foi  et  de  notre 
confiance  aux  mérites  du  Sauveur; 
ne  sommes-nous  pas  fondés  à  espé- 
rer qu'en  récompense  de  ces  senti- 
ments il  nous  accordera  des  grâces? 
C'est  une  prière  muette  dont  l'E- 
glise nous  donne  l'exemple;  par  ce 
signe  ,Iespremlers  chrétiens  se  dis- 
linguoient  des  païens  ;  aujourd'hui 
il  nous  distingue  des  hérétiques  et 
des  incrédules. 

En  portant  sur  nous  un  Agnus 
Dci,  ou  une  autre  chose  bénite  par 
les  prières  de  l'Eglise,  nous  attes- 
tons notre  confiance  à  ces  mêmes 
prières  ;  qu'y  a-t-il  là  de  supersti' 
tieux  ?  U Agnus  Dci  est  le  symbole 
de  Jésus-Christ  rédempteur  du 
monde;  il  est  donc  louable  de  le 
respecter  et  de  l'aimer.  Par  vanité 
l'on  étale  des  bijoux  et  des  pierres 
précieuses  ;  il  nous  paroît  mieux  de 
montrer  des  signes  de  religion  et  de 
piété  :  plus  l'incrédulité  affecte  de 
mépris  pour  ces  signes  extérieurs, 
plus  nous  devons  braver  ses  folles 
erreurs  et  ses  railleries  absurdes. 

On  nous  objectera  qu'il  est  bien 
difficile  de  faire  comprendre  au 
peuple  le  véritable  esprit  de  ces 
usages ,  le  degré  de  vertu  qu'il  doit 
leur  attribuer  ,  et  de  confiance 
qu'il  doit  y  donner,  qu'il  s'y 
trompe  aisément,  qu'il  ne  manque 
presque  jamais  de  tomber  dans 
l'excès  et  dans  quelques  abus.  Soit. 
Nous  répliquerons  toujours  que, 
s'il  falloit  retrancher  tout  ce  dont 
on  peut  abuser,  il  faudroit  renon- 
cer à  toute  religion  et  à  toute  pra- 
tique de  piété.  Quand  même  les 
erreurs  du  peuple  seroient  inévita- 
bles ,  il  vaudroit  encore  mieux 
qu^il  excédât  dans  des  choses  res- 
pectables que  dans  des  choses  ab- 
surdes et  détestables;  il  vaut  mieux 
qu'il  donne  sa  confiance  à  la  croix 


io8  ANA 

qu'à  une  figure  obscène  ,  à  l'image 
•l'un  saint  qu'au  signe  d'une  con- 
stellation ,  à  une  relique  qu'au 
membre  d'un  animal ,  au  pouvoir 
des  saints  qu'à  la  puissance  des  dé- 
mons. Ceux  qui  déclament  le  plus 
liant  contre  les  superstitions,  en 
sonrt-ils  exempts?  Tel  qui  se  joue 
du  pouvoir  des  saints,  admet  les 
înlluences  de  la  fortune  ;  tel  qui 
dédaigneroit  d'avoir  sur  soi  une 
relique ,  porte  de  la  corde  de  pendu; 
de  graves  philosophes  qui  ne 
croyoient  pas  en  Dieu,  ont  cru  à 
la  magie.  Voyez  Magie. 

ANABAPTISTES.  Secte  d'hé- 
rétiques qui  soutiennent  qu'il  ne 
faut  pas  baptiser  les  enfants  avant 
l'âge  de  discrétion ,  ou  qu'a  cet  âge 
on  doit  leur  réitérer  le  baptême  , 
parce  que,  selon  eux,  ces  enfants 
doivent  être  en  état  de  rendre  rai- 
son de  leur  foi  pour  recevoir  vali- 
dement  ce  sacrement. 

Ce  mot  est  composé  d'àvà  de  re- 
chef,  et  de  /5aTTTeÇù)  ,  ou  /SâirTw  , 
baptiser,  laver,  parce  que  l'usage 
des  anabaptistes  est  de  rebaptiser 
ceux  qui  ont  été  baptisés  dans  leur 
enfance.  Dans  les  commencements, 
ils  rebaplisoient  aussi  tous  ceux  qui 
embrassoient  leur  secle ,  et  qui 
avoient  reçu  le  baptême  ailleurs. 

Les  nova  tiens  ,  les  cataphriges 
et  les  donatlstes ,  dans  les  premiers 
siècles  ,  ont  été  les  prédécesseurs 
des  nouveaux  anabaptistes ,  avec 
lesquels  cependant  il  ne  faut  pas 
confondre  les  évéques  catholiques 
d'Asie  et  d'Afrique  ,  qui  ,  dans  le 
troisième  siècle,  soutinrent  que  le 
baptême  des  hérétiques  n'étoit  pas 
valide  ,  et  qu'il  falloit  rebaptiser 
ceux  des  hérétiques  qui  rentroient 
dans  le  sein  de  l'Eglise.  Voyez 
Rebaptisants. 

Les  vaudois  ,  les  albigeois  ,  les 
pétrobrusiens  ,  et  la  plupart  des 
sectes  qui  s'élevèrent  au  treizième 
siècle,  passent  pour  avoir  adopté 
la  même  erreur  ;   mais  on  ne  leur 


ANA 

a  pas  donné  le  nom  à^ anabaptistes; 
et  il  paroîl  d'ailleurs  qu'ils  ne 
croyoient  pas  je  baptême  fort  né- 
cessaire. 

Les  anabaptistes  ,  proprement 
dits,  sont  une  secte  de  protestauls 
qui  parut  d'abord  vers  l'an  iSaS 
en  quelques  contrées  d'Allemagne  , 
et  particulièrement  en  "Westphalie, 
où  ils  commirent  d'horribles  excès, 
surtout  dans  la  ville  de  Munster, 
d'où  ils  furent  nommés  Monasté- 
riens  c\  Munstéricns.  Ils  ensei- 
gnoient  que  le  baptême  donné  aux 
enfants  étoit  nul  et  invalide;  que 
c'éloit  un  crime  que  de  prêter  ser- 
ment et  déporter  les  armes;  qu'un 
véritable  chrétien  ne  sauroit  être 
magistrat  :  ils  inspîroient  de  la 
haine  pour  les  puissances  et  pour 
la  noblesse;  vouloientque  tous  les 
hommes  fussent  libres  et  indépen- 
dants, et  promettoienl  un  sort  heu- 
reux à  ceux  qui  s'attacheroient  à 
eux  pour  exterminer  les  impies  , 
c'est-à-dire ,  ceux  qui  s'opposoient 
à  leurs  sentiments. 

On  ne  sait  pas  au  juste  quel  fut 
le  premier  auteur  de  cette  secte: 
les  uns  en  attribuent  l'origine  à 
Carlostad,  d'autres  à Zuingle,  etc.; 
mais  l'opinion  la  plus  commune 
est  qu'elle  doit  son  origine  à 
Thomas  Muncer,  de  Zwickau ,  ville 
de  Misnie,  et  à  Nicolas  Storchon 
Pélargue  ,  de  Slalberg,  en  Saxe, 
qui  avoient  été  tous  deux  disciples 
de  Luther ,  dont  ils  se  séparèrent 
ensuite,  sous  prétexte  que  sa  doc- 
trine n'étoit  pas  assez  parlai  te  ;  qu'il 
n'avoit  que  préparé  les  voies  à  la 
réformation  ,  et  que  ,  pour  par- 
venir à  établir  la  véritable  religion 
de  Jésus- Christ,  il  falloit  que  la 
révélation  vînt  à  l'appui  de  la  lettre 
morte  de  l'Ecriture  :  conséquem- 
ment  ces  enthousiastes  se  préten- 
dirent inspirés  ,  et  communi- 
quèrent le  même  fanatisme  à  leurs 
prosélytes. 

Sleidan  observe  que  Luther  avoit 
prêché  avec  tant  de  force  pour  ce 


ANA 

qu'il  appcloil  la  liberté éi^angélir/iie , 
<{ue  les  paysans  de  Souabe  se  liguè- 
rent ensemble,  sous  prétexte  de  dé- 
tendre la  doctrine  évangélique  et 
de  secouer  le  joug  de  la  servitude. 
Ils  commirentdcgrands  désordres: 
la  noblesse  ,  qu'ils  se  proposoient 
d'exterminer,  prit  les  armes  contre 
eiix,  et  cette  guerre  fut  sanglante. 
Luther  leur  écrivit  plusieurs  fois 
pour  lesengageràquitter  lesarmes , 
mais  inutilement  :  ils  rétorquèrent 
contre  lui  sa  propre  doctrine  ,  sou- 
tenant que  ,  puisqu'ils  avoient  été 
rendus  libres  par  le  sang  de  Jésus- 
Christ,  c'étoit  déjà  trop  d'outrages 
au  nom  chrétien  ,  qu'ils  eussent 
été  réputés  esclaves  parla  noblesse , 
et  que  ,  s'ils  prenoient  les  armes, 
c'étoit  par  ordre  de  Dieu.  Telles 
étoient  les  suites  du  fanatisme  où 
Luther  lui-même  avoit  plongé 
l'Allemagne.  Il  crut  y  remédier  en 
publiant  un  livre  dans  lequel  il 
invitoit  les  princes  à  prendre  les 
armes  contre  ces  séditieux.  Le 
Comte  de  Mansfeld  ,  soutenu  par 
les  princes  et  la  noblesse  d'Alle- 
magne ,  défit  et  prit  Muncer  et 
Pliffer,  qui  furent  exécutés  à  Mul- 
hausen  l'an  i525;  mais  la  secte  ne 
fut  que  dissipée  et  non  détruite. 
Luther  ,  suivant  son  caractère  in- 
constant ,  désavoua  en  quelque 
sorte  son  premier  livre  par  un  se- 
cond, à  la  sollicitation  des  gens  de 
son  parti ,  qui  trouvoient  sa  pre- 
mière démarche  dure  et  même  un 
peu  cruelle. 

Cependant  les  anabaptistes  se 
multiplièrent  et  se  trouvèrent  as- 
sez puissants  pour  s'emiparer  de 
Munster,  en  i534,  et  y  soutenir 
un  siège  sous  la  conduite  de  Jean 
de  Leyde,  tailleur  d'habits  ,  et  qui 
se  fit  déclarer  leur  roi.  La  ville  fut 
reprise  sur  eux  par  Tévèque  de 
Munster,  le  24  juin  i535.  Le  pré- 
tendu roi  et  sou  confident  Knis- 
perdolliii  y  périrent   pnr    les  sup- 

5 lices  ;  et  depuis  cet  échec  la  secte 
es    anhbaplislcs    n'a   plus   osé  se 


ANA  I  of) 

montrer  ouvertement  en  .\lle- 
magne. 

Vers  le  même  temps  ,  Calvin 
écrivit  contr'eux  un  traité.  Comme 
ils  fondoient  surtout  leur  doctrine 
sur  cette  parole  de  Jésus-Christ , 
Marc.  ,  c.  16,  y .  16:  «  Quiconque 
»  croira  et  sera  baptisé  ,  sera 
»  sauvé  ,  »  et  qu'il  n'y  a  que  les 
adultes  qui  soient  capables  d'avoir 
la  foi  actuelle  ,  ils  en  inféroient 
({u'il  n'y  a  qu'eux  non  plus  qui 
doivent  recevoir  le  baptême,  qu'il 
n'y  a  aucun  passage  dans  le  nou- 
veau Testament  où  le  baptême  des 
enfants  soit  expressément  ordonné; 
d'où  ils  tiroient  cette  conséquence, 
qu'on  devoit  le  réitérer  à  ceux  qui 
l'avoient  reçu  avant  l'âge  déraison. 
Calvin  et  d'autres  auteurs  ,  fort 
embarrassés  de  ce  soph isme ,  eurent 
recours  à  la  tradition  et  à  la  pra- 
tique de  la  primitive  Eglise.  Us  op- 
posèrent aux  anabaptistes  Origène, 
c[iii  fait  mention  du  baptême  des 
enfants  ;  l'auteur  des  questions  at- 
tribuées a  saint  Justin;  un  concile 
tenu  en  Afrufue,  qui,  au  rapport 
de  saint  Cyprien ,  ordonnoit  qu'on 
baptisât  les  enfants  aussitôt  qu'ils 
seroient  nés:,  la  pratique  du  même 
saint  docteur  à  ce  sujet;  les  con- 
ciles d'Autun  ,  de  Màcon  ,  de  Gi- 
ronne,  de  Londres,  deVienne,  etc.  ; 
une  foule  de  témoignages  des  Pères, 
tels  que  saint  Irénée ,  saint  Jérôme , 
saint  Ambroise  ,  saint  Augus- 
tin ,  etc. 

Ainsi  Calvin  et  ses  sectateurs, 
après  avoir  décrié  la  tradition, 
furent  forcés  d'y  revenir;  mais  ils 
avoient  appris  à  leurs  adversaires 
à  la  mépriser.  D'ailleurs  Calvin  , 
en  soutenant  la  validité  et  l'utililé 
du  baptême  des  enfants,  contredi- 
soitson  propre  système  ,  puisfiue, 
selon  lui ,  toute  la  vertu  des  sa- 
crements consiste  à  exciter  la  foi. 

On  oppose  aux  anabaptistes  que 
les  enfants  sont  jugés  capables  d'en- 
trer dans  le  royaume  des  cieux. 
Marc.,c.  9,  '^ .  i^;  Luc,  c.  t8  , 


iio  AÏS  A 

y.  i6.  Le  Sauveur  luî-même  en 
fit  approcher  quelques-uns  de  lui 
et  les  bénit.  Or,  ailleurs, c. 3,  ^.5, 
saint  Jean  assure  que  quiconque 
n'est  pas  baptisé  ne  peut  entrer 
dans  le  royaume  de  Dieu  ;  d'où  il 
s'ensuit  qu'on  doit  donner  le  bap- 
tême aux  entants. 

Ce  que  répondent  les  anabap- 
tistes ,  que  les  enfants  dont  parle 
Jésus-Christ  étoient  déjà  grands  , 
est  faux  ;  dans  saint  IVIatlhieu  et 
dans  saint  Marc  ils  sont  appelés  de 
jeunes  enfants  iracô.a  ;  dans  saint 
Luc  ,  ^pi<fn  ;  de  petits  enfants:  le 
mêmeévangéliste  dit  expressément 
qu'ils  furent  amenés  à  Jésus- 
Christ;  ils  n'étoient  donc  pas  en 
état  d'y  aller  tout  seuls. 

Une  autre  preuve  se  tire  de  ces 
paroles  de  saint  Paul  aux  Romains , 
c.b  ,S  •  1 7  :  «  Si ,  à  cause  du  péché 
»  d'un  seul ,  la  mort  a  régné  par 
»  ce  seul  homme ,  à  plus  forte 
»  raison  ceux  qui  reçoivent  l'abon- 
»  dance  de  la  grâce  et  du  don  de 
»)  la  justice  régneront-ils  dans  la 
»  vie  par  un  seul  homme  qui  est 
»  Jésus-Christ.  »  Or,  si  tous  sont 
devenus  criminels  par  un  seul ,  les 
enfants  sont  donc  criminels  ;  et  de 
même  si  tous  sont  justifiés  par  un 
seul ,  les  enfants  sont  donc  aussi 
justifiés  par  lui  :  on  ne  sauroit 
être  justifié  sans  la  foi  ;  les  enfants 
ont  donc  la  foi  nécessaire  pour  re- 
cevoir le  baptême  ,  non  pas  une 
foi  actuelle ,  telle  qu'on  l'exige  dans 
les  adultes  ,  mais  une  foi  suppléée 
par  celle  de  l'Eglise ,  de  leurs  pères 
et  mères ,  de  leurs  parrains  et  mar- 
raines. C'est  la  doctrine  de  saint 
Augustin,  serm.  176,  De  verb. 
Apost.,  lib.  3 ,  De  libero  arb.,  c.  23, 
n.°  67. 

A  cette  erreur  capitale  les  ana- 
baptistes en  ont  ajouté  plusieurs 
autres  des  gnostiques  et  des  anciens 
hérétiques  :  quelques-uns  ont  nié 
la  divinité  de  Jésus-Christ  et  sa 
descente  aux  enfers-;  d'autres  ont 
sojitenu   que   les   âmes   des  morts 


ANA 

dormoient  jusqu'au  jour  du  juge- 
ment, et  que  les  peines  de  l'enfer 
n'étoient  pas  éternelles.  Leurs  en- 
thousiastes prophétisoient  que  le 
jugement  dernier  approchoit,  el 
en  fixoient  même  le  terme. 

Le  sommaire  de  leur  doctrine 
étoit  «  que  le  baptême  des  enfanta 
»  est  une  invention  du  démon  ;  que 
»  l'Église  de  Jésus-Christ  doit  être 
»  exempte  de  tout  péché  ;  que 
))  toutes  choses  doivent  être  com- 
»  munes  entre  tous  les  fidèles  ;  qu'il  ' 
»  faut  abolir  entièrement  l'usure  ^ 
»  la  dîme  ,  et  toute  espèce  de  tri- 
j)  but  ;  que  tout  chrétien  est  en 
»  droit  de  prêcher  l'Evangile;  que 
»  par  conséquent  l'Eglise  n'a  pas 
»  besoin  de  pasteurs  ;  que  les  ma- 
»  gistrats  civils  sont  absolument 
»  inutiles  dans  le  royaume  de 
)>  Jésus-Christ:  que  Dieu  continue 
))  de  révéler  sa  volonté  à  des  person- 
»  ms  choisies,  par  des  songes,  des 
»  visions  ,  des  inspirations  ,  etc.  » 
Mais  il  ne  pouvoit  y  avoir  une" 
croyance  uniforme  parmi  une 
troupe  de  fanatiques  ignorants  , 
dont  chaque  membre  étoit  en  droit 
de  se  prétendre  inspiré. 

Aussi  à  mesure  que  le  nombre 
des  anabaptistes  augmenta  ,  les 
sectes  se  multiplièrent  parmi  eux, 
et  on  leur  donna  différents  noms, 
tirés  ou  de  leurs  chefs  ,  ou  de  leurs 
demeures,  ou  de  leurs  opinions  par- 
ticulières ,  ou  de  leur  conduite. 
Outre  les  noms  de  monastjériens , 
munstériens  et  muncériens,  ils  ont 
été  appelés  enthousiastes,  catha- 
ristes,  silencieux, adamistes,  géor- 
giens ou  davidiques  ,  hutites  , 
indépendants,  rnelchioristes,  nudi- 
pédaliens  ,  mennonites,  bockhol- 
diens  ,  augustiniens  ,  libertins  , 
dérélictiens,  polygamites,  sempéro- 
rants  ,  ambrosiens  ,  clanculaires  , 
mani-festaires,  pacificateurs,  pas- 
toricides,  sanguinaires,  waterlan- 
diens  ,  etc.  Les  partisans  de  l'une 
de  ces  sectes  prétendirent  que , 
pour  être  sauve,  il  ne  faut  savoir 


ni  lire  ni  écrire,  pas  même  con- 
iioîlrc  les  premières  lettres  de  l'al- 
phabet, ce  qui  les  fit  nommer  abé- 
cédaires ou  abécédariens.  On  pré- 
tend que  Carlostad  finit  par  em- 
brasser ce  parti,  qu'il  renonça  à 
sa  qualité  de  docteur,  se  fit  porte- 
faix ,  et  se  nomma  frère  André. 
Mais  la  distinction  la  plus  com- 
mune est  celle  des  anabaptistes  ri- 
gides et  des  anabaptistes  mitigés. 
Ces  derniers  ont  été  connus  sous 
les  noms  de  gabriélitcs  ,  de  hutté- 
rites  ou  frères  de  Moravie ,  enfin 
sous  celui  de  menniles.  Voici  l'ori- 
gine -de  ces  noms. 

Lorsque  les  anabaptistes  eurent 
été  délaits  et  proscrits  en  Alle- 
magne, à  cause  de  leur  conduite 
sanguinaire  ,  Gabriel  et  Hutter  , 
deux  de  leurs  principauxchcfs,  se 
retirèrent  en  Moravie  :  ils  rassem- 
blèrent le  plus  grand  nombre  qu'ils 
purent  de  leurs  partisans.  Hutter 
donna  un  symbole  et  des  lois;  il 
leur  enseigna,  i.°  qu'ils  étoient  la 
nation  sainte  que  Dieu  avoit  choisie 
pour  la  rendre  dépositaire  du  vrai 
c\ilte  ;  2."  que  toutes  les  sociétés 
qui  ne  mettent  pas  leurs  biens  en 
commun  sont  impies,  qu'un  chré- 
tien ne  doit  rien  posséder  en  par- 
ticulier; 3.°  que  les  chrétiens  ne 
doivent  point  reconnoître  d'autres 
magistrats  ,  que  les  pasteurs  ecclé- 
siastiques ;  4'°  ^}^^■  Jésus-Christ 
n'est  pas  Dieu ,  mais  prophète  ; 
5.0  que  presque  toutes  les  marques 
extérieures  de  religion  sont  con- 
tra ires  à  la  pureté  du  christianisme, 
«jui  doit  être  dans  le  cœur;  6."  que 
fous  ceux  qui  ne  sont  pas  rebap- 
tisés sont  des  infidèles ,  et  que  le 
nouveau  baptême,  annule  les  ma- 
riages contrac  es  auparavant;  7.° 
que  le  baptême  n'est  point  admi- 
nistré pour  effacer  le  péché  originel 
nî  pour  donner  la  grâce,  mais  que 
c'est  un  signe  par  lequel  un  fidèle 
s'unit  à  l'Eglise;  8."  que  Jésus- 
Christ  n'est  point  réellement  pré- 
sent dans  l'Eucharisfie  ;  que  lésa- 


ANA  , , , 

crificedelamesse,  le  culte  des  sain  (s 
etdes  images,  le  purgatoire,  etc. 
sont  des  suj)erstitions  et  des  abus. 
Ainsi  les  opinions  des  protestants 
étoient  toujours  la  base  de  celles 
des  anabaptistes. 

Hutter  ne  conserva  parmi  ses 
sectateurs  point  d'autre  pratique 
de  religion  que  le  baptême  des 
adultes  ;  il  ne  leur  fit  célébrer  la 
cène  que  deux  fois  l'année  ;  il  leur 
persuada  de  mettre  en  commun 
tous  leui's  biens,  même  les  enfants , 
afin  que  tous  fussent  élevés  de 
même.  Cette  république  singulière 
forma  d'abord  une  société  d'ex- 
cellents cultivateurs,  laborieux, 
sobres,  paisibles,  très-réglés  dans 
leurs  niœurs  ;  mais  la  discorde,  la 
corruption  et  l'irréligion  ne  tar- 
dèrent pas  de  s'y  introduire.  Hutter 
et  Gabriel  ne  purent  pas  s'accorder 
long-temps;  le  premier  ne  cessoit 
d'invectiver  contre  les  magis- 
trats et  contre  toute  espèce  d'au- 
torité ;  le  second  ,  plus  modéré  , 
vouloit  que  l'on  se  conformât  aux 
lois  du  pa)s  où  l'on  étoit.  II  se 
forma  ainsi  deux  partis  ,  l'un  de 
Gabriélites  ,  et  l'autre  de  Huilé - 
rites  ,  qui  s'excommunièrent  mu- 
tuellement. Après  la  mort  de 
Hutter,  qui  fut  piini  du  dernier 
supplice  ,  comme  hérétiqne  sédi- 
tieux ,  les  deux  sectes  se  réunirent 
sous  le  gouvernement  de  Gabriel  ; 
mais  il  ne  put  y  rétablir  l'ordre 
ni  la  régularité  des  mœurs:  il  de- 
vint odieux  à  toute  la  secte  ,  qui 
le  fit  chasser  de  la  Moravie.  Retiré 
en  Pologne,  il  finit  sa  vie  dans  la 
misère.  Après  la  mort  de  ces  deux 
hommes  ,  ies  frères  de  Moravie  se 
dispersèrent  ,  et  la  plupart  se 
réunirent  aux  sociniens,  qui  ont 
à  peu  près  la  même  croyance. 
Catrou  ,  Hist.  des  anabaptistes. 

Vers  l'an  i536,  Menno  Simon  , 
oti  Simon  Menno,  j)rêtre  apostat, 
né  dans  la  Frise,  entreprit  de  faire 
en  Hollande  ce  queGabriel  et  Hutter 
a  voient  lai  l  en  Moravie.  11  entreprit 


112  ANA 

Je  réunir  les  différentes  sectes  d'a- 
nahaptisles.  Par  ses  prédications  , 
par  ses  écrits ,  par  ses  voyages  con- 
tinuels ,  il  en  vint  à  bout,  du  moins 
iusqu'à  un  certain  point,  et  il  leur 
inspira  des  sentiments  plus  modé- 
rés que  ceux  de  leurs  chefs  précé- 
dents. Il  leur  fit  comprendre  la 
nécessité  de  retrancher  de  leur 
doctrine  non-seulement  toutes  les 
maximes  licencieuses  que  plusieurs 
avoient  enseignées  touchant  le  di- 
vorce et  la  polygamie,  mais  encore 
toutes  celles  qui  tendoient  à  dé- 
truire le  gouvernement  civil  et 
à  troubler  l'ordre  public,  et  les 
prétendues  inspirations  qui  ren- 
doient  leur  secte  ridicule.  S'il  en 
retint  le  fond,  il  trouva  du  moins 
le  secret  de  proposer  ses  opinions 
sous  des  expressions  moins  révol- 
tantes. 

Gonséqueniment ,  l'on  prétend 
que  la  croyance  actuelle  des  men- 
nonites  se  réduit  aux  points  sui- 
vants. Ils  n'administrent  point  le 
baptême  aux  entants,  mais  seu- 
lement aux  adultes  capables  de 
rendrecomptcde  leur  foi;  sur  l'Eu- 
charistie, ils  ont  embrassé  le  sen- 
timent des  calvinistes.  A  l'égard  de 
la  grâce  et  de  la  prédestination  ,  ils 
ne  suivent  point  les  opinions  rigi- 
des de  Calvin  ,  mais  plutôt  celles 
de  Mélancthon  et  d'Arminius,  qui 
se  rapprochent  du  pélagianisme. 
Ils  s'abstiennent  du  serment;  leur 
simple  parole  leur  en  tient  lieu  de- 
vant les  magistrats.  Ils  regardent 
laguerre  et  la  profession  des  armes 
comme  illicites;  mais  ils  contri- 
buent de  leurs  biens  à  la  défense  de 
leur  patrie.  Ils  ne  condamnent  plus 
absolument  les  charges  de  la  ma- 
gistrature ;  ils  s'abstiennent  seule- 
ment d'en  exercer  aucune.  Grands 
partisans  de  la  tolérance ,  par  be- 
soin plutôt  que  par  conviction, 
ils  souffrent  parmi  eux  toutes  les 
opinions  qui  ne  leur  paroissenlpas 
attaquer  l'essentiel  du  christia- 
nisme,  et  l'on  conçoit  que,  selon 


Ai\A 

leurs  principes  ,  cet  essentiel  se  ré- 
duit à  fort  peu  de  chose. 

Ondit  qu'en  général  leurs  mœurs 
sont  douces  et  pures;  comme  plu- 
sieurs néanmoins  se  sont  enrichL» 
par  la  culture  et  par  le  commence, 
ils  se  sont  beaucoup  relâchés  de  la 
morale  sévère  de  leurs  ancêtres  , 
et  ils  ne  se  font  plus  de  scrupule  de 
jouir  des  commodités  de  la  vie.  Il  y 
en  a  dans  plusieurs  parties  de  l'Alle- 
magne ,  un  très-grand  nombre  en 
Hollande,  et  plusieurs  en  Angle- 
terre, où  ils  sont  appelés  ôa^//s/e.'î. 
Quoique  leur  doctrine  ressemble 
beaucoup  à  celle  des  quakers,  ils 
ne  fraternisent  cependant  pas  en- 
semble. 

Mosheira,  quia  donné  l'histoire 
des  anabaptistes  et  des  rnennoniles, 
a  fait  son  possible  pour  répandre 
de  l'obscurité  sur  l'origine  de  cette 
secte  ;  il  ne  veut  pas  avouer  que  ces 
deux  premiers  fondateurs  étoient 
deux  disciples  de  Luther  ;  il  a  rougi 
sans  doute  de  celte  postérité  du  lu- 
théranisme.  Histoire  ecclésiast.  du 
i6.^  siècle  ,  sect.  3  ,  2.*  part. ,  c.  3. 
Mais  comment  méconnoître  une 
généalogie  aussi  claire  i'  C'est  Lu- 
ther qui  a  ouvert  la  voie  àMuncer 
et  à  Storck ,  par  son  livre  de  la  li- 
berté chrétienne,  par  ses  déclama- 
tions fougueuses  contre  les  pasteurs 
de  l'Eglise,  contre  les  puissances 
séculières  qui  les  soutenoient, 
contre  l'autorité  et  les  revenus  du 
cierge  ;  par  le  principe  qu'il  a  éta- 
bli ,  que  la  seule  règle  de  notre  foi 
est  le  texte  de  l'Ecriture  sainte ,  en- 
tendu selon  le  sens  de  chaque  par- 
ticulier,  et  que  Dieu  donne  à  tous 
la  grâce  ou  l'inspiration  nécessaire 
pour  le  bien  entendre.  Avec  dépa- 
reilles armes,  le  fanatisme  peut- 
il  être  arrêté  par  quelqu'une  des 
barrières  que  l'onvoudroit  lui  op- 
poser? 

INIoshelm  ne  dissimule  aucun  des 
excès  ni  des  crimes  que  se  permi- 
rent les  chefs  des  anabaptistes  de 
Westphalie;  il  avoue  que  l'on   ne 


ANA 

poiivoit  pas  se  dispenser  d'em- 
ployer contre  eux  les  armes  et  les 
supplices  :  la  bonne  foi  sembloit 
exiger  qu'il  reconnût  de  même  la 
première  cause  de  tout  le  sang  qui 
a  été  répandu.  Il  étoit  fort  inutile 
de  remonter  aux  vaudois,  aux  pé- 
trobrusicns,  aux  -wicléfites,  aux 
hussites,  pour  en  faire  descendre 
les  anabaptistes  ;  leur  vrai  père  est 
Luther  :  il  n'a  pas  pu  méconnoî- 
tre  en  eux  son  ouvrage;  il  a  tâché 
vainement  d'éteindre  un  feu  qu'il 
avoit  allumé  lui-même. 

Mosheim  ne  paroîtpasavoir  trop 
bonne  opinion  des  mennonites  , 
même  tels  qu'ils  sont  aujourd'hui  ; 
il  prétend  que, dans  leurs  différentes 
confessions  de  foi  ,  les  articles  qui 
regardent  l'autorité  des  magistrats 
et  l'ordre  de  la  société  civile  ,  sont 
proposés  avec  beaucoup  plus  d'a- 
dresse que  de  sincérité ,  sous  des 
termes  captieux  qui  font  disparoî- 
Ire  ce  que  ces  articles  peuvent  avoir 
de  choquant  ;  ces  confessions  ,  se- 
lon lui,  sont  plutôt  des  apologies 
que  des  déclarations  naïves  de  ce 
que  chacun  doit  croire.  Ibîd. ,  §  12 
et  i3.  Cependant  il  observe  que  les 
mennonites  exposent  la  plupart 
des  articles  de  leur  croyance  dans 
les  propres  termes  de  l'Ecriture 
sainte.  Comment  cette  Ecriture , 
qui  est  si  claire,  au  jugement  des 
protestants  ,  peut-elle  fournir  à 
tous  les  hérétiques  des  termes  cap- 
tieux pour  envelopper  et  dissimu- 
ler leur  vraie  foi  t  Voilà  ce  que 
nous  ne  concevons  pas. 

Il  y  auroit  bien  d'autres  obser- 
vations à  faire  sur  l'embarras  dans 
lequel  se  trouvent  les  protestants  , 
lorsqu'ils  ont  à  traiter  avec  les  dif- 
férentes sectes  qui  sont  sorties  de 
leur  sein. 

Les  incrédules  qui  ont  vanté  la 
douceur,  la  régularité,  la  simpli- 
cité des  mœurs  actuelles  des  men- 
nonite.s  ,  afin  de  rendre  odieuses 
Icri  rigueurs  ({ue  l'on  a  exercées 
contre  leurs  pères  en  Wealphalie, 


ANA  ixS 

et  les  édils  sanglants  queCliarles- 
Quint  fit  publier  contre  eux,  ont 
montré  bien  peu  de  bonne  fol  dans 
leurs  déclamations.  Qu'avoient  de 
commun  les  mœurs  et  la  conduite 
des  anabaptistes  séditieux  et  san- 
guinaires ,  avec  celles  des  menno- 
nites ,  tels  qu'on  nous  les  peint 
aujourd'hui  P  Les  édits  furent  pu- 
bliés et  les  exécutions  furent  faites 
immédiatement  après  les  ravages 
que  les  premiers  avoient  commis  à 
main  armée  à  Munster  et  dans  la 
Westphalie.  Si  leurs  descendants 
les  imitoient,  ils  mériteroient  d'être 
traités  de  même.  Il  a  fallu  toutes 
ces  rigueurs  pour  faire  cesser  le 
fanatisme  destructeur  dont  la  secte 
étoit  animée  pour  lors.  S'il  y  a 
quelque  chose  d'odieux  dans  ce 
procédé ,  il  doit  retomber  tout  en- 
tier sur  les  premiers  auteurs  du 
mal.  Les  anabaptistes  avoient  exer- 
cé leur  fureur  ,  non-seulement  en 
Allemagne  ,  mais  en  Suisse  ,  en 
Flandre  et  dans  la  Hollande  :  les 
protestants  sévirent  contre  eux 
avec  autant  de  violence  pour  le 
moins  que  les  catholiques  ;  ils  n'ont 
été  tolérés  que  depuis  qu'ils  sont 
devenus  paisibles. 

Si  nous  en  croyons  Mosheim,  il 
s'en  faut  beaucoup  que  la  tolérance 
soit  l'esprit  général  des  mennoni- 
tes, ou  des  anabaptistes  modernes. 
En  Angleterre  ,  sous  le  règne  de 
Cromwel,ils  eurent  des  chefs  qui 
n'étoient  rien  moins  que  modérés; 
aujourd'hui  même  ils  sont  divisés 
en  deux  sectes  principales,  savoir: 
celle  des  anabaptistes  grossiers  oifc 
modérés,qui,  à  propren^ient  parler, 
n'ontaucunecroyance  fixe  et  qui  ne 
se  font  aucun  scrupule  de  fraterni- 
ser avec  les  sociniens;  et  celle  des 
anabaptistes  riç^'iAcs ,  ou  mennonites 
proprement  dits,  qui  font  profes- 
sion de  retenir  la  doctrine  de  Men- 
no  ,  et  de  ne  s'en  écarter  en  rien. 
Ceux-ci  exercent  l'excommunica- 
tion la  plus  rigoureuse  non-seule- 
ment contre  tous  les  pécheurs  pu- 
8 


ii4  ANA 

hlics,  mais  encore  contre  tous  ceux 
qui  s'éloignent  de  la  simplicité  des 
manières  de  leurs  ancêtres,  ils  lonl 
profession  de  mépriser  les  sciences 
humaines  ,  etc.  On  ne  peut  pas 
pousser  l'intolérance  plus  loin  , 
puisque  parmi  eux  un  excommunié 
ne  peut  plus  espérer  aucune  mar- 
que d'afiection  ni  aucun  secours 
de  son  épouse,  de  ses  enfants,  ni 
de  ses  parents  les  plus  proches. 

Il  est  bon  de  savoir  que  les  soci- 
niens,  chassés  de  Pologne,  profi- 
tèrent de  la  tolérance  accordée  aux 
mennonites  en  Hollande,  pour  s'y 
introduire  et  s'y  établir  sous  ce 
nom.  Ainsi,  la  plupart  des  hom- 
mes lettrés  qui  prenoient  en  Hol- 
lande et  ailleurs  le  nom  de  menno- 
niles,  sont  de  vrais  sociniens;  c'est 
ce  qui  a  rendu  cette  secte  si  nom- 
breuse ,  et  qui  lui  a  valu  la  pro- 
tection de  nos  incrédules  moder- 
nes. Mosheim  ,  Hist.  ecclesiast.  , 
du  17. «  siècle,  sect.  2,  2.*  part.  , 
chat}) .S;Hist.duSoc} nfam'sme,  i*  p. , 
c.  18  et  suiv. 

ANACHORÈTE,  ermite  ou  so- 
litaire, homme  retiré  du  monde 
par  motif  de  religion,  qui  vit  seul , 
afin  de  ne  s'occuper  que  de  Dieu 
et  de  son  salut.  Ce  mot  vient  du 
grec  àvaxwpEîv ,  se  retirer ,  de  même 
que  emn'le  est  dérivé  d'É'pvîfxo; ,  so- 
litude, lieu  désert.  Dans  l'origine, 
on  a  encore  donné  aux  solitaires 
Je  nom  de  moines,  tiré  de  fiovoç, 
seul,  isolé. 

Ce  genre  de  vie  a  toujours  été 
connu  dans  l'Orient.  Saint  Paul  , 
Hebr.,  c.  11,  S-  38,  dit  que  les 
prophètes  onterré  dans  les  déserts 
et  sur  les  montagnes;  qu'ils  ont 
demeuré  dans  les  antres  et  les 
cavernes  de  la  terre.  Saint  Jean- 
Baptiste,  dès  son  enfance  ,  se  re- 
tira dans  le  désert  et  y  vécut  jus- 
qu'à l'âge  de  trente  ans;  Jésus- 
Christ  lui-même  fit  l'éloge  de.  sa  vie 
austère  et  de  ses  vertus  Matth.  , 
c.   Il,  y.  7.   Mais  saint  Paul  de 


ANA 

Thébes  en  Egypte  est  regardé 
comme  le  preniier  ermite  ou  ana- 
chorète du  christianisme.  Il  se 
retira  dans  le  désert  de  laThébaïde 
l'an  aSo,  pendant  la  persécution 
de  Dece  et  de  Valérien;  bientôt  il 
y  fut  suivi  parsaint  Antoine  et  par 
d'autres  qui  voulurent  menerle  mê- 
me genre  de  vie.  Plusieurs  se  réu- 
nirent ensuite  pour  vivre  en  com- 
mun, et  furent  nommés  cénobites. 
Cet  exemple  fut  même  suivi  par  les 
femmes  :  quelques-unes  s'enfoncè- 
rent dans  les  déserts  pour  faire  pé- 
nitence et  pour  éviter  les  dangers 
du  siècle ,  d'autres  se  renfermèrent 
dans  des  cloîtres  pour  y  vivre  en- 
semble sous  une  même  règle.  Telle 
a  été  l'origine  de  l'état  monastique. 
Voyez  Moine  ,  Cénobite  ,  Reli- 
gieuse ,  etc. 

Sur  la  fin  du  quatrièmie  siècle  , 
la  vieérémitique  passa  de  l'Egypte 
en  Italie,  et  bientôt  après  dans  les 
Gaules;  on  y  vit  des  anachorète.^! 
et  des  cénobites.  L'irruption  des 
Barbares ,  arrivée  au  commence- 
ment du  cinquième  siècle,  contri- 
bua à  les  rnultiplier;  pour  se  sous- 
traireaubrigandage,un  grandnom- 
bre  d'hommes  se  retirèrent  dans 
des  lieux  déserts  ;  plusieurs  guer- 
riers, tourmentés  par  des  remords 
et  par  la  crainte  de  retomber  dans 
de  nouveaux  désordres  ,  allèrent 
expier  leurs  crimes  dans  la  soli- 
tude :  on  admira  leur  courage  et 
leur  vertu.  Les  mêmes  raisons  qui 
faisoient'augmenter  le  nombre  des 
monastères,  servirent  aussi  à  mul- 
tiplier les  ermites  ou  anachorètes  , 
et  le  goût  pour  ce  genre  de  vie 
s'est  conservé  jusqu'à  nous;  de  là 
le  grand  nomhre  d'ermitages  que 
l'on  voit  d'un  bout  du  royaume  à 
l'autre.  Mais  les  supérieurs  ecclé- 
siastiques ontreconnu  depuis  long- 
temps, qu'il  étoit  mieux  de  réunir 
plusieurs  ermites  dans  une  même 
habitation,  que  de  les  laisser  vivre 
absolument  seuls. 

Cette  manière  de  vivre  singulière 


AN  A 

ne  pouvoit  manquer  d'exciter  la 
bîle  des  ennemis  de  la  religion  ; 
aussi  a  l-elle  été  blâmée  avec  au- 
tant d'aigreur  par  les  protestants 
que  par  les  incrédules.  Ils  en  ont 
censuré  l'origine  ,  les  motifs ,  les 
pratiques;  ils  en  ont  relevé  les  in- 
convénients et  les  pernicieuses  con- 
séquences. Le  Clerc,  Mosheim  , 
Brucker  et  la  foule  desprotestants 
ont  déclamé  à  l'envi  sur  ce  sujet  ; 
et  nos  philosophes  moutonniers 
ont  enchéri  encore  sur  leurs  in- 
vectives. 

Les  uns  ont  dit  que  le  goiit  pour 
la  vie  solitaire  étoit,  dans  l'Orient 
et  surtout  en  Egypte,  un  vice  du 
climat,  un  effet  de  la  mélancolie  et 
de  la  paresse  que  la  chaleur  in- 
spire; d'autres  ont  jugé  qu'il  a  été 
augmenté  chez  les  chrétiens  par 
les  notions  de  la  philosophie  de 
Pythagore  et  de  Platon,  selon  les- 
quelles on  croyoit  que  plus  l'àme 
se  détachoit  du  corps  et  des  sens  , 
plus  elle  s'approchoit  de  Dieu. 
Quelques-uns  ont  deviné  que,  dans 
les  premiers  siècles  du  christia- 
nisnae  ,  on  renonçoit  au  monde 
parce  que  l'on  croyoit  qu'il  alloit 
finir.  Presque  tous  ont  décidé  que 
l'estime  pour  la  vie  austère  est  née 
d'une  notion  fausse  et  absurde  de 
la  Divinité.  Les  chrétiens,  disent- 
ils,  se  sont  persuadés  que  Dieu  , 
non  content  d'exiger  le  sang  de  son 
Fils  pour  apaiser  sa  justice ,  se 
plaisoit  encore  aux  tourments  de 
ses  créatures. 

A  toutes  ces  réflexions  il  ne  man- 
que que  du  bon  sens.  Si  tous  ces 
savants  dissertaleurs  avoîent  passé 
la  plus  grande  partie  de  leur  vie  à 
la  campagne,  et  loin  du  tumulte 
des  villes,  ils  auroient  éprouvé 
par  eux-mêmes  que  l'on  contracte 
très-aisément  le  goiît  de  la  soli- 
tude absolue,  sans  penser  à  la  fin 
du  monde,  sans  connoître  la  phi- 
losophie de  Pythagore  ,  et  sans 
avoir  des  notions  absurdes  de  la 
Divinité.  Unepreuvc  qu'il  nevienf 


A.NA  II- 

point  du  climat,  c'est  qu'il  a  été 
pour  le  moins  aussi  commun  et 
aussi  vif  dans  les  contrées  du  Nord 
que  dans  les  régions  du  Midi.  Mais 
bornons-nous  à  des  considération* 
religieuses. 

Il  est  fâcheux  d'abord  que  les 
protestants  aient  condamné  avec 
tant  de  hauteur  un  genre  de  vie 
que  Jésus -Christ  a  daigné  louer 
dans  son  saint  précurseur,  et  que 
saint  Paul  a  proposé  pour  modèle 
dans  les  prophètes.  Dirons -nous 
des  uns  ou  des  autres  ce  que  Mos- 
heim a  osé  dire  de  saint  Paul ,  pre- 
mier errmïe,  que  retiré  danslc  dé- 
sert, il  mena  une  vie  plus  digne 
d'une  brute  que  d'un  homme  ; 
Hisf.  ecclé3.  du  iroisième  siècle  , 
2.*  part. ,  c.  3,  §  3  POu  penserons- 
nous  qu'Elie,  les  autres  prophètes 
et  saint  Jean  -  Baptiste  avoient 
puisé  le  goiit  de  la  solitude  dans  les 
écrits  de  Pythagore  ou  de  Platon, 
dans  la  crainte  de  la  fin  du  mon- 
de, etc.  i*  Voilà  comme  les  protes- 
tants respectent  l'Ecriture  sainte. 
En  second  lieu,  nous  les  dé- 
fions de  faire  contre  les  solitaires 
aucun  reproche  qui  n'ait  été  fait 
aux  premiers  chrétiens  par  les 
païens.  Nous  voyons,  par  V Apolo- 
gétique de  Tertullien,  que  ceux-ci 
appeloient  les  chrétiens  insensés  , 
hommes  inutiles  aumonde,  misan- 
thropes ou  ennemis  du  genre  hu- 
main ;  on  tournoit  en  ridicule  leur 
air  austère  et  pénitent,  leur  goiît 
pour  la  solitude,  la  société  particu- 
lière qu'ils  formoiententr'eux,  etc 
Les  protestants  semblent  n'avoir 
fait  que  copier  tous  ces  sarcasmes 
en  faisant  la  satire  des  moine.s  et 
des  anachorètes. 

Aussi  les  incrédules  n'ont  pas 
manqué  de  tourner  ,  contre  le 
christianisme  même ,  la  censure 
que  les  protestants  ont  faite  de  la 
vie  monastique  ou  érémitique.  Ils 
disent  que  les  maximes  de  l'Evan- 
gile tendent  à  séparer  l'homme 
d'avec  ses  semblables,  et  à  le  dé- 
8. 


ii6  AN  A 

tacher  absolument  du  monde;  que 
c'éloil  déjà  la  morale  des  esséniens 
et  des  thérapeutes,  et  que  Jésus- 
Christ  avoit  puisé  sa  doctrine 
parmi  eux.  Ils  soutiennent  que 
les  premiers  chrétiens  furent  de 
vrais  nioines,  puisque  saint  An- 
toinene  prétenditl'aire  autre  chose 
que  suivre  l'Evangile  à  la  lettre  ; 
d'où  ils  concluent  que  la  morale 
évangélique  n'esr  faite  que  pour 
des  moines.  En  effet,  c  saint  An- 
»  toine,  dit  M  Fleury  ,  saint  Hi- 
»  larion  ,  saint  Pacôme,  et  les  au- 
i>  très  qui  les  imitèrent,  ne  pré- 
»  tendirent  pas  introduire  une 
M  nouveauté  ou  renchérir  sur  la 
»  vertu  de  leurs  pères  ;  ils  voulu- 
»  rent  seulement  conserver  la  tra- 
»  dition  de  la  pratique  exacte  de 
»  l'Evangile  qu'ils  voyoient  se  relà- 
»  cherdejour  enjou^.Ilssepropo- 
»  soient  toujours  pour  modèles  les 
»  ascètes  ou  chrétiens  fervents  qui 
»  les  aveient  précédés.  »  Mœurs  des 
Chrét. ,  §  Sa.  Bingham  lui-même, 
quoique  protestant ,  avoue  qu'à 
l'exception  de  la  solitude  absolue, 
la  vie  des  ascètes  étoit  la  même  que 
celle  des anacAorè/cs  et  des  moines. 
Orig.  ecclésiast.  ,  1.  7,  c.  i.  Voyez 
Ascètes. 

Nous  prions  les  protestants  de 
vouloir  bien  justifier ,  contre  la 
censure  des  incrédules,  les  pre- 
miers chrétiens  formés  par  les 
leçons  de  Jésus-Christ  et  des  apô- 
tres; ce  qu'ils  diront  nous  servira 
de  même  à  faire  l'apologie  des  so- 
litaires qui  ont  renoncé  au  monde. 
Mais  ils  n'en  feront  rien;  peu  leur 
importe  de  livrer  le  christianisme 
au  mépris  des  incrédules,  pourvu 
qu'ils  satisfassent  leur  propre  hai- 
ne contre  l'Eglise  romaine. 

On  ne  sait  que  penser,  quand 
on  lit  leurs  lamentations  sur  la 
multitude  des  erreurs  qu'a  fait 
naître  dans  l'Eglise  la  philosophie 
de  Pythagore  et  de  Platon  :  De  là 
est  née,  disent-ils,  cette  folle  idée 
que  l'on  pouvoitmenerunevieplus 


ANA 

sainte  que  celle  de  Jésus-Christ 
et  des  apôtres  ,  et  pratiquer  des 
vertus  plus  parfaites  que  celles  qui 
sont  commandées  dans  l'Evangile; 
de  là  l'estime  insensée  pour  les 
austérités  corporelles,  pour  l'abs- 
tinence et  le  jeiàne,  pour  le  cé- 
libat et  la  virginité  ;  de  là  la  con- 
damnation des  secondes  noces  ,  le 
mépris  pour  l'état  du  mariage ,  etc. 
Brucker,  Hist.  Philos.,  tome  3, 
p.  363.  On  croit  entendre  raison- 
ner des  déistes  ou  des  épicuriens. 
En  parlant  de  ces  différents  articles 
de  la  discipline  chrétienne  ,  nous 
leur  ferons  voir  que  tous  sont 
fondés  sur  l'Ecriture  sainte  ,  sur 
les  leçons  formelles  de  Jésus-Christ 
et  des  apôtres,  et  nous  les  mettrons 
à  couvert  de  leur  folle  censure.  Il 
s'ensuit  déjà  que  les  platoniciens 
et  les  pythagoriciens,  qui  ont  fait 
cas  de  toutes  ces  pratiques,  étoient 
plus  raisonnables  que  les  proles- 
tants et  les  incrédules  modernes. 
Ajoutons  que  la  vie  des  soli- 
taires de  la  Thébaïde  ,  qui  nous 
f)aroît  si  terrible,  étoit  à  peu  près 
a  même  que  celle  des  pauvres  et 
du  peuple  en  Egypte.  Selon  le  ré- 
cit des  voyageurs ,  le  seul  habit 
des  deux  sexes  est  une  chemise  ou 
un  morceau  de  toile,  et  les  jeunes 
gens  ,  jusqu'à  l'âge  de  quinze  ou 
seize  ans  ,  sont  absolument  nus. 
Tous  couchent  sur  la  dure ,  dans 
la  rue',  ou  sur  les  toits  des  mai- 
sons, et  avec  deux  poignées  de  riz 
un  homme  peut,  vivre  pendant 
vingt-quatre  heures,  sans  avoir 
besoin  d'autre  nourriture.  Il  en  est 
de  même  dans  les  Indes  ;  et  telle  y 
fut  toujours  la  vie  des  brachmanes, 
ou  des  philosophes  de  ce  pays-là. 
Mais  des  épicuriens  septentrionaux 
sont  effrayés  de  ce  genre  de  vie  : 
gâtés  par  un  luxe  désordonné,  ils 
regardent  les  austérités  comme  un 
suicide  lent  et  comme  une  folie; 
ils  s'emportent  contre  les  anacho- 
rètes ,  parce  que  ceux-ci  étoient 
plus  robustes  et  plus  sobres  qu'eux. 


AJNA 
Ecoulons  néanmoins  leurs  dc- 
clamalions.  Si  saint  Paul ,  disent- 
ils  ,  et  saint  Pacôme  ont  bien  fait 
«le  renoncer  au  monde  ,  et  de  se 
retirer  dans  les  déserts  ,  tout 
homme  qui  fera  comme  eux  sera 
aussi  lounble  qu'eux  ;  il  faudra 
donc  rompre  toute  société  avec 
nos  semblables  ,  et  vivre  comme 
les  animaux  sauvages  ,  pour  être 
chrétiens  parfaits.  Dés  que  Dieu  a 
créé  l'homme  pour  la  société,  il 
est  absurde  d'imaginer  un  état 
plus  saint  et  plus  respectable  que 
l'état  social,  ou  des  devoirs  plus 
sacrés  que  ceux  du  sang  et  de  la 
nature.  Se  détacher  du  monde  et 
s'en  séparer,  c'est  dans  le  fond 
renoncer  à  l'humanité  et  se  sous- 
traire à  l'ordre  général  de  la  Pro- 
vidence ,  se  rendre  inutile  aux 
autres  ;  c'est  un  travers  ,  un  at- 
tentat punissable;  il  ne  peut  venir 
c[ue  d'un  fonds  de  m.isanthropie , 
de  paresse  ou  de  vanité  ;  le  cano- 
niser et  l'ériger  en  vertu,  c'est  un 
trait  de  démence. 

Réponse.  Si  les  anachorètes ,  en 
cherchant  la  solitude  ,  avoient 
manqué  aux  devoirs  du  sang  et  de 
la  nature  ,  violé  les  engagements 
d'homme  et  de  citoyen  ,  résisté  à 
l'ordre  de  la  Providence ,  nous 
avouons  qu'ils  n'auroienl  été  ni 
.sjints  ni  louables.  Mais  c'est  à  leurs 
détracteurs  de  prouver,  i."  qu'ils 
ont  abandonné  leurs  parents  et  leur 
famille  dans  des  circonstances  où 
elle  pouvoit  avoir  besoin  de  leurs 
secours  ;  2.»  qu'ils  n'avoient  pas 
reçu  de  la  nature  un  goiit  décidé 
pour  la  retraite,  pour  la  prière  , 
pour  un  travail  auquel  ils  pou- 
voient  vaquer  seuls  ;  3.°  qu'il 
n'y  avoit  aucun  danger  pour  eux 
à  demeurer  dans  le  monde  ;  4-° 
qu'ils  n'ont  été  d'aucune  utilité 
pour  leurs  semblables.  Autrement, 
nous  soutenons  qu'ils  n'ont  man- 
qué ni  à  la  nature  qui  les  portoit 
au  genre  de  vie  qu'ils  ont  embras- 
•é,  ni  à  leurs  parents  qui  pouvoient 


ANA 


117 


se  passer  d'eux,  ni  à  leurs  conci- 
toyens auxquels  leur  retraite  ne 
portoit  aucun  préjudice,  ni  aux 
emplois  publics  pour  lesquels  ils 
ne  se  sentoient  pas  faits  ,  ni  à  la 
voix  de  Dieu  ,  puisqu'au  contraire 
ils  croyoient  lui  obéir.  Avant  de 
conclure  que  tout  homme  fera 
bien  de  les  imiter,  il  faut  savoir 
si  tout  homme  est  dans  les  mêmes 
circonstances  qu'eux. 

Mais  si  tout  homme  prenoît  ce 
parti ,  que  deviendroit  la  société  ? 
Folle  supposition.  Dieu  y  a  pour- 
vu ;  il  a  tellement  varié  lés  goiits  , 
les  caractères,  les  talents,  les  be- 
soins des  hommes,  qu'il  est  im- 
possible que  tous  embrassent  le 
même  état  de  vie,  dès  qu'ils  seront 
les  maîtres  de  choisir.  C'est  pour 
cela  que  toutes  les  conditions  se 
trouvent  toujours  à  peu  près  éga- 
lement remplies  ,  et  qu'aucune  ne 
demeure  vacante  :  le  choix  que  font 
les  solitaires,  loin  de  gêner  celui 
des  autres,  leur  laisse  une  place  de 
plus. 

11  n'est  donc  pas  vrai  qu'ils  aillent 
contre  l'ordre  de  la  Providence , 
puisque  la  Providence  veut  que 
chacun  choisisse  l'état  qui  lui  con- 
vient le  mieux  ;  ni  contre  le  bien 
de  la  société  ,  puisqu'elle  est  inté- 
ressée à  ce  que  personne  ne  soit 
gêné  dans  son  choix;  ni  contre  le 
droit  de  leurs  semblables,  puisque 
ceux-ci  n'en  reçoivent  aucun  pré- 
judice :  les  solitaires  nuisent  moins 
au  public  que  les  honnêtes  fai- 
néants ,  qui  surchargent  la  société 
du  poids  et  de  l'ennui  de  leur 
oisiveté. 

Il  n'est  pas  vrai  non  plus  qu'ils 
soient  inutiles  au  monde.  Dans  les 
temps  de  calamité,  de  dévastation 
ou  de  contagion  ,  lorsque  la  reli'- 
gion  s'est  trouvée  en  danger ,  lors- 
que les  peuples  ont  manqué  de  se- 
cours spirituels,  lorsque  le  clergé 
séculier  a  été  à  peu  près  anéanti , 
on  a  vu  les  solitaires  quitter  leur 
retraite,  accourir  au    secours  de 


ii8  AxNA 

leurs  frères,  exercer  la  cbarilc  d'une 
manière  héroïque  ;  souvent  les  rois 
aont  allés  les  chercher  au  désert 
pour  leur  confier  les  affaires  les 
plus  importantes.  Ceux  de  la  Thé- 
baïde  travailloient ,  non-seulement 
pour  se  procurer  la  subsistance  , 
mais  encore  pour  aider  les  pauvres 
du  prix  de  leur  travail.  D'ailleurs  , 
plus  les  hommes  sont  vicieux,  plus 
les  mœurs  publiques  sont  corrom- 
pues, plus  il  est  utile  et  nécessaire 
de  leur  donner  des  exemples  de  fru- 
galité, de  désintéressement,  de 
mortification  ,  de  patience  ,  de 
piété,  de  soumission  à  Dieu,  de  mé- 
pris des  choses  de  ce  monde.  Quoi 
que  l'on  puisse  en  dire ,  les  soli- 
taires l'ont  fait  dans  tous  les  temps, 
et  les  peuples  ne  les  ont  respectés 
qu'autant  qu'ils  le  méritoient  par 
leurs  vertus. 

Un  homme  ,  fatigué  du  tumulte 
de  la  société,  rebuté  par  les  vices 
de  ses  semblables,  dégoûté  des  ob- 
jets qui  excitent  les  passions  ,  n'a- 
t-il  pas  droit  d'aller  chercher  dans 
la  solitude  la  paix,  le  repos,  l'in- 
nocence, la  liberté,  le  calme  de  la 
conscience?  Celui  qui  fuit  le  danger 
de  la  corruption,  qui  s  occupe  à 
prier  ,  à  méditer,  à  travailler;  qui 
s'accoutume  à  retrancher  à  la  na- 
ture tout  ce  dont  elle  peut  se  pas- 
ser, n'est-il  pas  louable?  Il  donne 
aux  autres  une  grande  leçon ,  sa- 
voir, que  l'on  peut  trouver  avec 
Dieu  un  repos,  des  consolations, 
un  bonheur ,  que  le  monde  ne  peut 
pas  donner. 

ANAGOGIE,  ANAGOGIQUE. 
Voyez  Ecriture  sainte  ,  §  3 . 

ANALYSE  DE  LA  FOL  Voyez 
Foi. 

ANAIVIÉLECH.  Voyez  Samari- 
tain. 

ANAME  et  SAPHIRE.  Ces  deux 
époux  furent  frappés  de  mort  à  la 


ANA 

parole  de  saint  Pierre,  pour  avoir 
menti  au  Saint-Esprit.  Act. ,  c.  5  , 
S •  3.  Les  censeurs  de  la  révéla- 
tion n'ont  pas  manqué  d'observer 
qu'un  simple  mensonge  n'étoit  pas 
un  crime  assez  grave  pour  mé- 
riter la  peine  de  mort  ;  que  saint 
Pierre  agit  dans  celte  circonstance 
avec  une  cruauté  peu  digne  d'un 
apôtre. 

Si  cette  observation  étoitiuste, 
ce  serolt  à  Dieu  même  qu'il  fau- 
droit  s'en  prendre:  la  parole  de 
saint  Pierre  n'a  certainement  pas 
eu  par  elle-même  la  force  de  faire 
mourir  subitement  deux  person- 
nes; il  faut  donc  que  Dieu  les  ait 
punies^  lui-même.  IVIais  il  est  faux 
que  le  crime  à^Ananie  et  de  ^a- 
phire  ait  été  un  simple  mensonge. 
Comme  les  fidèles  de  Jérusalem 
avoient  mis  leurs  biens  en  com- 
mun, personne  n'avoit  droit  de 
subsister  aux  dépens  de  cette  com- 
munauté, que  ceux  qui  s'étoient 
réellement  dépouillés  de  leurs  pos- 
sessions. Ananie  et  Saphire  ,  après 
avoir  vendu  un  champ  ,  donnèrent 
une  partie  du  prix  et  gardèrent  le 
reste  ;  c'étoit  une  fraude  :  ilfalloil 
un  exemple  de  sévérité  pour  pré- 
venir cet  abus.  Act.  ,  c.  Z^^')^.  34 
et  35. 

D'ailleurs ,  selon  le  sentiment  de 
plusieurs  Pères  de  l'Eglise,  Dieu 
punit  ces  deux  époux  en  ce  monde 
pour  leur  faire  miséricorde  en  l'au- 
tre ;  ainsi  en  ont  jugé  Origène , 
tom.  5,  in  Maiih.  ,  n.  i5  ;  saint 
Augustin,  liv.  3,  contra  Epîst.  ad 
Parmen. ,  c.  i  ,  n.  3  ,  Serm.  149, 
n.  i;  saint  Jérôme,  Epist.  8,  ad 
Démet. ,  et  d'autres.  Ils  se  sont  fon- 
dés sur  les  paroles  de  saint  Paul. 
I.  Cor.,  c.  Il,  y.  3o  :  «  Lorsque 
»  Dieu  nous  juge,  il  nous  corrige  , 
»  afin  que  nous  ne  soyons  pas  dam- 
))  nés  avec  ce  monde.  »  A  la  vérité, 
il  y  en  a  aussi  quelques-uns  qui 
craignent  que  ces  deux  coupables 
n'aient  été  damnés  ;  mais  ils  sup- 
posent dans  le   mensonge  dont  il 


ANA 

fsl  ici  question  ,  dos  circonstan- 
Cfs  cl  dos  molils  qui  ue  sont  ni 
certains  ni  approuvas  par  TEcri- 
turo  sainte. 

ANATIIÈME.  Ce  mot,  tiré  du 
grec  â»a'0£jia,  signifie,  à  la  letlre  , 
placé  en  /i/iul  :  Von  nommoit  ainsi 
les  offrandes  laites  à  la  Divinité  , 
et  que  l'on  suspendoit  à  la  voùlo 
ou  aux  murs  des  temples  pour  les 
exposer  à  la  vue  ;  de  la  anat/n-rne  a 
sij^nifié  chose  consacrée.  Comme 
Ton  exposoit  aussi  dos  objets 
odieux,  la  tote  d'un  coupable  ou 
d'un  ennemi  ,  ses  armes,  ses  dé- 
pouilles, anai/iènie  a  exprimé  chose 
exécrée  ou  exécrable ,  dévouée  à  la 
haine  publique  ou  à  la  destruction; 
et  ce  dernier  sens  est  devenu  plus 
commun. 

Ainsi  l'Eglise  dit  anaihème  aux 
hérétiijues  ,  à  ceux  qui  corrompent 
la  pureté  de  la  foi;  plusieurs  décrets 
ou  canons  des  conciles  sont  conçus 
en  ces  termes  :  Si  quelqu'un  dit  ou 
soutient  telle  erreur,  qu'il  soit  anu- 
ihème ,  c'est-à-dire,  qu'il  soit  re- 
tranché de  la  communion  des  fidè- 
les, qu'il  soit  regardé  comme  un 
homme  hor.s  de  la  voie  du  salut  et 
en  état  de  damnation;  qu'aucun 
6dole  n'ait  de  commerce  avec  lui. 
C'est  ce  que  l'on  nomme  anaihème 
judiciaire  ;  il  ne  peut  être  prononcé 
que  par  un  supérieur  qui  ait  au- 
torité et  juridiction,  par  un  con- 
cile, par  le  pape,  par  un  évoque. 

Lorsqu'un  hérétique  voutse  con- 
^ertir  et  se  réconcilier  à  l'Eglise, 
on  l'oblige  de  dire  anaihème  à  ses 
erreurs,  c'est-à-dire,  de  les  ab- 
jurer et  d'y  renoncer. 

SaintPaul  dit,  ïiom. ,  c.  g  ,  y .  3  : 
«Je  désirois  moi-mom.e  d'être 
»  anaihème  de  la  part  de  Jésus- 
»  Christ  pour  mes  Iréros,  qui  sont 
»  nos  parents  selon  la  chair.  » 
Parmi  les  interprètes,  les  uns  pen- 
sent que  dans  ce  passage  analhcrne 
signifie  être  maudit  ou  réprouvé 
par  Jésu.s-Christ;  les  outres  sou- 


ANA  119 

tiennent  qu'il  faut  entendre  ;  Je 
souhaitois  d'êtie  mis  à  part  ,  et 
dévoué  j)ar  Jésus-Christ  au  salut 
de  mes  frères. 

Nous  trouvons,  dans  l'ancien 
Testament ,  dos  exemj)Ies  de  cette 
double  signification:  il  est  dit  que 
Judith  offrit  au  Soigneur  les  armes 
d'Ilolojjherne  pour  anaihème  d'ou- 
bli ,  ou  pour  monument  contre 
l'oubli.  Judilh,  c.  16,  S.  23. 

Moïse  veut  que  l'on  dévoue  à 
Vannlhcnie  ou  a  la  destruction  les 
villes  dos  Chananéons  qui  ne  se 
rendront  pnsaux  Isiaoliles,  et  ceux 
qui  adoreront  les  faux  dieux. 
Lient. ,  c.  g ,  y.  2.6  ;  Exod.  ,  c.  22 , 
S •  ig-  Le  i)ouple  assemblé  à  Mas- 
pha  ,  dévoua  a  V anaihème  f\n\con- 
que  ne  prendroit  pas  les  armes 
contre  les  Benjamites,  pour  venger 
l'outrage  fait  a  la  femme  d'un  lé- 
vite. Jtid. ,  c.  ig  e/ 21.  Saiil  pro- 
nonça Vanalhémc  contre  quicon- 
que mangoroil  quelque  chose  avant 
le  coucher  du  soleil ,  dans  la  pour- 
suite des  Philistins.  I,  Heg. ,  c.  14, 
S-  24.  Alors  Vanaihème  est  ex- 
primé par  le  mot  cherem ,  dévas- 
tation ,  destruction.  Quiconque  s'y 
trouvoit  enveloppé  devoit  être  mis 
à  mort. 

De  là  quelques  censeurs  de  l'E- 
criture ont  conclu  que  les  Hé- 
breux offroient  à  Dieu  des  sacri- 
fices de  sang  humain.  Selon  leur 
opinion,  il  est  dit,  Levil.,  c.  27, 
y.  28  et  2g  :  «  Tout  ce  qu'un  pos- 
»  sesseur  a  voué  à  Vanaihème ,  soit 
»  homme,  soit  animal,  soit  pièce 
»  de  terre,  sera  consacré  au  Sei- 
»  gneur,  ne  pourra  être  racheté, 
)i  maisscia  misa  mort.  «  Nous  sou- 
tenons que  cette  version  est  fau- 
tive. i.°  11  est  absurde  d'ordonner 
(ju'une  pièce  de  terre,  ou  ce  qui 
en  provient ,  soit  mis  à  mort,  a.*"  Il 
y  auroit  contradiction  entre  cette 
loi  et  celle  du  '^ .  2  de  ce  morne 
chay)itre,  où  il  est  dit  <jue  toute 
[lersonne  vouée  au  Soigneur  sera 
rachetée.  3. "Dans  leDeutéronomc, 


120  ANC 

c.  12,  y.  3o,  il  est  sévéremenl  <lé- 
l'eudu  d'offrir  aucun  sacrilice  de 
sang  humain ,  et  il  n'y  en  a  aucun 
exemple  certain  dans  l'Ecriture. 
4.°  Cherem  signifie  constamment 
Vanaihéme  prononcé  et  exécuté 
contre  les  ennemis  de  l'état  ;  il  y 
auroit  eu  de  la  folie  à  un  Israélite 
de  le  prononcer  contre  ce  qu'il 
possédoit,  pendant  qu'il  pouvoit 
en  faire  un  don  ou  une  oblatiou^ 
au  Seigneur. 

Il  faut  donc  traduire  ainsi  à  la 
lettre  :  «  Tout  anaihème  qu'un 
»  homme  aura  juré  au  Seigneur , 
»  hors  de  ce  qu'il  possède  ,  en 
»  hommes  ,  en  animaux ,  en  terres 
»  qui  lui  appartiennent,  ne  sera 
«  ni  vendu  ni  racheté;  parce  que 
»  tout  anathème  est  sacré  devant 
»  le  Seigneur.  Tout  anaihème  aijisi 
n  juré,  ne  sera  point  racheté,  mais 
)»  mis  à  mort.  »  Dieu  permettoità 
un  homme  de  racheter  ce  qu'il 
£voit  voué  et  qui  lui  appartenoit, 
mais  non  dé  racheter  ce  qui  étoit 
aux  ennemis  et  ne  lui  appartenoit 
pas..  Il  est  certain  que  la  préposi- 
tion mi  ou  min  du  texte  hébreu , 
que  l'on  traduit  ordinairement  par 
de  ou  ex  ,  signifie  aussi  hormis  , 
excepté.  V.  Glassii  Philolog.  Sacra, 
col.  ii58,  iiSg,  1166 

ANCIEN.  Le  gouvernement  le 
plus  naturel  et  le  plus  sage  est  ce- 
lui des  anciens.  Chez  les  patriar- 
ches, toute  l'autorité  étoit  entre- 
les  mains  des  chefs  de  famille. 
Moïse,  par  le  conseil  de  Jéthro,  en 
choisit  un  nombre  dans  chaque 
tribu  pour  rendre  la  justice  et  faire 
observer  la  police  parmi  le  peuple. 
Exod.  ,  c.  18,  ^.  18  etsuiv.  Chez 
les  Romains,  le  sénat  étoit  l'as- 
semblée des  vieillards,  senes.  Les 
apôtres  établirent  cette  forme  de 
gouvernementpourmain tenir  l'or- 
dre dans  l'Eglise  de  Dieu.  Saint 
Paul ,  qui  ne  pouvoit  pas  aller  à 
Ephése,  fait  venir  les  anciens  de 
cette  Eglise,  et  leur  dit:  «  Ayez 


A.M) 

»  attention  sur  vous-mêmes  et  sur 
»  tout  le  troupeau  dont  le  Saint- 
n  Esprit  vous  a  établis  surveil- 
»  lants,  pour  gouverner  l'Eglise  de 
»  Dieu  qu'il  s'est  acquise  par  son 
»  sang.  »  Act. ,  c.  20,  ^.  17,  28, 
Les  apôtres  délibèrent  avec  les 
anciens  au  concile  de  Jérusalem  , 
et  décident  ensemble,  c.  i5,5^.6, 
22  ,  23  ,  4 1  •  Saint  Jean ,  qui  a  re- 
présenté dans  l'Apocalypse  l'ordre  , 
des  assemblées  chrétiennes  ou  de  k 
l'office  divin  ,  place  le  président  f 
sur  un  trône  ,  et  vingt -quatre 
vieillards  sur  des  sièges  autour  de 
lui.  Apoc. ,  c.  4  c*^  5-  Ces  anciens 
ont  été  nommés  prêtres ,  itpcaë-i-ctpot , 
vieillards;  le  président  ,  évêque  , 
£7rc'axo7ro; ,  surveillant.  Ainsi  s'est 
formée  la  hiérarchie. 

Il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  le 
gouvernement  de  l'Eglise,  dans  son 
origine,  a  été  purement  démocra- 
tique ,  comme  le  soutiennent  les 
calvinistes  ;  que  les  évéques  ne  dé- 
voient et  ne  pouvoient  rien  décider 
sans  avoir  pris  l'avis  des  anciens. 
Nous  voyons,  par  lesletlres  de  saint 
Paul  à  Timothée  et  à  Tite  ,  qu'il 
leur  attribue  l'autorité  et  le  pou- 
voir de  gouverner  leur  troupeau  , 
sans  être  obligés  de  consulter  l'as- 
semblée, si  ce  n'est  dans  les  cir- 
constances où  il  étoit  besoin  de 
témoignages  Vojez  Eveque,  Hié- 
rarchie . 

ANDRÉ  (  saint  ) ,  apôtre ,  frère 
de  saint  Pierre ,  né  à  Bethsaïde ,  fut 
disciple  de  saint  Jean-Baptiste ,  et  '  - 
ensuite  de  Jésus-Christ.  On  croit 
communément  qu'après  la  des- 
cente du  Saint-Esprit  il  prêcha 
l'Evangile  en  Achaïe ,  et  fut  mar- 
tyrisé à  Patras.  Il  ne  reste  aucun 
écrit  de  ce  saint  apôtre;  les  actes 
de  son  martyre,  écrits  sous  le  nom 
des  prêtres  d'Achaïe  ,  sont  con- 
testés par  les  savants.  Tillemonl , 
dans  ses  Mémoires  sur  THist.  eccl. , 
lom.  I ,  p.  320,  les  regarde  comme 
apocryphes  ;  le  P.  Alexandre ,  Hist. 


ANG 

ecclés.,  lom.  i,  soulifiilqu'ils  sont 
aiillioiitlciucs.  M.  Woop  ,  profes- 
seur d'histoire  cl  d'anti((uilés  à 
Lcipsick,  a  suivi  le  inômc  souli- 
meul  dans  de  savantes  d  isscrlations 
({u'il  a  j)iil)lices  en  1748  ft  ly^i.  Ce 
n'est  point  à  nous  à  terminer  celle 
contestation. 

Les  Moscovites  sont  persuadés 
([ue  saint  André  a  porté  l'Evangile 
dans  leur  pays.  Comme  plusieurs 
anciens  disent  que  cet  apôtre  a 
prêche  dans  la  Scythie,  si  on  doit 
l'entendre  de  la  Scythie  euro- 
péenne, celle  tradition  seroil  fa- 
vorable à  l'opinion  des  Moscovites; 
mais  il  n'y  a  rien  de  certain  sur 
tout  cela.  t"abricius  ,  Salut,  lux 
Evang. ,  eic. ,  p.  98. 

Celle  incertitude,  dans  laquelle 
la  plupart  des  apôtres  nous  ont 
laissés  louchant  le  lieu,  la  durée 
et  le  succès  de  leurs  travaux,  dé- 
montre qu'ils  n'agissoient  ni  par 
intérêt,  ni  par  vanité:  des  prédi- 
cateurs jaloux  de  leur  gloire  ,  ou 
conduits  par  quelque  motif  hu- 
main, auroient  pris  plus  de  soin 
de  laisser  des  monuments  de  leurs 
actions. 

ANGE  ,  substance  spirituelle  , 
intelligente,  la  première  en  dignité 
entre  les  créatures. 

Ce  mol  est  formé  du  grec  a-/7£>o; , 
qui  signifie  messager  o\iem>oyé ;  et 
c'est,  disent  les  théologiens,  une 
dénomination  ,  non  de  nature  , 
mais  d'office,  prise  du  ministère 
<iu'exercent  les  anges,  et  qui  con- 
siste à  porter  les  ordres  de  Dieu  , 
ou  à  révéler  aux  hommes  ses  vo- 
lontés. C'est  l'idée  qu'en  donne 
saint  Paul ,  Hebr. ,  c.  i ,  "jï .  i4  : 
«  Tous  les  anges  ne  sont-ils  pas  des 
M  esprits  chargés  d'une  adminis- 
>»  Iration,  et  envoyés  pour  l'utilité 
»  de  ceux  qui  ont  part  à  l'héritage 
«  dusaluti'»(N.WlI,p.xvn.)C'esl 
par  la  même  raison  que  ce  nom 
est  quelquefois  donnéaux  hommes 
dans  l'Ecriture  ;  comme  aux  prè-  [ 


AING  121 

1res  dans    le  propliéle   Malachic 
c.  i  I  ;  par  saint  Matthieu  à  saint 
Jean-Baptisle,    c.   11,   '^ .    10;   et 
par  saint  Jean  ,  dans  l'Apocalypse, 
aux  éveques  de  plusieurs  Eglises. 

Selon  les  septante,  le  Messie  est 
appelé  dans  Isaïe,  c.  9,  y.  6, 
Vange  du  grand  conseil,  nom  qui 
exprime  son  ministère  et  non  sa 
nature;  il  en  est  de  même  de  l'hé- 
breu, mc/ec,  ange  ou  envoyé.  Ce- 
pendant, l'usage  a  prévalu  d'atta- 
cher à  ce  terme  l'idée  d'une  nature 
incorporelle,  intelligente,  supé- 
rieure à  l'àme  de  l'homme,  mais 
créée  et  inférieure  à  Dieu. 

Quoique  l'existence  des  anges  nt 
puisse  se  prouver  par  la  raison, 
toutes  les  religions  l'ont  admise 
en  vertu  de  la  révélation.  A  l'excep- 
tion des  saducéens  ,  les  Juifs  la 
croyoienl ,  même  les  samaritains  et 
les  caraïtes  ,  selon  le  témoignage 
d'Abusaïd ,  auteur  d'une  version 
arabe  du  Pentateuque ,  et  selon  le 
commentaire  d'Aaron,iuif  caraïte, 
sur  le  même  livre  ;  ouvrages  qui 
sont  en  manuscrit  dans  la  biblio- 
thèque du  roi. 

Les  chrétiens  ont  suivi  la  même 
doctrine  ;  mais  les  Pères  ont  été 
partagés  sur  la  nature  desawg-es.Les 
uns  ,  comme  Tertullien  ,  Origène  , 
saint  Clément  d'Alexandrie,  etc., 
ont  cru  qu'ils  étoienl  toujours  re- 
vêtus d'un  corps  très-subtil.  Les 
autres,  comme  saint  Basile,  saint 
Alhanase,  saint  Cyrille,  saint  Gré- 
goire de  Nysse  ,  saint  Jean-Chry- 
sostôme  ,  etc.  les  ont  regardés 
comme  des  êtres  purement  spiri- 
tuels. C'est  le  sentiment  de  toute 
l'Eglise;  mais  l'Ecriture  sainte  at- 
teste que  souvent  les  ang'es  ont  paru 
revêtus  d'un  corps  ;  ainsi ,  nous  ne 
voyons  pas  en  quoi  le  sentiment  de 
Tertullien  et  des  autres  pouvoit 
être  dangereux 

Ala  vérité,  plusieurs  ontcru  que 
îesa/îg-esavoient  eucommerce  avec 
les  filles  des  hommes  ,  et  avoient 
engendré  les  géants.  C'étoit  le  seu- 


122  ANG 

timent  commun  des  philosophes,  ] 
que  les  démons,  c'est-à-dire  les  gé- 
nies ou  intelligences  supérieures  à 
l'humanité  ,  n'étoient  pas  des  es- 
prits purs,  mais  revêtus  d'un  corps 
.suhlil  et  aérien  ;  conséquemment 
ils  croyoient  qu'un  grand  nombre 
de  ces  génies  recherchoient  le  com- 
merce des  femmes, aimoient  l'odeur 
des  sacrifices,  et  se  plaisoient  sou- 
vent à  faire  du  mal  aux  hommes  : 
Lucien  ,  Plutarque  ,  Porphyre  et 
d'autres  ,  étoiént  dans  cette  opi- 
nion ;  nous  ne  voyons  pas  en  quoi 
Ie5  Pérès  sont  si  répréhensibles  de 
l'avoir  suivie.  Elle  leur  paroissoit 
confirniéc  par  la  version  des  sep- 
tante ,  Gen.,  c.  6  ,  }?".  2  ,  dont  plu- 
sieurs exemplaires  portent  :  Les 
anges  de  Dieu  ,  voyant  la  beauté  des 
filles  des  hommes,  etc.  ,  au  lieu  qu'il 
y  a  dans  l'hébreu,  le  samaritain  , 
le  syriaque  et  la  vulgate,  les  enfants 
de  Dieu  ;  dans  le  chaidéen  et  dans 
l'arabe,  /es  enfants  des  grands  ou  des 
princes.  Il  n'a  donc  pas  été  néccs- 
.saire  que  les  Pérès  prissent  cette 
opinion  dans  le  livre  apocryphe 
d'Enoch. 

Mais  quelle  pernicieuse  consé- 
quence péut-on  tirer  de  là  ?  II  s'en- 
suit, dit-on,  ({ue  les  Pères  n'avoient 
pointdenotlon  de  la  parfaite  spiri- 
tualité. Ils  l'admetloient  du  moins 
en  Dieu,  puisqu'ils  le  supposoient 
créateur.  Quand  ils  auroient  cru 
qu'elle  ne  pouvoit  avoir  lieu  dans 
aucune  créature ,  ce  ne  seroit  pas 
un  juste  sujet  de  les  blâmer  avec 
autant  d'aigreur  que  le  font  les  pro- 
lestants. <(  Voilà  ,  dit  Barbeyrac  , 
»  les  Pères  des  premiers  siècles  par- 
«  faitement  d'accord  entre  eux  sur 
»)  une  erreur  grossière,  puisée  dans 
w  uife  mauvaise  philosophie  ,  dans 
»  un  livre  apocryphe  ,  ou  dans  la 
»  fausse  supposition  que  la  version 
>>  des  septante  étoit  inspirée.  Que 
»  l'on  vienne  encore  nous  donner 
j>  le  consentement  desPères  comme 
»  une  marque  siire de  la  tradition.  » 
Traité  de  la  morale  des  Pères  ,  c.  s. 


ANG 

§   3.  Ce   ton  triomphant  est  bien 
mal  fondé. 

i.°Nous  voudrions  savoir  par 
quelle  démonstration  ou  par  quel 
texte  formel  de  l'Ecriture  sainte  on 
peut  prouver  que  l'opinion  des 
Pères  élo\l  une  erreur  grossière;  nous 
défions  Barbeyrac  et  tous  ses  pa- 
reils de  prouver  la  parfaite  spiri- 
tualité desa/îg^fsaulrement  quepar 
la  tradition  et  par  la  croyance 
universelle  de  l'Eglise. 

2.°  Il  est  faux  que  tous  les  an- 
ciens Pères  aient  été  d'un  sentiment 
vinanime  sur  la  nature  des  anges  : 
des  le  commencement  du  quatrième 
siècle ,  le  très-grand  nombre  en  ont 
soutenu  la  parfaite  spiritualité.  Le 
P.  Pétau  ,  Dogm.  theol. ,  loin.  3  , 
1.  I  ,  c.  3  ,  a  cité  parmi  les  Grecs 
Tite  évoque  de  Bostres  ,  Didyme  , 
saint  Basile  ,  saint  Grégoire  de 
Nysse,  saint  Grégoire  deNazianze, 
Eusébe  de  Césarée,  saintEpiphane, 
saint  Jean-Chrj'soslôme,  Théodo- 
ret,  et  plusieurs  au  très  plus  récents; 
parmi  les  Latins,  Marins  Victorin  , 
Lactance,  saint  Léon,  Jum  il  ius  l'A- 
fricain, saint  Léon,  saint  Grégoire 
le  Grand  et  ceux  qui  l'ont  suivi. 
L'on  a  répété  cent  fois  aux  protes- 
tants, que  la  tradition  n'est  censée 
règle  de  foi  ,  que  quand  elle  est 
constante  et  à  peu  près  unanime. 

3."  Il  n'y  a  aucune  preuve  que 
les  Pères  aient  été  trompés  par  le 
livre  apocryphe  d'Enoch,  et  que  la 
plupart  l'aient  consulté  ;  il  paroît 
même  que  les  plus  anciens  ne  l'ont 
pas  connu. 

4-°  Quand  les  anciens  Pères  n'au- 
roient  pas  cru  la  version  des  sep- 
tante inspirée,  de  quelle  autre  tra- 
duction pouvoient-ils  se  servir  ?  Il 
est  fort  singulier  qu'on  leur  fasse 
un  crime  de  n'avoir  pas  lu  le  texte 
hébreu  f[uelos  juifs  cachoientavec 
soin  ,  et  de  n'avoir  pas  su  l'hébreu 
que  les  juifs  ne  vouloient  enseigner 
à  personne.  A  entendre  raisonner 
les  protestants  ,  il  semble  que  l'on 
ne  ptiisse   jias   être  bon   clircticn 


ANG 

sans  avoir  appris  l'Iichreu  ,  et  que 
Dieu  ait  mal  jiourvu  au  salut  des 
premiers  fidèles  en  ne  leur  don- 
nant qu'une  version  grec([ue. 

Selon  le  sentiment  commun  des 
Pères  et  des  théologiens  ,  les  anges 
sont  distribués  en  trois  hiérarchies, 
etchaquehiérarchieen  trois  ordres 
ou  chœurs.  La  première  est  celle 
des  séraphins,  des  chérubins  et  des 
Irônes  ;  la  seconde  comprend  les 
dominations  ,  les  vertus  ,  les  puis- 
sances; la  troisième,  les  principau- 
tés, les  archanges  et  les  anges.  Ce 
dernier  nom  est  devenu  commun 
à  tous  en  général. 

L'Eglise  chrétienne  croit  que 
tous  les  anges  ont  été  créés  en  état 
de  grâce  et  destinés  à  la  lelicité  , 
mais  que  plusieurs  sont  déchus  de 
cet  état  par  leur  orgueil  ;  qu'ils  ont 
été  précipités  en  enter  et  condam- 
nés à  un  supplice  éternel ,  pendant 
que  les  autres  ont  été  confirmés  en 
grâce  ,  et  sont  heureux  pour  tou- 
jours. Ceux-ci  sont  nommés  les 
bons  anges  ,  ou  simplement  les 
anges  ;  les  autres  sont  appelés  les 
mauvais  anges ,  les  diables  ou  les 
démons. 

Ce  dogme  de  la  chute  des  anges 
est  fondé*  sur  la  2.*  épître  de  saint 
Pierre ,  c.  2  ,  y .  4,  où  il  est  dit  que 
«  Dieu  n'a  point  pardonné  aux 
»  ang-esquiontpéché,  mais  qu'il  les 
»  a  précipités  dans  l'abîme  ,  où  ils 
»  sont  rétenus  par  des  liens  ,  tour- 
»  menlés  et  réservés  jusqu'au  juge- 
»  ment ,  ou  pour  le  jugement  ;  »  et 
sur  celle  de  saint  Jude  ^.  6,  où 
nous  lisons  que  «  Dieu  retient  liés 
»>  de  chaînes  éternelles  dans  depro- 
»  fondes  ténèbres  ,  et  qu'il  réserve 
n  pour  le  jugement  du  grand  jour, 
»  les  anges  qui  n'ont  pas  conservé 
»  leur  première  dignité  ,  mais  qui 
»  ont  quitté  leur  propre  demeure.» 

Un  autre  article  de  la  croyance 
chrétienne  ,  est  que  Dieu  a  donné 
a  chacun  de  nous  un  ange  gardien; 
on  conclut  celte  vérité  de  plusieurs 
passages  de  l'Ecriture  sainte.  Gen., 


ANG  ,23 

c  48,  X'.  16;  Matt.,  c.  18,  >^.  10; 
Jet.,  c.  la  ,  y.  i5  ,  etc.  C'est  une 
tradition  constante. 

Quelques  Percs  de  l'Eglise  ont 
même  pensé  que  chaque  homme  , 
dès  sa  naissance,  étoit  accompagné 
de  deux  anges ,  l'un  bon  qui  le 
p,'orle  au  bien  ,  l'autre  mauvais  et 
qui  le  porte  au  mal  ;  ils  se  fondent 
sur  un  passage  du  Pasteur  d'Her- 
nias ,  qui  l'enseigne  ainsi  :  mais 
cette  opinion  n'a  pas  eu  un  grand 
nombre  de  partisans. 

Il  y  auroil  de  la  témérité  à  former 
sur  le  nombre  des  anges  ,  sur  leur 
état ,  sur  leur  pouvoir ,  sur  leurs 
fonctions,  des  questions  qui  ne  peu- 
vent pas  être  résolues parl'Ecriture 
sainte  ni  par  la  tradition. 

Une  dispute  plus  importante  que 
nous  avons  avec  les  protestants,  est 
de  savoir  s'il  est  permis  de  rendre 
aux  anges  un  culte  religieux  ,  de  les 
invoquer  ,  de  compter  sur  leur  se- 
cours et  leur  intercession.  C'est  le 
sentiment  de  l'Eglise  catholique  ; 
mais  SCS  ennemis  le  lui  reprochent 
comme  une  erreur  ;  ils  y  opposent 
les  mêmes  objections  qu'ils  font 
contre  le  culte  des  saints. 

Ils  disent  que  saint  Paul  a  for- 
mellement défendu  ce  culte  aux 
Colossiens  ;  c.  2  ,  5!^^.  18  ,  après  les 
avoir  détournés  du  judaïsme  et  des 
cérémonies  légales  ,  il  leur  dit  : 
<c  Que  personne  ne  vous  séduise 
»  par  une  humilité  apparente  et  un 
))  culte  religieux  des  anges  ,  choses 
»  qu'il  ne  connoît  point,  et  sur  les- 
»  quelles  il  se  conduit  selon  les 
»  vaines  imaginations  d'un  esprit 
»  charnel,  ne  demeurant  point  at- 
»  taché  au  chef,  duquel  tout  le 
»  corps  reçoit  l'union,  lasoliditéet 
»  la  croissance  queDieu  lui  donne.» 
Ils  ajoutent  que,  quand  saint  Jean 
voulut  se  prosterner  devant  Vange 
du  Seigneur  et  l'adorer,  cet  ange 
lui  dit:  Ne  le  faites  pas,  adorez 
Dieu  ,  Apoc.  ,  c.  ig,i)^.  10  ;  que  le 
concile  de  Laodicée,  tenu  l'an  364, 
can .  35,  porte  :  «  Il  ne  faut  pas  que 


124  ANG 

3)  les  chrétiens  quittent  l'Eglise  de 
»•  Dieu  ,  pour  aller  invoquer  des 
»  anges,  et  faire  des  assemblées  dé- 
>•  fendues.  Si  donc  on  trouve  quel- 
»  qu'un  attaché  à  cette  idolâtrie 
»  cachée, qu'il  soit  analhéme,  parce 
»  qu'il  a  laissé  Notre-Seigneur  Jé- 
»  sus-Christ  fils  de  Dieu  ,  pour  se 
»  livrera  l'idolâtrie.  »  Enfin,  disent 
les  prolestants,  une  preuve  que  les 
Juifs  ont  toujours  regardé  comme 
superstitieux  ,  criminel  et  idolà- 
trique  ,  tout  culte  qui  n'étoit  pas 
adressé  à  Dieu  seul ,  c'est  que  ja- 
mais ils  n'ont  rendu  aucun  culte 
aux  anges;  la  secte  des  caraïtes  ,  la 
plus  scrupuleusement  attachée  au 
texte  de  l'Ecriture  ,  enseigne  for- 
mellement qu'il  ne  faut  leur  en 
rendre  aucun. 

Nous  répondons  aux  protes- 
tants ,  que  s'ils  vouloient  convenir 
une  fois  avec  nous  du  sens  qu'il  faut 
attacher  au  mot  culte  ou  culte  reli- 
gieux, la  contestation  seroit  bien- 
tôt terminée  entre  eux  et  nous. 
Mais  tant  qu'ils  s'obstinerontàsou- 
tenir  que  tout  culte  religieux  est  un 
culte  divin  et  suprême  ,  nous  ne 
serons  jamais  d'accord,  parce  que 
cette  prétention  est  évidemment 
fausse;  et  nous  prouverons  le  con- 
traire au  mot  Culte. 

Les  savants  ont  remarqué  que 
déjà  ,  du  temps  de  saint  Paul  ,  la 
doctrine  de  Zoroastre  avoit  péné- 
tré dans  l'Asie  et  dans  la  Grèce,  or  , 
nous  voyons  par  le  Zend-Aoesta 
que  Zoroasti'e  admet  un  nombre 
infini  à^anges  ou  d'esprits  média- 
teurs ,  auxquels  il  attribue  non- 
seulement  un  pouvoir  d'interces- 
sion subordonné  à  la  providence 
continuelle  de  Dieu  ,  mais  un  pou- 
voir aussi  absolu  que  celui  que  les 
païens  pretoient  à  leurs  dieux. 
D'où  il  suit  que  le  culte  rendu 
à  cette  espèce  de  dieux  secondaires 
ne  pouvoit ,  en  aucune  manière  , 
se  rapporter  à  Dieu  ;  que  c'étoit 
par  conséquent  un  véritable  poly- 
théisme et  une  idolâtrie  pure.  Vcjez 


ANG 

Parsis.  C'est  dans  cette  source 
empoisonnée  que  Simon,  Ménau- 
dre  ,  Valentin  ,  Cérinthe  et  les 
gnostiques  avoient  puisé  la  notion 
de  leurs  éons  ou  dieux  secondaires, 
auxquels  ils  attribuoient  ,  aussi- 
bien  que  Platon  ,  la  formation  et 
le  gouvernement  du  monde  ;  selon 
leur  opinion,  ces  esprits  ou  génies 
étoient  chargés  de  tous  les  soins 
de  la  Providence  ;  le  Dieu  suprême 
ne  se  méloit  de  rien,  et  aucun  cuite  i 
ne  lui  étoit  du. 

Dans  cette  hypothèse,  saint  Paul 
avoit  très-grande  raison  de  dire, 
que  les  partisans  de  cette  erreur  n'y 
connoissoient  rien  ,  qu'ils  étoient 
séduits  par  leur  imagination,  qu'ils, 
ne  demeuroient  point  attachés 
au  chef;  et  le  concile  de  Lao- 
dicéc  a  été  bien  fondé  à  décider 
qu'ils  abandonnoient  Jésus-Christ 
pour  se  livrer  à  l'idolâtrie  ;  puis- 
que le  culte  qu'ils  rendoient  aux 
anges  ou  aux  esprits  ne  pouvoit 
pas  plus  se  rapporter  à  Dieu  ,  que 
celui  des  païens. 

Mais  quand  on  commence  par 
croire  que  les  anges  ne  sont  que 
les  envoyés  de  Dieu  et  les  exécu- 
teurs de  ses  ordres  ,  qu'ils  n'ont 
aucun  pouvoir  que  celui  que  Dieu 
leur  donne  ,  qu'ils  ne  font  rien 
que  ce  que  Dieu  leur  commande, 
l'honneur  ,  le  respect  ,  le  culte 
qu'on  leur  rend  ,  ne  s'adresse-t-il 
pas  principalement  à  Dieu?  Jésus~ 
Christ  a  dit  à  ses  envoyés  :  «  Celui 
»  qui  vous  écoute,  m'écoute;  celui 
»  qui  vous  méprise  ,  me  méprise  ; 
»  et  celui  qui  me  méprise ,  mépx'îse 
»  celui  «lui  m'a  envoyé.  »  Liic.  , 
c.  lo,  y.  i6.  «  Celui  qui  vous 
»  reçoit,  me  reçoit.  nMatth.,c,  lo, 
S •  4°'  "  Ce  que  vous  avez  fait  au 
»  moindre  de  mes  frères  ,  est  fait 
»  à  moi-même ,  »  c.  24,  y  •  4°' 

Rien  n'est  donc  plus  frivole  que 
le  sophisme  des  protestants.  Selon 
saint  Paul ,  disent-ils ,  en  rendant 
un  culte  aux  a/îg-es  on  se  sépare  di)i 
chef,  selon  le  concile  de  Laodicée. 


ANG 

on  abandonne  Jcsas-Chrisl  et  l'on 
tombe  dans  l'iilolàlrie  ;  donc  tout 
culte  rendu  aux  anges  est  une  ido- 
lâtrie. Oui,  lorsque  l'on  se  fait  des 
anges  la  même  idée  (pi'en  avoient 
Zoroastre ,  les  f^nosliques  et  les 
païens;  puisqu'alors  on  en  fait  des 
dieux,  e'est-à-dire,  des  êtres  puis- 
sants par  eux-mêmes  et  indépen- 
dants :  mais  lorsqu'on  les  envisage 
comme  de  simples  ministres  ou 
envoyés  de  Dieu ,  il  est  absurde 
de  dire  qu'en  les  honorant  l'on 
n'honore  pas  Dieu  ;  puisque  Jésus- 
Christ  témoigne  le  contraire. 

Autre  chose  est,  répliquent  nos 
adversaires  ,  de  rendre  honneur 
aux  anges  ,  et  autre  chose  de  leur 
rendre  un  culte  religieux.  Fausse 
distinction.  Culte,  honneur,  res- 
pect, vénération,  sont  synonymes; 
tout  culte,  tout  honneur,  rendu 
directement  à  Dieu,  est  un  acte  de 
religion  :  or,  le  culte,  l'honneur 
rendu  à  un  envoyé  de  Dieu,  et  par 
respect  pour  Dieu  ,  se  rapporte  à 
Dieu  ;  pourquoi  ne  l'appelleroit-on 
pas  culte  religieux? 

Que  Vange  de  l'Apocalypse  n'ait 
pas  voulu  être  adoré  comme  Dieu, 
cela  n'est  pas  étonnant  ,  et  il  ne 
s'ensuit  rien. 

Est-il  vrai  qu'il  n'y  a  dans  l'Ecri- 
ture sainte  aucun  vestige  de  culte 
rendu  aiix  anges  ?  Gen.  ,  c.  32  , 
y.  26  ,  Jacob  demanda  à  Vange , 
contre  lequel  il  avoit  lutté  ,  sa  bé- 
nédiction ;  c.  48,  S-  ïSj  le  même 
patriarche  bénissant  les  enfants  de 
Joseph,  dit:  «  Que  Dieu,  qui  me 
»  nourrit  depuis  ma  naissance,  que 
»  Vange  qui  m'a  délivré  de  tous 
»>  maux,  bénisse  ces  enfants.  »  Quoi 
qu'en  disent  les  protestants  ,  voilà 
une  invocation  ;  ils  l'ont  si  bien 
sentie,  que  plusieurs  de  leurs  com- 
mentateurs, pour  esquiver  les  con- 
séquences ,  ont  dit  que  par  cet 
ange  il  faut  entendre  le  Verbe  divin 
ou  le  Messie  ;  mais  il  n'y  a  rien 
dans  le  texte  qui  autorise  ce  com- 
mentaire. Si  nous  parlions  comme 


ANG  ,2.'; 

Jacob,  ils  diroient  que  nous  man- 
quons de  respect  à  Dieu,  en  mettant 
un  ange  sur  la  même  ligne  ,  et  en 
associant  ses  bénédictions  à  celles 
de  Dieu. 

Exod.  ,  c.  23 ,  yî.  10,  Dieu  dit 
aux    Israélites  :   «    J'envoie    mon 

»  ange  devant  vous , respectez- 

»  le,  écoutez  sa  voix,  ne  le  mépri- 
»  sez  point,  parce  qu'il  ne  vous 
»  épargnera  pas  lorsque  vous  pé- 
»  cherez ,  et  que  mon  nom  est  en 
»  lui.  n  Les  commentateurs  pro- 
testants prennent  encore  cet  ange 
pour  le  Fils  de  Dieu  ;  mais  sont-ils 
bien  assui'és  qu'il  faut  l'entendre 
ainsi  ?  Au  lieu  de  traduire  par  res- 
pectez-le  ,  ils  mettent,  prenez  garde 
à  lui  :  aucun  passage  de  l'Ecriture 
sainte  ne  les  incommode.  Num. , 
c.  22  ,^.  3i ,  Balaam  se  prosterna 
devant  Vange  du  Seigneur  qui  lui 
apparoissoit. 

Josué,c.  5,  y^.  i4,  voit  un  per- 
sonnage armé,  qui  lui  dit  :  Je  suis 
le  prince  des  armées  du  Seigneur. 
Josué  se  prosterne ,  pénétré  de  res- 
pect, et  dit:  Que  mon  Seigneur 
veut-il  de  son  serviteur  ?  Li'ange 
répond  :  Déchaussez-vous  ;  la  terre 
où  vous  êtes  est  sainte.  Josué  obéit. 
C'est  la  marque  de  respect  que  Dieu 
avoit  exigée  deMoïse  en  lui  appa- 
roissant  dans  le  buisson  ardent. 
Exod.,  C.3  ,  ^.  5.  Soutiendra-t-on 
encore  que  ce  n'est  pas  là  un 
culte? 

Dans  le  livre  des  Juges,  c.  i3  , 
^.  21  ,  Manué,  convaincu  que  le 
personnage  qui  lui  avoit  parlé  étoit 
Vange  du  Seigneur ,  dit  à  son 
épouse  :  «  Nous  mourrons  ,  parce 
»  quenousavons  vuDieu.  »  Il  étoit 
donc  persuadé  que  cet  ange  tenoit 
la  place  de  Dieu;  lui  auroit-il  re- 
fusé des  respects?Daniel,c.  10,  ^.  g, 
demeure  prosterné  devant  Vange 
qui  lui  parloit;  J/ .  16  et  27  ,  il  lui 
dit  :  <(  Mon  Seigneur,  comment 
j>  votre  serviteur  peut-il  parler  au 
»  Seigneur  ?  il  ne  me  reste  point  de 
»  force.  )>Le  prophète croyoit  par- 


1 26  ANG 

1er  à  Dieu  on  parlant  à  son  ans;c  ; 
la  frayeur  dont  il  étoil  saisi  ctoit 
certainement  un  respect  religieux. 

Zachar. ,  c.  i  ,y'.  12  ,  un  ange 
prie  Dieu  pour  la  délivrance  des 
Juifs,  et  pour  leur  rétablissement 
dans  la  Judée. 

Un  ange  dit  à  Tobie ,  c.  12  , 
jH.  12  :  «  Lorsque  vous  faisiez  des 
»  prières  ,  je  les  ai  présentées  au 
»  Seiiçneur.  »  Saint  Jean  ,  dans  l'A- 
pocalypse, vit  en  esprit  un  ange 
qui  offroit  devant  le  trône  de 
Dieu  les  prières  des  saints,  c.  8, 
j.3et4. 

C'est  sur  ces  passages  que  les 
Pères  de  l'Eglise  se  sont  fondés  pour 
soutenir  qu'il  est  non-seulement 
permis,  mais  juste  et  louabled'ho- 
norer  ,  de  prier  ,  d'invoquer  les 
anges  et  les  saints. 

Celse  disoit  :  Puisque  les  chré- 
tiens rendent  un  culte ,  non-seule- 
ment à  Dieu,  mais  encore  à  son 
Fils,  ils  doivent  donc  aussi  le  ren- 
dre à  ses  ministres,  par  conséquent 
aux  génies  ou  aux  esprits.  Origrne  , 
1.  8,  n.  i3,  répond  :  «  Si  Celse 
»  avoit  compris  qui  sont  après  le 
»  Fils  unique  de  Dieu  ses  vrais 
»  ministres,  comme  Gabriel ,  Mi- 
»  cbel ,  les  autres  anges  et  les  ar- 
»  changes,  et  qu'il  soutînt  qu'il 
»  faut  leur  rendre  un  culte,  peut- 
>»  être  qu'en  épurant  le  sens  du 
»  mot  culie  ,  et  les  pratiques  de  ce- 
»  lui  qui  le  rend,  je  dirois  ce  qui 
j>  convient  à  ce  sujet  autant  que  je 
»  puis  le  comprendre.  Mais  comme 
»  il  entend  par  ministres  de  Dieu  , 
»  les  démons  que  les  païens  ado- 
»  rent,  nous  ne  pouvons  nous  ré- 
j>  soudre  à  honorer  ces  esprits  que 
»  l'Ecriture  nous  apprend  être  les 
»  ministres  de  l'esprit  malin,  qui 
»  détourne  tant  qu'il  peut  les  hom- 
»>  mes  du  culte  de  Dieu.  N.  60, 
»  combien  ne  vaut-il  pas  mieux 
»  nous  confier  au  Dieu  souverain , 
j)  par  Jésus-Christ  qui  nous  l'a 
I)  ainsi  enseigné  ,  lui  demander 
»  non-seulement   toute  espèce  de 


ANG 

>)  secours ,  nxais  encore  l'assislancf 
»  des  saints  anges  et  des  justes  , 
»  afin  qu'ils  nous  délivrent  des  dé- 
»  mons  ?  N.  64,  si  Celse  soutient. 
»  qu'après  Dieu  il  nous  faut  encore 
»  d'autres  amis  ,  qu'il  sache  que 
»  comme  l'ombre  suit  le  corps  ,  la 
»  bonté  de  Dieu  pour  nous  nous 
»  assure  aussi  la  bienveillance  des 
»  anges  ses  amis ,  des  âmes  et  des 
»  esprits;  car  ils  connoissent  qui 
»  sont  ceux  qui  méritent  les  bien- 
»  faitsde  Dieu ,  et  non-seulement 
»  ils  leur  veulent  du  bien  ,  mais 
»  ils  aident  à  ceux  qui  veulent  ado- 
»  rer  le  Dieu  souverain  ,  ils  le  leur 
»  rendent  propice  ,  prient  avec 
»  eux  ,  et  forment  les  mêmes 
j)  vœux.  » 

Origène  lui-même  invoque  son 
a/îg-e gardien,  Honiil.  I ,  in  Ezech., 
n.  7.  Sur  le  premier  de  ces  passa- 
ges ,  Grotius  et  Spencer  ont  eu  la 
bonne  foi  d'avouer  que  le  culte 
rendu  aux  anges  n'est  point  con- 
traire au  premier  commandement 
du  Décalogue,  et  ne  déroge  point 
à  ce  qui  est  dit  dans  l'Apocalypse, 
c.  19,^.  10.  Quelques  théologiens 
anglicans  ont  été  de  même  avis. 
Des  martyrs  du  troisième  siècle 
écrivent  à  saint  Cyprien,£^7's/.  77: 
«  Prions  afin  que  Dieu  ,  Jésus- 
»  Christ  et  les  anges  nous  soient 
»  favorables  dans  toutes  nos  ac- 
»  tions.  » 

Saint  Jérôme,  Comm.  inPs.  i5; 
saint  Augustin,  liv.  i  ,  locut.  in 
Gènes.  ,  se  servent  des  paroles  de 
Jacob,  Gen.  ,  c.  48,  '^'.  16,  pour 
prouver  qu'iLest  permis  d'invo- 
quer d'autres  êtres  que  Dieu.  Le 
PèrePétau,t.  3  ,  de  angelis  ,  1.  2, 
c.  8  et  9  ,  a  cité  un  grand  nombre 
d'autres  Pères  de  l'Eglise;  mais  les 
protestants  nous  abandonnent  sans 
difficulté  tous  ceux  du  quatrième 
siècle  et  des  suivants;  ils  avouent 
que  dès  lors  le  culte  des  anges  et 
des  saints  a  été  établi  dans  l'Eglise. 
Quand  nous  ne  pourrions  pas 
prouver   qu'il  l'a  été  plus  tôt,  il 


AN(; 

nous  paroît  que  doux  cents  ans 
après  la  mort  des  apôtres  onpou- 
voit  savoir  mieux  qu'au  seizième 
siècle  quelle  avoit  clé  leur  <ioc- 
Irine.  JJissert.  sur  les  hans  et  les 
mauvais  anges.  Bible  d^Ai'ig.,  toni. 
XIll,  p.  255.  Thoniassin,  Traité 
des  F  êtes ,  liv.  2,  c.  22.  Vies  des 
Pires  et  des  Martyrs,  tom.  IV, 
p.   198-,  tom.  IX,  p.  29G 

ANGÉI.ITES ,  hérétiques  secta- 
teurs de  Sabellius  ,  qui  s'assem- 
bloient  à  Alexandrie,  dans  un  lieu 
nommé  Ageliiis  ou  Angelius.  Vny. 
Nicéphore,!.  18,  c.  49;Pratéole, 
au  mot  angélites.  L'uu  et  l'autre 
auroient  besoin  de  garant.  Il  est 
plus  probable  que  les  angélites 
etoient  des  sectaires  qui  rendoient 
\\\x\anges  un  culte  superstitieux  , 
comme  les  gnostiqucs. 

ANGELUS ,  prière  que  récitent 
les  catholiques  romains,  surtout 
en  France,  où  l'usage  en  lut  établi 
par  Louis  XI,  cjui  ordonna  que 
trois  lois  par  jour,  le  matin,  à 
midi ,  et  le  soir ,  on  sonneroit  une 
cloche,  pour  avertir  les  fidèles  de 
reciter  cette  prière  à  l'honneur  de 
la  sainte  Vierge,  et  pour  remer- 
cier Dieu  dumystère  de  l'Incarna- 
tion. 

Elle  est  composée  de  trois  ver- 
sets ,  d'autant  d'Ave  ,  Maria ,  et 
d'une  oraison  par  laquelle  on  de- 
mande à  Dieu  sa  grâce  et  le  salut 
éternel  par  les  mérites  de  Jésus- 
Christ.  Le  nom  de  cette  prière  vient 
du  premier  verset,  Angclus  Do- 
mini ,  etc.  Elle  se  nomme  aussi  le 
Pardon,  parce  <jue  plusieurs  sou- 
verains pontifes  y  ont  attaché  des 
indulgences.  Ceux  qui  regardent 
celte  pratique  et  plusieurs  autres 
semblables  comme  des  dévotions 
populaires  ,  sont  persuadés  sans 
doute  que  le  peuple  seul  doit  se 
souvenir  qu'il  est  chrétien.  Remer- 
cier Dieu  du  mystère  de  l'Incarna- 
tion ctde  Ja rédemption  dumonde, 


ANG  127 

adorer  le  Verbe  divin  dans  le  sein 
de  Marie,  implorer  le  secours  de 
cette  sainte  Mère  de  Dieu  ,  est  cer- 
tainement une  dévotion  très-so- 
lide, de  laquelle  aucun  chrétienne 
devroit  rougir. 

ANGLEIERRE.  On  ne  doute 
plus  que  les  Bretons ,  anciens  habi- 
tants de  r Angleterre ,  n'aient  été 
convertis  au  christianisme  sous  le 
pontificat  du  pape  Eleuthère,  sur 
la  fin  du  second  siècle,  ou  vers  l'an 
182.  On  peut  en  voir  les  preuves. 
Vies  des  Pères  et  des  Martyrs  , 
t.  4 ,  P-  595  ,  et  t.  9 ,  p.  607.  Ceux 
d'entre  les  protestants  qui  contes- 
tent ce  lait  n'agissent  que  par  pré- 
vention. Mais  au  cinquième  ,  les 
Saxons,  les  Angles,  les  Juttes , 
peuples  idolâtres  de  la  Basse-Ger- 
manie ,  ayant  fait  une  irrup.tion 
en  Angleterre ,  s'en  rendirent  les 
maîtres,  et  l'an  4^4»  i'^  forcèrent 
les  Bretons  chrétiens  à  se  retirer 
dans  les  montagnes  du  pays  de 
Galles. 

On  ne  voit  pas  que  ceux-ci  aient 
fait  aucune  tentative  pour  conver- 
tir lueurs  vainqueurs;  mais  sur  la 
fin  du  sixième  siècle  ,  vers  l'an  SgG, 
saint  Grégoire  le  Grand  envoya 
en  Angleterre  le  moine  Augustin 
avec  plusieurs  autres  missionnai- 
res ,  pour  amener  à  la  foi  chré- 
tienne les  peuples  de  cette  île,  et 
cette  mission  eut  le  plus  grand 
succès.  Hist.  de  l'Egl-  Gallic.  ,  t.  3, 
an.  595 ,  596. 

11  ne  paroît  pas  que  les  Bretons 
fussent  engagés  pour  lors  dans  au- 
cune erreur  contraire  à  la  foi  ca- 
tholique prechée  par  Augustin  et 
par  ses  collègues  ;  ceux-ci  ne  leur 
en  reprochèrent  aucune  dans  les 
conférences  qu'ils  eurent  avec  eux. 
Augustin  les  exhortoil  seulementà 
se  conformer  à  l'usage  de  l'Eglise 
catholique  dans  la  célébration  de 
la  Pàque ,  dans  l'administration  du 
baptême  ,  et  à  se  joindre  à  lui  pour 
prêcher    l'Evangile    aux     Angio- 


128  ANG 

Saxons  encore  idolâtre^.  Mais  la 
haine  qui  régnoit  entre  les  deux 
peui>les  depuis  cent  cinquante  ans, 
rendit  les  Bretons  inilexibles  ;  ils 
refusèrent  de  se  lier  avec  les  mis- 
sionnaires. Cette  opiniâtreté  n'em- 
pêcha pas  le  fruit  de  la  mission  ;  j  de  FEgl.  Gallic,  ibid. 
peu  a  peu  V  Angleterre  se  convertit  2°  Ils  prétendent  que  les  Bre- 
ct  redevint  chrétienne;  elle  a  per-    tons  ne  voului'ent  pas  adopter  les 


ANG 

que  :  or  cette  communion  ne  peu» 
subsister  sans  reconnoître  l'auto- 
rité de  son  chef.  Il  est  certain  d'ail- 
leurs que  saint  Grégoire  avoit  con- 
çu le  projet  de  convertir  les  Anglo- 
Saxons  ,  avant  d'être  pape.  Hist. 


sévéré  dans  la  foi  catholique  jus- 
qu'au .schisme  d'Henri  VIII  ,  en 
i533. 

Avant  cette  dernière  époque,  les 
travaux,  les  succès,  les  vertus  ,  les 
miracles  de  l'apôtre  de  V Angleterre 
y  avoient  rendu  sa  mémoire  véné- 
rable ;  il  y  étoit  honoré  comme 
saint  à  très-juste  titre.  Depuis  que 
les  Anglais  ont  cessé  d'être  catho- 
liques ,  plusieurs  de  leurs  écrivains 
se  sont  appliqués  à  calomnier  la 
mission  de  saint  Augustin  ;  et  les 
incrédules  modernes  n'ont  pas 
manqué  d'enchérir  sur  leurs  accu- 
sations. 

Ils  disent ,  i .°  que  cette  mission 
fut  un  effet  de  l'ambition  de  saint 
Grégoire,  plutôt  que  de  son  zèle 
pour  la  foi  chrétienne;  que  son 
principal  motif  étoit  d'étendre  sur 
V Angleterre  sa  juridiction  pontifi- 
cale et  sa  suprématie  ,  qui  jusqu'a- 
lors n'y  avoient  pas  été  reconnues. 
Mais  il  est  faux  que  les  Bretons 
chrétiens  eussent  jamais  méconnu 
la  juridiction  despapes.  SelonBède 
et  d'autres  auteurs,  Lucius,  pre- 
mier roi  chrétien  des  Bretons,  s'a- 
dressa au  pape  Eleuthere  pour  ob- 
tenir les  moyens  d'instruire  ses 
sujets  et  de  les  convertir  au  chris- 
tianisme. En  429  ,  lorsque  saint 
Germain  d'Auxerreet  saint  Loup 
de  Troyes  passèrent  en  Angleterre 
pour  y  étouffer  le  pélagianisme , 
le  premier  étoit  légat  du  pape  saint 
Célestin.  Voyez  la  Chronique  de 
saint  Prosper.  Gildas  et  Bède  té- 
moignent que,  jusqu'à  l'arrivée  de 
saint  Augustin  et  de  ses  collègues  , 
les  Bretons  avoient  persévéré  dans 
la  communion  de  l'Eglise  cathoii- 


nouveaux  dogmes  introduits  dans 
l'Eglise  romaine,  etenseignés  parle 
moineAugustin,  le  culte  dessaints, 
le  purgatoire,  la  confession  auri- 
culaire, etc.  La  fausseté  de  ce  fait 
est  prouvée  par  le  témoignage  de 
Bède  et  de  Gildas;  le  premier  at- 
teste formellement  que  les  Bretons 
reconnurent  l'orthodoxie  de  la 
doctrine  de  saint  Augustin  :  tous 
deux  assurent  que,  depuis  la  con- 
version des  Bretons  ,  leur  foi  n'a- 
voit  reçu  aucune  atteinte  ,  sinon 
par  l'arianisme  et  le  pélagianisrae  ; 
mais  ces  deux  hérésies  firent  peu 
de  progrès  parmi  eux  ,  et  furent 
promptcment  étouffées. 

3.°  Quelques-uns  ont  dit  que 
le  missionnaire  Augustin  auroit 
beaucoup  mieux  fait  d'inspirer  aux 
Anglo-Saxons  des  remords  de  leurs 
usurpations ,  et  de  les  engager  à 
restituer  aux  Bretons  ce  qu'ils  leur 
avoient  enlevé.  A  cela  nous  répon- 
dons qu'une  conquête,  faite  de- 
puis cent  cinquante  ans  ,  ne  pou- 
voit  pas  donner  aux  Anglo-Saxons 
des  remords  fort  efficaces  ;  que 
quand  ils  en  auroient  eu ,  ils  ne 
pouvoient  pas  ressusciter  les  Bre- 
tons que  leurs  pères  avoient  mas- 
sacrés ,  ni  leur  rendre  ce  qui  leur 
avoit  été  pris.  Par  la  même  raison, 
ceux  qui  convertirent  les  Francs 
ne  les  engagèrent  point  à  restituer 
les  Gaules  aux  Bomains ,  et  ceux 
qui  avoient  converti  les  Romains  , 
ne  leur  imposèrent  point  l'obliga- 
tion de  faire  des  restitutions  à 
toutes  les  nations  de  l'univers. 
Mais  nos  moralistes  sévères  de- 
vroient  prouver  aux  Anglais  ac- 
tuels la  nécessité  de  dédommager 


ANG 

l«J  Américains  des  torts  qu'ils  leur 
ont  faits ,  et  surtout  de  réparer  les 
cruautés  horribles  que  l'avarice 
leur  a  fait  commettre  dans  les 
Indes. 

4."  Pour  exténuer  le  mérite  des 
travaux  de  saint  Augustin ,  l'on  a 
supposé  que  rien  n'étoit  plus  aisé 
que  de  convertir  au  christianisme 
les  Anglo-Saxons ,  puisque  la  reine 
Berthe  ,  épouse  d'Ethelbert ,  roi 
de  Kent,  étoit  chrétienne;  que 
tous  les  succès  d'Augustin  se  bornè- 
rent à  convertir  ce  petit  royaume. 
Malheureusement  ce  reproche  est 
contredit  par  un  autre  que  l'on  fait 
encore  à  ce  saint  missionnaire  :  on 
dit  qu'il  se  laissa  intimiderd'abord 
par  le  récit  que  lui  firent  les  évê- 

3ues  des  Gaules  de  la  difficulté 
e  convertir  les  Anglo-Saxons ,  de 
leur  férocité,  de  leur  perfidie,  de 
leurs  mœurs.  Ces  évcqufs  dévoient 
en  savoir  quelque  chose  ,  et  ces 
obstacles  sont  prouvés  par  les  té- 
moignages de  Gildas  et  de  Bède.  Il 
est  cependant  certain  que  le  chris- 
tianisme transforma  les  Anglo- 
Saxons,  les  civilisa,  leur  donna 
d'autres  mœurs,  leur  inspira  les 
plus  grandes  vertus  :  dans  la  suite, 
V Angleterre  fut  appelée  Vile  des 
saints.  Si  saint  Augustin  ne  con- 
vertit que  le  royaume  de  Kent ,  ses 
collègues  réussirent  de  même  dans 
le  reste  de  V Angleterre. 

5.0  L'onaécrit  qu'au  lieu  de  don- 
ner aux  Angl  o-Saxons  de  vraies  ver- 
tus, Augustin  et  ses  coopérateurs 
ne  leur  avoient  inspiré  que  la  bi- 
goterie, les  dévotions  minutieu- 
ses ,  le  goût  du  monachisme ,  etc.  ; 
que  jusqu'à  la  réformation  les 
Anglais  avoient  été  le  peuple  le 
plus  superstitieux  de  l'univers. 
Mais  il  y  a  encore  lieu  de  douter 
81,  depuis  la  bienheureuse  réforma- 
tion ,  les  Anglais  sont  radicalement 
guéris  de  toute  superstition.  Ceux 
qui  les  ont  observés  de  près  n'en 
conviennent  point  ;  nous  n'avons 
pas  moins  sujet  de  douter  si  leurs 

X. 


ANG 


I2() 


mœurs  «ont  plus  pures  et  leurs 
vertus  plus  héroïques  que  sous  le 
catholicisme  ;  de  l'aveu  de  leurs 
propres  écrivains ,  ils  ont  égalé 
dans  le  Bengale  les  cruautés  dont 
les  Espagnols  s'étoient  rendus  cou- 
pables en  Amérique  ,  et  il  ne  pa- 
roît  pas  qu'ils  soient  fort  scrupu- 
leux observateurs  du  droit  des  gens. 
Voyez  V Etat  civil ,  politique  et  com' 
merçant  du  Bengale  ,  par  M.  Bolts; 
le  Zend-Avesta,  t.  I,  i  .^^  partie  , 
p.  12  ;  les  Voyages  de  M.  Sonnerai, 
1.  I ,  CI.  Nous  voudrions  pou- 
voir oublier  que,  par  les  exploit» 
des  réformateurs,  les  plus  riches 
bibliothèques  de  V Angleterre  ont 
été  réduites  en  cendres,  afin  d'a- 
néantir tous  les  monuments  du 
papisme. 

Le  docteur  Leland  ,  quoique  an- 
glican zélé,  prétend  que  tous  le» 
vices  se  sont  introduits  parmi 
ses  compatriotes  avec  l'irréligion. 
L'auteur  de  VHistoire  des  établis- 
sements des  Européens  dans  les 
Indes  reconnoît  que  tous  les  prin- 
cipes de  probité ,  d'honneur  ,  d'a- 
mour du  bien  public  ,  sont  étouffés 
chez  les  Anglois  par  l'avidité 
qu'inspire  l'esprit  de  commerce  ; 
Richard  Steele  ,  dans  une  épître 
satirique  au  pape  Clément  XI, 
soutient  que  leur  fanatisme  est 
toujours  le  même.  «  Il  est  vrai, 
»  dit-il,  que  nous  n'avons  pas  au- 
»  jourd'hui  le  pouvoir  de  briller 
»  les  hérétiques,  conime  les  pre- 
»  miers  réformateurs  ;  notais  à  cela 
»  près  nous  employons  toujours 
»  les  mêmes  violences  ;  nous  per- 
»  sécutons  ,  nous  tourmentons, 
»  nous  emprisonnons  et  nous  rui- 
»  nons  tout  homme  qui  prétend 
»  en  savoir  plus  que  ses  supérieurs  ; 
»  et  plus  cet  homme  est  d'un  ca- 
»  ractère  irréprochable  ,  plus  nous 
»  croyons  qu'il  est  nécessaire  de  se 
»  servir  de  ces  sortes  de  rigueurs 
»  contre  lui....  Sur  la  fin  dejan- 
»  vier  et  au  commencement  de 
»  février,  on  nous  anime  cxtraordi  - 


i3o  ANG 

»  naîrement  les  uns  contre  les  au-  1 
M  très,  parce  qu'il  est  arrivé ,  il  y  a 
»  plus  de  soixante  ans  ,  que  nos 
»  ancêtres  étoient  de  grands  scélé- 
»  rats,  et  l'on  croit  qu'on  ne  sau- 
»  roit  trop  insister  sur  un  sujet  si 
»  beau  de  génération  en  généra- 
»  tion ,  et  que  l'on  devroit  même 
»  en  parler  depuis  le  commence- 
»  ment  de  l'année  jusqu'à  la  fin. 
»  Un  autre  sujet  d'enthousiasme 
»  est  le  danger  de  la  pauvre  Eglise, 
»  danger  qui  s'accroît  toujours  à 
»  mesure  que  le  crédit  et  les  es- 
>»  pérances  des  catholiques  aug- 
»  mentent.  J'ai  vu  le  temps  que 
•j)  la  figure  d'une  église  faite  de  car- 
»  ton ,  plantée  si  artificieusement 
»  au  bout  d'un  bâton  qu'elle  pa- 
»  roissoit  chanceler ,  représentoit 
)»  le  danger  de  noire  pauvre  Eglise  ; 
n  portée  d'un  air  triste  et  lugubre 
»  devant  un  vénérable  ecclésiasti- 
»  que ,  aux  élections  des  membres 
M  du  parlement,  elle  passoit  pour 
•k>  un  remède  souverain  contre  ses 
M  ennemis  ,  elle  avoit  la  vertu  de 
»  les  chasser  du  champ  de  bataille 
»  tout  confus.  J'ai  vu  même  que  le 
»  nom  à^ Eglise  ou  de  Haute-Eglise , 
»  prononcé  avec  emphase,  et  ré- 
»  pété  un  certain  nombre  de  fois, 
)>  a  pu  changer  l'air  et  la  voix  d'une 
»  naultitude  innombrable,  luidon- 
«  ner  un  aspect  hideux  etfarouche, 
»  agiter  les  cœurs,  faire  enfler  les 
»  veines  comnie  par  une  espèce  de 
»  frénésie.  J'ai  vu  en  même  temps 
»  que  ce  nonni  prononcé  d'un  air 
»  touchant  et  pathétique ,  les  yeux 
»  et  les  mains  vers  le  ciel,  a  pu 
»  changer  les  mensonges  en  véri- 
»  tés ,  un  scélérat  en  un  saint ,  et 
»  un  perturbateur  du  repos  public 
»  en  une  divinité  tutélaire.  JPar  un 
»  privilège  singulier ,  les  hommes 
»  attaqués  de  cette  maladie/)nt  ac- 
»  quisle  droit  de  pénétrer  lesju- 
»  gements  de  Dieu ,  et  de  les  appli- 
»  quer  à  leur  prochain  ;  s'il  arrive 
»  tin  fléau  de  la  nature,  ou  un  autre 
»  malheur   public  ,  ils    savent  à 


ANG 

»  point  nommé  pourquoi  Dieti 
i>  l'envoie,  quel  est  le  crime  qu'il 
»  a  dessein  de  punir;  et  ce  n'est 
»  jamais  contre  leurs  propres 
»  crimes  qu'il  est  irrité  ,  c'est 
»  toujours  contre  ceux  des  au- 
n  très,  etc. » 

Si  quelqu'un  s'est  laissé  séduire 
par  les  tableaux  pompeux  que  nos 
écrivains  modernes  nous  ont  faits 
des  heureux  effets  que  la  réforme  a 
produits  en  Angleterre ,  nous  l'in- 
vitons à  lire  un  ouvrage  intitulé  : 
La  Conversion  de  ^Angleterre  au 
christianisme ,  comparée  avec  sa 
prétendue  Reformations  in-8.°, 
Paris,  1729. 

Les  historiens  protestants  ont 
abusé  de  la  crédulité  de  leurs  lec- 
teurs ,  lorsqu'ils  ont  voulu  persua- 
der que  la  cause  du  schisme  de 
Y  Angleterre  ^  en  i533  ,  fut  l'auto- 
rité excessfvc ,  ou  plutôt  la  tyran- 
nie que  le  pape  exerçoit  sur  ce 
royaume  ;  cette  prétendue  cause 
n'avoit  pas  lieu  en  France  ni  dans 
les  pays  du  Nord,  et  l'hérésie  ne 
laissa  pas  de  s'y  établir.  Il  est  de 
toute  notoriété  que  la  cause  de  la 
rupture  fut  le  refus  que  fit  Clément 
"VIII  de  déclarer  nul  le  mariage 
d'Henri  VIII  avec  Catherine  d'A- 
ragon ,  et  d'accorder  à  ce  prince  la 
liberté  d'épouser  Anne  de  Boleyn , 
de  laquelle  il  étoit  épris  ;  puisqu'a- 
vant  d'avoir  conçu  cette  passion, 
Henri  VIII  avoit  écrit  lui-même 
contre  Luther  en  laveur  de  la  ju- 
ridiction et  de  l'autorité  du  pape. 
Les  moyens  dont  on  se  servit  en- 
suite pour  détruire  la  religion  ca- 
tholique en  Angleterre  ,  ne  furent 
pas  plus  légitimes  ni  plus  honnêtes 
que  le  motif  :  on  y  employa  l'im- 
posture, la  calomnie,  la  violence 
et  les  supplices.  M.  Bossuet  dans 
son  Hist.  des  Variai. ,  tom.  2, 1.  7, 
a  mis  ce  fait  dans  la  dernière  évi- 
dence ,  et  l'a  prouvé  par  le  propre, 
aveu  des  protestants  ;  aucun  d'eux 
ne  sera  jamais  en  état  de  le  con- 
vaincre de  faux.  lAuteur   de   la 


ANG 

Conversion  de  V Angleterre ,  etc. ,  a 
fait  de  même. 

Mosheim  ,  dans  l'impuissance 
de  contester  cette  vérité ,  est  cofn- 
venu  que  les  auteurs  de  cette  ré- 
volution agirent  souvent  d'une 
manière  violente  ,  téméraire  et 
précipitée;  que  plusieurs  de  ceux 
qui  y  eurent  part ,  agirent  plus  par 
passion  et  par  intérêt  que  par 
ïèle  pour  la  véritable  religion. 
Hist.  ecclés.  du  seizième  siècle  , 
sect.  I  ,  c.  4»  §  i4-  David  Hume, 
dans  son  Histoire  des  maisons  de 
Tudor  et  de  Stuart ,  a  posé  pour 
principe  que,  si  la  superstition 
est  le  caractère  de  la  religion  ro- 
maine, le  fanatisme  a  été  celui  de 
la  prétendue  réformation.  Le  tra- 
ducteur de  Mosheim ,  fâché  de  cet 
aveu,  a  voulu  prouver  le  con- 
traire, tom.  4  ?  P-  ^^^  ^l  suiv. 
Mais,  au  lieu  de  détruire  ce  fait,  il 
l'a  plutôt  confirmé,  puisqu'il  a  été 
forcé  d'avouer  que  \e  fanatisme  eut 
beaucoup  de  part  à  la  conduite  de 
plusieurs  de  ceux  qui  embrassèrent 
la  réformation ,  pag.  i44  '■>  <I^^  l'on 
abusa  souvent  de  la  liberté  qu'elle 
introduisit  ;  que  l'ardeur  des  pre- 
miers réformateurs  fut  plus  ou 
moins  violente  ,  plus  ou  mioins 
mêlée  avec  la  chaleur  et  la  vivacité 
des  passions  humaines,  p.  r46; 
que  le  zèle  des  réformateurs  fut 
quelquefois  excessif,  p.  i5o;  que 
peut-être  les  emportements  de 
Luther  furent  l'effet  de  son  ressen- 
timent et  de  l'ardeur  de  son  carac- 
tère, etc.  ,  p.  i53.  Ce  n'étoitdonc 
Ëas  la  peine  de  disputer  contre 
lavid  Hume  ,  puisque  l'on  se 
trouve  réduit  à  lui  accorder  ce 
qu'il  a  dit. 

La  question  est  de  savoir  si  des 
hommes  conduits  par  le  fanatisme, 
par  la  chaleur  des  passions,  par 
l'amour  de  la  nouveauté,  et  non 
de  la  vérité,  étoient  fort  propres 
à  réformer  l'Eglise  de  Dieu  ,  et  s'il 
est  probable  que  Dieu  ait  voulu  se 
servir  de  pareils  instruments.  Nous 


ANG  i-it 

verrons  dans  l'article  suivant  que. 
la  religion  anglicane  porte  encore 
l'empreinte  des  mains  qui  l'ont 
formée,  des  motifs  dont  ses  fon- 
dateurs furent  animés  ,  et  des 
moyens  dont  ils  se  servirent.  Une 
preuve  que  les  Anglois  n'étoient 
pas  fort  zélés  pour  la  vérité ,  c'est 
qu'ils  changèrent  trois  fois  de  re- 
ligion en  douze  ans.  A  la  mort 
d'Henri  VIII,  ils  tenoient  encore  a 
la  foi  catholique;  en  i547,  sous 
Edouard  VI  ,  ils  dressèrent  une 
profession  de  foi ,  moitié  luthé- 
rienne, moitié  calviniste  ;  sous  le 
règne  de  Marie,  en  i554,  ils  rede- 
vinrent catholiques  ;  en  i  SSg ,  sous 
le  règne  d'Elisabeth  ,  le  protestan- 
tisme fut  rétabli. 

Quoique  l'on  ait  répandu  des 
torrents  de  sang  pour  cimenter 
cette  religion  nouvelle,  il  s'en  faut 
beaucoup  qu  elle  ait  été  générale- 
ment adoptée  en  Angleterre  ;  pen- 
dant que  le  gouvernement ,  les 
grands  du  royaume  et  une  partie  de 
la  nation  embrassoient  ce  mélange 
de  luthéranisme  et  de  calvinisme, 
avec  quelques  foibles  restes  de  ca- 
tholicisme ,  que  l'on  nomme  la  re- 
ligion anglicane ,  une  autre  partie 
s'attachoit  aux  sentiments  de  Cal- 
vin, rejetoit  tout  le  reste,  et  for- 
moit  la  secte  de  ceux  que  l'on 
nomme  presbytériens  et  puritains  : 
ces  deux  factions  se  sont  fait  pen- 
dant long-tempsuneguerre  cruelle; 
et  si  l'une  des  deux  s'étoit  trouvée 
assez  forte,  elle  auroit  exterminé 
l'autre.  Après  bien  des  combats , 
elles  se  sont  reposées  par  lassitude, 
et  elles  ont  été  forcées  de  se  tolérer 
mutuellement. 

Dans  le  sein  de  ces  deux  sectes, 
il  s'en  est  formé  une  infinité  d'au- 
tres ,  comme  les  quakers  ou  trein- 
bleurs,  les  hernhutes  ou  frères 
moraves ,  les  méthodistes ,  les  ana- 
baptistes,les  sociniens,  les  brownis- 
tes  ou  indépendants,  etc.  Ainsi  le 
christianisme,  en  Angleterre,  est 
divisé  en  deux  partis  principaux  . 

9- 


,3i  ANG 

l'un  est  celui  des  épiscopaux ,  que 
l'on  &^-çt\\e.aiass\V Eglise  anglicane, 
ou  la  Haute-Eglise  ;  l'autre  ,  celui 
des  non-conformistes  ou  sépara- 
tistes,  qui  comprend  les  presbyté- 
riens, puritains  ou  calvinistes  ri- 
gides, et  toutes  les  autres  sectes 
dont  nous  venons  de  parler,  sans 
en  exclure  même  les  catholiques , 
qui  sont  encore  en  assez  grand 
nombre. 

En  1716,  plusieurs  Anglois  et 
quelques  Ecossois  avoient  formé 
un  concordat  entre  eux  pour  s'unir 
à  l'Eglise  grecque;  mais  ce  projet 
n'eut  aucune  suite.  Les  Grecs  n'y 
auroient  certainement  pas  con- 
senti, à  moins  que  les  anglicans 
n'eussent  changé  leur  croyance  sur 
un  très-grand  nombre  d'articles. 

Quoique  nos  écrivains  aient 
beaucoup  vanté  la  tolérance  établie 
dans  ce  royaume,  la  religion  catho- 
lique y  a  toujours  été  gênée  par  des 
lois  très-sévères.  Jusqu'à  nos  jours 
un  catholique  ne  pouvoit  posséder 
aucune  charge,  ni  entrer  au  par- 
lement, sans  avoir  prêté  le  serment 
Au.test,  par  lequel  on  abjuroit  le 
dogme  de  la  transsubstantiation  et 
de  la  juridiction  spirituelle  du 
pape.  Ce  serment  a  été  aboli  de- 
puis peu  par  un  décret  du  parle- 
ment ,  et  changé  en  un  simple  ser- 
ment de  fidélité,  qui  n'a  aucun 
rapport  à  la  religion  ;  mais  cette 
condescendance  du  gouvernement 
anglois  a  échaufiFé  la  bile  des  pu- 
ritains,  surtout  en  Ecosse,  où  ils 
sont  la  secte  dominante. 

Mosheim,  dans  son  Hist.'  eccl. 
du  dix-huitième  siècle ,  déplore  le 
nombre  des  incrédules  qui  ont  paru 
en  Angleterre,  et  les  effets  perni- 
cieux de  leurs  ouvrages  ;  il  prédit 
que  cette  contagion  pénétrera 
bientôt  dans  toutes  les  contrées 
de  l'Europe ,  surtout  dans  celles 
où  la  réformation  a  introduit  un 
esprit  de  liberté  :  il  étoit  aisé  en 
effet  de  le  prévoir.  Ce  sont  les 
Jéistes    anglois    qui  ont    été    les 


A]SG 

précepteurs  de  nos  philosophes 
antichrétiens ,  et  c'est  un  mauvais 
service  que  nous  ont  rendu  nos 
voisins  ;  il  ne  fait  pas  plus  d'hon- 
neur à  V Angleterre  qu'à  la  pré- 
tendue réformation. 

ANGLICAN.  On  appelle  reli- 
gion anglicane,  celle  qui  est  au- 
torisée en  Angleterre  par  les  lois, 
pour  la  distinguer  de  celles  qui 
y  sont  seulement  tolérées.  De  toutes 
les  communions  chrétiennes  non 
catholiques  ,  les  anglicans  sont 
ceux  qui  s'écartent  le  moins  de 
la  croyance  de  l'Eglise  romaine  ; 
ils  en  rejettent  cependant  un  grand 
nombre  d'articles  essentiels.  Aussi 
les  autres  protestants  leur  repro- 
chent de  pencher  toujours  au  pa- 
pisme, d'en  avoir  conservé  de  trop 
grands  restes ,  et  de  n'avoir  fait 
la  réforme  qu'à  moitié.  Il  n'est 
pas  toujours  aisé  aux  théologiens 
anglicans  de  se  défendre,  de  mon- 
trer pourquoi  ils  se  sont  arrêtés 
en  chemin,  pourquoi  ils  ont  re- 
tranché tel  article  et  en  ont  retenu 
tel  autre. 

Dans  la  révolution  qu'a  subie 
la  religion  en  Angleterre,  il  faut 
distinguer  quatre  époques  princi- 
pales. La  première  sous  Henri 
VIII,  lorsque  ce  prince,  pour  se- 
couer le  joug  du  saint  siège  et  de 
l'Eglise  romaine  ,  se  déclara  chef 
souverain  de  l'église  anglicane , 
et  défendit  de  reconnoître  aucune 
autorité  spirituelle  ou  temporelle 
que  la  sienne.  Il  ne  toucha  néan- 
moins ni  aux  autres  points  de  doc- 
trine, ni  au  culte  extérieur  établi 
dans  l'Eglise  catholique. 

La  seconde  sous  Edouard  VI , 
son  fils  et  son  successeur.  Après  que 
les  partisans  de  Luther  et  de  Calvin 
eurent  semé  leurs  erreurs  parmi  les 
Anglois ,  il  fut  décidé  par  acte 
du  parlement,  en  i547  ,  que  l'on 
réformeroit  la  discipline  ecclé- 
siastique et  la  forme  du  cul  te;  c'est 
ce  qui  fut  exécuté  ea  1 548  ;  mai» 


ANG 

on  ne  convint  pas  encore  d'un 
formulaire  de  doctrine,  ou  d'une 
profession  de  foi. 

La  troisième,  sous  la  reine  Ma- 
rie ,  sœur  d'Edouard  ,  et  qui  lui 
succéda  ;  cette  princesse,  zélée  ca- 
tholique ,  fit  casser ,  en  1 553 ,  l'acte 
f (recèdent,  et  fit  rétablir  le  catho- 
icisme. 

Enfin,  sous  la  reine  Elisabeth  , 
autre  fille  de  Henri  VIII,  quiavoit 
étéélevée  dans  les  opinions  des  pro- 
testants, le  parlement,  l'an  i559, 
renouvela  tout  ce  qui  avoitété  fait 
sous  Edouard  VI,  et  proscrivit  de 
nouveau  le  catholicisme.  Mais  la 
confession  de  foi  anglicane  ne  fut 
dressée  que  trois  ans  après  ,  dans 
un  synode  tenu  à  Londres  en  i562. 

On  la  trouve  dans  le  recueil  des 
confessions  de  foi  des  églises  réfor- 
mées, p.  99  ;  elle  contient  trente- 
neuf  articles.  Dans  les  cinq  pre- 
miers, l'onfait  profession  de  croire 
la  Trinité  ,  l'Incarnation  ,  la  des- 
cente de  Jésus-Christ  aux  enfers  , 
sa  résurrection  ,  la  divinité  du 
Saint-Esprit.  Dans  les  trois  sui- 
vants ,  on  reçoit  comme  canoni- 
ques tous  les  livres  du  nouveau 
Testament  ;  l'on  exclut  de  l'ancien 
les  livres  de  Tobie  ,  de  Judith  , 
une  partie  de  celui  d'Esther  ,  la 
Sagesse,  l'Ecclésiastique,  Baruch, 
quelques  chapitres  de  Daniel  ,  et 
les  deux  livres  desMachabées;  l'on 
décide  que  tout  ce  qui  n  est  pas 
contenu  dans  l'Ecriture  sainte 
n'est  point  nécessaire  au  salut. 
Dans  le  huitième  article ,  on  re- 
çoit le  symbole  des  apôtres,  celui 
du  concile  de  Nicée ,  et  celui  de 
saint  Alhanase. 

Déjà  l'on  peut  demander  aux  an- 
glicans pourquoi  ils  rejettent  ces 
livres  dans  l'ancien  Testament  , 
pendant  qu'ils  admettent  l'Epître 
de  saint  Jacques  ,  celle  de  saint 
Jude  et  l'Apocalypse,  que  les  cal- 
vinistes regardent  comme  apocry- 
phes, précisément  pour  les  mêmes 
raisons,  Lessocinieus  leur  soutien 


ANG  i33 

nent  que  ce  qui  est  contenu  dans 
le  symbole  de  saint  Athanase ,  ne 
peut  pas  être  prouvé  par  l'Ecri- 
ture sainte. 

Aussi,  dans  la  Gazette  de  France 
du  vendredi  7  mars  1786,  on  nous 
annonce  qu'une  bonne  partie  des 
Américains  anglicans  ont  retran- 
ché de  leur  office  le  symbole  de 
saint  Athanase ,  et  ont  ôté  de  ce- 
lui des  apôtres  :  il  est  descendu  aux 
enfers. 

Dans  le  neuvième  article  et  les 
suivants  ,  il  est  décidé  que  tous  les 
hommes  naissent  souillés  du  péché 
originel  ;  qu'ils  ont  cependant  un 
libre  arbitre  ,  mais  qu'ils  ne  peu- 
vent faire  aucunebonneœuvresans 
le  secours  prévenant  de  la  grâce  ; 
que  l'homme  est  justifié ;7ar  lajoi 
seule.  Ce  dernier  dogme  est  néan- 
moins formellement  contraire  à  ce 
que  dit  saint  Jacques,  c.  a  ;  et  les 
deux  articles  précédents  ne  sont 
point  admis  par  les  socinicns. 

Nous  ne  savons  pas  par  quel 
texte  de  l'Ecriture  sainte  on  peut 
prouver  que  toutes  les  œuvres  fai- 
tes sans  la  foi  en  Jésus-Christ  sont 
des  péchés  ,  article  1.^  ;  saint  Paul 
décide  le  contraire,  Rom.  ,  c.  a  , 
S-  i4-  O"  rejette,  article  i4,  les 
œuvres  de  surérogation  comme  une 
impiété,  en  donnant  un  sens  faux 
et  absurde  à  ce  terme.  Vojrez  Sur- 
érogation. 

L'article  16  porte  que  l'on  peut 
obtenir  la  rémission  des  péchés  par 
la  pénitence  ,  et  il  condamne  l'o- 
pinion de  l'inamissibilité  de  la  jus- 
tice soutenue  par  les  calvinistes. 
Le  17.*  admet  la  prédestination; 
mais  il  avertit  qu'il  n'y  faut  pas 
penser,  de  peur  detomber  dans  la 
présomption  ou  dans  le  désespoir. 
Le  18.'  décide  que  l'on  ne  peut  pa» 
être  sauvé  sans  connoître  Jésus- 
Christ. 

Selon  le  19.*  ,  l'Eglise  est  l'as- 
semblée des  fidèles  où  la  pure  pa- 
role de  Dieu  est  prcchée  ,  et  où  lea 
sacrements  sont  bien  administrés; 


ï34  ANG 

d'où  l'on  conclut  que  l'Eglise  ro- 
maine est  dans  l'erreur,  quant  au 
dogme,  à  la  morale  et  au  culte  ex- 
térieur. Cet  article  est-il  fort  es- 
sentiel au  salut  ?  est-il  clairement 
révélé  dans  l'Ecriture  sainte  ?  Sui- 
vant le  20.'  et  le  21.^,  l'Eglise  ne 
peut  rien  décider  ni  rien  établir 
que  ce  qui  est  porté  dans  l'Ecri- 
ture sainte  ;  les  conciles  ,  même 
généraux  ,  peuvent  se  tromper, 
et  se  sont  souvent  trompés  en 
effet. 

Le  22.^  rejette  la  doctrine  de 
l'Eglise  romaine  touchant  le  pur- 
gatoire, les  indulgences,  la  véné- 
ration et  V adoration  des  images, 
des  reliques,  et  l'invocation  des 
saints.  On  voit  bien  que  le  terme 
à^adoraiion  est  affecté  là  par  ma- 
lignité. 

Il  est  décidé  ,  dans  le  aS.^  ,  que 
la  mission  est  nécessaire  pour  prê- 
cher et  pour  administrer  les  sacre- 
ments ;  que  la  mission  est  légitime  , 
quand  elle  est  donnée  par  ceux  qui 
en  ont  le  pouvoir  ;  mais  on  ne  dit 
point  à  qui  cepouvoir  appartient  , 
si  c'est  au  roi  comme  chef  de  l'é- 
glise anglicane,  ou  si  c'est  au  cler- 
gé. Cet  article  étoit  délicat ,  il  est 
demeuré  indécis.  Le  2>^.^  veut  que 
la  liturgie  soit  célébrée  en  langue 
vulgaire. 

Les  sacrements  ,  selon  le  25.*  , 
sont  les  signes  efficaces  de  la  grâce  , 
parlesquelsDieu  excite  etconfirme 
notre  foi  en  lui  ;  il  n'y  en  a  que 
deux,  savoir,  le  baptême  et  la  cène. 
On  rejette  les  autres,  parce  que 
ce  ne  sont  pas  ,  dit-on,  des  signes 
visibles  institués  deDieu;  et  cepen- 
dant l'on  avoue  que  quelques-uns 
sont  une  imitation  de  ce  qu'ont  fait 
les  apôtres  ;  il  faut  donc  que  les 
apôtres  aient  fait  ce  que  Jésus- 
Christ  ne  leur  avoit  pas  comman- 
dé. Il  est  évident  que  cette  défini- 
tion des  sacrements  est  louche  et 
captieuse  ,  imaginée  dans  le  des- 
sein de  concilier  ,  s'il  étoit  pos- 
sible,  l'opinion    des    protestant? 


ANG 

avec  la  croyance   de   l'Eglise  ro- 
maine. 

Conséquemment  il  est  dit,  arti- 
cle 27  ,  que  le  baptême  n'est  pas 
seulement  un  signe  de  la  profession 
du  christianisme ,  mais  un  signe  de 
régénération  ,  le  sceau  de  notre 
adoption  ,  par  lequel  la  foi  est 
confirmée  et  la  grâce  augmentée  , 
par  la  vertu  de  l'invocation  divine. 
Mais  si  la  grâce  est  augmentée,  elle 
étoit  donc  déjà  dans  l'âme  dufidèle 
avant  le  baptême  ;  en  quel  sens  le 
baptême  est-il  une  régénération  ? 
Ce  même  article  veut  que  l'on  bap- 
tise les  enfants. 

Le  28.^  est  encore  plus  inintelli- 
gible. Il  porte  que  ,  pour  ceux  qui 
reçoivent  la  cène  avec  foi ,  le  pain 
que  nous  rompons  est  la  communi- 
cation du  corps  de  Jésus-Christ:  ei 
que  le  calice  bénit  est  la  communi- 
cation du  sang  de  Jésus-Christ  ;  ce 
sont  les  paroles  de  saint  Paul  ;  mais 
on  ajoute  que  le  corps  de  Jésus- 
Christ  est  donné ,  reçu  et  mangé 
seulement  d'une  manière  céleste  et 
spirituelle  ;  que  le  moyen  par  le- 
quel cela  se  fait  est  un  objet  de 
foi  ;  que  ceux  qui  n'ont  pas  une 
foi  vive  ne  sont  pas  participants  de 
Jésus-Christ  en  aucune  manière  , 
article  29.  Voilà  ce  que  saint  Paul 
n'a  pas  dit.  Ce  même  article  ré- 
prouve la  transsubstantiation  ,  et 
l'usage  de  garder,  de  porter,  d'é- 
lever et  d'adorer  le  sacrement  de 
l'Eucharistie;  et  le  3o.* décide  qu'il 
faut  communier  sous  les  deux  es- 
pèces. 

Les  rédacteurs  de  ces  articles  au- 
roient  voulu  trouver  un  milieu 
entre  l'opinion  des  luthériens  et 
celle  des  calvinistes  :  on  voit  com- 
ment ils  y  ont  réussi  ;  à  la  vérité 
les  luthériens  s'expriment  aujour- 
d'hui de  même.  Fb/es  Eucharistie. 
Dans  le  3i.',  ils  rejettent  la  doc- 
trine catholique  touchant  le  sa- 
crifice de  la  messe  ,  comme  un 
blasphème. 

Dans  le  32.*  }  il  est  décidé  qne 


ANG 

les  évcques  ,  les  prêtres  cl  les 
diacres  peuvent  se  marier  ;  dans 
le  33.*,  que  les  excommunications 
sont  valides  ;  dans  le  34.'  ,  que 
pour  le  bon  ordre  il  faut  se  con- 
former aux  usages  et  aux  céré- 
monies établies  par  autorité  pu- 
blique ,  mais  que  chaque  Eglise 
peut  les  instituer,  les  changer  ou 
les  abolir  à  son  gré. 

Le  35.^  donne  la  sanction  aux 
homélies  publiées  sous  Edouard  VI, 
et  le  36.*  au  pontifical  pour  les 
ordinations ,  rédigé  sous  le  même 
règne.  Le  Sy."  déclare  que  le  roi 
d'Angleterre  jouit  de  l'autorité  su- 
prême sur  tous  ses  sujets;  que  tous, 
même  les  ecclésiastiques  ,  doivent 
lui  être  soumis  dans  iouies  les 
causes,  et  qu'il  n'est  soumis  lui- 
même  à  aucune  juridiction  étran- 
gère ;  que  le  pape  n'a  aucune  ju 
ridiction  en  Angleterre.  On  ajoute 
cependant  que  l'on  ne  prétend  pas 
attribuer  au  roi  l'administration 
de  la  parole  de  Dieu  ni  des  sacre- 
ments ;  soit ,  on  lui  attribue  du 
moins  le  privilège  d'accorder,  de 
limiter,  ou  d'ôter  ce  pouvoirà  qui 
il  juge  à  propos. 

Les  articles  suivants  condamnent 
la  doctrine  des  anabaptistes  tou- 
chant les  peines  capitales,  la  guerre 
et  la  profession  des  armes  ,  la 
communauté  des  biens  et  les  ser- 
ments. 

Pour  peu  qu'un  théologien  soit 
instruit  et  sente  la  valeur  des 
termes,  il  voit  que  cette  confession 
de  foi,  dans  la  plupartdes articles, 
est  captieuse,  équivoque,  dictée 
par  l'intérêt  politique  et  par  les 
circonstances,  plus  propre  à  per- 
pétuer les  disputes  qu'à  les  éclair- 
cir.  Aussi  s'en  faut-il  beaucoup  que 
la  doctrine  ,  les  usages  ,  la  disci- 
pline des  anglicans  ,  soient  d'ac- 
cord avec  leur  confession  de  foi  ; 
et  cette  contradiction  leur  est 
continuellement  reprochée  par 
ceux  qu'ils  appellent  non-confor- 
mistes. Il  est  aisé  d'ailleurs  de  la 


ANG 


i35 


prouver  en  comparant  cette  con- 
fession de  foi  avec  le  plan  de  la 
religion  anglicane,  tel  qu'il  est 
tracé  dans  un  livre  intitulé  :  Begni 
Angliœ  sub  imperio  jReginœ  Elisa- 
bethœ  religio  ci  gubernaiio  ecclesias~ 
iica  ,  in  4-°,  Londini^iji^,  et  dé- 
dié à  Georges  II ,  pièce  authentique, 
s'il  en  fut  jamais. 

En  effet ,  suivant  les  20  et  21.* 
chapitres  de  la  confession  ,  l'Eglise 
ne  peut  rien  décider  et  rien  établir 
que  ce  qui  est  enseigné  dans  l'E- 
criture sainte;  les  conciles  même 
généraux  peuvent  se  tromper,  et 
se  sont  trompés  en  effet;  et  dans  le 
plan  de  religion  ,  i."  partie,  cha- 
pitre I,  on  fait  profession  de  re- 
cevoir comme  authentiques,  ou 
comme  faisant  autorité  ,  les  trois 
symboles,  les  quatre  premiers  con- 
ciles ,  les  sentiments  des  Pères  des 
cinq  premiers  siècles  ;  c.  4?  on 
dit  que  les  décrets  de  ces  conciles 
ont  été  acceptés  et  confirmés  par 
les  états  du  royaume  d'Angleterre. 
Ces  états  ont  donc  accepté  et  con- 
firmé des  décrets  de  conciles  qui 
ont  pu  se  tromper,  et  qui  se  sont 
trompés  en  effet. 

Chapitre  5  de  ce  même  plan , 
on  reconnoît  que  ce  sont  les  Pères 
des  cinq  premiers  siècles  qui  nous 
ont  désigné  les  livres  canoniques 
de  l'Ecriture,  qui  nous  ont  trans- 
mis l'histoire  ecclésiastique ,  et  qui 
ont  réfuté  les  hérésies  de  leur  temps. 
Mais  si  ces  Pères  se  sont  trompés, 
comment  sommes -nous  sûrs  du 
jugement  qu'ils  ont  porté  touchant 
le  nombre  des  livres  canoniques  ? 
Lescalvinistes  les  chargentde  mille 
erreurs  ,  et  les  anglicans  n'ont  pas 
pris  la  peine  de  les  justifier  ;  ils  ont 
laissé  ce  soin  aux  catholiques.  Cha- 
pitre 6,  on  déclare  que  les  héré- 
tiques doivent  être  punis  par  les 
censures  ecclésiastiques  et  par  les 
supplices  que  leur  infligent  les  lois 
civiles.  Mais  qui  a  droit  de  juger 
que  tel  homme  est  hérétique  ? 
On  ne  le  dit  pas  ,  et  nous  dcman- 


i36  ANG 

dons  vainemeut  comment  cela  s'ac- 
corde avec  la  prétendue  tolérance 
des  Anglois. 

Dans  le  chapitre  7  ,  les  catho- 
liques sont  accusés  de  se  dévouer  à 
Dieu  par  une  foi  non  écrite  :  d'a- 
dorer  ce  qu'ils  ignorent  dans  les 
reliques  ,  dans  les  hosties  ,  dans  les 
images ,  de  prier  dans  une  langue 
inconnue  ;  de  prier  les  saints  plus 
souvent  que  Jésus-Christ  ;  de  se 
prosterner  devant  les  images  ;  de 
retrancher  la  moitié  de  l'Eucha- 
ristie ;  d'avoir  inventé  la  trans- 
substantiation ,  le  purgatoire ,  le 
mérite  des  bonnes  œuvres  ;  de  re- 
nouveler le  sacrifice  de  Jésus- 
Christ  pour  les  vivants  et  pour  les 
morts  ;  de  prétendre  que  l'Eglise 
romaine  a  de  droit  divin  la  juri- 
diction sur  toutes  les  autres.  Sans 
relever  la  manière  captieuse  dont 
plusieurs  de  ces  articles  sont  repré- 
sentés ou  travestis ,  il  n'enestaucun 
que  nous  ne  prouvions  par  le  sen- 
timent des  conciles  et  des  Pères  des 
cinq  premiers  siècles  :  les  luthé- 
riens et  les  calvinistes  n'en  dis- 
conviennent pas  ,  mais  ils  disent 
que  cela  ne  suffit  pas  sans  l'Ecri- 
ture sainte.  Voilà  un  point  de  dis- 
pute sur  lequel  nos  adversaires  ne 
s'accorderont  jamais. 

Cependant ,  chapitre  8  ,  les  an- 
glicans font  profession  d'être  unis 
à  toutes  les  églises  protestantes  et 
à  toutes  les  églises  chrétiennes  ; 
nous  voudrions  savoir  en  quoi 
peut  consister  cette  union,  quand 
on  n'a  ni  la  même  foi ,  ni  le  même 
culte  ,  ni  la  même  discipline. 

Outre  la  liturgie  a/?g-/ica«e,  que 
l'on  peut  voir  dans  lePère  Lebruu , 
Explicat.  des  cérém.  de  la  Messe , 
tom.  7  ,  p.  53  ,  les  anglicans  ont 
conservé  l'office  ecclésiastique  du 
raiatin  et  du  soir  ,  les  psaumes  ,  les 
cantiques  ,  les  leçons  ,  la  confes- 
sion générale  des  péchés  et  l'abso- 
lution ,  la  doxologie  ,  les  alléluia  , 
le  TeDeurn ,  le  symbole  des  apôtres 
et  celui  de  saint  Athanase    les  lita- 


ANG 

nies  ,  desquelles  ils  ont  retranché 
les  noms  des  saints  ,  c.  la  et  suiv. 
Ils  administrent  le  baptême  comme 
dans  l'Eglise  romaine  ,  mais  sans 
exorcismes  et  sans  onctions  ;  leurs 
éveques  donnent  la  confirmation 
par  l'imposition  des  mains  avec 
une  prière.  Dans  l'office  des  morts, 
ils  demandent  à  Dieu  de  ne  pas 
nous  livrer  aux  supplices  éternels , 
et  d'accorder  à  tous  les  fidèles  la 
félicité  du  corps  et  de  l'âme  ;  ils 
disent  la  prière,  Kyrie  ,  eleïson. 

Dans  la  seconde  partie  de  ce 
plan ,  le  gouvernement  ecclésias- 
tique d'Angleterre  est  représenté 
en  seize  tables.  La  première  attribue 
au  roi  l'autorité  suprême  dans 
toutes  les  matières  ecclésiastiques , 
et  beaucoup  plus  de  pouvoir  que 
nous  n'en  donnons  au  pape.  La 
seconde  et  les  suivantes  règlent  le 
pouvoir  ,  les  fonctions  ,  la  juri- 
diction des  archevêques  et  des 
évêques  ;  il  y  est  question  de  bé- 
néfices en  titre  et  des  différentes 
espèces  de  biens  ecclésiastiques. 

La  troisième  partie  établit  la  dis- 
cipline qui  regarde  les  simples  fi- 
dèles ,  les  fêtes,  les  jeûnes,  l'abs- 
tinence. Nous  y  voyons  PàqvLcs  , 
la  Pentecôte,  la  Trinité,  tous  les 
dimanches  ,  la  Circoncision  de 
Notre  -  Seigneur  ,  l'Epiphanie  , 
l'Annonciation  ,  l'Ascension  , 
Noël ,  la  Toussaint  ,  les  fêtes  des 
apôtres  ,  des  évangélistes  ,  de  saint 
Jean-Baptiste  ,  de  saint  Etienne  , 
des  Innocents.  On  nous  avertit  que 
tous  ces  jours  sont  consacrés  à 
Dieu  seul  ,  comme  si  quelqu'un 
avoit  jamais  enseigné  le  contraire. 
On  y  conserve  le  carême,  les  jeii- 
nes  des  vigiles ,  l'abstinence  des 
vendredis  et  samedis ,  les  quatre- 
temps ,  les  rogations  ;  mais  l'on 
comprend  que  les  anglicans  ne 
sont  pas  fort  scrupuleux  sur  tou- 
tes ces  observances;  l'exemple  des 
autres  sectes  qui  les  méprisent  a 
prévalu  sur  la  règle.  Dans  les  ca- 
thédrales il  y  a  des  lecteurs ,  àts^ 


AJNG 

chantres  ,  àes  vicaires  ,  des  cha- 
noines, un  sous-doyen,  un  tréso- 
rier, un  chancelier,  un  préchan- 
tre ,  un  doyen.  Mais  les  synodes 
provinciaux  ne  peuvent  rien  sta- 
tuer que  sous  l'autorité  du  roi. 

Ainsi ,  en  conservant  un  certain 
extérieur  de  religion  ,  et  en  défigu- 
rant la  doctrine  catholique  ,  les 
réformateurs  anglicans  ont  fasciné 
les  yeux  du  peuple,  et  l'ont  en- 
traîné dans  le  schisme  ;  les  enne- 
mis   du     clergé    d'Angleterre    ne 
cessent  de  lui  insulter  à  ce  sujet. 
Si  d'un  côté  les  anglicans  sou- 
tiennent que  l'Ecriture  sainte  est 
la  seule  règle  de  foi,  de  l'autre  ils 
s'attribuent  le  droit  de  l'interpré- 
ter et  d'en   fixer  le  vrai  sens.  «  Il 
i>  n'y  a ,  dit  Richard  Steele  à  Clé- 
»  ment  XI,  d'autre  différence  en- 
»  tre   vous  et  nous ,  par  rapport 
»  aux  fondements  de  la  doctrine  , 
»  de  la  hiérarchie,  du  culte  et  de 
»  la  discipline  ,  que  celle-ci  :  c'est 
»>  que  vous  ne  sauriez  errer   dans 
»  vos  décisions ,  et  que  nous  n'er- 
»  rons    jamais;   c'est-à-dire,   en 
»  d'autres  termes,  que  vous  êtes 
»  infaillible  ,   et  que  nous  avons 
»  toujours  raison....  Ainsi,  le  sy- 
»  nodedeDordrecht  (dont  les  dé- 
»  cisLons  sûres   et   certaines  sont 
»  célébrées  tous  les  trois  ans  dans 
»  ce  pays-là  par  un  jour  solennel 
i)  d'actions  de  grâces  )  ;  ainsi ,  les 
M  synodes    nationaux    des    églises 
»  réformées  en  France,  l'assemblée 
»  générale    de    l'église    presbyté- 
»>  rienne  en  Ecosse  ,  et ,  si  j'ose  la 
M  nommer ,    la     convocation     du 
»  clergé  d'Angleterre  ,  ont  tous  eu 
»  également  cette  autorité  incon- 
»  tcstable  que  votre  Eglise  s'attri- 
»  bue ,  et  les  peuples  ont  été  obli- 
»>  gés  d'obéir  à  leurs  décrets  avec 
»  autant  de  soumission  que  l'on  en 
i>  a  parmi  vous  pour  ce  qui  part 
I)  d'une  infaillibilité  absolue...  En 
»  même  temps  que  nous  soutenons 
»  avec  chaleur  ,  contre  vos  con- 
V.  trovcrsistes  ,  que  les  peuples  ont 


ANG  137 

»  droit  d'examiner  et  d'éplucher 
»  eux-mêmes  les  Ecritures,  nous 
»  avons  soin  de  leur  inculquer, 
»  dans  nos  instructions  particu- 
»  Hères  ,  qu'ils  ne  doivent  pas 
»  abuser  de  ce  droit ,  qu'ils  ne 
»  doivent  pas  prétendre  être  plus 
»  sages  que  leurs  supérieurs ,  et 
»  qu'il  faut  qu'ils  s'étudient  à  en- 
»  tendre  les  textes  particuliers 
»  dans  le  même  sens  que  l'Eglise 
»  les  entend  ,  et  que  leurs  guides, 
»  qui  ont  Vautorité  interprétative, 
»  les  expliquent.  Nous  réussissons 
»  aussi-bien  par  cette  méthode, que 
»  si  nous  défendions  la  lecture  de 

»  l'Ecriture  sainte Et  quoique, 

»  par  nos  paroles  ,  nous  conser- 
»  vions  à  l'Ecriture  sainte  toute  sa 
»  dignité  ,  nous  avons  cependant 
»  l'adresse  d'y  substituer  réelle- 
»  ment  nos  propres  explications 
»  et  des  dogmes  tirés  de  nos  ex- 
»  plications  ,  etc.  »  Ainsi  en  agis- 
sent toutes  les  sectes  protestantes. 
Thomas  Gordon  leur  fait  le  mê- 
me reproche  ,  Esprit  du  Clergé , 
p.  42. 

En  second  Heu,  selon  le  même 
principe ,  les  anglicans  n'admet- 
tent point  l'autorité  de  la  tradi- 
tion ;  mais ,  dans  leurs  disputes 
avec  les  puritains  et  avec  les  soci- 
niens,  ils  sont  forcés  d'employer 
le  témoignage  des  Pères  ou  la  tra- 
dition ,  pour  montrer  le  sens  des 
passages  que  ces  sectaires  enten- 
dent comme  il  leur  plaît.  Un  théo- 
logien anglican  a  très-bien  réfuté 
le  livre  deDaillé,  De  vero  usu  Pa~ 
irum.  C'est  principalement  par  la 
tradition  qu'ils  soutiennent  l'in- 
stitution divine  de  l'épiscopat  ,  la 
supériorité  des  évêques  sur  les  sim- 
ples prêtres ,  l'usage  apostolique 
du  carême,  etc.  Ainsi  ,  ils  se  fon- 
dent sur  la  tradition  lorsqu'elle 
leur  est  favorable;  ils  l'abandon- 
nent lorsque  nous  nous  en  servon» 
our  leur  prouver  les  dogmes  ca- 
oliques  auxquels  ils  ont  re- 
noncé. 


pOi 

fh( 


i38  ANG 

En  troisième  lieu,  il  en  est  de 
même  de  la  mission  et  de  la  suc- 
cession des  pasteurs.  Vous  nepou- 
vez,  leur  dit- on  ,  tenir  cette  suc- 
cession et  cette  mission  que  des 
pasteurs  de  l'Eglise  romaine;  s'ils 
ont  été  capables  de  vous  la  trans- 
mettre ,  à  plus  forte  raison  l'ont- 
ils  conservée  pour  eux  :  les  fidèles 
leur  doivent  donc  la  même  doci- 
lité que  vous  exigez  pour  vous- 
mêmes;  ils  sont  donc  aussi  assurés 
de  leur  salut  en  écoutant  les  pas- 
teurs catholiques ,  qu'en  vous 
écoutant  vous-mêmes.  Où  étoit 
donc  pour  eux  la  nécessité  de 
faire  un  schisme  pour  vous  suivre? 
Vous  dites  que  la  doctrine  des 
pasteurs  catholiques  est  fausse  ; 
mais  ils  soutiennent  que  c'est  la 
vôtre:  le  simple  fidèle  doit  plutôt 
les  croire  que  vous  ;  il  doit  pré- 
sumer que  la  mission  est  plutôt 
chez  eux  qui  sont  le  tronc  que 
chez  vous  qui  n'êtes  que  les  bran- 
ches ,  et  que  la  vérité  réside  dans 
la  source  plutôt  que  dans  le  ruis- 
seau qui  en  vient.  C'est  encore 
l'objection  que  leur  fait  Gordon  , 
pag.  Sa.  Aujourd'hui  les  mécréants 
anglois  font  à  leur  clergé  les  mê- 
mes reproches  que  les  réforma- 
teurs ont  faits  à  celui  de  l'Eglise 
romaine ,  lorsqu'ils  lui  ont  con- 
testé le  droit  d'enseigner  ,  et  qu'ils 
s'en  sont  séparés. 

En  quatrième  lieu  ,  Gordon 
prouve,  parles  actes  les  plus  so- 
lennels du  parlement  d'Angleterre, 
que  l'Eglise  anglicane  ,  sa  consti- 
tution ,  son  clergé  ,  tous  les  ■pou- 
voirs et  les  privilèges  de  celui-ci , 
sont  l'ouvragede  la  puissance  civile, 
et  qu'il  tient  tout  d'elle;  que  tous  ses 
membres  l'ont  ainsi  reconnu,  et  se 
sont  obligés  par  serment  à  le  sou- 
tenir ainsi  ;  que  ces  mêmes  actes 
attribuent  au  roi  iout  pouvoir 
ft  toute  autorité  tant  ecclésiastique 
que  civile  ,  le  droit  de  réformer 
et  de  corriger  toutes  les  erreurs  , 
les  hérésies  et  les  abus  ;  qu'en  con- 


ANG 

séquence  c'est  la  puissance  civile 
qui  a  donné  la  sanction  au  livre 
de  la  liturgie  ,  au  rituel  et  à  la  for- 
mule d'ordination  pour  les  minis- 
tres de  l'Eglise.  Il  dit  que,  dans  le 
temps  de  la  réforme ,  l'archevêque 
Cranmer  avouoit  que  l'ordination 
des  éveques  n'étoit  qu'une  insti- 
tution civile ,  par  laquelle  on 
parvenoit  à  un  office  ecclésias- 
tique ;  aucun  membre  du  clergé 
anglican  n'auroit  alors  osé  soute- 
nir le  contraire.  Tous  furent  for- 
cés de  jurer  et  de  signer  cette  doc- 
trine ,  p.  52  et  106;  autrement, 
en  vertu  de  l'arrêt  du  parlement 
de  i547  ,  ils  auroient  été  punis 
comme  criminels  de  lèse- majes- 
té. David  Hume ,  iFfii'/.  de  la  mai- 
son de  Tudor  ,  an  i547  5  Heylin, 
Burnet,  etc. 

C'est  donc  contre  toute  vérité 
qu'il  est  dit  dans  la  confession  de 
foi  anglicane  que  l'on  n'attribue 
point  au  roi  le  pouvoir  d'admi- 
nistrer la  parole  de  Dieu  et  les 
sacrements.  Si  le  roi  n'a  pas  ce 
pouvoir,  comment  peut-il  le  don- 
ner ?  Corriger  les  erreurs  et  les 
hérésies,  approuver  la  liturgie  et 
le  rituel,  prescrire  les  formules  de 
prières  et  d'ordinations,  n'est-ce 
donc  pas  administrer  la  parole  de 
Dieu  ?  C'est  encore  une  absurdité 
de  nommer  mission  une  institution 
purement  civile  ,  et  hiérarchie  ou 
pouvoir  sacré  ,  un  pouvoir  émané 
de  l'autorité  civile.  Les  apôtres 
ont  prétendu  tenir  leur  mission 
et  leurs  pouvoirs,  non  des  puis- 
sances de  la  terre,  mais  de  Jé- 
sus-Christ ;  par  l'imposition  des 
mains  ,  ils  ont  voulu  donner 
une  grâce  et  une  autorité  spiri- 
tuelle et  surnaturelle,  et  non  un 
office  civil.  Saint  Paul  dit  aux 
évêques  qu'ils  ont  été  établis,  non 
par  les  princes  et  les  magistrats  , 
mais  par  le  Saint-Esprit,  pour 
gouverner  l'Eglise  de  Dieu.  ^ct.  , 
c.  20,  y/'.  28.  Le  pouvoir  de  re- 
mettre  les  péchés  ,  de  lier  et  de 


ANG 

délier  dans  le  ciel  et  sur  la  terre, 
nue  Jésus-Christ  a  donné  à  ses 
apôtres,  n'est  certainement  pas 
un  pouvoir  civil.  Le^  théologiens 
anglicans  nomment  avec  emphase 
les  droits  divins  de  l'épiscopat,  et 
ils  font  dériver  ces  droits  et  cette 
dignité  de  la  puissance  royale  : 
ces  droits  ne  sont  donc  pas  plus 
divins  que  ceux  d'un  juge, d'un  offi- 
cier militaire  ou  d'un  financier  ; 
tous  ces  droits  sont  de  mênie  na- 
ture ,  puisqu'ils  sont  émanés  de 
la  même  source. 

Aussi  le  concile  de  Trente  a  dé- 
cidé que  ceux  qui  ont  été  appelés 
et  institués  au  ministère  ecclésias- 
tique par  le  peuple,  par  la  puis- 
sance séculière  ,  ou  qui  s'y  sont 
ingérés  d'eux-mêmes,  ne  sont  point 
de  vrais  ministres  de  l'Eglise,  mais 
des  voleurs  et  des  usurpateurs  , 
sess.  23,  c.  4- 

Si  le  Père  LeCourrayer,  géno- 
véiain  ,  réfugié  en  Angleterre  , 
a  voit  été  mieux  instruit,  probable- 
ment il  n'auroit  pas  entrepris,  en 
1723  et  1726  ,  de  soutenir  la  vali- 
dité des  ordinations  anglicanes. 
Cette  question  en  renferme  deux  , 
l'une  de  fait ,  l'autre  de  droit.  La 
question  de  fait  est  de  savoir  si 
Matthieu  Parker  ,  prétendu  ar- 
chevêque de  Cantorbéry,  et  tige  de 
tout  l'épiscopat  d'Angleterre,  a 
reçu  ou  n'a  pas  reçu  l'ordination 
épiscopale,  par  conséquent  s'il  a 
pu  ou  n'a  pas  pu  ordonner  vali- 
dement  d'autres  évêques.  La  ques- 
tion de  droit  est  de  savoir  si  la 
forme  d'ordination  ,  prescrite  par 
le  rituel  anglican  dressé  sous 
Edouard  VI ,  et  encore  actuelle- 
ment suivie,  est  valide  ou  non. 

Sur  la  première  question,  il  faut 
savoir  que  ,  depuis  l'an  iSSg  , 
époque  de  la  consommation  du 
schisme  de  rAnglelcrre,  sous  la 
reine  Elisabeth,  non- seulement 
les  Anglois  catholiques  ,  mais  les 
presbytériens  et  les  autres  non- 
conformistes      ont   constamment 


ANG  ,3<) 

soutenu  aux  anglicans,  que  l'épis- 
copat ne  subsistoitplus  parmieux, 
que  Parker  n'a  jamais  été  valide- 
ment  ordonné  ,  puisque  Barlow  , 
évêque  de  Saint-David  ,  et  ensuite 
de  Chichester  ,  prétendu  consé- 
crateur  de  Parker  ,  ne  l'avoit  pas 
été  lui-même.  Plusieurs  ont  posé 
des  faits  ,  desquels  il  résulte  qu'il 
n'a  pu  l'être  ;  quelques-uns  ont 
avancé  qu'il  avoit  ordonné  Parker 
dans  une  auberge  de  Londres.  On 
sait  d'ailleurs  que,  selon  la  doc- 
trine établie  pour  lors,  le  brevet 
de  la  reine  donnoit  le  pouvoir 
épiscopal ,  sans  qu'il  fût  besoin 
d'ordination. 

Pour  prouver  le  contraire ,  Le 
Courrayer  a  soutenu  ,  i.°  que 
Barlow  avoit  été  réellement  sacré 
évêque ,  puisqu'il  avoit  assisté  en 
cette  qualité  aux  assemblées  du 
parlement  sous  Henri  VIII;  mais 
cela  prouve  seulement  que  l'on 
présumoit  son  ordination.  D'ail- 
leurs un  homme  simplement 
nommé  à  un  évêché  pouvoit  as- 
sister au  parlement  sans  avoir  en- 
core été  ordonné.  2.°  Qu'il  n'est 
pas  vrai  que  Barlow  ait  été  ab- 
sent et  en  Ecosse  dans  le  temps 
auquel  on  suppose  qu'il  a  été  or- 
donné; que  ,  quoique  l'on  n'ait 
pas  pu  retrouver  l'acte  de  son  or- 
dination,ce  n'estqu'une  preuve  né- 
gative. Mais  cette  preuve  est  deve- 
nue très-positive ,  par  l'affirmation 
constante  de  ceux  qui  ont  pu  sa- 
voir s'il  avoit  été  sacré  ou  non  • 
3.°  Que  la  prétendue  consécration 
de  Parker  dans  une  auberge  est  une 
fable.  Cela  peut  être;  mais  le  fait 
est  très-analogue  à  la  manière  de 
penser  des  auteurs  qui  regardoient 
le  sacre  des  évêques  comme  une 
momerie.  4-°  Que  Parker  a  été 
réellement  sacré  à  Lambeth  le  17 
décembre  iSSg  ,  par  Barlow,  as- 
sisté de  Jean  Scory  ,  élu  évêque 
d'IIéreford  ,  de  Miles  Coverdale  , 
.'incic4i  évêque  d'Excestcr ,  et  de 
Jean    Iloogskins   ,    suffragant    de 


i4o  ANG 

Bedfford.    On  produit    l'acte    de 
cette  consécration. 

Mais  en  1727  lePèreHardouin, 
et  en  1730  le  Père  Le  Quien  ,  do- 
minicain ,  ont  réfute  Le  Cour- 
rayer;  ils  ont  fait  voir  que  la  plu- 
part des  actes  et  des  titres  qu'il  a 
cités  ,  en   particulier  l'acte   de  la 

E rétendue  ordination  de  Parker  à 
ambelh,  sont  faux,  supposés  ou 
altérés  ;  qu'ils  ont  été  forgés  pos- 
térieurement à  l'an  i55g,  pour  sa- 
tisfaire aux  reproches  que  les  catho- 
liques faisoient  aux  anglicans  tou- 
chant la  nullité  de  leur  épiscopat; 
que  Le  Courrayer  a  tronqué  de 
mauvaise  foi  les  passages  de  plu- 
sieurs auteurs.  Us  ont  prouvé  , 
par  de  nouveaux  témoignages ,  que 
ni  Barlow  ni  Parker  n'ont  jamais 
été  ordonnés  évêques  ;  que  l'un  et 
l'autre  étoient  trés-persuadés  qu'ils 
n'avoient  pas  besoin  d'ordination. 
Le  Courrayer  n'a  rien  eu  à  répli- 
quer de  solide. 

Sur  la  question  de  droit,  ou  sur 
la  validité  de  l'ordination  pres- 
crite par  le  rituel  d'Edouard  VI, 
Le  Courrayer  a  soutenu  qu'elle  est 
bonne  et  suffisante  ,  i.°  parce 
qu'elle  consiste  dans  l'imposition 
des  mains  jointe  à  une  prière  ; 
3  °  qu'il  y  est  fait  mention  du  sacer- 
doce et  du  sacrifice  ,  du  moins  in- 
directement ;  3.°  que  les  erreurs 
particulières ,  soit  du  consécrateur 
soit  de  l'élu  ,  ne  font  rien  à  la  va- 
lidité de  la  cérémonie  ;  4-°  ^^le 
V ordinal  on  le  rituel  d'Edouard  VI 
a  été  dressé  par  des  éveques  et  par 
des  théologiens ,  et  qu'il  a  été  seu- 
lement autorisé  par  le  roi. 

Pour  savoir  à  quoi  nous  en  tenir, 
il  faut  examiner  la  cérémonie  telle 
qu'elle  est  prescrite  par  ce  rituel, 
i.o  L'on  commence  par  lire  le 
brevet  du  roi,  qui  porte  :  Nous 
nommons  ,  faisons ,  ordonnons  , 
créons  et  établissons  un  tel ,  évêque 
de  tel  siège.  2.°  L'on  fait  prêter  à 
l'élu  un  serment  conçu  en  ces  ter- 
me* :  «  J'atteste  et  je  déclare  sur 


AJNG 

»  ma  conscience  que  le  roi  est  le 
»  seul  gouverneur  suprême  de  ce 
»  royaume  ,  tant  dans  les  choses 
»  spirituelles  ou  ecclésiastiques  que 
»  dans  les  temporelles,  et  qu'au- 
»  cuu  autre  prince  ou  prélat 
»  étranger  n'y  a  aucune  juridic- 
»  tion  ,  pouvoir  ,  ni  autorité  ec- 
»  clésiastique  ou  spirituelle.  » 
3.0  L'évêque  consécrateur  demande 
à  l'élu  s'il  a  été  appelé  à  l'admi- 
nistration de  l'épiscopat  suivant 
la  volonté  de  Jésus -Christ,  et 
suivant  les  constitutions  du  royau- 
me ,  et  s'il  est  dans  la  volonté 
d'en  remplir  les  devoirs.  4.°Après 
les  réponses  de  l'élu  ,  le  consé- 
crateur lui  met  la  main  sur  la  tête  , 
et  prononce  celte  prière  :  «  Que 
»  Dieu  tout-puissant ,  qui  vous  a 
»  donné  cette  volonté  ,  vous  ac- 
»  corde  encore  les  forces  et  la  fa- 
»  culte  de  faire  efficacement  toutes 
»  ces  choses  ,  de  manière  qu'il 
»  achèveenvous  son  ouvrage,  qu'il 
>>  vous  trouve  innocent  et  sans 
»  tache  au  dernier  jour,  par  Jé- 
»  sus-ChristNotre-Seigneur. Ainsi 
»  soit-il.  » 

Or ,  on  a  soutenu  contre  Le 
Courrayer,  et  nous  soutenons  en- 
core que  cette  formule  est  nulle  et 
insuffisante.  i.°  Loin  de  faire  au- 
cune mention  directe  ou  indirecte 
du  sacrifice  ni  du  sacerdoce,  elle 
a  été  faite  exprès  pour  en  exclure 
formellement  ces  notions,  puisque 
l'art.  3i  de  la  confession  de  foi 
anglicane  les  rejette  comme  un 
blasphème.  2.°  Que  demande  le 
consécrateur  pour  l'élu  ï  Que  Dieu 
lui  donne  la  volonté  de  remplir  les 
devoirs  de  l'épiscopat  ,  selon  les 
constitutions  du  royaume  ;  vaine- 
ment il  ajoute,  selon  la  volonté  de 
Jésus-Christ,  puisque  la  constitu- 
tion du  royaume  touchant  l'épis- 
copat, est  formellement  contraire 
à  la  volonté  de  Jésus-Christ  :  l'une 
de  ces  choses  exclut  l'autre.  3.°  Il 
n'est  pas  une  fonction  civile  pour 
laquelle  on  ne  puisse  faire  la  même- 


ANG 

brîère  en  faveur  de  celui  qui  y  est 
installe  :  elle  n'a  donc  rien  de  sacré 
ni  de  sacramentel.  4-°  Les  erreurs 
particulières  du  consécrateur  ou 
de  l'élu  ne  leroient  rien  à  la  vali- 
dité de  la  cérémonie,  si  d'ailleurs 
elle  n'exprimoit  pas  formellement 
ces  erreurs  ;  mais  ici  les  erreurs 
anglicanes  sont  formellement  ex- 
primées par  le  brevet  du  roi , 
par  le  serment  de  l'élu ,  par  les 
interrogations  du  consécrateur,  et 
par  la  prière  qui  y  est  relative  : 
c'est  le  total  de  la  cérémonie  qui 
détermine  le  sens  de  la  formule. 
5.°  Il  n'est  pas  question  de  savoir 
quia  dressé  le  rituel  d'Edouard VI, 
mais  qui  lui  a  donné  la  sanction, 
l'autorité,  la  force  de  loi:  or,  selon 
la  déclaration  formelle  de  tout  le 
clergé  d'Angleterre ,  c'est  le  roi  et 
le  parlement.  Les  évêques  et  les 
théologiens  qui  y  ont  travaillé  , 
étoient  de  simples  commission- 
naires ,  incapables  de  donner  à 
leur  ouvrage  aucune  autorité;  ils 
étoient  d'ailleurs  hérétiques  ,  et  ils 
y  ont  expressément  professé  leur 
hérésie.  6.»  Ceux  qui  ont  réfuté 
Le  Courrayer  ,  ont  fait  voir  qu'en 
soutenant  la  validité  de  cette  for- 
mule ,  il  est  tombé  dans  plusieurs 
erreurs  grossières  et  dans  des  hé- 
résies proscrites  par  le  concile  de 
Trente  et  par  l'Eglise  catholique. 
En  effet,  trente-sept  de  ses  propo- 
sitions ont  été  condamnées  par 
l'assemblée  du  clergé  de  France , 
le  22  août  1727,  comme  fausses, 
erronées  et  hérétiques.  7.°  Le 
Courrayer  a  posé  en  fait  que  ,  dans 
l'Eglise  grecque  ,  l'ordination  des 
prêtresse  fait  par  la  seule  imposi- 
tion des  mains  ,  avec  la  prière  ;  il 
cite  le  Traité  des  ordinations  du  Père 
Marin,  et  le  PèreHardouinl'avoit 
supposé  ainsi  ;  mais  il  est  certain 
que ,  chez  les  Grecs ,  l'éveque ,  assis 
devant  l'autel ,  met  la  main  sur  la 
tcte  de  l'ordînand,  et  lui  applique 
le  front  contre  l'autel  chargé  des 
vases  pleins ,  en  récitant  la  for- 


ANG  ,/f, 

mule  ;  ainsi  la  porrection  des  in- 
struments est  réunie  à  l'imposition 
des  mains ,  et  détermine  la  formule 
à  désigner  le  double  pouvoir  du 
sacerdoce.  Traité  sur  les  formes  des 
sacrements ,  par  le  Père  JMorin  ,  jé- 
suite, c.  26.  Aujourd'hui  les  savants 
conviennent  que  le  Père  Morin  n'a 
pas  rapporté  assez  exactement  les 
rits  des  Orientaux.  8.°  Avant 
d'être  ordonnés  évêques  ,  Barlow 
et  Parker  n'étoient  pas  prêtres  : 
or,  on  ne  peut  citer  ,  dans  toute 
l'histoire  ecclésiastique  ,  aucun 
exemple  certain  d'une  pareille  or- 
dination reconnue  pour  valide. 

En  ivSo,  un  théologien  luthé- 
rien, dans  une  thèse  soutenue  sous 
la  présidence  du  docteur Mosheim , 
a  examiné  de  nouveau  cette  ques- 
tion ,  tant  sur  le  fait  que  sur  le 
droit.  Dans  le  premier  chapitre  , 
il  fait  l'histoire  de  la  dispute  et 
des  ouvrages  qui  ont  été  faits  pour 
ou  contre  la  validité  des  ordina- 
tions anglicanes.  Dans  le  second  , 
il  compare  les  arguments  qui  ont 
été  allégués  de  part  et  d'autre.  Dans 
le  troisième,  il  porte  son  jugement 
sur  le  fond  et  sur  la  forme.  On 
conçoit  bien  qu'il  a  pris  parti  pour 
Le  Courrayer  ;  il  n'approuve  pas 
néanmoins  tous  ses  raisonnements, 
mais  il  témoigne  beaucoup  de  mé- 
pris pour  tous  ses  adversaires.  Il 
seroit  inutile  de  nous  arrêter  à 
l'histoire  des  faits  ;  il  vaut  mieux 
nous  attacher  au  fond. 

Chap.  2,  §  i3  ,  l'auteur  con- 
vient que  le  capital  de  la  dispute 
est  de  savoir  si  la  forme  de  l'ordi- 
nation des  évêques  anglicans  est 
valide  et  suffisante  ;  il  soutient 
l'affirmative  par  les  mêmes  ar- 
guments que  Le  Courrayer;  mais 
il  ne  satisfait  point  à  ceux  que 
nous  lui  opposons  Suivant  les 
meilleurs  théologiens  ,  dit  -  il  , 
le  rit  essentiel  de  l'ordination 
épiscopale  consiste  dans  l'imposi- 
tion des  mains  et  dans  une  prière; 
l'Ecriture   sainte   n'exige  rien   de 


1^2  ANG 

plus  :  or,  l'une  et  l'autre  se  trouvent 

dans  îe  rituel  anglican. 

Nous  soutenons  que  toute  prière 
ne  suffit  pas  ;  que  si  le  sens  n'en 
est  point  relatif  aux  fins  du  sacre- 
ment, aux  devoirs  et  aux  fonctions 
qui  y  ont  été  attachés  par  Jésus- 
Christ  ,  à  plus  forte  raison  si  les 
circonstances  déterminent  les  pa- 
roles à  un  sens  contraire  ,  cette 
forme  est  absolument  nulle.  Or, 
nous  avons  fait  voir  que  telle  est 
la  formule  anglicane. 

Les  Anglois  eux-mêmes  ont  si 
bien  senti  qu'elle  étoit  défectueuse, 
que  ,  sous  Charles  II  ,  ils  l'ont 
changée.  Ils  y  ont  ajouté  pour  les 
éveques  :  <t  Recevez  le  Saint-Esprit 
j»  pour  exercer  les  devoirs  et  lesfonc- 
»  lions  d'évêque  dans  TEglise  de 
»  Dieu ,  et  souvenez-vous  de  réveiller 
»  la  grâce  de  Dieu  qui  est  en  vous 
»  par  Vimposition  des  mains;  »  et 
pour  les  prêtres  :  «  Recevez  le  Saint- 
»  Esprit  pour  exercer  les  devoirs  et 
»  les  fondions  de  prêtre  dans  VE- 
»  glise  de  Dieu.  Recevez  le  pouvoir 
n  de  prêcher  la  parole  de  Dieu  et 
»  ^administrer  les  sacrements.  Les 
»  péchés  seront  remis  à  celui  à  qui 
»  vous  les  remettrez  ,  et  ils  seront 
n  liés  à  celui  auquel  vous  les  lierez.  » 
Ibid. ,  n.  22  ,  23  ,  28.  Quand  cette 
addition  rendroit  la  forme  valide , 
elle  n'a  pas  eu  lieu  dans  l'ordina- 
tion de  Barlow  et  de  Parker  :  ils 
étoicnt  morts  80  ans  auparavant; 
des  éveques  ordonnés  sans  cette 
addition  n'ont  pas  pu  en  ordonner 
d'autres  validement.  L'apologiste 
a  beau  dire  que  ces  paroles  ajoutées 
ne  font  point  partie  de  la  forme, 
qui  consiste  dans  la  prière  ;  les  An- 
glois ont  compris  qu'elles  étoient 
nécessaires  pour  déterminer  le  sens 
de  la  prière;  donc  avant  l'addition 
le  sens  n'étoit  pas  assez  déterminé  ; 
il  l'étoit  même ,  par  les  circon- 
stances ,  à  signifier  le  contraire  , 
commenous  l'avons  observé.  Qu'ils 
aient  cru ,  ou  n'aient  pas  cru 
que  la  forme  étoit  déjà  valide  sans 


ANG 

cette  addition,  cela  ne  nous  fait 
rien. 

Il  n'est  pas  nécessaire,  dit  notre 
auteur ,  que  la  formule  exprime  la 
fin  principale  et  l'effet  du  sacre.- 
ment  ;  elle  n'est  point  telle  pour  le 
baptême,  pour  la  confirmation, 
pour  l'extreme-onction ,  ni  pour  le 
mariage  ;  cela  est  faux.  Ces  paroles  : 
Je  te  baptise  ,  au  nom  du  Père ,  etc. , 
signifientcertainement ,  non  la  pu- 
rification du  corps,  mais  celle  de 
l'àme ,  qui  est  l'cfFet  principal  du 
baptême.  Dans  la  confirnïation,  la 
formule  :  Je  te  marque  du  signe  de  la 
croix ,  et  je  te  confirme  par  le  chrême 
dusalut,etc. ,  exprime  très-distinc- 
tement l'effet  du  sacrement.  Il  en 
est  de  même  de  la  prière  de  l'ex- 
trême-onction  :  Que  par  cette  onc- 
tion ,  et  sa  grande  miséricorde ,  le  Sei- 
gneur vous  pardonne  les  péchés ,  etc. 
Pour  le  mariage  ,  la  bénédiction 
du  prêtre  ,  qui  dit  :  Je  vous  unis 
en  mariage ,  au  nom  du  Père  ,  etc., 
n'est  pas  moins  expressive,  non 
plus  que  l'absolution  dans  la  pé- 
nitence: à  plus  forte  raison,  dans 
l'Eucharistie ,  les  paroles  de  Jésus- 
Christ  :  Ceci  est  mon  corps ,  ex- 
priment l'effet  de  la  consécration. 

Le  Courrayer  en  avoit  imposé 
à  ses  lecteurs ,  en  disant  que  les 
anglicans  ne  rejettent  pas  absolu- 
ment la  notion  du  sacrifice  dans 
l'Eucharistie,  qu'ils  y  admettent  au 
moins  un  sacrifice  commémoraiif 
et  représentatif ,  qu'entre  eux  et  les 
théologiens  catholiques  ,  il  n'y  a 
qu'une  dispute  de  mots  ;  que  la 
notion  de  sacrifice  n'est  point  fon- 
dée sur  le  dogme  de  la  présence 
réelle.  Ibid. ,  §  27.  Son  apologiste, 
plus  sincère  ,  convient  ,  c.  3, 
§  19,  qu'un  sacrifice  commémo- 
raiif et  représentatif ,  dans  le  sens 
anglican  ,  n'est  qu'une  ombre  ou 
une  figure  de  sacrifice  ;  que  ce  n'est 
point  ainsi  que  l'a  entendu  le  con- 
cile de  Trente.  En  effet ,  ce  concile  a 
évidemment  fondé  la  notion  du  sa- 
crifice sur  le  dogme  de  la  présence 


ANG 

réelle,  sess.  22  ,  c.  i  et  2;  et  au 
TOOl  Eucharistie  ,  §  5 ,  nous  avons 
fait  voir  que  cette  notion  ne  peut 
pas  être  fondée  autrement.  C'est 
une  des  principales  raisons  qui  ont 
attiré  à  Le  Courrayer  sa  condam- 
nation prononcée  par  le  clergé  de 
France,  et  approuvée  par  le  sou- 
verain pontife. 

Quand  ce  critique  ajoute  qu'il 
n'est  pas  nécessaire  qu'un  homme 
soit  prêtre  pour  pouvoir  être  or- 
donné évêque,  qu'on  ne  le  pense 
pas,  même  dans  l'Eglise  romaine, 
il  se  trompe  encore  ;  le  sentiment 
contraire  a  été  condamné ,  comme 
nous  l'avons  observé  ailleurs. 
Voyez  EvKQUE. 

Il  avoue  ,  c.  3,  §  16,  que  le  rituel 
d'Edouard  VI  a  reçu  du  roi  toute  la 
sanction  et  toute  l'autorité  qu'il  a 
pu  avoir;  que  les  évêques  et  les  théo- 
logiens, chargés  de  le  rédiger,  n'ont 
été  que  les  mandataires  et  les  dé- 
putés du  roi  ;  que  l'on  ne  recon- 
noît  en  Angleterre  point  d'autre 
source  de  l'autorité  ecclésiastique. 

De  tout  cela  il  résulte  que  l'E- 
glise romaine  est  très-bien  fondée 
à  regarder  les  ordinations  angli- 
canes comme  absolument  nulles , 
et  à  réordonner  ceux  qui  ont  été 
ainsi  promus  au  sacerdoce  ou  à 
l'épiscopat  ,  lorsqu'ils  rentrent 
dans  le  sein  de  l'Eglise. 

Le  même  auteur  soutient,  contre 
Le  Courrayer,  que,  si  les  éveques 
d'Angleterre  sont  ordonnés  valide- 
mcnt ,  ils  le  sont  légUîmement ,  et 
qu'ils  ont  droit  d'exercer  leurs 
fonctions  ,  malgré  les  anathémes 
de  l'Eglise  romaine  ;  nous  n'avons 
aucun  intérêt  d'examiner  lequel 
des  deux  a  raison.  Nous  verrons 
ailleurs  les  autres  reproches  que 
ce  critique  fait  contre  la  doctrine 
catholique  :  suivant  la  coutume  de 
tous  les  protestants ,  il  la  défigure 
pour  avoir  droit  de  la  censurer  ; 
il  prend  pour  doctrine  de  l'Eglise 
les  opinions  particulières  des  théo- 
logiens les  plus  décriés. 


ANl  143 

Nous  avons  déjà  dit  que  la  li- 
turgie anglicane  se  trouve  dans 
le  Père  Lebrun  ;  mais  elle  a  été 
changée  au  moins  quatrefois  avant 
d'être  mise  dans  l'état  où  elle  est 
aujourd'hui.  Quoique  l'on  en  ait 
retranché  tout  ce  qui  pouvoit  don- 
ner l'idée  de  la  présence  réelle  de 
Jésus-Christ  dans  l'Eucharistie  et 
du  sacrifice  ,  elle  déplaît  encore 
beaucoup  aux  puritains  ou  calvi- 
nistes rigides. 

L'archevêque  de  Cantorbéry  , 
primat  d'Angleterre,  jouit  encore 
de  la  même  juridiction  et  des  mê- 
mes privilèges  dont  jouissoient 
les  évêques  dans  le  treizième  siècle  ; 
mais  le  clergé  anglican  ne  peut 
fairesurla  doctrine,  surlesmœurs , 
sur  la  discipline  ,  aucun  décret , 
sans  commiission  spéciale  du  roi,  et 
ses  décrets  n'ont  de  force  qu'autant 
qu'ils  sont  confirmés  par  l'autorité 
royale.  Les  fonctions  des  évêques 
sont  de  p  rêcher ,  de  donner  la  con- 
firmation et  les  ordres  ;  celle  des 
recteurs  de  paroisse  ou  des  curé^, 
sont  de  prêcher  ,  de  baptiser  ,  de 
marier  ,  d'enterrer  les  morts.  Les 
trois  dernières  fonctions  se  paient 
très-chèrement  ,  et  tous  les  An- 
glois,  sans  distinction  de  religion, 
y  sont  assujétis  ;  mais  en  général 
le  clergé  est  très-peu  respecté  en 
Angleterre. 

Vu  l'indifférence  que  les  angli- 
cans affectent  pour  le  dogme  ,  on 
ne  doit  pas  être  surpris  du  peu  de 
zèle  qu'ils  ont  pour  la  conversion 
des  infidèles  ;  ils  ont  même  sou- 
vent tourné  en  ridicule  celui  de 
nos  missionnaires.  La  religion  ne 
leur  paroît  pas  une  affaire  de  très- 
grande  importance  ,  et  c'est  pour 
cela  qu'ils  ont  été  tant  loués  par 
nos  philosophes  ;  la  plupart  de 
leurs  théologiens  ont  passé  de  l'a- 
rianisme  aux  opinions  des  soci- 
niens. 

ANIMAUX.  Dieu  dit  à  l'homme 
en  le  créant  ".  «  Dominez  sur  les 


i44  AM 

n  poissons  delamer, sur  lesoiieaux 
»  du  ciel ,  et  sur  tous  les  animaux 
M  qui  se  meuvent  sur  la  terre.  » 
Gen.  ,  c.  I ,  y.  28.  Il  le  répète  à 
Noé  après  le  déluge  :  «  Que  tous 
»  les  animaux  vous  craignent  et 
»  vous  redoutent,  »  c.  9,  y.  2. 
Le  psalniiste  bénissoit  Dieu  de  cet 
empire  qu'.il  a  donné  à  l'honfiniè 
sur  tous  les  animaux.  Ps.  8,  ^'.  8. 
Les  philosophes  qui  ont  observé 
la  nature  avec  un  sens  droit ,  nous 
font  remarquer  que  cet  ordre  du 
Créateur  s'exécute  sur  toute  la  face 
du  globe.  Le  très-grand  nombre 
des  animaux  sont  dociles,  s'ac- 
coutument aisément  avec  l'homme, 
semblent  souvent  rechercher  sa 
compagnie  et  implorer  sa  protec- 
tion ;  les  autres  fuient  devant  lui, 
ils  ne  l'attaquent  point ,  à  moins 
que  des  besoins  extrêmes  ne  les 
jettent ,  pour  ainsi  dire  ,  hors  de 
leur  naturel.  L'éléphant  ,  tout 
monstrueux  qu'il  est  ,  se  laisse 
conduire  par  un  enfant  ;  le  lion 
s'éloigne  de  tous  les  lieux  habités 
par  les  hommes  ,  et  l'immense 
baleine,  au  milieu  de  son  élément, 
tremble  et  fuit  devant  le  petit  ca- 
not d'un  Lapon.  Etud.  delà  Nal. , 
t.  2,  p.  289,  etc. 

Boilcau  a  pu  douter  en  plaisan- 
tant, 

S! ,  vers  les  antres  sourds , 
L'ours  a  peur  du  passant ,  ou  le  passant  de 

l'ours , 
Et  si  ,  sur  un  édit  des  pâtres  de  Nubie 
Les  lions  de  Barcavlderoient  la  Lybie. 

L'ours  n'attaque  jamais  le  pas- 
sant, à  moins  qu'il  ne  soit  provo- 
qué ,  ou  qu'il  ne  craigne  pour  ses 
petits  ;  et  si  les  déserts  de  Barca 
pouvoient  être  habités  par  des 
hommes  ,  les  lions  n'y  demeure  - 
roient  pas  long-temps.  Mais  nos 
philosophes  incrédules  nous  ob- 
jectent fort  sérieusement  que  cet 
empire  prétendu  de  l'homme  sur 
les  animaux  est  chimérique:  le  re- 
quin ,  disent-ils,  engloutit  le  mate- 


AjSI 

lot  qui  tremble  à  sa  vue  ;  le  cro- 
codile dévore  le  vil  Egyptien  qui 
l'adore  ;  toute  la  nature  insulte  à 
la  majesté  de  l'homme.  Les  mani- 
chéens faisoient  déjà  cette  objec- 
tion. Saint  Augustin ,  I.  i^  de  Gen., 
c.  18. 

Cela  prouve  seulement  que  le 
roi  de  la  nature  trouve  quelquefois 
des  rebelles  parmi  ses  sujets  ;  mais 
il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  sa  do- 
mination soit  injuste  ou  chimé- 
rique. Pour  un  matelot  englouti 
par  les  requins,  il  y  a  mille  requins 
harponnés  par  les  hommes  ;  pour 
un  Egyptien  dévoré  par  les  croco- 
diles, il  y  amille  crocodiles  éventrés 
par  les  Egyptiens.  L'empire  de 
l'homme  sur  les  animaux  n'est 
point  illimité  ni  affranchi  des 
règles  de  la  prudence  ;  lorsque  les 
forces  lui  manquent  ,  l'industrie 
y  supplée  et  le  rend  enfin  le  maître. 
La  férocité  de  plusieurs  animaux 
est  une  des  raisons  qui  forcent  les 
hommes  à  se  rassembler  et  à  vivre 
en  société. 

D'autres  ontprétendu,  avec  aussi 
peu  de  raison,  que  l'Ecriture  sainte 
semble  attribuer  aux  animaux  de 
l'intelligence  ,  de  la  réilexion  ,  et 
les  mettre  au  niveau  de  l'homme. 
Gen.  ,  c.  9  ,  jd.  5,  Dieu  dit  à  Noé 
et  à  ses  enfants  :  «  Je  vengerai  vo- 
»  tre  sang  sur  tous  les  animaux  et 
»  sur  l'homme  qui  l'aura  répandu; 
"  y  •  9  »  j*  vais  faire  alliance  avec 
»  vous  et  avec  les  animaux,  n  Mais 
ley^.  5  est  plus  clair  dans  le  texte 
samaritain  ;  il  y  a  :  <c  Je  redeman- 
»  derai  votre  sang  à  la  main  de  tout 
»  vivant ,  de  tout  homme ,  etc.  » 
Il  n'estpas  question  là  des  a/ïïmaujc. 
On  sait  que  dans  l'Ecriture  sainte 
le  mot  alliance  signifie  souvent  une 
simple  promesse  :  Dieu  promet  , 
y^ .  ^  et  suiv. ,  de  ne  plus  détruire 
les  hommes  ni  les  animaux  par  un 
déluge  universel.  C'est  à  quoi  se 
borne  cette  alliance. 

A  la  vérité,  la  plupart  des  peu- 
ples ont  été   dans   la  fausse  per- 


AJNl 

suasion  '|uc  les  animaux  ont  une 
âme  iulcllif^cntc  et  raisounahlc , 
qu'ils  ont  même  plus  de  prévoyance 
el  <le  saf;acilc  que  l'homme  ,  cl 
qu'ils  coiuioissenl  l'avenir  ;  plu- 
sieurs pliilosophes  eu  ont  eu  cette 
opinion.  Ce.lse  soutient  fort  sérieu- 
sement que  les  animaux  ont  plus 
«le  raison  ,  plus  de  sagesse  ,  plus 
de  vertu  que  l'homme,  et  sont  dans 
un  commerce  plus  intime  avec  la 
Divinité. Dans  Origène,  1.  4,  "•  88. 
De  là  est  venu  le  culte  que  les 
Egyptiens  rendoient  à  plusieurs 
espèces  A^animaux. 

Mais  les  adorateurs  du  vrai  Dieu 
n'ont  jamais  adopté  cette  erreur , 
et  l'Ecriture  sainte  n'y  donne  au- 
cun lieu  ;  elle  met  une  différence 
trop  marquée  entre  l'homme  et 
les  animaux,  pour  que  l'on  ait  pu 
s'y  tromper.  Voyez  Ame.  Comme 
nous  sommes  éclairés  par  la  révé- 
lation ,  il  nous  semble  qu'il  n'y 
a  voit  rien  de  si  aisé  que  de  pré- 
venir toute  illusion  sur  ce  point 
essentiel  ;  mais  enfin  les  philo- 
sophes n'étoient  pas  stupides  ,  et 
cependant  ils  pensoient  comme 
le  peuple  ,  et  comme  font  encore 
aujourd'hui  les  Nègres  et  les  Sau- 
vages. Nous  ne  devons  donc  pas 
attribuer  à  une  supériorité  de  rai- 
son naturelle  les  réllexions  que 
nous  faisons  sur  ce  sujet  ,  et  par 
lesquelles  nous  démontrons  la  dif- 
férence infinie  qu'il  y  a  entre 
l'homme  et  les  brutes. 

Les  Egyptiens  rendoient  un  culte 
religieux  à  plusieurs  espèces  d'a- 
nimaux ,  parce  qu'ils  les  suppo- 
soient  animés  par  un  dieu,  par  un 
génie  bienfaisant,  ou  par  un  esprit 
redoutable  ;  ils  les  consul toient 
pour  connoître  l'avenir.  Les  Grecs 
consacrèrent  aux  dieux  certains 
animaux ,  par  des  raisons  bizarres. 
Les  Romains  n'entreprenoient  au- 
cune expédition  sans  avoirconsulté 
le  vol  des  oiseaux  ou  l'appétit  des 
poulets  sacrés.  Pendant  qu'ils  don- 
iioienl  les  invalides  aux  animaux 
i. 


ANI  ,45 

qui  leur  avoient  rendu  de  bons 
services,  ils  faisoient  ,  pour  leur 
plaisir  ,  combattre  des  hommes 
contre  des  animaux  féroces,  et  ils 
se  jouoient  de  la  vie  des  esclaves. 
Telle  a  été  la  démence  des  peuples 
qui  ont  été  regardés  comme  les 
plus  sages. 

Animaux  purs  ou  impurs.  D'où 
est  venue  cette  distinction  ?  Elle 
est  aussi  ancienne  que  le  monde , 
puisqu'elle  se  trouve  déjà  observée 
par  Noé  ,  dans  le  choix  qu'il  fit 
des  animaux  qui  dévoient  entrer 
dans  l'arche.  Gen.,  c.  7,  ^.  2.  Dans 
les  climats  plus  chauds  que  le  nôtre, 
l'usage  trop  fréquent  ou  excessif 
de  la  chair  des  animaux  cause 
infailliblement  des  maladies,  et  il 
en  est  plusieurs  dont  il  faut  s'abs- 
tenir entièrement .  Comme  les 
hommes  ont  offert  de  tout  temps 
à  Dieu  les  aliments  dont  ils  se 
nourrissoient ,  ils  ont  jugé  qu'il 
ne  convenoitpas  d'offrir  à  la  Divi- 
nité des  chairs  dont  ils  ne  pou- 
voient  pas  se  nourrir,  et  pour  les- 
quelles ils  avoient  de  l'aversion. 
Les  animaux  exclus  des  offrandes 
et  des  sacrifices  ont  donc  été  regar- 
dés comme  impurs,  comme  indignes 
d'être  offerts  à  Dieu.  Cependant 
Moïse  non-seulement  s'est  réglé 
sur  cette  connoissance  pour  dé- 
signer les  victimes  dont  les  Juifs 
pouvoient  faire  usage,  et  dont  ils 
pouvoient  manger  la  chair ,  mais 
il  a  été  inspiré  de  Dieu  pour  leur 
intimer  ce  précepte.  Il  n'y  avoit 
en  cela  ni  superstition,  ni  allusion 
à  aucune  fable.  Si  dans  la  suite 
les  nations  idolâtre-s  ont  imaginé 
de  fausses  raisons  de  cette  distinc- 
tion, cela  ne  déroge  en  aucune  ma- 
nière à  la  sagesse  du  législateur 
des  Juifs.  On  sait  avec  quelle  exac- 
titude les  prêtres  égyptiens  avoient 
réglé  le  régime  diététique  qui  de- 
voit  être  observé  par  le  peuple, 
quels  inconvénients  résultent  de  la 
malpropreté,  de  la  paresse,  de  la  vo- 
racité des  Egyptiens  mahomélans. 
10 


i/,6  ANN 

La  plupart  des  animaux  que 
Moïse  avoit  ordonné  d'immoler 
en  sacrifice,  étolcnt  honorés  d'un 
cul  le  superstitieux  par  les  Egyp- 
tiens. Spencer  ,  De  legib.  Hebr. 
ritual.  ,  1.  2  ,  c.  4  5  sect.  i".  C'est 
pour  cela  que  quand  Pharaon  dit 
a  Moïse  :  <«  Offrez,  si  vous  voulez, 
»  des  sacrifices  à  votre  Dieu  dans 
w  ce  pays-ci  ;  Moïse  lui  répondit: 
»  Cela  ne  se  peut  pas  ;  nos  sacri- 
»  fices  seroient  une  abomination 
w  aux  yeux  desEgiyptiens  ;  ils  nous 
»  lapideroient,  s'ils  nous  voyoicnt 
»  immoler  les  fln/wzai^.r  qu'ils  ado- 
»  rent.  »  Exod. ,  c.  8,  y.  25. 

Lorsque  l'Evangile  s'est  étahli  , 
la  distinction  des  amn,.aux  purs 
et  impurs  est  devenue  très-inutile; 
les  sacrifices  sanglants  on  tété  abolis 
par  Jésus-Christ  ,  et  les  nations 
étoient  assez  policées  pour  n'avoir 
plus  besoin  qu'on  leur  défendît 
par  religion  les  nourritures  mal- 
saines. Comme  le  christianisme 
est  destiné  à  tous  les  peuples  et  à 
tous  les  climats,  les  institutions 
locales  ne  doivent  point  y  avoir 
lieu.  Lorsque  l'Eglise  défend  de 
manger  de  la  viande,  ce  n'est  pas 
par  régime  de  santé  ,  mais  par 
mortification.    Voyez  Abstinence. 

ANNEAU ,  ornement  affecté  aux 
évèques  pour  marquer  l'étroite  al- 
liance qu'ils  ont  contractée  avec 
l'Eglise  par  leur  ordination,  l'atta- 
chement et  l'affection  qu'ils  lui 
doivent,  etc.  Voyez  V Ancien  Sacra- 
Tnentaire  par  Grandcolas,  première 
partie,  page  149. 

ANNIVERSAIRES  (les).  Jours 
anniversaires,  chez  nos  ancêtres  , 
étoient  les  jours  où  les  martyres 
des  saiTits  etoient  annuellement 
célébrés  dans  l'Eglise,  comme  aussi 
les  jours  où,  a  chaque  fin  d'année, 
l'usage  étoit  de  prier  pour  lésâmes 
des  parents  et  amis  trépassés. 

Dan3  ce  dernier  sens,  V anniver- 
saire est  le  jour  où  ,  d'année  en 


ANN 

année ,  on  rappelle  la  mémoire 
d'un  défunt  ,  en  priant  pour  le 
repos  de  son  âme.  Quelques  au- 
teurs en  rapportent  la  première 
origine  au  pape  Anaclet,  et  depuis 
à  Félix  L",  qui  instituèrent  des 
anniversaires  pour  honorer  avec 
solennité  la  mémoire  des  martyrs. 
Dans  la  suite  ,  plusieurs  particu- 
liers ordonnèrent  par  leur  testa- 
ment ,  à  leurs  héritiers  ,  de  leur 
faire  des  anniversaires  et  laissèrent 
des  fonds  tant  pour  l'entretien  des 
églises  que  pour  le  soulagement 
des  pauvres  ,  à  qui  l'on  d  istribuoit 
tous  les  ans,  ce  jour-là  de  l'argent 
et  des  vivres.  Le  pain  et  le  vin  qu'on 
porte  encore  aujourd'hui  à  l'of- 
frande dans  ces  anniversaires  , 
peuvent  être  des  traces  de  ces  dis- 
tributions. On  nomme  encore  les 
anniversaires  obits  et  services. 

ANNONCL\DE  ,  nom  com- 
mun à  plusieurs  ordres  ,  les  uns 
religieux  ,  les  autres  militaires  , 
institués  pour  honorer  le  mystère 
de  l'Annonciation  ou  de  l'incar- 
nation. 

Le  prennier  ordre  religieux  de 
cette  espèce  fut  établi  en  laSa,  par 
sept  marchands  Florentins  ;  c'est 
l'ordre  des  servîtes  ou  serviteurs 
de  la  Vierge.  Voyez  Servîtes. 

Le  second  fut  fondé  à  Bourges 
l'an  i5oo  ,  par  sainte  Jeanne  de 
Valois ,  reine  de  France  ,  fille  de 
Louis  XI  et  femme  de  Louis  XII  , 
qui  fit  casser  son  mariage  par  le 
pape  Alexandre  VI ,  du  consente- 
ment de  cette  vertueuse  reine.  Ces 
religieuses  ont  un  habit  brun,  un 
scapulaire  rouge,  un  manteau  blanc 
et  un  voile  noir.  Leur  règle  est 
établie  sur  douze  articles,  qui  re- 
gardent douze  vertus  de  la  sainte 
Vierge  ;  elie  fut  approuvée  par 
Aleianilre  VI  ,  Jules  II,  Léon  X  , 
Paul  V  et  Grégoire  XV.  Le  couvent 
de  Popiacourt  à  Paris  est  de  cet 
ordre. 

Le  troisième  ,  qu'on  appelle  des 


ANN 

annoncindcs  célestes  ou  filhs  bleues  , 
fut  fonJé  l'an  i6o4,  paruno.  pieuse 
veuve  de  Gènes  ,  nommée  Marie- 
Victoire  Fornaro  ,  qui  mourut 
en  1617.  Cet  ordre  a  été  approuvé 
par  le  saint  siège,  et  il  y  en  a  quel- 
ques maisons  en  France.  Leur 
règle  est  beaucoup  plus  austère  que 
celle  des  annonciades  fondées  par 
la  reine  Jeanne.  Elles  ont  un  habit 
blanc,  un  sca[)ulaire  et  un  manteau 
bleu  ;  elles  gardent  la  plus  sévère 
clôture. 

ANNONCiAniî.  Société  fondée  a 
Rome  dans  l'église  de  Notre-Dame 
de  la  INlinerve,  Fan  i46o,  par  le 
Cfirdinal  Jean  de  Turrecremala  , 
pour  marier  des  pauvres  filles. 
Elle  a  été  depuis  érigée  en  arclii- 
confraternitè  ,  et  est  devenue  si 
riche  par  les  grandes  aumônes  et 
legs  qu'on  y  a  faits ,  que  tous  les 
ans ,  le  aS  de  mars  ,  fête  de  l'An- 
nonciation de  la  sainte  Vierge  , 
elle  donne  des  dots  de  soixante  écus 
romains  chacune  à  plus  de  quatre 
cents  filles  ,  une  robe  de  serge 
blanche  ,  et  un  florin  pour  des 
pantoufles.  Les  papes  ont  fait  tant 
d'estime  de  cette  œuvre  de  piété  , 
qu'ils  vont  en  cavalcade,  accom- 
pagnés des  cardinaux  et  de  la  no- 
blesse de  Rome  ,  distribuer  les 
cédules  de  ces  dots  à  celles  qui 
doivent  les  recevoir.  Celles  qui 
veulent  être  religieuses  ont  le 
double  des  autres  ,  et  sont  distin- 
guées par  une  couronne  de  fleurs 
qu'elles  portent  sur  la  tête.  Voyez 
l'abbé  Piazza,  Riiratlo  di  Bnrtia 
vioderna. 

ANNONCIATION  ,  est  la  nou- 
velle que  l'ange  Gabriel  vint  donner 
à  la  sainte  Vierge  ,  qu'elle  conce- 
vroit  le  Fils  de  Dieu  par  l'opération 
du  Saint-Esprit.  Foj.  Incarnation. 
Les  Grecs  l'appellent  £ua-/-/£Àt'cr/j.o;, 
bonne  nouvelle,  et  j^atptTitrfjo; ,  sa- 
lutation . 

Annonciation  ,  est  aussi  le  nom 
d'une  fête  qu'on  célèbre  dans  l'E- 


ANN  i/,7 

glisc  romaine ,  communément  le  a5 
de  mars  ,  en  mémoire  de  l'incar- 
nation du  Verbe  divin.  Le  peuple 
appelle  celte  fête  Notre-Uai/ic  de 
Mars ,  à  cause  du  mois  ou  elle 
tombe. 

Il  paroît  que  cette  fête  eut  de 
très-ancienne  institution  dans  1  £- 
glise  latine:  parmi  les  sermons  de 
saint  A  ugustin,  qui  mourut  en  4^0, 
nous  en  avons  deux  sur  VAnnon- 
dation  ,  savoir,  le  dix-septième  et 
le  dix-huitième  de  sanctis.  Le  Sa- 
cramenlaire  du  pape  Gélase  I." 
montre  que  c?tte  fêleétoit  établie 
à  Rome  avant  l'an  469  ;  mais  l'Eglise 
grecque  a  des  monuments  d'un 
temps  en  cote  plus  reculé. Proculu.s, 
qui  mourut  en  44^5  ^^  saint  Jean- 
Chrysostôme  en  4°?  ■>  ont  dans 
leurs  ouvrages  des  discours  sur  ]<■ 
même  mystère.  Rivet,  Petkins  et 
quelques  autres  écrivains  protes- 
tants ont  à  la  vérité  révoqué  en 
doute  l'authenticité  des  deux  ho- 
mélies de  ce  dernier  Père  sur  ce 
sujet  ;  mais  Vossius  les  admet,  et 
prouve  qu'elles  sont  véritablement 
de  ce  saint  docteur. 

Ainsi  ,  Ringham  s'est  trompé  , 
en  reculant  l'urigine  de  cette  fêle 
jusqu'au  septième  siècle.  Origin. 
ecclés.,  tom.  g,  1.  20,  c.  8,  §  4- 

Il  est  assez  probable  qu'elle  fut 
célébrée  d'abord  en  mémoire  de 
l'incarnation  du  Verbe,  et  que  l'u- 
sage d'y  joindre  le  nom  de  la  sainte 
Vierge  est  plus  récent.  Il  en  est 
de  même  de  la  coutume  de  la  so- 
lenniser  le  28  de  mars.  Les  Grecs 
la  font  comme  nous  ce  jour-là  ; 
mais  plusieurs  Eglises  d'Orient 
l'ont  placée  au  mois  de  décembre, 
avant  la  fêle  de  Noël.  Les  Syriens 
l'appellent  Buscarahé  ,  informa- 
tion, et  leur  calendrier  l'a  fixée  au 
I."  décembre.  Les  Arméniens  la 
font  le  5  janvier  ,  afin  qu'elle 
n'arrive  pas  en  carême.  Selon  l'an- 
cienne discipline  ,  les  fêtes  elle 
jeûne  étoient  regardés  comme  in- 
compatibles, 

10. 


i48  ANIN 

En  Occident ,  mcmc  variation. 
L'on  prétend  que  l'Eglise  du  Puy- 
en^Vélay  a  conservé  l'usage  de  cé- 
lébrer cette  fête  pendant  la  semaine 
sainte,  lorsqu'elle  y  tombe,  même 
le  vendredi  saint  :  celle  de  Milan  et 
les  Eglises  d'Espagne  la  mettent  au 
dimanche  avant  Noël  ;  mais  ces 
dernières  la  font  aussi  en  carême. 
En  636  ,  le  dixième  concile  de 
Tolède  ordonna  que  la  fête  de 
V Annonciation  de  Notre-Dame  et 
de  l'Incarnation  du  Verbe  divin  se 
célèbreroit  huit  jours  avant  Noël, 
parce  que  le  25  de  mars,  jour  au- 
quel ce  mystère  a  été  accompli , 
arrive  ordinairement  en  carênae, 
quelquefois  dans  la  semaine  sainte 


ANO 

appellent  Zliaygadu,   qui  signifie 
Annonciation. 

ANNOTINE  ,  pâquc  annotine. 
C'est  ainsi  qu'on  appeloit  l'anni- 
versaire du  baptême  ,  ou  la  fête 
qu'on  célébroit  tous  les  ans  en 
mémioire  de  son  baptême,  ou, 
selon  d'autres,  le  bout  de  l'an 
dans  lequel  on  avoit  été  baptisé. 
Tous  ceux  qui  avoient  reçu  le 
baptême  dans  la  même  année  , 
s'assembloient ,  dit -on,  au  bout 
de  cette  année,  et  célébroient  l'an- 
niversaire de  leur  génération  spi- 
rituelle. 

ANNUELLES  (  offrandes  ).  Ce 


ou  pendant  la  solennité  de  Pâques,  j  sont  celles  que  faisoient  ancienne- 
temps  auquel  l'Eglise  est  occupée  ment  les  parents  des  personnes 
d'autres  mystères  et  de  cérémionies    décédées ,  le  jour  anniversaire  de 


différentes.  Saint  Ildefonse  con 
firma  ce  décret,  et  nomma  cette  fête 
Y  attente  des  couches  de  Notre-Dame. 
Elle  fut  encore  appelée  la.  fête  des 
o  ,  ou  de  l'ô  ;  parce  que  ,  durant 
cette  octave  on  chant*  chaque  jour 
pour  le  Magnificat  une  antienne 
solennelle  qui  commence  par  ô  , 
comme,  o  Rex  geniium,  ô  Emma- 
nuel, etc.  C'est  une  exclamation  de 
joie  et  de  désir. 

Dans  l'Eglise  de  Rome  et  dans 
celles  de  France  ,  celte  dernière 
fête  ne  se  fait  point ,  si  ce  n'est 
dans  quelques  monastères  d'an- 
nonciades  ou  d'autres  religieiises  ; 
mais  depuis  le  i5  décembre  jus- 
qu'au 23,  l'on  chantetous  les  jours 
à  vêpres,  au  son  des  cloches,  une 
de  ces  antiennes ,  que  le  peuple 
nomme  les  o  de  Noël,  et  que  les 
rubricaires  appellent  les  grandes 
antiennes,  aniiphonce majores; elles 
expriment  les  différents  titres  sous 
lesquels  les  prophètes  ont  annoncé 
le  Messie. 

Les  Juifs  donnent  aussi  le  nom 
èi' Annonciation  à  une  partie  de  la 
cérémonie  de  Pâques  ,  celle  où  ils 
exposent  l'origine  et  l'occasion  de 
celle  solennité,  exposition  qu'ils 


leur  raiort. 

On  appeloit  ce  jour  un  jour  d'an, 
et  l'on  y  célébroit  la  messe  avec 
une  grande  solennité. 

On  nomme  encore  à  Paris  an- 
nuel,  une  fondation  de  messes  pour 
tous  les  jours  de  l'année,  à  l'in- 
tention d'un  défunt  :  Fonder  un 
annuel.  Y oytzV Ancien  Sncramen- 
taire  par  Grandcolas,  i.'"®part. , 
pag.  529. 

ANOMÉENS ,  ou  dissemblables. 
On  donna  ce  nom,  dans  le  qua- 
trième siècle  ,  aux  purs  ariens  , 
parce  qu'ils  enseignoient  que  Dieu 
le  Fils  étoit  dissemblable ,  âvo^oaov, 
à  son  Père,  en  essence  et  dans  tout 
le  reste. 

Ils  eurent  encore  différents  noms, 
comme  aéiiens  ,  eunomiens  ,  etc.  , 
qu'on  leur  donna  à  cause  d'Aétius 
et  d'Eunomius ,  leurs  chefs.  Ils 
étoient  opposés  aux  semi-ariens, 
qui  nioient ,  à  la  vérité,  la  con- 
substantialité  du  Verbe  avec  le 
Père,  mais  qui  lui  altribuoient  une 
ressemblance  en  toutes  choses  avec 
lePère.  Voyez  Ariens,  Semi-Arieîîs. 

Ces  variations  firent  que  ces  hé- 
rétiques ne  s'attaquèrent  pas  moins 


ANS 

vivement  onlre.  eux,  qu'ils  avoienl 
altaqué  les  catholiques  ;  car  les 
semi-ariens  condamnèrent  les  ano- 
niécns  dans  le  concile  de  Scleucie, 
cl  les  anoniéens  à  leur  tour  con- 
damnèrent les  semi-ariens  dans 
les  conciles  de  Constantinople  et 
d'Anlioche;  ils  effacèrent  le  mot 
cfAoouatoç  de  la  formule  de  Rimini 
et  de  celle  d'Antioche  ,  en  protes- 
tant que  le  Verbe  avoit  non-seule- 
ment une  différente  substance, 
mais  encore  une  volonté  diffé- 
rente de  celle  du  Père,  Socrate  , 
livre  2  ;  Sozomène,  liv.  4;  Théo- 
doret,  liv.  4- 

ANOMIENS.  Fo/czAntinomiens. 

ANSELME  (saint)  ,  archevêque 
de  Cantorbéry ,  mort  l'an  i  log,  est 
compté  parmi  les  docteurs  de  l'E- 
glise. Il  a  laissé  plusieurs  ouvrages 
de  théologie  et  de  piété,  dont  le 
PèreGerberon, bénédictin,  a  donné 
une  bonne  édition  in-folio.  Ce  saint 
a  été  plus  instruit  et  meilleur  écri- 
vain que  son  siècle  ne  sembloit  le 
comporter, 

Mosheim  convient  qu'il  excella 
dans  la  dialectique ,  la  métaphysi- 
que et  la  théologie  naturelle;  qu'il 
est  l'auteur  de  l'argument  dont  on 
a  faussement  attribué  l'invention  à 
Descartes,  c'est-à-dire  de  la  dé- 
monstration de  l'existence  de  Dieu, 
tirée  de  l'idée  innée  qu'ont  tous  les 
hommes  d'un  être  infiniment  par- 
fait. Il  ajoute  que  ce  saint  arche- 
vêque et  Lanfranc  ,  son  prédéces- 
seur et  son  maître,  sont  les  vrais 
fondateurs  de  la  théologie  scolas- 
lique,  mais  qu'ils  la  traitèrent  avec 
plus  de  sagesse,  de  discernement 
et  de  solidité  que  leurs  successeurs. 
Il  dit  enfin  que  saint  Anselme  fut 
le  meilleur  moraliste  de  son  temps  ; 
qu'il  est  le  premier  qui  ait  donné 
un  système  général  ou  un  corps 
comj>let  de  théologie  ,  mais  que 
cet  ouvrage  fut  surpassé  par  celui 
que  coraviosa  sur  la  fin  de  te  même 


ANT  ,49 

siècle  llildobert  ,  archevêque  de 
Tours.  Hisi.  ecclés.  du  onzième 
siècle ,  a.*^  part.,  c.  i  ,  §  7  ;  c.  3  , 
§  5  et  6. 

Cet  éloge  est  confirmé  par  le 
suffrage  du  traducteur  anglois  de 
Mosheim,  et  par  Brucker,  Hist. 
de  la  Philos.,  tom.  3,  p.  664.  H 
n'est  pas  ordinaire  aux  protestants 
de  parler  si  avantageusement  des 
Pères  de  l'Eglise.  Il  y  a  une  bonne 
notice  des  ouvrages  de  sainl  An- 
selme dans  les  Vies  des  Pères  et  des 
martyrs,  tom.  3,  p.  573. 

ANTÉCÉDENT.  Ce  terme  est 
usité  en  théologie,  où  l'on  dit,  en 
parlant  de  Dieu,  décret  antécédent, 
volonté  antécédente. 

Un  décret  antécédent  est  celui 
qui  précède,  ou  un  autre  décret, 
ou  quelqueaction  de  la  créature,  ou 
la  prévision  même  de  cette  action. 

Les  théologiens  sont  fort  jiar- 
tagés  pour  savoir  si  la  prédestina- 
tion à  la  gloire  est  un  décret 
antécédent  ou  subséquent  à  la  pré- 
vision de  la  foi  et  des  mérites  d« 
ceux  qui  sont  appelés  ;  c'est  une 
opinion  qu'on  agite  librement  pour 
et  contre  dans  les  écoles  catho- 
liques ,  et  toutes  deux  sont  fondées 
sur  des  autorités  et  des  raisons 
très-fortes.  Voyez  Prédestination. 

Volonté  antécédente,  dans  un 
sens  général,  est  celle  qui  précède 
quelque  autre  volonté  ,  désir  ou 
prévision.  On  dit  qu'il  y  a  en  Dieu 
une  volonté  antécédente  de  sauver 
tous  les  hommes  ;  mais,  consé- 
quemment  à  la  prévision  des  crimes 
de  plusieurs ,  il  ne  veut  plus  les 
sauver,  mais  les  damner. 

On  dispute  beaucoup  dans  les 
écoles  sur  la  nature  de  cette  vo- 
lonté :  les  uns  prétendent  que  ce 
n'est  qu'une  volonté  de  signe,  une 
volonté  métaphorique,  inefficace, 
un  simple  désir  qui  n'a  Jamais  d'ef* 
fct  ;  les  autres ,  mieux  fondés,  sou- 
tiennent que  c'est  une  volonté  de 
bon   plaisir  ,    volonté   sincère    cl 


i5o  AM' 

réelle,  qui  n'est  privée  de  son  der- 
nier effet  que  par  la  faute  des  hom- 
mes ,  qui  n'usent  pas,  ou  qui  usent 
mal  des  moyens  que  Dieu  leur  ac- 
corde pour  opérer  leur  salut.  Cette 
volonté  est  donc  prouvée  par  son 
effet  immédiat,  qui  est  d'accorder 
des  grâces.  Voyez  Grâce  ,  §  3  ; 
Salut. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  ce 
terme  antécédent  n'est  appliqué  à 
Dieu  que  relativement  à  notre  ma- 
nière de  concevoir.  En  effet,  Dieu 
voit  et  prévoit  en  même  temps  et 
sans  diversité  dans  la  manière  , 
tant  l'objet  de  sa  prévision,  que 
les  circonstances  inséparables  de 
cet  objet  :  de  même  il  veut  en  même 
temps  tout  ce  qu'il  veut,  sans  suc- 
cession et  sans  inconstance  :  ce  qui 
n'empêche  pas  que  Dieu  ne  puisse 
vouloir  ceci  à  l'occasion  de  cela  , 
ou  qu'il  ne  puisse  avoir  un  désir  à 
cause  de  telle  prévision.  C'est  ce 
que  les  théologiens  appellent  ordre 
ou  priorité  de  nature  ,  prioritas 
naturœ ,  par  opposition  à  l'ordre 
ou  à  la  priorité  du  temps,  prioritas 
iemporis. 

ANTECHRIST.  Ce  terme  est 
formé  de  la  préposition  grecque 
àv-zi ,  contra ,  et  de  XpiSTO;  Chris- 
tus.  Il  signifie  en  général  un  enne- 
mi de  Jésus-Christ ,  un  homme  qui 
nie  que  Jésus-Christ  soit  venu,  et 
qu'il  soit  le  Messie  promis.  C'est 
la  notion  qu'en  donne  l'apôtre  saint 
Jean  dans  sa  première  épitre ,  c.  2. 
En  ce  sens,  on  peut  dire  des  Juifs 
et  des  infidèleii  que  ce  sont  des 
antechrists. 

Par  antechrist,  on  entend  plus 
ordinairement  un  tyran  impie  et 
cruel  à  l'excès,  qui  doit  régner  sur 
la  terre  lorsque  le  monde  touchera 
à  sa  fin.  Les  persécutions  qu'il  exer- 
cera contre  les  élus  ,  seront  la  der- 
nière et  la  plus  terrible  épreuve 
qu'ils  auront  à  subir.  Selon  l'opi- 
nion de  plusieurs  commentateurs , 
Jésus-Christ  même  a  prédit   que 


ANT 

les  élus  y  auroient  succombé,  si 
le  temps  n'en  eût  été  abréjjé  en 
leur  faveur  :  c'est  par  ce  lléau  que 
Dieu  annoncera  le  jugement  der- 
nier et  la  vengeance  qu'il  doit  pren  - 
dre  des  méchants. 

L'Ecriture  et  les  Pères  parlent 
de  Vantechn'si  comme  d'un  seul 
homme,  auquel,  à  la  vérité,  ils 
donnent  un  grand  nombre  de  pré- 
curseurs. Suivant  saint  Irénée, 
saint  Ambroise ,  saint  Augustin 
et  presque  tous  les  autres  Pères, 
Vantechrist  doit  être ,  non  un 
homme  engendré  par  un  démon, 
comme  l'a  prétendu  saint  Jérôme, 
ni  un  démon  revêtu  d'une  chair 
apparente  et  fantastique ,  moins 
encore  un  démon  incarné  ,  comme 
l'ont  imaginé  d'autres  ;  mais  un 
homme  de  la  même  nature  et  conçu 
par  la  même  voie  que  tous  les  au- 
tres ,  qui  ne  différera  d'eux  que 
par  une  malice  et  une  impiété  plus 
digne  d'un  démon  que  d'un  hom- 
me. Comme  les  traits  du  tableau 
qu'ils  ont  tracé  ne  sont  que  des 
conjectures  et  n'ont  aucun  fonde- 
ment solide  ,  il  est  assez  inutile  de 
nous  y  arrêter. 

On  sait  que  plusieurs  écrivains 
protestants  ont  trouvé  bon  d'appli- 
quer au  pape  et  à  l'Eglise  romaine 
tout  ce  que  l'Ecriture ,  et  surtout 
l'Apocalypse ,  dit  de  Vantechrist. 
L'absurdité  de  cette  idée  n'a  pas 
empêché  que  les  prolestants  du 
dernier  siècle  ne  l'aient  adoptée 
comme  un  article  de  foi  dans  leur 
dix-septième  synode  national,  tenu 
à  Gap  en  i6o3.  Us  affectèi-entmême 
de  publier  que  Clément  VIII,  qui 
décéda  quelque  temps  après,  étoit 
mort  de  chagrin  de  celte  décision  ; 
mais  ce  pontife  ,  aussi-bien  que  le 
roi  Henri  IV ,  qu'ils  avoient  déclaré 
en  plein  synode  race  de  Vante- 
christ,  n'opposèrent  à  leurs  excès 
que  la  modération  ,  le  mépris  et  le 
silence. 

Quoique  le  savant  Gi'otius  et  le 
docteur  Hammond  se  fussent  alla- 


ATST 
chés  à  détruire  ces  rêveries,  ou  a 
vu,  sur  la  fin  ilu  siècle  dernier, 
Joseph  Mode  en  Angleterre,  et  le 
ministre  Juricu  eu  Hollande  ,  les 
présenter  sous  une  nouvelle  forme, 
<jui  ne  lésa  pas  accréditées  davan- 
tage. Les  catholiques  ont  démon- 
tré le  fanatisme  des  explications  de 
l'Apocalypse,  par  lescjuelles  ces 
écrivains  s'efForçoient  de  montrer 
que  Vanteclirisi  devoit  paroître  et 
sortir  de  l'Eglise  romaine  vers 
l'an  1710.  Ou  peut  consulter  sur 
celte  matière  VHist.dcs  Van'allons, 
par  INl.  Bossuel,  tom.  2,liv.  i3, 
depuis  l'art.  2  jusqura.  la  fin  du 
même  livre. 

Il  est  fâcheux  que  cette  idée  bi- 
zarre des  protestants  ait  été  consa- 
crée à  Genève  par  une  inscription 
qui  fait  pitié  aux  voyageurs  sensés. 

Pour  en  pallier  l'absurdité,  qucl- 
quesprotestajitsontdit  que,  quand 
ils  soutiennejit  que  le  pape  est 
Vanfechn'st,  ils  n'entendent  point 
parler  de  53  personne,  mais  de  son 
autorité;  r^uecelasignifie  seulement 
que  sa  domination  est  un  règne 
antichrétien,  ou  contraire  à  l'es- 
prit du  christianisme.  Mais  out- 
ils prévu  les  conséquences  de  celte 
prétention  même?  Jésus -Christ 
avoil  promis  à  son  Eglise  qu'il  se- 
roilavec  elle  justiu'a  la  consom- 
mation des  siècles,  et  que  les  portes 
de  l'enfer  ne  prévaudroient  point 
contre  elle;  il  a  si  mal  tenu  sa  pa- 
role ,  que  pendant  plus  de  mille 
ans,  selon  le  calcul  des  protestants 
mêmes,  cette  Eglise  a  reconnu  pour 
son  pasteur  légitime  et  pour  vicaire 
d  e  Jesus-Ch  rist  un  personnage  an  li- 
chrétien,  et  lui  a  constamment 
attribué  une  autorité  an  tic  h  re- 
tienne :  ainsi,  le  royaume  de  Jé- 
sus-Christ est  devenu  un  roy-iume 
anticVi rélien.  Autant  vaudroit  dire 
(ju'il  n'y  a  pas  eu  de  vrai  christia- 
nisme sur  la  terre  depuis  le  cin- 
quième siècle  jusqu'au  seizième  ,  et 
que  l'anticlirislianisme  en  avoil 
pris  la  place.  Il  faudroit  même  sup- 


A.M  i5i 

poser  que  cet  antichrlstianisme  a 
commencé  immédialementaprès  la 
mort  des  apolres,  si  le  portrait  que 
les  protestants  ont  fait  des  pasteurs 
de  l'Eglise  dans  tous  les  siècles 
étoit  vrai;  il  nous  paroît  que  de 
toutes  les  opinions,  il  n'y  en  a 
point  de  plus  antichrétienne  que 
celle-là. 

On  trouve  parmi  les  écrits  de 
Rabau-Maur,  d'abord  abbé  de 
Fulde,  puis  archevê(|ue  de  Mayen- 
ce,  auteur  fort  célèbre  du  neu- 
vième siècle ,  un  traite  sur  la  vie  et 
les  mœurs  de  Vanicclirist.  I^ous  n'en 
citerons  qu'un  endroit  singulier; 
c'est  celui  où  l'auteur,  apresavoir 
prouvé  par  saint  Paul  que  la  ruine 
totale  de  l'empire  romain,  qu'il 
suppose  être  celui  d'Allemagne, 
précédera  la  venue  de  Yantechrist , 
il  conclut  de  la  sorte  :  «  Ce  terme 
»  fatal  pour  l'empire  romain  n'est 
»  pas  encore  arrivé.  Il  est  vrai  que 
»  nous  le  voyonsaujourd'huiextre- 
»  memenl  diminué,  et  pour  ainsi 
»  dire  détruit  dans  sa  plus  grande 
»  étendue  :  mais  il  est  certain  que 
))  son  éclat  ne  sera  jamais  entière- 
»  ment  éclipsé;  parce  que  ,  tandis 
»  que  les  rois  de  France,  qui  en 
»  doivent  occuper  le  trône,  subsis- 
»  teronl,  ils  en  seront  toujours  le 
»  ferme  appui.  Quelques-uns  de 
n  nos  docteurs  assurent  que  ce  sera 
»  un  roi  de  France  qui ,  a  la  fin  du 
»  monde,  dominera  sur  loulTem- 
»  pire  romain.  » 

11  ne  paroîl  pas  que  nos  rois 
aient  jamais  compte  beaucoup  sur 
cette  prédiction. 

Maivenda  ,  théologien  espagnol, 
a  donné  un  long  et  savant  ouvrage 
sur  VanfechrisL  Son  traité  esl  di- 
visé en  treize  livres.  Il  expose  dans 
le  premier  les  différentes  opinions 
des  Pères  touchant  Vaniechrisl.  Il 
détermine,  dans  le  second,  le 
temps  au(juel  il  doit  paroître,  et 
prouve  que  tous  ceux  qui  ont  assuré 
que  la  venue  de  Yantechrist  étoil 
proche  ontsupposéenmêmetcmps 


i52  ANÏ 

que  la  fin  du  monde  n'éloit  pas 
éloignée.  Le  troisième  est  une  dis- 
sertation sur  l'origine  de  Vanie- 
christ ,  et  sur  la  nation  dont  il  doit 
être.  L'auteur  prétend  qu'il  sera 
juif  et  de  la  tribu  de  Dan,  et  il  se 
fonde  sur  l'autorité  des  Pères  et 
sur  le^.  17  du  chap.  49  de  la  Ge- 
nèse ,  où  Jacob  mourant  dit  à  ses 
fils  :  Dan  est  un  serpent  dans  le 
chemin ,  et  un  céraste  dans  le  sen- 
tier; et  sur  le  chap.  S,  S-  16  de 
Jércmie,  où  il  est  dit  que  les  ar- 
mées de  Dan  dévoreront  la  terre  ; 
et  encore  sur  le  chap.  7  de  V Apo- 
calypse, où  saint  Jean  a  omis  la 
tribu  de  Dan  ,  dans  l'énumération 
qu'il  fait  des  autres  tribus.  Il  traite, 
dans  le  quatrième  et  le  cinquième, 
des  caractères  de  Vantechrist.  Il 
parle  dans  le  sixième  de  son  règne 
et  de  ses  guerres  ;  dans  le  septième , 
de  ses  vices;  dans  le  huitième,  de 
sa  doctrine  et  de  ses  miracles  ; 
dans  le  neuvième ,  de  ses  persécu- 
tions ;  et  dans  le  reste  de  l'ouvrage, 
de  la  venue  d'Enoch  et  d'Elie,  de 
la  conversion  des  Juifs,  du  règne 
de  Jésus-Christ  et  de  la  mort  de 
Vantechrist,  qui  arrivera  après  un 
règne  de  trois  ans  et  demi.  Il  ne 
manque  à  toutes  ces  belles  choses 
que  des  preuves  et  du  bon  sens. 
Ceux  qui  voudront  prendre  la 
peine  de  lire  la  longue  dissertation 
sur  Vantechrist,  que  l'on  a  placée 
dans  la  Bible  d'Avignon,  t.  16, 
p .  39,  n'en  seron  t  pas  plus  instruits. 
S'il  nous  est  permis  d'en  dire 
notre  avis,  nous  pensons  que  c'est 
une  mauvaise  manière  d'expliquer 
l'Ecriture  sainte  ,  que  de  rappro- 
cher l'une  de  l'autre  des  prédictions 
qui  ont  un  objet  tout  différent,  de 
prendre  à  la  lettre  des  expressions 
qui  sont  évidemment  figurées  et 
hyperboliques,  desupposer  au  con- 
traire des  figui'es  où  il  n'y  en  a  point, 
et  où  l'on  trouve  un  sens  littéral 
très-clair  et  très-simple.  Il  n'est 
pas  sûr  queMalachie,  en  annonçant 
le  retour  d'Elie ,  ait  voulu  parler 


AINT 

de  cet  ancien  prophète,  puîs({ue 
Jésus-Christ  a  fait  à  saint  Jean- 
Baptiste  l'application  de  cette  pré- 
diction. Voyez  Eue.  Il  n'est  pas 
certain  que  Jésus-Christ  lui-même 
ait  prédit  la  fin  du  monde ,  pu  isque 
tout  ce  qu'il  dit  peut  s'entendre 
de  la  ruine  de  Jérusalem,  et  delà 
fin  de  la  république  juive;  plusieurs 
interprètes  catholiques  l'ont  ainsi 
entendu.  Voyez  Fin  du  monde.  Il  est 
fort  douteux  si ,  dans  la  seconde 
épître  aux  Thessaloniciens ,  saint 
Paul  ,  par  Vhomme  de  péché ,  a 
voulu  désigner  l'an/ec^m/,  ou  un 
des  persécuteurs  qui  avoiententre- 
pris  la  ruine  du  christianisme. 
Nous  n'avons  aucune  preuve  cer- 
taine que  saint  Jean,  par  Vante- 
christ, ait  entendu  un  seul  homme, 
puisqu'il  dit  qu'il  y  a  eu  plusieurs 
antechrists ,  etc.  Enfin,  l'on  ne  peut 
pas  prouver  qu'il  est  question  de 
ce  personnage  dans  l'Apocalypse. 
Que  peut-il  donc  résulter  de  la 
comparaison  de  quatre  ou  cinq 
prophéties  dont  le  sens  n'est  pas 
clair,  sur  l'explication  desquelles 
les  interprètes  ne  sont  point  d'ac- 
cord ,  et  qui  peut-être  n'ont  aucun 
rapport  entre  elles  PNotre  religion 
n'a  pas  besoin  de  conjectures ,  de 
vains  systèmes ,  de  figurisme  ar- 
bitraire ,  pour  se  soutenir  ;  la  fu- 
reur de  lui  donner  de  pareils  ap- 
puis ne  peut  que  lui  nuire  et  donner 
prise  à  ses  ennemis.  Voyez  Figu- 
risme. 

ANTÉDILUVIENS  ,  hommes 
qui  ont  vécu  avant  le  déluge.  L'E- 
criture nous  les  représente  comme 
une  race  d'impies  et  d'hommes 
pervers  ;  elle  dit  que  leur  malice 
étoit  extrême  et  toutes  leurs  pen- 
sées tournées  vers  le  mal ,  que 
toute  chair  avoit  corrompu  sa 
voie.  «  Dieu  dit ,  ajoute  la  vujgate, 
»  Mon  esprit  ne  demeurera  point 
»  avec  l'homme  pour  toujours , 
»  parce  qu'il  est  charnel  ;  je  ne  le 
»  laisserai  plus  vivre  que  cent  vingt 


ANT 

»  a»s.  »  Gcn. ,  c.  6,  y .  3.  A  ce  sii- 
jcl,  saint  Jérôme  lait  une  oLser- 
valioii  remarquable.  «  Il  y  a,  selon 
»>  rhébreii  ,  jnon  esprit  ne  jugera 
»  pas  CCS  Juminics  pour  Vélcrnilc  , 
»  parce  qu^ils  sont  de  clinir  ;  c'est-à- 
*>  (lire  ,  je  ne  les  réserverai  pas  à 
»  des  châtiments  éternels  ,  parce 
»  que  la  nature  de  l'homme  est  fra- 
M  gile  ;  mais  je  leur  rendrai  ce  qu'ils 
»  méritent.  Ainsi  ce  verset  n'cx- 
»>  prime  point  la  sévérité  de  Dieu, 
»  comme  dans  nos  versions  ;  mais 
»  sa  clémence ,  lorsque  le  pécheur 
»  est  puni  en  ce  monde  pour  ses 
»  crimes.  »  In  Gcn. ,  c.  6.  En  effet, 
le  texte  hébreu  et  le  samaritain 
portent  littéralement  le  sens  qu'y 
a  vu  saint  Jei'ôme.  De  là  les  Pères 
ont  conclu  que  par  le  déluj^e  Dieu 
a  puni  les  pécheurs  en  ce  monde, 
pour  leur  faire  miséricorde  en 
l'autre.  Origène,  Hom.  i ,  inEzech., 
11.  2.  Tertuli.  ,  X(.  deBapt.,  c.  8. 
Saint  Jean  -  Chrysostôme  ,  in  Ps. 
I  lo  ,  n.  3.  Saint  Jérôme ,  Epist.  ad 
Océan.,  tom.  4,  2.^  part. ,  p.  65o. 
Saint  Augustin,  in  Ps.  58,  serm.  2, 
n.6;  serin.  171,  cfe  vcrbis  apost. , 
n.  5,  etc.  Ils  ont  présumé  que, 
comme  le  déluge  n'arriva  pas  tout 
•à  coup  et  dans  un  seul  instan  t,  mais 
peu  à  peu,  les  pécheurs  curent  le 
temps  de  demander  pardon  à  Dieu, 
et  que  le  Seigneur  se  servit  de  la 
crainte  de  la  mort  pour  leur  inspi- 
rer le  repentir. 

ANTHOLOGE,  du  grec  à^Ooloy^ov, 
que  nous  rendrions  en  latin  par 
/Inrilegium ,  recueil  de  Heurs 

C'est  un  recueil  des  principaux 
ofllces  qui  sont  en  usage  dans  l'E- 
glise grecque.  Il  renferme  les  offices 
propres  des  fêtes  de  Jésus-Christ, 
de  la  sainte  Vierge  et  de  quelques 
saints  ;  de  plus  ,  des  offices  pour 
les  prophètes  ,  les  apôtres  ,  les 
martyrs,  les  confesseurs ,  les  vier- 
ges ,  etc.  Léon  Allatius ,  dans  sa 
première  Dissertation  sw  les  livres 
ecclésiastiques  des  Grecs ,  en  parle  , 


ANT  ,53 

mais  avec  peu  d'éloge  Ce  n'etoil 
d'abord  qu'un  livret,  que  l'avidité 
ou  la  fantaisie  de  ceux  qui  l'ont 
augmenté ,  a  beaucoup  grossi  ;  mais 
qui ,  à  quelques  nouveautés  prés  , 
ne  contient  rien  qui  ne  se  trouve 
dans  les  menées  et  dans  les  autres 
livres  ecclésiastiques  des  Grecs. 

Outre  cet  anihologe ,  qui  est  à 
l'usage  des  Eglises  grecques ,  An- 
toine Arcudius  en  a  publié  un  nou- 
veau sous  le  titre  de  nouvel  Antho' 
loge  ou  Florilège,  imprimé  à  Rome 
en  iSgS:  c'est  un  abrégé  du  pre- 
mier, une  espèce  de  bréviaire  rac- 
courci et  commode  dans  les  voyages 
pour  les  prêtres  et  les  moines  grecs, 
qui  ne  peuvent  porter  le  premier, 
à  cause  de  son  extrême  grosseur  ; 
mais  il  est  encore  moins  que  celui- 
ci  du  goût  d'Allatius,  qui  accuse 
l'abbréviateur  de  plusieurs  altéra- 
tions et  infidélités  considérables. 
Allât. ,  de  libr.  Eccl.  Grœc.  R.;  Si- 
mon ,  Suppl.  aux  cérém.  des  Juifs. 

ANTHROPOLOGIE ,  mot  formé 
du  grec  œv0p&)7toi;,  homme,  et  ).oyoç, 
parole  ;  c'est  une  manière  de  s'ex- 
primer par  laquelle  les  écrivains 
sacrés  attribuent  à  Dieu  des  mem- 
bres ,  des  actions  ou  de-s  affections 
qui  ne  conviennent  qu'à  l'homme; 
et  cela  pour  s'accommoder  à  la 
foiblesse  de  notre  intelligence. 
Ainsi  il  est  dit  dans  la  Genèse,  que 
Dieu  marchoit  dans  le  paradis  ter- 
restre ,  qu'il  appela  Adam,  qu'il  se 
repentit  d'avoir  fait  l'homme;  dans 
les  psaumes  ,  que  les  cieux  sont 
l'ouvrage  des  mains  de  Dieu ,  que 
ses  yeux  sont  ouverts  et  veillent  sur 
l'indigent,  etc. 

Vainement  les  manichéens  se  sont 
scandalisés  autrefois  de  ces  expres- 
sions ,  et  ont  accusé  d'erreur  les 
écrivains  de  l'ancien  Testament  ; 
plus  vainement  encore  ,  d'autres 
hérétiques  les  ont  prises  à  la  lettre, 
et  en  ont  conclu  que  Dieu  a  une 
forme  humaine.  1/Ecriture  nous 
enseigne  assez  (  lairemcnl  que  Dieu 


i54  ATST 

est  un  être  purement  spirituel  , 
simple  ,  sans  composition  et  sans 
parties.  Mais  pour  faire  compren- 
dre aux  hommes  les  opérations  de 
Dieu,  il  a  fallu  se  servir  du  lanj^age 
humain  ;  et  ce  langa^^e  ne  peut 
fournir,  pour  exprimer  les  actions 
de  Dieu,  d'autres  termes  que  ceux 
qui  désignent  les  actions  des  hom- 
mes. Ces  termes,  à  l'égard  de  Dieu, 
sont  des  métaphores  qui  nous  ap- 
prennent seulement  que  Dieu  agit, 
produit,par  un  simple  acte  de  sa  vo- 
lonté, les  mêmes  effets  que  s'il  a  voit 
des  pieds  ,  des  mains,  des  yeux, etc. 
Kous  tombons  dans  le  même 
inconvénient  à  l'égard  des  opé- 
rations de  notre  àme.  Comme  les 
organes  du  corps  sont  les  instru- 
ments par  lesquels  nous  exerçons 
nos  facultés  spirituelles  ,  il  est 
naturel  d'exprimer  celles-ci  par 
les  fonctions  corporelles.  Nous 
disons  d'un  homme  de  génie  que 
c'est  une  bonne  tète,  d'un  esprit 
pénétrant  qu'il  a  de  bons  yeux, 
d'un  homme  puissant  qu'il  a  le 
bras  long ,  etc.  Ce  langage  ne 
trompe  personne.  Ainsi,  par  ana- 
logie, les  yeux  de  Dieu  sont  la 
oonnoissance  qu'il  a  de  toutes 
choses;  sa  main,  son  bras,  est 
sa  puissance;  sa  bouche  ,  sa  pa- 
role, sont  les  signes  qu'il  donne 
de  sa  volonté,  etc.  Le  psalmiste 
dit  que  les  cieux  sont  l'ouvrage 
des  doigts  de  Dieu,  afin  de  nous 
faire  comprendre  que  Dieu  les  a 
faits  sans  y  employer  toutes  ses 
forces,  mais  avec  autant  de  facilité 
que  ce  que  nous  faisons  du  bout  des 
doigts.  K.lesdeuxarticlessuivants. 

ANTHROPOINIORPHISME, 
ANTHROPOMORPlilTES,  termes 
formé  d'av6j3to7ro;  ,  homme  ,  et 
de  iioftfT,  ,* forme.  \j  anthropomor- 
phisme est  l'erreur  de  ceux  qui 
attribuent  à  Dieu  une  figure  hu- 
maine, un  corps  humain.  D'an- 
ciens hérétiques  prirent  à  la  lettre 
les  anthropologies   de  l'Ecriture  , 


ANT 

et  ce  qu'elle  nous  dit  que  Dieu  a 
fait  l'homme  à  son  image  et  à  sa 
ressemblance.  Ils  en  conclurent 
que  Dieu  a  réellement  des  pieds, 
des  mains  ,  des  yeux  et  un  corps 
comme  le  nôtre;  que  les  patriar- 
ches avoient  vu  Dieu ,  non  sous 
une  figure  empruntée,  mais  dans 
sa  propre  substance  divine.  Us 
nommoient  origenisien  ,  ceux  qui 
l«ur  soutenoient  que  Dieu  est  un 
être  purement  spirituel:  Us  allé- 
gorisent,  disoient-ils,  comme  Ori- 
gene,  les  paroles  de  l'Ecriture  qui 
prouvent  que  Dieu  a  un  corps 
comme  nous. 

Saint  Epiphane  appelle  les  an- 
ihropomorphiies,audiens,  d'un  cer- 
tain Audius  ,  que  l'on  croit  avoir 
été  leur  chef,  et  qui  a  vécu  dans 
laMésopotamie;  il  éloit  à  peuprés 
contemporain  d'Arius  :  saint  Au- 
gustin les  nomtnç  vadienSyVadiani. 

Mosheiro  qui  croit  sur  des  preu- 
ves assez  légères  que  Vanihropo- 
morphisme  éloit  une  erreur  très- 
commune  dans  les  premiers  siè- 
cles de  l'Eglise,  non-seulement 
parmi  les  fidèles ,  mais  parmi 
les  èveques,  avoue  néanmoins  que 
ceux  qui  le  soutenoient,  n'attri- 
buoient  pas  à  Dieu  un  corps 
grossier  et  charnel,  mais  un  corps 
subtil  et  délié,  semblable  à  la  lumiè- 
re ,  organisé  comme  le  corps  hu- 
main ,  non  par  nécessité ,  mais 
pour  l'ornemejit  et  pour  se  rendre 
visible    aux  bienheureux. 

Tertullien  semble  être  tombé 
dans  VanlfiropomorpJiisme  ;  mais 
on  peut  aisément  l'en  disculper, 
puisqu'il  a  démontré,  contre Her- 
mogène,  que  Dieu  est  créateur 
de  là  matière  ;  il  auroit  donc 
fallu  que  Dieu  créât  son  propre 
corps  ,  absunlité  qui  n'est  jamais 
venue  dans  l'esprit  de  Tertullien. 
Ce  Père  pense  que  ,  quand  Dieu 
est  apparu  aux  patriarches,  ce 
n'étoit  pas  Dieu  le  père,  mais 
son  Fils  ,  qui ,  en  prenant  une 
figure  humaine  ,  prcludoit,  pour 


AiNT 

ainsi  dire,  à  rincarnalion.  Adf. 
Marcion.,  1.  2,  c.  27.  Il  cloit  donc 
hicn  persuadé,  que  Dieu  n'a  point 
de   corps. 

Mosheim  rapporte  qu'au  dixième 
siècle  cette  erreur  fut  renouvelée 
en  Italie  par  des  gens  du  com- 
mun ,  et  même  par  des  ecclésias- 
tiques, et  qu'ils  y  furent  induits 
par  l'habitude  de  voir  des  imafçes 
dans  les  églises.  Quand  cela  sercit , 
il  ne  s'ensuivroit  rien  contre  le 
culte  des  images  :  les  anlhropo- 
morphiies  du  quatrième  siècle 
avoient  été  induits  en  erreur  par 
plusieurs  passages  de  l'Ecriture 
sainte  grossièrement  entendus.  Ce- 
pendant les  protestants  veulcntque 
les  hommes  les  plus  ignorants  li- 
sent l'Ecriture  sainte. 

Aujourd'hui,  parmi  les  incré- 
dules modernes  ,  les  uns  accusent 
àH anihroponinrphisine  tous  ceux  qui 
admettent  un  Dieu;  parceque  nous 
ne  pouvons  penser  à  Dieu  sans 
nous  en  former  une  image.  Mais 
cette  illusion  de  l'imagination  ne 
prouve  rien  ,  dès  que  nous  faisons 
profession  de  croire  que  Dieu  est 
un  pur  esprit.  Toutes  les  fois  que 
nous  entendons  nommer  un  objet 
que  nous  n'avons  jamais  vu  ,  nous 
nous  en  formons  une  image  ,  et 
cette  image  est  toujours  très-diffé- 
rente de  ce  qu'est  l'objet  eu  lui- 
même  :  il   ne  s'ensuit  rien. 

D'autres  reprochent  aux  théo- 
logiens V  anthropomorpJiIsrne  s/)iri- 
iuel,  c'est-à-dire,  d'attribuer  à 
Dieu  toutes  les  qualités  humai- 
nes, l'entendement,  la  volonté,  la 
science,  la  sagesse,  etc.  De  ce 
langage,  disent-ils,  il  s'ensuit 
que  Dieu  est  de  même  nature  que 
nous,  un  homme  comme  nous, 
quoiqueplusp;irfait  peut-être  que 
nous.  Quand  cela  seroit  vrai, 
faudroit-il  embrasser  l'athéisme, 
parce  que  nous  ne  pouyOJis  avoir 
de  Dieu  des  idées  dignes  desa  gran- 
deur et  de  ses  perfections  infinies  ? 
OU  faut-il  nous  abstenir  de  penser 


AINT 


i55 


à  Dieu  et  d'en  parler,  parce  que 
le  langage  humain  n'est  pas  assez 
parlait;'  Mais  le  reproche  des 
athées  est  mal  fondé.  Nous  croyons 
et  nous  déclarons  qu'en  Dieu  toute 
perfection  est  infinie,  exempte  de 
Ions  les  défauts  de  riiomme  ,  mais 
que  notre  esprit  borné  ne  peut 
rien  concevoir  d'infini  :  il  n'y  a 
donc  là  aucun  danger  d'erreur. 
I^ny.  Attributs,  et  l'article  sui- 
vant. 

ANTHROPOPATHIE  ;  figure  , 
expression,  discours  par  lesquels 
on  attribue  à  Dieu  les  passions 
humaines ,  comme  l'amour,  la 
haine,  la  colère,  la  jalousie  ,  etc. 
Ce  n'est  pas  la  même  chose  qu'a/?- 
Ihropolngie  :  celle-ci  a  lieu  lors- 
qu'on attribue  à  Dieu  quelque 
chose  que  ce  soit  qui  convient  à 
l'homme, commedesmerabres,  etc. 
AnihropapalJiie  ne  se  dit  que 
quand  on  lui  prête  des  passions 
ou    des   affections   humaines. 

Puisque  Dieu  f-St  immuable  et 
souverainement  parfait,  il  est 
évident  qu'on  ne  peut  lui  attri- 
buer des  passions  ,  non  plus  que 
des  membres  corporels ,  sinon 
dans  un  sens  méta[)horique.  On 
dit  que  Dieu  est  irrité,  lorsqu'il 
punit  ,  qu'il  hait  les  impies,  par 
la  même  raison  qu'il  est  jaloux 
de  son  culte  ,  parce  qu'il  défend 
de  le  rendreà  d'autres  qu'à  lui,  etc. 
Voyez  Glassii  PJiilolog.  Sacra  , 
col.  i53o  et  suiv. 

Tertullien  disoit  aux  marcio- 
niles,  qui  se  scandalisoient  de  ce? 
expressions  de  l'Ecriture  sainte  ; 
«  Je  vous  répète  que  Dieu  n'a  pu 
')  converser  avec  les  hommes  ,  à 
')  moins  qu'il  ne  daignât  parler 
»  comme  eux,  s'attribuer  leurs 
»  sentiments  et  leurs  affections. 
»  Il  falloitcelangage  humain, pour 
»  mettre  à  portée  de  notre  foi- 
»  blesse  les  grandeurs  de  la  majesté 
>)  suy)r?me.  Si  cela  paroît  indigne 
))  de  Dieu  ,    cela  est   nécessaire  à 


i56  ANT 

»  rhomme  :  or,  rien  n'est  pjus  di- 
»  gne  de  Dieu  que  rinslruction  et 
)>  le  salut  de  ses  créatures.  »  Adv. 
Marcion.  ,  1.  2 ,  c.  27.  Origène , 
contie  Celse,  1.  4,  «•  71  clsuiv.  ; 
saint  Cyrille,  contre  Julien,  1.  5, 
p   i5i  —  i54,  répondent  de  même. 

ANTHROPOPHAGES ,  peuples 
qui  mangent  delà  chair  humaine; 
leur  nom  vient  d'avOpuiro;  ,  hom- 
me, et  de  ipaisvv,  mangei-.  Avant 
que  les  hommes ,  devenus  sauva- 
ges ,  eussent  été  adoucis  par  la 
culture  des  arts  et  civilisés  par 
des  lois,  il  paroît  que  la  plupart 
des  peuples  mangeoientdela  chair 
humaine:  les  Sauvages  en  mangent 
encore;  les  Grecs  et  les  Romains 
attribuoient  à  Orphée  la  réforme 
de  cet  horrible  usage.  Croiroit- 
on  qu'il  a  plu  à  un  philosophe 
de  notre  siècle  d'accuser  les  Juifs 
d'avoir  été  anthropophages  ?  Nous 
lisons  dansEzéchiel,  c.  3i  et  suiv.  : 
«  Dites  aux  oiseaux  du  ciel  et  aux 
»  bêtes  de  la  campagne  :  Venez, 
»  accourez  à  la  victime  que  je  vais 
»  immoler  sur  les  montagnes  d'Is- 
3>  raël ,  pour  vous  en  faire  manger 
)>  la  chair  et  boire  le  sang.  Vous 
))  mangerez  la  chair  des  guerriers , 
»  vous  boirez  le  sang  des  grands 
»  de  la  terre  ,  des  béjiers  et  des 
»  taureaux,  etc.  »  Selon  le  phi- 
losophe dont  nous  parlons,  les 
oiseaux  du  ciel  et  les  bêtes  de  la 
campagne  sont  les  Juifs, 

Nous  ne  relèverions  pas  cette 
ineptie,  si  nous  ne  savions  jus- 
qu'à quel  point  les  disciples  des 
philosophes  portent  l'incrédulité. 

ANTI-ADIAPHORISTES,c'est- 
à-dire  ,  opposés  aux  adiaphoristes 
ou  indifférents.  Voyez  Adiapho- 
ristes. 

Dans  le  seizième  siècle ,  ce  nom 
fut  donné  à  une  secte  de  luthé- 
riens rigides,  qui  refusoient  de 
reconnoître  la  juridiction  des  évê- 
qucs,  et   improuvoicnt  plusieurs 


ANT 

cérémonies  de  l'Eglise  observées 
par  les  luthériens  mitigés.  Voyez 
Luthériens  . 

ANTIDlCOMARIATES,anciens 

hérétiques  qui  ont  prétendu  que 
la  sainte  Vierge  n'avoit  pas  con- 
tinué de  vivre  dans  l'état  de  vir- 
ginité; mais  qu'elle  avoit  eu  plu- 
sieurs enfants  deJoseph  son  époux, 
après  la  naissance  de  Jésus-Christ. 
Voyez  Vierge. 

On  les  appelle  aussi  antidico- 
mariies ,  et  quelquefois  antima- 
rianiles  et  antimariens.  Leur 
opinion  étoit  fondée  sur  des  pas- 
sages de  l'Ecriture  ,  où  Jésus  fait 
mention  de  ses  frères  et  de  ses 
sœurs  ;  et  sur  un  passage  de  sainU 
Matthieu,  oùil  est  dit  que  Joseph 
ne  connut  point  Marie  jusqu'à  ce 
qu'elle  eut  mis  au  monde  notre 
Sauveur.  Mais  on  sait  que  chez 
les  Hébreux,  les  frères  et  les  sœurs 
signifient  souvent  les  cousins  et 
les  cousines. 

Les  antidicomarianites  étoient 
des  sectateurs  à'Helvidius  et  de 
Joeinien ,  qui  parurent  à  Rome 
sur  la  fin  du  quatrième  siècle. 
Us  furentréfutés  par  saint  Jérôme. 

ANTIENNE  ,  en  latin  aniipho- 
na ,  du  grec  àvTc  ,  contre ,  et  (ftavh , 
voix,  chant. 

Les  antiennes  ont  été  ainsi  nom- 
mées ,  parce  que  dans  l'origine  on 
les  chantoit  à  deux  chœurs  ,  qui 
se  répondoient  alternativement  ; 
et  l'on  comprenoit  sous  ce  titre 
les  hymnes  et  les  psaumes  que 
l'on  chantoit  dans  l'église.  Saint 
Ignace ,  disciple  des  apôtres  ,  a 
été,  selon  Socrate,  l'auteur  de 
cette  manière  de  chanter  parmi 
les  Grecs  ;  et  saint  Ambroise  l'a 
introduite  chez  les  Latins.  Théo- 
dore en  attribue  roriginc  à  Dio- 
dore  et  à   Flavien. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  comprenoit 
sous  ce  titre  tout  ce  qui  se  chantoit 
par  deux  chœurs  dans  l'église  aller- 


AINT 

nalivomcnt.  AnjoaitVluii  la  signi- 
ficalioii  (le  ce  leriiic  eslrcslreiuteà 
certains  passages  courts  lires  tle 
l'EcritTire,  qui  conviennent  au 
mystère,  à  la  vie  ou  à  la  dignité 
du  saint  dont,  on  célèbre  la  lé.te , 
et  qui,  soit  dans  le  chant,  soitdans 
la  l'écitation  del'otfice,  précèdent 
les  psaumes  et  les  cantiques.  Le 
nombredes  antiennes  variesulvant 
la  solennité  plus  ou  moins  grande 
des  offices.  L'intonation  de  Van- 
tienne  doit  toujours  régler  celle  des 
psaumes.  Les  premiers  mots  de 
Vanliennc  sont  adressés  par  un 
choriste  à  quelque  personne  du 
clergé  ,  qui  la  répète  ;  c'est  ce  qui 
s'appelle  imposer  et  entonner  une 
antienne.  Dans  l'office  romain , 
après  l'imposition  de  Vantiennc, 
le  chœur  poui'suit  et  la  chante 
toute  entière  avant  le  psaume  ,  et 
après  le  psaume  tout  le  chœur 
la  repète. 

On  donne  aussi  le  nom  à^ an- 
tienne à  quelques  prières  particu- 
lières que  l'Eglise  romaine  chante 
à  l'honneur  de  la  sainte  Vierge  , 
et  qui  sont  suivies  d'un  verset  et 
d'une  oraison,  telles  que  le  Salve, 
Rcgina  ,  Regina  cœli ,  etc. 

ANTILUTHÉRIENS  ou  SACRA- 
MENT AIRES,  hérétiques  du  sixiè- 
me siècle,  qui,  ayant  rompu  de 
communion  avec  l'Eglise,  à  l'imita- 
tion deLuthcr, n'ont  cependant  pas 
suivi  ses  opinions,  et  ont  formé 
d'autres  sectes,  telles  que  les  cal- 
vinistes, les   zuingliens,  etc. 

ANTIMENSE,  est  une  sorte  de 
napjie  consacrée,  dont  on  use  en 
certaines  occasions  dans  l'Eglise 
grecque,  dans  les  lieux  où  il  ne 
se  trouve  point  d'autel  convenable. 

Le  Père  Goar  observe ,  qu'eu 
égard  au  peu  d'églises  consacrées 
qu'avoient  les  Grecs,  et  à  la  diffi- 
culté du  transport  des  autels  con- 
.sacrés  ,  cette  Eglise  a  fait  durant 
des  siècles   entiers   usage  de  cor- 


ANT  15; 

tailles  étoffes  consacrées ,  ou  de 
linges  appelés  antimensia ,  pour 
suppléer   à  ces  défauts. 

ANTINOMIENS  ou  ANO- 
MIENS  ,  ennemis  de  la  loi.  Plu- 
sieurs sectes  d'hérétiques  ont  été 
ainsi    appelées. 

1.°  Les  anabaptistes,  qui  soutin- 
rent d'abord  que  la  liberté  évan- 
gélique  les  dispensoit  d'être  sou- 
mis aux  lois  civiles  ,  et  qui  prirent 
les  armes  pour  secouer  le  joug 
des  princes  et  de  la  noblesse.  En 
cela,  ils  prétendirent  suivre  les 
principes  que  Luther  avoit  établis 
dans  son  livre  de  la  liberté  évan~ 
gélique.  Voyez  Anabaptistes. 

2.°  Les  sectateurs  de  Jean  Agri- 
cola,  disciple deLuther,  né  comme 
lui  à.  Islcbe ,  ou  Aisleben  ,  dans  la 
Basse -Saxe,  d'où  ces  sectaires 
furent  aussi  nommés  Islébiens. 
Comme  saint  Paul  a  dit  que 
l'homme  est  justifié  par-  la  foi, 
sans  les  œuvres  de  la  loi  ;  que  la 
loi  est  survenue  de  manière  que 
le  péché  s'est  augmenté;  que  si 
l'on  peut  être  juste  par  la  loi  , 
Jésus-Christ  est  mort  en  vain,  etc. 
Luther  et  ses  disciples  en  pri- 
rent occasion  de  soutenir  que 
l'obéissance  à  la  loi  et  les  bonnes 
œuvres  ne  servoient  de  rien  à  la 
justification  ni  au  salut.  Ils  ne 
vouloient  pas  voir  que ,  dans  tous 
ces  passages  ,  saint  Paul  parle  de 
la  loi  cérémonielle ,  et  non  de  la 
loi  morale  contenue  dans  le  Dé- 
caloguc,puisqu'en  parlant  de  celle- 
ci  ,  il  dit  que  ceux  qui  accomplis- 
sent la  loi  seront  justifiés.  Rom  , 
c.  2,    f.  i3. 

Mosheimafaitcequ'il  a  pu  pour 
pallier  la  turpitude  de  la  doctrine 
de  Luther ,  et  les  pernicieuses  con- 
séquences qui  s'ensuivoient.  Pen- 
dantqueLulher,  dit-il ,  inculquoit 
aux  peuples  la  doctrine  de  l'Evan- 
gile ,  qui  nous  représente  les  mé- 
rites de  Jésus  -  Christ  comme  la 
source  du  salut  des  hommes;  peu- 


i58  ANT 

dant  qu'il  ré.futoit  les  papistes ,  qui 
confondent  la  loi  avec  l'Evangile  , 
etqui  nous  reprcsentcntle  bonheur 
éternel  comme  la  recompense  de 
l'obéissance  iej^ale,  il  s'éleva  un  fa- 
na tique  nommé  <\°;ricola,  qui  abusa 
de  sa  doctrine,  et  ouvrit  la  porte 
aux  erreurs  les  pi  us  pernicieuses.il 
se  mi  là  déclamer  contre  la  loi ,  sou- 
tenant qu'il  ne  convenoit  point  de 
la  proposer  au  peuple  comme  une 
règle  de  mœurs,  et  que  l'on  devoit 
seborner  a  enseigner  et  à  expliquer 
l'Evangile  ;  ses  sectateurs  furent 
nommes  aniinomîens.  Ceux  qui  les 
ont  combattus  ,  prétendent  que 
leur  morale  étoit  très  -  dissolue  ; 
que,  selon  leur  doctrine  ,  un  hom- 
me pouvoit  se  livrer  à  ses  pas- 
sions et  transgresser  sans  remords 
la  loi  divine,  pourvu  qu'il  fût  tou- 
jours attaché  à  Jésus-Christ  ,  et 
qu'il  embrassât  ses  mérites  par  une 
foi  vive. 

Mais  ,  continue  Mosheim  ,  il  ne 
faut  pas  croire  aveuglément  toutes 
ces  imputations:  le  principal  cri- 
med'Agricola  consistoit  dans  quel- 
ques expressions  malsonnantes  , 
inexactes  et  impropres  ,  qu'il  ne 
faut  pas  prendre  à  la  rigueur.  Sa 
doctrine  consistoit  à  soutenir  que 
les  dix  commandements  donnes  à 
Moïse  ne  regardoient  proprement 
que  les  Juifs  ;  que  les  chrétiens 
pouvoient  les  négliger  sans  pé- 
cher ;  qu'il  sufflsolt  d'expliquer 
clairement  et  d'inculquer  ce  que 
Jésus-Christ  et  ses  apôtres  avoienl 
enseigné  dans  le  nouveau  Testa- 
ment ,  tant  au  sujet  de  la  grâce  et 
du  salut,  que  par  rapportaux  obli- 
gations du  repentir  et  de  la  vertu. 
La  plupart  des  docteurs  de  ce  siè- 
cle ont  le  défaut  de  ne  j>o!nt  ex- 
pliquer leurs  sentiments  d'une  ma- 
nière claire  et  suivie  ;  de  là  vient 
qu'on  leur  impute  des  opinions 
qu'ils  n'ont  jamais  eues.  Hisi.  ec- 
clésiast. ,  seizième  siècle,  sect.  3  , 
2.*  part.  ,  c.  t  ,  §  25  et  26. 

Cette  apologie  d'un  sectaire  fa- 


ANT 

nalique  est  un  chef-d'œuvre  d'eji- 
têtement  et  de  mauvaise  foi.  Jin 
pi'cmier  lieunous  défions  Mosheim 
et  tous  les  protestants  de  citer  un 
seul  théologien  catholique  quin'ait 
pas  représente  les  mérites  de  Jé- 
sus-Christ comme  la  source  du 
salut  des  hommes;  qui  ait  attribué 
aux  bonnes  œuvres  un  mérite  indé- 
pendant de  ceux  de  Jésus-Christ  ; 
qui  ait  représenté  le  bonheur  éter- 
nel comme  la  récompense  d'une 
obéissance  à  la  loi  qui  ne  fût  pas 
l'effet  de  la  grâce  de  Jésus-Christ. 
Nous  les  défions  encore  d'en  citer 
un  seul  qui  ait  confondu  la  loi  avec 
l'Evangile,  qui  ait  dit  que  le  bon- 
heur éternel  est  la  récompense  de 
Vnbéissancc  légale  ,  si  par  là  l'on 
entend  l'obéissante  à  la  loi  céré- 
monielle  des  Juifs.  A  la  vérité ,  Lu- 
ther prétoit  tontes  ces  erreurs  aux 
théologiens  catholiques,  en  dégui- 
santmalicieuseraent leur  doctrine; 
mais  a  près  les  décisions  si  formelles 
du  concile  de  Trente,  universelle- 
ment  suivies  par  tous  les  théolo- 
giens de  l'Eglise  romaine  ,  il  y  a 
bien  de  la  mauvaise  foi  à  confirmer 
encore  la  calomnie  de  Luther,  et  à 
leur  im.pu  ter  une  doctrine  qu'ils  re- 
gardent comme  hérétique.  Quand 
il  seroit  vrai  que  les  théologiens 
catholiques  du  seizième  siècle 
avoient  le  même  défaut  que  les 
autres  docteurs  de  ces  temps-là,  et 
qu'ils  n'expliquoient  pas  leurs  sen- 
timents d'unemanière  assezclaire, 
il  y  auroit  de  l'injustice  à  prendre 
à  la  rigueur  les  expressions  inexac- 
tes dont  ils  se  sont  servis  ,  pour 
leur  imputer  des  opinions  qu'ils 
n'ont  pas  eues,  pendant  que  l'on 
blâme  ce  procédé  à  l'égard  des  doc- 
teurs protestants.  Mosheim  ,  en 
blâmant  les  détracteursd'Agricola 
et  des  anlinomiens  ,  fait  évidem- 
ment le  procès  à  Luther ,  et  se  con- 
damne lui-même. 

En  second  lieu  ,  quand  la  doc- 
trine de  ces  sectaires  auroit  été  telle 
qu'il  le  prétend  ,  elle  seroit  encore 


ANT 

fausse  pt  formellement  contraire  à 
l'Evangile.  Jésus-Clirist  ,  Matlh.  , 
c.  5,  y.  17,  commence  par  tlccla- 
rcr  «ju'il  n'est  point  venu  tlelruire 
la  loi  ni  les  profihctes,  mais  les  ac- 
complir; que  quiconf|ue  détruira 
le  moindre  commandement  de  la 
loi,  et  enseifçnera  a  le  laire,  sera  le 
darnier  dans  le  royaume  des  cieux  ; 
ensuite  il  explique  plusieurs  de  ces 
commandements.  Il  repond  à  un 
jeune  homme  qui  lui  demandoit  ce 
qu'il  faut  faire  pour  avoir  la  vie 
éternelle:  «  SI  vous  voulez  entrer 
»  dans  la  vie  ,  gardez  les  comman- 
»  déments,  qui  sont  de  ne  commet- 
w  tre  ni  homicide,  ni  adultère, 
»  ni  vol,  ni  faux  témoignage,  d'ho- 
»  norer  votre  père  et  votre  rnère, 
»  d'aimerleprochaincomme  vous- 
»  même.  »  chap.  19  ,  y .  16.  C'est 
le  Décalogue.  11  est  donc  faux  que 
ces  dix  commandements  ne  regar- 
doient  proprement  que  les  Juifs  , 
etque  les  chrétiens  peuvent  les  né- 
gliger sans  pécher.  Il  est  absurde 
d'opposer  l'Evangile  à  la  loi  du 
Décalogue  ,  puisque  l'Evangile  la 
renouvelle  :  il  l'est  de  dire  qu'il 
faut  inculquer  ce  que  Jésus-Christ 
et  les  apôtres  ont  enseigne  ,  sans 
faire  mention  du  Décalogue;  puis- 
que le  Décalogue  fait  partie  essen- 
tielle de  leur  doctrine.  Mais  Mos- 
heim,  comme  tous  les  prolestants, 
ne  voit  des  erreurs  que  dans  l'E- 
glLse  romaine;  les  plus  monstrueu- 
ses et  les  plus  révoltantes  ne  lui 
paroissent  rien  dans  sa  secte. 

3.°  Dans  le  dix-septième  siècle, 
il  y  a  eu  d'autres  anlinnrniens  par- 
mi les  puritains  d'Angleterre,  qui 
tirèrent  de  la  doctrine  de  Calvin 
les  mêmes  conséquences  qu'Agri- 
cola  avoit  tirées  de  celle  de  Lu- 
ther. Les  uns  argumentèrent  sur 
la  |irédeslinalion.  Ils  enseignèrent 
qu'il  est  inuliled' exhorter  les  chré- 
tiens à  la  vertu  et  a  l'obéissance  à 
la  loi  de  Dieu ,  parce  que  ceux  qu'il 
a  élus  pour  être  sauvés  ,  par  un 
décret  immuable  et  éternel ,  sont 


AIN'T 


i5f) 


portés  à  la  pratique  de  la  y)iélé  et 
de  la  vertu  par  une  impulsion  de 
la  grâce  divine  ,  à  laquelle  ils  ne 
siuirnicni  résister  ;  SlXx  lieu  que  ceux 
qu'il  a  destinés  à  être  damnés  éter- 
nellement, ne  peuvent  devenir ver- 
tueux ,  quelfjues  exhortations  et 
quelques  remontrances  qu'on  puis- 
se leur  faire  ,  ni  obéir  a  la  loi  di- 
vine ,  puisque  Dieu  leur  refuse  sa 
grâce  et  les  secours  dont  ils  ont 
besoin.  Ils  conclurent  qu'il  l'aut  se 
borner  à  prêcher  la  foi  en  Jésus- 
Christ,  et  les  avantages  de  la  nou- 
velle alliance.  jNIais  quels  sont  ces 
avantages  pour  ceux  qui  sont  des- 
linés  à  être  damnes? 

Les  autres  raisonnèrent  sur  le 
dogme  de  l'inamissibilité  de  la  jus- 
tice. Us  dirent  que  les  élus  ne  pou- 
vant déchoir  de  la  grâce ,  ni  perdre 
la  faveur  divine,  il  s'ensuit  que  les 
mauvaises  actions  qu'ils  commet- 
tent ne  sont  point  des  péchés  réels, 
etnepeuventêtre  regardées  comme 
un  abandon  de  la  loi  ;  que  par  con- 
séquent ils  n'ont  besoin  ni  de  con- 
fesser leurs  péchés,  ni  de  s'en  re- 
pentir ;  que  l'adultère,  par  exem- 
ple, d'un  élu,  quoiqu'il  parois.se 
aux  yeux  des  hommes  un  péché 
énorme,  n'est  point  telle  aux  yeux 
de  Dieu  ;  parce  qu'un  des  carac- 
tères essentiels  et  distinctifs  des 
élus  est  de  ne  pouvoir  rien  faire 
qui  déplaise  à  Dieu  et  qui  soit  con- 
traire a  sa  loi.  Mosheirn ,  dix-sep- 
tième siècle,  sect.   2,   2.*  part.  , 

c.   2,§23. 

Mosheirn  déteste  avec  raison 
toutes  ces  conséquences;  mais  est- 
il  en  état  de  démontrer  qu'elles  ne 
setirentpas  directement  et  évidem- 
ment du  dogme  de  la  prédestina- 
tion, et  de  celui  de  l'inamissibilité 
de  la  justice,  tels  que  Calvin  les  a 
enseignés  .''  Le  docteur  Arnaud  a 
prouvé  la  connexion  de  ces  con- 
sé(}uences  dans  l'ouvrage  intitulé: 
Le  renversement  de  la  morale  de 
Jésus-Christ  par  les  erreurs  des  cal- 
vinistes touchant  la  just'ijication  ;  et 


i6o  ANT 

nous  soutenons  qu'elles  ne  s'ensui- 
vent pas  moins  de  l'opinion  de  la 
grâce  irrésistible ,  opinion  commune 
aux  luthériens  et  aux  calvinistes. 
Dans  cette  hypothèse,  il  est  aussi 
absurde  de  prêcher  la  nécessité  de 
croire  en  Jésus-Christ  et  les  avan- 
tages de  la  nouvelle  alliance  ,  que 
d'exhorter  les  hommes  à  la  vertu 
et  à  l'obéissance  à  la  loi  de  Dieu. 
Ceux  à  qui  Dieu  ne  donne  pas  la 
grâce  irrésistible  de  la  foi  en  Jésus- 
Christ,  ne  peuvent  pas  plus  avoir 
cette  foi ,  qu'ils  ne  peuvent  obéir 
à  la  foi  ,  lorsque  Dieu  leur  refuse 
la  grâce  irrésistible  de  l'obéissance. 
Dans  cette  même  hypothèse,  il  est 
très-vrai  que  l'homme  privé  de  la 
grâce  ne  pèche  point  en  désobéis- 
sant à  la  loi  ;  parce  qu'il  est  ab- 
surde que  rhomnxe  qui  pèche  soit 
condamnable  et  punissable ,  en  ne 
faisant  pas  ce  qu'il  lui  est  impos- 
sibledefaire.  Or,  ilestimpossibleà 
l'homme  de  croire  en  Jésus-Christ 
et  d'obéir  à  la  loi  sans  la  grâce. 

Il  est  donc  évident  que  les  er- 
reurs de  ces  diverses  sectes  d'a/z- 
linomiens  ne  pouvoient  manquer 
d'éclore  de  la  doctrine  des  préten- 
dus réformateurs. 

4."  Quelques-uns  prétendent  que 
l'on  a  aussi  donné  le  nom  à'anti- 
nomiens  à  ceux  qui  soutiennent 
que,  dans  la  pratique  des  bonnes 
œuvres,  il  ne  faut  avoir  aucun  égard 
aux  motifs  naturels,  parce  que  les 
œuvres  inspirées  par  ces  motifs  ne 
servent  de  rien  au  salut.  Mais  ces 
motifs  ne  sont  point  incompati- 
bles avec  ceux  que  la  foi  nous  pro- 
pose. Lorsque  Jésus  -  Christ  dit  : 
«  Donnez,  et  l'on  vous  donnera;.., 
)»  vous  serez  mesurés  comme  vous 
»  aurez  mesuré  les  autres  ,  »  Luc, 
c.  6  ,  '^~ .  36  ;  «  Accordez  -  vous 
I)  promptement  en  chemin  avec 
•>  votre  adversaire  ,  de  peur  qu'il 
»  ne  vous  livre  au  juge  ,  et  que 
»  vous  ne  soyez  rais  en  prison,  » 
Matth.,  c.  5,  '^' .  25;  lorsque  saint 
Paul  dit:  «  Gloire,  honneur  et  paix 


AIST 

»  à  quiconque  fait  le  bien  j  etc.  » 
Ils  nous  prennent  par  notre  pro- 
pre intérêt,  motif  très  -  naturel. 
Autre  chose  est  de  dire  qu'il  ne 
faut  pas  agir  par  les  motifs  natu- 
rels seuls ,  et  autre  chose  de  sou- 
tenir qu'il  ne  faut  jamais  agir  par 
aucun  de  ces  motifs.  Quoiqu'une 
bonne  œuvre  faite  par  ces  seuls 
motifs  ne  soit  pas  méritoire  pour 
le  salut ,  elle  est  cependant  loua- 
ble ;  l'habitude  d'en  faire  ainsi 
dispose,  du  moins  indirectement , 
à  en  faire  par  des  motifs  plus  par- 
faits. Un  païen  vertueux  par  nature 
est  sans  doute  mieux  disposé  qu'un 
païen  vicieux  à  devenir  chrétien , 
et  à  pratiquer  la  vertu  lorsqu'il  le 
sera.  L'Eglisea  condamné  avec  rai- 
son les  théologiens  qui  ont  ensei- 
gné que  toutes  les  bonnes  œuvres 
des  infidèles  sont  des  péchés  ,  et 
que  toutes  les  vertus  des  philoso- 
phes sont  des  vices.  Voyez  Infidè- 
les, OEmnEs. 

ANTIOCHE.  Il  paroît  que  l'E- 
glisedecetteville capitale  de  Syrie, 
est  la  plus  ancienne  après  celle  de 
Jérusalem  ;  selonla  tradition ,  c'est 
là  que  saint  Pierre  établit  son  pre- 
mier siège  ,  et  que  les  disciples  de 
Jésus  -  Christ  piùrent  le  nom  de 
chrétiens.  Aci. ,  c.  1 1 ,  y .  ig  et  26  ; 
c.  i3  ,  y.  I ,  etc.  Saint  Luc  ,  l'un 
des  évangélistes,  étoit  d'Antioche. 
Comme  c'étoit  la  demeure  du  gou- 
verneur romain  qui  commandoit 
dans  la  Palestine  ,  il  y  avoit  une 
relation  nécessaire  et  continuelle 
entre  Jérusalem  et  Antioche;  ceux 
qui  crurent  en  Jésus -Christ  dans 
cette  dernière  ville  ,  ne  purent 
ignorer  les  faits  qui  s'étoient  passés 
dans  la  première.  Ce  fut  donc  avec 
pleine  connoissance  de  cause  que 
plusieurs  Juifs  à.^ Antioche  ,  et  en- 
suite plusieurs  païens,  embrassè- 
rent le  christianisme.  Il  devoit  y 
avoir  parmi  eux  plusieurs  témoins 
oculaires  des  miracles  que  Jésus- 
Christ  avoit  opérés  immédiatement 


ANT 

avant  la  pàquc  à  laquelle  il  fui  mis 
à  mort,  et  de  la  descente  du  Saint- 
Esprit  sur  les  apôtres  à  la  lète  de 
la  Pentecôte.  Cette  Eglise  eut  sans 
doute  une  liturgie  propre  dès  son 
origine  ;  mais  il  n'est  pas  certain 
que  ce  soit  celle  qui  a  paru  dans 
la  suite  sous  le  nom  dcsaintPierre. 
Voyez  Liturgie. 

Que  saint  Pierre  ait  fondé  le 
siège  épiscopal  à'Aniioche  avant 
d'aller  à  Rome,  c'est  un  fait  attesté 
par  les  auteurs  les  plus  respecta- 
bles; Origène,  Eusèbe,  saint  Jérô- 
me ,  saint  Jean-Chrysostôme ,  etc. , 
eji  parlent  comme  d'une  chose 
de  laquelle  personne  n'a  jamais 
douté  ;  et  la  fête  de  la  chaire  de 
saint  Pierre  à  Aniioche  est  tré^- 
ancienne  dans  l'Eglise.  Vies  des 
Pères  et  des  Martyrs ,  tom.  2,  pag. 
345. 

Basnagc,  Hist.  de  V Eglise ,  1.3, 
c.  I  ,  a  fait  tous  ses  efforts  pour 
prouver  le  contraire  par  les  Actes 
des  apôtres;  mais  il  n'en  a  tiré  que. 
des  preuves  négatives  et  des  diffi- 
cultés de  chronologie,  foibles  armes 
pour  renverser  des  témoignages  po- 
sitifs touchant  un  fait  qui  a  dû  être 
très-public. 

Au  cinquième  et  au  sixième  siè- 
cle, le  patriarcat  de  cette  ville  se 
nommoit  le  diocèse  (£ Orient  :  il  s'é- 
tendoit  sur  la  Syrie,  la  Mésopota- 
mie et  la  Cilicie  ;  la  ville  fut  sac- 
cagée par  Chosrocs  ,  roi  de  Perse  , 
l'an  540,  et  prise  par  les  Sarrasins 
mahométans  l'an  637.  Les  croisés 
la  reprirent  l'an  1098 ,  et  le^s  Turcs 
s'en  sont  emparés  de  nouveau  en 
1268.  Aujourd'hui  il  y  a  trois  évê- 
ques  qui  prennent  le  titre  de  pa- 
triarche Â''Antioche  :  l'un  est  celui 
des  melchites  ,  ou  chrétiens  grecs 
schismatiques  ;  l'autre,  celui  des 
Syriens  monophysites  ou  jacobi- 
tcs;  le  troisième,  celui  des  Syriens 
maronites  ,  ou  chrétiens  catholi- 
ques attachés  à  l'Eglise  romaine. 
On  prétend  que  celui  des  jacobites 
s'est  réuni  depuis  peu  à  cette  même 
I. 


AxNT  ,61 

communion  ,  avec   plusieurs  évo- 
ques de  sa  dépendance. 

ANTIPAPES.  On  donne  ce 
nom  à  ceux  qui  ont  prétendu  se 
faire  reconnoître  pour  souverains 
pontifes  ,  au  préjudice  d'un  pape 
légitimement  élu;  on  en  compte 
depuis  le  troisième  siècle  jusqu'au- 
jourd'hui vingt-huit. 

ANTIPODES ,  hommes  dont  lei 
pieds  sont  tournés  vers  les  nôtres: 
c'est  ce  que  signifie  ce  nom.  Si 
nous  en  croyons  Aventinus,  dans 
ses  Annales  de  Bavière ,  Boniface , 
archevêque  de  Mayence  ,  et  légat 
du  pape  Zacharie  dans  le  huitième 
siècle ,  déclara  hérétique  un  évêque 
de  ce  temps  nommé  Vigile  oxi  Vir- 
gile, pour  avoir  osé  soutenir  qu'il 
y  a  des  antipodes. 

L'auteur  d'une  Dissertation  im- 
primée dans  les  Mémoires  de  Tré- 
voux ,  janvier  1708  ,  soutient  , 
I ."  que  ce  fait  n'est  pas  constaté  ;  le 
seul  monument  qui  en  reste  est 
une  lettre  du  pape  Zacharie  à  Bo- 
niface :  «  S'il  est  prouvé,  lui  dit 
»  le  souverain  pontife,  que  Vigile 
»  soutient  qu'il  y  a  un  autre  mon- 
»  de  et  d'autres  hommes  sous  cette 
»  terre ,  un  autre  soleil  et  une  au- 
»  tre  lune,  assemblez  un  concile, 
»  condamnez- le  ,  chassez -le  de 
»  l'Eglise  après  l'avoir  dépouillé 
»  de  la  prêtrise,  etc.  »  Il  n'y  a  , 
dit  cet  auteur' ,  aucune  preuve 
que  cet  ordre  du  pape  ait  été  exé- 
cuté :  soit  que  l'accusation  inten- 
tée contre  Vigile  se  soit  trouvée 
fausse,  soit  qu'il  se  soit  expliqué 
ou  rétracté,  il  est  certain  que  de- 
puis ce  temps-là  il  vécut  en  bonne 
intelligence  avec  le  pape,  qu'il  fut 
élevé  à  l'évêché  de  Salzbourg  ; 
qu'il  a  même  été  canonisé  après 
sa  mort ,  honneur  qui  ne  lui  au- 
roit  pas  été  rendu  s'il  avoit  été 
condamné  comme  hérétique. 

Il  prétend  ,  2.°  que  le  pape  Za- 
charien'avoitpas  tort;quc  siVigile 


iG2  AMT 

avoil  soutenu  qu'il  y  avoit  dans  un 
autre  monde  d'autres  hommes , 
c'est-à-dire  ,  des  hommes  d'une 
espèce  différente  de  la  nôtre  ,  et 
f{ui  n'éloient  pas  comme  nous  en- 
fants d'Adam;  uu  autre  soleil  et 
une  autre  lune  di£Férenls  de  ceux 
qui  nous  éclairent  ,  cet  éve({ue 
auroit  été  véritablement  condam- 
nable ,  parce  que  ce  paradoxe  se- 
roit  contraire  à  l'Ecriture  sainte. 
C'est  dans  ce  sens  que  l'enlendoit 
ïe  pape  Zacharie;  et  c'est  dans 
ce  même  sens  que  saint  Augustin 
a  rejeté  les  antipodes  dans  son  sei- 
zième livre  de  la  Cité  de  Dieu. 
Un  critique  moderne  n'a  pas 
goûté  cette  apologie.  Selon  lui  ,  il 
vaut  mieux  s'en  tenir  à  la  tradi- 
tion ,  qui  nous  apprend  que  Vi- 
gile fut  condamné.  A  la  vérité , 
l'auteur  de  cette  tradition  est 
Aventin,  cabaretier  de  Bavière, 
qui  a  écrit  dans  les  fureurs  du 
luthéranisme;  mais  les  protestants 
ont  recueilli  avec  soin  toutes  ses 
invectives  contre  les  ecclésiasti- 
ques ;  ils  y  ajoutent  foi,  donc  il 
faut  faire  comme  eux.  Selon  ce 
critique  il  valoit  mieux  passer  con- 
damnation sur  le  pape  Zacharie  , 
parce  qu'il  n'est  pas  nécessaire  que 
l'Eglise  soit  infaillible  en  matière 
de  physique;  mais  il  n'est  pas  fort 
nécessaire  non  plus  de  condamner 
un  pape  sans  raison  ,  pour  plaire 
à  quelques  protestants.  11  est  vrai, 
dit  le  savant  Leibnitz  ,  que  Boni- 
face  ,  archevêque  de  Mayence  , 
a  accusé  Vigile  de  Salzbourg  d'er- 
reur sur  ce  point ,  et  que  le  pape 
répond  à  sa  lettre  d'une  manière 
qui  fait  paroître  qu'il  donnoit 
assez  dans  le  sens  de  Boni  face  ; 
mais  on  ne  trouve  point  que  cette 
accusation  ait  eu  de  suite.  Les  deux 
antagonistes  passent  pour  saints  ; 
et  les  savants  de  Bavière,  qui  re- 
gardentVigile  comme  un  apôtre  de 
la  Carinthie  et  des  pays  voisins,  en 
ont  justifié  la  mémoire  Esprit  de 
Leiânitz,  t.  a,  p.  56. 


AxNT 

Le  critique  dont  nous  parlons 
pense  que  Vigile  pouvoit  dire  in- 
nocemment qu'il  y  avoit  sous  terre 
un  autre  soleil  et  une  autre  lune , 
comme  nous  disons  que  le  soleil 
d'Ethiopie  n'est  pas  le  nôtre.  Cela 
se  peut  dire  sans  doute  en  fran- 
çois  ;  mais  cela  ne  s'est  jamais  dit 
en  latin,  et  dans  cette  langue  la 
phrase  avoit  un  sens  tout  di£fé- 
rent. 

II  convient  que  les  anciens  phi- 
losophes ont  nié  les  cr/7/i'/?oc/es  aussi- 
bien  que  les  Pères  de  l'Eglise  ; 
ceux-ci  n'étoient  pas  obligés  d'ê- 
tre plus  habiles  en  cosmographie 
que  les  philosophes  de  leur  siècle. 
Cependant  Philoponus  ,  qui  vivoit 
sur  la  fin  du  sixième  siècle ,  a  dé- 
montré ,  dans  son  livre  de  mundi 
Créai. ,  1.  5,  c.  i3,  que  saint  Ba- 
sile ,  saint  Grégoire  de  Nysse,  saint 
Grégoire  de  Nazianze,  saint  Atha- 
nase,  et  la  plus  grande  partie  des 
Pères  de  l'Eglise  ,  ont  su  que  la 
terre  est  ronde.  Il  est  même  parlé 
des  antipodes  dans  saint  Hilaire  , 
In  Ps.  2  ,  n.  23  ;  dans  Origène  , 
1.  2,  de  Princip. ,  c.  3  ;  dans  saint 
Clément,  pape,  Epist  I.ad  Cor., 
n.  20.  Voyei  les  notes.  Il  n'est  donc 
pas  vrai  qu'en  général  les  écrivains 
ecclésiastiques  aient  été  dans  l'er- 
reur sur  les  antipodes  jusqu'au 
quinzième  siècle  ,  comme  quel- 
ques auteurs  l'ont  prétendu. 

ANTITACTES  ,  anciens  héré- 
tiques gnostiques ,  ainsi  nommés, 
parce  qu'en  avouant  que  Dieu  , 
créateur  de  l'univers,  étoit  bon  et 
juste,  ils  soutenoient  qu'une  de 
ses  créatures  avoit  semé  la  zizanie, 
c'est-à-dire,  créé  le  mal  moral,  et 
nous  avoit  engagés  à  le  suivre  , 
pour  nous  mettre  en  opposition 
avec  Dieu  ;  de  là  est  dérivé  leur 
nom,  d'àvtiTT«T7û) ,  je  rn  oppose  ,  je 
combats.  Ils  ajoutoient  que  les 
commandements  de  la  loi  avoient 
été  donnés  par  de  mauvais  prin- 
cipes; et  loin  de  se  faire  scrupule 


ANT 

de  les  transgresser ,  ils  croyoicnt 
venger  Dieu  et  se  rendre  agréa- 
bles à  ses  yeux  en  les  violant.  Us 
ont  été  précurseurs  des  mani- 
chéens. Fb/cz  saint  Clém.  d'Alex., 
Strom. ,  1.  3;  Dupin  ,  Bibl.  des 
Auteurs  eccl.  des  trois  premiers  siè- 
cles ;  Tillemont  ,    t.   a  ,    p.   SSy. 

ANTITRENIT AIRES.  Ce  nom 
convient  à  tous  les  hérétiques  qui 
ont  attaqué  le  mystère  de  la  sainte 
l'rinité,  qui  n'ont  pas  voulu  re- 
connoître  trois  Personnes  en  Dieu. 
Les  samosaténiens  ,  qui  n'admet- 
toient  point  de  distinction  entre 
les  Personnes  divines,  les  ariens 
qui  nioient  la  divinité  du  Verbe  , 
les  macédoniens  qui  contestoient 
celle  du  Saint-Esprit,  ont  été  tous 
antitrirïitaires .  Sous  ce  nom  ,  l'on 
entend  aujourd'hui  principale- 
ment les  sociniens  ,  que  l'on  ap- 
pelle aussi  unitaires.   Voyez  Soci- 

KIENS. 

ANTITYPE,  mot  grec,  formé 
de  la  préposition  âvTi ,  pour,  au 
lieu,  et  de  tutto;,  figure,  dans  sa 
signification  grammaticale,  il  veut 
dire  ce  que  l'on  met  à  la  place 
d'un  type  ,  d'une  figure;  mais  dans 
les  auteurs  il  signifie  simplement 
type,  figure  ,  ressemblance. 

Ilyadans  le  nouveau  Testament 
deux  passages  où  ce  mot  est  em- 
ployé ,  et  dont  le  sens  a  donné  lieu 
à  des  disputes.  i.°  Dans  VEpître 
aux  Hébreux,  c.  9,  ^.24  ,  il  est  dit: 
«  Jésus- Christ  n'est  point  entré 
»  dans  un  sanctuaire  fait  de  la  main 
I)  des  hommes  et  figure  ,  âvTiTyTta , 
»  du  vrai  sanctuaire,  mais  dans  le 
»>  ciel  même  ,  afin  de  se  présenter  à 
»  Dieu  pour  nous.  »  2.°  Dans  la 
première  Epiire  de  saint  Pierre  , 
c.  9,  ^.  21  ,  le  baptême  est  com- 
paré à  l'arche  de  Noé  ,  qui  pré- 
serva du  déluge  universel  ce  pa- 
triarche et  sa  famille  ;  il  en  est 
appelé  âwTiTUTTov ,  ce  que  la  vulgate 
rend   par  similis  forma; ,  ressem 


ANT  i63 

blant.  Nous  ne  voyons  pas  que  y 
dans  l'un  ni  dans  l'autre  de  ces 
passages  ,  il  soit  nécessaire  d'aban- 
donner le  sens  ordinaire  du  terme 
pour  recourir  à  la  signification 
grammaticale. 

Le  mot  aniitype  se  trouve  sou- 
vent dans  les  écrits  des  Pérès 
grecs  et  dans  la  liturgie  de  leur 
Église  ,  pour  désigner  l'Eucharistie 
même  après  la  consécration  ;  de 
là  les  protestants  ont  conclu  que, 
selon  la  croyance  de  l'Eglise  grec- 
que ,  ce  sacrement  n'est  que  ia  fi- 
gure du  corps  de  Jésus-Christ. 

Cette  conséquence  nous  paroît 
fausse.  Quoique  les  espèces  eucha- 
ristiques renferment  le  corps  de 
Jésus-Christ ,  elles  en  sont  cepen- 
dant la  figure,  \eiype,  le  symbole, 
ce  qui  paroît  aux  yeux  ;  puisque 
ce  corps  n'y  paroît  point  sous  ses 
qualités  sensibles  ,  mais  sous  les 
apparences  du  pain. 

11  est  vrai  que  Marc  d'Ephèse  , 
le  patriarche  Jérémie ,  et  d'autres 
Grecs  ,  disent  que  dans  la  liturgie 
de  saint  Basile  le  pain  et  le  vin  sont 
appelés  antiiypes  avant  la  consé- 
cration. Cela  n'empêche  pas  qu'ils 
ne  puissent  être  nommés  de  même 
après,  puisque  par  la  consécration 
il  ne  se  fait  aucun  changement  dans 
les  qualités  sensibles  ou  dans  les  ap- 
parences du  pain  et  du  vin  ;  la^  fi- 
gure demeure  donc  la  même ,  quoi  - 
que  la  substance  soit  changée. 

Qu'importe  l'abu^  que  l'on  peut 
faire  d'un  mot ,  lorsque  la  croyance 
est  prouvée  d'ailleurs  i*  Au  concile 
de  Florence  ,  les  Grecs  ont  solen- 
nellement déclaré  qu'ils  croyoienl 
Jésus -Christ  réellement  présent 
dans  l'Eucharistie  ,  après  la  consé- 
cration ;  toute  leur  dispute  avec 
les  Latins  consistoit  à  savoir  si 
après  la  consécration  les  symboles 
dévoient  encore  être  appelés  anti- 
types: contestation  qui  nous  paroît 
assez  frivole.  Après  la  consécra- 
tion, nous  disons  encore  symboles 
eucharistiques  ;  pourquoi  les  Grecs 


x54  ANT 

ne  pourroicul-ils  pas  dire  antt- 
iypts  dans  le  même  sens  t 

II  n'est  donc  pas  nécessaire  de 
changer  la  signification  usuelle  de 
ce  terme  ,  de  supposer  que  anii- 
tjrpe  signifie  ce  qui  est  mis  à  la 
place  de  la  figure;  le  corps  de  Jé- 
sus-Christ n'est  point  mis  au  lieu 
de  la  figure ,  mais  au  lieu  de  la  sub- 
stance du  pain  :  et  cette  substance 
n'a  jamais  pu  être  appelée  yZg-ure  en 
aucun  sens. 

Dans  le  septième  concile  géné- 
ral, saint  Jean  Damascène  ,  les 
diacres  Jean  et  Epipliane ,  voulant 
expliquer  la  pensée  des  liturgistes 
grecs  sur  ce  sujet,  disent,  qu'en 
nommant  l'Eucharistie  aniiijrpe  , 
ces  auteurs  avoient  égard  au  temps 
qui  avoit  précédé  la  consécration , 
et  non  à  celui  qui  la  suit.  Simon  , 
Hisi.  crit.  de  la  croyance  des  nations 
du  Levant.  Cette  explication  ne  pa- 
roît  pas  fort  nécessaire.  Ce  qui  étoit 
fiffure  avant  la  consécration  ,  l'est 
encore  après  ,  puisque  par  la  con- 
sécration rien  ne  change  dans  la 
figure  ,  ou  dans  ce  qui  paroît  à  nos 
yeux. 

Nous  avons  à  présent  des  monu- 
ments si  authentiquesde  la  croyance 
des  différentes  sectes  que  renferme 
l'Eglise  grecque  ,  des  melchites  , 
des  jacohites  syriens  ,  des  nesto- 
riens,  des  cophtes  eutychiens,  etc., 
que  les  pro  testants  n'oseroient  plus 
former  aucune  contestation  sur 
ce  point,  V.  la  Perpétuité  de  laFoi. 

ANTOINE  (saint).  Chanoines 
réguliers  de  saint  Antoine  de  Vien- 
nois, Voyez  le  Dictionnaire  de  Ju- 
risprudence. 

ANTONIN  (saint),  archevêque 
de  Florence  ,  mort  l'an  14^9  ,  as- 
sista en  qualité  de  théologien  au 
concile  général  qui  y  fut  tenu  en 
1439  ,  lorsqu'il  n'étoit  encore  que 
religieux  de  saint  Dominique,  On  a 
de  lui  une  somme  théologique  dans 
laquelle  il  traite  des  vertus  et  des 


AOD 

V  ices,  pi  usteurs  sermons  et  d'autres 
livres  de  morale. 

AOD.  II  est  dit  dans  le  livre  de» 
Juges,  que  les  Israélites,  en  puni- 
tion de  leur  idolâtrie  ,  furent  sub- 
jugués par  Eglon  ,  roi  de  Moab  , 
et  lui  furent  assujétis  pendant  dix- 
huit  ans;  que  Dieu  leur  suscita  un 
vengeur  dans  la  personne  à''Aod, 
Cet  homme  tua  Eglon  en  feignant 
d'avoir  à  lui  parler,  se  mit  à  la 
tête  des  Israélites  ,  gagna  une  ba- 
taille, et  les  affranchit  du  joug  des 
Moabi  tes.  Les  censeurs  de  l'histoire 
sainte  disent  qu'yod  fut  coupable 
d'un  régicide  ,  que  c'est  un  très- 
mauvais  exemple  à  proposer  à 
tout  peuple  mécontent  de  son 
souverain  ,  qu'il  a  été  la  cause  de 
plusieurs  crimes  de  même  espèce. 

Cette  décision  noussurprendroit 
moins,  si  nousneconnoissions  pas 
d'ailleurs  la  morale  enseignée  par 
ces  mêmes  censeurs.  Ils  soutien- 
nent qu'un  conquérant  n'acquiert 
aucune  souveraineté  sur  une  nation 
vaincue,  que  par  le  consentement 
de  celle-ci  ;  que  jusqu'à  ce  qu'elle 
l'ait  reconnu  librement  pour  son 
roi ,  tout  acte  d'autorité  qu'il  exerce 
est  une  violence  et  une  usurpation  ; 
qu'elle  a  droit  de  s'en  rédimer  par 
la  force  quand  elle  le  pourra.  Qu'ils 
nous  montrent  le  traité  par  lequel 
les  Israélites  avoient  librement  re- 
connu Eglon  pour  leur  roi. 

On  nomme  régicide  un  sujet  qui 
tue  son  propre  roi ,  et  non  celui 
qui  tue  un  roi  ennemi  pour  mettre 
en  liberté  ses  compatriotes.  Chez 
les  anciens  peuples  on  croyoit  gé- 
néralement que  la  fourberie  étoit 
permise  contre  les  ennemis  de  l'é- 
tat. Mutins  Scsevola  ne  fut  point 
accuséde  régicide ,  pouravoir  vou- 
lu tuer  par  surprise  Porsenna  qui 
assiégeoit  Rome. 

D'ailleurs,  lorsque  l'Ecriture  dit 
que  Dieu  suscita  un  libérateur  à 
son  peuple  ,  elle  n'enseigne  point 
que  Dieu  lui  inspira  le  mensonge, 


APA 

ni  )c  meiirlre  qu'il  commit  ;  une 
aclion  citée  comme  un  trait  de 
courage,  n'est  pas  louée  pour  cela 
comme  un  acte  de  justice- 

Souvenons -nous  toujours  que 
c'est  l'Evangile  qui  a  donné  aux  na- 
tions chrétiennes  les  vraies  notions 
du  droit  des  gens  et  du  droit  poli- 
tique ,  soit  en  paix ,  soit  en  guerre  ; 
que  ces  notions  n'existent  point  , 
et  n'ont  jamais  existé  ailleurs. 

APATHIE,  insensibilité;  c'est  l'é- 
tat auquel  aspiroient  les  stoïciens. 
QuoiqiK?  les  anciens  écrivains  ec- 
clésiastiques se  soient  quelquefois 
servis  de  ce  terme  pour  exprimer 
la  patience  et  le  détachement  des 
choses  de  ce  monde  que  l'Evangile 
nous  prêche  ,  il  n'en  faut  pas  con- 
clure que  Jésus  -  Christ  a  voulu 
faire  de  ses  disciples  autant  de  stoï- 
ciens, et  nous  inspirer  une  insen- 
sibilité absolue.  i.°Cesphilosophcs 
interdisoient  au  sage,  sous  le  nom 
de  passions,  les  affections  naturel- 
les les  plus  modérées  et  les  plus  lé- 
gitimes, l'amitié  entre  les  parents, 
la  pitié  pour  ceux  qui  souffrent  , 
l'amour  du  bien  public,  etc.  L'E- 
vangile, loin  de  nous  défendre  ces 
sentiments  ,  nous  les  commande 
sous  le  nom  général  de  charité  ;  il 
ne  les  désapprouve  que  quand  ils 
sont  portés  à  l'excès  ,  et  peuvent 
devenir  pour  nous  une  occasion 
de  péché;  et  en  effet,  les  affections 
et  les  penchants  naturels  ne  doi- 
vent être  nommés  passions  ,  que 
quand  ils  sont  poussés  à  l'excès. 
Voyez  Passions. 

a,°  Les  stoïciens  n'aspiroient  à 
l'insensibilité  que  par  un  principe 
d'orgueil  ;  ils  jugeoient  les  choses 
de  ce  monde  indignes  d'affecter 
l'àme  du  sage  ;  c'étoit  une  inhuma- 
nité réfléchie.  Jésus  -  Christ  veut 
que  nous  conservions  la  tranquil- 
litéd'àme  parun  motif  de  confian- 
ce en  Dieu  ,  que  nous  aimions  nos 
semblables  en  Dieu  et  pour  Dieu. 

3.°  Si  ses  leçons  pou  voient  nous 


APA  ,G5 

laisser  des  doutes  ,  il  les  a  expli- 
quées par  son  exeftiple  :  il  a  aimé 
tendrement  ses  proches  et  ses  amis; 
il  a  répandu  des  larmes  sur  le  tom- 
beau de  Lazare  ;  il  a  pleuré  sur  la 
ruine  future  de  Jérusalem  et  des 
Juiis  ;  il  n'a  rencontré  aucun  mal- 
heureux sans  le  soulager  ,  etc.  Ce 
n'est  pas  là  du  stoïcisme. 
,  4-''  Jésus-Christ  n'a  ordonné  le 
renoncement  absolu  qu'à  ceux  qu'il 
destinoit  à  la  prédication  de  l'Evan- 
gile; il  n'a  conseillé  à  aucun  autre 
de  ses  auditeurs  de  quitter  son  état , 
ou  de  négliger  les  devoirs  de  la  so- 
ciété ;  au  contraire,  saint  Paul  en- 
joint à  ceux  qui  se  sont  convertis, 
de  demeurer  chacun  dans  l'état  où 
il  a  reçu  sa  vocation  à  la  foi.  J.  Cor., 

C.    ']  f   S •    20. 

Mais  on  accuse  quelques  Pères 
de  l'Eglise  d'avoir  enseigné  la  mê- 
me morale  que  les  stoïciens  ,  d'a- 
voir exigé  qu'un  chrétien  fût  sans 
passions;  c'est  un  des  principaux 
reproches  que  Barbeyrac  fit  à  saint 
Clément  d'Alexandrie.  Traité  delà 
morale  des  Pères ,  chap.  5  ,  §  46. 

Expliquons  les  termes,  le  scan- 
dale sera  réparé.  Nous  disons  qu'un 
homme  est  sans  passions ,  lorsqu'il 
les  réprime  si  parfaitement  qu'il 
n'en  paroît  rien  au  dehors  ,  et 
qu'elles  ne  lui  font  commettre  au- 
cune faute  :  nous  disons  qu'il  est 
insensible ,  lorsqu'il  ne  donne  au- 
cun signe  extérieur  de  sensibilité. 
Voilà  ce  que  veut  saint  Clément- 
Déjà  nous  avons  observé  que  nos 
penchants  naturels  ne  sont  censés 
passions  que  quand  ils  sont  portés 
à  l'excès.  Or  ,  cet  excès  peut-il  être 
permis?  L'Evangile  condamne  for- 
mellement toutes  les  ;7ass/o/?s  ,  l'or- 
gueil ,  l'ambition  ,  la  vaine  gloire  , 
même  dans  les  bonnes  œuvres ,  rat- 
tachement aux  richesses,  le  désir 
de  les  posséder,  l'inquiétude  pour 
l'avenir,  la  volupté  et  tout  ce  qui 
peut  y  porter  ,  le  simple  désir  des 
plaisirs  défendus,  la  jalousie  et  la 
haine,  la  colère  et   l'impatience  , 


i66  APE 

le  ressentiment  et  les  projets  de 
vengeance,  l'intempérance,  la  mol- 
lesse ,  l'oisiveté. ,  etc.  Jésus-Christ 
nous  commande  toutes  les  vertus 
opposées  ;  il  seroit  aisé  de  le  faire 
voir  en  détail. Saint  Clément  n'exige 
rien  de  plus,  et  Tonne  peut  lui  faire 
aucun  reproche  qui  n'ait  été  tourné 
par  les  incrédules  contre  Jésus- 
Christ  et  contre  les  apôtres.  Vo/ez 
Morale  chrétienne. 

APELLITES ,  ouÂPELLEIENS , 
comme  les  nomme  saint  Epiphane  ; 
hérétiques  du  second  siècle ,  secta- 
teurs d'Apelles  ,  disciple  de  Mar- 
cion  ,  mais  qui  ne  suivit  pas  en 
toutes  choses  les  sentiments  de  son 
maître.  Il  n'admit  pas  comme  lui 
deux  dieux  ,  ou  deux  principes  ac- 
tifs et  coéiernels  ,mais  un  seul  Dieu 
existant  de  soi-même  et  souverai- 
nement bon  ;  probablement  néan- 
moins il  supposoit  l'éternité  de  la 
matière.  Selon  lui ,  le  monde  n'a- 
voit  pas  été  fait  par  ce  Dieu  bon , 
mais  par  un  esprit  d'un  rang  in- 
férieur ,  dont  l'impuissance  et  la 
nialadresse,étoient  cause  des  maux 
que  nous  éprouvons.  Pensoit-il  que 
Dieu  avoit  créé  librement  cet  ou- 
vrier malhabile  ,  ou  que  celui-ci 
étoit  sorti  nécessairement  de  Dieu 
par  émanation  ?  Les  anciens  n'en 
disent  rien.  Au  reste  ,  Apellcs 
n'accusoit  point  cet  esprit  de  mé- 
chanceté :  il  supposoit  au  contraire 
que  par  ses  prières  il  avoit  obtenu 
que  Dieu  envoyât  son  Fils  sur  la 
terre  ,  afin  de  corriger  le  monde. 

Il  ne  soutenoit  point  avec  Mar- 
cion  que  le  Fils  de  Dieu  n'avoit  eu 
qu'une  chair  apparente ,  et  avoit 
fait  illusion  à  tous  les  sens  ;  mais  il 
prétendoit  qu'en  descendant  du 
ciel  le  Fils  de  Dieu  s'étoit  formé 
lui-même  un  corps  tiré  des  quatre 
éléments  ,  sans  s'incarner  dans  le 
sein  d'une  vierge  ;  qu'il  avoit  réel- 
lement souffert  ;  qu'il  étoit  mort 
et  ressuscité  ;  qu'avant  son  ascen- 
sion il  avoit  rendu  aux  éléments  le 


APE 

corps  qu'il  en  avoit  tiré  ;  que  son 
âme  seule  étoit  retournée  au  ciel. 
Conséquemmentilnioit,  aussi-bien 
que  Marcion  ,  la  résurrection  fu- 
ture de  la  chair.  Il  ne  rejetoit  pas 
absolument ,  comme  lui ,  tout  l'an- 
cien Testament:  Mais  il  y  a,  disoit^ 
il ,  da  bon  et  du  mauvais  ;  c'est  à 
nous  de  choisir ,  et  c'est  ce  que  Jé- 
sus-Christ a  voulu  dire  ,  lorsqu'il 
nous  a  ordonné  d'être  de  bons 
changeurs.  On  l'accuse  de  ne  pas 
avoir  imité  la  continence  de  son 
maître, de  s'être  livréàdes femmes, 
d'avoir  même  été  séduit  par  une 
certaine  Philumène  ^  qu'il  regar- 
doit  comme  une  inspirée  et  une 
prophétesse. 

La  multitude  des  sectes  qui  ont 
paru  dans  le  second  siècle  ,  la  va- 
riété des  rêveries  forgées  par  leurs 
divers  docteurs ,  nous  donneront 
souvent  occasion  de  faire  des  ré- 
flexions, i.°  Tous  ces  raisonnieurs 
étoient  des  philosophes  sortis  de 
l'école  d'Alexandrie,  ou  d'ailleurs  , 
qui  vouloient  accorder  les  dogmes 
du  christiajiisme  avec  la  doctrine 
de  Pythagore  et  de  Platon  ,  et  en 
savoir  plus  qu'il  n'a  plu  à  Dieu  de 
nous  en  révéler.  2. "Tous  vouloient 
expliquer  l'origine  du  mal ,  et  au- 
cune de  leurs  hypothèses  ne  résol- 
voit  !a  difficulté.  Si  c'est  Dieu  qui 
a  créé  librement  le  formateur  du. 
monde  en  prévoyant  le  mal  qui 
arriveroit ,  il  en  est  responsable 
comme  s'il  l'avoit  fait  lui-même. 
Si  cet  ouvrier  a  existé  nécessaire- 
ment, tout  est  fatalité  pure  ;  autant 
vaut  dire  queDieun'a  pas  pu  mieux 
faire.  3.°  Quoiqu'intéressésà  révo- 
quer en  doute  l'histoire  de  l'Evan- 
gile, et  à  portée  d'en  vérifier  les 
faits  ,  ils  n'ont  pas  osé  récuser  le 
témoignage  des  apôtres ,  ils  l'ont 
plutôt  confirmé.  4-°  Saint  Paul  les 
a  peints  d'après  nature  ,  II.  Tim.  , 
c.  J^^S '  4-  "  l's  ne  pourront,  dit- 
:>  il ,  souffrir  une  sainte  doctrine  ; 
»  ils  auront  la  démangeaison  d'é- 
»  coûter  de  nouveaux  maîtres  :  ils 


A1>0 

»  fermeront  leurs  oreilles  à  (a  vé- 
»  rilé,  et  courront  après  des  fables.  » 


API  ITII ARTODOCETES . 

iNCOUROPTlbLES. 


Ko/. 


APOCALYPSE,  du  grec 
àiroxâXuvf'iç  ,  révélation  ;  c'est  le 
nom  du  dernier  livre  canonique 
de  l'Ecriture. 

11  contient ,  en  vin^t-deux  cha- 
pitres, une  prophétie  touchant  l'é- 
tat de  l'Eglise,  depuis  l'ascension 
de  Jésus -Christ  au  ciel  jusqu'au 
dernier  jugement,  et  c'est  comme 
la  conclusion  de  toutes  les  saintes 
Ecritures,  afin  que  les  fidèles,  re- 
connoissant  la  conformité  des  ré- 
vélations de  la  nouvelle  alliance 
avec  les  prédictions  de  l'ancienne  , 
soient  confirmés  dans  l'attente  du 
dernieravénement  de  Jésus-Christ. 
Ces  révélations  furent  faites  à  l'a- 
pôtre saint  Jean  ,  durant  son  exil 
dans  l'île  de  Patmos,  pendant  la 
persécution  de  Domitien. 

L'enchaînement  d'idéss  sublimes 
et  prophétiques  qui  composent  VA- 
pocalypse  ,  a  toujours  été  un  laby- 
rinthe pour  les  plus  grands  génies  , 
et  un  écueil  pour  lapluparl  des  com- 
mentateurs. On  sait  par  quelles  rê- 
veries Drabicius ,  Joseph  Méde  ,  le 
ministre  Jurieu,  le  grand  Newton 
lui-même,  ont  prétendu  l'expli- 
quer;ces  vaines  tentatives  sontbien 
propresà  humilier  l'esprit  humain. 

On  a  long-temps  disputé  dans 
les  premiers  siècles  de  l'Eglise  sur 
l'authenticité  et  la  canonicité  de 
ce  livre:  mais  ces  deux  points  sont 
aujourd'hui  pleinenlent  éclaircis. 
Quant  à  son  authenticité,  quelques 
anciens  la  nioient:  Cérinthe  ,  di- 
soient-ils  ,  avoit  attribué  V Apo- 
calypse à  saint  Jean  ,  pour  donner 
du  poids  à  ses  rêveries  ,  et  pour 
établir  le  règne  de  Jésus-Christ 
pendant  mille  ans  sur  la  terre  après 
le  jugement.  Voyez  Millénaires. 
Saint  Denys d'Alexandrie,  cité  par 
Eusèbe,  l'attribue  à  uu     écrivain 


A  PO  ifiy 

nommé  Jean,  différent  de  l'évan- 
géliste.llestvrai  que  les  ancienne.? 
copies  grecques,  tant  manuscrite.^ 
qu'imprimées,  de  VAfmcalypse, 
j)ortent  en  tête  le  nom  de  Jean  le 
divin.  Mais  on  sait  «|ue  les  Pères 
grecs  donnent  par  excellence  ce 
surnonn  à  l'apôtre  saint  Jean,  pour 
le  distinguer  des  autres  évangé- 
listes,  et  parce  qu'il  a  traité  spé- 
cialement de  la  divinité  du  Verbe. 
A  cette  raison  l'on  ajoute,  i.°  que 
dans  V Apocalypse  saint  Jean  est 
nommément  désigné  par  ces  ter- 
mes: à  Jean  qui  a  publié  la  parole  de 
Dieu ,  et  qui  a  rendu  témoignage 
de  tout  ce  qu'il  a  vu  de  Jésus- 
Christ  ;  caractères  qui  ne  convien- 
nent qu'à  l'apôtre.  2.°  Ce  livre 
est  adressé  aux  sept  Eglises  d'Asie, 
dont  saint  Jean  avoit  le  gouverne- 
ment. 3.°  Il  est  écrit  de  l'île  de 
Patmos,  où  saint  Irénée  ,  Eusèbe 
et  tous  les  anciens  conviennent 
que  l'apôtre  saint  Jean  fut  relé- 
gué en  g5 ,  et  d'où  il  revint  en 
98  ,  époque  qui  fixe  encore  le  temps 
où  l'ouvrage  fut  composé.  4-°  En- 
fin ,  plusieurs  auteurs  voisins  des 
temps  apostoliques,  tels  que  saint 
Justin,  saintirénée,  Origène,  Vic- 
torin ,  et  après  eux  une  foule  de 
Pères  et  d'auteurs  ecclésiastiques, 
l'attribuent  à  saint  Jean  l'evan- 
géliste.  Voy.  Authenticité  et  Au- 
thentique. 

Quant  à  sa  canonicité,  elle  n'a 
pas  été  moins  contestée.  Saint  Je- 
,rôme  rapporte  que  dans  l'Eglise 
grecque,  même  de  son  temps,  on 
la  révoquoit  en  doute.  Eusèbe  et 
saint  Epiphane  en  conviennent. 
Dans  les  catalogues  des  livres 
saints,  dressés  par  le  concile  de 
Laodicée ,  par  saint  Grégoire  de 
Nazianze  ,  par  saintCyrille  de  Jé- 
rusalem ,  et  par  quelques  autres 
auteurs  Grecs,  il  n'en  est  fait  au- 
cune mention.  Mais  on  l'a  toujours 
regardée  comme  canonique  daïis 
l'Eglise  latine.  C'est  le  sentiment 
de  saint  Augustin,  de  saint  Ircnée, 


i68  APO 

de  Théophile  d'Anlioche  ,  de 
Mélilon  ,  d'Apollonius  ,  et  de 
Clément  Alexandrin.  Le  troisième 
concile  de  Carlhage ,  tenu  en 
397,  l'inséra  dans  le  canon  des 
Ecritures  ,  et  depuis  ce  temps-là 
l'Eglise  d'Orient  l'a  admise  comme 
celle  d'Occident. 

Les  alogiens,  hérétiques  du  se- 
cond siècle,  rejetoient  rJ4;?ocrt/^/7se, 
dont  ils  tournoient  les  révélations 
en  ridicule  ,  surtout  celles  des  sept 
trompettes  ,  des  quatre  anges  liés 
sur  l'Euphrate,  etc.  Saint  Epi- 
phane  ,  répondant  à  leurs  invec- 
tives ,  observe  que  V Apocalypse 
n'étant  pas  une  simple  histoire , 
mais  une  prophétie,  il  ne  doit  pas 
paroître  étrange  que  ce  livre  soit 
écrit  dans  un  style  figuré,  sem- 
blable à  celui  des  prophètes  de 
l'ancien  Testament. 

La  difficulté  la  plus  spécieuse 
qu'ils  opposassent  à  l'authenticité 
de  V Apocalypse  ,  étoit  fondée  sur 
ce  qu'on  lit  au  ch.  11  ,  y.  18: 
Ecrivez  à  l'ange  de  l'Eglise  de 
Thyatire.  Or,  ajoutoient-ils ,  du 
temps  de  l'apôtre  saint  Jean  ,  il 
n'y  avoit  nulle  Eglise  chrétienne 
à  Thyatire.  Saint  Epiphane  con- 
vient du  fait,. et  répond  que  l'apô- 
tre parlant  d'une  chose  future  , 
c'est-à-dire,  de  l'Eglise  qui  devoit 
être  un  jour  établie  à  Thyatire, 
en  parle  comme  d'une  chose  pré- 
sente et  accomplie,  suivant  l'usage 
des  prophètes.  Grotius  remarque 
qu'encore  qu'il  n'y  eût  aucune  égl  ise 
de  payens  convertis  à  Thyatire  , 
quand  saint  Jean  écrivit  son -<4^o- 
calypse ,  il  y  en  avoit  néanmoins 
une  de  Juifs,  semblable  à  celle 
qui  s'éloit  établie  à  Thessalonique 
avant  que  saint  Paul  y  prêchât. 

II  y  a  eu  plusieurs  Apocalypses 
supposées.  Saint  Clément ,  dans 
ses  Hypotyposes,  parle  d'une  Apo- 
calypse de  saintPierre;  et  Sozoraène 
ajoute  qu'on  la  lisoit  tous  les  ans 
vers  Pâques  dans  les  Eglises  de 
Palestine.  Ce  dernier  parle  encore 


APO 

d'une  Apocalypse  de  saint  Paul, 
que  les  moines  estimtoient  autre- 
fois ,  et  que  les  cophtes  modernes 
se  vantent  de  posséder.  Eusèbe 
fait  aussi  mention  de  V Apocalypse 
d'Adam;  saint  Epiphane,  de  celle 
d'Abraham ,  supposée  par  les  hé- 
rétiques séthiens ,  et  des  révéla- 
tions de  Seth  et  de  Narie  femme 
deNoé,  par  les  gnostiques.  Ni- 
céphore  parle  d'une  Apocalypse 
d'Esdras,  Gratien  et  Cédrène  d  une 
Apocalypse  de  Moïse  ,  d'une  attri- 
buée à  saint  Thomas  ,  d'une  troi- 
sième de  saint  Etienne ,  et  .saint 
Jérôme  d'une  quatrième ,  dont 
on  faisoit  auteur  le  prophète Elie. 
Porphyre ,  dans  la  Vie  de  Plotin^ 
cite  \es  Apocalypses  àe.  Zoroastre, 
de  Zostrein  ,  de  Nicothée,  d'Allo- 
gènes, etc.  ,  livres  dont  on  ne 
connoît  plus  que  les  titres  ,  et  qui 
vraisemblablement  n'étoient  que 
des  recueils  de  fables.  Sixt.Seneus., 
]  lib.  II  et  VI.  Dupin,  Dissert,  pré-^ 
Uni. ,  tom.  III  ;  Bibliot.  des  Aut. 
ecclés. 

On  ne  doit  pas  être  étonné  de 
ce  que  les  calvinistes  ont  tou- 
jours refusé  de  reconnoître  la  ca- 
nonicité  de  V Apocalypse.  Ce  livre 
renferme  un  tableau  de  la  liturgie 
apostolique  qui  ne  leur  est  pas 
favorable.  Fojgz  Liturgie.  De  nos 
jours  ,  Abauzit  ,  professeur  à 
Lausanne,  a  fait  une  dissertation 
contre  Vyipocalypse;  le  plus  célè- 
bre des  incrédules  modernes  en  a 
copié  les  objections  dans  deux  ou 
trois  de  ses  ouvrages.  Les  anglicans 
au  contraire  mettent  ce  livre  au 
nombre  des  saintes  Ecritures; 
depuis  peu ,  le  savant  Lardner 
a  rassemblé  les  témoignages  des 
anciens  sur  ce  sujet.  Credibility  0} 
Ihe  Gospel  History  ,  t,  17,  p.  3S6. 
Ceux  qui  ont  traité  ce  point  de 
critique  sacrée  ,  ne  paroissent  pas 
avoir  fait  attention  que  le  pape 
saint  Clément ,  l'un  des  Pères 
apostolique^s,  fait  évidemment  al- 
■^usionà  deux  passages  de  ce  livre. 


APO 

Dans  sa  première  lettre  aux  Corin- 
thiens ,  n.  34 ,  on  lit  :  «  Voici  le 
«Seigneur;  sa  récompense  est  avec 
»  lui ,  pour  rendre  à  chacun  selon 
»  ses  œuvres.  »  Ces  mêmes  parQles  se 
trouvent,  Apoc. ,  c.  22,  ^.  12. La 
lettre  finit  par  ces  mots  :  «  A  Dieu, 
»  par  Jésus -Christ,  gloire,  hon- 
»  neur,  puissance,  majesté,  trône 
»  éternel ,  depuis  les  siècles  et  pour 
»  toujours.  »  Voyez  Apocalypse  , 
c.  5,  f.  i3. 

Mais,  comme  ce  livre  sembloit 
favoriser  l'erreur  des  millénaires  , 
on  craignoit  que  Cérinthe  ne  l'eût 
supposé  pour  établir  cette  fausse 
opinion  ;  c'est  ce  qui  empêcha  d'a- 
bord plusieurs  catholiques  de  le 
reconnoître  pour  canonique.  Le 
doute  a  cessé  ,  lorsqu'on  a  vu  que 
le  vrai  sens  ne  donnoit  aucun  lieu 
à  cette  erreur. 

Pour  affoiblir  les  témoignages 
qui  déposent  en  laveur  de  l'authen- 
ticité de  V Apocalypse  ,  les  protes- 
tants disent  que  les  Pères  ne  l'ont 
admise  ,  que  parce  qu'ils  étoient 
millénaires.  Tout  au  contraire  , 
ceux  qui  ont  embrassé  l'opinion  des 
millénaires,  ne  l'ont  fait  que  parce 
qu'ils  la  croyoient  enseignée  dans 
V Apocalypse  ;  et  quelques-uns  d'en- 
tre eux  ,  qui  ont  réfuté  les  millé- 
naires, ont  cependant  reçu  V Apo- 
calypse comme  un  livre  canonique; 
c'est  ce  qu'a  fait  Origène.  Avant 
le  troisième  siècle,  on  ne  peut  citer 
aucun  des  Pères  qui  ait  formelle- 
ment rejeté  ce  livre. 

Une  autre  objection  des  calvi- 
nistes, est  que  ces  mêmes  Pères  ont 
reçu  comme  authentiques  plu- 
sieursautres  écrits, dont  la  supposi- 
tion et  la  fausseté  ont  été  reconnues 
dans  la  suite;  qu'ils  ont  ajouté  foi 
à  plusieurs  histoires  évidemment 
fabuleuses.  Soit.  Si  pour  prouver 
l'authenticité  d'un  livre  quelcon- 
que ,  il  faut  des  témoins  qui  aient 
été  infaillibles  et  à  couvert  de  toute 
erreur  ,  nous  demandons  aux  cal- 
vinistes qui  sont  les  témoins  aux- 


APO  169 

quels  ils  se  fient  pour  croire 
l'authenticité  et  la  canonicité  des 
livres  qu'ils  admettent.  Ils  n'ont 
pas  vu  qu'en  alléguant  ce  reproche, 
ils  sapoient  par  le  fondement  toute 
espèce  de  certitude  morale  ,  toute 
espèce  de  preuve  pour  constater 
des  faits. 

Puisque  des  livres  qui  avoient 
d'abord  passé  pour  authentiques, 
ont  été  reconnus  dans  la  suite  pour 
supposés  et  apocryphes,  nous  de- 
mandons encore  pourquoi  d'autreâ 
livres,  dont  on  avoit  d'abord  soup- 
çonné la  supposition,  n'ont  pas  pu 
dans  la  suite  être  reconnus  pour 
authentiques.  Les  mêmes  règles  de 
critique  qui  nous  font  douter  d'un 
fait  lorsqu'il  n'est  pas  encore  suffi- 
samment prouvé  ,  doivent  sans 
doute  nous  le  faire  croire  lorsque 
nous  avons  découvert  des  preuves. 

C'est  ce  qui  est  arrivé  à  l'égard 
de  plusieurs  livres  de  l'Ecriture 
sainte,  et  en  particulier  de  V  Apo- 
calypse. En  397  ,  le  concile  de 
Carthage  la  mit  au  rang  des  livres 
sacrés,  quoique  les  conciles  précé- 
dents ne  l'eussent  pas  encore  reçue 
comme  canonique. 

On  sait  que  le  quatrième  siècle, 
lorsque  la  paix  eut  été  rendue  à 
l'Eglise,  fut  un  temps  de  lumière, 
de  recherches  ,  de  savantes  discus- 
sions ;  les  monuments  des  siècles 
précédents  furent  rassemblés  et 
comparés,  la  tradition  fut  inter- 
rogée ,  les  témoins  confrontés  ;  ce 
qui  avoit  été  obscur  et  douteux 
jusqu'alors,  put  devenir  certain  et 
incontestable.  Tant  que  l'hérésie 
des  millénaires  avoit  subsisté,  l'E- 
glise avoit  craint  de  l'autoriser  en 
canonisant  V  Apocalypse  ;  lorsque 
celte  secte  fut  éteinte,  il  n'y  eut 
plus  de  danger. 

Beausobre  ,  Histoire  du  mani" 
chéisme,  2..^  part.  ,  1.  i  ,  chap.  5, 
§  3  ,  soutient  que  les  Eglises  orien- 
tales du  rit  syrien  n'ont  point  re- 
connu VApocalypse  pour  canoni- 
que ,  puisqu'elle  ne  se  trouve  pas 


ijo  APO 

dans  rancienne  version  syriaque 
du  nouveau  Testament ,  dont  ces 
Eglises  se  sont  toujours  servies  ; 
mais  il  se  trompe  ;  nous  ferons  voir 
le  contraire  au  mot  Bibles  Sy- 
riaques. 

APOCREAS.  C'est  la  semaine 
qui  répond  à  celle  que  nous  appe- 
lons la  septuagésime.  Les  Grecs 
l'appellent  apncréas,  ou  privation 
de  chair,  parce  qu'après  le  diman- 
che qui  la  suit,  on  cesse  de  manger 
de  la  chair  ,  et  l'on  use  de  laitage 
jusqu'au  second  jour  après  la  quin- 
quagésime,  que  commence  le  grand 
jeûne  de  carême.  Pendant  Yapo- 
créas,  on  ne  chante  ni  triodeT  ni 
alléluia. 

APOCRISAIRE  ,  ou  APOCRI- 
SIAIRE  ,  répondant ,  député,  en- 
voyé, terme  grec  dérivé  d'àwoxprvo- 
fAoti ,  je  réponds.  L'on  appeloit  ainsi 
dans  l'Eglise  grecque  des  ecclé- 
siastiques envoyés  dans  la  ville 
impériale  par  les  Eglises,  par  les 
évêques  ou  par  les  monastères , 
pour  y  poursuivre  les  affaires  qu'ils 
avoient  à  la  cour.  Justinien  ,  par 
une  loi,  défendit  aux  évêques  de 
s'absenter  pour  long-temps  de 
leurs  diocèses  ,  sans  en  avoir  reçu 
un  ordre  exprès  de  sa  part ,  et  il 
leur  ordonna  d'envoyer  Vapocri- 
siaire  ou  l'économe  de  leur  Eglise 
à  la  cour,  lorsqu'ils  y  auroient  des 
affaires  à  traiter.  Dans  la  suite  les 
empereurs  nommèrent  aussi  apo- 
crisîaires  leurs  ambassadeurs  et 
leurs  envoyés  ;  mais  il  ne  faut  pas 
les  confondre  avec  les  députés 
ecclésiastiques.  Bingham ,  Origin. 
ecclés.  ,  1.  3,  c.  i3,  §  6;  Justin., 
Novell.  VI,  c.  2. 

APOCRYPHE  ,  du  grec  à^ro- 
xpvtfio; ,  terme  qui ,  selon  son  éty- 
mologie,  signifie  caché. 

En  ce  sens,  on  nommoit  apocry- 
phe tout  écrit  gardé  secrètement  et 
dérobé  à  la  connoissance  du  public. 


APO 

Ainsi  les  livres  des  sibylles  à  Rome, 
confiés  à  la  garde  des  décemvirs  ; 
les  annales  d'Egypte  et  de  Tyr  , 
dont  les  prêtres  seuls  de  ces  royau- 
mes cïoient  dépositaires  ,  et  dont 
la  lecture  n'étoit  pas  permise  indif- 
féremment à  tout  le  monde ,  étoienl 
des  livres  apocryphes.  Parmi  les 
divines  Ecritures  de  l'ancien  Tes- 
tament ,  un  livre  pouvoit  être  en 
même  temps ,  dans  ce  sens  géné- 
ral, un  livre  sacré  et  divin,  et  un 
livre  apocryphe  :  sacré  et  divin  , 
parce  qu'on  en  connoissoit  l'ori- 
gine ,  qu'on  savoit  qu'il  avoit  été 
révélé  ;  apocryphe,  parce  qu'il  étoit 
déposé  dans  le  temple ,  et  qu'il 
n'avoit  point  été  communiqué  au 
peuple.  Car,  lorsque  les  Juifs  pu- 
blioient  leurs  livres  sacrés,  ils  les 
appeloient-  canoniques  et  divins  , 
et  le  nom  i'apocryphes  restoit  à 
ceux  qu'ils  gardoient  dans  leurs 
archives  ,  ce  qui  n'empêchoit  pas 
qu'ils  ne  pussent  être  sacrés  et 
divins  ,  quoiqu'ils  ne  fussent  pas 
connus  pour  tels  du  public.  Ainsi, 
avant  la  traduction  des  septante  , 
les  livres  de  l'ancien  Testament 
pouvoicnt  être  appelés  apocryphes 
par  rapport  aux  gentils  et  par 
rapport  aux  Juifs  ;  la  même  qua- 
lification convenoit  aux  livres  qui 
n'étoient  pas  insérés  dans  le  canon 
ou  le  catalogue  public  des  Ecri- 
tures. C'est  précisément  ainsi  qu'il 
faut  entendre  ce  que  dit  saint  Epi- 
phane  ,  que  les  livres  apocryphes 
ne  sont  point  déposés  dans  l'arche 
parmi  les  autres  écrits  inspirés. 

Dans  le  christianisme  ,  on  a  atta- 
ché au  mot  apocryphe  une  signifi- 
cation différente  ,  et  on  4'emploie 
pour  exprimer  tout  livre  douteux, 
dont  l'auteur  est  incertain,  et  sur  la 
foi  duquel  on  ne  peut  faire  fonds , 
comme  on  peut  voir  dans  saint  Jé- 
rôme, et  dans  quelques  autres  Pères 
grecs  et  latins  plus  anciens  que  lui: 
ainsi  l'on  dit  un  livre,  un  passage  , 
une  histoire  apocryphe ,  etc. ,  lors- 
qu'il y  a  de  fortes  raisons  de  su.spcc- 


AFO 

1er  leur  aulhenticilé,et  dépenser' 
que  ces  ccrils  sont  supposés.  En 
matière  de  doctrine,  on  nomme 
«/^ocr/p/ics  les  livres  des  hérétiques, 
et  même  des  livres  qui  ne  contien- 
nent aucune  erreur  ,  mais  qui  ne 
sont  point  reconnus  pour  divins, 
c'est-à-dire,  qui  n'ont  été  mis  ni 
par  la  synagogue,  ni  par  l'Eglise, 
dans  le  canon,  pour  être  lus  en  pu- 
blic dans  les  assemblées  des  juifs 
ou  des  chrétiens. 

Dans  le  doute  si  un  livre  est  ca- 
nonique ou  apocryphe  ,  s'il  doit 
faire  autorité  ou  non  en  matière 
de  religion ,  on  sentj  la  nécessité 
d'un  tribunal  supérieur  et  infail- 
lible pour  fixer  l'incertitude  des 
esprits  ;  et  ce  tribunal  est  l'Eglise, 
à  laquelle  seule  il  appartient  de 
donner  à  un  livre  le  titre  de  divin, 
ou  de  le  rejeter  comme  supposé. 

Les  catholiques  et  les  protestants 
ont  eu  des  disputes  très-vives  sur 
l'autorité  de  quelques  livres  que 
ces  derniers  traitent  à^ apocryphes , 
comme  Judith,  Esdras,  les  Ma- 
chabées:  les  premiers  se  sont  fondés 
sur  les  anciens  canons  ou  catalo- 
gues, et  sur  le  témoignage  uniforme 
des  Pères  ;  les  autres  sur  la  tradi- 
tion de  quelques  Eglises.  La  ques- 
tion est  de  savoir  si  l'opinion  d'un 
petit  nombre  d'Eglises  particuliè- 
res doit  l'emporter  sur  celle  du 
plus  grand  nombre. 

Les  livres  reconnus  pour  apo- 
cryphespar  l'Eglise  catholique,  qui 
sont  véritablement  hors  du  canon 
de  l'ancien  Testament  ,  et  que 
nous  avons  encore  aujourd'hui  , 
sont  VOraison  de  Manassès ,  qui 
est  à  la  fin  des  bibles  ordinaires  ; 
le  troisième  et  le  quatrième  livre 
d'Esdras,  le  troisième  et  le  qua- 
trième livre  des  Machabées.  A  la 
fin  de  Job ,  on  trouve  une  addition 
dans  le  grec  qui  contient  une  gé- 
néalogie de  Job,  avec  un  discours 
de  la  femme  de  Job  ;  on  voit  aussi , 
dans  l'édition  grecque,  un  psaume 
qui  n'est  pas  du  nombre  des  cent 


A1>0  17, 

cinquante  ;  et  à  la  fin  du  livre  de 
la  Sagesse,  un  discours  de  Salomon, 
tiré  du  huitième  chapitre  du  troi- 
sième livre  des  Rois.  Nous  n'avons 
plus  le  livre  d'Enoch ,  si  célèbre 
dans  l'antiquité;  et,  selon  saint 
Augustin,  on  en  supposa  un  au- 
tre plein  de  fictions  ,  que  tous  les 
Pères,  excepté  TertuUien,  ont  re- 
gardé comme  apocryphe.  Il  faut 
aussi  ranger  dans  la  classe  des  ou- 
vrages apocryphes ,  le  livre  de  V As- 
somption de  Mo'ise  ,  et  celui  de 
V Assomption  ou  Apocalypse  d^Elie. 
Quelques  juifs  ont  supposé  des  li- 
vres sous  le  nom  des  patriarches, 
comme  celui  des  Générations  éter- 
nelles, qu'ils  attribuoient  à  Adam. 
Les  ébionites  avoient  pareillement 
supposé  un  livre  intitulé  VEchelle 
de  Jacob ,  et  un  autre  qui  avoit 
pour  titre  ,  la  Généalogie  des  fils 
et  des  filles  d^Adam ,  ouvrages  ima- 
ginés ou  par  des  juifs  ,  amateurs 
des  fictions ,  ou  par  les  hérétiques, 
qui,  par  cet  artifice,  semoient  leurs 
opinions  et  en  recherchoient  l'o- 
rigine jusque  dans  une  antiquité 
propre  à  en  imposer  à  des  yeux 
peu  clairvoyants. 

Lorsque  l'Eglise  a  déclaré  un  li- 
vre apocryphe,  et  l'a  exclu  du  ca- 
non des  Ecritures ,  elle  n'a  pas  pré- 
tendu décider  par-là  que  c'est  un 
livre  sans  autorité  et  supposé  sous 
un  faux  nom.  Ainsi  le  Pasteur  d'Her- 
mas ,  que  plusieurs  anciens  Pères 
ont  placé  dans  le  même  rang  que 
les  livres  sacrés,  n'a  plus  aujour- 
d'hui la  même  autorité;  il  ne  s'en- 
suit pas  qu'il  soit  faussement  at- 
tribué à  Hermas ,  et  absolument 
indigne  de  croyance.  Plusieurs  cri- 
tiques, instruits  d'ailleurs,  sem- 
blent n'avoir  pas  assez  fait  cette 
distinction  :  parce  qu'un  ouvrage 
est  regardé  comme  apocryphe ,  ils 
ont  conclu  que  c'a  été  la  produc- 
tion d'un  imposteur. 

C'est  la  méprise  dans  laquelle 
paroît  être  tombé  l'auteur  d'un 
mémoire  sur  les  outrages  apocry- 


17a  APO 

phes  supposés  dans  les  premiers  siè- 
cles de  r Eglise,  Mém.  de  l'Acad.  des 
Inscript.  ,  t.  XXVII,  in-4.°,  p-  gS, 
qui  a  élé  copié  par  l'auteur  de 
l  Examen  critique  de^  apologistes  de 
la  Religion  chrétienne ,  c.  2.  Il  met 
à  peu  près  sur  la  même  ligne  les 
livres  notoirement  supposés  et  for- 
f;és  par  les  hérétiques  ,  les  écrits 
dont  les  auteurs  ne  sont  pas  cer- 
laincnnent  connus  ,  mais  qui  ne 
renferment  aucune  erreur,  et  les 
ouvrages  dont  les  auteurs  sont  con- 
nus, mais  qui  ne  doivent  pas  être 
placés  dans  le  canon  des  livres  sa- 
crés, parce  que  le  pape  Gélase  les 
a  tous  déclarés  apocryphes.  Il  est 
cependant  évident  qu'il  y  a  une 
grande  différence  à  mettre  entre 
les  uns  et  les  autres 

Nous  convenons  !.•  que  les  faux 
Evangiles ,  publiés  sous  les  noms 
de  saint  Pierre,  de  saint  Jacques, 
de  saint  Mathias ,  etc. ,  les  faux  Ac- 
tes des  Apôtres,  les  fausses  Apo- 
calypses ,  sont  ou  des  impostures 
faites  malicieusement  par  des  hé- 
rétiques, dans  le  dessein  d'établir 
leurs  erreurs,  et  qui  ne  méritent 
aucune  attention  ;  ou  des  histoires 
faites  innocemment  par  des  écri- 
vains mal  instruits  et  trop  cré- 
dules, mais  qui  n'avoient  aucune 
intention  de  tromper  :  une  partie 
de  ces  différentes  productions  a 
paru  dans  le  second  siècle  ;  le  reste 
ne  nous  est  connu  que  par  le  décret 
de  Gélase,  porté  sur  la  fin  du  cin- 
quième siècle.  Tout  cela  ne  doit 
point  être  confondu. 

2.°  Nous  convenons  que  l'au- 
thenticité de  la  Lettre  d'Abgare 
n'est  pas  incontestable,  qu'il  n'est 
pas  absolument  certain  que  les 
apôtres  aient  eux-mêmes  composé 
le  symbole  qui  porte  leur  nom, 
non  plus  que  les  liturgies  qui  leur 
sont  attribuées  et  les  canons  ap- 
pelés Canons  des  Apôtres  ;  mais  ces 
écrits  sont-ils  apocryphes  dans  le 
même  sens  que  les  précédents  ?  Le 
symbole  est  véritablement  le  pré-  I 


APO 

cis  de  la  doctrine  des  apôtres,  leur» 
liturgies  sont  très-anciennes  ,  et 
ont  été  en  usage  dès  les  premiers 
siècles  dans  plusieurs  Eglises;  les 
canons  apostoliques  sont  l'ouvrage 
des  premiers  conciles,  et  un  mo- 
numentdela  discipline  suivie  pour 
lors  dans  l'Eglise.  Ce  sont  donc  des 
pièces  respectables,  que  l'on  ne  peut 
rejeter  absolument  sans  témérité. 

3.°  Nous  soutenons  que  le  Pas- 
teur d'Hermas ,  la  lettre  de  saint 
Barnabe ,  les  deux  Lettres  de  saint 
Clément,  les  sept  Lettres  de  saint 
Ignace  ,  sont  authentiques  ,  sont 
véritablemeikt  des  auteurs  auxquels 
on  les  attribue  ;  mais  que  l'on  ne 
doit  pas  les  mettre  au  rang  des 
livres  sacrés  ou  des  écritures  ca- 
noniques :  c'est  dans  ce  sens  seu- 
lement que  l'on  peut  les  nommer 
apocryphes.  Nous  parlerons  de  ces 
divers  écrits  sous  leurs  noms  pro- 
pres ,  de  même  que  du  célèbre 
passage  de  Josèphe ,  des  livres  des 
sibylles,  etc. 

Quand  on  a  fait  une  fois  toutes 
ces  distinctions ,  l'on  n'est  plus 
étonné  du  grand  nombre  d'écrits 
supposés  dans  les  premiers  siè- 
cles et  dans  les  suivants,  parce 
que  l'on  voit  les  causes  des  dif- 
férentes espèces  de  suppositions  ; 
il  est  aisé  de  montrer  que  la  multi- 
tude des  livres  rejetés  comme  apo- 
cryphes ne  peut  former  aucun 
préjugé  contre  V authenticité  ou 
contre  la  canonicité  des  autres  ; 
il  en  résulte  que  le  jugement  des 
critiques  anciens  ou  modernes 
n'est  pas  une  règle  infaillible,  que 
la  seule  décision  à  laquelle  on 
puisse  se  fier  sans  aucun  danger 
d'erreur,  est  celle   de  l'Eglise. 

Mosheim  prétend  que  la  mul- 
titude des  livres  apocryphes,  sup- 
posés dans  le  second  et  le  troi- 
sième siècle  de  l'Eglise,  est  venue 
de  la  méthode  de  disputer  qui 
s'introduisit  parmi  les  Pères  et 
les  docteurs  de  ces  temps-là.  Sui- 
vant   son-  opinion,   les   docteurs 


A  PO 

clirclicns ,  élevés  dans  les  écoles 
des  rhéteurs  et  des  sophistes,  ne 
«e  firent  aucun  scrupule  d'adop- 
ter la  maxime  des  platoniciens, 
qui  pensoient  qu'il  éloit  permis 
d'employer  le  mensonge  et  l'im- 
posture pour  soutenir  la  vérité. 
Conséquemment  les  écrivains  ec- 
clésiastiques, en  disputant  contre 
les  païens  et  contre  les  hérétiques  , 
furent  plus  occupés  du  soin  de 
vaincre  leurs  adversaires  ou  de 
les  réduire  au  silence ,  que  de  leur 
montrer  la  vérité  ;  et  cette  manière 
de  trai  ter  les  con  troverses  fut  nom- 
mée économique.  On  supposa  des 
livres  sous  des  noms  respectables; 
on  employa  des  fraudes  pieuses,  etc. 
Hist.  ecclésiasi.  du  second  siècle  , 
2.*  part.,  c.  3,  §  i5;  troisième 
siècle,  2.^  part.,  c.  3,   §   lo. 

Au  mot  Economie  ,  nous  réfute- 
rons cette  calomnie  forgée  par  les 
protestants,  par  nécessité  de  sys- 
tème, pour  déprimer  l'autorité  des 
Pères  de  l'Eglise ,  et  avidement 
adoptée  par  les  incrédules  moder- 
nes ;  nous  ferons  voir  que  ces  ac- 
cusateurs téméraires  ont  prêté 
aux  docteurs  chrétiens  leur  propre 
génie  et  leur  méthode  de  disputer. 
En  parlant  du  second  siècle,  Mos- 
heim  n'a  voit  pas  osé  affirmer  cette 
imputation  :  «  On  auroit  tort  , 
»  dit -il,  d'attribuer  toutes  ces 
»  fraudes  pieuses  aux  vrais  chré- 
»  tiens  ;  la  plupart  des  ouvrages 
i>  apocryplies  furent  la  production 
»  de  l'esprit  fertile  des  gnostiques; 
»  mais  je  ne  saurois  assurer  que  les 
»  vrais  chrétiens  ont  été  entière- 
»  ment  exempts  de  ce  reproche.  » 
Sous  le  troisième  siècle ,  il  a  été 
plus  hardi  ;  il  accuse  les  contro- 
versistes  d'avoir  supposé  les  ca- 
nons des  apôtres,  les  constitutions 
apostoliques  ,  les  récognitions  de 
saint  Clément ,  et  les  clémentines. 

Heureusement  la  calomnie  se 
dément  ici  elle-même  ;  de  l'aveu  de 
Mosheim,  les  canons  des  apôtres 
renfenmentladisciplinesuivicdans 


APO  173 

l'Eglise  pendant  le  second  et  le 
troisième  siècle  :  or,  à  cette  épo- 
que on  a  fait  profession  de  suivre 
ce  que  les  apôtres  avoient  établi 
dans  les  Eglises  qu'ils  avoient  fon- 
dées ;  où  est  la  fausseté  ,  où  est  la 
fraude  ,  d'avoir  nommé  canons 
apostoliques  les  règles  qui  trans- 
raettoient  par  écrit  la  discipline 
que  l'on  croyoit  et  que  l'on  savoit 
avoir  été  établie  par  les  apôtres  ? 
Il  est  plus  que  probable  que  ces 
canons  n'ont  été  recueillis  et  ras- 
semblés qu'au  quatrième  siècle  ; 
cène  peut  donc  pas  être  une  fraude 
du  troisième. 

Il  en  est  de  même  des  constitu- 
tions apostoliques  ,  des  récogni- 
tions et  des  clémentines;  on  n'en 
voit  encore  aucun  vestige  dans  les 
auteurs  du  troisième  siècle.  Il  y  a 
eu  plusieurs  écrivains  nommés 
Clément  ;  si  l'on  a  attribué  par  er- 
reur à  saint  Clément  de  Rome  les 
ouvrages  d'un  autre  Clément  ,  il 
s'ensuit  que  l'on  a  manqué  de  dis- 
cernement et  de  critique  ,  et  non 
que  l'on  a  péché  contre  la  bonne 
foi.  Dans  les  bas  siècles  ,  et  pres- 
que de  nos  jours ,  on  a  mis  sous  le 
nom  de  saint  Augustin  des  ser- 
mons, des  traités,  des  commen- 
taires qui  n'étoient  pas  de  lui.  La 
critique,  devenue  plus  éclairée  et 
plus  circonspecte  ,  découvre  toua 
les  jours  de  ces  sortes  d'erreurs  ; 
elles  ont  eu  lieu  à  l'égard  des  au- 
teurs profanes  ,  comme  à  l'égard 
des  écrivains  sacrés  et  des  Pères  de 
l'Eglise.  Il  y  a  de  l'entêtement  et 
delà  malignité  à  vouloir  que  toutes 
ces  méprises  soient  des  impostures 
réiléchies,  plutôt  que  des  fautes 
d'ignorance  et  de  préoccupation. 

Aux  articles  Constitutions  apo- 
stoliques. Évangile,  Hermas,  Si- 
bylles ,  etc. ,  nous  ferons  voir  que 
la  plupart  des  suppositions  des  li- 
vres apocryphes  ont  pu  se  faire 
très-innocemment  ;  que  toutes  cel- 
les qui  ont  été  réfléchies  et  mali- 
cieuses ont  été  l'ouvrage  deshéré- 


174  APO 

tiques  cl  des  philosophes ,  el  non 
des  docteurs  de  l'Eglise  ;  qu'un 
très-grand  nombre  se  sont  faites 
postérieurement  au  troisième  et 
même  au  quatrième  siècle.  Beau- 
sobre  ,  quoique  ennemi  déclaré  des 
Pères  de  l'Eglise ,  convient  que  la 
plupartdes  faux  livres  qui  ont  paru 
plus  tôt,  ont  été  forgés  par  un  cer- 
tainLeuciusCarinus,hérétiquedela 
sectedes  docètes.  Hist.  duManîcIi., 
t.  1,1.  2,  c.  2,  p.  348.  Les  soupçons 
et  les  accusations  des  protestants 
copiés  par  les  incrédules  sont  donc 
téméraires  et  sans  aucun  fonde- 
ment. 

En  général,  tout  écrivain  adopte 
aisément  et  sans  beaucoup  d'exa- 
men une  histoire,  un  monument, 
un  livre  qui  lui  paroît  favorable  à 
son  opinion  ;  il  le  cite  avec  con- 
fiance lorsqu'il  ne  voit  aucune  rai- 
son de  le  suspecter  ,  et  son  erreur 
contribue  à  en  tromper  d'autres 
sans  qu'il  le  veuille.  Ce  foible  est 
conimun  aux  catholiques  et  aux 
hérétiques ,  aux  ecclésiastiques  et 
aux  profanes,  aux  incrédules  et 
aux  croyants  ;  il  est  dans  l'huma- 
nité ,  et  il  durera  autant  qu'elle  ; 
ce  n'est  souvent  ni  malice,  ni  mau- 
vaise foi  ,  c'est  préoccupation.  Y 
a-t-il  de  la  justice  à  vouloir  que 
les  écrivains  ecclésiastiques  en 
aient  été  exempts  ?  Lorsque  nous 
accusons  nos  adversaires  de  mau- 
vaise foi ,  ils  crient  à  la  calomnie  , 
et  eux-mêmes  ne  cessent  de  former 
cette  accusation  contre  les  per- 
sonnages les  plus  respectables  , 
sans  aucune  preuve.  Voyez  Au  - 
THENTiciTÉ  ,  Canon  ,  Canonique. 

APODIPNE.  C'est  ainsi  que  les 
Grecs  nomment  l'office  de  cona- 
plies.    Voyez  Heures  canoniales. 

APOLLINAIRES  ou  APOLLI- 
NARISTES  ,  anciens  hérétiques 
qui  ont  prétendu  que  Jé^us-Christ 
n'avoit  point  pris  un  corps  de 
chair  tel    que  le   nôtre  ,    ni    une 


APO 

âme   raisonnable  semblable  à    la 
nôtre. 

Apollinaire  de  Laodicée,  chef  de 
cette  secte ,  donnoit  à  Jésus-Christ 
une  espèce  de  corps,  dont  il  sou- 
tenoit  que  le  Verbe  avoit  été  revêtu 
de  toute  éternité  :  corps  impassi- 
ble ,  qui  étoit  descendu  du  ciel 
dans  le  sein  de  la  sainte  "Vierge , 
mais  qui  n'étoit  pas  né  d'elle  ; 
qu'ainsi  Jésus-Christ  n'avoit  souf- 
fert ,  n'étoit  mort  et  ressuscite 
qu'en  apparence.  11  mettoit  aussi 
de  la  différence  entre  l'àme  de  Jé- 
sus-Christ et  ce  que  les  Grecs  ap- 
pellent vooç,  esprit,  entendement; 
en  conséquence  ,  il  disoit  que  le 
Christ  avoit  pris  une  âme  ,  mais 
sans  l'entendement  ;  défaut  ,  ajou- 
toit-il ,  suppléé  par  la  présence  du 
Verbe.  11  y  en  avoit  même  ,  entre 
ses  sectateurs  ,  qui  avançoient  po- 
sitivement que  le  Christ  n'avoit 
point  pris  d'âme  humaine.  On  leur 
donne  le  nom  de  synousiastes  ,  de 
même  qu'aux  eutychiens  et  à  tous 
ceux  qui  confondoient  les  deux 
natures  de  Jésus-Christ  en  une 
seule.   Voyez  Synousiastes. 

Apollinaire  faisoit  encore  revi- 
vre l'hérésie  des  millénaires  ,  et 
enseignoit  d'autres  erreurs  sur  la 
Trinité.  Théodoret  l'accuse  d'avoir 
confondu  les  Personnes  en  Dieu , 
et  d'être  tombé  dans  l'erreur  des 
sabelliens.  Saint  Basile  lui  repro- 
che ,  d'un  autre  côté  ,  d'abandon- 
ner le  sens  littéral  de  l'Ecriture,  et 
de  rendre  les  livres  saints  entière- 
ment allégoriques. 

L'hérésie  à^ Apollinaire  consis- 
toit ,  comme  on  voit,  dans  des 
distinctions  très-subtiles,  auxquel- 
les il  n'étoit  guère  possible  que  le 
commun  des  fidèles  entendît  quel- 
que chose  ;  cependant  l'histoire 
ecclésiastique  nous  apprend  qu'elle 
fit  des  progrès  considérables  en 
Orient;  plusieurs  Eglises  de  cette 
partie  du  monde  en  furent  infec- 
tées. Elle  fut  anathématisée  dans 
un    concile     d'Alexandrie ,    sous 


AI>0 

saint  Athanase  ,  en  36o  ;  «lans  un 
concile  de  Rome  ,  sous  le  pape 
Dainase  ,  l'an  874  ,  et  dans  le  con- 
cile gonéral  de  Conslanlinople  , 
en  38 1.  Les  apollinarisics  furent 
aussi  appelés  diniérties  ou  sépara- 
teurs, parce  qu'ils  séparoient  l'àmc 
de  Jésus -Chrisl  d'avec  l'enlende- 
inent  :  erreur  née  probablement 
de  l'opinion  de  Platon,  qui  dis- 
tinguoit  l'àme  sensitive  d'avec  l'à- 
me  raisonnable. 

Il  ne  faut  pas  confondre  l'héréti- 
que dont  nous  parlons,  avec  Apol- 
linaire ,  évoque  d'Hiéraples  ,  qui 
vivoit  au  second  siècle ,  et  qui  pré- 
senta, l'an  177  ,  à  l'empereurMarc- 
Aurcle  une  apologie  du  christia- 
nisme. Quelques  auteurs  préten- 
dent que  celui  de  Laodicée  avpit 
écrit  contre  Julien  l'apostat. 

APOLLONIUS   DE    TYANES, 

philosophe  pythagoricien  ,  qui  a 
vécu  pendant  tout  le  premier 
siècle,  et  qui  est  devenu  célèbre 
par  l'histoire  romanesque  que 
Philostrate,  autre  espèce  de  phi- 
losophe, en  a  faite  cent  ans  après 
la  mort  de  ce  personnage. 

On  sait  que  le  christianisme  n'a 
point  eu  d'ennemis  plus  déclarés 
que  les  philosophes;  ils  n'ont  épar- 
gné aucune  sorte  de  fourberies  pour 
en  détourner  les  hommes,  et  pour 
soutenir  l'idolâtrie  prête  à  être  dé- 
truite. Comme  ils  virent  que  les 
miracles  de  Jésus-Christ  étoient 
une  des  plus  fortes  preuves  dont 
nos  apologistes  se  servoient  pour 
démontrer  la  divinité  de  notre  re- 
ligion, et  qui  faisoit  le  plus  d'im- 
pression sur  les  païens,  ils  trou- 
vèrent bond'attribuerdesprodiges 
semblables  à  quelques  philosophes, 
en  particulier  à  celui  dont  nous 
parlons. 

Vers  l'an  211,  l'impératrice  Ju- 
liaDorana ,  femme  de  Septime  Sé- 
vère, princesse  très-déréglée  ,  et 
curieuse  de  merveilleux  ,  chargea 
Philostrale  d'écrire  la  vie  d'Apol- 


A1>0  ,75 

lonius  de  Tyanes.  Ce  sophiste  la 
servit  selon  son  goût.  En  compa- 
rant les  prodiges  qu'il  rapporte  de 
son  héros  avec  ceux  que  les  évan- 
gélisles  ont  attribués  à  Jésus- 
Christ,  on  voit  qucPhilostrates'est 
proposé  de  copier  ces  derniers,  et 
d'eu  obscurcir  l'éclat  par  la  mul- 
titude de  ceux  qu'il  met  sur  le 
compte  d'Apollonius  ;  mais  il 
ajoute  tant  de  circonstances  fabu- 
leuses, tant  d'absurdités  et  de  con- 
tradictions, qu'il  n'a  pas  daigné 
garder  la  moindre  vraisemblance: 
il  s'ensuivroit  tout  au  plus,  de  ce 
qu'il  raconte,  qu'Apollonius  étoit 
un  magicien  qui  fascinoit  les  yeux, 
et  profitoit  de  l'imbécillité  de  ses 
admirateurs  pour  se  faire  une  ré- 
putation. 

Il  s'en  faut  beaucoup  que  son 
historien  l'ait  représenté  comme 
un  homme  très-vertueux;  outre  les 
efforts  qu'il  fit  pour  exciter  des  sé- 
ditions contre  Néron  et  contre 
Domitien,  on  ne  voit  en  lui  qu'un 
sophiste  orgueilleux,  qui  ne  cher- 
che que  la  célébrité ,  et  qui  ne  s'oc- 
cupe en  aucune  m;anière  de  la  ré- 
forme des  mœurs. 

Sous  le  règne  de  Diocléticn, 
Hiéroclès,  président  de  Bithynie, 
et  ensuite  gouverneur  d'Alexan- 
drie ,  grand  ennemi  des  chrétiens  , 
fit  un  ouvrage  pour  prouver  qu'A- 
pollonius étoit  un  plus  grand  per- 
sonnage que  Jésus-Christ  ,  et  il 
opposa  les  prétendus  miracles  du 
philosophe  à  ceux  de  notre  Sau- 
veur. Eusèbe  de  Césarée  réfuta  ce 
parallèle  ridicule;  il  fit  voir  que 
toutes  ces  merveilles  n'avoientété 
rapportées  par  aucun  témoin  ocu- 
laire; qu'il  n'en  avoit  pas  été  ques- 
tion pendant  tout  le  siècle  qui 
s'étoit  écoulé  depuis  la  mort  d'A- 
poUonius  jusqu'à  la  naissance  du 
roman  de  Philostrate  ;  que  ces  mi- 
racles imaginaires  n'avoient  pro- 
duit aucune  révolution  ni  aucun 
effet  qui  en  piitconstater  la  réalité; 
que  la  plupart  étoient  ridicules. 


176  APO 

indignes  deDieu,  sans  aucune  uti- 
lité pour  les  hommes,  et  ne  pou- 
voient  aboutir  qu'à  faire  regarder 
leur  auteur  comme  un  magicien. 
Lactance  oppose  une  partie  de  ces 
mêmes  rétlexions  à  Hiéroclès ,  Di- 
vin. Insiit. ,  1.  5  ,  c.  3. 

Aussi  malgré  tous  les  efforts  des 
philosophes,  le  nom  à' Apollonius 
et  ses  prétendus  prodiges  sont  de- 
meurés plongés  dans  l'oubli ,  pen- 
dant que  Jésus-Christ  a  été  reconnu 
pour  Fils  de  Dieu  et  Sauveur  des 
hommes  dans  une  très-grande  par- 
tie de  l'univers.  Tillemont;  Vie  des 
Emper.,  tome  2  ,  page  120;  Bruker, 
Histor.  philosoph.,  tome  2  ,  p.  98. 

Mosheim  ,  dans  ses  Noies  sur 
Cudtvorih  ,  c.  4  ,  §  i5  ,  n'approuve 
point  le  sentiment  de  ceux  qui  ont 
CTu.  ([Il  Apollonius  avoit  réellement 
opéré  des  prodiges  par  l'interven- 
tion du  démon  ;  il  ne  peut  se  per- 
suader que  Dieu  ait  permis  à  l'en- 
Jiemi  du  salut  d'exercer  sur  la  terre 
un  pouvoir  surnaturel  pour  trom- 
per les  hommes ,  dans  le  temps 
même  que  Jésus-Christ  et  les 
apôtres  y  exerçoient  un  pouvoir 
divin  pour  détruire  l'empire  du 
démon.  Il  pense  donc  que  les  pré- 
tendus miracles  A^Apollonius  ne 
sont  que  des  guérisons  naturelles 
opérées  par  l'art  de  la  médecine , 
que  ce  philosophe  avoit  étudiée  , 
mais  qui  parurent  miraculeuses  à 
des  Orientaux  ,  toujours  extasiés 
du  mérite  des  médecins,  et  aux- 
quelles ce  fourbe  habile  eut  soin  de 
mêler  des  tours  de  charlatans , 
afin  de  rendre  ses  cures  plus  mer- 
veilleuses. 

Mosheim  ajoute  que  ce  philo- 
sophe ne  fut  que  le  singe  de  Pytha- 
gore,  dont  il  ambitionnoit  la  cé- 
lébrité; que  si  l'on  veut  comparer 
l'histoire  à^ Apollonius  par  Philos- 
irate ,  avec  celle  que  Lucien  a  faite 
du  faux  Alexandre  ,  on  trouvera 
entre  ces  deux  imposteurs  une  res- 
semblance parfaite.  Ces  rétlexions 
nous  paroissent  très-judicieuses. 


APO 

APOLOGÉTIQUE.  Ecrit  ou  di*^ 
cours  fait  pour  excuser  ou  justifier 
une  personne  ou  une  action.  Voyez 
Apologie. 

^apologétique  écrit  par  Tertul- 
licn  pour  la  défense  du  christia- 
nisme, est  un  ouvrage  plein  de 
force  et  d'élévation ,  digne  du  ca- 
ractère véhément  de  son  auteur.  Il 
y  adresse  la  parole  aux  magistrats 
de  Carthage ,  aux  grands  de  l'em- 
pire ,  aux  gouverneurs  des  pro- 
vinces. 

Tertullien  s'y  attache  à  montrer 
l'injustice  de  la  persécution  contre 
une  religion  que  l'on  condamnoit 
sans  la  connoître  et  sans  l'enten- 
dre, à  réfuter  l'idolâtrie  et  les  re- 
proches odieux  que  les  idolâtres 
faisoient  aux  chrétiens  d'égorger 
des  enfants  dans  leurs  mystères  , 
d'y  manger  de  la  chair  humaine, 
d'y  commettre  des  incestes,  etc. 
Pour  répondre  au  crime  qu'on 
leur  iraputoit  de  manquer  d'amour 
et  de  fidélité  pour  la  patrie,  sous 
prétexte  qu'ils  refusoient  de  faire 
les  serments  accoutumés  et  de  ju- 
rer par  les  dieux  tutélaires  de  l'em- 
pire, il  prouve  la  soumission  des 
chrétiens  aux  empereurs.  Il  en 
expose  aussi  la  doctrine  autant 
qu'il  étoit  nécessaire  pour  la  dis- 
culper,  mais  sans  en  dévoiler  trop 
clairement  les  mystères ,  pour  ne 
pas  violer  la  religion  du  secret,  si 
expressément  recommandée  dans 
ces  premiers  temps.  Cet  écrit ,  tout 
solide  qu'il  étoit,  n'eut  point  d'ef- 
fet, et  la  persécution  de  Sévère 
n'en  fut  pas  moins  violente. 

La  meilleure  édition  de  cet  ou- 
vrage est  celle  de  Leyde  en  1718, 
in-8.°,  avec  des  notes  de  Haver- 
camp  ,  et  la  meilleure  traduction 
est  celle  qu'a  donnée  récemment 
M.  l'abbé  de  Gourcy. 

APOLOGIE  ,    APOLOGISTES. 

Nous  avons  perdu  plusieurs  apo- 
logies de  la  religion  chrétienne, 
faites  par  des  axiteurs  du  second 


A  PO 

sièclt;  de  l'Eglise  ,  et  il  y  a  lieu  de 
les  rep;rctler  :  celles  de  Qiiadraliis  , 
évf'inie  d'Athènes  ,  de  Méliloii  , 
évè<iue  de  Sardes,  d'Apollinaire, 
e've(^iie  d'Hiéraples.  On  ne  lions 
saura  pas  mauvais  gré  de  donner 
i<:i  la  liste  des  ouvrages  de  nos  an- 
ciens apologistes  qui  subsistent 
encore. 

Les  deux  apologies  de  saint  Jus- 
tin ,  et  son  dialogue  avec  le  Juif 
Tryphon.  Le  discours  aux  Gentils, 
par  Talien.  La  satire  contre  les 
philosophes  païens  ,  par  Hermias. 
L'ambassade  d'Athénagore  pour  les 
chrétiens.  I-es  trois  livres  de  saint 
Théophile,  évéque  d'Antioche,  à 
Antolycus.  La  lettre  à  Diogénéte. 
Tous  ces  ouvrages  se  trouvent  dans 
la  nouvelle  édition  des  œuvres  de 
saint  Justin  ,  ils  sont  du  second 
siècle. 

L'exhortation  de  saint  Clément 
d'Alexandrie  aux  païens.  L'apolo- 
gétique de  Tertullien  ,  ses  livres 
aux  nations  etàScapula,  gouver- 
neur de  Carthage.  Son  livre  contre 
les  Juifs.  La  dispute  d'Arnobe 
contre  les  païens  ,  en  six  livres. 
Le  dialogue  de  Minutius  Félix  , 
intitulé  Ociaçius.  Julius  Firmicus 
Maternus,  sur  les  erreurs  des  re- 
ligions profanes. 

Les  huit  livres  d'Origène  contre 
Celse.  Les  institutions  divines  de 
Laclance,  en  sept  livres.  La  pré- 
paration et  la  démonstration  évan- 
gélique  d'Eusèbe  ,  et  son  livre 
contre  Hiéroclès.  Le  discours  de 
saint  Athanase  contre  les  païens. 
La  thérapeutique  de  Théodoret. 
Les  dix  livres  de  saint  Cyrille  d'A- 
lexandrie contre  Julien.  Les  dis- 
cours de  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze  contre  le  même  empereur. 

Le  traité  de  saint  Cyprien  sur 
la  vanité  des  idoles ,  et  sa  lettre 
à  Démétrien.  Les  discours  de  saint 
Jean-Chr}'sostôme  contre  les  Gen- 
tils et  les  Juifs.  Les  vingt-deux 
livres  de  la  cité  de  Dieu  de  saint 
Augustin  ;  son   traité  «le   la    vraie 


AirO  177 

religion    et    celui    d  s    mœurc  de 
l'Eglise    contre  les  manichéens. 

La  dispute  d'Evagre  entre  le  jnil 
Simon  et  le  chrétien  Théophile. 
Le  livre  des  consultations  de  Za- 
chée  ,  chrétien  ,  et  d'Apollonius  , 
philosophe.  Le  traité  de  saiul 
Fulgence  sur  la  foi.  Les  traités 
dogmatiques  de  saint  Isidore  de 
Séville  ;  celui  de  la  foi  orthodoxe  , 
par  saint  Jean  Damascène.  Les 
dialogues  entre  un  chrétien  et  un 
juif,  un  nestorien  et  un  sarrazin, 
par  Théodore  d'Ahucara.  Le  mo- 
nologue et  le  prologue  de  saint 
Anselme  sur  l'existence  de  Dieu. 
Deux  ouvrages  contre  les  Juifs, 
par  Pierre  de  Blois. 

Le  livre  de  Raymond  Martin, 
intitulé  Pugio  fidei ,  contre  les 
Juifs  ,  a  été  publié  par  Galatin, 
dans  son  ouvrage  de  Arcanis  ca- 
tholicœ  veritatis. 

On  ne  peut  pas  accuser  les  pre- 
miers apologistes  du  christianisme 
d'avoir  déguisé  les  faits  ;  Quadra- 
tus,  Méliton,  saint  Justin,  Mi- 
nutius Félix,  étoient  environnés 
d'ennemis  qui  avoient  toutes  les 
facilités  possibles  de  trouver  des 
pieuves  et  des  témoins  pour  con- 
fondre l'imposture,  si  ces  écrivains 
courageux  avoient  osé  hasarder 
un  seul  mensonge.  Ils  avoient  eux- 
mêmes  examiné  les  preuves  de  cette 
religion  ,  puisque  c'étoient  des 
philosophes  ou  des  hommes  in- 
struits ;  ils  étoient  à  la  source  des 
événements,  puisqu'ils  avoient  été 
convertis  ou  par  les  apôtres,  ou  par 
leurs  disciples  immédiats.  Le  chris- 
tianisme étoit  persécuté  ;  aucun 
intérêt  temporel  n'avoit  donc  pu 
les  engager  à  l'embrasser.  Saint 
Justin  confirma ,  par  son  martyre-, 
la  sincérité  de  sa  croyance. 

On  ne  peut  pas  dire  qu'ils  ont 
passé  sous  silence  ou  affoibli  les 
raisons  et  les  objections  de  leurs 
adversaires.  Origène  rapporte  les 
propres  termes  de  Celse;  saint  Cy- 
rille copie  exactement  les  paroles 
12 


178  APO 

de  Julien.  Sans  cette  bonne  foi, 
il  ne  resteroit  pas  aujourd'hui  une 
seule  phrase  des  ouvrages  de  ces 
deux  philosophes.  Les  aveux  que 
ceux-ci  sont  forcés  de  faire ,  sont 
encore  le  bouclier  que  nous  oppo- 
sons aux  attaques  des  incrédules 
modernes.  Ou  ils  conviennent  ex- 
pressément des  miracles  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres,  ou  la  manière 
dont  ils  les  combattent  équivaut  à 
un  aveu  formel.  Il  n'a  pas  tenu  à 
Origène  de  verser  son  sang  pour 
sceller  la  vérité  de  son  apologie. 

Quelques  incrédules ,  pour  es- 
quiver les  conséquences  de  ces 
témoignages  ,  ont  prétendu  que 
ces  premiers  écrivains  étoient  des 
philosophes  platoniciens  ;  qu'ils 
avoient  embrassé  le  christianisme, 
parce  qu'ils  avoient  trouvé  de  la 
ressemblance  entre  ses  dogmes  et 
ceux  de  Platon;  qu'une  fois  persua- 
dés de  la  doctrine,  ils  n'avoient 
point  contesté  sur  les  faits ,  et 
les  avoient  admis  sans  examen. 
Malheureusement  cette  conjecture 
est  contredite  par  d'autres  criti- 
ques, qui  soutiennent  que  ce  sont 
les  plus  anciens  Pères  de  l'Eglise 
qui  ont  introduit  dans  le  christia- 
nisme les  idées  de  Platon  ;  elles  n'y 
etoient  donc  pas  encore  lorsqu'ils 
se  sont  convertis.  Si  le  platonisme 
chrétien  est  leur  ouvrage ,  il  n'a  pas 
pu  être  lemotif  de  leur  conversion. 

Est-ce  de  Platon  que  les  Pères 
ont  emprunté  l'unité  d'un  Dieu 
créateur  ,  le  péché  originel ,  la  ré- 
demption du  monde  par  un  Dieu 
fait  homme?  Ces  dogmes  s'accor- 
dent si  peu  avec  ceux  de  Platon , 
queCelse  et  Julien  ne  cessent  d'op- 
poser la  doctrine  de  ce  philosophe 
a  celle  du  christianisme.  C'est  aux 
hérétiques  de  son  temps  que  Terlul- 
lien  reproche  la  fureur  de  vouloir 
substituer  les  rêveries  de  Platon  et 
des  autres  philosophes  aux  leçons 
de  Jésus-Christ  et  des  apôtres. 
Voyez  Platonisme. 

Loin  de  passer  légèrement  sur 


APO 

les  faits  ,  Origène  y  renvoie  con- 
tinuellement son  adversaire  :  per- 
sonne n'a  soutenu  la  vérité  des 
miracles  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres  avec  plus  de  force  que 
lui  ;  c'est  cependant  l'un  des  Pères 
auquel  on  a  supposé  le  plus  d'idées 
platoniciennes. 

D'autres  critiques  ont  conjecturé 
que  les  remontrances  de  nos  an- 
ciens apologistes  n'avoient  jamais 
été  présentées  ni  aux  empereurs , 
ni  aux  gouverneurs  des  provinces, 
que  ces  écrits  étoient  restés  incon- 
nus dans  le  portefeuille  de  leurs  au- 
teurs, comme  les  apologies  que  com- 
posèrent plusieurs  protestants  à  la 
naissance  de  la  prétendue  réforme. 

Il  faut  du  moins  que  celles  de 
saint  Justin  aient  été  présentées 
aux  empereurs ,  puisque  1  a  p rem ièrc 
est  suivie  d'un  récit  d'Adrien  à 
Minutius  Fundanus,  et  d'un  ordre 
d'Antoninaux  communes  del'Agie 
pour  défendre  de  persécuter  les 
chrétiens  pour  cause  de  religion , 
à  moins  qu'ils  ne  se  trouvent  cou- 
pables de  quelques  crimes.  Des 
hommes  toujours  prêts  à  mourir 
pour  leur  religion  ,  n'ont  pas  pu 
craindre  de  produire  au  grand  jour 
Vapologie  qu'ils  en  avoient  faite. 
Mais  sur  ce  fait,  comme  sur  tous 
les  autres  ,  nos  adversaires  sont 
encore  en  contradiction  :  tantôt 
ils  accusent  les  chrétiens  d'être 
allés  provoquer  la  colère  des  juges 
païens  sur  leurs  tribunaux  ;  tantôt 
ils  imaginent  que  ces  hommes 
avides  du  martyre  n'ont  pas  seule- 
ment osé  présenter  des  remontran- 
ces sages  et  respectueuses.  La  ve- 
ri  té  est  que  ces  deux  reproches  sont 
aussi  mal  fondés  l'un   que  l'autre. 

Mosheim  ,  qui  ne  laisse  échap- 
per aucune  occasion  de  déprimer 
les  Pères  de  l'Eglise,  dit,  en  parlant 
de  nos  apologistes  du  second  et  du 
troisième  siècles,  qu'ils  attaquèrent 
avec  beaucoup  de  jugement ,  de 
dextérité  et  de  succès ,  la  supersti- 
tion païenne  ,  mais  qu'ils  ne  réus- 


sirriit  pas  si  bien  à  «lévcloppcr  la 
vraie  nature  et  le  génie  du  chris- 
tianisme ;  que  leurs  apologies  sont 
«léfectueuses  à  plusieurs  égards  ; 
«ju'ils  ne  lurent  pas  toujours  heu- 
reux dans  le  choix  de  leurs  argu- 
ments ;  que  la  plupart  paroissent 
avoir  manqué  de  pénétration  ,  d'é- 
rudition, d'ordre,  d'exactitude  et 
de  force  ;  qu'ils  emploient  souvent 
des  arguments  futiles,  plus  propres 
à  éblouir  l'imagination  qu'à  con- 
vaincre l'esprit.  L'un,  dit-il,  aban- 
donnant les  livres  saints,  où  l'on 
doit  prendre  des  armes  pour  défen- 
dre la  religion  ,  s'en  rapporte  aux 
décisions  des  évéques  qui  gouver- 
noient  les  Eglises  apostoliques  ;  un 
autre,  s'imaginant  que  l'ancienneté 
d'une  doctrine  est  une  preuve  de 
sa  vérité,  fait  valoir  la  prescription 
contre  ses  adversaires  ,  comme  s'il 
défendoit  sa  propriété  devant  un 
magistrat  civil  ;  un  troisième  , 
entêté  d'idées  cabalistiques,  allègue 
la  puissance  imaginaire  de  certains 
noms  ou  termes  mystiques.  De  là 
Mosheim  conclut  que  ce  fut  dès  le 
second  siècle  que  commença  de 
s'introduire  la  méthode  vicieuse 
de  disputer,  que  l'on  nomme  éco- 
nomique, par  laquelle  on  cherche it 
plutôt  à  dérouter  et  à  confondre 
un  adversaire,  qu'à  lui  montrer  la 
vérité.  Hist.  ecclés.  du  second  siècle, 
I."  part. ,  c.  3,  §  7  et  8. 

Mais  ,  n'est-ce  pas  Mosheim  lui- 
même  ([ui  manque  ici  de  droiture 
ou  de  jugement?  i .°  La  contradic- 
tion est  palpable  entre  l'éloge  qu'il 
a  fait  d'abord  de  nos  apologistes,  et 
les  reproches  par  lesquels  il  l'em- 
poisonne. Si  tous  ces  reproches 
sont  vrais,  leur  travail  est  détesta- 
ble; en  quel  sens  ont-ils  attaqué  la 
superstition  païenne  atcc  beaucoup 
de  jugement,  de  dextérité  et  de  succès? 

a  °  De  quel  poids  auroient  été  , 
])our  défendre  la  religion,  des  ar- 
guments tirés  de  l'Ecriture  sainte, 
contre  dns  païens  «jui  ne  croyoient 
point  à  cette  Ecrit  lire,  rjui  la  regar- 


APO  ,y^ 

doioiil  connue  \u\  recueil  de  rêve- 
ries et  de  fables  :' 11  falloit  donc 
pour  les  convaincre  de  la  vérité  et 
de  la  divinité  de  ces  livres  ,  des 
arguments  tirés  d'ailleurs  ;  Mos- 
heim lui-même  auroit  été  forcé  de 
prendre  cette  même  route  ,  s'il 
avoit  eu  à  prouver  le  christianisme 
contre  un  philosophe  païen.  Mais 
voilà  l'entêtement  des  protestants: 
parce  que  ,  selon  leur  opinion  , 
rien  n'est  vrai  que  ce  qui  est  écrit, 
et  que  l'Ecriture  est  le  seul  organe 
de  la  révélation  ,  ils  jugent  que  les 
Pères  du  second  siècle  ,  qui  ont 
pensé  différemment ,  ont  été  dans 
l'erreur,  qu'ils  n'ont  pas  connu  la 
nature  et  le  vrai  génie  du  christia- 
nisme. Si  on  veut  parler  du  chris- 
tianisme protestant ,  cela  est  très- 
vrai  ;  mais  ces  Pères  ,  instruits  par 
les  disciples  immédiats  des  apôtres, 
ont  très-bien  connu  et  développé 
la  vraie  nature  et  le  génie  du  chris- 
tianisme apostolique,  qui  n'est  pas 
celui  des  protestants. 

3.°  Un  des  principaux  préjugés 
des  païens  contre  notre  religion, 
étoit  de  prétendre  que  cette  re- 
ligion étoit  nouvelle  ,  inconnue  à 
tous  les  sages  de  l'antiquité  ;  ils  se 
persuadoient  que  toute  vérité  de- 
voit  se  trouver  chez  les  Grecs.  Pour 
détruire  celte  prévention  ,  saint 
Justin  ,  Tatien  ,  Athénagore,  saint 
Clément  d'Alexandrie ,  se  sont  at- 
tachés tous  à  prouver  que  la  doc- 
trine deMoïse  touchant  laDivinité, 
doctrine  qui  est  la  base  du  christia- 
nisme, est  beaucoup  plus  ancienne 
que  celle  de  tous  les  écrivains  grecs, 
et  que  Moïse  l'a  enseignée  plusieurs 
siècles  avant  la  leur.  Ils  font  voir 
que  les  auteurs  grecs  les  plus 
anciens  et  les  plus  estimés  sont 
d'accord  avec  Moïse  touchant  l'u- 
nité de  Dieu,  la  création  du  monde, 
la  formation  de  l'homme,  etc.  Ces 
Pères  pouvoient-ils  répondre  plus 
directement  et  plus  solidement  à 
la  prétendue  prescription  sur  la^ 
quelle  sp  fondoient  les  païens? 


j8o  APO 

4.°  Un  autre  préjugé,  répandu 
même  parmi  les  philosophes,  étoil 
de  croire  qu'il  y  ai  Açsmois efficaces, 
mais  qui  n'opèrent  rien  s'ils  ne  sont 
prononcés  dans  la  langue  originale. 
Origène  se  sert  de  cette  opinion 
pour  réfuter  certaines  objections 
de  Celse  contre  les  exorcismes  et 
contre  les  miracles  que  les  chré- 
tiens opéroient  par  des  paroles  ; 
nous  ne  voyons  pas  où  est  le  crime. 
De  tout  temps  il  a  été  permis  de 
faire  à  un  adversaire  un  argument 
personnel  ,  que  l'on  nomme  argu- 
ment ad  hominem  ,  tiré  des  prin- 
cipes et  des  opinions  de  celui  contre 
lequel  on  dispute. Une  s'ensuit  pas 
que  par  cette  méthode  on  a  plus 
envie  de  confondre  un  homme 
que  de  lui  montrer  la  vérité  :  la 
manière  la  plus  efficace  de  le  con- 
vaincre est  de  le  prendre  par  ses 
propres  principes. 

5.»  C'est  Tertullien  qui,  dans  ses 
Prescriptions  contre  tes  hérétiques  , 
s'en  rapporte  aux  décisions  des 
évêques  qui  gouvernoient  les  Egli- 
ses apostoliques  ;  mais  il  ne  dis- 
putoit  pas  alors  contre  les  païens. 
Il  étoit  question  de  savoir  quels 
étoient  les  livres  canoniques  ou 
divins  ;  si  les  nôtres  étoient  falsifiés, 
ou  si  c'étoientceux  des  hérétiques; 
quel  étoit  le  sens  qu'il  falloit  leur 
donner.  Or,  nous  soutenons,  avec 
Tertullien  ,  que  ces  questions  ne 
pouvoient  être  solidement  réso- 
lues que  par  le  témoignage  des 
évêques  qui  gouvernoient  les  Egli- 
ses apostoliques  ,  et  que  ce  té- 
moignage étoi  t  irrécusable.  Au  mot 
Prescription,  nous  ferons  voir  que 
cet  argument ,  invincible  au  troi- 
sième siècle  ,  n'est  pas  moins  solide 
aujourd'hui ,  et  qu'il  n'est  pas  vrai, 
comme  le  prétend  Mosheim  ,  que 
cette  façon  de  disputer  puisse 
nuire  à  la  cause  de  la  vérité. 

6.°  Si  l'on  veut  se  donner  la 
peine  de  lire  l'analyse  des  apologies 
de  saint  Justin  ,  de  Tatien  ,  d'A- 
thénagore,  etc. ,  que  les  savants  édi- 


APO 

teurs  de  saint  Justin  en  ont  faite  , 
on  verra  qu'il  est  faux  que  ces 
auteurs  manquent  d'ordre,  de  mé- 
thode ,  de pénétiation ,  d'érudition 
et  de  force.  Il  en  est  de  même  de 
V Exhortation  aux  Gentils  de  saint 
Clément  d'Alexandrie  ,  dont  on 
trouvera  l'analyse  dans  l'édition  de 
Potter,  pag.  i,  dans  les  notes.  Au 
mot  Celse  ,  nous  donnerons  celle 
de  l'ouvrage  d'Origène  contre  ce 
philosophe. 

Rien  n'est  donc  plus  injuste  ni 
plus  téméraire  que  la  censure  de 
Mosheim  ,  adoptée  aveuglément 
par  les  protestants,  pour  se  mettre 
à  couvert  d'une  objection  qui  les 
écrase.  Nous  persuaderont  -  ils 
qu'au  second  siècle  ,  immédiate- 
ment après  la  mort  des  apôtres,  on 
avoit  déjà  oublié  la  vraie  nature  et 
le  génie  du  christianisme? 

APOLYTIQUE.  C'est,  dans  l'E- 
glise grecque,  une  sorte  de  refrain 
qui  termine  les  parties  considéra- 
bles de  l'office  divin.  Ce  refrain 
change  selon  les  temps.  Le  terme 
apolf  tique  est  composé  de  «tco  et  de 
Xvco ,  je  délie ,  je  finis ,  etc . 

APOSTASIE,  APOSTAT.  En 
laissant  aux  canonîstes  les  divers 
sens  de  ce  terme  qui  peuvent  les 
concerner  ,  nous  entendons  par 
apostasie  ,  le  crime  de  celui  qui 
abandonne  la  vraie  religion  pour  en 
embrasser  une  fausse. 

Du  temps  des  apôtres  mêmes  , 
il  y  eut  des  apostats  du  christia- 
nisme ;  saint  Jean  nous  en  parle ,  et 
les  nomme  des  antechrists.J.JoflAï., 
c.  2,  y .  8.  Le  nombre  en  augmen- 
ta lorsque  les  persécutions  devin- 
rent cruelles  ;  Pline  en  avoit  in- 
terrogé plusieurs  ,  et  il  déclare , 
dans  sa  lettre  à  Trajan  ,  qu'il  n'a 
rien  découvert  par  leur  aveu,  si- 
non que  le  christianisme  est  un 
excès  de  superstition.  En  effet  , 
aucun  des  transfuges  n'a  jamais 
ré  vêlé  aux  juifs  ni  aux  païens  un  seul 


A  PO 

fait  «Icsavanlagcux  à  la  religion 
qu'il  avoit  quittée;  ils  en  firent 
plutôt  l'apologie.  Lorsqiieles  per- 
sécutions cessèrent,  plusieurs  re- 
vinrent à  pénitence  ,  et  obtinrent 
le  pardon.  C'est  une  preuve  invin- 
cible de  la  vérité  et  de  la  sainteté 
du  cbristianisme ,  à  laquelle  ses 
accusateurs  n'ont  jamais  fait  at- 
tention. 

Hobbes,  qui  prétendoit  mettre 
l'autorité  des  souverains  au-dessus 
de  celle  de  Dieu  ,  soutient  qu'un 
chrétien  est  obligé  en  conscience 
d'obéir  aux  lois  d'un  roi  infidèle  , 
même  en  matière  de  religion,  par 
conséquent  de  renier  Jésus-Christ 
par  ses  paroles,  lorsque  le  souve- 
rain l'ordonne,  pourvu  qu'il  con- 
serve dans  son  cœur  la  foi  en  Jésus- 
Christ.  Alors,  dit-il,  ce  n'est  pas 
le  sujet  qui  renie  Jésus-Christ 
devant  leshommes  ,  c'est  le  roi  et  le 
gouvernement.  Conséquemment  il 
n'approuve  pas  la  constance  des 
martyrs.  Pour  prouver  cette  détes- 
table doctrine  ,  il  demande  ce  que 
devroit  faire  un  mahométan  auquel 
on  commanderoit,  sous  peine  de 
la  vie  ,  d'abjurer  le  mahomélisme 
et  de  professer  le  christianisme 
contre  sa  conscience.  Si  l'on  sou- 
tient, dit-il ,  qu'il  doit  plutôt  souf- 
frir la  mort,  on  autorise  tout  sujet 
à  résister  à  son  souverain  pour 
cause  de  religion,  soit  vraie,  soit 
(ausse- Leviath.  c.42,  p.  334- 

Nous  répondons  que  ce  mahomé- 
tan doit  commencer  par  se  laisser 
instruire  ,  afin  de  déposer  sa  fausse 
conscience  ;  que  s'il  lui  étoit  im- 
possible de  dissiper  son  aveugle- 
ment, supposition  que  nous  n'ad- 
mettons point,  il  seroit obligé  de 
souffrir  la  mort.  Dieu  avoit  ordonné 
auxisraéli  tes  d'exterminer  les  idolâ- 
tres ,  mais  iln'avoit  pas  commandé 
de  les  traîner  aux  pieds  de  ses  autels, 
pour  leur  faire  pratiquer  le  judaïs- 
niesouspeinedela  vie.  Jésus-Christ 
n'a  jamais  ordonné  d'employer  la 
violenceet  les  supplices  ,j)our  for- 


APO  ,81 

cer  les  pai'ens  à  professer  sa  doc- 
trine contre  leur  conscience.  Au 
reste  ,  c'cstun  sophisme  de  compa- 
rer la  conscience  éclairée  et  droite 
d'un  chrétien ,  avec  la  conscience 
erronée  et  fausse  d'un  païen  ou 
d'un  mahométan.  C'est  une  ab- 
surdité de  vouloir  que  l'autorité 
du  souverain  l'emporte  sur  la  loi 
divine  formellement  portée  par 
Jésus-Christ.  «  Si  quelqu'un  me 
»  renie  devant  les  hommes ,  je  le 
»  renierai  devant  mon  Père.  » 
Mati.  ,  c.  10,  'f.  33.  La  loi  du 
souverain  ne  peut  avoir  de  force 
qu'autant  que  Dieu  nous  ordonne 
de  lui  être  soumis:  or  ,  Dieu  n'a 
donné  à  aucun  souverain  l'auto- 
rité de  faire  des  lois  contraires  à  la 
sienne.  Jésus-Christ  nous  dit  de 
rendre  à  César  ce  qui  est  à  César, 
et  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu ,  c.  22, 
y .  21  :  or,  c'est  à  Dieu  ,  et  non  à 
César,  dé  nous  prescrire  la  reli- 
gion. Si  le  souverain  ordonnoit  de 
commettre  un  parjure  ,  un  vol , 
un  adultère,  un  homicide,  ou  tout 
autre  crime  contraire  à  la  loi  natu- 
relle, serions-nous  forcés  de  lui 
obéir? 

Quelques  anciens  apostats  ,  pour 
excuser  leur  crime,  nièrent  la  di- 
vinité de  Jésus-Christ;  ils  dirent 
qu'ils  avoient  renié  ,  non  un  Dieu  , 
mais  un  homme.  Fbjea  Ei-CÉaites. 

Parmi  les  catholiques,  on  nomme 
encore  apostat,  un  homme  qui, 
sans  dispense  légitime,  renonce  à 
l'habit  et  à  l'état  religieux  dans  le- 
quel il  avoit  fait  profession. 

APOSTOLINS,  religieux  dont 
l'ordre  conrimença  au  quatorzième 
siècle,  à  Milan  en  Italie.  Ils  prirent 
ce  nom ,  parce  qu'ils  faisoient  pro- 
fession d'imiter  la  vie  des  apôties 
et  celle  des  premiers  fidèles. 

APOSTOLIQUE,  signifie,  en 
général,  qui  vient  des  apôtres.  On 
croit  dans  rKglisc  chrétienne,  que 
la  doctrine,  pour  être  vraie,  doit 


*83  APO 

être  apostolique ,  qu'il  ne  faut  rien 
enseigner  que  ce  qui  nous  a  été 
transmis  par  les  apôtres,  ou  de 
vive  voix,  ou  par  écrit  :  puisque 
la  doctrine  chrétienne  est  une  doc- 
trine révélée,  nous  ne  pouvons  la 
recevoir  avec  certitude  que  par 
l'organe  de  ceux  que  Jésus-Christ 
a  envoyés  pour  l'enseigner.  Tertul- 
lien  a  établi  avec  beaucoup  de  force 
ce  principe,  dans  ses  Prescriplions 
contre  les  hérétiques. 

Par  la  même  raison  ,  la  mission 
des  pasteurs  ,  pour  être  légitime  , 
doit  venir  des  apôtres  par  une 
succession  non  interrompue  ;toute 
mission  qui  ne  vient  pas  d'eux  ,  ne 
peut  venir  de  Jésus-Christ  ,  ne 
peut  donner  aucune  autorité  ni 
aucun  pouvoir.  (N.e  VIII,  p.  xix.) 

Le  titre  d'apostolique  est  donc 
«n  des  caractères  distinctifs  de 
la  véritable  Eglise  ,  parce  qu'elle 
fait  profession  d'être  attachée  à  la 
doctrine  des  apôtres  ;  que  ses 
pasteurs  ,  par  une  succession 
constante  ,  tiennent  leur  mission 
de  CCS  premiers  envoyés  de  Jésus- 
Christ.  Aucune  des  sociétés  qui 
se  disent  chrétiennes  ,  ne  réunit 
ces  deux  caractères.  Ce  titre,  qu'on 
donne  aujourd'hui  par  excellence 
à  l'Eglise  romaine  ,  ne  lui  a  pas 
toujours  été  uniquement  affecté. 
Dans  les  premiers  siècles  du  chris- 
tianisme, il  étoit  commun  à  toutes 
les  Eglises  qui  avoient  été  fondées 
par  les  apôtres,  etparticulièrement 
aux  sièges  de  Rome  ,  de  Jérusalem, 
d'Antioche  et  d'Alexandrie  ,  com- 
me il  paroît  par  divers  écrits  des 
Pères  et  autres  naonuments  de  l'his- 
toire ecclésiastique.  Les  Eglises 
mêmes  qui  ne  pouvoient  pas  se 
dire  apostoliques  ,  eu  égard  à  leur 
fondation  faite  par  d'autres  que 
par  des  apôtres,  ne  laissoient  pas  de 
prendre  ce  nom ,  soit  à  cause  de  la 
conformité  de  leur  doctrine  avec 
celle  des  Eglises  apostoliques  par 
leur  fondation,  soit  encore  parce 
que  tous  les  évêques  se  regardoient 


APO 

comme  successeurs  des  apôtres,  el 
qu'ils  agissoient  dans  leurs  diocè- 
ses avec  l'autorité  des  apôtres. 
Voyez  EvÊQUES. 

Il  paroît  encore  par  les  formu- 
les de  Marculphe  ,  dressées  vers 
l'an  660,  qu'on  donnoit  aux  évê- 
ques le  nom  d apostoliques.  La 
première  trace  qu'on  trouve  de 
cet  usage,  est  une  lettre  de  Clovis 
aux  prélats  assemblés  en  concile  à 
Orléans  ;  elle  commence  par  ces 
mots  :  Le  roi  Clovis  aux  saints  évê- 
ques et  très-dignes  du  siège  apo- 
stolique. Le  roi  Contran  nomme  les 
évêques  assemblés  au  concile  de 
Boulogne,  les  pontifes  apostoli- 
ques. 

Dans  les  siècles  suivants  ,  les 
trois  patriarcats  d'Orient  étant 
tombés  entre  les  mains  des  Sarra- 
sins ,  le  titre  d apostolique  fut  ré- 
servé au  seul  siège  de  Rome, com- 
me celui  de  pape  au  souverain 
pontife,  qui  en  est  évêque.  Saint 
Grégoire  le  Grand  ,  qui  vivoit 
dans  le  sixième  siècle,  dit,  livre  V, 
épît.  87  ,  que  quoiqu'il  y  ait  eu 
plusieurs  apôtres  ,  néanmoins  le 
siège  du  prince  des  apôtres  a  seul 
la  suprême  autorité,  et  par  con- 
séquent le  nom  d apostolique,  par 
un  titre  particulier.  L'abbé  Ruper 
remarque  ,  lib.  I,  de  divin.  Offic.  , 
cap.  27  ,  que  les  successeurs  des 
autres  apôtres  ont  été  appelés  pa- 
triarches ;  mais  que  le  successeur 
de  saint  Pierre  a  été  nommé  par 
excellence  apostolique ,  à  cause  de 
la  dignité  du  prince  des  apôtres. 
Enfin  le  concile  de  Reims,  tenu 
en  1049,  déclara  que  le  souverain 
pontife  de  Rome  étoit  le  seul  pri- 
mat apostolique  de  l'Eglise  univer- 
selle. De  là  ces  expressions  aujour- 
d'hui si  usitées  ,  siège  apostolique , 
nonce  apostolique ,  notaire  aposto- 
lique ,  bref  apostolique  ,  chambre 
apostolique,  vicaire  apostolique,  etc. 

Apostoliques  (  Pères.  )    Voyez 

PÈRES  DE  l'ECLFSE. 

ArosTOLTQVES  ,    nom    que  deux 


AIH) 

sectes  ilifFcrcnlos  oui  pris  ,  sous 
prolcxtc  qu'elles  iniiloieut  les 
mœurs  et  la  pralitpic  des  apùlres. 

Les  premiers  apostoliques ,  au- 
trement nommés  apolaclUcs  ,  s'é- 
levcreut  d'entre  les  eucralites  ou 
les  cathares  dans  le  troisième  siè- 
cle; ils  professoient  l'abstinence  du 
mariage,  du  vin,  de  la  chair,  etc. 
Voyez  Apotactites. 

L'autre  secte  des  apostoliques  fit 
grand  bruit  dans  le  treizième  siè- 
cle; son  fondateur  fut  Gérard  Sa- 
garelli,  ou  Scgarel ,  né  à  Parme. 
11  exigeoit  que  ses  disciples,  à  l'i- 
mitation des  apôtres,  allassent  de 
ville  en  ville,  vêtus  de  blanc,  avec 
une  longue  barbe ,  les  cheveux 
épars  et  la  tète  nue,  accompagnés 
de  certaines  femmes  qu'ils  nom- 
moient  leurs  sœurs.  Il  les  obli- 
geoità  renoncer  à  toute  propriété, 
et  à  prêcher  la  pénitence  ;  mais 
dans  leurs  assemblées  particuliè- 
res ,  ils  annonçoient  la  destruc- 
lionprochainede l'Eglise  deRome, 
l'établissement  d'un  culte  plus 
pur  et  d'une  Eglise  plus  glorieuse. 
Cette  Eglise  ,  selon  lui  ,  étoit  sa 
secte,  qu'il  nommoit/a  congréga- 
tion spirituelle.  Il  publia  que  toute 
l'autorité  que  Jésus-Christ  avoit 
donnée  à  saint  Pierre  et  à  ses  suc- 
cesseurs avoit  pris  fin,  et  qu'il  en 
avoit  hérité;  qu'ainsi  le  souverain 
pontife  n'avoit  aucune  autorité 
sur  lui:  il  ajoutoit  que  les  femmes 
pouvoient  quitter  leurs  maris  ,  et 
les  maris  leurs  femmes,  pour  en- 
trer dans  sa  congrégation  ;  que 
c'étoit  le  seul  moyen  d'être  sauvé; 
que  Dieu  étant  partout,  il  n'y 
avoit  pas  besoin  d'Eglise  ni  de 
service  divin  ;  qu'il  ne  falloitpoint 
faire  de  vœux ,  et  que  l'attache- 
ment à  sa  doctrine  sanclifioit  les 
actions  les  plus  criminelles.  On 
sent  quels  désordres  pouvoient  ré- 
sulter de  cette  doctrine  fanatique. 
Scgarel  fut  briilé  vif  à  Parme,  l'an 
i3oo.  C'est  à  cause  de  lui  que 
quelques  auteurs  ont  désigné  les 


Al>0  ,83 

a/josloliques  sous  le  nom  de  séga- 
reliens. 

Après  sa  mort,  un  autre  fana- 
tique de  Novare,  nommé  Dulcin 
ou  Doucin  ,  prit  .sa  place  :  il  se 
vanta  d'être  envoyé  du  ciel  pour 
annoncer  aux  hommes  le  règne 
de  la  charité  ;  l'on  prétend  qu'il 
se  livroit  à  l'impudicité,  et  qu'il 
la  permettoit  à  ses  sectateurs  :  la 
morale  prechée  parSegarel  devoit 
nécessairement  produire  cet  effet. 
Alors  les  apostoliques  furent  ap- 
pelés dulcinistes ,  du  nom  de  leur 
nouveau  chef,  qu'ils  regardoieut 
comme  le  fondateur  du  troisième 
règne.  Séduits  par  les  prétendues 
prophéties  de  l'abbé  Joachim  , 
qui  avoient  cours  pour  lors  ,  ils 
disoient  que  le  règne  du  Père  avoit 
duré  depuis  le  commencement  du 
monde  jusqu'à  Jésus-Christ;  que 
celui  du  Fils  avoit  fini  l'an  i3oo; 
que  le  règne  du  Saint-Esprit  com- 
mençoit  sous  la  direction  à^Dou- 
cin.  Celui-ci  publia  que  le  pape 
Boniface  VIll,  les  prêtres  et  les 
moines  ,  périroient  par  l'épée  de 
l'emper'^ur  Frédéric  III  ,  fils  de 
Pierre,  roi  d'Aragon,  et  qu'un 
nouseau  pontife  plus  pieux  seroit 
placé  sur  le  siège  de  Rome.  Il  leva 
mêmeune  armée,  afin  de  commen- 
cer à  vérifier  lui-même  ses  pré- 
dictions. Reynier,  évêque  de  Ver- 
ceil ,  s'opposa  vivement  à  ce  sec- 
taire ,  et  pendant  une  guerre  de 
plus  de  deux  ans  ,  il  y  eut  beau- 
coup de  sang  répandu  de  part  et 
d'autre.  Enfin,  Doucin,  vaincu 
et  pris  dans  une  bataille  ,  fut  mis 
à  mort  à  Verceil ,  l'an  1807,  avec 
une  femme  nommée  Marguerite  , 
qu'il  avoit  prise  pour  sa  sœur  spi- 
rituelle. 

Dès  ce  moment  sa  secte  se  dis- 
sipa en  Italie.  L'on  présume  que 
les  restes  se  réunirent  aux  vaudois 
dans  les  vallées  du  Piémont  ;  mais 
il  s'en  trouva  encore  en  France  et 
en  Allemagne.  Mosheim  assure  que 
l'an  1402,  l'un  de  ces  fanatiques 


i84  APO 

fui  brûlé  vif  à  Lubeck.  Hist.  eccl. 
du  treizième  siècle  ,  2.^  part.  ,  c.  5  , 
§  14,  note.  Lorsque  les  protestants 
déclament  contre  les  supplices  que 
l'on  a  fait  subir  à  ces  sectaires  ,  ils 
devroient  faire  attention  qu'on  ne 
les  a  pas  punis  pour  leurs  erreurs , 
mais  parce  qu'ils  troubloient  la 
tranquillité  publique  et  l'ordre  de 
la  société.  Une  erreur  innocente  , 
qui  ne  peut  porter  préjudice  à  per- 
sonne ,  est  graciable  sans  doute  ; 
mais  une  doctrine  séditieuse  ,  qui 
échauffe  les  esprits  ,  corrompt  les 
mœurs,  alarme  les  gouvernements, 
et  qui  est  suivie  d'émotion  parmi 
le  peuple  ,  est  un  crime  d'état  ;  on 
a  droit  d'en  punir  les  auteurs  et 
les  sectateurs  opiniâtres. 

Il  n'est  pas  étonnant  que  les  his- 
toriens n'aient  pas  rapporté  d'une 
manière  uniforme  les  erreurs  et  la 
conduite  des  apostoliques.  Dans 
une  secte  de  fanatiques  ignorants , 
la  croyance  ne  peut  être  la  même  ; 
chacun  a  droit  de  rêver  et  de  pu- 
blier ses  visions  :  quelques  -  uns 
peuvent  avoir  des  mœurs  pures  , 
pendant  que  les  autres  se  livrent 
aux  plus  grands  désordres.  II  en 
a  été  de  même  dans  tous  les  temps 
et  parmi  toutes  sortes  de  sectaires. 

Mosheim  nous  apprend  encore 
que  parmi  les  mennonites  ou  ana- 
baptistes de  Hollande,  il  y  a  aussi 
tine  branche  que  l'on  nomme  apo- 
sloliqucs,  du  nom  de  Samuel  Apo- 
siool,  l'un  de  leurs  pasteurs.  Ce  sont 
des  mennonites  rigides,  qui  n'ad- 
mettent dans  leur  communion  que 
ceux  qui  font  profession  de  croire 
tous  les  points  de  doctrine  conte- 
nus dans  leur  confession  de  foi 
publique  ;  au  lieu  qu'une  autre 
branche  ,  appelée  des  galénisies  , 
reçoit  tous  ceux  qui  reconnoissent 
l'origine  divine  de  l'ancien  et 
du  nouveau  Testament,  quels  que 
soient  d'ailleurs  leurs  sentiments 
particuliers. H/.sA  ecdésias.  du  dix- 
septième  siècle  ,  sec  t.  2.*,?.*'  part  , 


APO 

APOTACTITES  ou  APOTAC- 
TIQUES ,  en  grec  ,  àTroTocxtclac , 
composé  d'aTto  et  -râ^ta ,  je  renonce. 
C'est  le  nom  d'une  secte  d'anciens 
hérétiques  qui  renonçoient  à  tous 
leurs  biens,  et  vouloient  imposer 
à  tous  les  chrétiens  l'obligation  de 
faire  de  même ,  pour  suivre  les  con- 
seils évangéliques,  et  pour  imiter 
l'exemple  des  apôtres  et  des  pre- 
miers fidèles. 

Ilneparoîtpas  qu'ils  aient  donné 
d'abord  dans  aucune  autre  erreur. 
Selon  quelques  auteurs  ecclésiasti- 
ques ,  ils  eurent  des  vierges  et  des 
martyrs  sous  la  persécution  de 
Dioclétien  au  quatrième  siècle.  En- 
suite ils  tombèrent  dans  l'hérésie 
des  encratites  ;  de  là  vient  que  la 
sixièmeloiducodethéodosien  joint 
les  apotacliques  aux  eunomiens  et 
aux  ariens.  Selon  saint  Epiphane, 
ils  se  servoient,  comme  les  encra- 
tites, de  certains  actes  apocryphes 
de  saint  Thomas  et  de  saint  André, 
dans  lesquels  il  est  probable  qu'ils 
avoient  puisé  leurs  opinions. 

APOTHÉOSE ,  action  de  placer 
un  homme  au  rang  des  dieux.  Sur 
cet  article  ,  qui  appartient  à  l'his- 
toire, nous  ne  ferons  qu'une  ré- 
llexion. 

Si  les  païens  n'avoient  placé  au 
rang  des  dieux  ou  des  objets  de  leur 
culte  que  des  hommes  recomman- 
dables  par  leurs  vertus  et  par  leurs 
bienfaits,  cette  cérémonie,  qui  at- 
testoitla  croyance  del'immortaliié 
de  l'àme,  auroit  été  du  moins  une 
leçon  pour  les  mœurs.  Mais  accor- 
der les  honneurs  divins  à  des  per- 
sonnages aussi  vicieux  et  aussi  mé- 
chants que  l'ont  été  la  plupart  des 
empereurs,  c'étoitun  outrage  san- 
glant fait  à  la  majesté  divine,  et  la 
plus  mauvaise  instruction  que  l'on 
pût  donner  aux  peuples  ;  il  en  rc- 
sultoit  que  ce  n'est  pas  la  vertu  qui 
conduit  l'homme  au  bonheur  éter- 
nel. Cet  abus'  démontre  jusqu'à 
quel    point    l'idée    de    la    Divi-^ 


APO 

nilééloil  dégradée  cho/.  ics  païens. 
C'est  Hiic  injustice  absurde  d'a- 
voir voulu  comparer  Vapothéose 
des  empereurs  à  la  canonisation 
des  saints,  comme  ont  fait  quelques 
incrédules  ;  jamais  l'Eglise  n'a  pré- 
tendu accorder  à  des  hommes  les 
mêmes  honneurs  qu'à  Diea  ,  et  n'a 
placé  au  nombre  des  saints  des  per- 
sonnages odieux  par  leurs  vices. 

APOTRE ,  envoyé ,  du  grec  à-Tro 
èl  ffTtlXûj ,  f  envoie.  On  désigne 
sous  ce  nom  les  douze  disciples  que 
Jésus-Christ  a  choisis  et  envoyés 
lui-même  pour  prêcher  son  Evan- 
gile et  le  répandre  chez  toutes  les 
nations. 

Quelques  faux  prédicateurs  vou- 
lurent contester  à  saint  Paul  la 
qualité  à'' apôtre ,  sous  prétexte  qu'il 
n'avoit  été  ni  instruit ,  ni  envoyé 
par  Jésus-Christ.  Saint  Paul  releva 
ce  reproche  avec  force  au  commen- 
cement de  son  épître  aux  Gala  tes. 
En  effet  son  élection  et  sa  mission 
sont  clairement  marquées  dans  ces 
paroles  que  Dieu  dit  à  Ananie,  en 
parlant  de  Saul  converti,  yic/.,c.  9, 
y/'.  16:  «  Cet  homme  est  un  in- 
»  strumentquej'ai  choisi  pour  por- 
»  ter  mon  nom  devant  les  rois  et 
I)  les  nations.  »  Dieu  vouloit  mon- 
trer par-là  qu'il  est  le  maître  de 
donner  une  mission  extraordinaire 
à  qui  il  lui  plaît  ;  que  ,  lorsque  les 
apôtres  choisis  par  Jésus-Christ  ne 
seroient  plus,  la  mission  ne  seroit 
pas  pour  cela  détruite  et  anéantie. 

Mais  à  cette  mission  divine  saint 
Paul  aj  outa  la  mission  ordinaire  qui 
vient  des  pasteurs  de  l'Eglise,  par 
la  prière  et  par  l'imposition  des 
mains  des  prophètes  et  des  docteurs 
de  l'Eglise  d'Antioche.  Ad. ,  c.  i3  , 
5^.  2  et  3.  Exemple  qui  n'a  pas  été 
imité  par  ceux  qui  ,  dans  la  suite 
des  siècles ,  se  sont  prétendus  sus- 
cités de  Dieu  pour  réformer  l'E- 
glise. 

Le  ministère  des  apôtres  consis- 
1X)it,  i.°à  enseigner  toutes  les  na- 


APO  ,85 

tions  :  Prêchez  rEoangile  à  toute 
créature  ;  ce  que  je  vous  dis  à  to- 
reillc ,  publia- le  sur  les  toits,  etc. 
Or  ,  la  fonction  d'enseigner  avec 
autorité  emportoit  celle  de  juger  et 
de  décider  quelle  étoit  la  doctrine 
conforme  ou  contraire  à  celle,  de 
Jésus-Christ,  d'approuver  la  pre- 
mière et  de  condamner  la  seconde: 
les  apôtres  en  ont  usé  ainsi ,  nous 
le  voyons  par  leurs  lettres.  2.°  A 
gouverner  le  troupeau  de  Jésus- 
Christ  en  qualité  de  pasteurs.  Ce 
divin  Sauveur  n'avoit  pas  chargé 
saint  Pierre  seul  de  cette  fonction  , 
lorsqu'il  lui  avoit  àil  :  Paissez  mes 
agneaux ,  paissez  mes  brebis ,  puis- 
que cet  apôtre  lui-même  dit  aux 
anciens  de  l'Eglise  ou  aux  prêtres  : 
«  Paissez  le  troupeau  de  Dieu  qui 
»  est  autour  de  vous,  non  en  domi- 
»  nant  sur  le  clergé  ,  mais  en  lui 
»  servant  de  modèle  de  tout  votre 
»  cœur  ;  et  lorsque  le  prince  des 
»  pasteurs  paroîtra ,  vous  recevrez 
»  une  couronne  de  gloire  incor- 
»  ruptible.  »  J.  Petr. ,  c.  5  ,  y.  2. 
Or  ,  le  soin  du  pasteur  ne  se  borne 
point  à  guider  les  ouailles  ;  il  con- 
siste aussi  à  les  nourrir ,  à  les  guérir 
lorsqu'elles  sont  malades  ,  à  les  ra- 
mener lorsqu'elles  s'égarent  :  con- 
séquemment  Jésus -Christ  charge 
les  apôtres  de  baptiser  ;  il  leur 
donne  le  pouvoir  de  remettre  et  de 
retenir  les  péchés  ,  de  consacrer 
son  corps  et  son  sang,  de  donner 
le  Saint-Esprit ,  etc.  «  Que  l'homme 
»  nous  regarde  ,  dit  saint  Paul  , 
»  comme  les  ministres  de  Jésus- 
»  Christ ,  et  les  dispensateurs  des 
»  mystères  de  Dieu.  »  I.  Cor.  , 
C.4,  y.  I-  Il  «îit  aux  anciens  de 
l'Eglise  d'Ephèse  ,  que  le  Saint- 
Esprit  les  a  établis  évêques  ou 
surveillants  ,  pour  gouverner  l'E- 
glise de  Dieu.  Act.  ,  c.  20  ,  y .  28. 
3."  A  exercer  l'autorité  de  juges 
et  de  législateurs  :  «  Au  temps  de 
»  la  régénération  ,  leur  dit  Jésus- 
»  Christ  ,  ou  du  renouvellement 
»  do  foutes  choses  ,  lorsque  le  Fils 


i86  APO 

j»  de  l'homme  sera  placé  sur  le 
M  trône  de  sa  majesté,  vous  serez 
»  assis  vous-mêmes  sur  douze  sièges 
»  pour  juger  les  douze  tribus  d'Is- 
»  raël.  »  Matih. ,  c.  19 ,  ^'.  28.  11 
leur  déclare  que  tout  ce  qu'ils  ati- 
ront  lié  ou  délié  sur  la  terre,  sera 
lié  ou  délié  dans  le  ciel,  cap.  18  , 
y' .  18.  Aussi ,  dans  le  concile  de  Jé- 
rusalem, ils  font  une  loi  aux  fidèles 
de  s'abstenir  du  sang  ,  des  chairs 
suffoquées,  etc.  yfc/. ,  c.  i5,^.28. 
Saint  Paul  juge  un  incestueux  digne 
d'être  livré  à  Satan.  I.  Cor. ,  c.  5  , 
5^.  3,  etc. 

Sur  quels  fondements  quelques 
protestants  ,  précepteurs  de  nos 
incrédules ,  leur  ont-ils  appris  que 
les  apôtres  n'avoient  reçu  de  Dieu 
point  d'autre  autorité  que  celle 
d'enseigner  ;  que  les  autres  privi- 
lèges dont  le  clergé  s'est  emparé  , 
sont  autant  d'usurpations  et  d'en- 
treprises injustes  sur  la  liberté  des 
fidèles  ?  Aux  mots  Evèque  ,  Pas- 
teur ,  Succession  ,  nous  prouve- 
rons, par  l'Ecriture  sainte  et  par 
des  raisons  solides ,  que  les  pou- 
voirs des  apôtres  sont  transmis 
par  l'ordination  aux  pasteurs  de 
l'Eglise,  et  nous  répondrons  aux 
calomnies  des  ennemis  du  clergé. 

Quant  à  l'enseignement ,  il  est 
essentiel  de  remarquer  que  les 
apôtres  ont  été  de  simples  témoins 
de  ce  que  Jésus-Christ  avoit  fait 
et  enseigné  ;  il  leur  dit  :  «  Vous  me 
servirez  de  témoins.  »  Act.  ,  c.  1  , 
"^ .  8.  Eux-mêmes  se  donnent 
pour  tels  :  «  Nous  ne  pouvons  , 
»  disent -ils  ,  nous  dispenser  de 
i>  publier  ce  que  nous  avons  vu  et 
»  entendu.» ^c/.,  c.  4,^-  20. «  Nous 
»  vous  annonçons  et  nous  vous  at- 
»  testons  ce  que  nous  avons  vu  et 
»  entendu.  »  I.  Joan.,  c.  i  ,  ^.  i 
et  2.  «  J'ai  reçu  du  Seigneur  , 
»  dit  saint  Paul ,  ce  que  je  vous  ai 
enseigné.  »  I.  Cor. ,  c.  2  ,  y.  23.  11 
seroit  impossible  que  douze  apôtres 
et  une  multitude  de  disciples  dis- 
persés eussent  enseigné  une  même 


APO 

doctrine ,  eussent  établi  une  même 
foi ,  si  tous  n'avoient  pas  été  fidèles 
à  prêcher  ce  qu'ils  avoient  vu  et  ce 
qu'ils  avoient  appris  de  Jésus- 
Christ.L'uniformitéde  doctrine  at- 
teste évidemment  l'unité  d'origine. 

En  second  lieu  ,  quoiqu'ils  eus- 
sent le  don  des  miracles ,  il  leur  au- 
roit  été  impossible  de  faire  un  grand 
nombre  de  prosélytes  et  de  fonder 
des  Eglises  ,  si  les  faits  qu'ils  pu- 
blioient  n'avoient  pas  été  incontes- 
tables etpoussés  au  plus  haut  degré 
de  notoriété.  Un  thaumaturge  au- 
roit  beau  faire  des  miracles ,  pour 
nous  persuader  des  faits  dont  la 
fausseténousseroitclairement  con- 
nue ,  surtout  des  faits  dont  les  con- 
séquences doivent  influer  sur  toute 
notrevie  ;àmoins  que  la  notoriété 
publique  ne  vienne  à  l'appui  de  son 
témoignage  ,  un  miracle  ne  nous 
convertira  pas. 

Or,  les  faits  que  les  apôtres  ont 
publiés  sur  le  lieu  même  où  ils  sont 
arrivés  ,  où  se  trouvoient  les  té- 
moins oculaires,  sont  les  miracles 
de  Jésus-Christ  et  surtout  sa  ré- 
surrection. L'on  ne  pouvoit  être 
chrétien  sans  croire  ces  faits  essen- 
tiels ;  ce  sont  les  faits  qui  ont  per- 
suadéladoctrine,etnonla  doctrine 
qui  a  fait  croire  les  faits.  Comment 
les  a/70/rcsauroient-ils  pu  convertir 
un  seul  Juif  à  Jérusalem  ,  si  les 
miracles  et  la  résurrection  de  Jé- 
sus-Christ avoient  été  contredits 
par  la  notoriété  publique.'' 

On  ne  conteste  point  aux  apôtres 
la  qualité  d'envoyés  de  Jésus- 
Christ  ;  mais  il  s'agit  de  prouver 
aux  incrédules  que  cette  mission 
étoit  divine  ,  que  les  apôtres  ont 
fait  des  miracles  pour  le  démon- 
trer,  qu'ils  ont  eu  d'ailleurs  tous 
les  signes  qui  peuvent  caractériser 
des  envoyés  de  Dieu. 

i."  L'histoire  appelée  les  Actes 
des  apôtres ,  dans  laquelle  leurs  mi- 
racles sont  rapportés ,  a  été  mise 
entre  les  mains  des  fidèles  ,  dans 
un  temps  où  l'on  pouvoit  appren- 


A  PO 
dre  «les  tcmoiiis  oculaires  si  ces 
miracles  éloiciit  réels  ou  imagi- 
naires. Le  boiteux  guéri  sous  les 
y  eux  du  peuple  à  la  porte  du  temple, 
la  résurrection  de  Tabithc  ,  les 
dons  du  Saint-Esprit  communi- 
«lués  par  l'imposition  des  mains 
des  apôtres,  relficacité  de  l'ombre 
de  saint  Pierre ,  etc. ,  ne  sont  point 
des  prestiges  sur  lesquels  l'illusion 
ait  pu  avoir  lieu  ;  la  plupart  ont 
été  opérés  en  présence  de  té- 
moins intéressés  à  les  contester. 
S'ils  ne  sont  pas  réels  ,  si  ce  sont 
des  imposteurs ,  il  est  impossible 
que  des  juifs  et  des  païens  y  aient 
ajouté  foi  et  se  soient  convertis  ; 
que  les  apôtres  aient  fondé  des 
Eglises  à  Jérusalem  ,  à  Antioche  , 
à  Rome  ,  et  dans  les  principales 
villes  de  la  Grèce ,  composées  en 
partie  de  juifs  qui  avoient  pu  se 
trouver  à  Jérusalem  aux  fêtes  de 
Pâques  ou  de  la  Pentecôte,  l'année 
même  de  la  mort  du  Sauveur. 

2.°  Saint  Paul  ,  écrivant  à  ces 
différentes  églises ,  attribue  ses  suc- 
cès aux  miracles  qu'il  a  faits.  iîo/7i. , 
c.  i^  ^yi .  i8  et  19  ;  I.  Cor. ,  c.  2  , 
"^ .  4-  Il  les  donne  pour  preuve  de 
son  apostolat.  JJ.  Corinih. ,  c.  12, 
y.  12  ;  Eph.  ,  C.2.,  "^ .  19,  etc.  Si 
ceux  auxquels  il  parle  n'avoientété 
témoins  de  ces  miracles,  auroient- 
ils  souffert  patiemment  les  repro- 
ches et  les  réprimandes  qu'il  leur 
fait? 

3.»  Dans  le  Talmud  de  Jérusa- 
lem ,  qui  est  le  plus  ancien  ,  les 
juifs  conviennent  qu'il  se  faisoll 
des  miracles  au  nom  de  Jésus- 
Christ.  Voyez  Galatin  ,  1.  8,  c.  5. 
Il  falioit  que  ce  fait  fût  bien  avéré 
pour  arracher  un  pareil  aveu  de 
la  part  des  juifs. 

4.°  Celse  et  Julien  traitent  de 
magiciens  les  disciples  de  Jésus- 
Christ.  Cette  accusation  prouve 
du  moins  que  ces  disciples  fai- 
saient profession  d'opérer  des  mi- 
racles ,  et  que  c'étoit  une  opi- 
nion   constante.   Mais  jamais    les 


Al>0  ,87 

magiciens  n'ont  fait  des  miracles 
pour  tirer  les  hommes  de  l'erreur 
et  du  vice,  pour  enseigner  la  vérité 
et  la  vertu.  C'est  la  réponse  de  nos 
apologistes. 

5."  A  la  naissance  de  l'Eglise, 
il  parut  de  faux  messies,  de  faux 
docteurs,  de  faux  apôtres  :  tous 
promettoient  des  miracles,  sédui- 
soient  le  peuple  par  des  prestiges. 
Jésus  -  Christ  l'avoit  prédit,  les 
apôtres  s'en  plaignent;  les  premiè- 
res hérésies  ont  été  l'ouvrage  de 
ces  imposteurs.  Si  les  apôtres  n'a- 
voient  pas  fait  des  miracles  réels 
et  incontestables  pour  les  confon- 
dre, ils  n'auroient  pas  eu  un  suc- 
cès plus  durable  ;  on  n'auroit  pas 
fait  plus  de  cas  d'eux  que  des  four- 
bes qu'ils  avoient  démasqués. 

6.°  Les  incrédules  ne  réfléchis- 
sent point  sur  la  difficulté  qu'il 
y  avoit  de  convertir  les  Juifs,  de 
dessiller  les  yeux  des  païens,  de 
réunir  en  société  religieuse  deux 
espèces  d'hommes  qui  se  détes- 
toient,  de  subjuguer  des  philoso- 
phes opiniâtres,  de  lasser  la  cruauté, 
des  persécuteurs.  Qu'ils  se  talent 
eux-mêmes,  et  qu'ils  voient  si  leurs 
prédécesseurs  ont  pu  être  vaincus 
sans  miracles. 

Vainement  ils  ont  épuisé  toute 
leur  sagacité  pour  trouver  dans  la 
conduite  des  apôtres  des  signes 
d'impostures  ;  la  sincérité  ,  ia  can- 
deur, le  désintéressement ,  la  cha- 
rité, la  patience,  le  courage  des 
envoyés  de  Jésus-Christ,  ont  éclaté 
dans  toutes  leurs  démarches;  ils 
ont  retracé  le  tableau  des  vertus 
de  leur  maître  :  sans  ce  caractère 
décisif  de  mission  divine ,  ils  n'au- 
roient pas  inspiré  aux  fidèles  une 
si  grande  vénération  pour  eux. 
On  avoit  vu  beaucoup  de  philoso- 
phes s'ériger  en  réformateurs  des 
vices  et  des  erreurs  de  l'humanité  ; 
mais  aucun  n'avoit  montré  les  ver- 
tus ,  la  sagesse,  la  charité,  le  cou- 
rage, la  sainteté  des  apôtres. 

I!  n'est  pas  prouvé,  dit-on,  qu'ils 


i88  APO 

aient  souffert  le  martyre  pour  con- 
firmer leurs  prédications  :  l'on  ne 
connoît  leur  genre  de  mort  que 
par  des  actes  supposés  ,  par  des 
légendes   ridicules  et  apocryphes. 

Nous  soutenons  que  le  martyre 
de  la  plupart  des  apôtres  est  très- 
bien  prouvé.  Celui  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Paul  est  attesté  par  leurs 
discipleset par  leur  tombeau;  celui 
de  saint  Jacques  le  Majeur  et  de 
saint  Etienne  est  rapporté  dans  les 
Actes  des  apôtres  ;  celui  de  saint 
Jacques  leMineur  estrapportépar 
Josèphe  ,  Aniiq.  Jud.  ,  liv.  20  , 
chap.  8  ;  celui  de  saint  Siméon  , 
âgé  desix  vingts  ans,  et  deplusieurs 
autres  parents  de  Jésus-Christ,  est 
attestéparHégésippc,  auteur  pres- 
que contennporain.  Euscbe  ,  Hi'st. 
ecclés. ,  liv.  3,  c.  32.  Saint  Clément 
de  Rome  ,  témoin  oculaire ,  après 
avoir  parlé  du  martyre  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul ,  dit  qu'ils 
ont  été  suivis  par  une  grande  mul- 
titude d'élus,  qui  ont  bravé  comme 
eux  les  outrages  et  les  tourments. 
Epist.  J,  n.°  6.  Saint  Polycarpe 
dit  que  saint  Paul  et  les  autres 
apôtres  sont  tous  dans  le  Seigneur, 
avec  lequel  ils  ont  souffert  :  cum 
quo  et  passi  sunt.  Epist.  ad  Fhilipp. 
Saint  Clément  d'Alexandrie  dit  de 
même  que  les  apôtres  sont  morts, 
comme  Jésus-Christ,  pour  les  Egli- 
ses qu'ils  avoient  fondées.  Strom., 
1.  4,  c.  9.  Ce  divin  maître  le  leur 
avoit prédit. Xfic,  c.  21,^.  16.  Sa 
parole  a  été  accomplie.  Nous  n'a- 
vons donc  pas  besoin  depiècesapo- 
cryphes  pour  prouver  le  martyre 
des  apôtres. 

Mosheim,  qui  le  révoque  en 
doute ,  Hist.  christ. ,  sect.  i  ,  §  16, 
y  oppose  un  passage  d'Héracléon, 
hérétique  du  second  siècle ,  qui 
soutient  que  Matthieu,  Philippe  , 
Thomas,  Lévi,  et  plusieurs  autres, 
ne  sont  pas  morts  pour  avoir  con- 
fessé Jésus-Christ.  Clément  d'A- 
lexandrie, qui  réfute  ce  passage  , 
n'a  cependant  pas  osé   affirmer  le 


APO 

fait  contraire.  Strom.,  1.  4>  c.  9, 
p.  SgS.  Mais  Mosheim  en  impose. 
Héracléon  ,  qui  soutenoit  l'inuti- 
lité du  martyre,  étoit  intéressé  à 
contester  celui  des  apôtres;  ainsi, 
son  témoignage  est  suspect  ;  aussi 
Clément  d'Alexandrie  le  réfute  for- 
mellement, ibid.  p.  597.  «  Le  Sei- 
»  gneur,  dit-il,  a  bu  seul  le  calice 
»  pour  purifier  les  hommes  ,  même 
»  les  infidèles  qui  lui  tendoient  des 
»  pièges  ;  à  son  exemple ,  les  apô- 
»  ires  ,  vrais  et  parfaits  gnostiques, 
j>  ont  souffert  pour  les  Eglises  qu'ils 
»  ont  fondées.  »  Mosheim  ne  fait 
point  mention  du  témoignage  de 
saint  Polycarpe,  qui  est  décisif; 
les  paroles  des  Pères  postérieurs 
qu'il  allègue  ne  Sont  que  des  preu- 
ves négatives,  qui  ne  peuvent  pré- 
valoir à  des  assertions  positives. 
Vers  le  milieu  du  second  siècle  , 
temps  auquel  vivoit  Héracléon  , 
l'on  pouvoit  encore  ignorer  lemar- 
tyre  de  plusieurs  a/?ô/res,  qui  étoit 
arrivé  dans  des  pays  éloignés,  ri 
duquel  on  a  été  informé  dans  la 
suite. 

Lorsque  les  incrédules  ont  voulu 
raisonner  sur  la  conduite  des  apô- 
tres ,  sur  les  causes  du  succès  de 
leur  prédication ,  ils  se  sont  trouvés 
fort  embarrassés  ;  ils  ont  été  forcés 
de leurprêter  des  qualités  incompa-  , 
tibles,  et  qui  jamais  n'ont  pu  se 
rencontrer  ensemble  dans  lanature 
humaine  Us  leur  ont  attribué  une 
ignorance  excessive  et  des  ruses, 
impénétrables,  une  grossièreté  sans 
égale  et  un  projet  de  politique  pro- 
fonde, une  crédulité  stupideetune 
prudence  consommée,  un  intérêt 
sordide  et  un  courage  héroïque, 
un  fanatisme  révoltant  et  un  zèle 
ardent  pour  la  gloire  de  Jésus- 
Christ,  une  scélératesse  obstinée 
et  le  désir  de  sanctifier  le  monde, 
une  aveugle  ambition  et  la  soif  du 
martyre. 

Ces  accusations  contradictoires 
suffisent  sans  doute  pour  faire 
l'opologic  des  apôtres;  mais  si  ou 


A  PO 

\es  examine  en  (lélail ,  on  en  voit 
encore  mieux  l'absurdité. 

Quand  les  apôtres  auroienl  été 
assez  stupidcs  pour  se  laisser  trom- 
per par  les  miracles,  par  les  appa- 
rences de  vertu ,  par  les  promesses 
de  Jésus-Christ,  leur  erreur  a  dû 
cesser  après  la  mort  de  leur  maître. 
S'il  n'est  pas  ressuscité  comme  il 
l'avoit  promis,  il  est  impossible 
que  ses  apôtres  et  tous  ses  disciples 
u'aient  pas  compris  qu'il  les  avoit 
trompés.  Quel  motif  a  pu  les  enga- 
ger pour  lors  à  braver  les  travaux, 
les  tourments  et  lamort  pour  établir 
l'Evangile,  et  pour  tout  rapporter 
à  la  gloire  d'un  maître  qui  s'étoit 
joué  de  leur  crédulité  t  Un  tel  pro- 
jet choque  de  front  tous  les  sen- 
timents de  l'humanité. 

D'ailleurs ,  il  eût  été  trop  tard 
de  former  ce  projet  pendant  les 
q^uarante  jours  qui  se  sont  écoulés 
après  la  mort  du  Sauveur,  puisque 
l'on  est  obligé  de  supposer  que  les 
apôtres  ont  dérobé  son  corps  dans 
le  tombeau,  pour  pouvoir  publier 
sa  résurrection.  Comment  espérer 
qu'un  complot,  danslequelilfalloit 
faire  entrer  tant  de  personnes,  ne 
seroit  dévoilé  par  aucun  des  com- 
plices P  Des  hommes  simples  et 
grossiers  ,  tels  que  les  apôtres ,  sont 
ordinairement  timides  et  peu  sus- 
ceptibles d'ambition  ;  s'ils  avoient 
été  dominés  par  l'intérêt,  ils  au- 
roient  eu  plus  à  gagner  en  décou- 
vrant aux  Juifsl'imposturedeleurs 
collègues ,  qu'en  s'obstinant  à  la 
soutenir  aux  dépens  de  leur  vie. 

Enfin,  quel  est  donc  V intérêt  qui 
a  pu  engaf^er  douze  apôtres  à  de- 
meurer attachés  à  leur  maître  après 
sa  mort  ,  s'il  n'est  pas  ressuscité  .'' 
Dès  ce  moment  ils  ont  dû  perdre 
les  espérances  que  ses  promesses 
leuravoientfait  concevoir,  ne  rien 
attendre  que  d'eux-mêmes ,  ne  tra- 
vailler que  pour  eux  seuls  :  au  con- 
traire ,  ils  persistent  à  se  sacrifier 
pour  lui;  ils  entreprennent  de  le 
faire  reconnoître  par  toute  la  terre 


AI>0  189 

pour  le  Fils  de  Dieu,  de  lui  faire 
rendre  hommage  par  tous  les  hom- 
mes. Quand  cela  auroit  pu  leur 
être  utile  dans  la  Judée,  où  les 
miracles  de  Jésus-Christ  l'avoient 
rendu  célèbre ,  cela  ne  leur  servoit 
de  rien  dans  les  régions  éloignées, 
où  l'on  n'avoit  pas  entendu  parler 
de  lui.  Les  a-t-on  vus  quelque 
part  se  faire  une  fortune,  se  for- 
mer un  troupeau  pour  leur  utilité, 
s'attribuer  la  gloire  de  leurs  succès, 
jouir  tranquillement  des  respects, 
de  la  confiance,  des  libéralités  des 
fidèles  ?  Saint  Jean  est  le  seul  qui, 
dans  sa  vieillesse,  se  soit  fixé  à  un 
siège  particulier  ;  tous  les  autre'» 
sont  morts  dans  les  travaux,  dans 
les  voyages,  dans  les  périls  de  l'a- 
postolat ;  tous  ont  pu  dire  comme 
saint  Paul  :  «  Si  nous  n'espérons 
»  rien  que  dans  ce  monde,  nous 
»  sommes  les  plus  malheureux  de 
»  tous  les  hommes,  n  I.  Car.,  c.  i5, 

>^.    19. 

D'ailleurs  si  les  apôtres  ont  été 
des  imposteurs,  loin  de  prendre 
aucun  des  moyens  propres  à  dé- 
guiser leur  imposture,  ils  ont  choisi 
les  plus  capables  de  la  dévoiler  : 
des  hommes  intéressés  à  tromper 
auroient  supposé  des  personnages 
moins  connus,  des  faits  moins  pal- 
pables, des  prodigesmoins  récents, 
un  théâtre  moins  public. 

Il  a  paru  dans  le  monde  an  assez 
grand  nombre  d'imposteurs,  mais 
ils  ne  se  sont  pas  conduits  comme 
les  apôtres;  aucun  n'a  montré  au- 
tant de  candeur ,  de  désintéresse- 
ment, de  zèle,  n'adonné  des  leçons 
de  vertu  aussi  touchantes,  n'a  désiré 
de  verser  son  sang  pour  confirmer 
la  vérité  de  sa  doctrine,  n'a  rap- 
porté à  Dieu  toute  la  gloire  de  ses 
succès. 

Indépendamment  de  l'intérêt 
qu'avoient  les  Juifs  de  découvrir 
l'imposture  des  apôtres, s'ils  avoient 
trompé  sur  un  seul  fait,  d'autres 
ennemis  les  auroient  démasqués. 
Il  y   eut  bientôt  de  faux  apôtres, 


igo  APO 

quialtcroient  la  doctrine  de  Jésus- 
Christ  :  saint  Paul  et  saint  Jean 
s'en  plaignent  dans  leurs  lettres  ; 
il  y  eut  des  Juifs  entêtés ,  qui ,  mal- 
gré leur  foi  en  Jésus -Christ,  vou- 
loient  que  l'on  continuât  d'obser- 
ver les  rits  mosaïques  ;  il  y  eut 
même  des  apostats  :  nous  le  voyons 
par  les  lettres  de  saint  Jean  ;  il  se 
trouva  bientôt  des  philosophes 
qui  contestèrent,  les  uns  la  divinité 
de  Jésus-Christ,  les  autres  la  réa- 
lité de  sa  chair,  plusieurs  sa  nais- 
sance miraculeuse,  etc.  Au  milieu 
de  ces  disputes,  de  ces  jalousies, 
de  ces  intérêts  divers,  comment 
nes'est-il  pas  trouvé  un  seul  homme 
qui  ail  eu  ou  la  bonne  foi  ou  la 
malice  de  mettre  au  jour  la  fausseté 
de  quelqu'un  des  faits  publiés  par 
les  apôtres,  surtout  du  fait  le  plus 
essentiel  de  tous,  de  la  résurrection 
de  Jésus-Christ. 

Ils  témoignent,  dans  leurs  écrits, 
qu'ils  ont  fait  des  miracles,  que  c'est 
par-là  qu'ils  ont  confirmé  leur  doc- 
trine ,  et  non  par  des  raisonne- 
ments. J.  Cor.yC.  2,  ^.4,  etc.  Si  cela 
n'est  pas  vrai ,  l'on  ne  concevra 
jamais  comment  ils  ont  pu  trouver 
un  seul  auditeur  assez  aveugle  pour 
s'attacher  à  eux. 

En  un  mot ,  la  conduite  des  apô- 
tres, leurs  leçons,  leurs  succès,  leur 
persévérance  dans  l'apostolat  jus- 
qu'à la  mort ,  la  durée  de  l'édifice 
qu'ils  ont  fondé  malgré  les  orages 
dont  il  est  battu  depuis  dix-sept 
siècles,  sont  autant  de  preuves  dé- 
monstratives de  la  vérité  et  de  la 
divinité  du  christianisme. 

On  donne  communément  le  nom 
d'a/70/re  à  celui  qui  le  premier  a 
porté  la  foi  dans  un  pays  :  c'est 
ainsi  que  saintDenys,  premier  évê- 
que  de  Paris,  est  Vapôtre  de  la 
France  ;  saint  Boniface,  Vapôtre 
de  l'Allemagne  ;  le  moine  saint 
Augustin  ,  Vapôtre  de  l'Angleterre; 
saint  François-Xavier,  Vapôtre  des 
Indes. 

La   mort    tragique    des   apôtres 


APO 

sembloit  bien  propre  à  rebuter 
ceux  qui  seroient  tentés  de  les  imi- 
ter ;  mais  non ,  c'a  été  plutôt  un 
nouvel  attrait  pour  engager  des 
milliers  d'hommes  à  se  livrer  aux 
travaux  de  l'apostolat.  Voilà,  sui- 
vant l'opinion  des  incrédules,  une 
nouvelle  espèce  de  fanatisme  dont 
il  n'y  avoit  jamais  eu  d'exemple 
dans   le  monde. 

Il  y  a  eu  des  temps  où  le  pape 
étoit  spécialement  appelé  Vapôtre,  à 
cause  de  sa  prééminence  en  qualité 
de  successeur  de  saint  Pierre.  Voy. 
Sidoine  Apollinaire  ,  liv.  6,Ep.4. 

ApÔtrb  étoit  encore,  dans  l'ori- 
gine de  l'Eglise,  le  titre  que  l'on 
donnoit  à  ses  envoyés ,  à  ceux  qui 
voyageoientpour  ses  intérêts.  Ainsi 
saint  Paul  dit  dans  son  épître  aux 
Romains, c.  16,  ^i'^.  17  :Saluez  An- 
dronicus  et  Junia  mes  parents  et 
compagnons  de  ma  captivité ,  qui 
sont  distingués  parmi  les  apôtres. 
C'étoit  aussi  le  titre  qu'on  donnoit 
à  ceux  qui  étoient  envoyés  par  quel- 
ques Eglises,  pour  en  apporter  les 
collectes  et  les  aumônes  des  fidèles 
destinées  à  subvenir  au  besoin  des 
pauvres  et  du  clergé  de  quelques 
autres  Eglises.  C'est  pourquoi  saint 
Paul ,  écrivant  aux  Philippiens  , 
leur  dit  qu'Epaphrodite,  leur  apô~ 
ire ,  avoit  fourni  à  ses  besoins  , 
c.  1 1,  y.  25.  Les  chrétiens  avoient 
emprunté  cet  usage  des  synagogues, 
qui  donnoient  le  même  nom  à  ceux 
qu'elles  chargeoient  d'un  pareil 
soin ,  et  celui  à'' apostolat  à  l'office 
charitable  qu'ils  exerçoient.  Mais 
les  apôtres  ou  envoyés  de  la  syna- 
gogue n'ont  rien  de  commun  avec 
ceux  de  Jésus-Christ. 

Apôtre,  dans  la  liturgie  grecque, 
àTTOCTToXoç  ,  est  un  terme  usité  pour 
désigner  un  livre  qui  contient  prin- 
cipalement les  Epîtres  de  saint 
Paul ,  selon  l'ordre  ou  le  cours  de 
l'année;  car  comme  ils  ont  un  livre 
nommé  tiayyAtov,  qui  contient  les 
Evangiles,  ils  ont  aussiuu  àTrocrtoXoç. 
et  il  y  a  apparence  qu'il  ne  conte- 


APP 

hdild'abord<|uelcsKj)îlros(lesaint 
Paul  ;  mais  depuis  uu  Ircs-long 
temps  il  renferme  aussi  les  Actes 
df.s  apôtres ,  les  Epîlres  canoniques 
et  l'Apocalypse;  c'est  pourquoi  on 
l'appelle  aussi  irpaÇaTroaro^o;,  à  cause 
des  actes  qu'il  contient,  et  que  les 
Grecs  nomment  «pa^Egç.  Le  nom 
A\ipostolus  a  été  en  usage  dans  l'E- 
glise latine  dans  le  même  sens  , 
comme  nous  l'apprennent  saint 
Grégoire  le  Grand,  Hincmar  et 
Isidore  de  Sévillc  :  c'est  ce  qu'on 
nomme  aujourd'hui  cpistolier. 

APPARITION.  Action  par  la- 
quelle un  esprit  tel  que  Dieu,  un 
ange  bon  ou  mauvais,  l'àm^e  d'un 
mort,  se  rend  sensible,  agit  et 
converse  avec  les  hommes.  Les 
exemples  en  sont  fréquents  dans 
l'Ecriture  sainte. 

Selon  l'histoire  même  delà  créa- 
tion ,  Dieu  a  conversé  d'une  ma- 
nière sensible  avec  Adam  et  ses 
enfants,  avec  Noé  et  sa  famille, 
avec  Abraham  ,  Isaac  ,  Jacob  , 
Moïse  et  plusieurs  prophètes.  Les 
Pèresde  l'Eglise  ontagitélaquestion 
de  savoir  si  c'étoit  Dieu  lui-même 
qui  se  rendoit  présent  et  visible 
aux  hommes ,  ou  si  c'étoit  un  ange 
qui  parloit  et  agissoit  au  nom  de 
Dieu.  Presque  tous  les  anciens  ont 
été  persuadés  que  c'étoit  le  Verbe 
divin  ,  seconde  personne  de  la 
sainte  Trinité ,  qui  préludoit  ainsi 
au  mystère  de  l'incarnation  ;  d'au- 
tres ont  cru  que  c'étoient  des  anges. 
Il  seroit  difficile  de  prouver  d'une 
manière  incontestable  l'un  ou 
l'autre  de  ces  sentiments  ;  tous  deux 
peuvent  être  vrais ,  eu  égard  aux 
circonstances.  Il  semble  d'abord 
qu'à  moins  de  faire  violence  au 
texte  sacré  ,  on  ne  peut  pas  nier 
que  le  Créateur  lui-même  n'ait 
parlé  et  conversé  avec  Adam ,  Noé 
et  Abraham;  il  ne  paroît  pas  pro- 
bable qu'un  ange  ait  dit  à  Moïse 
dans  le  buisson  ardent  :  «  Je  suis 
»  le  Dieu  de    ton   père,    le    Dieu 


APP  ,9, 

»  d'Abraham  ;  «  et  aux  Israélites 
assemblés  au  pied  du  mont  Sinaï: 
«  Je  suis  le  Seigneur  votre  Dieu  , 
»  qui  vous  ai  tirés  d'Egypte.  » 
Exod.,  cap.  20,  y.  2.  Cependant 
nous  lisons  àa.\ïS  les  Actes  des  apô- 
tres ,  c.  7,  ^.  37  ,  que  c'étoit  un 
ange  qui  parloit  à  Moïse  sur  le 
mont  Sinaï  ;  et  saint  Etienne  dit 
aux  Juifs  :  Vous  avez  reçu  une  loi 
disposée  par  les  anges,  y .  53. 

Sous  quellefigure  cet  ange  se  mon- 
troit-il  alors  i*  Sous  aucune.  Moïse 
dit  formellement  aux  Israélites  : 
«  Lorsque  Dieu  vous  a  parlé  à 
»  Horeb  du  milieu  d'un  feu  ,  vous 
»  avez  entendu  sa  voix;  mais  vous 
»  n'avez  vu  aucune  figure ,  de  peur 
»  que  trompés  par  là  vous  ne  fus- 
»  siez  tentés  de  faire  quelque  re- 
»  présentation  de  mâle  ou  de  fe- 
»  melle  ,  et  de  l'adorer.  »  Deut. , 
c.  4 ,  y '  12  ,  i5  ,  etc.  Il  est  dit  que 
Moïse  parloit  à  Dieu  face  à  face 
dans  la  nuée  qui  étoii  à  l'entrée 
du  tabernacle  ;  mais  lorsque  Moïse 
lui  dit:  <c  Seigneur,  si  j'ai  trouvé 
»  grâce  devant  vous ,  montrez-moi 
»  votre  visage  ,  afin  que  je  vous 
»  connoisse...  montrez-moi  votre 
»  gloire;  Dieu  lui  répond  :  Vous 
n  ne  pouvez  pas  voir  mon  visage, 
»  aucun  homme  ne  me  verra  sans 
»  mourir.  »  Exod. ,  c.  33  ,  y.  9  , 
II,  i3,  etc.  11  paroît  néanmoins, 
par  les  premiers  chapitres  de  la 
Genèse,  que  Dieu,  pour  converser 
avec  nos  premiers  parents  ,  se  re- 
vêtoit  d'un  corps  visible;  mais  on 
ne  peut  pas  affirmer  que  c'étoit  iin 
corps  humain. 

Dans  d'autres  circonstances ,  les 
anges  qui  parloicnt  aux  hommes  , 
leur  apparoissoient  sous  une  figure 
humaine  :  ainsi  un  ange  conversa 
dans  le  désert  avec  Agar ,  et  celle 
femme  crut  que  c'étoit  Dieu  lui- 
même.  Gen. ,  c.  iS^y^.  7  et  i3.  Les 
trois  anges  envoyés  pour  détruire 
Sodome,  prirent  un  repas  dans  la 
tente  d'Abraham;  l'un  d*entr'eux, 
qui  lui  promit  un  fils,  est  apficlc 


192  APP 

le  Seigneur ,  Jiî'^ca^ ,  c.  i8,}^.i3. 
Ces  sortes  à.' apparitions  des  bons 
anges  sont  fréquentes  dans  l'ancien 
et  le  nouveau  Testament  ;  mais 
nous  ne  voyons  dans  l'ancien  au- 
cun exemple  à^ apparitions  des  anges 
de  ténèbres  ;  la  première  fois  qu'il 
en  est  fait  mention  dans  l'Ecriture 
sainte  ,  est  à  l'occasion  de  la  ten- 
tation de  Jésus-Christ  au  désert. 
Matih.,  c.  4,:)^.  I. 

Il  est  aussi  rarement  question 
^apparition  des  morts.  Samuel  ap- 
parut à  Saiil  ,  lorsque  celui-ci  le 
fit  évoquer  par  la  pythonisse  d'En- 
dor.  I.  lits- ,  c.  28  ,  3^'.  i5.  Judas 
Machabée  vit  aussi  le  grand-prêtre 
Onias  et  Jérémie  qui  lui  parlèrent 
après  leur  mort,  mais  c'étoit  en 
songe.  II.  Machab. ,  c.  i5  ,  S-  i4- 
Nous  lisons,  Maith.,  c.  27,  /.  62, 
qu'à  la  mort  du  Sauveur  ,  et  après 
sa  résurrection  ,  plusieurs  morts 
sortirent  de  leur  tombeau,  entrè- 
rent à  Jérusalem ,  et  apparurent  à 
plusieurs  personnes. 

Nous  ne  nous  arrêterons  point 
à  examiner  la  multitude  des  appa- 
ritions des  esprits  ,  rapportées  par 
les  auteurs  profanes  ;  les  philo- 
sophes du  troisième  et  du  qua- 
trième siècle  de  l'Eglise  ,  entêtés 
de  théurgie  ,  de  théopsie  et  de 
magie ,  croyoient  ou  faisoient  sem- 
blant de  croire  que  l'on  pouvoit 
converser  avec  les  génies  ou  dieux 
du  paganisme  ;  que  plusieurs  hom- 
mes en  avoient  vu ,  leur  avoient 
parlé  et  en  avoient  reçu  des  répon- 
ses. Quelques  Pères  de  l'Eglise  ont 
été  persuadés  qu'en  effet  le  démon 
s'étoit  rendu  sensible  à  ses  magi- 
ciens ,  en  particulier  à  Julien  l'ap  o- 
stat,  et  queDieu  l'avoitpermispour 
punir  leur  impiété.  On  ne  peut  sa- 
voir avec  certitude  jusqu'à  quel 
pointl'imagination,  les  prestiges  de 
l'esprit  impur,  ou  l'imposture,  ont 
eu  lieu  dans  ces  circonstances .  Com- 
mentnous  fiera  de  prétendus  philo- 
sophes ,  dont  la  mauvaise  foi  alloit 
de  pair  avec  leur  fanatisme  i'  Por- 


ÀPP 

phyre  et  Jamblique ,  moins  entêté* 
que  les  autres ,  ont  témoigné  qu'ils 
n'ajoutoient  aucune  foi  à  toutes 
ces  visions  ;  les  chrétiens  ont  plus 
d'une  fois  défié  les  païens  de  faire 
agir  en  leur  présence  ces  génies  dont 
on  van  toit  la  puissance.  Tertull.  , 
Apolog. ,  c.  22  et  23.  Si  l'on  veut 
en  croire  les  voyageurs  ,  les  magi- 
ciens caraïbes  ont  souvent  com- 
merce avec  le  démon. 

Quaniauxapparitions  des  morts, 
rien  n'est  plus  commun ,  soit  chea 
les  historiens  païens  ,  soit  dans  nos 
écrivains  des  bas  siècles  ;  c'est  ce 
qui  avoit  fait  naître  dans  le  paga- 
nisme la  nécromancie  ,  ou  l'art 
d'évoquer  les  morts ,  pour  appren- 
dre d'eux  l'avenir  ;  mais  aucun  de 
ces  faits  dont  nos  pères  repais- 
soient  leur  crédulité  ,  n'est  fondé 
sur  des  preuves  assez  fortes  pour 
nous  obliger  à  le  croire.  S'il  y  en 
avoit  de  bien  prouvés ,  nous  n'au- 
rions aucune  répugnance  à  y  ajou- 
ter foi.  D'autre  part ,  les  doutes  que 
nous  inspirent  des  narrations  apo- 
cryphes ,  ne  dérogent  en  aucune 
manière  à  la  certitude  des  faits 
rapportés  dans  les  livres  saints  ; 
vainement  les  incrédules  se  croient 
en  droit  de  tout  nier  ,  parce  que 
tout  n'est  pas  également  prouvé. 

I .°  Ceux  qui  admettent  un  Dieu , 
peuvent-ils  mettre  des  bornes  à  sa 
puissance,  régler  ses  décrets  ,  pres- 
crire la  conduite  qu'il  a  dû  tenir 
envers  les  hommes  depuis  la  créa- 
tion ?  Dieu ,  sans  doute  ,  peut  se 
revêtir  d'un  corps,  c'est-à-dire, 
rendre  sa  présence  sensible ,  par 
la  parole  et  par  l'action  qu'il  don- 
ne à  un  corps  quelconque  :  que  ce 
corps  soit  igné  ,  aérien  ,  lumineux 
ou  opaque  ,  cela  est  égal  ;  on  ne 
prouvera  jamais  que  cette  manière 
d'instruire  les  hommes  ,  de  leur 
dicter  des  lois  ,  de  leur  prescrire 
une  religion  ,  est  indigne  de  la  sa- 
gesse et  de  la  majesté  divine  :  Dieu 
a  donc  pu  s'en  servir.  Comment 
prouvera-t-on  qu'il  ne  l'a  pas  fait  ? 


A1>1> 

lue  preuve  qu'il  l'a  fai!  à  rôf^ar») 
«les  paliiarcîu'S  ,  tic  INIoïsc  ,  cl 
<l'anlrc.s ,  c'est  qu'ils  nous  oui  laisse 
ivs  luouumcnls d'une  religion,  plus 
î'urc ,  plus  sainte  plus  sensée, 
plus  vraie  que  toutes  celles  des 
peuples  qui  n'ont  pas  eu  le  même 
secours.  II  faut  donc  que  Dieu  la 
leur  ait  révélée.  La  manière  dont 
ils  disent  que  cette  révélation  leur 
a  été  faite  étoit  donc  convenable, 
puisqu'elle  a  produit  l'effet  que 
Î3ieu  se  proposoit. 

Les  apparitions  des  anges  et  des 
morts  ne  renferment  pas  plus  de 
difficulté  que  les  apparitions  de 
Dieu.  Il  ne  lui  est  pas  moins  aisé 
de  donner  un  corps  à  un  ange  que 
d'en  revêtir  une  âme  humaine  ; 
lorsque  celle-ci  est  séparée  de  son 
corps,  Dîeu  peut  certainement  la 
faire reparoître, lui  rendre lemême 
corps  qu'elle  avoit  ,  ou  un  autre, 
la  remetti-e  en  état  de  faire  les  mê- 
mes fonctions  qu'elle  faisoit  avant 
la  mort.  Ce  moyen  d'instruire  les 
hommes  et  de  les  rendre  dociles, 
est  un  des  plus  frappants  que  Dieu 
puisse  employer. 

2." Les  matérialistes  mêmes,  qui 
ne  croient  ni  à  Dieu  ni  aux  es- 
prits ,  et  qui  nient  tous  les  faits 
capables  d'en  prouver  l'existence., 
ne  raisonnent  pas  conséquemment. 
Bayle  a  démontré  que  Spinosa  , 
dans  son  système  d'athéisme,  ne 
pouvoit  nier  ni  les  esprits ,  ni  leurs 
apparitions  ,  ni  les  miracles ,  ni  les 
démons  ,  ni  les  enfers.  Dict.  ait. , 
Spinosa  ,  rem.  Q  et  suiv.  En  effet, 
selon  l'opinion  des  matérialistes, 
la  puissance  de  la  nature ,  c'est-à- 
dire  ,  de  la  matière,  est  infinie: 
or  ,  elle  ne  le  seroit  pas  si  elle  ne 
pouvoit  pas  faire  tout  ce  qui  est 
rapporté  dans  l'histoire  sainte. 
Un  défenseur  de  ce  système  nous 
dit  que  nous  ne  savons  point  si  la 
nature  n'est  pas  actuellement  oc- 
cupée à  produire  plusieurs  êtres 
nouveaux  ,  si  elle  ne  rassemble  pas 
dans  son  laboratoire  les  éléments 


API»  ,93 

propres  à  faire  éclore  des  géné- 
rations toutes  nouvelles,  cl  qui 
n'auront  rien  de  commun  avec  te 
que  nous  connoissons.  Système  ,U: 
la  nni.,  tom.  i  ,  c.  6  ,  pag.  86,  87. 
Donc  nous  ne  savons  pas  non  plus 
si  ,  plusieurs  milliers  d'années 
avant  nous,  elle  n'a  pas  produit 
des  phénomènes  singuliers  ,  et  que 
nous  ne  concevons  point.  Nous 
ignorons  si ,  par  quelques  combi- 
naisons fortuites  de  la  matière,  il 
ne  s'est  pas  allumé  au  sommet  du 
mont  Sinaï  un  feu  terrible ,  d'où 
sortoit  une  voix  qui  a  dicté  le  Dé- 
calogue.  Nous  ne  pouvons  décider 
si  par  d'autres  combinaisons  il  ne 
s'est  pas  formé  tout  à  coup  une 
figure  d'homme  qui  a  conduit , 
protégé  et  comblé  de  biens  le  jeune 
Tobie;  si,  par  magie  ou  autrement, 
il  n'est  pas  sorti  de  terre  un  spec- 
tre semblable  à  Samuel  qui  a  parlé 
à  Saiil,  etc.  Puisque  la  nature,  par 
sa  toute-puissance,  a  fait  des  hom- 
mes tels  que  nous  sommes  ,  pour- 
quoi ne  pourroit-elle  pas  former 
des  anges  beaucoup  plus  puissants 
que  les  hommes,  des  corps  ignés 
ou  aériens  capables  de  faire  des 
choses  supérieures  aux  forces  hu- 
maines ? 

3.°  En  bonne  logique,  les  scepti- 
ques peuvent  encore  moins  rejeter 
le  témoignage  des  auteurs  sacrés. 
Selon  leur  système,  il  n'y  a  aucune 
connexion  nécessaire  entre  les  idées 
qui  nous  viennent  à  l'esprit  par 
les  sensations,  et  l'état  réel  des 
corps  existants  hors  de  nou  :  nous 
ne  sommes  pas  siirs  s'ils  sont  réel- 
lement tels  qu'ils  paroissent  à  nos 
sens.  Donc  le  cerveau  de  Moïse  a 
pu  être  affecté  de  manière  qu'il 
ait  cru  voir,  entendre,  et  faire 
tout  ce  qu'il  raconte;  les  têtes  de 
la  famille  de  Tobie  ont  pu  se  trou- 
ver dans  la  même  situation  que  si 
un  ange  leur  étoit  apparu,  leur 
avoit  parlé,  et  avoit  fait  tout  ce 
qu'ils  ont  cru  voir  et  éprouver  ; 
les  organes  de  Saiil  ont  pu  cire 
i3 


,94  APP 

modifiés  de  la  même  manière  q ic 
si  Samuel  étoit  réellement  sorti  du 
tombeau,  etc.  Nous  aurions  donc 
tort  de  suspecter  la  sincérité  de 
ceux  qui  ont  écrit  ces  faits.  A  la 
vérité  ,  si  c'étoient  des  illusions  , 
tous  ces  gens-là  n'ctoient  pas  dans 
leur  bon  sens  ;  qu'importe  ?  Nous 
ne  sommes  pas  sûrs  si  à  ce  moment 
notre  cerveau  et  celui  des  scepti- 
ques ne  sont  pas  aussi  malades 
que  celui  des  personnages  dont 
nous  parlons. 

Si  donc  les  incrédules  savoicnt 
raisonner,  ils  ne  borneroienl  ja- 
mais les  forces  de  la  nature  ,  ni  le 
nombre  des  possibles;  ils  seroient 
aussi  crédules  que  les  vieilles ,  les 
enfants  et  les  ignorants  les  plus 
grossiers.  Ceux  qui  croient  à  la  ma- 
gie sans  croire  en  Dieu ,  ne  sont 
pasceuxqui  raisonnentle  plus  mal. 
4.**  Le  grand  argument  est  de 
dire  :  Si  tout  cela  étoit  arrivé  au- 
trefois ,  il  arriveroit  encore  ; 
puisqu'il  n'arrive  plus  depuis  que 
l'on  est  mieux  instruit,  c'est  une 
preuve  qu'il  n'est  jamais  arrivé. 
Faux  raisonnement.  Selon  l'opi- 
nion des  matérialistes  ,  il  est  sorti 
autrefois  du  sein  de  la  terre  ou  de 
la  mer  ,  des  hommes  tout  formés, 
il  n'en  sort  plus  aujourd'hui;  tous 
viennent  au  monde  par  une  suite 
de  générations  régulières.  Si  nous 
en  croyons  les  sceptiques ,  il  n'y  a 
aucune  connexion  nécessaire  entre 
ce  qui  se  fait  aujourd'hui  et  ce  qui 
est  arrivé  autrefois.  Dés  qu'il  n'y 
a  point  de  providence  qui  entre- 
tienne dans  la  nature  un  ordre 
constant ,  il  n'est  rien  qui  ne  puisse 
arriver  par  hasard ,  ou  par  des 
combinaisons  inconnues  de  la  ma- 
tière. 

Les  déistes ,  à  leur  tour ,  se  fon- 
dent mal  à  propos  sur  ce  même  ar- 
gument. S'il  y  a  un  Dieu,  il  a  pu  et 
il  a  dû  conduire  autrement  le  genre 
humain  dans  son  enfance,  que 
dans  les  âges  postérieurs.  Il  falloit 
a'ors  des  miracles  ,  des  prophéties  , 


APP 

des  apparitions  et  des  inspirations 
pour  établir  la  vraie  religion  :  une 
fois  fondée  ,  elle  n'en,  a  plus  besoin  ; 
les  mêmes  faits  qui  lui  ont  servi 
d'attestation  dans  l'origine,  lui  en 
serviront  jusqu'à  la  fin  des  siècles  : 
il  n'est  donc  plus  nécessaire  que 
Dieu  fasse  aujourd'hui  ce  qu'il  a 
fait  autrefois.  C'est  la  i-éllexion  de 
saint  Augustin. 

11  s\n  faut  beaucoup  que  les  dis- 
sertations de  dom  Calmet  sur  les 
apparitions  aient  été  faites  avec  la 
sagacité  et  le  bon  sens  qu'exigeoit 
Une  matière  aussi  délicate.  L'abbé 
Langlet  lui  a  fait,  avec  raison, 
plusieurs  reproches  dans  son  traité 
sur  le  même  sujet,  t.  2,  p.  91. 
Celui  -  ci  prouve  fort  bien  que  le 
très-grand  nombre  des  apparitions 
des  morts,  rapportées  par  les  écri- 
vains des  bas  siècles  ,  manquent 
de  preuves  et  de  vraisemblance  , 
p.  893  et  suiv. 

Apparitions    de  Jésus  -  Christ 

APRÈS  SA   RÉSURRECTIOX.   Il  eSt  dit, 

dans  les  Actes  des  apôtres ,  qu'après 
sa  résurrection ,  Jésus-Christ  s'est 
montré  vivant  à  ses  apôtres,  et  les 
en  a  convaincuspar  un  grand  nom- 
bre de  preuves  pendant  quarante 
jours,  conversant  avec  eux,  leur 
parlant  du  royaume  de  Dieu ,  bu- 
van  t  et  mangeant  avec  eux;  qu'ils 
l'ont  vu  de  leurs  yeux  monter  aux 
cieux.  Act. ,  c.  i.  Les  évangélistes 
nous  apprennent  qu'il  s'est  montré 
différentes  fois  à  ses  apôtres  ,  soît 
dispersés,  soit  rassemblés ,  et  aux 
saintes  femmes  ;  qu'il  leur  a  parlé  , 
qu'il  s'est  laissé  toucher  ,  qu'il  a 
invité  le  plus  incrédule  d'entr'eux 
à  mettre  le  doigt  sur  ses  plaies  , 
qu'il  a  bu  et  mangé  plusieurs  fois 
avec  eux.  Ces  apparitions  n'étoient 
donc  point  des  illusions. 

Mais  aucun  des  évangélistes  ne 
s'est  attaché  à  raconter  toutes  ces 
apparitions  et  ces  conversations,  a 
les  arranger  dans  l'ordre  selou  le- 
quel elles  sont  arrivées,  à  en  dé- 
tailler   toutes    les    circonstances 


APP 

SainlMallhicuii'eiiacilcqucdcux, 
saint  INIarc  fait  mention  de  cjualre, 
saint  Luc  n'en  a  rapporte,  que  cinq, 
saint  Jean  quatre  ;  aucun  d'eux 
n'en  a  fixé  le  nombre.  Ils  en  par- 
loient  comme  d'une  chose  très- 
connue  parmi  eux,  sur  laquelle 
personne  ne  pouvoit  former  des 
doutes.  Ils  ne  pensoient  pas  que 
dans  la  suite  des  siècles  les  incré- 
dules éplucheroient  toutes  leurs 
paroles,  y  chercheroient  des  con- 
tradictions, argumenteroient  sur 
la  brièveté  de  leur  récit,  se  plain- 
droient  de  ce  qu'il  n'est  pas  assez 
exact,  etc. Aucun  titre,  aucune  his- 
toire ne  peut  être  assez  claire,  ni 
assez  précise,  ponr  prévenir  toutes 
les  objections  des  opiniâtres. 

La  grande  objection  des  incré- 
dules ,  est  que  ces  apparitions  ne 
suffisent  pas  pour  prouver  la  ré- 
surrection de  Jésus-Christ.  Il  avoit 
promis  publiquement  de  ressus- 
citer ,  disent-ils  ;  donc  il  devoit 
ressusciter  en  public.  Il  falloit  se 
montrer  aux  prêtres  ,  aux  phari- 
siens, aux  docteurs  juifs,  au  san- 
hédrin de  Jérusalem  ;  le  téraoi- 
gnage  de  ces  gens-là  auroit  été  d'un 
tout  autre  poids  que  celui  d'une 
poignée  de  disciples  déjà  séduits. 
Un  gouverneur  romain ,  un  té- 
trarque  ,  un  grand  -  prêtre  juif  , 
convertis  par  Vapparilion  de  Jésus- 
Christ  ,  eussent  fait  plus  d'im- 
pression sur  un  homme  de  bon 
sens,  que  celte  populace  ignorante 
que  l'on  suppose  avoir  été  persua- 
dée par  la  prédication  de  saint 
Pierre. 

Mais  ici  nos  adversaires  s'ar- 
rètejit  en  beau  chemin:  la  résur- 
rection de  Jésus-Christ  ne  dcvoit 
pas  seulement  être  crue  à  Jérusa- 
lem, ellcdevoil  être  publiée  et  crue 
dans  le  monde  entier.  Pourquoi 
vouloir  que  les  autres  nations  fus- 
sent obligées  de  croire  aux  témoi- 
gnages des  principaux  de  Jérusa- 
lem ?  II  ne  tenoit  qu'à  Jésus-Christ 
de  mourir  et  de  ressusciter  à  Rome, 


APP  ,95 

à  Pékin  ,  à  Paris  ,  de  se  montrer  à 
l'univers  entier:  le  miracle  auroit 
été  plus  authentique  et  plus  con- 
vaincant; les  hommes  de  bon  sens 
auroient  cru  sur  le  témoignage  de 
leurs  propres  yeux. 

De  tous  les  arguments  des  in- 
crédules ,  il  n'en  est  peut-être 
point  de  plus  absurde  que  celui-ci  : 
Dieu  pouvoit  donner  de  plus  fortes 
preuves  de  telle  ou  telle  vérité  ; 
donc  celles  qu'il  a  données  ne  suf- 
fisent pas.  Les  athées  sont  partis 
de  là  ;  ils  disent  que  s'il  y  a  un 
Dieu  ,  il  devoit  écrire  son  existence 
dans  le  ciel  en  caractères  lumi- 
neux et  visibles  à  tous  les  yeux. 

Nous  soutenons  que  Jésus-Christ 
n'a  pas  dià  faire  ce  que  l'on  exige 
de  lui  ,  ni  pour  les  Juifs ,  ni  pour 
les  païens  ,  ni  en  faveur  des  incré- 
dules ;  que  quand  il  l'auroit  fait , 
sa  résurrection  ne  paroîtroit  pas 
mieux  prouvée  à  ces  derniers  ,  et 
qu'ils  neseroient  pas  plus  disposés 
qu'ils  le  sont  à  y  croire. 

i.°  Plusieurs  posent  pour  prin- 
cipe, qu'une  résurrection  est  un 
ï&iiimpossible,  qu'aucune  preuve  ne 
peut  jamais  le  constater;  d'autres, 
que  c'est  un  fait  incroyable  ;  que 
quand  ils  verroient  de  leurs  yeux 
un  mort  ressuscité,  ils  ne  croiroient 
pas.  Donc  c'est  une  absurdité  et 
une  dérision  pure  de  leur  part , 
d'exiger  des  preuves  auxquelles  ils 
sont  résolus  d'avance  de  ne  pas 
croire.  Si  les  Juifs  pensoient  de 
même ,  comme  ils  l'ont  assez  té- 
moigné par  leur  conduite ,  il  est 
clair  que  la  vue  même  de  Jésus- 
Christ  ressuscité  ne  les  auroit  pas 
convaincus.  Il  ne  leur  auroit  pas 
été  plus  difficile  de  dire  :  Ces/  le 
diable  qui  a  pris  la  figure  de  Jésus 
pour  nous  tromper ,  que  de  dire, 
comme  ils  ont  fait,  C^est  par  le 
pouvoir  du  démon  que  cet  homme 
jail  des  miracles. 

2.°  C'est  une  impiété  de  soutenir 
que  Jésus-Christ  devoit  ,  par  un 
excès  de  bonté  et  par  le  don  de  la 
i3 


196  API» 

foi,  récompenser  la  foiLlesse  de 
Pilate  qui  l'avoit  livré  à  la  mort 
contre  sa  conscience  ,  l'injustice 
«3u  grand-prêtre  qui  l'avoit  con- 
damné comme  blasphémateur  ,  la 
turpitude  du  sanhédrin  qui  avoit 
souscrit  à  l'arrêt  ,  la  fureur  du 
peuple  qui  avoit  crié,  Crucifiez-le , 
la  rage  des  bourreaux  qui  l'avoient 
couvert  d'opprobres  et  de  plaies. 
Dieu  avoit-il  donc  besoin  de  tous 
ces  malfaiteurs  pour  accomplir  se.s 
desseins  ? 

3.°  Jésus -Christ  a  rempli  sa 
promesse  dans  toute  son  étendue; 
il  n'avoit  pas  promis  de  ressus- 
citer en  public  et  sous  les  yeux  des 
Juifs ,  ni  de  se  montrer  à  eux  après 
sa  résurrection  incontestable.  Mais 
les  Juifs  ont  résisté  au  témoignage 
des  gardes,  à  l'attestation  des  apô- 
tres ,  confirmée  par  leurs  miracles, 
à  l'exemple  de  huit  mille  hommes 
convertis  par  saint  Pierre,  à  l'imi- 
pression  que  dévoient  faire  sur  eux 
les  vertus  des  premiers  chrétiens , 
aux  iléanx  terribles  que  Dieu  fit 
tomber  sur  la  Judée  pour  punir  le 
déicide  qui  y  avoit  été  commis. 
Dieu  doit-il  multiplier  les  miracles 
pour  forcer  de  pareils  hommes  à 
se  convertir  ?  Tels  ont  été  et  tels 
seront  toujours  les  incrédules  de 
tous  les  siècles. 

4.°  Quand  les  principaux  Juifs 
et  le  sanhédrin  auroient  cru  en 
Jésus  -  Christ ,  quelle  impression 
leur  témoignage  auroit-il  fait  sur 
les  Romains  ou  sur  les  incrédules 
modernes  ?  Aucune.  Les  Romains 
ont  dit,  et  les  incrédules  répètent, 
que  les  Juifs  étoienl des  ignorants, 
des  rêveurs  ,  des  fanatiques  avides 
de  merveilleux ,  incapables  de  dis- 
cerner le  vrai  d^avec  le  faux  ,  et  un 
miracle  d'avec  un  prestige.  Selon 
le  principe  de  nos  adversaires  ,  les 
Juifs  de  la  Grèce  ni  ceux  de  Rome 
n'éloient  pas  obligés  de  s'en  fier 
au  témoignage  de  leurs  frères  de 
Judée,  sur  un  fait  aussi  merveilleux 
et  aussi  incroyable    que    la    résur- 


APP 

rcclion  de  Jésus  ;  les  païen.»  encore 
moins;  tous pouvoient diie, comme 
les  incrédules  :  Est-il  raisonnable 
d'exiger  que  nous  croyions,  sur  la 
parole  d'autrui,  un  fait  dont  Dieu 
pouvoit  nous  convaincre  par  nos 
propres  yeux  ? 

5.°  Quand  Jésus  ressuscité  se 
seroit  montré  aux  chefs  de  la  sy- 
nagogue ,  comment  le  saurions- 
nous  ?  Par  le  témoignage  des  Juifs 
convertis;  car  enfin  des  Juifs  in- 
crédules n'auroient  pas  pris  la 
peine  de  nous  en  informer ,  ni  de 
mettre  par  écrit  un  fait  qui  les 
auroit  couverts  d'opprobre.  Or  les 
incrédules  modernes  commencent 
par  rejeter  comme  suspecte  l'at- 
testation de  tous  ceux  qui  ont  cru 
en  Jésus-Christ:  Ce  sont ,  disent- 
ils,  des  hommes  préveirus,  séduits, 
intéressés  à  la  cause  de  leur  maître; 
ce  sont  des  fanatiques  ou  des  im- 
posteurs. Les  chefs  de  la  synagogue 
seroient-ils  plus  à  couvert  de  celte 
accusation  que  les  apôtres  et  }es 
évangélistes  ?  C'est  assez  qu'un  fait 
quelconque  ,  ou  un  téxnoignage  , 
paroisse  aux  incrédules  trop  favo- 
rable au  christianisme,  pour  qu'ils 
les  rejettent  sans  examen  :  voilà  la 
principale  raison  qui  les  prévient 
contre  le  témoignage  que  Tliis- 
torien  Josèphe  a  rendu  à  Jésus- 
Christ. 

6.°  Enfin ,  si  les  grands-prêtres , 
le  tétrarque  de  la  Judée,  le  san- 
hédrin en  corps  ,  avoient  attesté 
la  résurrection  de  Jésus  -  Christ , 
et  avoient  cru  en  lui,  les  incré- 
dules diroient  qu'il  y  a  eu  collusion 
entre  tous  ces  personnages  et  les 
apôtres,  qu'ils  avoient  formé  de 
concert  le  projet  de  faire  recon- 
noître  Jésus-Christ  pour  le  Messie, 
afin  de  soulever  le  peuple,  de  faire 
une  révolution ,  et  de  secouer  le 
joug  des  Romains  ;  que  toute  cette 
scène  a  été  un  complot  d'intérêt 
national  et  de  politique  ;  qu'ainsi 
la  prétendue  conversion  des  grands 
et  du  peuple  ne  prouve  rien ,  etc. 


APP 

L'csf»ril  IVcoiid  de  nos  adversaires 
pourroil-il  jamais  manquer  de  rai- 
sons ou  de  prétextes  pour  auto- 
riser leur  incrédulité.!* 

Dieu  a  su  mieux  qu'eux  ce  qu'il 
falloit  pour  persuader  les  esprits 
droits  et  les  hommes  sensés.  La 
résurrection  de  Jésus-Christ  a  été 
publiée,  prouvéeel crue  cinquante 
jours  après ,  sur  le  lieu  même  où 
elle  étoit  arrivée,  par  huit  mille 
Juifs  que  la  prédication  de  saint 
Pierre  persuada  et  convertit.  Aci., 
c.  2,f.  4i  ;  c.  4,f.  6.  Telles  lu- 
rent les  prémices  de  l'Eglise  qui  se 
forma  dés  lors  à  Jérusalem  ,  et  qui 
a  subsisté  aussi  long-temps  que 
cette  ville. Bien  tôt  plusieurs  prêtres 
furent  au  nombre  des  fidèles.  Act., 
c.  6  ,  3^^.  7.  Aucun  motif  ne  pouvoit 
les  engager  à  croire  la  résurrection 
de  Jésus-Christ  ,  que  la  certitude 
incontestable  et  la  notoriété  du 
fait  :  donc  les  preuves  en  étoient 
convaincantes  et  invincibles.  Tel 
est  le  point  essentiel  contre  lequel 
aucune  objection  ne  prévaudra. 
Voyez  RÉSURRECTION. 

APPEL  AU  FUTUR  CONCILE. 

(>'est  un  expédient  dont  on  s'est 
avisé  de  nos  jours  pour  esquiver  la 
censure  de  certaines  opinions  con- 
damnées par  le  souverain  pontife, 
censure  approuvée  et  confirmée 
par  le  suffrage  de  l'Eglise  univer- 
selle, puisqu'à  l'exception  de  quel- 
ques évèques  de  France  ,  point 
d'autres  n'ont  réclamé.  Il  est  éton- 
nant qu'un  procédé  aussi  étrange 
ait  pu  trouver  des  partisans  et  des 
apologistes. 

Lesappelantssavoient  bien  qu'il 
n'y  avoit  point  pour  eux  de  fulur 
concile  à  espérer;  que  l'Eglise  uni- 
verselle ne  s'assembicroit  pas  pour 
juger  s'ils  avoient  droit  ou  tort, 
que  c'étoit  appeler  à  un  tribunal 
qui  n'existeroit  peut  être  jamais. 
L'Eglise  dispersée  avoit  applaudi  à 
plusieurs  jugements  déjà  portés 
par  le  saint  siège  sur  celle  même 


Al»l> 


'97 


matière;  pouvoit-on  supposer  que 
l'Eglise  changeroit  de  croyance 
lorsqu'elle  seroita.ssemblée,  et  que 
la  circonstance  d'un  concile  opé- 
reroit  une  révolution  subite  dans 
tous  les  esprits  i*  Le  comble  du  ri- 
dicule a  été  de  croire  qu'un  appel 
donnoit  le  droit  de  continuer  à 
enseigner  la  doctrine  censurée.  Si 
les  appelants  avoient  été  condam- 
nés dans  un  concile,  ils  auroient 
appelé  ,  comme  tous  les  hérétiques, 
au  jugement  de  Dieu. 

Mosheim  ,  dans  une  de  ses  dis- 
sertations sur  VHistoire  ecclésias- 
tique,  tome  I,  pag.  5Si  ,  a  très- 
bien  prouvé  que  ces  sortes  di" appels 
sont  inconciliables  avec  la  doctrine 
catholique  touchant  l'unité  de 
l'Eglise,  que  les  appelants  se  sont 
joués  des  termes,  eu  protestant 
qu'ils  ne  pré.tendoient  point  déro- 
ger à  cette  unité  par  leur  appel, 
mais  nous  réfuterons  ailleurs  ce 
qu'il  soutient  dans  le  même  en- 
droit ,  savoir  ,  que  cette  même 
croyance  touchant  l'unité  de  l'E- 
glise, ne  peut  pas  s'accorder  avec 
le  seiiliment  de  l'Eglise  gallicane 
sur  la  supériorité  des  conciles  gé- 
néraux à  l'égard  du  pape.  Les  par- 
tisans de  Quesnel  n'appeloient 
pas  de  la  décision  du  pape  seul  à 
celle  d'un  co/7Cj7e général ,  mais  de 
la  décision  du  pape  ,  confirmée 
par  l'acquiescement  de  l'Eglise  uni- 
verselle. Cela  est  fort  diffèrent. 
Voyez  Unité  de  l'Eglise. 

APPELANT  ,  nom  qu'on  a 
donné,  au  commencement  de  ce 
siècle ,  aux  évêques  et  autres  ec- 
clésiastiques qui  avoient  interjeté 
appel  au  futur  concile,  de  la  bulle 
UnigenHus  donnée  par  le  pape  Clé- 
ment XI ,  et  portant  condamnation 
du  livre  du  Père  Quesnel ,  intitulé, 
Réflexions  morales  sur  le  Nouveau 
Tesianienl. 

Comme  les  appelants  se  llaltoienl 
d'en  imposer  à  l'Flglise  entière  par 
leur  ijrAnd  nombre,  on  sollicitoit 


198  APP 

(les  appels  de  la  même  manière  que 
l'on  brigue  les  suffrages  d'un  juge 
ou  d'un  électeur;  et  les  chefs  de 
ce  parti  furent  assez  insensés  pour 
appeler  leurs  clameurs  le  cri  de  la 
foi.  Heureusement  ces  solles  dé- 
marches ont  été  révoquées  avec 
autant  de  facilité  qu'elles  avoient 
été  faites,  et  l'on  rougit  aujour- 
d'hui de  tout  ce  scandale. 

APPLICATION ,  se  dit  particu- 
lièrement en  théologie,  de  l'action 
par  laquelle  notre  Sauveur  nous 
transfère  ce  qu'il  a  mérité  par  sa 
vie  et  par  sa  mort. 

C'est  par  cette  application  des 
mérites  de  Jésus-Christ  que  nous 
devons  être  justifiés ,  et  que  nous 
pouvons  prétendre  à  la  grâce  et  à 
la  gloire  éternelle.  Les  sacrements 
sont  les  voies  ou  les  instruments 
ordinaires  par  lesquels  se  fait  cette 
application  ,  pourvu  qu'on  les  re- 
çoive avec  les  dispositions  néces- 
saires et  prescrites  par  le  concile  de 
Trente,  dans  la  sixième  session. 

L'Eglise  nous  les  applique  encore 
par  le  saint  sacrifice  de  la  messe , 
par  ses  prières ,  par  les  indulgen- 
ces, par  les  bonnes  œuvres  qu'elle 
nous  prescrit.  Elle  a  condamné  les 
protestants  qui  soutiennent  que 
cette  application  ne  peut  nous  être 
faite  que  par  la  foi.  Vo/ez  Impu- 
tation. 

APPROBATION  ,  APPROU- 
VER. Un  prêtre  approuoé  est  celui 
qui  a  reçu  de  son  évêque  le  pou- 
voir d'entendre  les  confessions  et 
d'absoudre.  Comme  c'est  un  acte 
de  juridiction ,  l'évêque  est  le 
maître  de  limiter  cette  approbation 
pour  le  temps,  pour  le  lieu,  pour 
les  cas.  N/ IX,  p . xxrv.Unprêtre  qui 
n'est  approuve  que  pour  un  an, 
est  obligé  de  faire  renouveler  ses 
pouvoirs  à  la  fin  de  l'année  ;  celui 
quî  est  approuvé  pour  telle  pa- 
roisse, n'a  pas  pour  cela  le  pou- 
voir de  confesser  dans  une  autre  ; 


APS 

celui  qui  a  le  pouvoir  d'absoudre 
des  cas  ordinaires  ou  non  réservés , 
a  besoin  d'un  pouvoir  spécial  pour 
absoudre  des  cas  réservés. 

APSIS  ou  ABSIS,  mot  usité 
dans  les  auteurs  ecclésiastiques 
pour  signifier  la  partie  intérieure 
des  anciennes  églises,  où  le  clergé 
étoit  assis  et  où  l'autel  étoit  placé. 

On  croit  que  celte  partie  de  l'é- 
glise s'appeloit  ainsi ,  parce  qu'elle 
étoit  bâtie  en  arcade  ou  en  voûte, 
appelée  par  les  Grecs  «'{''s,  et  par 
les  Latins  apsis. 

Dans  ce  sens ,  le  mot  absis  se 
prend  aussi  pour  le  presbytère,  par 
opposition  à  la  nef,  ou  à  la  partie 
de  l'église  où  se  tenoit  le  peuple  ; 
ce  qui  revient  à  ce  que  nous  appe- 
lons chœur  et  sanctuaire. 

Uapsis  étoit  bâtie  en  figure  hé- 
misphérique ,  et  consistoit  en  deux 
parties ,  l'autel  ou  sanctuaire ,  et 
le  presbytère.  Dans  cette  dernière 
partie  étoient  contenues  les  stalles 
ou  places  du  clergé,  et  entre  autres 
le  trône  de  l'évêque,  qui  étoit  placé 
au  milieu  ou  dans  la  partie  la  plus 
éloignée  de  l'autel.  L'autel  étoit  à 
l'autre  extrémité  vers  la  nef ,  dont 
il  étoit  séparé  par  une  grille  ou 
balustrade  à  jour.  11  étoit  sur  une 
estrade,  et  sur  l'autel  étoit  le  ci- 
boire ou  la  coupe ,  sous  une  espèce 
de  pavillon  ou  de  dais.  Voyez  Cor- 
demoy ,  Mém .  de  Tréo. ,  j  uillet 1 7 1  o, 
p.  1268 et  suiv.; Fleur)',  Mœurs  des 
Chrét.,  tlt.  XXXV. 

On  faisoit  plusieurs  cérémonies 
à  l'entrée  ou  sous  l'arcade  de  Vap- 
sis ,  comme  d'imposer  les  mains  , 
de  revêtir  de  sacs  et  de  cilices  les 
pénitents  publics.  Il  est  au.ssi  sou- 
vent fait  mention  dans  les  anciens 
monuments,  des  corps  des  saints 
qui  étoient  dans  V apsis.  C'étoient 
les  corps  des  saints  éveques,.ou 
d'autres  saints,  qu'on  y  transpor- 
loitavec grande  solennité.  Sjnod.  3 
Carth.  ,  can.  32  ,  Spelman. 

Le  trône  de   l'évêque  s'appeloit 


Alli\ 

anoicnncmcut  apsis  ,  d'où  quel- 
•jucs-uns  ont  cru  (ju'il  avoildoiiiic 
c<;  nom  à  la  parlie  de  la  basilique 
dans  laquelle  il  éloit  situé;  mais  , 
selon  d'autres,  il  l'avoit  emprunté 
de  ce  même  lieu.  Oji  l'appeloit  en- 
core apsis  gradala  ,  parce  qu'il 
étoit  élevé  de  quelques  degrés  au- 
dessus  des  sièges  des  prêtres  ;  en- 
suite on  le  nomma  e.xhedra ,  puis 
trône  et  tribune. 

Apsis  étoit  aussi  le  nom  d'un 
reliquaire  ou  d'une  châsse,  où  l'on 
renfermoit  anciennement  les  reli- 
ques des  saints ,  et  qu'on  nomnioit 
ainsi,  parce  que  les  reliquaires 
étoient  laits  en  arcade  ouen  voùfe; 
peut-être  aussi  à  cause  de  Vapsis 
où  ils  étoient  placés;  d'où  les  Latins 
ont  formé  capsa,  pour  exprimer 
la  même  chose.  Ces  reliquaires 
étoient  de  bois,  quelquefois  d'or, 
d'argent,  ou  d'autres  matières  pré- 
cieuses ,  avec  des  reliefs  et  d'autres 
ornements  ;  on  les  plaçoit  sur  l'au- 
tel ,  qui ,  comme  nous  l'avons  dit , 
faisoit  partie  de  Vapsis ,  qu'on  a 
aussi  nommé  quelquefois  le  chevet 
de  l'Eglise,  et  dont  le  fond,  pour 
l'ordinaire,  étoit  tourné  à  l'Orient. 
Voyez  Ducange,  Descript.  S.  So- 
pliice.  Spelman.  Flcury ,  loc.  cit. 

AQUAWENS.  Voy.  Encratites. 

AQUILA  ,  auteur  d'une  version 
de  laBible.  Voyez  Version. 

ARABE  (  Version  ).  Voyez 
RjBLE. 

ARABIE.  Saint  Paul  nous  ap- 
prend lui-même,  Galat. ,  c.  i, 
^.  17  et  suiv. ,  qu'immédiatement 
après  sa  conversion  ,  il  alla  prêcher 
rn  Arabie,  et  qu'il  y  demeura  trois 
an.'».  On  ne  peut  pas  douter  qu'il 
n'y  ait  fait  des  conversions  et 
fondé  une  Eglise.  Parmi  ceux  qui 
furent  témoins  de  la  descente  du 
Saint-Esprit  sur  les  apôtres  à  Jé- 
ru.salem,  le  jour  de  la  Pctilfcôtc  , 


AlVA  igrj 

il  y  avoit  des  Juils  de  VArabie. 
Act.  ,  c.  :î,S  II-  Les  interprètes 
de  l'Ecriture  ont  observé  que  la 
conversion  des  Arabes  avoit  été 
prédite  par  Isaïe ,  c.  1 1  ,  ^j!^.  i4  ,  où 
il  est  dit  que  le  peuple  du  Seigneur 
emportera  les  dépouilles  des  en- 
fants de  l'Orient;  et  c.42,  S-  i4  » 
le  prophète  dit  que  les  habitants 
de  Pétra,  ville  à' Arabie  ,  élève- 
ront la  voix  du  sommet  de  leurs 
montagnes,  et  rendront  gloire  à 
Dieu.  En  effet  ,  les  deux  évêchés 
principaux  de  VArabie  ont  été 
Bostreset  Pétra  ;  mais  il  y  en  avoit 
plusieurs  autres  ,  et  l'on  trouve  les 
noms  de  leurs  éveques  dans  les 
souscriptions  des  conciles. 

On  ne  peut  pas  douter  que  les 
Arabes  ne  soient  la  postérité  d'Is- 
maël  ;  ils  se  font  encore  gloire  au- 
jourd'hui de  descendre  d'Abra- 
ham. C'est  le  plus  ancien  peuple 
du  monde  ;  ils  n'ont  jamais  été 
chassés  de  leur  pays  ;  ils  y  ont  tou- 
jours subsisté  depuis  leur  premier 
établissement;  ils  n'ont  changé  ni 
leur  langage  ni  leurs  mœurs  ,  parce 
qu'ils  ne  se  sont  mêlés  avec  aucune 
autre  nation.  Aussi  conservent-ils 
encore  le  caractère  et  les  mœurs  de 
leur  père  Ismaël  ;  l'ange  du  Sei- 
gneur, en  annonçant  sa  naissance, 
dit  à  sa  mère  Agar  :  n  Ce  sera  un 
n  homme  sauvage ,  sa  main  sera 
»  levée  contre  tous ,  et  la  main  de 
»  tous  sera  contre  lui  ;  il  dressera 
»  ses  tentes  sous  les  yeux  de  ses 
»  frères.  »  Gcn. ,  c.  16,  ^.  i4' 
Vainement  lesEg)ptiens,  les  Grecs, 
les  Romains  ,  les  l'urcs,  ont  voulu 
subjuguer  les  Arabes,  ils  n'y  ont 
pas  réussi  pour  long-temps.  Ce 
peuple  se  maintient  dans  l'indé- 
pendance, et  préfère  la  liberté  à 
toutes  les  commodités  des  nations 
policées.  Depuis  près  de  quatre 
mille  ans ,  il  est  toujours  le  même. 
Un  homme  très-sen.'é ,  qui  l'a  vu 
de  près,  dit  querhez  un  Arabe  il 
croyoit  encore  être  dans  la  tente 
d'Abraham  ou  de  Jacob.  Ceux  du 


200  ARA 

désert  furent  convertis  vers  l'an  373 
parles  moines  qui  habitoient  dans 
leur  voisinage.  Théodoret,  1.  4> 
c.  23;  Sozom. ,  1.  6 ,  c.  38.  Ceux  de 
Y  Arabie  Heureuse  le  furent  sous 
l'empire  de  Constance  par  un  éve- 
que  arien.  Ce  peuple  est  accusé  par 
les  anciens  d'avoir  immolé  des 
victimes  humaines  ;  mais  on  peut 
reprocher  cette  barbarie  à  un 
grand  nombre  d'autres  nations. 

Nos  voyageurs  les  plus  modernes 
nous  avertissent  qu'il  n'est  pas  vrai 
que  les  Arabes  en  général ,  même 
ceux  que  l'on  nomme  Bédouins , 
Scénites ,  ou  habitants  du  désert, 
soient  voleurs,  perfides,  sans  lois 
et  sans  mœurs.  Niébuhr ,  qui  les  a 
vus  en  1762  et  1763,  les  peint  tout 
différemment  :  il  dit  qu'à  cet 
égard  il  n'a  aucun  reproche  à  faire 
contr'eux.  M.  de  Pages ,  qui  les  a 
visités  peu  de  temps  après,  en 
parle  de  même ,  Voyages  autour  du 
inonde,  t.  i ,  p.  307.  Les  Arabes, 
dit-il ,  ne  se  volent  jamais  entr'eux, 
et  vivent  très-sociablement;  mais 
une  tribu  est  souvent  en  guerre 
avec  une  autre  tribu,  et  alors  les 
hostilités  sont  réciproques.  Ils  ne 
volent  que  dans  le  désert  et  ras- 
semblés en  corps  de  nation^  parce 
que,  selon  l'ancien  préjugé,  ils 
regardent  tout  étranger  mconnu 
comme  un  ennemi ,  à  moins  qu'ils 
n'aient  fait  une  convention  avec 
lui,  et  qu'il  ne  leur  ait  payé  une 
espèce  de  tribut,  ou  qu'il  ne  soit 
protégé  par  l'un  d'entr'eux  ;  mais 
quand  on  a  un  Arabe  pour  sauve- 
garde, on  ne  risque  rien.  Comme 
ils  se  croient  maîtres  et  seigneurs 
du  désert,  ils  prétendent  qu'un 
c  tranger  n'a  pas  droit  de  passer  sur 
iours  terres,  sans  leur  permission, 
t>t  sans  leur  payer  un  tribut. 

Un  incrédule  célèbre,  pour  don- 
ner mauvaise  opinion  des  Juifs,  a 
répété  dix  fois  que  dans  l'origine 
c'éloil  une  horde  d'Arabes  Bé- 
douins. Quand  ce  fait  ne  seroit  pas 
évidemment  faux,  il  nes'enpuivroit 


AUA 

encore  rien,  puisque,  selon  le  té- 
moignage des  voyageurs,  les  Arabes 
Bédouins  ne  sont  pas  et  n'ont  ja- 
mais été  tels  que  cet  écrivain  a 
voulu  les  présenter. 

Mais,  vu  l'attachement  opiniâtre 
qu'ils  ont  toujours  conservé  pour 
leurs  anciennes  mœurs,  on  conçoit 
qu'il  n'a  pas  été  aisé  de  les  conver- 
tir au  christianisme,  et  qu'il  a  fallu 
pour  cela  un  grand  changement 
dans  leurs  habitudes  et  dans  leurs 
idées.  Cependant  l'an  207  ,  le 
christianisme  étoit  déjà  florissant 
dans  cette  contrée  ;  Origène  y  fit 
trois  voyages  pour  y  combattre  dif- 
férentes erreurs  ;  Béryllc  ,  évêque 
de  Bostres  ,  l'une  des  principales 
villes  de  V Arabie  ,  enseigna  qu'a- 
vant l'incarnation  Jésus-Christ 
n'étoit  point  une  personne  subsis- 
tante, qu'il  n'étoitDieu  depuis  son 
incarnation  que  dans  un  sens  im- 
propre ,  et  parce  qu'il  participoit 
à  la  divinité  du  Père.  Dans  les 
conférences  qu'il  eut  avec  Origène, 
il  abjura  son  erreur,  l'an  229.  Eu- 
sèbe,  Hist.  ecclés. ,  1.  6,  c.  20  et  33. 
Vers  l'an  247  ,  Origène  retourna 
en  Arabie  pour  faire  condamner 
l'erreur  des  arabiques  ,  et  il  se  tint 
un  concile  à  cette  occasion.  Eu- 
sèbe,  ibid.,c.  37.  Voyez  l'article  sui- 
vant. L'an  269,  l'évêque  de  Bostres 
assista  au  concile  d'Antioche. 
Titus  ,  éveque  de  cette  même  ville 
au  quatrième  siècle ,  écrivit  un 
traité  contre  les  manichéens,  qui 
subsiste  encore.  On  conjecture  que 
saintHippolyte,  qui  vivoit  au  troi- 
sième, étoit  évêque,  non  de  Porto 
en  Italie,  mais  d'Aden  en  Arabie, 
que  les  anciens  nommoieut  Portus 
Romanus.  Voyez  la  note  sur  Eusèbe, 
i.  6  ,  c.  20. 

Le  christianisme  s'est  conservé 
dans  celte  particdumonde  jusqu'à 
la  naissance  du  mahométisme  au 
septième  siècle  ;  alois  il  y  a  été 
entièrement  détruit.  Mais  au  cin- 
quième les  nestoriens  ,  et  ensuite 
les  eulychiens,  y  séduisirent  beau- 


ARIi 

coup  tic  personnes,  cl  furent  maî- 
tres tic  plusieurs  cvêclics.  11  n'est 
pas  nuMuc  certain  que  VArobic 
touteentièrc  ait  jamais  été  soumise 
à  l'Evangile  ,  puisqu'il  y  avoit  des 
itlolàtres  lorsque  Mahomet  y  prê- 
cha ses  erreurs. 

ARABIQUES  ,  secte  d'héréti- 
ques qui  s'élevèrent  en  Arabie  vers 
I  an  de  Jésus-Christ  207.  Ils  ensei- 
gnoient  que  l'àme  naissoit  et  mou- 
roitavec  le  corps,  mais  aussi  qu'elle 
rcssuscileroit  en  même  temps  que 
le  corps.  Eusébe,  liv.  vi,  chap.  87, 
rapporte  qu'on  tint  en  Arabie 
même,  dans  le  troisième  siècle,  un 
concile  auquel  assista  Origène,  qui 
convainquit  si  clairement  ces  hé- 
rétiques de  leurs  erreurs  ,  qu'ils 
les  abjurèrent  et  se  réunirent  à 
l'Eglise. 

ARBRE  DE  LA  SCIENCE  du 
bien  et  du  mal.  Il  est  dit  dans  la 
Genèse,  c.  2,  S •  9,  «l^e  Dieu  avoit 
planté  au  milieu  du  paradis  Varbre 
de  la  science  du  bien  et  du  mal  ,  et 
qu'il  défendit  à  l'hommedemanger 
de  son  fruit,  sous  peine  de  la  vie , 
S •  17.  On  demande  pourquoi  Dieu 
ne  vouloit  pas  qu'Adam  conniit  le 
bien  et  le  mal  ,  comment  un  fruit 
pouvoit  donner  cette  connois- 
sance  ;  c'est  une  ancienne  objection 
des  marcionites  et  des  manichéens. 
Tertull.  adv.  Marcion.,\.  2,  c.  28  ; 
saint  Augustin  contra  Faustuni  , 
1.  22,  c.  4 

Nous  lisons  dans  l'Ecclésiastique, 
c.  iy,S-  S,  que  Dieu  avoit  donné 
à  nos  premiers  parents  le  don  d'in- 
telligence,qu'il  leur  avoit  montré  le 
bien  et  le  mal.  Sans  celte  connois- 
sance  ,  ils  auroient  été  incapables 
de  pécher.  Mais  Dieu  ne  vouloit 
pas  qu'ils  connussent  par  expé- 
rience la  lionte  ,  les  regrets  ,  les 
remords  d'avoir  fait  le  raal ,  ni  qu'ils 
pussent  comparer  ce  sentiment 
avec  celui  de  l'innocence.  Voilà  ce 
que  lepcchc  leurapprit,cl  il  n'étoit 


AI\C  2oi 

pas  nécessaire  pour  cela  tjiie  le 
fruit  dont  ils  mangèrent  eîit  la 
vertu  physique  de  faire  connoîlre 
le  bien  et  le  mal. 

De  quelle  espèce  éloit  ce  fruit 
funeste  ?  Etoit-ce  une  pomme,  une 
poire,  une  figue,  etc.?  A  cette  im- 
portante question,  nous  répondon3 
que  Dieu  n'a  pas  trouvé  bon  de 
nous  l'apprentlre. 

Arbre  de  vie.  Des  commenta- 
teurs, qui  avoient  sans  doute  beau- 
coup deloisir,  ont  mis  en  question 
si  cet  arbre  étoit  le  même  que 
celui  de  la  science  du  bien  et  du 
mal.  Il  nous  paroît  que  l'Ecriture 
les  distingue  très-clairement;  elle 
dit  que  Dieu  avoit  placé  au  milieu 
du  paradis  Varbre  de  vie  et  Varbre 
de  la  science  du  bien  et  du  mal. 
Gen.,  c.  2,  y .  9.  La  vertu  qu'avoit 
le  premier  deprolongerla  vie  étoit- 
clle  naturelle  ou  surnaturelle  ? 
Cette  question  est  aussi  intéres- 
.sante  que  les  fables  forgées  par  les 
rabbins  sur  ces  deux  arbres  mer- 
veilleux. Nous  nous  contentons  de 
remarquer  que ,  selon  Salomon  , 
la  sagesse  est  Varbre  de  vis  pour 
tous  ceux  qui  l'embrassent,  Prov. , 
c.  3  ,  ^.  18  ,  et  que  Jésus-Christ 
mourant. sur  la  croix  ,  en  a  fait  un 
arbre  de  vie  plus  puissant  que  celui 
du  paradis.  Voyez  Rédemption. 

ARC-EN-CIEL.  Ce  qui  en  est 
dit  dans  l'Ecriture  sainte  a  semblé 
ridicule  à  plusieurs  incrédules. 
Après  le  déluge.  Dieu  dit  à  Noé  et 
à  sa  famille  :  «  Il  n'y  aura  plus 
»  désormais  de  déluge  qui  désole 
»  la  terre  ,  et  voici  le  signe  de  l'al- 
»  liance  que  je  fais  avec  vous  ,  ou 
»  de  la  promesse  que  je  vous  fais. 
»  Je  mettrai  mon  arc  dans  les  nues, 
M  et  lorsque  j'aurai  couvert  le  ciel 
»  de  nuages  ,  mon  arc  y  paroîtra  , 
»  et  je  me  souviendrai  de  la  prc- 
»  messe  que  j'ai  faite  de  vous  con- 
»  server  et  tous  lesanimaux.  »  Gen., 
c.9,^.  1 1  otsuiv.  i.°  Cela  suppose, 
disent  nos  critiques,  que  Varc-en- 


202  ARC 

ciel  n'avoil  pas  exislé  avant  le  dé- 
luge ,  puisque  Dieu  dit ,  je  nieilrai 
mon  arc  dans  les  nues:  or,  ce  pli  é- 
noméne  a  du  paroître  toutes  les 
fois  qu'il  a  plu  d'un  côte,  pendant 
que  le  soleil  luisoit  de  l'autre  ;  il 
n'est  donc  pas  probable  que  Noé 
et  sa  famille  n'eussent  jamais  vu 
Y  arc- en- ciel.  2.°  Il  est  ridicule  de 
donner  le  signe  de  la  pluie  pour 
sûreté  qu'il  n'y  aura  plus  d'inon- 
dation ,  et  que  l'on  ne  sera  pas 
noyé  ;  cela  prouve  que  l'auteur  de 
cette  histoire  étoit  très-mauvais 
physicien. 

Réponse.  Cela  prouve  plutôt  que 
les  censeurs  de  cet  historien  sont 
fort  téméraires,  i  °  Comme  les 
verbes  hébreux  ne  sont  que  des 
participes  indéterminés,  pour  tra- 
duire à  la  lettre,  il  faudroit  dire  : 
lYLe  voilà  metiani  mon  arc  dans  les 
nues,  et  cela  signifie  également  Je 
mets,  fai  mis  ou  je  meiirai.  2.°  En 
laissant  le  verbe  au  futur  il  ne  s'en- 
suit pas  encore  que  Varc-en-ciel 
n'avoit  pas  été  vu  avant  le  déluge, 
mais  qu'il  n'avoit  pas  paru  pen- 
dant le  déluge,  et  qu'il  alloitrepa- 
roître  de  nouveau.  3.°  En  effet  , 
Varc-en-ciel  ne  peut  avoir  lieu  lors- 
que les  nuées  sont  très-épaisses  , 
et  chargées  de  beaucoup  d'eau  , 
comme  cela  dut  être  pendant  le 
déluge  ;  on  ne  peut  donc  le  voir  que 
quand  les  nuages  sont  assez  légers 
et  assez  interrompus  pour  que  le 
soleil  puisse  darder  ses  rayons  au 
travers.  Donc  toutes  les  l'ois  que 
Varc-en-ciel  paroît  ,  c'est  un  signe 
certain  qu'il  ne  tombera  pas  assez 
de  pluie  pour  causer  une  inonda- 
tion générale  ;  ce  signe  étoit  donc 
très-propre  à  rassurer  Noé  et  ses 
enfants  contre  la  crainte  d'un  nou- 
veau déluge. 

Le  terme  d^alliance  ,  dont  se  sert 
l'écrivain  sacré ,  a  encore  ému  la 
bile  d'un  philosophe.  «  En  quoi 
»  consiste  donc ,  dit-il ,  cette  al- 
»  liance  que  Dieu  a  faite  avec 
»  l'homme   et  avec   les  animaux  ? 


ARC 

»  quelles  ont  été  les  conditions  du 
»  traité?  Que  tous  \i;&  animaux  se 
»  dévoreroient  les  uns  les  autres  , 
»  qu'ils  se  nourriroient  de  notre 
»  sang  et  nous  du  leur;  qu'après 
»  les  avoir  mangés,  nous  nous  ex- 

»  terminerions  avec  rage S'il  y 

»  avoit  jamais  eu  un  tel  pacte,  il 
»  auroit  été  fait  avec  le  diable.  » 

Le  ridicule  de  cette  tirade  est 
poussé  à  l'excès;  ce  philosophe  ne 
savoit  pas  que  le  même  terme  en 
hébreu  signifie  alliance  et  /pro- 
messe. Qu'est-ce ,  en  effet,  qu'une - 
alliance  ,  sinon  une  promesse  réci- 
proque .''  Toute  promesse  emporte  ) 
l'obligation  de  fidélité  d'un  côté  , 
de  confiance  et  d'obéissance  de 
l'autre.  Or ,  Dieu  promet  de  ne  plus 
désoler  la  terre,  de  ne  plus  exter- 
miner la  race  des  hommes  ni  des 
animaux  par  un  déluge  universel  ; 
il  dit  :  «  Tant  que  durera  la  terre  , 
»  les  semailles  et  la  moisson  ,  le 
»  chaud  et  le  froid,  l'été  et  l'hiver, 
»  le  jour  et  la  nuit  se  succéderont 
constamment  »•  Gen.  ,  c.  8 ,  y. 
22.  Cette  promesse  devoit  donc  en- 
gager Noé  à  cultiver  la  terre  et  à 
nourrir  dés  animaux,  sans  craindre  | 
d'être  frustré  du  fruit  de  ses  tra-  | 
vaux.  .   I 

Quoique  les  animaux  féroces  ef  \ 
carnassiers  dévorent  les  autres , 
quoique  les  hommes  en  détruisent 
beaucoup  pour  se  nourrir ,  cepen- 
dant les  espèces  utiles  ne  laissent 
pas  de  se  conserver  et  démultiplier  ; 
Dieu  leur  a  donné  une  fécondité 
relative  à  la  consommation  qui  s'en 
fait.  Malgré  les  dérangements  pas- 
sagers des  saisons ,  les  orages ,  les 
stérilités,  la  terre  continue  depuis 
le  déluge  à  fournir  la  subsistance 
à  ses  habitants  ,  quelque  nom- 
breux qu'ils  soient;  les  famines  ne 
sont  que  locales  et  passagères.  A 
mesure  que  la  population  augmen- 
te ,  on  trouve  le  moyen  de  rendre 
fertiles  des  terrains  qui  paroissent 
incapables  de  faire  aucune  pro- 
duction^  etc-Tous  ces  phénomènes 


ARC 
sonl  assez  beaux  pour  mcrilcr  l'at- 
tenlioii  des  philosophes  ,  et  assez 
merveilleux  pour  que.  l'auteur  sa- 
cré ait  eu  raison  «le  les  attribuer  à 
la  béncdi'Clion  «le Dieu.  Gen.,  c.  9', 
f.i. 

ARCHANGE,  substance  intel- 
sîgcjite  ou  ange  du  second  ordre 
de  la  hiérarchie  céleste.  Voyez 
Ange  et  IIiérarchte.  On  appelle 
CCS  esprits  archanges  ,  parce  qu'ils 
sont  au-dessus  des  anges  du  der- 
nier ordre,  dumot  grec  àpx/),  prin- 
cipauté, et  d'a7)'£).o;,  angc ;  saint 
Michel  est  considéré  comme  le 
prince  des  anges ,  et  on  l'appelle 
ordinairement  V  archange  saint 
Michel. 

ARCHE  D'ALLIANCE  ,  coffre 
d'un  bois  incorruptible  et  revêtu 
de  lames  d'or  ,  que  Moïse  avoit  fait 
construire  par  ordre  de  Dieu  , 
dans  lequel  il  avoit  renfermé  les 
deux  tables  de  la  loi ,  un  vase  rem- 
pli de  manne  ,  et  laverge  d'Aaron, 
qui  avoit  fleuri  dans  le  tabernacle. 
C'étoient  là  incontestablement  les 
objets  les  plus  respectables  de  la  re- 
ligion juive.  Ce  coffre  étoit  nom- 
mé arche  cC alliance  ,  parce  que  la 
loi  qu'il  renfermoit  étoit  le  titre 
de  Vaillance  que  Dieu  avoit  con- 
tractée avec  son  peuple  ;  il  fut  pla- 
cé derrière  un  voile  dans  le  sanc- 
tuaire du  tabernacle. 

Le  couvercle  de  ce  coffre  étoit 
nommé,  propitiatoire  ;  il  étoit  sur- 
monté de  deux  chérubins  d'or, 
dont  les  ailes  étendues  formoient 
une  espèce  de  siège,  qui  étoit  censé 
le  trône  de  la  majesté  divine.  Les 
deux  côtés  les  plus  longs  étoient 
armés  chacun  de  deux  anneaux 
d'or,  dans  lesquels  on  glissoit 
deux  bâtons  dorés,  qui  servoient 
à  transporter  Varche.  Deux  sacrifi- 
cateurs ou  deux  lévites  la  por- 
toicnt  sur  leurs  épaules,  comme 
l'on  porte  aujourd'hui  dans  les 
l'roccssions  les  chasses  des  reliques 


ARC  ,o3 

des  saints;  ce  soin  fut  particuliè- 
rement confié  aux  descendants  de 
Caalh  ,  fils  de  Lévi. 

\j\t relie ,  construite  au,  pied  du 
mont  Sinaï  l'an  du  monde  25i4, 
voyagea  pendant  quarante  ans  dans 
le  désert  avec  Moïse  et  Josué.  Après 
le  {)assage  du  Jourdain,  elle  fut 
placée  à  Galgal  dans  la  Palestine, 
et  y  resta  environ  sept  ans  ;  de  là 
elle  fut  transportée  avec  le  taber- 
nacle à  Silo ,  où  elle  demeura  trois 
cent  vingt-huit  ans.  L'an  2888,  les 
Israélites  l'en  tirèrent  pour  la  por- 
ter dans  leur  camp.  Dieu  permit 
qu'elle  fut  prise  par  les  Philistins, 
chez  lesquels  elle  demeura  sept 
mois  ;  par  les  fléaux  dont  Dieu  les 
affligea  ,  ils  furent  forcés  de  la  ren- 
voyer à  Belhsamès  :  quelques  Beth- 
samites  ayant  voulu ,  par  curiosité, 
voir  ce  qu'elle  renfermoit,  furent 
frappés  de  mort.  De  là  elle  fut  con- 
duite à  Cariathiarim  ,  et  placée  sur 
la  partie  la  plus  élevée  de  la  ville 
de  Gabaa  ,  dans  la  maison  d'Ami- 
nadab  ,  où  elle  resta  soixante-dix 
ans.  David  l'en  tira  l'an  du  monde 
2989  :  dans  le  transport ,  Oza  ayant 
voulu  y  porter  la  main  pour  la  sou- 
tenir, fut  frappé  de  mort.  David 
effrayé  n'osa  la  conduire  chez  lui , 
il  la  fit  déposer  dans  la  maison  d'O- 
bédédom.  Trois  mois  après  ,  il  la 
transféra  dans  son  palais  sur  le 
mont  de  Sion;  elle  y  resta  quarante- 
deux  ans  ,  jusqu'à  ce  que  Salomon 
la  fit  placer  dans  le  sanctuaire  du 
temple  qu'il  venoit  de  bâtir;  elle  y 
fut  environ  quatre  cents  ans,  jus- 
qu'au siège  de  Jérusalem  parNabu- 
chodonosor. 

Pendant  ce  siège,  Jérémie  la  fit 
cacher  dans  un  souterrain,  afin 
qu'elle  ne  tombât  pas  entre  les 
mains  des  Chaldéens  ;  après  leurre- 
traite  ,  il  la  fittransporter  dans  une 
caverne  du  mont  Nébo,  située  au- 
delà  du  Jourdain  ,  et  célèbre  par 
la  sépulture  de  Moïse,  et  en  ferma 
l'entrée.  Il  ncparoît  pas  par  l'his- 
loirc  qu'elle  en  ail  jamais   élé  ti-' 


2o4  ARC 

rce;  les  Juifs  ont  toujours  été  per- 
suadés qu'elle  n'étoit  pas  dans  le 
second  temple  bâti  parZorobabel. 
Voyez  1.2,  MacJiabées  ,  c.  2.  Voyez 
dans  les  planches  de  Vhistoire  an- 
cienne la  figure  de  Varche  d'alliance. 
Dans  la  bible  d'Avignon,  tome  XII, 
p.  523,  il  y  a  une  dissertation  où 
l'on  examine  si  cette  arche  fut  ca- 
chée par  Jérémie,  et  si  un  jour 
elle  doit  reparoître. 

Les  juifs  modernes  ont  dans  leurs 
synagogues  un,e  espèce  à^archc  ou 
d'armoire  dans  laquelle  ils  renfer- 
ment leurs  livres  sacrés,  à  l'imita- 
tion de  Varche  d'alliance  ;  ils  la 
nomment  Aron.  Tertullien  en 
parle  déjà,  et  la  nomme  amiarium 
/udaicurn  ;  de  là  l'expression ,  niel- 
ire  dans  V armoire  de  la  synagogue  , 
pour  dire ,  mettre  au  nombre  des 
livres  canoniques . 

Arche  de  Noé  ,  sorte  de  vais- 
seau ou  de  bâtiment  flottant  qui 
fut  construit  parJVbe,  afin  de  pré- 
server du  déluge  sa  famille  et  les 
différentes  espèces  d'animaux  que 
Dieu  avoit  ordonné  à  ce  patriarche 
d'y  faire  entrer.   Voyez  Déluge. 

Les  critiques  ont  fait  beaucoup 
de  recherches  et  imaginé  différents 
systèmes  sur  la  forme  y-  la  gran- 
deur, la  capacité  de  l'arc/tc  deNoé, 
sur  les  matériaux  employés  à  sa 
construction  ,  sur  le  temps  qu'il 
fallut  pour  la  bâtir,  sur  le  lieu  où 
elle  s'arrêta  lorsque  les  eaux  du 
déluge  se  retirèrent  ,  etc.  Nous 
parcourrons  tous  ces  points  le 
plus  brièvement  qu'il  nous  sera 
possible. 

i.°  On  croit  que  Noé  employa 
cent  ans  à  bâtir  Varche  ;  savoir  , 
depuis  l'an  du  monde  i555  jus- 
qu'en i656,  temps  auquel  arriva 
le  déluge.  C'est  l'opinion  d'Ori- 
gcne  ,  liv.  4  ,  contre  Celse;  de  saint 
Augustin,  de  Cioitate  Dei,  lib.  i5, 
c.  27  ;  contra  Faust.,  lil».  12,  c.  ï8  ; 
Quœst.  in  Gènes.  ,  n.  5  et  aS;  de 
liiipert  sur /a  Genèse,  liv.  4,  c.  22. 
Ils  ont  é  lé  suivis  par  Sa]  ien,Sponde, 


ARC 

Le  Pelletier,  etc.  D'autres  inter- 
prètes prolongent  ce  terme  jusqu'à 
six  vingts  ans.  Bérosc  assure  que 
Noé  ne  conimença  à  bâtir  Varche 
que  soixante-dix-huit  ans  avant  le 
déluge  ;  un  rabbin  n'en  compte  que 
cinquante-deux  ;  les  mahométans 
ne  donnent  à  ce  patriarche  que 
deux  ans  pour  la  construire.  Par 
le  texte  de  la  Genèse,  il  est  certain 
d'un  côté  que  le  déluge  arriva  l'an 
six  cent  de  Noé,  de  l'autre ,  qu'il 
étoit  âgé  de  cinq  cents  ans  lors- 
qu'il eut  Sem ,  Cham  et  Japhet  ; 
d'où  il  s'ensuit  que  l'opinion  de 
Bérose  paroît  la  plus  probable.  En 
effet,  selon  le  Père  Fournier,  dans 
son  hydrographie  ,  et  selon  le  sen- 
timent des  Pères,  Noé  fut  aidé  dans 
son  travail  par, ses  trois  fils  :  ces 
quatre  personnes  suffirent  pour  le 
finir  ;  puisque  Archias  de  Co- 
rinthe  ,  avec  le  secours  de  trois 
cents  ouvriers,  construisit  en  un 
an  le  grand  vaisseau  d'Hiéron ,  roi 
de  Syracuse. 

Quand  on   supposeroit    Varche 
beaucoup  plus  grande  ,  et  bâtie  en  , 
soixante-dix-huit  ans ,   il  faudroit  ^ 
faire  attention  aux  forces  des  hom-  I 
mes  du  premier  âge  du  monde  ,  j 
qui    ont    toujours    été    regardés  ' 
comme    beaucoup    plus    robustes 
que  ceux   des  temps   postérieurs. 
Par  ces  réflexions  ,   l'on  peut  ré-   j 
pondre  aux  objections  de  ceux  qui 
prétendent  que  l'aîné  des  enfants 
de  Noé  ne   naquit   qu'environ    le 
temps  auquel  Varche  fut  commen- 
cée ,  que  le  plus  jeune  ne  vint  au 
monde  que  lorsque  l'ouvrage  étoit 
déjà  fort  avancé ,  qu'il  se  passa  par 
conséquent  un  temps  considérable 
avant  qu'ils  fussent  en  état  de  ren- 
dre service  à  leur  père.  On  détruit 
également    ce    que    d'autres    ob- 
jectent ,   qu'il  est  impossible  que 
trois  ou  quatre  hommes  aient  suffi 
pour  construire  un  bâtiment  au- 
quel il  falloit  employer  une  pro- 
digieuse quantité  d'arbres ,  et  un 
nombre  infini    de    bras   pour  les 


ARC 

façonner.  Que  sait-on  «l'ailleurs  si 
J^oé  ne  se.  fil  pas  aider  par  des  ou- 
vriers ? 

a."  Le  bois  qui  servit  à  bâtir 
Yarche  est  appelé  dans  l'Ecriture 
hetsé  gopher ,  que  les  septante  tra- 
duisent parfois  équarri  ;  Onké\os 
et  Jonathan,  bois  de  cèdre;  saint 
Jérôme,  bois  taillé  ou  poli,  et  ail- 
leurs ,  bois  goudronné ,  ou  enduit 
de  bitume  ;  Kimchi  dit  que  c'étoit 
un  bois  léger  ;  Valable,  un  bois 
qui  demeure  dans  l'eau  sans  se  cor- 
rompre ;  Junius  ,  Tremellius  et 
Buxtorf ,  une  espèce  de  cèdre  ap- 
pelé par  les  Grecs  xs^peXdxn-  M.  Le 
Pelletier  de  Rouen  pense  de  même, 
parce  que  ce  bois  incorruptible  est 
très  -  commun  dans  l'Asie.  Selon 
Hérodote  et  Aristophane,  les  rois 
d'Egypte  et  de  Syrie  employoient 
le  cèdre  au  lieu  de  sapin  à  la  con- 
struction de  leurs  flottes  ;  mais  on 
ne  doit  pas  faire  beaucoup  de  fond 
sur  la  tradition  reçue  dans  tout 
l'Orient  ,  qui  veut  que  Varche  se 
soit  conservée  jusqu'à  présent  toute 
entière  sur  le  mont  Ararat. 

Bochart  soutient  que  gopher  est 
le  cyprès ,  parce  que  dans  l'Ar- 
ménie et  dans  l'Assyrie,  où  pro- 
bablement Varche  fut  construite , 
il  n'y  a  que  le  cyprès  qui  soit  propre 
à  construire  un  long  vaisseau  tel 
que  Varche.  Arrien  ,  liv.  7 ,  et 
Strabon,  liv.  16,  racontent  qu'A- 
îexandre  voulant  faire  construire 
une  flotte  dans  la  Babylonie ,  lut 
obligé  de  faire  venir  des  cyprès 
d'Assyrie.  Or,  il  n'est  pas  vraisem- 
blable que  Noé  avec  ses  enfants  , 
obligés  de  faire  un  vaisseau  si  vaste 
en  si  peu  de  temps ,  aient  encore 
été  dans  la  nécessité  de  tirer  de 
loin  les  bois  de  construction. 

D'autres  enfin  croient  que  l'hé- 
breu gopher  signifie  en  général  des 
bois  gras  et  résineux  ,  comme  le 
pin,  le  sapin  ,  le  térébinthe.  On 
ne  doit  faire  aucune  attention  aux 
fables  que  les  mahomélans  ont  for- 
cées à  ce  sujet. 


AIVC  205 

3°  Selon  Moïse  ,  Varclie  avoit 
trois  cents  coudées  de  long,  cin- 
quante de  large  ,  et  trente  de 
hauteur.  Plusieurs  critiques  ont 
prétendu  que  ces  mesures  ne  don- 
noicnt  pas  une  capacité  suffisante 
pour  contenir  tous  les  animaux  et 
les  provisions  que  Varche  devoit 
renfermer.  Celse  s'en  est  moqué  , 
et  a  nommé  ce  bàtinient  Varche 
d'absurdité. 

Pour  résoudre  cette  difficulté, 
les  Pères  et  les  commentateurs  ont 
recherché  quelle  étoit  la  grandeur 
de  la  coudée  dont  Moïse  a  parlé. 
Origène ,  saint  Augustin  et  d'au- 
tres, ont  pensé  qu'il  étoit  question 
des  coudées  géométriques  des  Egyp- 
tiens ,  qui  contenoient,  selon  eux, 
six  coudées  vulgaires  ou  neuf  pieds. 
Mais  on  ne  voit  pas  que  ces  cou- 
dées aient  été  en  usage  chez  les 
Hébreux.  Dans  cette  supposition  , 
Varche  auroit  eu  2700  pieds  de  lon- 
gueur ;  ce  qui,  joint  aux  autres 
dimensions,  lui  eût  donné  une  ca- 
pacité énorme  et  superflue.  Quel- 
ques-uns ont  dit  que  les  hommes 
d'alors  étant  plus  grands  que  ceux 
d'aujourd'hui  ,  leur  coudée  étoit 
aussi  plus  longue  ;  mais  par  la 
même  raison,  les  animaux  dévoient 
être  aussi  plus  grands  et  occuper 
plus  de  place. 

D'autres  supposent  que  Moïse 
parle  de  la  coudée  sacrée,  qui  étoit 
de  la  largeur  de  la  main  plus  grande 
que  la  coudée  ordinaire  ;  mais  il 
ne  paroît  pas  que  cette  mesure  ait 
été  employée  ailleurs  que  dans  les 
édifices  sacrés  comme  étoient  le 
temple  et  le  tabernacle 

Buteo  et  le  Père  Kircher  pa- 
roissent  avoir  mieux  rencontré  , 
en  supposant  la  coudée  de  la 
longueur  d'un  pied  et  demi.  Ils 
prouvent  géométriquement  qu'a- 
vec cette  mesure  Varche  étoit  très- 
suffisante  pour  renfermer  tous  les 
animaux  et  toutes  les  provisions 
nécessaires  pour  les  nourrir  pen- 
dant un  an.  On  est  encore  moins 


2o6  ARC 

gêné  à  cet  cf;ard  dans  le  sentiment 
de  MM.  Le  Pelletier  ,  Graves  , 
Cumberland  et  Newton  ,  qui  don- 
nent à  l'ancienne  coudée  hébraïque 
la  même  longueur  qu'à  l'ancienne 
coudée  de  Memphis  ,  c'est-à-dire  , 
environ  vingt  pouces  et  demi ,  me- 
sure de  Paris. 

Snellius  a  prétendu  que  Varche 
avoit  plus  d'un  arpent  et  demi  de 
superficie;  Cunéus  et  Budée  n'ont 
pas  calculé  de  même  ;  Arbuthnot 
compte  qu'elle  avoit  quarante  fois 
huit  mille  cent  soixante-deux  pieds 
cubiques  de  capacité.  Le  Père  Lami 
juge  qu'elle  étoit  de  cent  dix  pieds 
plus  longue  que  l'église  de  Saint- 
Merry  à  Paris  ,  et  de  soixante- 
quatre  pieds  plus  étroite.  Son 
traducteur  anglois  ajoute  qu'elle 
étoit  plus  longue  que  ne  l'est  l'é- 
glise de  Saint-Paul  à  Londres  de 
l'est  à  l'ouest  ,  et  qu'elle  avoit 
soixante-quatre  pieds  de  hauteur 
selon  la  mesure  angloise 

4.°  Outre  les  huit  personnes  qui 
composoient  la  famille  de  Noé  , 
Varche  contenoit  une  paire  de  cha- 
que espèce  d'animaux  impurs  ,  et 
sept  d'animaux  purs  ,  avec  leur 
provision  d'aliments  pour  un  an. 
A.U  premier  coup  d'œil  ,  cela  peut 
paroître  impossible  ;  mais  quand 
on  en  vient  au  calcul ,  on  trouve 
que  le  nombre  des  animaux  n'est 
pas  si  grand  qu'on  se  l'étolt  d'a- 
bord imaginé.  Nous  ne  connois- 
sons  guère  que  cent  ou  tout  au  plus 
cent  trente  espèces  de  quadru- 
pèdes, environ  autant  d'oiseaux, 
et  quarante  espèces  de  ceux  qui 
vivent  dans  l'eau.  Les  natura- 
listes comptent  ordinairement  cent 
soixante  et  dix  espèces  d'oiseaux  en 
tout.  Wilkins  ,  évêque  de  Chester, 
prétend  qu'il  n'y  avoit  que  soixante 
et  douze  espèces  de  quadrupèdes 
qui  fussent  nécessairement  dans 
Varche. 

5.°  Suivant  la  description  que 
Moïse  fait  Je  cet  édifice ,  il  paroît 
qu'il  éloit  sépai-c  en  trois  étages  , 


ARC 

qui  avoient  chacun  dix  coudées  ou 
quinze  pieds  de  hauteur.  Proba- 
blement l'étage  le  plus  bas  étoit 
occupé  par  les  quadrupèdes  et  par 
les  reptiles ,  celui  du  milieu  par 
les  provisions,  celui  d'cn-haut  par 
les  oiseaux  ,  par  Noé  et  par  sa 
famille;  chaque  étage  devoit  être 
divisé  en  plusieurs  loges.  Phllon , 
Josèphe ,  et  d'autres  commenta- 
teurs ,  imaginent  encore  un  qua- 
trième étage  sous  les  autres  ,  qui 
étoit  comme  le  fond  de  cale  du 
vaisseau ,  qui  contenoit  le  lest  et 
les  excréments  des  animaux. 

Drexélius  pense  que  Varche  éloii 
divisée  en  trois  cents  loges  ou  ap- 
partements ;  le  Père  Fournier  en 
compte  trois  cents  vingt  -  trois  ; 
l'auteur  des  Questions  sur  la  Ge~ 
nèse,  quatre  cents.  Budée,  Arias, 
Montanus  ,  Wilkins,  le  Père  Lami, 
supposent  autant  de  loges  qu'il  y 
avoit  d'espèces  d'animaux.  M.  Le 
Pelletier  et  Buteo  en  mettent  beau- 
coup moins  ,  parce  que,  si  on  les 
mullipllolt  trop  ,  chacune  des  huit 
personnes  qui  étoient  dans  Varche 
auroit  eu  quarante  ou  cinquante 
loges  à  pourvoir  et  à  nettoyer  par 
jour  ;  ce  qui  est  impossible. 

Peut-être  y  a-t-Il  autant  de  dif- 
ficulté à  diminuer  le  nombre  des 
loges ,  à  moins  qu'on  ne  diminue 
le  nombre  des  animaux  ;  il  paroît 
plus  difficile  de  prendre  soin  de 
trois  cents  animaux  dans  soixante- 
douze  loges,  que  s'ils  occupoient 
chacun  la  leur. 

Budée  a  calculé  que  tous  les 
.animaux  renfermés  dans  Varche  ne 
dévoient  pas  tenir  plus  de  place 
que  cinq  cents  chevaux  ou  cin- 
quante-six paires  de  bœufs.  Le 
Père  Lami  porte  ce  nombre  à 
soixante  -  quatre  paires,  ou  cent 
vingt-huit  bœufs.  Selon  lui  ,  en 
supposant  que  deux  chevaux  ne 
tiennent  pas  plus  de  place  qu'un 
bœuf,  si  VarcJic  a  eu  de  l'espace 
pour  deux  cent  cinquante-six  che- 
vaux ,  elle  a  pu  contenir  tous  les 


ARC 
animaux  :  il  dcmonlrc  qu'un  soûl 
étage  pouvoit  contenir  cinq  cents 
chevaux ,  en  comptant  neui  pieds 
carrés  potir  un  cheval. 

Quant  à  te.  qui  regarde  les  ali- 
ments contenus  dans  le  second 
étage,  Budée  a  observé  que  trente 
ou  quarante  livres  de  foin  suffisent 
ordinairement  à  un  Lœuf  pour  sa 
nourriture  journalière,  et  qu'une 
coudée  solide  de  foin  ,  pressée 
comme  elle  est  dans  les  greniers 
ou  magasins  ,  pèse  environ  qua- 
rante livres.  Or  ,  il  paroît  que  le 
second  étage  avoit  cent  cinquante 
mille  coudées  cubes.  Si  on  les  di- 
vise entre  deux  cent  six  bœufs,  il 
y  aura  deux  tiers  de  foin  plus 
qu'ils  n'en  pourront  manger  dans 
un  an. 

Selon  le  calcul  de  Wilkins  ,  tous 
les  animaux  carnassiers  sont  équi- 
valents ,  pour  leur  volume  et  pour 
leur  nourriture,  à  vingt-sept  loups, 
et  tous  les  autres  à  deux  cent  huit 
bœufs.  Pour  la  nourriture  des 
premiers ,  il  met  mille  huit  cent 
vingt-cinq  brebis ,  et  pour  celle 
des  seconds,  cent  neuf  mille  cinq 
cents  coudées  de  foin  :  or ,  les 
deux  premiers  étages  étoient  plus 
que  suffisants  pour  contenir  le 
tout.  Quant  au  troisième  ,  tout  le 
monde  convient  qu'il  y  avoit  plus 
de  place  qu'il  n'en  falloit  pour  les 
oiseaux,  pour  Noé  et  sa  famille, 
et  pour  leur  nourriture. 

Ce  savant  évêque  observe  qu'il 
est  plus  difficile  d'évaluer  la  capa- 
cité de  Varche  ,  que  d'y  trouver 
une  place  suffisante  pour  toutes 
les  espèces  d'animaux  connus.  La 
cause  est  l'imperfection  de  nos 
listes  d'animaux,  surtout  des  ani- 
maux des  parties  du  monde  qui 
ne  sont  pas  encore  fréquentées  et 
suffisamment  connues.  Il  ajoute 
que  le  plus  habile  mathématicien 
«le  nos  jours  ne  détermincroit  pas 
mieux  les  dimensions  d'un  vaisseau 
tel  que  Varche,  qu'elles  ne  le  sont 
dans    l'Ecriture  ,    relativement    à 


AIIC  207 

l'usage  au(iucl  Varche  éloit  des- 
tinée ;  d'où  il  conclut  que  la  nar- 
ration de  Moïse  dont  on  a  voulu 
faire  une  objection  contre  la  vérité 
de  l'Ecriture  sainte,  en  est  plu- 
tôt une  preuve.  En  effet,  il  est  à 
présumer  que  dans  les  premiers 
âges  du  monde  ,  les  hommes  , 
moins  exercés  qu'aujourd'hui  dans 
les  sciences  et  dans  les  arts ,  dé- 
voient être  aussi  plus  sujets  à  des 
erreurs  de  calcul  ;  cependant ,  si 
l'on  avoit  aujourd'hui  à  propor- 
tionner un  vaisseau  à  la  masse  des 
animaux  et  à  leur  nourriture  ,  on 
ne  s'en  acquittei'olt  pas  mieux  : 
par  conséquent  Varche  ne  peut 
être  une  invention  de  l'esprit  hu- 
main. En  pareil  cas,  les  hommes 
sont  exposés  à  grossir  prodigieuse- 
ment les  objets  ;  il  seroit  donc 
arrivé  dans  les  dimensions  de 
Varche  de  Noé ,  ce  qui  arrive  dans 
l'estimation  du  nombre  des  étoiles 
par  la  seule  vue.  De  même  que  l'on 
juge  d'abord  le  nombre  des  étoiles 
infini,  on  auroit  poussé  les  dimen- 
sions de  Varche  à  une  grandeur 
démesurée ,  et  l'on  auroit  produit 
un  bâtiment  beaucoup  plus  grand 
qu'il  ne  falloit;  l'historien  auroit 
plus  péché  par  l'excès  de  capacité 
qu'il  lui  auroit  donnée,  que  ceux 
qui  attaquent  son  histoire  ne  pré- 
tendent qu'il  pèche  par  défaut. 

M.  Le  Pelletier  de  Rouen  et 
Buteo  ont  encore  poussé  plus  loin 
l'exactitude  et  la  précision  ;  voici 
l'extrait  de  leur  travail ,  tel  qu'il  a 
été  donné  par  dom  Calmet ,  dans 
sa  Dissertation  sur  Varche  de  Noé. 

Le  premier  suppose  que  Varche 
étoit  un  bâtiment  de  la  figure  d'un 
parallélipipède  rectangle,  dont  on 
peut  diviser  la  hauteur  intérieure 
en  quatre  étages.  Il  donne  trois 
coudées  et  demie  au  premier,  sept 
au  second,  huit  au  troisième,  six 
et  demie  au  quatrième  ;  il  laisse 
les  cinq  coudées  restantesdes  trente 
de  la  hauteur,  pour  les  épaisseurs 
du  fond  ,  du  comble,  et  des  trois 


2o8  ARC 

ponts  ou  planchers  des  trois  der- 
niers étages. 

Le  premier  étage  ctoit  le  fond  , 
ou  ce  que  l'on  appelle  la  carène 
dans  les  navires  ;  le  second  servoit 
de  grenier  ou  de  nnagasin  ;  dans  le 
troisième  étoienl  les  étables  ;  dans 
le  quatrième  ,  les  volières.  Mais 
comme  la  carène  ne  se  comptoit 
point  pour  un  étage ,  et  ne  servoit 
que  d'ui»  réservoir  d'eau  douce  , 
Varche  n'en  avoit  proprement  que 
trois,  comme  l'Ecriture  le  dit, quoi- 
que les  commentateurs  en  aient  sup- 
posé quatre  en  comptant  la  carène. 

Il  ne  veut  que  trente-six  étables 
pour  les  animaux  terrestres  ,  et 
autant  pour  les  oiseaux  ;  chaque 
étable  pouvoit  avoir  quinze  coudées 
quatre  neuvièmes  de  long,  dix-sept 
de  large  et  huit  de  hauteur  ;  par 
conséquent  vingt-six  pieds  et  demi 
de  long,  vingt-neuf  de  large,  treize 
et  demi  de  haut,  puisque  M.  Le 
Pelletier  donne  à  sa  coudée  vingt 
pouces  et  demi ,  mesure  de  Paris. 
Les  trente-six  volières  étoient  de 
même  étendue  que  les  étables. 

Pour  charger  également  Varche, 
Noé  avoit  pu  remplir  les  étables 
et  les  volières,  en  commençant  par 
celles  du  milieu,  des  plus  gros  ani- 
maux et  des  plus  grands  oiseaux. 
Un  calcul  exact  démontre  qu'il 
pouvoit  y  avoir  plus  de  trente-un 
mille  cent  soixante-quatorze  muids 
d'eau  douce  dans  la  carène;  c'est 
plus  qu'il  n'en  falloit  pour  abreu- 
ver pendant  un  an  quatre  fois  au- 
tant d'hommes  et  d'animaux  qu'il 
y  en  avoit  dans  Varche.  Il  en  est 
de  même  de  la  capacité  du  grenier 
pour  contenir  la  nourriture  né- 
cessaire à  tous  pendant  un  an. 

Dans  le  troisième  étage,  Noé  a 
pu  construire  trente-six  loges  pour 
y  serrer  les  ustensiles  de  ménage  , 
les  instruments  de  labourage,  les 
grains ,  les  semences ,  etc.  ,  une 
cuisine,  une  salle,  quatre  cham- 
bres, et  un  espace  de  quarante- 
luiil  coudées  pour  se  promener. 


ARC 

M.  Le  Pelletier  place  la  porte 
de  Varche,  non  dans  l'un  des  côtés 
delà  longueur  où  elle auroit  gâté  la 
symétrie  et  ôté  l'équilibre,  mais 
à  l'un  des  bouts. 

Quelques-uns  ont  cru  qu'un 
l'éservoir  d'eau  douce  n'étoit  pas 
nécessaire,  que  l'eau  de  la  mer 
mêlée  avec  les  eaux  du  déluge  pou- 
voit être  assez  potable  ;  ils  se 
sont  trompés  :  l'expérience  prouve 
qu'un  tiers  d'eau  salée  mêlée  avec 
deux  tiers  d'eau  douce,  est  encore 
uneboisson insupportable.  Comme 
Varche  cessa  de  flotter  sur  les  eaux 
le  vingt-septième  Jour  du  septième 
mois  ,  elle  demeura  à  sec  sur  le» 
montagnes  d'Arménie  pendant 
près  de  sept  mois,  pendant  les- 
quels Noé  ne  pouvoit  pas  avoir  de 
l'eau  du  dehors. 

Le  Père  Jean  Buteo,  né  en  Dau- 
phiné  ,  religieux  de  l'ordre  de  saint 
Antoine  de  Viennois ,  dans  son 
Traité  de  Varche  de  Noé  écrit  au 
seizième  siècle ,  suppose  que  la 
coudée  dont  parleMoïsen'avoit  que 
dix-huitpouces  comme  la  nôtre;  ce- 
pendant il  ne  laisse  pas  de  trouver 
dans  les  dimensions  données  par 
Moïse  tout  l'espace  nécessaire  pour 
loger  dans  Varche  les  hommes,  les 
animaux  et  les  provisions.  Il  pense 
que  Varche  étoit  composée  de  plu- 
sieurs sortes  de  bois  gras  et  rési- 
neux, qu'elle  étoit  enduite  du  bi- 
tume dont  l'Assyrie  abonde,  qu'elle 
avoit  la  forme  d'un  parallélipipèdc, 
avec  les  dimensions  que  lui  donne 
l'Ecriture  mesurées  à  notre  coudée. 

Il  y  suppose  quatre  étages ,  le 
premier  de  quatre  coudées  de  hau- 
teur, le  second  de  huit,  le  troisième 
de  dix  ,  le  dernier  de  huit  ;  il  des- 
tine le  premier  à  servir  de  sentine, 
le  second  est  pour  les  étables ,  le 
troisième  pour  les  provisions ,  le 
plushautpour  la  demeure  deshom- 
mes, des  oiseaux,  des  ustensiles,  etc. 
Il  place  la  porte  à  vingt  coudées 
près  du  bout  de  l'un  des  côtés,  la 
fait  ouvrir  et  fermer  en  pou t-lcvis; 


ARC 

îl  mcl  1.1  fenêtre  au  liant  divi'ap- 
partcment  des  hommes,  et  prétend 
que  les  animaux  n'avoient  pas 
besoin  de  iunuèrc.  Il  élève  lemilieu 
du  comble  d'une  coudée  de  hauteur 
dans  toute  sa  longueur. 

Dans  le  second  étage ,  il  met  une 
allée  de  six  coudées  de  large  et  de 
trois  cents  coudées  de  long,  une 
autre  qui  la  coupe  à  angles  droits, 
et  deux  autres  parallèles.  Par  cette 
distribution  il  forme  quarante 
petites  étables  ou  cellules,  soixante 
grandes  étables  et  quarante  moyen- 
nes. 

Or,  en  réduisant  tous  les  ani- 
maux renfermés  dans  Varche  à  la 
grandeur  du  bœuf,  du  loup  et  du 
mouton,  il  juge  qu'ils  étoient  égaux 
à  cent  vingt  bœuis ,  à  quatre-vingts 
loups  et  quatre-vingts  moutons. 
Il  soutient  que  les  étables ,  telles 
qu'il  les  suppose,  pouvoient  con- 
tenir soixante  paires  de  bœufs  , 
quarante  paires  de  loups,  et  qua- 
rante paires  de  moutons.  Pour 
nourrir  les  betes  carnassières  , 
il  pense  que  trois  mille  six  cent 
cinquante  moutons  pouvoient  suf- 
fire pour  leur  en  donner  dix  par 
jour,  ou  un  à  quatre. 

Il  perce  toutes  les  étables  par 
le  bas,  pour  que  les  ordures  des 
animaux  tombent  dans  la  sentine 
et  servent  de  lest  ;  il  y  met  des 
soupiraux  qui  remontent  jusqu'au 
dernier  étage,  pour  donner  de  l'air 
et  prévenir  l'infection. 

En  divisant  le  troisième  étage 
comme  le  second,  il  trouve  suf- 
fisamment d'espace  pour  placer 
toutes  les  provisions  ,  toutes  les 
commodités  dont  Noé  et  sa  famille 
pouvoient  avoir  besoin,  toutes  les 
facilités  pour  soigner  sans  beau- 
coup de  travail  les  différentes 
espèces  d'animaux.  Toute  la  capa- 
cité de  Varche,  selon  son  calcul  , 
et  en  prenant  la  coudée  à  dix- 
huit  pouces, étoil  de  six  cent  soixan- 
te -  quinze  mille  pieds  ;  elle  avoit 
quatre  cent   cinquante   pieds    de 


AUC  209 

long,  soixanle-cjuinzc  de  large,  et 
quarante-cinq  de  haut. 

Quelque  ingénieuses  que  soient 
les  idées  du  père  Butec,  quehjue 
exact  que  soit  son  calcul,  M.  Le 
Pelletier  trouve  plusieurs  difficul- 
tés dans  son  système,  i."  La  coudée 
dont  parle  Moïse  étoit  celle  de 
Memphis,  plus  courte  d'un  sep- 
tième que  celle  de  Paris.  2.^  Un 
bâtiment  plat  et  carré,  plus  long 
et  plus  large  que  haut,  n'a  pas  be- 
soin de  lest  pour  l'empêcher  de 
tourner,  de  quelque  manière  qu'on 
le  charge.  3.o  Les  animaux  seroient 
mal  placés  entre  des  fumiers  et 
des  provisions  ;  ils  auroient  été 
sous  l'eau ,  privés  de  la  lumière , 
en  danger  d'être  étouffés  ;  on  pré- 
vient ces  inconvénients  en  les  met- 
tant au  troisième  étage. 4.°  La  pesan- 
teur des  animaux  ne  pouvant  aller  à 
soixante-dix  milliers,  au  lieu  que 
celle  des  provisions  pouvoit  se 
monter  à  plus  de  dix  millions  de 
charge  ,  il  n'est  pas  convenable  de 
placer  les  provisions  au-dessus  des 
animaux.  5.°  La  porte,  placée  à 
un  des  côtés  de  Varcfie,  avec  une 
allée  vide  dans  toute  la  longueur, 
auroit  rendu  Varche  plus  pesante 
d'un  côté  que  de  l'autre,  et  incom- 
mode dans  sa  totalité,  etc. 

Mais,  comme  le  remarque  dom 
Calmet ,  il  y  a  peu  d'auteurs  qui, 
en  traitant  cette  matière,  ne  soient 
tombés  dans  des  inconvénients.  Les 
uns  ont  fait  Varche  trop  grande  , 
les  autres  trop  petite,  plusieurs 
peu  solide  ;  la  plupart  n'ont  envi- 
sagé dans  l'histoire  du  déluge  que 
les  difficultés  qui  peuvent  concer- 
ner la  capacité  de  Varche,  sans  faire 
attention  à  celles  qui  pouvoient 
résulter  de  sa  forme,  de  la  distri- 
bution des  appartements  et  des  lo- 
ges, de  la  manière  dont  il  falloit 
donner  aux  animaux  de  la  nour- 
riture ,  du  jour,  de  l'air,  de  la 
propreté.  M.  Le  Pelletier  les  a 
éclaircies  et  prévenues  dans  sa  Dis- 
sertalion  sur  Varche  de  Noé,  c.  5a. 

'4 


aïo  ARC 

6.°Dans  quel  lieu  s'arrêta  l'arc/te 
apréj  le  déluge  ?  Quelques-uns  ont 
cru  que  c'étoit  prés  d'Apamée, ville 
de  Phrygie,  sur  le  fleuve  Marsyas, 
parce  que  cette  ville  étoit  surnom- 
mée VArche,  et  portoit  une  arche 
dans  ses  médailles.  Mais  il  est  tres- 
probable  que  cette  ville  étoit  nom- 
mée xSutàj,  Arche,  parce  qu'elle 
étoit  située  dans  un  vallon  tres- 
étroit,  et  renfermée  comme  dans 
un  coffre  ;  il  paroît  que  c'est  même 
la  signification  du  nom  propre 
Apamée.  On  lit  dans  les  vers  sy- 
biilins  que  le  mont  Ararat ,  où 
s'arrêta  V arche,  est  sur  les  confins 
de  la  Phrygie,  aux  sources  du  fleuve 
Marsyas  :  c'est  une  erreur.  Tout 
le  monde  sait  que  cette  montagne 
est  en  Arménie  ;  Joséphe  l'histo- 
rien, parlant  d'Izates,  fils  du  roi 
de  l'Abdiabene,  dit  q»ie  son  père 
lui  donna  dans  l'Arménie  un  can- 
ton noraméKacron,  où  l'on  voyoit 
des  restes  de  Yarche  de  Noé.  Il  cite 
Bérose,  historien  chaldéen,  qui  dit 
que  de  son  temps  on  voyoit  des 
restes  de  Varche  sur  les  montagnes 
d'Arménie.  Antiq.,  liv.  i,  c.  5  ; 
liv.  20,  c.  2. 

Nicolas  de  Damas ,  saint  Théo- 
phile d'Antioche,  saint  Isidore  de 
Séville,  citent  la  même  tradition  ; 
Jean  Stuys  ,  dans  ses  voyages,  dit 
qu'en  1670  un  ermite  de  ce  can- 
ton lui  assura  encore  ce  fait  :  c'est 
une  fable.  M.  de  Tournefort ,  qui 
a  été  sur  les  lieux ,  atteste  que  la 
montagne  d' Ararat  est  inaccessible, 
que  depuis  le  milieu  jusqu'au  som- 
met elleest  couverte  déneiges  qui  ne 
fondent  jamais,  et  au  travers  des- 
quelles il  n'est  pas  possible  de 
s'ouvrir  un  passage.  Les  Armé- 
niens eux-mêmes  tiennent  par  tra- 
dition ,  qu'à  cause  de  cet  obstacle 
personne  depuis  ^oi»  n'a  pu  monter 
sur  cette  montagne  ni  donner 
des  nouvelles  des  restes  de  Varche; 
c'est  sans  aucune  preuve  et  sur  de 
«impies  bruits  populaires  que  quel- 
ques voyageurs  ont  dit  que  l'on  en 


A  RI 
voyoit  encore  des  débris.  VoyW  la 
Dissertation  de  dom  Calmet;  celle  de 
M.  Le  Pelletier  de  Rouen  se  trouve 
dans  \esMém.  deTréooux,  de  l'an- 
née  1702. 

Quelques  incrédules  ,  qui  ne 
pouvoient  rien  opposer  de  solide 
aux  ouvrages  que  nous  venons  d'ex- 
traire, se  sont  bornés  à  les  tour 
ncr  enridicule:  c'est  leurderniéie 
ressource.  Mais  quoique  les  divers 
systèmes  sur  la  structure  de  Varche 
ne  soient  que  des  conjectures,  elles 
démontrent  cependant  que  les  com- 
mentateurs qui  ont  travaille  à 
éclaircir  la  narration  des  livres 
saints,  ont  eu  en  général  plus  de 
capacité ,  de  lumières ,  d'érudition , 
de  jugement, que  ceux  qui  font  pro- 
fession de  mépriser  les  anciens 
monuments  ,  sans  pouvoir  en  don- 
ner aucune  raison.  Voyez  parmi 
les  planches  de  l'histoire  ancienne 
la  figure  de  Varche  de  Noé. 

ARCHONTIQUE,  adjectif,  mot 

formé  du  grec  â^yj^v ,  au  pluriel 
apxovTtç  ,  principautés  ou  hiérar- 
chies d'anges.  On  donne  ce  nom  à 
une  secte  d'hérétiques  qui  paru- 
rent sur  la  fin  du  second  siècle  , 
parce  qu'ils  attribuoient  la  créa- 
tion du  monde  ,  non  pas  à  Dieu, 
mais  à  diverses  puissances  ou  prin- 
cipautés ,  c'est-à-dire ,  à  des  intel- 
ligences subordonnées  à  Dieu ,  et 
qu'ils  appeloient  archontes.  Ils  re- 
jetoient  le  baptême  et  les  saints 
mystères ,  dont  ils  faisoient  auteuT 
Sabaoth  ,  qui  étoit  ,  selon  eux  , 
une  des  principautés  inférieures. 
A  les  entendre  ,  la  femme  étoit 
l'ouvrage  de  Satan,  et  l'àme  devoit 
ressusciter  avec  le  corps.  On  les 
regarde  comme  une  branche  de  la 
secte  des  valentiniens  ou  des  mar- 
cosiens.    Tillemont,  t.  a  ,   p.  298. 

ARÉOPAGITE.  Voy.  S.Dbnys. 

ARIAMSME  ,  ARIENS.  Arius  , 
prêtre  d'Alexandrie ,  premier  au- 


AKl 

leur  de  l'hcrcsic  à  laquelle  il  adon- 
né son  nom ,  commença  de  la  pu- 
blier  l'an    319.   Mécontent   d'une 
explication  qu'Alexandre  ,  son  évê- 
que ,  avoit   donnée  du  mystère  de 
la  sainte  Trinité  dans  une  assemblée 
de  prêtres  ,  il  soutint  que  le  Fils  de 
Dieu  ,  ou  le  Verbe  divin  ,  étoit  une 
créature  tirée  du  néant ,  que  Dieu 
le  Père  avoit  produite  avant  tous 
les  siècles ,  et  de  laquelle  il  s'étoit 
servi  pour  créer  le  monde;  qu'ainsi 
le  Fils  de  Dieu  étoit  d'une  nature 
et  d'une  dignité  très-inférieure  au 
Père;  qu'il  n'étoit  appelé  Dieu<\ue 
dans  un  sens  impropre.  Condamné 
d'abord  par  son   éveque  dans  un 
concile  d'Alexandrie ,   et  dans  un 
second  tenu  l'an  Sai ,  il  se  retira 
dans  la   Palestine  ;    il   écrivit   aux 
évêques  les  plus  célèbres ,  pour  se 
plaindre  de  la  rigueur  avec  laquelle 
il  étoit   traité;  il  sut    déguiser    sa 
doctrine    et  rendre   odieuse   celle 
d'Alexandre  ,    aussi  -  bien  que  sa 
conduite  :  il  gagna  ainsi  plusieurs 
partisans  ,   surtout  Eusèbe  de  Ni- 
comédie  ,  dont  le  crédit  étoit  grand 
pour  lors  ,  soit  à  la  cour  ,  soit  dans 
l'Eglise.  Alexandre,   de  son  coté  , 
rendit  compte  des  erreurs  d'Arius 
et  des  motifs  de  sa  condamnation  ; 
la  dispute  commença  dèscemoment 
de  s'échauffer  de  part  et  d'autre. 

I.  L'empereur  Constantin ,  qui 
en  prévit  les  suites  ,  tâcha  vaine- 
ment de  concilier  ou  de  calmer  les 
deux  partis  ,  et  de  leur  iraiposer 
silence.  Voyant  qu'il  ne  pouvoity 
réussir  ,  il  assembla ,  l'an  325  ,  un 
concile  général  à  Nicée  en  Bithy- 
nie ,  auquel  se  trouvèrent  trois  cent 
dix-huit  évêques,  tant  de  l'Orient 
que  de  l'Occident.  Après  un  sérieux 
examen  ,  dans  lequel  Arius  et  ses 
partisans  furent  entendus  ,  le  con- 
cile condamna  leur  doctrine  ;  il 
décida  que  «  Jésus-Christ  ,  Fils 
»  unique  de  Dieu,  est  né  du  Père 
»>  avant  tous  les  siècles  ,  Dieu  de 
»  Dieu,  lumiière  de  lumière,  vrai 
»  Dieu  de  vrai   Dieu,   engendré  et 


AlU  2,1 

•>  non  fait  ,  consubslantjel  h  son 
»  Père,  et  que  par  lui  toutes  choses 
»  ont  été  faites.  »  C'est  le  symbole 
de  foi  (jue  l'Église  répète  encore  au- 
jourd'hui dans  sa  liturgie.  Arius  , 
ayant  refusé  de  souscrire  à  sa  con- 
damnation ,  fut  exilé  en  Ulyrie;  dix- 
sept  évêques  firent  d'abord  le  même 
refus,  ensuite  ils  se  réduisirent  à 
cinq ,  et  enfin  à  deux  ,  qui  furent 
aussi  exilés. 

Mais  l'anathème  prononcé  contre 
l'erreur  ne  la  détruisit  pas;  la  plu- 
part de  ceux  qui  n'avoient  signé  la 
décision  du  concile  que  pour  évi- 
ter l'exil,  demeurèrent  attachés  au 
parti  d'Arius.  Constantin  lui-mê- 
me ,  séduit  par  un  prêtre  arien  , 
que  Constantia  sa  sœur  lui  avoit 
recommandé  en  mourant ,  et  qui 
avoit  gagné  sa  confiance,  consentit 
à  rappeler  Arius  de  son  exil  en 
328  ;  et  cet  hérétique  ,  réuni  à  ses 
partisans  ,  recommença  de  semer 
ses  erreurs  avec  encore  plus  de 
chaleur  qu'auparavant.  Mais  saint 
Athanase,  qui  avoit  succédé  au 
patriarche  Alexandre  dans  le  siège 
d'Alexandrie,  refusa  constamment 
de  recevoir  Arius  à  sa  communion, 
et  par  cette  fermeté  il  encourut 
l'indignation  de  Constantin. 

Dès  ce  moment ,  les  ariens  de- 
vinrent un  parti  redoutable  ;  ils 
tinrent  plusieurs  conciles  dans  les- 
quels ils  se  trouvèrent  les  maîtres; 
ils  parvinrent  à  faire  exiler  plu- 
sieurs des  évêques  les  plus  attachés 
à  la  foi  de  Nicée  ,  en  particulier 
saint  Athanase  et  saint  Eustache  , 
évêque  d'Antioche.  Ils  s'appliquè- 
rent à  interpréter  dans  un  mauvais 
sem  la  doctrine  du  concile  de  Hi~ 
cée,  surtout  le  terme  consubstan- 
tiel;  ils  prétendirent  que  ce  mot 
pouvoit  faire  confondre  la  Per- 
sonne du  Fils  avec  celle  du  Père, 
et  renouveler  l'erreurdeSabellius, 
et  ils  eurent  grand  soin  de  le  re- 
trancher dans  toutes  les  professions 
de  foi  qu'ils  dressèrent.  Mais  leur» 
disputes,  leurs  variations  dans  cca 
i4. 


212  AlU 

confessions  de  foi  sur  lesquelles  ils 
ïie  ponvoîent  s'accorder,  et  qu'ils 
changèrent  au  moins  vingt  fois  ,  ne 
prouvèrent  que  trop  la  nécessité 
d'un  ternie  qui  coupoit  la  racine  à 
tous  leurs  subterfuges. 

Constantin  lui -mente  ne  put 
faire  consentir  Alexandre,  évê^ue 
de  Constantinople  ,  à  recevoir 
Arius  dans  sa  communion  ;  cet 
hérétique  mourut  d'une  manière 
tragique  dans  cette  circonstance 
même  ,  l'an  336  ;  ceux  qui  accu- 
sent les  catholiques  de  l'avoir  em- 
poisonné ,  les  calomnient  sans 
fondement  et  par  pure  malignité. 

Après  la  mort  de  Constantin  , 
arrivée  l'an  337,  le  parti  des 
ariens  fut  tantôt  plus  fort  et  tan- 
tôt plus  foible,  selon  qu'ils  furent 
protégés  ou  proscrits  par  les  em- 
pereurs. Sous  Constance,  qui  les 
favorisoit  ,  ils  remplirent  tout 
l'Orient  de  troubles,  de  séditions, 
de  violences;  mais  Constantin  le 
jeune  et  Constant  qui  régnoient 
sur  l'Occident  ,  empêchèrent  Ya- 
rianisnie  d'y  faire  beaucoup  de 
progrès.  En  35 1  ,  Constance,  de- 
venu maître  de  tout  l'empire  par 
la  mort  de  ses  deux  frères,  pro- 
tégea l'hérésie  encore  plus  haute- 
ment qu'auparavant;  il  y  eut  plu- 
sieurs conciles  tenus  en  Italie  , 
dans  lesquels  les  ariens  dominè- 
rent ;  d'autres  dans  lesquels  les 
catholiques  reprirent  le  dessus  , 
condamnèrent  Arius  et  ses  parti- 
sans, et  confirmèrent  la  foi  de 
Nicée.  Au  concile  d'Arles  en  353, 
à  celui  de  Milan  tenu  en  355  ,  à 
Rimini  en  359,  plusieurs  évêques, 
vaincus  par  violence,  souscrivi- 
rent à  la  condamnation  de  saint 
Athanase,  et  signèrent  des  con- 
fessions de  foi  dans  lesquelles  ie 
mot  de  consubsiantiel  étoit  sup- 
primé. Ceux  qui  ont  conclu  de 
là  que  ces  évêques  avoient  signé 
Van'anisme,  ont  abusé  des  termes  : 
les  professions  de  foi  auxquelles 
ils    souscrivirent  ,   n'exprimoient 


A  RI 

pas  assez  expressément  le  dogme 
catholique  ,  mais  elles  n'expri- 
moient pas  non  plus  l'erreur 
d'Arius,  puisqu'elles  portoient  ou 
que  le  Fils  est  semblable  au  Père 
en  substance,  ou  qu'il  lui  est  sembla- 
ble en  toutes  choses,  ou  qu'il  lui  est 
semblable  selon  les  Ecritures,  etc. 
Ce  ne  sont  pas  là  des  hérésies  , 
quoique  les  ariens  abusassent  ma^ 
licieuscment  de  ces  expressions 
.vagues  pour  semer  leur  erreur. 

11  en  fut  de  même  de  la  formule 
que  le  pape  Libère  signa  par  foi- 
blesse  dans  son  exil ,  l'an  357.  Voy. 
Libère.  Il  est  constant  d'ailleurs 
que ,  pendant  toutes  les  disputes 
des  évêques,  les  peuples,  qui  n'y 
comprenoient  rien,  continuoient  à 
croire  et  à  professer  le  dogme  de 
la  divinité  de  Jésus- Christ.  Les 
évêques  ariens  eux-mêmes  n'o- 
soient  pas  prêcher  en  public, 
comme  Arius  ,  que  le  Fils  de  Dieu 
est  une  créature  tirée  du  néant  ; 
qu'il  est  inférieur  en  nature  à  son 
Père  ;  qu'il  n'est  pas  Dieu  dans 
toute  la  rigueur  du  terme.  Com- 
ment donc  peut-on  soutenir  que 
dans  le  temps  dont  nous  parlons , 
Varianisme  avoit  étouffé  la  foi  ca- 
tholique, et  dominoit  dans  l'Eglise  ? 

Julien  ,  parvenu  à  l'empire  l'an 
362,  laissa  disputer  les  ariens  et 
les  catholiques  :  son  règne  ne  dura 
que  deux  ans  ,  celui  de  Jovien  ne 
fut  que  de  quelques  mois.  Valens, 
maître  de  l'Orient  l'an  364,  favo- 
risa et  embrassa  Varianisme;  Va- 
lentinien,  son  frère,  travailla  ef- 
ficacement à  l'extirper  en  Occi- 
dent. Gratien ,  et  ensuite  Théo- 
dose, le  proscrivirent  dans  tout 
l'empire ,  de  manière  que  ver» 
l'an  38o,  cette  hérésie,  après  soixan- 
te ans  de  tumulte,  n'osa  pres- 
que plus  se  montrer.  Au  commen- 
cement du  cinquième  siècle  ,  les 
Goths ,  les  Bourguignons  et  les 
Vandaks  ,  qui  en  étoient  infectés, 
voulurent  la  rétablir  dans  le* 
Gaules  et  en  Afrique;  ils  exerce- 


Ani 

renl  hcaaconp  de  violrnccs  ,  cl 
firent  un  f;ran(l  nonihrc  de  mar- 
tyrs; les  Visifçotlis  la  portèrent  en 
Espagne  :  c'est  où  elle  a  subsisté 
le  plus  long-temps  sous  la  pro- 
tection des  rois  qui  l'avoient  em- 
brassée; mais  ceux-ci  l'ayantenfin 
abjurée  ,  elle  s'y  éteignit  aussi 
vers  l'an  660.  Nous  la  verrons  re- 
naître de  ses  cendres  au  seizième 
siècle. 

II.  Il  est  probable  que  Varianis- 
nie  auroit  subjugué  l'Orient  tout 
entier  ,  si  ses  partisans  avoient  pu 
s'accorder  ;  mais  ,  comme  tous  les 
hérétiques,  ilsse  divisèrentpromp- 
tement.  Les  deux  factions  princi- 
pales lurent  celles  des  purs  ariens 
et  celle  des  semi-ariens.  Les  pre- 
miers disoient  sans  détour  ,  com- 
me Arius  5  que  le  Fils  de  Dieu 
étoit  une  créature ,  par  conséquent 
très-inférieur  et  dissemblable  à  son 
Père  :  c'est  ce  qui  les  fit  nommer 
anoméens  ,  dissemblables.  On  les 
appelle  encore  acaciens,  eudoxiens , 
eusébiens ,  aétiens  ,  eunomiens ,  ur- 
saciens ,  etc.;  parce  que  Acace  , 
évêque  de  Césarée  ,  Eudoxe  ,  évê- 
que  d'Antioche  ,  Eusèbe  de  Nico- 
médie,  Aétius,  Eunomius,  Ursace, 
évêque  de  Tyr  ou  de  Sigedun  ,  fu- 
rent successivement  à  leur  tète; 
mais  il  ne  paroît  pas  que  ce  parti 
ait  été  le  plus  nombreux  ;  leur  hé- 
résie proposée  ainsi  sans  déguise- 
ment révolloit  les  esprits. 

Les  semi-ariens ,  qui  pensoient 
peut-être  de  même  dans  le  fond, dis- 
simuloient  leurs  vrais  sentiments. 
Nous  ne  pouvons  mieux connoître 
leurs  artifices  et  leurs  détours, qu'en 
examinant  la  conduite  d'Eusèbe 
de  Césarée  ,  qui  paroît  avoir  été 
constamment  dans  ce  parti.  Il  ne 
faisoit  point  de  difficulté  de  dire, 
comme  le  concile  de  Nicée  ,  que 
Jésus-Christ  est  le  Verbe ,  la  raison 
ou  la  sagesse  divine,  Dieu  de  Dieu, 
lumière  de  lumière,  engendré  du 
Père  avant  tous  les  siècles,  et  qui 
a   fait  toutes  choses  ;  mais  il  n'a- 


ARI  ai3 

vouoit  pas  que  ce  Verbe  fùtengen- 
dré  de  toute  éternité  et  coéternel  au 
Père;  ilprétendoitcommc  font  en- 
cordes sociniensque  le  Père  avoit 
donné  l'être  au  Fils  avant  la  créa- 
tion; et  quand  il  disoit  que  ce  n'est 
Y>:is  une  créai  lire ,  il  entcndoitque  ce 
n'est  pas  unecréature  semblable  aux 
autres,  mais  d'une  nature  beaucoup 
plus  parfaite  ,  et  autant  semblable  à 
I)ieu  qu'une  créature  peut  l'être. 
C'estpour  cela  même  que  les  semi- 
ariens,  au  lieu  du  mot  homoousins , 
consubstantiel,  substituoient  celui 
de  homoïousios ,  semblable  en  sub- 
stance. 

Eusébe  ,  en  professant ,  même 
dans  le  symbole  de  Nicée,  que  le 
Fils  est  consubstantiel  au  Père  ,  en- 
tendoit  que  le  Fils  est  sorti  du  Père 
non  par  division  ou  par  retran- 
chement, comme  un  corps  qui 
faisoit  partie  d'un  autre  corps , 
mais  sans  changement  et  sans  di- 
minution de  la  substance  du  Père; 
ainsi ,  par  consubstantiel ,  il  n'en- 
tendoit  toujours  qu'une  ressem- 
blance imparfaite  dans  la  sub- 
stance ,  et  non  une  parfaite  égalité 
avec  le  Père.  Il  ne  refusoit  pas  de 
condamner  Arius,  ni  de  dire  ana- 
themeà  tous  ceux  qui  enseignoient 
que  le  Verbe  est  sorti  du  néant  , 
ou  de  ce  qui  n'étoit  pas;  qu'il  a 
été  un  temps  où  il  n'étoit  pas  en- 
core, parce  que,  disoit- il,  ces  ex- 
pressions ne  sont  pas  dans  l'Ecri- 
ture sainte.  C'est  ainsi  qu'il  s'ex- 
plique dans  la  lettre  qu'il  écrivit 
au  peuple  de  Césarée  après  le  con- 
cile de  Nicée.  Socrate,  Hist.  ec- 
clés.,  1.  I  ,  c.  8.  Dans  ses  autres 
ouvrages,  il  a  nié  plus  d'une  fois 
l'autorité  du  Verbe  et  son  égalité 
avec  le  Père.  Petau,  Dogm.  thcol. 
tom.  2 ,  1.  I ,  c.  1 1  et  12.  Plusieurs 
sociniens  se  servent  encore  aujou  r- 
d'hui  des  mêmes  artifices,  pour 
pallier  l'impiété  de  leur  sentiment 
touchant  la  divinité  de  Jésus  - 
Christ.  Voyez  Semi-Arianisme. 

Cet  abus  continuel  des  termes  , 


aï4  ARI 

ces  explications  subtiles  pour  alté- 
rer Ipscns  des  paroles  de  l'Ecriture 
sainte,  ces  expressions  ambiguës 
dans  les  professions  de  foi  des 
ariens,  ces  disputes  toujours  re- 
naissantes parmi  eux  ,  démon- 
troient  assez  la  duplicité  de  leur 
caractère  et  la  fausseté  de  leur  opi- 
nion. Ils  croyoient  avoir  remporté 
une  grande  victoire ,  lorsque  par 
fourberie  ou  par  violence  ils 
étoient  venus  à  bout  de  faire  si- 
gner aux  évèques  catholiques  une 
profession  de  foi  dans  laquelle  le 
mot  consubstantiel  étoit  retranché. 
Quelle  différence  entre  cette  mar- 
che tortueuse  de  l'hérésie,  et  la  con- 
duite franche  et  ferme  de  l'Eglise 
catholique  !  Le  concile  de  Nicée  , 
du  premier  coup  et  d'un  seul  mot, 
fixa  la  croyance  d'une  manière  ir- 
révocable. Le  ntiot  consubstantiel 
rendoit  toute  l'énergie  et  le  vrai 
sens  des  expressions  de  l'Ecriture 
sainte  ;  il  prévenoit  tontes  les  équi- 
voques et  les  subtilités  des  ariens; 
l'Eglise  ,  après  l'avoir  une  fois 
adopté,  ne  l'abandonna  plus  ;  il  fut 
conservé  dans  toutes  les  professions 
de  foi  et  dans  les  divers  conciles 
où  les  catholiques  furent  libres 
d'exposer  leur  croyance  ;  malgré 
toutes  les  attaques  de  l'hérésie  , 
après  quatorze  siècles,  la  consub- 
staniiaîité àuYevhe  est  encore  la  foi 
de  cette  même  Eglise.  Voy.  Consub- 
stantiel ,DiviNiTÉ  DE  Jésus-Christ, 
Fils  de  Dieu. 

in.  Un  des  artifices  dont  se  sont 
servis  les  fauteurs  de  Varianisme , 
a  été  de  représenter  ces  disputes 
comme  des  contestations  indiffé- 
rentes au  fond  du  christianisme  , 
qui  ne  valoient  pas  la  peine  de  faire 
tant  de  bruit  ;  de  prétendre  que 
l'on  peut  être  bon  chrétien  sans 
souscrire  à  la  décision  du  concile 
de  Nicée.  Les  incrédules  n'ont  pas 
manqué  d'appuyer  cette  préten- 
tion, afin  de  couvrir  de  ridicule 
les  Pères  du  quatrième  siècle,  et  de 
rendre  le  zèle  de  religion  respon- 


ARI 

sable  des  troubles  que  Varianisme 
a  causés  dans  le  monde.  Nous  sou- 
tenons au  contraire  que  la  divinité 
de  Jésus-Christ,  fondée  sur  la  con- 
substantialité  du  Verbe  ,  est  le 
dogme  fondamental  du  christia- 
nisme ;  que  si  ce  dogme  n'est  pas 
vrai  ,  Jésus -Christ  a  établi  une 
religion  fausse. 

i.°  Il  est  clair  que  si  les  trois 
Personnes  divines,  le  Père  ,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit ,  ne  sont  pas  un 
seul  Dieu  dans  le  sens  le  plus  exact 
et  le  plus  rigoureux  ,  le  christiat- 
nisme,  tel  qu'il  subsiste  dans  toutes 
les  communions  qui  ne  sont  pas 
ariennes  ou  sociniennes,  est  un  vé- 
ritable polythéisme ,  puisque  nous 
rendons  à  ces  trois  Personne*  di- 
vines lemcmecultesuprême.  Entre 
les  païens  et  nous ,  il  n'y  aura  point 
de  différence,  sinon  qu'ils  admet- 
toient  un  plus  grand  nombre  de 
dieux  que  nous,  et  que  nous  savons 
déguiser  notre  polythéisme  par 
des  subtilités  qui  leur  étoient  in- 
connues. Dans  ce  cas  le  mahomé- 
tisme,  qui  se  borne  au  culte  d'un 
seul  Dieu  ,  est  une  religion  plus 
pure  que  le  christianisme.  Abbadie 
a  porté  cette  conséquence  jusqu'à 
la  démonstration,  dans  son  Traité 
de  la  divinité  de  Jésus- Christ.  Elle 
est  confirmée  par  lesufFragedetous 
les  sociniens  ,  qui  ne  cessent  de 
nous  reprocher  le  trithéisme  ,  ou 
l'adoration  de  trois  Dieux. 

Est-il  croyable  que  Dieu  ,  qui , 
sous  l'ancien  Testament,  s'est  mon- 
tré si  jaloux  du  culte  suprême  ex- 
clusif ;  qui  répétoit  continuelle- 
ment aux  Juifs  :  Je  suis  seul  Dieu  , 
il  n'y  a  point  d'autre  Dieu  que  moi , 
ait  permis  que  l'univers  l'ùt  bou- 
leversé pour  établir  une  religion 
qui  n'aboutît  qu'à  offusquer,  par 
sa  croyance  et  par  son  culte  ,  le 
dogme  capital  de  l'unité  de  Dieu  . 
sans  lequel  il  ne  peut  point  y  avoir 
de  vraie  religion  ? 

Dans  ce  même  cas,  les  Juifs  sont 
bien  fondés  à  demeurer  dans  l'in- 


ARI 

«rédulîté.  Le  dogme  de  l'unité  de 
Dieu  est  Jebouclier  que  le  juil'Oro- 
bio  ne  cesse  d'opposer  aux  argu- 
ments de  Limborch  ;  celui-ci,  ({ui 
étoit  socinien  déguisé,  en  affectant 
de  laisser  de  côté  le  dogme  de  la 
Trinité  et  celui  de  la  divinité  de 
Jésus-Christ ,  a  évidemment  trahi 
la  cause  du  christianisme  qu'il 
vouloit  défendre.  Voyez  Pliilippi  à 
Limborch  arnica  collaiio  ciim  eru- 
dito  Judœo  ,  troisième  partie. 

2.°  Jésus-Christ  a  déclaré  qu'il 
étoit  venu  dans  le  monde  pour  ap- 
prendre aux  hommes  à  rendre  à 
Dieu  le  culte  d'adoration  en  esprit 
et  en  vérité.  Joan. ,  c.  4  ,  S •  ^4-  ^^ 
il  veut  que  tous  honorent  le  Fils 
comme  ils  honorent  le  Père,  c.  5  , 
y/'.  23.  S'il  n'est  pas  un  seul  Dieu 
avec  le  Père  ,  ce  culte  est-il  juste 
et  légitime  ?  C'est  une  profanation 
et  une  impiété.  Nous  prenons  en- 
core pour  juges  lessociniens.  Y  en 
a-t-il  un  seul  qui  se  croie  obligé  de 
rendre  à  Jésus-Christ  le  même  cul  te 
suprême  ,  la  m?me  adoration  qu'il 
rend  à  Dieu  le  Père  ?  Us  ont  beau 
chercher  des  palliatifs  ,  il  s'ensuit 
toujours  de  leur  opinion  que  Jésus- 
Christ  ,  par  cette  funeste  leçon,  a 
voulu  nous  plonger  dans  une  su- 
perstition grossière  et  inévitable,  et 
que  toute  la  chrétienté  y  est  tombée 
en  effet.  Pendant  que  d'un  côté  les 
sociniens  affectent  de  prodiguer  à 
Jésus-Christ  les  titres  les  plus  pom- 
peux ,  de  l'autre  ils  nous  donnent 
à  conclure  qu'il  a  été  le  moins  sage 
de  tous  les  législateurs,  et  un  usur- 
pateur des  honneurs  de  la  Divinité. 

3.°  Lorsque  nous  citons  les  pa- 
roles de  saint  Paul  ,  Philip.  ,  c.  2, 
^.  6:  «  Imitez  Jésus-Christ  qui  , 
»  étant  dans  la  forme  de  Dieu  ,  n'a 
»  point  regardé  comme  une  usur- 
»  pation  de  s'égaler  à  Dieu,  etc.  ,  » 
les  sociniens  nous  disent  que  nous 
traduisons  mal  ,  qu'il  y  a  dans  le 
texte  :  «  Jésus-Christ  qui  ,  étant 
«  dans  la  forme  de  Dieu  ,  n'a  point 
»  /ait  sa  proie  de  s'égaler  à  Dieu ,  » 


AI\Î 


2l5 


ou  ne  s'est  point  attribué  l'égalité 
avec  Dieu. 

Nous  soutenons  que  cette  expli- 
cation socinienne  est  fausse.  En 
premier  lieu  ,  il  est  faux  que  Jésus- 
Christ  ne  se  soit  pas  égalé  à  Dieu  ; 
il  a  dit  :  «  Mon  Père  et  moi  som- 
»  mes  une  même  chose,  »  Joan.  , 
c.  lo  ,  y.  3i  ;  «  Celui  qui  me  voit, 
»  voit  mon  Père  ,  »  c.  i4  ,  !>!^.  9  ; 
«  Tout  ce  qu'a  mon  Père  est  à 
»  moi,  »  c.  16  ,  ^.  i5  ;  «  Il  veut 
»  que  tous  honorent  leFils  comme 
»  ils  honorent  le  Père,  »  c.5,y/.2'5. 
Vouloir  être  honoré  comme  Dieu, 
c'est  certainement  s'égaler  à  Dieu; 
tel  a  été  le  crime  et  la  folie  de  tous 
ceux  qui  se  sont  fait  rendre  les 
honneurs  divins.  En  second  lieu, 
si  Jésus-Christ  n'est  pas  égal  àDieu, 
où  est  l'humilité  de  ne  pas  y  pré- 
tendre ?  En  avoir  seulement  la 
pensée,  seroitune  impiété.  En  troi- 
sième lieu,  dans  cette  hypothèse, 
saint  Paul  et  les  autres  apôtres  sont 
des  prévaricateurs  :  ils  ont  égalé 
Jésus-Christ  à  Dieu,  puisqu'ils  lui 
ont  donné  tous  les  attributs  de  la 
Divinité,  l'existence  avant  tous  les 
siècles,  îa  toute-puissance,  le  pou- 
voir créateur  ,  la  science  et  la 
sagesse  divine  ,  le  nom  même  de 
Dieu.  Us  ont  contredit  l'exemple 
de  Jésus-Christ  ,  en  exhortant  les 
fidèles  à  l'imiter. 

4.°  Dès  que  les  nouveaux  ariens 
ont  méconnu  la  divinité  de  Jésus- 
Christ,  il  leur  a  fallu  détruire  suc- 
cessivement tous  les  dogmes  du 
christianisme,  la  Trinité,  l'incar- 
nation ,  la  rédemption  des  hommes 
par  Jésus-Christ,  le  péché  origi- 
nel,la  nécessité  du  baptême  pour  les 
enfants,  l'efficacité  des  sacrements, 
les  œuvres  satisfactoires ,  etc.  Us 
ont  fait  consister  la  religion  chré- 
tienne à  croire  seulement  l'unité 
de  Dieu;  à  regarder  Jésus-Christ 
comme  un  envoyé  de  Dieu ,  sans 
s'informer  de  ce  qu'il  est  person- 
nellement ;  à  prendre  l'Evangile 
pour  règle  de  foi  et  de  conduite. 


ai6  AÎU 

sauf  à  l'entendre  comme  cha- 
cun le  trouvera  bon.  C'est  le  déisme 
pur.  Il  n'est  pas  étonnant  que  cette 
licence  ait  fait  éclore  tous  les  sys- 
tèmes possibles  d'incrédulité. 

Est-ce  donc  là  le  système  sublime 
de  religion  que  Dieu  avoit  préparé 
pendant  quatre  mille  ans  ,  pour 
l'établissement  duquel  il  a  opéré 
tant  de  prodiges  ,  et  changé  la  face 
de  l'univers?  Nous  ne  serons  ja- 
mais assez  insensés  pour  le  croire. 

On  nous  dit  aujourd'hui  qu'a- 
vant le  concile  de  Nicée,  la  doc- 
trine touchant  les  trois  Personnes 
divines  n'étoit  point  encore  fixée; 
que  l'on  n'avoit  rien  prescrit  à  la 
foi  des  chrétiens  sur  cet  article, 
ni  déterminé  les  expressions  dont 
on  devoit  se  servir  en  parlant  de 
ce  mystère  ;  que  les  docteurs  chré- 
tiens avoient  des  sentiments  dif- 
férents sur  ce  sujet,  sans  que  per- 
sonne s'en  scandalisât  ,  etc.  On 
croira  peut-être  que  c'est  un  so- 
cinien  qui  s'exprime  ainsi  ;  non , 
c'est  Mosheim  ,  Hist.  ecclés.  du 
quatrième  siècle,  2.^  part.  ,  c.  5  , 
§  g.  Beausobre  lui  avoit  donné 
l'exemple.  Hist.  du  man.,  1.  i^cj. 

Cependant  BuUus ,  dans  sa  Dé- 
fense de  la  foi  de  Nicée,  M.  Bos- 
suet,  dans  son  sixième  avertisse- 
ment aux  protestants,  et  d'autres, 
ont  prouvé  invinciblement  qu'a- 
vant le  concile  de  Nicée ,  les  Pères 
des  trois  premiers  siècles  ont  pro- 
fessé hautement  l'éternité  du  Verbe 
et  sa  consubstantialité  avec  le 
Père.  Une  preuve  positive  de  ce 
fait,  c'est  que  jamais  Arius  ni  ses 
partisans  n'ont  voulu  s'en  rappor- 
ter au  jugement  des  anciens  doc- 
teurs ,  et  qu'ilsprétendoient  mieux 
entendre  l'Ecriture  que  tous  ceux 
qui  les  avoient  précédés.  Le  pa- 
triarche d'Alexandrie  ,  qui  avoit 
condamné  Arius ,  le  leur  repro- 
choit  déjà.  Théodoret,  Hist.  ec- 
clés. ,\.  I ,  c.  4-  Ils  refusèrent  de 
même  dans  le  cinquième  concile  de 
Coustantinople,    sous    Théodose, 


AI\I 

l'an  383,  d'être  jugés  parle  senti- 
ment des  anciens  Pères.  Socrate, 
Hist.  ecclés.,  1.  5,  c.  10.  Ils  étoient 
donc  bien  convaincus  que  les  Pères 
des  trois  premiers  siècles  ne  pen- 
soient  pas  comme  eux,  et  les  ca- 
tholiques le  soutenoient  ainsi. 
Sait-on  mieux  au  dix-huitième 
siècle  qu'au  quatrième  ce  qui  en  est? 

D'ailleurs ,  ou  le  dogme  de  l'éter- 
nité et  de  l'égalité  parfaite  du 
Verbe  avec  le  Père  est  clairement 
et  formellement  révélé  dans  l'Ecri- 
ture sainte  ,  ou  il  ne  l'est  pas. 
S'il  l'est ,  donc  il  étoit  cru  dans 
les  trois  premiers  siècles ,  et  on 
ne  pouvoit  refuser  de  le  croire 
sans  être  hérétique;  s'il  ne  l'est 
point,  ce  n'est  pas  plus  aujourd'hui 
un  dogme  de  foi  pour  les  protes- 
tants ,  qu'il  ne  l'étoit  avant  le  con- 
cile de  Nicée  ,  puisqu'ils  ne  re- 
connoisscnt  pour  dogme  de  foi  que 
ce  qui  est  clairement  et  formelle- 
ment enseigné  dans  l'Ecriture 
sainte  :  ils  ne  peuvent  donc  , 
même  aujourd'hui  ,  regarder  les 
sociniens  comme  des  hérétiques. 
Ce  n'est  pas  sans  raison  quo  nous 
leur  reprochons  leur  connivence 
avec  les  ennemis  de  la  divinité  de 
Jésus-Christ. 

Nous  convenons  qufe  l'Eglise  n'a- 
voit pas  encore  consacré  le  mot 
cnnsubsiantiel  pour  exprimer  ce 
dogme  ;  mais  il  ne  s'ensuit  pas  que 
ce  dogme  n'étoit  pas  encore  cru  , 
puisque  l'on  exprimoit  par  d'au- 
tres termes  ce  que  celui-là  signifie , 
en  disant  que  le  Fils  ou  le  Verbe 
est  éternel  et  parfaitement  égal  au 
Père.  Si  les  ariens  avoient  voulu 
s'exprimer  de  même,  on  nelcsau- 
roit  pas  condamnés. 

Mosheim  ajoute  que  si  l'on  con- 
sidère les  moyens  qu'employèrent 
les  nicéniens  et  les  ariens  pour  dé- 
fendre leurs  opinions ,  on  est  on 
peine  de  décider  lequel  des  deux 
partis  excéda  le  plus  les  bornes  de 
la  probité,  de  la  charité  et  de  la 
modération    Ibid.,^   i5. 


AI\l 

Nous  ne  rclèvprons  pas  riiulé- 
ecncc  Ju  nom  de  nicénirns ,  don- 
né par  mépris  aux  calholiqucs  ; 
Moshcim  pouvoil  les  appeler  en- 
»:ore  ho/noniisiens ,  comme  faisoienl 
les  ar/c/7.';;  mais  nous  demandons 
en  quoi  les  catholiques  ont  violé  la 
probité  à  l'éfçard  de  leurs  adver- 
saires. Que  les  ariens  en  général 
aient  été  de  mauvaise  foi ,  c'est  un 
fait  qui  nous  paroît  incontestable  ; 
mais  les    catholiques  ont-ils  era- 

f>loyé  comme  eux  les  équivoques , 
es  expressions  captieuses ,  les  faus- 
ses protestations  de  zèle  pour  le 
fond  du  dogme,  les  fausses  pro- 
messes de  paix ,  etc.  ,  dont  se  ser- 
voient  les  premiers  pour  parvenir 
à  leurs  fins  ?  A  la  vérité  Mosheim 
a  trouvé  bon  d'accuser  saint  Am- 
broise  et  d'autres  éveques  d'avoir 
supposé  de  fausses  reliques  et  de 
faux  miracles  pour  en  imposer 
aux  fidèles  et  confondre  les  ariens; 
mais  cette  accusation  est-elle  prou- 
vée? Quant  au  défaut  de  charité, 
nous  ne  voyons  pas  en  quoi  les 
catholiques  ont  été  coupables  de  se 
défendre  tant  qu'ils  ont  pu  contre 
des  hérétiques  audacieux,  violents, 
séditieux,  quiabusoient  de  l'auto- 
rité des  empereurs  qu'ils  avoient 
séduits ,  et  qui  ont  fait  les  plus 
grands  efforts  pour  anéantir  la  foi 
de  l'Eglise.  Nous  lisons  que  les 
ariens  ont  fait  beaucoup  de  mar- 
tyrs, mais  il  n'est  écrit  nulle  part 
qu'il  y  en  eut  parmi  eux;  il  n'est 
donc  pas  vrai  que  les  catholiques 
aient  autant  violé  les  règles  de  la 
modération  que  les  ariens.  Après 
soixante  ans  de  tumulte  ,  nous  ne 
pouvons  blâmer  Théodose  d'avoir 
porté  des  lois  sévères  contre  ces 
derniers;  il  ne  fut  pas  obligé  de 
répandre  du  sang  pour  les  faire 
exécuter. 

IV.  La  raison  de  celte  partialité 
de  Mosheim  et  des  protestants  en 
faveur  de  V arianisrne ,  n'est  pas 
difficileà  découvrir;  c'est  que  l'on 
a  vu  au  seizième  siècle  cette  héré- 


AUI  217 

sie  renaître  des  principes  du  pro- 
testantisme. Dès  que  Luther  cl 
Calvin  eurent  posé  pour  maxime 
que  la  seule  règle  de  foi  est  l'Ecri- 
ture sainte  entendue  comme  il 
plaît  à  chaque  particulier,  il  se 
trouva  des  prédicants  qui  perverti- 
rent le  sens  des  passages  par  lesquels 
on  prouve  la  distinction  des  trois 
Personnes  de  la  sainte  Trinité , 
leur  coexistence  éternelle ,  leur 
égalité  parfaite,  l'unité  de  la  nature 
divine;  ainsi,  la  divinité  de  Jésus- 
Christ  devint  parmi  eux  un  pro- 
blème. Luther  même  et  Calvin  ont 
parlé  de  ce  mystère  dans  des  ter- 
mes très-capables  de  faire  douter 
de  leur  foi.  Hist.  duSocinianisme , 
i.""^  part.,  c.  3.  Plusieurs  anabap- 
tistes, sortis  de  l'école  de  Luther, 
prêchèrent  Varianisme  en  Suisse, 
en  Allemagne,  en  Hollande;  Okin  el 
Bucer  en  jetèrent,  sous  Edouard 
VI,  les  premières  semences  en  An- 
gleterre. Servet  voulut  l'établir  à 
Genève  ;  Calvin  le  fit  punir  du  der- 
nier supplice.  La  crainte  de  subir 
le  nième  sort  écarta  de  Genève 
Gentilis ,  Blandatra  ,  et  d'autres 
qui  soutenoieut  cette  erreur;  ils  se 
retirèrent  en  Pologne,  où  ils  trou- 
vèrent des  protecteurs  ,  et  ils  y 
fondèrent  des  sociétés  ariennes. 
Les  deux  Socin,  oncle  el  neveu  , 
parvinrent  à  les  réunir  à  peu  près 
dans  le  même  sentiment ,  et  don- 
nèrent ainsi  leur  nom  à  toute  la 
secte.  Voyez.  Socinianisme. 

Les  protestants  ,  honteux  de 
cette  postérité  sortie  de  leur  sein  , 
ont  vainement  fait  tous  leurs  efforts 
pour  l'étouffer;  dans  toutes  les  con- 
férences et  les  disputes  qu'ils  ont 
eues  avec  les  sociniens  ,  ceux-ci 
leur  ont  fait  voir  qu'avec  l'Ecri- 
ture sainte  seule  onnelesconvain- 
croii  jamais  d'erreur  ;  et  lorsque 
l'on  a  voulu  employer  contre  eux 
la  tradition  ,  le  sentiment  des  Pères, 
la  croyance  constante  de  l'Eglise 
chrétienne,  ils  ont  reproché  avec 
raison  aux  protestants  de  contre- 


ai8  ARI 

dire  le  principe  fondamental  de 
la  réforme,  et  de  recourir  à  une 
arme  à  laquelle  ils  ont  fait  profes- 
sion de  renoncer.  La  voie  d'auto- 
rité, les  lois  pénales,  les  suppli- 
ces même  dont  les  protestants  ont 
usé  plus  d'une  fois  envers  les  nou- 
veaux ariens  ,  sont  une  inconsé- 
quence encore  plus  révoltante , 
puisqu'ils  n'ont  cessé  de  se  plain- 
dre eux-mêmes  lorsque  les  catho- 
liques en  ont  fait  usage  contre  eux. 

Aussi  tous  ces  moyens  ont-ils 
produit  très-peu  d'effet;  ils  n'ont 
pas  empêché  les  sociniens  depéné- 
trer  dans  la  Transylvanie,  dans 
la  Prusse,  dans  la  Basse- Allema- 
gne, dans  la  Hollande  et  en  Angle- 
terre, et  de  s'y  multiplier  parmi  les 
différeîïtes  sectes  qui  jouissent  de 
la  tolérance  civile.  Dans  ledernier 
siècle  et  dans  celui-ci ,  Y arianisme 
mitigé  ,  ou  le  semî-arianisme ,  y  a 
trouvé  beaucoup  de  partisans. 

En  effet ,  les  nouveaux  ennemis 
de  la  divinité  de  Jésus-Christ  ont 
compris  ,  comme  ceux  du  quatriè- 
me siècle,  que  Varianisme  pur  ne 
pourroit  jamais  faire  fortune;  l'on 
ne  persuadera  jamais  à  ceux  qui 
respectent  l'Ecriture  sainte  ,  que  le 
Fils  de  Dieu  est  une  pure  créature, 
tirée  du  néant  dans  le  temps, et  qui 
n'existoit  pas  avant  la  naissance  du 
inonde;  encore  moins  que  Jésus- 
Christ  n'est  qu'un  homme,  quoi- 
que plus  parfait  que  les  autres. 
Fauste  ,  Socin  et  d'autres  ont  osé 
le  dire,  et  blâmer  le  culte  rendu  à 
Jésus-Christ  ;  mais  ils  ont  eu  peu 
de  sectateus  sur  ce  point-.  Ceux 
d'aujourd'hui  ont  adopté  le  senii- 
arianisme ,  tel  à  peu  près  qu'Eu- 
sèbe  de  Césarée  et  d'autres  le  sou- 
tenoient  ;  c'est  pour  cela  qu'ils 
rejettent  lenom  de  sociniens ,  parce 
qu'ils  ne  suivent  pas  à  la  rigueur 
les  sentiments  de  Socin.  Ils  disent 
que  le  Verbedivin  a  été  créé  avant 
toutes  choses  ;  quelques-uns  même 
sont  allés  jusqu'à  dire  qu'il  a  été 
créé  de  toute   éternité;  d'autres  , 


ARM 

sans  user  du  terme  de  création,, 
disent  que  les  trois  Personnes  di- 
vines sont  égales  en  perfection, 
mais  qu'il  y  a  entr'el les  une  suAor- 
dination  de  nature  en  fait  d'exis- 
tence et  de  dérivation.  Ainsi  s'ex- 
prime le  docteur  Clarke ,  acciisé 
de  semi- arianisme.  Mosheim,  Hisi. 
ecclés.  du  dix-huitième  siècle,  à  la 
fin,  note  du  traducteur  anglois. 
Nous  ne  sommes  pas  assez  habiles 
pour  entendre  ce  que  signifient  ces 
termes.  En  1777,  l'on  a  aussi  sou- 
tenu le  semi- arianisme  à  Genève, 
dans  une  thèse  publique,  et  dans 
une  brochure  intitulée  :  Disseriaiio 
historico-iheologica  ,  de  Christi  dei- 
taie.  Les  arminiens  de  Hollande 
et  plusieurs  théologiens  anglicans 
passent  pour  être  dans  le  même  sen- 
timent. Il  n'est  donc  pas  étonnant 
que  les  protestants  en  général  té- 
moignent beaucoup  moins  d'aver- 
sion pour  les  sociniens  que  pour 
les  catholiques. 

Aux  mots  Fils  de  Dieu  et  Jésus- 
Christ,  nous  prouverons  le  dogme 
catholique  opposé  à  toutes  ces 
erreurs. 

ARMÉE  DU  CIEL.  Voy.  Astres. 

ARMÉNIENS ,  considérés  par 
rapport  à  leur  religion.  C'est  une 
secte  des  chrétiens  d'Orient ,  ainsi 
appelés  parce  qu'ils  habitoient  au- 
trefois l'Arménie. 

On  croit  que  la  foi  fut  portée 
dans  leur  pays  par  l'apôtre  saint 
Barthélemi;  mais  la  tradition  com- 
mune des  arménizns  est  que  la  plus 
grande  partie  de  leur  pays  fut  con- 
vertie, au  commencement  du  qua- 
trième siècle  ,  par  saiut  Grégoire , 
surnommé  VJUuminaieur.  Ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'est  qu'au  commen- 
cement du  quatrième  siècle  l'Eglise 
d'Arménie  étoit  très-llorissante  , 
et  que  l'arianisme  y  fit  peu  de 
ravages.  Mais  l'an  535,  une  grande 
partie  de  cette  Eglise  embrassa  les 
erreurs  et  le  schisme  des  jacobitcs 


AI\M 

ou  monophysiles.  Les  arrm'nicns 
étoienldu  ressort  du  patriarche  de 
Constantinople;  ils  s'en  séparèrent 
avant  le  temps  dePholius  ,  aussi- 
bien  que  les  Grecs  de  ce  même 
pavs,etcomposèrentainsi  une  église 
nationale,  en  partie  unie  à  l'Eglise 
romaine,  cten  partie  séparée  d'elle; 
car  on  en  distingue  de  deux  sortes, 
les  francs  arméniens  et  les  schisma- 
tiques.  Les  francs  arméniens  sont 
catholiques  et  soumis  à  l'Eglise 
romaine.  Ils  ont  un  patriarche  à 
Kaksivan  ,  ville  d'Arménie  ,  sous 
la  domination  du  roi  de  Perse  ,  et 
un  autre  à  Kaminiek  en  Pologne. 
Leur  liturgiea  été  impriméeàRome 
dans  leur  ancienne  langue  ,  et  on 
en  a  une  traduction  latine,  que  le 
Père  Lebrun  a  donnée  avec  des  re- 
marques. Explic.  des  cérém.  de  la 
Messe,  lom.  5  ,  lo.^  dissert.  Les 
arméniens  schismati([ues  ont  aussi 
deux  patriarches,  l'un  résidant  au 
couvent  d'Echmiazin,  c'est-à-dire, 
les  trois  églises,  prû-che  d'Erivan,  et 
l'autreàCisenCilicicouCaramanie. 

Depuis  la  conquête  de  leur  pays 
par  Scha-ALbas  ,  roi  de  Perse  ,  ils 
n'ont  presque  point  eu  de  pays  ou 
d'habitation  fixe  ;  mais  ils  se  sont 
dispersés  dans  quelques  parties  de 
l'Europe,  particulièrement  en  Po- 
logne. Leur  principale  occupation 
est  le  commerce  ,  qu'ils  entendent 
très-bien.  Le  cardinal  de  Richelieu, 
qui  vouloit  le  rétablir  en  France, 
projeta  d'y  attirer  grand  nombre 
A"" arméniens  ;  et  le  chancelier  Se- 
guier  leur  accorda  une  imprimerie 
à  Marseille, pour  multiplier  à  moins 
de  frais  leurs  livres  de  religion  , 
qui  avant  ce  temps-là  étoient  fort 
rares  et  fort  chers. 

Le  christianisme  s'est  conservé 
parmi  eux  ,  mais  avec  beaucoup 
d'altération  parmi  les  arméniens 
schismatiques.  Le  Père  Galanus 
rapporte  que  Jean  Hermac,  armé- 
nien catholique  ,  assure  qu'ils  sui- 
vent l'hérésie  d'Eutychès  touchant 
Vunité  de  nature  en  Jésus- Christ '. 


ARM  2,9 

qu'ils  croient  que  le  Saint-Esprit 
ne  procède  que  du  Père  ;  que  les 
âmes  des  justes  n'entrent  point 
dans  le  paradis  ,  ni  celles  des  dam- 
nés en  enfer  ,  avant  le  jugement 
dernier  ;  qu'ils  nient  le  purgatoire, 
retranchent  du  nombre  des  sacre- 
ments la  confirmation  et  l'extrême- 
onclion  ,  accordent  au  peuple  la 
communion  sous  les  deux  espèces, 
la  donnent  aux  enfants  avant  qu'ils 
aient  atteint  l'âge  de  raison  ,  et 
pensent  enfin  que  tout  prêtre  peut 
absoudre  indifféremment  de  toutes 
sortes  de  péchés;  en  sorte  qu'il  n'est 
point  de  cas  réservés  ,  soit  aux 
évêques  ,  soit  au  pape.  Michel  Le- 
fèvre ,  dans  son  Théâtre  de  la  Tur- 
quie ,  dit  que  les  arméniens  sont 
monophysiles  ,  c'est-à-dire  ,  qu'ils 
n'admettent  cnJésus-Christ  qu'une 
nature  ,  composée  de  la  nature  di- 
vine et  de  la  nature  humaine ,  sans 
néanmoins  aucun  naélange.  Le 
même  auteur  ajoute  que  les  armé- 
niens .^  en  rejetant  le  purgatoire  , 
ne  laissent  pas  de  prier  et  de  célé- 
brer des  messes  pour  les  morts  , 
dont  ils  croient  que  les  âmes  at- 
tendent le  jour  du  jugement  dans 
un  lieu  où  les  justes  éprouvent  des 
sentiments  de  joie  dans  l'espérance 
de  la  béatitude,  et  les  méchants 
des  impressions  de  douleur  dans 
l'attente  des  supplices  qu'ils  savent 
avoir  mérités  ;  que  d'autres  s'ima- 
ginent qu'il  n'y  a  plus  d'enfer , 
depuis  que  Jésus-Christ  l'a  détruit 
en  descendant  aux  limbes  ,  et  que 
la  privation  deDieu  sera  le  supplice 
des  réprouvés  ;  qu'ils  ne  donnent 
plus  l'extrême-onction  depuis  en- 
viron deux  cents  ans,  parce  que  le 
peuple  ,  croyant  que  ce  sacrement 
avoit  la  vertu  de  remettre  par  lui- 
même  tous  les  péchés  ,  en  avoit 
pris  occasion  de  négliger  tellement 
la  confession  ,  qu'insensiblement 
elle  auroit  été  tout-à-fail  abolie; 
que  quoiqu'ils  ne  reconnoisscnt 
pas  la  primauté  du  pape  ,  ils  rap- 
pellent néapmoins  dans  leurs  livres 


220  ARM 

le  pasteur  universel  el  vicaire  de 
Jésus  -  Christ  ;  qu'ils  s'accordent 
avec  les  Grecs  sur  l'article  de  l'eu- 
charistie ,  excepté  qu'ils  ne  mêlent 
point  d'eau  avec  le  vin  dans  le 
sacrifice  de  la  messe,  et  qu'ils  s'y 
servent  de  pain  sans  levain  pour 
la  consécration ,  comme  les  catho- 
liques. 

Mais  il  paroît  que  Galanus  et 
Lefèvre  attribuent  aux  arméniens 
echismatiques  des  erreurs  dont  ils 
ne  sont  pas  coupables,  ou  du  moins 
qui  ne  sont  pas  communes  parmi 
eux.  Le  Père  Lebrun,  avant  de  rap- 
porter leur  liturgie  ,  prouve  qu'à 
l'exception  de  l'hérésie  des  mono- 
physites,  on  ne  peut  leur  imputer 
aucune  opinion  absolument  con- 
traire à  la  croyance  de  l'Eglise  ca- 
tholique, qu'ils  s'accordent  avec 
nous  sur  le  nombre  et  sur  la  na- 
ture des  sacrements,  surla  présence 
réelle  de  Jésus -Christ  dans  l'eu- 
charistie ,  sur  la  transsubstantia- 
tion ,  sur  le  sacrifice  de  la  messe  , 
sur  le  culte  des  saints,  sur  la  prière 
pour  les  morts  ,  etc.  Vainement 
les  protestants  ont  cherché  parmi 
eux  leurs  propres  erreurs  ,  ils  n'en 
ont  trouve  aucun  vestige.  Cepen- 
dant les  arméniens  schismatiques 
sont  séparés  de  l'Eglise  romaine 
depuis  plus  de  douze  cents  ans. 

C'est  sans  fondement  que  Bre- 
rewood  les  a  accusés  de  favoriser 
les  opinions  des  sacramentaires  , 
et  de  ne  point  manger  des  animaux 
qui  sont  estimés  immondes  dans 
la  loi  de  Moïse  ;  il  n'a  pas  pris  garde 
que  c'est  la  coutume  de  toutes  les 
sociétés  chrétiennes  d'Orient,  de 
ne  manger  ni  sang  ni  viandes  étouf- 
fées; en  quoi,  selon  l'esprit  de  la 
primitive  Eglise,  il  n'y  a  point  de 
superstition.  Ils  sont  grands  jeii- 
neurs,  et  à  les  entendre,  l'essentiel 
de  la  religion  consiste  à  jeûner. 

On  compte  parmi  eux  plusieurs 
monastères  de  l'ordre  de  saint  Ba- 
sile ,  dont  les  schismatiques  obser- 
vent la  règle  :  mais   ceux   qui  se 


ARM 

sont  réunis  à  l'Eglise  romaine  ont 
embrassé  celle  de  saint  Dominique, 
depuis  que  les  dominicains  envoyés 
en  Arménie  par  Jean  XXII ,  eurent 
beaucoup  contribué  à  les  réunir 
au  saint  siège.  Cette  union  a  été 
rompue  et  renouvelée  plusieurs 
fois,  surtout  au  concile  de  Flo- 
rence, sous  Eugène  IV. 

Les  arméniens  font  l'office  ec- 
clésiastique en  ancienne  langue 
arménienne  ,  différente  de  celle 
d'aujourd'hui  ,  et  que  le  peuple 
n'entend  pas.  Ils  ont  aussi  dans 
la  même  langue  toute  la  Bible  , 
traduite  d'après  la  version  des  sep- 
tante. Ceux  qui  sont  soumis  au 
pape  font  aussi  l'office  en  cette  lan- 
gue, et  tiennent  la  même  croyance 
que  l'Eglise  catholique,  sans  aucun 
mélange  des  erreurs  que  professent 
les  schismatiques. 

Nous  remarquerons  encore  que 
le  titre  de  vertabied ,  ou  docteur, 
est  plus  respecté  des  arméniens  que 
celui  d'évèque  ;  ils  le  confèrent 
avec  les  mêmes  cérémonies  qu'on 
donne  les  ordres  sacrés,  parce  que, 
selon  eux,  cette  dignité  représente 
celle  de  Jésus-Christ,  qui  s'appeloit 
rabbi,  ou  docteur.  Ces  vertabieds 
ont  droit  de  prêcher  assis,  et  de 
porter  une  crosse  semblable  à  celle 
du  patriarche,  tandis  que  les  évê- 
ques  n'en  ont  qu'une  moins  distin- 
guée ,  et  prêchent  debout  :  l'igno- 
rance de  leurs  évêques  a  procuré 
ces  honneurs  aux  docteurs.  Gala- 
nus,  Conciliai,  de  V Eglise  armcn. 
avec  VEglise  rom.  Simon,  Hisl.  des 
relig.  du  Levant. 

ARMES.  Il  n'est  pas  vrai,  comme 
l'ont  avancé  quelques  censeurs  du 
christianisme,  qu'il  soit  défendu 
à  un  chrétien  de  porter  les  armes. 
Saint  Luc  dans  son  évangile  rap- 
porte la  leçon  que  fit  saint  .Jean- 
Baptiste  aux  soldats  :  «  Ne  faites 
»  violence  à  personne  injustement; 
»  contentez-vous  de  votre  solde.» 
Luc. ,  c.  3.  Il  ne  leur  ordonna  point 


ARM 

de  quitter  les  armes.  Lorsque. 
Jésus-Christ  loua  la  foi  «lu  centu- 
rion, et  lui  accorda  un  miracle, 
il  ne  blâma  point  sa  proicssion. 
Malth.,  c.  T.S.  lo,  i3.  Saint  Paul 
veut  que  chacun  demeure  dans 
l'état  de  vie  dans  lequel  il  a  été 
appelé  à  la  foi  ;  les  soldats  ne  sont 
pas  exceptés.  I.  Cor.,  c.  7,  y ,  20. 
TerluUien  atteste  que  de  son  temps 
les  camps  elles  armées  étoienl  rem- 
plis de  chrétiens,  qu'ils  étoient  bons 
soldats,  puisqu'ils  ne  craignoient 
pointlamort.  ^;?o/.,chap.  %']  çX/^1. 
Si  dans  son  Traité  de  VIdolâtrie  , 
et  dans  celui  de  la  Couronne,  il 
décide  qu'un  chrétien  ne  doit 
point  embrasser  l'état  militaire  , 
c'est  qu'alors  on  exigeoit  qu'un 
soldat  fît  son  serment  par  les  dieux 
de  l'empire,  et  rendît  un  culte 
aux  enseignes  militaires  chargées 
des  images  des  dieux  :  c'est  dans 
ce  sens  qu'il  dit  qu'il  n'y  a  rien 
de  commun  entre  le  signe  de  Jésus- 
Christ  et  les  enseignes  du  diable, 
de  Jdolol.,  c.  19  ;  qu'un  chrétien 
ne  doit  pas  veiller  pendant  la  nuit 
à  la  garde  des  dieux  auxquels  il 
a  renoncé,  de  Coronâ,  c.  9.  Lors- 
que ce  danger  n'exista  plus,  le 
troisième  canon  du  concile  d'Arles 
ordonna  d'excommunier  ceux  qui 
désertoient  même  pendant  la  paix, 
Constantin  régnoit  pour  lors  ;  on 
ne  tendoit  plus  de  pièges  aux  sol- 
dats chrétiens  pour  les  engager  à 
trahir  leur  religion.  L'horreur 
pour  la  profession  militaire  est 
une  erreur  des  quakers,  réfutée 
par  Bellarmin,  tom.  II,  Controv. 
de  JLaïcis. 

ARMINIANISME,  doctrine 
d'Arminius  ,  célèbre  ministre 
d'Amsterdam ,  et  depuis  profes- 
seur en  théologie  dans  l'académie 
deLeyde  ,etdes  arminiens sts  secta- 
teurs. Calvin, Béze,Zanchius,  etc., 
avoient  établi  des  dogmes  trop 
sévères  sur  le  libre  arbitre  ,  la 
prédestination  ,    la  justification  , 


A1\M  22 1 

la  persévérance  et  la  grâce;  les 
arminiens  ont  pris  sur  tous  ces 
points  des  sentiments  plus  modé- 
rés,et  approchant  à  quelques  égards 
de  ceux  de  l'Eglise  romaine.  Go- 
mar,  professeur  en  théologie  dans 
l'académie  de  Groningue  ,  et  cal- 
viniste rigide,  s'éleva  contre  la 
doctrine  d'Arminius  ;  après  bien 
des  disputes  commencées  dès  i6og, 
et  qui  menaçoient  les  Provinces- 
Unies  d'une  guerre  civile,  la  ma- 
tière fut  discutée  et  décidée  en 
faveur  des  gomaristes,  par  le  sy- 
node de  Dordrecht  ,  tenu  en  i6i8 
et  1619.  Outre  les  théologiens  de 
Hollande,  ce  synode  fut  composé 
de  députés  de  toutes  les  Eglises  ré- 
formées, excepté  des  François,  qui 
en  furent  empêchés  pour  des  rai- 
sons d'état. 

Pour  bien  comprendre  l'état  de 
la  question  qui  étoit  à  décider,  il 
faut  savoir  que  les  théologiens  at- 
tachés aux  sentiments  de  Calvin 
sur  la  prédestination ,  ne  s'accor- 
doient  pas  :  les  uns  soutenoient  , 
comme  leur  maître  ,  que  Dieu  ,  de 
toute  éternité,  et  avant  même  de 
prévoir  le  péché.  d'Adam ,  avoit 
prédestiné  une  partie  du  genre 
humain  au  bonheur  éternel  ,  et 
une  autre  partie  aux  tourments  de 
l'enfer  ;  qu'en  conséquence  Diea 
avoit  tellement  résolu  la  chute 
d'Adam ,  et  avoit  disposé  les  évé- 
nements de  telle  manière  ,  que 
nos  premJers  parents  ne  pouvoient 
pas  s'abstenir  de  pécher.  Ces  théo- 
logiens furent  nomntés  supralap- 
sairrs ,  parce  qu'ils  supposoient 
une  prédestination  et  une  répro- 
bation absolues  ante  lapsum  ou 
supra  lapsum  :  sentiment  horrible , 
qui  peint  Dieu  comme  le  plus  in- 
juste et  le  plus  cruel  de  tous  les 
tyrans.  D'autres  disoient  que  Dieu 
n'a  pas  prédéterminé  positivement 
la  chute  d'Adam,  qu'il  l'a  seule - 
ment  permise  ;  que  par  cette  chute, 
le  genre  humain  tout  entier  étant 
devenu  une  masse  de  perdition  et 


222  ARM 

de  damnation  ,  Dieu  a  résolu  d'en 
tirer  un  certain  nombre  d'hom- 
mes ,  et  de  les  conduire  par  ses 
grâces  au  royaume  éternel ,  pen- 
dant qu'il  laisse  les  autres  dans 
cette  masse,  et  leur  refuse  les  grâces 
nécessaires  pour  se  sauver.  Ainsi , 
selon  ces  théologiens  ,  la  prédes- 
tination et  la  réprobation  se  font 
sue  lapsum  ou  infrà  lapsum  ;  c'est 
pour  cela  qu'ils  furent  nommés 
sublapsaires  ou.  infralapsaires.  Vojf. 
ce  mot.  Ces  deux  partis  se  réu- 
nirent sous  le  nom  de  goniaristes  , 
pour  condamner  les  arminiens. 

La  dispute  pour  lors  se  réduisoit 
à  cinq  chefs:  le  premier  regard  oit 
la  prédestination;  le  second,  l'u- 
niversalité de  la  rédemption  ;  le 
troisième  et  le  quatrième  ,  qu'on 
traitoit  toujours  ensemble,  regar- 
doient  la  corruption  de  l'homme 
et  sa  conversion  ;  le  cinquième 
concernoit  la  persévérance. 

Sur  la  prédestination  ,  les  ar- 
miniens disoient  ,  «  qu'il  ne  faut 
»  reconnoître  en  Dieu  aucun  dé- 
»  cret  absolu  par  lequel  il  ait  résolu 
M  de  donner  Jés;  «-Christ  aux  seuls 
»  élus ,  ni  de  donner  non  plus  à 
j)  eux  seuls  ,  par  une  vocation  ef- 
»  ficace,  la  foi,  la  justification,  la 
»  persévérance  et  la  gloire;  mais 
»  qu'il  a  donné  Jésus- Christ  pour 
»  rédempteur  commun  à  tout  le 
>»  monde,  et  résolu  par  ce  décret 
»  de  justifier  et  de  sauver  tous  ceux 
»  qui  croiront  en  lui ,  et  en  même 
»  temps  de  leur  donner  à  tous,  les 
»  moyens  suffisants  pour  être  sau- 
»  vés  ;  que  personne  ne  périt  pour 
»  n'avoir  point  ce3  moyens,  mais 
»  pour  en  avoir  abusé  ;  que  l'élec- 
»  tion  absolue  et  précise  des  par- 
»  ticuliers  se  fait  en  vue  de  leur  foi 
»  et  de  leur  persévérance  future , 
»  qu'il  n'y  a  d'élection  que  con- 
»  ditionnelle;  que  la  réprobation 
»  se  fait  de  même ,  en  vue  de  l'in- 
»  fidélité  et  de  la  persévérance  dans 
»  le  mal.  »  Ce  système  étoit  direc- 
tement opposé   tant  à    celui   des 


ARM 

supralapsaires  qu'à   celui    des  in- 
fralapsaires. 

Sur  l'universalité  de  la  rédemp- 
tion ,  les  arminiens  enseignoient 
«  que  le  prix  payé  par  le  Fils  de 
»  Dieu,  n'est  pas  seulement  suffi- 
»  sant  à  tous,  mais  actuellement 
M  offert  pour  tous  et  un  chacun  ; 
»  qu'aucun  n'est  exclu  du  fruit  de 
n  la  rédemption  par  un  décret  ab- 
»  solu  ,  ni  autrement  que  par  sa 
»  faute.  »  Doctrine  toute  diffé- 
rente de  celle  de  Calvin  et  des 
gomaristes,  qui  posent  pourdogme 
indubitable  que  Jésus-Christ  n'est 
mort  en  aucune  sorte  que  pour  les 
prédestinés  ,  et  nullement  pour  les 
réprouvés. 

Sur   le   troisième  et   quatrième 
chefs  ,  après  avoir  dit  que  la  grâce 
est  nécessaire   à  tout  bien  ,  non- 
seulement   pour   l'achever  ,    mais 
encore  pour   le   commencer  ,    ils 
ajoutoient  que  la  grâce  n'est  pas 
irrésistible  ,    c'est-à-dire  ,  qu'on 
peut  y  résister  ;    ils   soutenoient 
qu'encore  que  la  grâce  soit  donnée 
inégalement,  «  Dieu  en  donne  ou 
»  en  offre  une  suffisante  à  tous  ceux 
»  à    qui   l'Evangile  est  annoncé  , 
»  même  à  ceux  qui  ne  se  conver- 
»  tissent   pas ,  et  l'offre  avec   un 
»  désir   sincère  et   sérieux   de   les 
»  sauver  tous  :  11  est  indigne   de 
»  Dieu,  disoient-ils,  de  faire  sem- 
»  blant  de  vouloir  sauver,  et  au 
»  fond  de  ne  le   vouloir  pas  ;   de 
»  pousser  secrètement  les  hommes 
»  aux  péchés  qu'il  défend  publia 
»  quement,  »  deux  opinions  mons- 
trueuses qu'avoient  introduites  les 
premiers  réformateurs.  Sur  le  cin- 
quième ,  c'est-à-dire  ,  sur  la  persé- 
vérance ,  ils  décidoient  que  «  Dieu 
»  donne  aux  vrais   fidèles  ,   régé- 
n  nérés  par  sa  grâce ,  des  moyens 
))  pour  se  conserver  dans  cet  état; 
»  qu'ils  peuvent  perdre   la   vraie 
»  foi  justifiante,  et  tomber  dans 
»  des  péchés  incompatibles  avec  la 
»  justification   ,    même    dans    les 
»  crimes  atroces,  y  persévérer,  y 


ARM 

»  mourir  même,  s'en  relever  par 
i>  la  péuileiice,  sans  néanmoins  que 
»  la  grâce  les  contraigne  à  le  faire.  » 
Par  ce  sentiment  ils  détruisoient 
celui  des  calvinistes  rigides  ;  sa- 
voir ,  que  l'homme  une  fois  j  uslifié 
ne  peut  plus  perdre  la  grâce,  ni 
totalement,  ni  finalement,  c'est- 
à-dire  ,  ni  tout-à-fait  pour  un  cer- 
tain temps  ,  ni  pour  jamais  et  sans 
retour.  Les  arminiens  sont  aussi 
appelés  remontrants  ,  par  rapport 
à  une  requête  ou  remontrance 
qu'ils  adressèrent  aux  états-géné- 
raux des  Provinces-Unies  en  i6i  i , 
et  dans  laquelle  ils  exposèrent 
les  principaux  articles  de  leur 
croyance. 

Leurs  cinq  articles  de  doctrine 
furent  solennellement  condamnés 
par  le  synode  de  Dordrecht  ;  eux- 
mêmes  furent  privés  de  leurs  places 
de  ministres  et  de  leurs  chaires  ; 
il  fut  décidé  qu'à  l'avenir  personne 
ne  seroit  admis  à  la  fonction  d'en- 
seigner sans  avoir  souscrit  à  cette 
condamnation.  Les  gomaristes  su- 
praïapsaires  firent  tous  leurs  ef- 
forts pour  faire  approuver  par  le 
synode  leur  sentiment  touchant  la 
prédestination  ,  mais  ils  ne  purent 
pas  en  venir  à  bout  ;  les  théologiens 
anglois  et  d'autres  s'y  opposèrent  : 
ainsi  la  doctrine  établie  à  Dor- 
drecht est  celle  des  infralapsaires. 
Mosheim ,  Hist.  eccJés.  du  dix-sep- 
tième siècle ,  sect.  2  ,  part.  2  ,  c.  2  , 
§11.  Les  décrets  de  l'assemblée  de 
Dordrecht  furent  reçus  et  adoptés 
par  les  calvinistes  de  France  ,  dans 
un  synode  national  tenu  à  Cha- 
renton  en  1623  :  nous  verrons  dans 
Un  nioment  quels  en  furent  les 
fruits. 

Depuis  leur  condamnation  ,  les 
arminiens  ont  poussé  leur  système 
beaucoup  plus  loin  que  n'avoit 
fait  Arminius  lui-même  ;  ils  sont 
tombés  dans  le  pélagianisme  ,  et  se 
sont  fort  approchés  des  sociniens, 
surtout  lorsqu'ils  avoient  pour 
chef    Simon    Episcopius.    Quand  i 


ARM  223 

les  calvinistes  les  accusent  de  re- 
nouveler une  ancienne  hérésie  déjà 
condamnée  dans  les  pélagiens  et 
les  semi-pélagiens ,  ils  répliquent 
que  la  simple  autorité  des  hommes 
ne  peut  passer  pour  une  preuve 
légitime  que  dans  l'Eglise  romaine  ; 
que  les  calvinistes  eux-mêmes  ont 
introduit  dans  la  religion  une  toute 
autre  manière  d'en  décider  les  dif- 
férents; qu'il  ne  suffit  pas  de  faire 
voir  qu'une  opinion  a  été  con- 
damnée ,  mais  qu'il  faut  montrer 
qu'elle  a  été  condamnée  à  juste 
titre.  Sur  ce  principe,  que  les  cal- 
vinistes ne  sont  pas  en  état  de  ré- 
futer ,  les  arminiens  retranchent 
un  assez  grand  nombre  d'articles 
de  religion  que  les  premiers  ap- 
^tWtnifondamentaux  ;  parce  qu'on 
ne  les  trouve  point  assez  clairement 
expliqués  dans  l'Ecriture.  Ils  re- 
jettent avec  mépris  les  catéchismes 
et  les  confessions  de  foi  auxquels 
les  calvinistes  veulent  qu'on  s'en 
tienne.  C'est  pourquoi  ceux  -  ci  , 
dans  le  synode  de  Dordrecht,  s'at- 
tachèrent beaucoup  à  établir  la 
nécessité  de  décider  les  différents 
de  religion  par  voie  d'autorité,  et 
revinrent  ainsi  aux  principes  des 
catholiques  ,  contre  lesquels  ils  ont 
tant  déclamé.  Les  arminiens  furent 
d'abord  proscrits  en  Hollande,  où 
on  les  tolère  cependant  aujour- 
d'hui. 

Ils  ont  abandonné  la  doctrine  de 
leur  premier  maître  sur  la  pré- 
destination et  l'élection  faites  de 
toute  éternité  ,  en  conséquence  de 
la  prévision  des  mérites  ;  Episco- 
pius a  imaginé  que  Dieu  n'élit  les 
fidèles  que  dans  le  temps  ,  et  lors- 
qu'ils croient  actuellement.  Us 
pensent  que  la  doctrine  de  la  Tri- 
nité n'est  point  nécessaire  au  salut, 
et  qu'il  n'y  a  dans  l'Ecriture  aucun 
précepte  qui  nous  commande  d'a- 
dorer le  Saint-Esprit.  Enfin,  leur 
grand  principe  est  qu'on  doit  to- 
lérer toutes  les  sectes  chrétiennes; 
J)arce  que  ,  disent-ils  ,  il  n'a  point 


224  AKM 

été  décidé  jusqu'ici  qui  sont  ceux 
d'entre  les  chrétiens  qui  ont  em- 
brassé la  religion  la  plus  véritable 
et  la  plus  conforme  à  la  parole  de 
Dieu. 

On  a  distingué  les  arminiens  en 
deux  branches ,  par  rapport  au 
gouvernement  et  par  rapport  à  la 
religion.  Les  premiers  ont  été  nom- 
més arminiens  politiques  ,  et  l'on  a 
compris  sous  ce  titre  tous  les  Hol- 
landois  qui  se  sont  opposés  en 
quelque  chose  aux  desseins  des 
princes  d'Orange,  tels  queMM.Bar- 
iiewelt  et  de  "Witt ,  et  plusieurs 
autres  réformés ,  qui  ont  été  vic- 
times de  leur  zèle  pour  leur  patrie. 
Les  arminiens  ecclésiastiques  ,  sont 
ceux  qui,  professant  les  sentiments 
des  remontrants  ,  n'ont  point  de 
part  dans  l'administration  de  l'é- 
tat :  ils  ont  d'abord  été  vivement 
persécutés  par  le  prince  Maurice  ; 
mais  on  les  a  ensuite  laissés  en  paix, 
sans  toutefois  les  admettre  au  mi- 
nistère ni  aux  chaires  de  théologie, 
à  moins  qu'ils  n'aient  accepté  les 
actes  du  synode  de  Dordrecht. 
Outre  Simon  Episcopius  ,  les  plus 
célèbres  entre  ces  derniers  ont  été 
Etienne  de  Courcelles  et  Philippe 
de  Limborch  ,  qui  ont  beaucoup 
écrit  pour  exposer  et  soutenir  les 
sentiments  de  leur  parti. 

Le  célèbre  Jean  Leclerc  Tavoit 
aussi  embrassé.  Il  est  fort  douteux, 
dit  Mosheim ,  si  la  victoire  rem- 
portée sur  les  arminiens  par  les 
gomaristes  fut  avantageuse  à  l'é- 
glise réformée  en  général.  Pour 
nous  ,  il  nous  paroît  qu'elle  a  cou- 
vert la  prétendue  réforme  d'un 
approbre  éternel.  i.°  Après  avoir 
posé  pour  maxime  fondamentale 
de  cette  réforme ,  que  l'Ecriture 
sainte  est  la  seule  règle  de  foi ,  le 
seul  juge  des  contestations  en  fait 
de  doctrine,  il  étoit  bien  absurde 
de  juger  et  de  condamner  les  ar- 
miniens ,  non  par  le  texte  seul  de 
l'Ecriture  sainte  ,  mais  par  les 
gloses,  les  commentaires,  les  ex- 


AKJl 

plicalions  qu'il  plaisoit  aux  goma- 
ristes d'y  donner.  Quand  on  jette 
les  yeux  sur  les  passages  allégués 
par  ces  derniers  dans  le  synode 
de  Dordrecht,  on  voit  qu'il  n'y 
en  a  presque  pas  un  seul  à  la  lettre 
duquel  ils  n'ajoutent  quelque 
chose,  et  que  la  plupart  peuvent 
avoir  un  sens  tout  différent  de  celui 
qu'y  donnent  les  gomaristes  Les 
arminiens  en  alléguoient  de  leur 
côté,  auxquels  leurs  adversaires  ne 
l'épondent  point  ;  de  quel  front 
peut-on  dire  qu'ici  c'est  l'Ecriture 
sainte  qui  décide  la  contestation, 
pendant  que  c'est  le  fond  même 
sur  lequel  on  dispute  ? 

2.°  L'on  a  peine  à  retenir  son 
indignation ,  quand  on  voit  le  sy- 
node de  Dordrecht  se  fonder  sur 
la  promesse  que  Jésus -Christ  a 
faite  à  son  Eglise  d'être  avec  elle 
jusqu'à  la  consommation  des  siè- 
cles, pendant  que  tous  les  protes- 
tants font  profession  de  croire  que 
ce  divin  Sauveur  a  abandonné  cette 
même  Eglise  immédiatement  après 
la  mort  des  apôtres  ;  que ,  pendant 
quinze  cents  ans  ,  il  y  a  laissé  in- 
troduire les  erreurs  les  plus  mons- 
trueuses et  les  superstitions  les 
plus  grossières ,  de  manière  que 
cette  Eglise  n'étoit  plus  l'épouse 
de  Jésus-Christ,  mais  la  prostituée 
de  Babylone,  de  laquelle  il  a  fallu 
se  séparer  au  seizième  siècle  pour 
pouvoir  faire  son  salut.  Que  penser 
encore  quand  on  voit  les  docteurs 
de  Dordrecht  rappeler  l'exemple 
et  la  méthode  des  anciens  conciles, 
de  condamner  les  erreurs,  et  que 
l'on  se  souvient  des  déclamations 
fougueuses  que  les  protestants  se 
sont  permises  contre  tous  les  con- 
ciles ?  Pour  comble  de  ridicule  , 
ils  citent  la  conduite  des  princes 
et  des  souverains  qui  ont  protégé 
l'Eglise  contre  les  attaques  des  hé- 
rétiques ,  après  avoir  cent  fois 
blâmé  les  empereurs  qui  se  sont 
mêlés  des  disputes  de  religion  ;  ils 
félicitent  l'Eglise  belgique    d'être 


AUM 

dclivrce  de  la  tyrannie  île  Vantc- 
chrisl  romain  ,  et  de  V Horrible  idolâ- 
trie du  papisme ,  pendant  qu'cux- 
mcmes exercent  contre  leurs  frères 
un  (les  principaux  actes  de  celle  pré- 
tendue tyrannie,  en  se  rendant  ju- 
ges et  arbitres  de  la  croyance,  etc. 
3.°  Aussi  les  arminiens  ne  man- 
quèrent pas  de  faire  à  leurs  ad- 
versaires tous  les  reproches  que 
les  protestants  ont  faits  contre  le 
concile  de  Trente  qui  les  a  con- 
damnés. Ils  dirent  que  ceux  qui 
s'arrogeoient  le  droit  de  les  juger, 
étoient  leurs  accusateurs  et  leurs 
parties;  qu'un  synode  devoit  être 
libre;  que  les  accusés  devo,ient  y 
être  admis  à  se  défendre  et  à  se 
justifier  ;  que  leurs  prétendus  juges 
se  rendoient  arbitres  de  la  parole 
de  Dieu,  etc.  On  n'eut  aucun  égard 
à  leurs  plaintes  ni  à  leurs  clameurs. 
Il  est  constant  aujourd'hui  que  le 
synode  de  Dordrecht  ne  fui  autre 
chose  qu'une  farce  politique  jouée 
par  le  prince  Maurice  de  Nassau , 
prince  d'Orange,  pour  se  défaire 
de  quelques  républicains  qui  lui 
faisoient   ombrage.    Vb/ez    GoMA- 

RISTES. 

4.°  Mosheim  nous  fait  observer 
que  les  décrets  de  Dordrecht,  loin 
de  détruire  la  doctrine  d'Armi- 
nius ,  ne  servirent  qu'à  la  répan- 
dre davantage  et  à  indisposer  les 
esprits  contre  les  opinions  rigides 
de  Calvin.  Les  arminiens,  dit-il, 
attaquèrent  leurs  adversaires  avec 
tant  d'esprit,  décourage  et  d'élo- 
quence, qu'une  multitude  de  gens 
fut  persuadée  de  la  justice  de  leur 
cause.  Quatre  provinces  de  Hol- 
lande refusèrent  de  souscrire  au 
synode  de  Dordrecht  ;  ce  synode 
fut  reçu  en  Angleterre  avec  mépris, 
parce  que  les  anglicans  témoi- 
gnoientdu  respect  pour  les  anciens 
Pères,  dont  aucun  n'a  osé  mettre 
des  bornes  à  la  miséricorde  divine. 
Dans  les  Eglises  de  Brandebourg 
et  de  lirême  ,  à  Genève  môme, 
Varminianisrne  a  prévalu.  Mosheim 


AUM  22i; 

ajoute  que  les  calvinislos  de  France 
s'en  rapprochèrent  aussi  ,  afin  de 
ne  pas  donner  trop  d'avantage  aux 
théologiens  catholiques  contre  eux; 
mais  il  oublie  l'acceptation  for- 
melle des  décrets  de  Dordrecht 
faite  dans  le  synode  de  Charenton 
en  1623.  Ou  cette  acceptation  ne 
fut  pas  sincère  ,  ou  les  calvinistes 
ont  rougi  dans  la  suite  de  l'aveu- 
glement de  leurs  docteurs. 

Nous  ne  finirions  pas  ,  si  nous 
suivions  en  détail  toutes  les  absur- 
dités ,  les  erreurs,  les  traits  de  du- 
plicité et  de  passion  que  l'on  voit 
dans  ces  mêmes  décrets.  Ils  se  trou- 
vent dans  le  recueil  des  confessions 
de  foi  des  églises  protestantes.  Bos- 
sue t ,  Hist.  des  Variât.  ,  liv.  i4  , 
§  23 ,  etc. 

Les  luthériens,  non  plus  que  les 
anglicans,  n'ont  pas  pu  se  dissi- 
muler que  la  censure  portée  k 
Dordrecht  contre  Varminianisrne 
retomboi  t  ùirectement  sur  eux.Mos- 
heim  a  fait  une  dissertation  ,  dans 
laquelle  il  prouve,  i."  que  les  cinq 
articles  de  doctrine  condamnés  par 
ce  synode,  sont  le  sentiment  com- 
mun des  luthériens  et  de  la  plupart 
des  théologiens  anglicans.  2.°  One 
le  synode  ,  loin  de  condamner  la 
conduite  abominable  de  Calvin  , 
qui  représente  Dieu  comme  auteur 
du  péché,  l'a  plutôt  adoptée  et 
confirmée.  3.°  Que  les  décrets  de 
Dordrecht  ont  été  exprès  conçus 
en  termes  ambigus,  pour  laisser  la 
liberté  de  les  entendre  comme  on 
voudra.  4-'  H  réfute  les  sophisme» 
et  les  subterfuges  par  lesquels  plu- 
sieurs théologiens  calvinistes  onf. 
voulu  prouver  que  la  censure  de 
ce  synode  n'intércssoit  point  lc<^ 
luthériens.  5. °I1  montre  le  ridicule 
des  éloges  outrés  qu'ils  ont  faits  de 
celte  assemblée  et  de  ses  décrets  , 
et  l'opprobre  dont  les  calviniste.i 
se  sont  couverts  en  usant  de  vio- 
lence envers  les  arminiens  ,  parce 
qu'ils  les  ont  regardés  comme  hè- 
re ti([ues.  6.°  Il  ccncliil  que   celte 


a  26  ARN 

conduite  est  le  plus  grand  obstacle 
que  les  calvinistes  aient  pu  mettre 
a  leur  réunion  avec  les  autres  pro- 
testants ,  et  le  plus  sûr  moyen  qu'ils 
aient  pu  trouver  de  rendre  la  di- 
vision éternelle.  De  auc/or/'/a/e  Co/ï- 
cilii  Dorderat.  ,  paci  sacrœ  noxiâ  , 
\n-^°  ^  Hdmstad ,  1726. 

ARNALDISTES  ou  ARNAU- 
DISTES ,  hérétiques  ainsi  nommés 
d'Arnaud  de  Bresse  ,  leur  chef.  Ils 
parurent  dans  le  douzième  siècle; 
ils  invectivèrent  hautement  contre 
la  possession  des  biens  ecclésiasti- 
ques qu'ils  traitoient  d'usurpation. 
Us  rejetoient  le  baptême  des  en- 
fants ,  le  sacrifice  de  la  messe ,  la 
prière  pour  les  morts  ,  le  culte  de 
la  croix,  etc.  Ils  furent  condamnés 
au  concile  de  Latran  sous  Inno- 
cent II  ,  en  iiSg.  Arnaud,  après 
avoir  excité  des  troubles  à  Bresse  et 
à  Rome ,  fut  pendu  et  brûlé  dans 
cette  dernière  ville,  en  ii55,  et 
ses  cendres  furent  jetées  dans  le 
Tibre.  Quelques-uns  de  ses  disci- 
ples ,  qu'on  nommoit  aussi  publi- 
cains  ou  poplicaîns  ,  étant  passés 
de  France  en  Angleterre  vers 
l'an  1 166,  y  furent  arrêtés  et  dissi- 
pés. Cette  secte  devint  ensuite  une 
branche  de  l'hérésie  des  albigeois. 
Mosheim ,  apologiste  déclaré  de 
tous  les  hérétiques,  dit  qu'Arnaud 
de  Bresse  étoit  un  homme  d'une 
érudition  immense  et  d'une  austé- 
rité étonnante ,  mais  d'un  caractère 
turbulent  et  impétueux  ;  qu'il  ne 
paroît  avoir  adopté  aucune  doc- 
trine incompatible  avec  l'esprit  de 
la  véritable  religion,  que  les  prin- 
cipes qui  le  firent  agir  ne  furent 
répréhensibles  que  parce  qu'il  les 
poussa  trop  loin ,  et  qu'il  les  exé- 
cuta avec  un  degré  de  véhémence 
qui  fut  aussi  criminel  qu'impru- 
«lent;  qu'à  la  fin  il  fut  la  victime 
de  la  vengeance  de  ses  ennemis  ; 
que  l'an  ii55  il  fut  crucifié  et  jeté 
au  feu.  Hist.  ecclés.  du  douzième 
siècle,  a.*  part. ,  c.  5  ,  §  10. 


ARiN 

Mosheim  a  sans  doute  oublié 
qu'Arnaud  de  Bresse  étoit  moine 
et  disciple  d'Abailard  ,  et  qu'il  n'a 
laissé  aucun  ouvrage  qui  prouve 
son  érudition  ;  il  ne  falloit  donc 
pas  lui  en  supposer  ,  après  avoir 
peint  tous  les  moines  de  ce  temps- 
là  comme  des  ignorants.  Celui-ci 
condamnoit  le  baptême  des  en- 
fants, le  sacrifice  de  la  messe,  etc. 
II  vouioit  que  l'on  dépouillât  les 
ecclésiastiques  des  biens  qu'ils  pos- 
sédoient  légitimement  ;  il  excita  des 
séditions.  Nous  reconnoissons  là 
les  principes  et  l'esprit  des  préten- 
dus réformateurs  ;  mais  est-il  com- 
patible avec  l'esprit  de  la  véritable 
religion ,  qui  défend  de  troubler 
l'ordre  public,  surtout  à  un  moine 
sans  autorité.''  Mosheim  eût -il 
trouvé  bon  qu'un  zélateur  de  la 
pauvreté  évangélique  lui  eût  ôté 
les  deux  abbayes  qu'il  possédoit  ? 
Arnaud  de  Bresse  ne  fut  donc  pas 
la  victime  de  la  vengeance  de  ses 
ennemis  ,  mais  justement  puni 
comme  séditieux  et  perturbateur 
du  repos  public  ;  il  ne  fut  point 
crucifié ,  mais  attaché  à  un  poteau, 
étranglé  et  brûlé. 

Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec 
Arnaud  de  Villeneuve,  chimiste  et 
médecin  célèbre  ,  qui  pratiqua  et 
enseigna  son  art  avec  beaucoup  de 
réputation  en  Espagne  et  à  Paris 
au  commencement  du  quatorzième 
siècle.  Malheureusement  il  voulut 
faire  aussi  le  théologien  ;  il  ensei- 
gna dans  ses  livres  qu'en  Jésus- 
Christ  la  nature  humaine  est  égale 
en  toutes  choses  à  la  Divinité ,  et 
a  su  tout  ce  que  savoit  la  Divinité; 
que  le  démon  a  fait  périr  la  foi  ; 
que  Dieu  n'a  point  menacé  de  la 
damnation  éternelle  ceux  qui  pè- 
chent ,  mais  seulement  ceux  qui 
donnent  mauvais  exemple  ;  que  le 
monde  devoit  finir  l'an  i335,  etc. 
Quinze  propositions  extraites  de 
ses  ouvrages  furent  condamnées 
après  sa  mort  par  l'inquisition  de 
TarragoQP,  parce  qu'elles  avoienl 


ARN 

des  scclalocirs  en  Espagne.  Mais  il 
n'est  pas  vrai  que  cet  auteur  ait  été 
du  nombre  de  ceux  qui  eurent  de 
la  peine  à  se  soustraire  à  la  main 
du  bourreau ,  comme  l'avance  Mos- 
heini  ,  treizième  siècle  ,  seconde 
partie,  o.  i  ,  §  g.  Arnaud  de  Vil- 
leneuve mourut  dans  le  vaisseau 
qui  le  transportoit  en  Italie  ,  où  il 
éloit  appelé  pour  traiter  avec  le 
papeClément  V.  Va/.  Dict.  desHér., 
par  Pluquet,  qui  cite  s^s  garants. 

ARNOBE ,  professeur  de  rhéto- 
rique à  Sicca  en  Afrique ,  se  con- 
vertit au  christianisme  pendant  la 
persécution  de  Dioclétien ,  et  mou- 
rut au  commencement  du  qua- 
trième siècle  ;  il  eut  pour  disciple 
Lactance.  Après  sa  conversion  ,  il 
écrivit  en  sept  livres  un  ouvrage 
contre  les  gentils  ,  où  il  fait  l'apo- 
logie de  la  religion  chrétienne  , 
et  réfute  la  doctrine  des  païens. 
Comme  il  n'étoit  pas  encore  par- 
faitement instruit  de  nos  dogmes  , 
on  lui  reproche  d'être  tombé  dans 
quelques  méprises  ;  mais  le  père  Le 
Nourry  et  dom  Cellier  l'ont  justifié 
sur  plusieurs  articles.  On  n'a  point 
encore  de  meilleure  édition  de  cet 
ouvrage  que  celle  d'Amsterdam  en 
i65i  ,  m-4.° 

Barbeyrac  ,  Traité  de  la  morale 
des  Pères  ,  c.  4  ,  §  3  ,  note  ,  accuse 
Arnobe  d'avoir  enseigné  que  Dieu 
n'est  point  le  créateur  des  insectes 
ni  des  âmes  humaines  ;  mais  après 
une  lecture  attentive ,  il  nous  pa- 
roît  qu'il  a  seulement  voulu  dire 
que  si  l'on  s'en  tenoit  aux  notions 
philosophiques  ,  et  aux  lumières 
que  l'on  pouvoit  puiser  chez  les 
philosophes  ,  on  ne  pourroit  ja- 
mais démontrer  que  les  insectes  et 
les  âmes  humaines  sont  l'ouvrage 
immédiat  de  Dieu  ;  et  que  l'on  ne 
pourroit  donner  des  réponses  sa- 
tisfaisantes à  ceux  qui  soulenoient 
le  contraire  ;  qu'ainsi  c'e^t  de  la 
révélation  seule  qu'il  faut  appren- 
dre ces  vérités. 


ART  227 

Il  ne  faut  pas  confondre  cet  au- 
teur avec  Arnobe  le  jeune  ,  prê- 
tre de  Marseille  ,  qui  vivoit  vers 
l'an  460  ,  qui  a  fait  un  commen- 
taire sur  les  psaumes  ,  et  qui  est 
accusé  de  semi-pélagianisme. 

ARRHABON AIRES,  nom  qu'on 
donna  aux  sacramentaires  dans  le 
seizième  siècle  ,  parce  qu'ils  di- 
soient que  l'eucharistie  est  donnée 
comme  le  gage  du  corps  de  Jésus- 
Christ ,  et  comme  l'investiture  de 
l'hérédité  promise.  Stancharus  en- 
seigna cette  doctrine  en  Transyl- 
vanie.  Voyez  Pratéolé  ,  au  mot 
Arrhabonaires. 

Ce  mot  est  dérivé  du  latin  arrJia 
ou  arrhabo  ,  arrhe  ,  gage  ,  nantis- 
sement. Les  catholiques  convien- 
nent que  l'eucharistie  est  un  gaj^e 
de  l'immortalitc  bienheui'euse  , 
mais  que  c'est  là  un  de  ses  effets  , 
et  non  son  essence ,  comme  le  sou- 
lenoient les  hérétiques  dont  il  est 
ici  question. 

ART.  Certains  critiques  ,  fort 
mal  instruits,  ont  accusé  le  chris- 
tianisme d'avoir  contribué  à  la  dé- 
gradation des  arts.  Pour  peu  que 
l'on  ait  lu  l'histoire  ,  on  sait  que 
ce  fut  en  Europe  un  effet  de  l'inon- 
dation des  Barbares,  et  en  Asie  une 
suite  des  ravages  des  mahométans; 
quesans  la  religion  chrétienne  tous 
les  arts  de  dessin  auroient  été 
anéantis.  Les  mahométans  ont  en 
horreur  les  statues  :  les  iconoclas- 
tes ,  pour  leur  plaire  ,  brisèrent  les 
images;  les  Barbares  venus  du  Nord 
étoient  trop  grossiers  pour  faire 
aucun  cas  de  la  peinture ,  de  la 
.sculpture  ,  de  l'architecture  ,  de 
Vari  des  décorations;  toute  pompe 
extérieure  fut  bannie  ,  excepté  du 
culte  divin  et  des  temples  du  Sei- 
gneur. C'est  là  qu'il  s'en  est  con- 
servé un  reste  de  goût  ,  qui  s'est 
ranimé  à  la  renaissance  des  let- 
tres ;  et  celles-ci  n'ont  été  préser- 
vées de  leur  ruine  entière  que  par 
i5. 


228  ART 

la  religion.  Voyez  Lettres, 
Sciences. 

Art  des  Esprits  ,  ou  art  Angé- 
lique,  moyen  superstitieux  pour 
acquérir  la  connoissance  de  tout 
ce  qu'on  veut  savoir  avec  le  se- 
cours de  son  ange  gardien  ,  ou  de 
quelque  autre  bon  ange.  On  distin- 
gue deux  sortes  d'ar/  angélique  : 
l'un  obscur  ,  qui  s'exerce  par  la 
voie  d'élévation  ou  d'extase  ;  l'autre 
clair  et  distinct,  lequel  se  pratique 
par  le  ministère  des  anges,  qui  ap- 
paroissent  aux  hommes  sous  des 
formes  corporelles  ,  et  qui  s'entre- 
tiennent avec  eux.  Ce  fut  peut-être 
cet  art  dont  se  servit  le  père  du 
célèbre  Cardan  ,  lorsqu'il  disputa 
contre  les  trois  esprits  qui  soute- 
noient  la  doctrine  d'Averroës ,  et 
qu'il  reçut  ou  crut  recevoir  des 
lumières  d'un  génie  quMl  eut  avec 
lui  pendant  trente-trois  ans.  Il  est 
certain  que  cet  art  est  supersti- 
tieux, puisqu'il  n'est  autorisé  ni 
de  Dieu  ni  de  l'Eglise ,  et  que  les 
anges  ,  par  le  ministère  desquels 
on  suppose  qu'il  s'exerce  ,  ne  sont 
autres  que  des  esprits  de  ténèbres 
et  des  anges  de  Satan.  D'ailleurs  , 
les  cérémonies  dont  on  se  sert  ne 
sont  que  des  conjurations  par  les- 
quelles on  oblige  les  démons  ,  en 
vertu  de  quelque  pacte,  de  dire  ce 
qu'ils  savent,  et  rendre  les  services 
qu'on  exige  d'eux.  Voyez  Art  no- 
toire. Cardan  ,  lib.  i6  ,  derer,  Va- 
n'e/.Thiers ,  Traité  des  superstitions, 
tom.  1 ,  pag.  275. 

Art  notoire  ,  moyen  supersti- 
tieux par  lequel  on  promet  l'acqui- 
sition des  sciences  par  infusion  et 
sans  peine ,  en  pratiquant  quelques 
jeiînes  et  en  faisant  certaines  céré- 
monies inventées  à  ce  dessein. Ceux 
qui  font  profession  de  cet  art,  as- 
surent que  Salomon  en  est  l'au- 
teur ,  et  que  ce  fut  par  ce  moyen 
qu'il  acquit  en  une  nuit  cette 
grande  sagesse  qui  l'a  rendu  si  cé- 
lèbre dans  le  monde.  Ils  ajoutent 
qu'il  a  renfermé  les  préceptes  et  la 


ART 

mélhode  de  cet  art  dans  un  petit 
livre  qu'ils  prennent  pour  modèle. 
Voici  la  manière  par  laquelle  ils 
prétendent  acquérir  les  sciences  , 
selon  le  témoignage  du  père  Delrio  : 
ils  ordonnent  à  leurs  aspirants  de 
fréquenter  les  sacrements,  de  jeû- 
ner tous  les  vendredis  au  pain  et 
à  l'eau ,  et  de  faire  plusieurs  prières 
pendant  sept  semaines  ;  ensuite  ils 
leur  prescrivent  d'autres  prières  , 
et  leur  font  adorer  certaines  images 
les  sept  premiers  jours  de  la  nou- 
velle lune,  au  lever  du  soleil,  du- 
rant trois  mois  ;  ils  leur  font  encore 
choisir  un  jour  où  ils  se  sentent 
plus  pieux  qu'à  l'ordinaire  et  plus 
disposés  à  recevoir  les  Inspirations 
divines  :  ces  jours  -  là  ils  les  font 
mettre  à  genoux  dans  une  église  ou 
oratoire,  ou  en  pleine  campagne  , 
et  leur  font  dire  trois  fols  le  pre- 
mier verset  de  l'hymne  Veni,  Crea- 
tor Spiritus ,  etc. ,  les  assurant  qu'ils 
seront  après  cela  remplis  de  la 
science  comme  Salomon  ,  les  pro- 
phètes et  les  apôtres.  Saint  Thomas 
d'AquIn  montre  la  vanité  de  cet  art 
prétendu  ;  saint  Anlonln  ,  arche- 
vêque de  Florence ,  Denys  le  Char- 
treux ,  Gerson  et  le  cardinal  Caje- 
tan  ,  prouvent  que  c'est  une  cu- 
riosité criminelle  par  laquelle  on 
tente  Dieu,  et  un  pacte  tacite  avec 
le  démon  :  aussi  cet  art  ful-U  con- 
damné comme  superstitieux,  par 
la  faculté  de  théologie  de  Paris  , 
l'an  i320.  Delrio  ,  Disquis.  Magic., 
part.  2.  Thiers  ,  Traité  des  super- 
stitions,  ibid. 

Art  de  saint  Anselme  ,  moyen 
de  guérir  les  plaies  les  plus  dange- 
reuses ,  en  touchant  seulement  aux 
linges  qui  ont  été  appliqués  sur  les 
blessures.  Quelques  soldats  ita- 
liens ,  qui  font  encore  ce  métier  , 
en  attribuent  l'invention  à  saint 
Anselme  ;  mais  Delrio  assure  que 
c'est  une  superstition  Inventée  par 
Anselme  de  Parme ,  fameux  magi- 
cien ,  et  remarque  que  ceux  qui 
sont  ainsi  guéris  ,    si  toutefois  ils 


ASC 

en  guérissent ,  rclombent  cnsuilc 
<lans  «le  plus  grands  maux  ,  cl  fi- 
nissent malheureusement  leur  vie. 
Delrio  ,  Disquis.  Magic.  ,  liv.  i. 

Art  de  saint  Paul  ,  sorte  d'ar/ 
notoire  ,  que  quelques  supersti- 
tieux disent  avoir  été.  enseigné  par 
saint  Paul,  après  qu'il  eut  été  ravi 
jusqu'au  troisième  ciel:  on  ne  sait 
pas  bien  les  cérémonies  que  pra- 
tiquent ceux  qui  prétendent  ac- 
quérir les  sciences  par  ce  moyen  , 
sans  aucune  élude  et  par  inspira- 
tion; mais  on  ne  peut  douter  que 
cet  art  ne  soit  illicite  ;  et  il  est 
constant  que  saint  Pauln^a  jamais 
révélé  ce  qu'il  ouït  dans  son  ravis- 
sement,  puisqu'il  dit  lui-même 
qu'il  entendit  des  paroles  ineffa- 
bles ,  qu'il  n'est  pas  permis  à  un 
homme  de  raconter.  Voyez  Art 
NOTOIRE.  Thiers  ,  Traité  des  super- 
stitions. 

ARTICLE  DE  FOI.  Fb/.  Dogme. 

ARTOTYRITES.  î^ofcz  Monta- 

NISTES. 

ARUSPICE.  Ko/ez  Divination. 

ASCENSION,  se  dit  proprement 
de  l'élévation  miraculeuse  de  Jé- 
sus-Christ quand  il  monta  au  ciel 
en  corps  et  en  âme  ,  en  présence 
et  à  la  vue  de  ses  apôtres. 

Tertullien  fait  une  énumération 
succincte  des  diflFérentes  erreurs 
que  l'on  a  enseignées  sur  l'asccws/o/î 
du  Sauveur. 

Les  apelliles  pensoient  que  Jé- 
sus-Christ laissa  son  corps  dans  les 
airs  (saint  Augustin  dit  qu'ils  pré- 
tendoient  que  ce  fut  sur  la  terre), 
et  qu'il  monta  sans  corps  au  ciel  : 
comme  Jésus-Christ  n'avoit  point 
apportédecorps  du  ciel,  mais  qu'il 
l'avoit  reçu  des  éléments  du  monde, 
ils  soutenoienl  qu'en  retournant 
au  ciel  A  l'avoit  restitué  à  ces  clé- 
lïients. 

Les  séleuciens   et   les  hcrmicns 


aSC  229 

croyoient  que  le  corps  de  Jésus- 
Christ  ne  monta  pas  plus  haut  que 
le  soleil  ,  et  qu'il  y  resta  en  dépôt. 
Ils  se  fondoient  sur  ce  passage  des 
psaumes  :  Il  a  placé  son  tabernacle 
dans  le  soleil.  Saint  Grégoire  de 
Nazianze  attribue  la  même  opinion 
aux  manichéens. 

Le  jour  de  V Ascension  est  une 
fête  célébrée  par  l'Eglise  dix  jours 
avant  la  Pentecôte,  en  mémoire  de 
Vascension  de  Notre-Seigneur.  Se- 
lon saint  Augustin,  Epist.  118, 
n.  I  ,  elle  a  été  instituée  par  les 
apôtres  mêmes.  La  célébration  en 
est  commandée  par  les  constitu- 
tions apostoliques,  1.  8  ,  c.  S.Tho- 
massin  ,  Traité  des  fétcs ,  p.  870. 

Quelques  incrédules  modernes 
ont  comparé  malicieusement  l'as- 
cension  de  Jésus-Christ  à  l'apo- 
théose de  Romulus,  pour  insinuer 
que  l'une  n'est  pas  mieux  prouvée 
que  l'autre.  Selon  l'histoire  ro- 
maine ,  un  seul  homme  a  dit  que 
Romulus  lui  étoil  apparu  et  l'avoit 
assuré  de  son  transport  dans  le 
ciel.  Fb/fiTite-Live.  Il  ne  risquoit 
rien  d'inventer  cette  fable.  Douze 
apôtres  et  une  multitude  de  disci- 
ples ont  assuré  qu'ils  avoienl  vu 
Jésus-Christ  ressuscité  s'élever  au 
ciel  ,  et  ils  ont  répandu  leur  sang 
pour  sceller  la  vérité  de  leur  té- 
moignage. L'apothéose  de  Romu- 
lus n'avoit  été  ni  prévue  ni  prédite; 
elle  fut  imaginée  pour  écarter  le 
soupçon  d'un  régicide  commis  par 
les  sénateurs  :  la  résurection  et  Vas- 
cension de  Jésus-Christ  avoientété 
annoncées  par  les  prophètes  et  par 
lui-même  ;  ces  deux  prodiges  ont 
fondé  le  christianisme.  On  pouvoit 
croire  sans  conséquence  ou  ne  pa.s 
croire  la  fable  de  Romulus;  on  ne 
pouvoit  pas  être  chrétien  sans 
croire  la  résurrection  cl  Vascension 
de  Jésus-Christ  ,  professées  dan-s 
le  symbole,  et  l'on  ne  pouvoit  em- 
brasser le  christianisme  sans  s'ex- 
poser à  la  haine  des  Juifs  et  des 
païens.  Personne  n'a  eu  intérêt  de 


23o  ASC 

contester  la  divinité  de  Roinulu.s  ; 
elle  se  concilioit  très-bien  avec  le 
système  da  paganisme  :  les  Juifs  , 
au  contraire ,  ont  eu  un  très-grand 
intérêt  à  démontrer  la  fausseté  de 
la  narration  des  apôtres  ,  et  pour 
l'adopter  il  falloit  renoncer  au  ju- 
daïsme ou  au  paganisme.  La  fable 
de  Romulus  n'a  pu  servir  qu'à 
rendre  les  romains  ambitieux  , 
usurpateurs,  ennemis  de  l'univers 
entier  ;  la  croyance  de  la  divi- 
nité de  Jésus  -  Christ  a  banni  du 
monde  les  folies  ,  l'impiété,  les  cri- 
mes du  paganisme,  a  établi  le  règne 
de  la  vérité  et  de  la  vertu.  Voilà 
des  différences  incontestables. 

ASCETES  ,  du  grec ,  à<Tx-nxi)i , 
mot  qui  signifie  à  la  lettre  une  per- 
sonne qui  s'exerce  ,  qui  travaille. 
Ce  nom  a  été  donné  en  général  à 
tous  ceux  qui  embrassoient  un 
genre  de  vie  plus  austère ,  et  qui 
par-là  s'cxerçoient  plus  à  la  vertu, 
ou  travailloient  plus  fortement  à 
l'acquérir  que  le  commun  des  hom- 
mes. En  ce  sens,  les  esséniens chez 
les  Juifs,  les  pythagoriciens  entre 
les  philosophes  ,  pouvoient  être 
appelés  ascè/es. Parmi  les  chrétiens, 
dans  les  premiers  temps  ,  on  don- 
noit  le  même  titre  à  tous  ceux  qui 
se  distinguoient  des  autres  par  l'aus- 
térité  de  leurs  mœurs  ,  qui  s'abste- 
noient,  par  exemple,  de  vin  et  de 
viande.  Depuis,  la  vie  monastique 
ayant  été  mise  en  honneur  dans 
l'Orient ,  et  regardée  comme  plus 
parfaite  que  la  vie  commune  ,  le 
nom  à^ascètes  est  demeuré  aux  moi- 
nes ,  et  particulièrement  à  ceux  qui 
se  reliroient  dans  les  déserts ,  et 
n'avoient  d'autre  occupation  que 
de  s'exercer  à  la  méditation  ,  à  la 
lecture  ,  aux  jeûnes  et  aux  autres 
mortifications.  On  l'a  aussi  donné 
à  des  religieuses  ;  en  conséquence 
on  a  nommé  asceteria  les  monas- 
tères ,  mais  surtout  certaines  mai- 
sons dans  lesquelles  il  y  avoil  des 
moniales  et  des  acolytes,  dont  l'ôf- 


ASC 

fice  étoit  d'ensevelir  les  morts.  Les 
Grecs  donnent  généralement  le 
nom  à^ascètes  à  tous  les  moines  , 
soit  anachorètes  et  solitaires,  soit 
cénobites. 

M.  de  Valois ,  dans  ses  notes  sur 
Eusèbe  ,  et  le  père  Pagi  ,  remar- 
quent que  ,  dans  les  premier.» 
temps ,  le  nom  à^ascètes  et  celui  de 
moines  n'étoient  pas  synonymes. 
Il  y  a  toujours  eu  des  ascètes  dasis 
l'Eglise  ,  et  la  vie  monastique  n'a 
commencé  à  y  être  en  honneur  que 
dans  le  quatrième  siècle.  Bingham 
observe  plusieurs  différences  entre 
les  moines  anciens  et  les  ascètes  ; 
par  exemple,  que  ceux-ci  vivoient 
dans  les  villes,  qu'il  y  en  avoit  de 
toute  condition,  même  des  clercs, 
et  qu'ils  ne  suivoient  point  d'autres 
règles  particulières  que  les  lois  de 
l'Eglise ,  au  lieu  que  les  moines  vi- 
voient dans  la  solitude  ,  étoient 
tous  laïques  ,  du  moins  dans  le^ 
commencements,  et  assujétis  aux 
règles  ou  constitutions  de  leurs 
fondateurs.  De  là  on  a  nommé  vie 
ascétique,  la  vie  que  menoient  les 
chrétiens  fervents. 

Elle  consistoit ,  selon  M.  Fleury , 
à  pratiquer  volontairement  tous  le5 
exercices  de  la  pénitence.  Les  as- 
cétiques s'enfermoient  d'ordinaire 
dans  des  maisons ,  où  ils  vivoient 
en  grande  retraite,  gardant  la  con- 
tinence ,  et  ajoutant  à  la  frugalité 
chrétienne  des  abstinences  et  des 
jeiines  extraordinaires.  Ils  prati- 
quoient  la  xérophagie  ou  nourri- 
ture sèche ,  et  les  jeunes  de  deux  ou 
trois  jours  de  suite,  ou  plus  encore; 
ils  s'cxerçoient  à  porter  le  cilice,  à 
marcher  nu-pieds ,  à  dormir  sur  la 
terre  ,  à  veiller  une  grande  partie 
de  la  nuit ,  à  lire  assidûment  l'Ecri- 
ture sainte ,  à  prier  le  plus  conti- 
nuellement qu'il  étoit  possible. 
Telle  étoit  la  vieasce-'/j^uc.-degrands 
évêques  et  de  fameux  docteurs ,  en- 
tr'autresOrigènc,  l'avoient  menée. 
On  nommoit  par  excellence  ceux 
qui  la  pratinuoienl ,  les  élus  entre 


ASC 

IpScIuS     ,        Cx)£X-â>V     CxXtXTOTEpûl.       Clc- 

inent  Alexandrin  ,  Euscbe  ,  Hist. , 
lib.  6  ,  cap.  3.  Fleury ,  Mœurs  des 
Chrétiens ,  2. "part. n.  26.  Biiigham , 
Oriff.  ecdés.  ,  lib.  7 ,  c.  i  ,  §  6. 

On  conçoit  que  la  vie  ascétique 
telle  que  nous  venons  de  la  décrire , 
ne  pouvoit  manquer  de  déplaire 
aux  protestants  ,  et  qu'il  est  de  leur 
intérêt  de  la  faire  envisager  comme 
un  effet  de  l'enthousiasme  de  quel- 
ques chrétiens  mal  instruits.  Ce 
fut ,  selon  leur  opinion  ,  une  er- 
reur capitale  ,  un  système  extra  - 
%  agant ,  qui  a  causé  dans  tous  les 
siècles  les  plus  grands  maux  dans 
l'Eglise.  On  distingua  ,  dit  Mos- 
heim ,  les  ^reccp/es  que  Jésus-Christ 
a  établis  pour  tous  les  hommes  , 
d'avec  les  conseils  auxquels  il  a  ex- 
horté seulement  quelques  person- 
nes ;  on  se  flatta  de  s'élever  ,  par  la 
pratique  de  ceux-ci  ,  à  un  degré 
supérieur  de  vertu  et  de  sainteté  , 
et  de  jouir  d'une  union  plus  intime 
avec  Dieu.  Dans  cette  persuasion, 
plusieurs  chrétiens  du  second  siècle 
s'interdirent  l'usage  du  vin ,  de  la 
viande  ,  du  mariage ,  du  commerce  ; 
ils  exténuèrent  leurs  corps  par  des 
veilles,  l'abstinence,  le  travail  et 
la  faim;  bientôt  ils  allèrent  cher- 
cher le  bonheur  dans  les  déserts 
loin  de  !a  société  des  hommes.  Ce 
travers  d'esprit  lui  a  paru  né  de 
deux  causes  :  la  première  fut  l'am- 
bition d'imiter  les  philosophes  pla- 
toniciens et  pythagoriciens  ,  dont 
Porphyre  a  rendu  les  folles  idées 
dans  son  Traité  de  Vabsiinence  ;  la 
seconde  fut  la  mélancolie  qu'in- 
spire naturellement  le  climat  de 
l'Egypte  ,  maladie  de  laquelle 
étoient  affectés  les  esséniens  et  les 
thérapeutes ,  qui  avoient  déjà  mené 
cette  vie  triste  et  lugubre  long- 
temps avant  la  venue  de  Jésus- 
Christ.  De  là ,  dit-il ,  elle'passa  dans 
la  Syrie  et  dans  les  contrées  voi- 
sines, dont  les  habitants  sont  à  peu 
près  du  même  tempérament  que  les 
Egyptiens  ;  et  dans  la  suite  elle  in- 


ASC  23 I 

fecla  même  les  nations  européen- 
nes: telle  a  été  l'origine  des  vœux, 
des  mortifications  monastiques 
du  célibat  des  prêtres  ,  des  péni- 
tences infructueuses,  et  des  autres 
superstitions  qui  ont  terni  labeauté 
et  la  simplicité  du  christianisme. 
Hist. ecdés. du  second  siècle, 2. ^^Avl.  y 
c.  3  ,  §  II  et  suiv.  C'est  le  langage 
de  tous  les  protestants. 

Ainsi ,  suivant  leur  opinion ,  c'est 
dès  le  second  siècle,  et  immédia- 
tement après  la  mort  du  dernier 
des  apôtres ,  que  le  christianisme 
a  commencé  à  se  corrompre  ,  à 
devenir  un  chaos  d'erreurs  et  de 
superstitions  ;  ce  sont  les  disciples 
mêmes  des  apôtres  qui  ont  préféré 
à  la  doctrine  de  leurs  maîtres  celle 
des  philosophes  païens ,  et  qui  ont 
fait  dominer  celle-ci  dans  l'Eglise. 
Et  c'est  ainsi  que  Jésus-Christ  a 
tenu  la  promesse  qu'il  avoit  faite 
d'être  avec  son  Eglise  jusqu'à  la 
consommation  des  siècles.  Quand 
on  considère  ce  système  des  pro- 
testants ,  on  est  tenté  de  leur  de- 
mander s'ils  croient  en  Jésus- 
Christ, 

Au  mot  Conseils  EvANGÉLiQUÉs  , 
nous  fprons  voir  que  la  distinction 
que  les  premiers  chrétiens  en  ont 
faite  d'avec  ]es  préceptes ,  n'a  pas 
été  une  vaine  imagination  de  leur 
part,  et  que  Jésus-Christ  l'a  faite 
lui-même  ;  que  c'est  lui  qui  a  dit 
qu'il  y  a  quelque  chose  de  plus 
parfait  que  ce  qu'il  a  prescrit  ou 
ordonné  à  tous  les  hommes,  et 
qu'en  le  faisant  on  peut  mériter 
une  plus  grande  récompense.  Ici 
nous  avons  à  prouver  que  c'est  en- 
core lui  qui  a  donné  l'exemple  de 
la  vie  ascétique,  et  que  ses  apôtres 
l'ont  pratiquée  comme  lui  :  les 
chrétiens  n'ont  donc  pas  eu  besoin 
d'en  aller  chercher  le  modèle  chez 
les  philosophes  païens  ,  ni  chez  les 
esséniens  ou  chez  les  thérapeutes 
juifs. 

Jésus-Christ  a  loué  la  vie  soli- 
taire,  pénitenlc,  chaste  et  mor- 


532  ASC 

tifîée  de  saint  Jean  -  Baplisle  , 
Malth. ,  c.  1 1  ,  ^.  8  ,  vie  ascétique , 
s'il  en  lut  jamais  ;  il  a  pratiqué 
lui-même  la  chasteté,  la  pauvreté, 
la  mortification,  le  jeiine,  le  re- 
noncement à  toutes  choses  ,  la 
prière  continuelle;  tout  cela  ce- 
pendant n'est  pas  commandé  à  tous 
les  hommes  :  nouspersuadera-t-on 
qu'il  y  a  de  l'enthousiasme  et  de 
la  folie  à  vouloir  imiter  Jésus- 
Christ?  Il  dit  qu'il  y  a  des  hommes 
qui  se  sont  faits  eunuques  pour 
le  royaume  des  cieux.  Maïth.  , 
c.  19,  y^.  12.  Il  appelle  bienheu- 
reux ceux  qui  pleurent;  il  prédit 
que  ses  disciples  jeiineront  lors- 
qu'ils seront  privés  de  sa  présence  ; 
il  leur  promet  le  centuple  ,  parce 
qu'ils  ont  tout  quitté  pour  le  sui- 
vre,c.  5,^.5;  c.9,y.i5;c.  19, 
y^.  29.  Il  ne  reste  aux  protestants 
qu'à  se  joindre  aux  incrédules  et 
à  dire  comme  eux  que  Jésus-Christ 
étoit  d'un  caractère  austère ,  fâ- 
cheux ,  mélancolique  ,  comme  les 
Egyptiens  ;  qu'il  avoit  été  élevé 
parmi  les  esseniens  ,  et  s'étoit  im- 
bu de  leur  morale  atrabilaire  ; 
que  le  christianisme  ^  tel  qu'il  l'a 
prêché  ,  n'est  propre  qu'à  des 
moines. 

Ils  auront  encore  le  même  re- 
proche à  faire  à  saint  Paul  :  «  Je 
t»  châtie  mon  corps  et  je  le  réduis 
M  en  servitude,  dit-i]  ,depeurqu'a- 
»  près  avoir  prêché  aux  autres  ,  je 
»  ne  sois  moi-même  réprouvé.  » 
T.  Cor.  ,  c.  9 ,  ^.  27.  «  Ceux  qui 
»  sont  à  Jésus  -  Christ  crucifient 
»  leur  chair  avec  ses  vices  et  ses  con- 
»  voitises.  »  Galat. ,  c.  5,  y.  24. 
Montrons-nous  dignes  ministres 
de  Dieu,  par  la  patience  ,  par  les 
eouffrances  ,  par  le  travail ,  par  les 
veilles  ,  par  les  jeiînes  ,  etc. 
U  Cor.  ,  c.  6  ,  :5^^.  4.  Il  a  loué  la 
vie  pauvre,  austère  et  pénitente 
desprophètes.  Hebr. ,  c,  1 1 ,  >^.  Zj. 
Nous  avons  cherché  vainement 
dans  les  commentateurs  protes- 
tants des  explications  et  des  sub- 


ASC 

terfuges  pour  esquiver  les  consé- 
quences de  ces  passages  :  nous  n'y 
en  avons  point  trouvé ,  nous  se- 
rons forcé  de  les  répéter  aux  mots 
Abstinence  ,  Célibat,  Jeune  ,  Mor- 
tification ,  Moines  ,  Vœu  ,  etc. , 
parce  que  les  protestants  ont  blâ- 
mé toutes  ces  pratiques  avec  la 
même  opiniâtreté  et  toujours  sans 
fondement. 

Mais  ils  se  flattent  de  répondre 
à  tout  par  un  seul  passage  de  saint 
Paul ,  qui  dit  à  Timothée  ,  I.  Tim , 
c.  4ï  y»  7  '•  "  Exercez-vous  à  la 
»  piété  ;  car  les  exercices  corporels 
»  sont  utiles  à  peu  de  chose ,  mais 
»  la  piété  est  utile  à  tout  ;  elle  a 
»  les  promesses  de  la  vie  présente 
»  et  de  la  vie  future.  »  La  question 
est  de  savoir  si ,  par  exercices  corpo- 
rels ,  l'apôtre  entend  la  prière  ,  le 
travail ,  les  veilles ,  les  jeilnes ,  etc. , 
qu'il  recommandoit  aux  fidèles  : 
dans  ce  cas  l'apôtre  se  seroit  con- 
tredit grossièrement,  et  nous  de- 
manderions encore  ce  qu'il  faut 
entendre  par  s'exercer  à  la  piété. 
Pour  nous ,  qui  craignons  de  met- 
tre saint  Paul  en  contradiction 
avec  lui-même,  nous  pensons  que , 
par  les  exercices  corporels ,  il  a  en- 
tendu la  course  ,  la  lutte  ,  le  pu- 
gilat ,  le  jeu  du  disque ,  et  les  autres 
exercices  violents  dont  les  Grecs  et 
les  Romains  faisoient  beaucoup  de 
cas  et  beaucoup  d'usage;  ques'e.rer- 
icer  à  la  piété ,  c'est  s'occuper  de  la 
prière ,  de  la  méditation  ,  de  la 
lecture  ,  des  louanges  de  Dieu  ,  des 
veilles  et  des  jeunes ,  comme  l'a- 
pôtre le  recommande  ,  et  comme 
faisoient  les  ascèles  de  l'Eglise  pri- 
mitive :  nous  soutenons  que  ces 
exercices  font  partie  de  la  vraie 
pieté ,  à  laquelle  Jésus-Christ  a 
promis  les  récompenses  de  la  vie 
présenteetde  la  vie  future.  Maith. , 
c.  19,}^.  29. 

ASCITES,  ASCODRUGITES, 
ASCODRUPITES  ,  ASCODRU- 
TES.  Voyez  Montanistes. 


ASE 

ASÉITE,  terme  factice,  ilcrivc 
du  latin  PAiA'  à  se,  être  qui  existe  de 
lui-nicrae,  par  la  ijéccssitc  de  sa 
nature.  Cet  attribut  ne  convient 
<ju'à  Dieu,  il  se  l'est  attribué  lui- 
même,  lorsqu'il  a  dit:  »  .Te  suis 
i>  VEtrc  ;  vous  direz  aux  Israélites  : 
»>  Celui  qui  est  m'a  envoyé  vers 
»  vous.  »  Exod.,  c.  3,  "^ .  14.  De 
cet  attribut  de  Dieu  s'ensuivent 
tous  les  autres.  En  effet,  rien  n'est 
borné  sans  cause  :  or,  l'être  néces- 
saire, qui  existe  de  soi-même,  n'a 
point  de  cause  ;  il  est  lui-même 
la  cause  de  tout  ce  qui  existe  hors 
de  lui  :  on  ne  peut  donc  le  suppo- 
ser privé  d'aucune  perfection  ,  et 
aucune  des  perfections  qui  lui  ap- 
partiennent par  nécessité  de  nature 
ne  peut  être  bornée.  La  raison  pour 
laquelle  tout  être  créé  a  des  bor- 
nes, est  que  le  Créateur  a  été  le 
maître  de  lui  donner  tel  degré  de 
perfection  qu'il  lui  a  plu;  de  là 
vient  l'inégalité  des  êtres  créés. 
Conséquemment  les  lliéologieas 
regardent  Yaséiié  comme  l'essence 
de  Dieu,  comme  l'attribut  qui  le 
distingue  éminemment  de  tous  les 
autres  êtres.  Par- là  on  démontre 
encore,  contre  les  matérialistes  , 
que  la  matière  n'est  point  un  être 
nécessaire,  éternel,  existant  de  soi- 
même,  puisqu'elle  a  des  bornes,  et 
qu'elle  n'est  certainement  pas 
douée  de  toute  perfection. 

Malgré  l'évidence  de  ce  raison- 
nement, Beausobre  a  écrit  que  les 
anciens  philosophes  ne  le  conce- 
voient  pas  ainsi  ;  que,  selon  leur 
sentiment ,  la  nécessité  d'être  ,  ou 
l'éternité,  n'emportoit  pas  toute 
perfection,  et  il  a  douté  si  les  Pères 
de  l'Eglise  le  concevoient  mieux. 
Hist.  du  Manich.,  1.  3,  c.  3,  §  4- 
Peu  nous  importe  de  savoir  si  les 
ancien.s  philosophes  raisonnoicnt 
mai  ;  cependant  Mosheim,  dans  sa 
Dissert,  sur  la  création,  a  cité  un 
passage  d'IIiéroclès,  qui  prouve 
que  ce  platonicien  comprcnoit 
très  -  bien    les     conséquences    de 


ASI  233 

Vasi'i/v.  Quant  aux  Pères  de  l'Eglise, 
Tertullien,  dans  son  livre  contre 
llerinogène,  c.  4  <'t  suiv.,  a  cons- 
tamment raisonné  sur  le  principe 
que  nous  venons  d'établir,  et  il  l'a 
développé  en  profond  métaphysi- 
cien. Beausobre  lui-même  a  cité 
un  passage  de  saint  Denys  d' A  lexan - 
drie,  qui  prouve  que  cet  éveque  a 
pensé  comme  Tertullien.  Celui 
que  Beausobre  allègue  de  saint 
Augustin  ne  conclut  rien,  et  l'on 
pourroit  en  citer  vingt  autres  dans 
lesquels  le  saint  docteur  établit 
que  Vétre  est  le  caractère  de  Dieu, 
qu'en  lui  Vêtre  ou  l'essence  emporte 
toute  perfection,  qu'aucune  per- 
fection n'est  distinguée  de  son  es- 
sence ,  etc. 

Il  ne  faut  pas  confondre,  comme 
a  fait  Spinosa,  l'être  qui  existe  par 
soi-même,  per  se,  sans  avoir  be- 
soin d'un  sujet  ou  d'un  suppôt 
dans  kquel  il  subsiste  ,  avec  l'être 
qui  existe  de  soi-même,  à  se,  sans 
avoiraucune  cause  deson  existence; 
le  premier  de  ces  caractères  est 
le  propre  de  toute  substance  ;  le 
second  ne  convient  qu'à  l'être  né- 
cessaire, qui  est  Dieu.  C'est  sur  cette 
confusion  des  termes  que  Spinosa 
fonde  son  paradoxe,  qu'il  n'y  a 
dans  l'univers  qu'une  seule  sub- 
stance qui  est  tout. 

ASIATIQUES,  ASIE.  Indépen- 
damment de  l'attachement  opiniâ- 
tre âes  Asiatiques  à  leurs  anciennes 
mœurs,  on  conçoit  qu'il  n'a  pas 
été  aisé  de  faire  godter  la  morale 
chrétienne  à  des  peuples  aussi  li- 
vrés au  luxe  et  à  la  mollesse.  C'est 
là  cependant  que  le  christianisme 
s'est  établi  d'abord,  et  qu'il  a  fait 
des  progrès  rapides:  VAsiem'incure, 
la  Syrie,  l'Arménie,  la  Perse,  ont 
vu  éclore  des  prodiges  de  vertus 
dont  on  n'avoit  pas  seulement 
l'idée  avant  la  naissance  du  chris- 
tianisme.Il  n'est  presque  pas  pos- 
sible de  convertir  aujourd'hui  les 
Turcs    qui    habitent   ces    même* 


234  ASP 

contrées;  les  païens  dévoient  être 
pour  le  moins  aussi  vicieux  et  aussi 
opiniâtres  que  le  sont  les  maho- 
métans.  Pline,  dans  sa  lettre  à 
Trajan,  Lucien  dans  ses  dialogues, 
Julien  dans  ses  lettres,  rendent 
témoignage  aux  vertus  des  chré- 
liens;  c'est  une  preuve  que  cette 
religion  a  fait  dans  les  mœurs  des 
peuples  autant  de  changement  que 
dans  leur  croyance.  On  ne  peut 
en  dire  autant  d'aucune  autre  reli- 
gion de  l'univers. 

ASILE.  Voyez  Astle. 

ASIMA.  Voyez  Samaritain. 

ASMODAI  ou  ASMODÉE,  est 
le  nom  que  les  juifs  donnent  au 
princedes  démons,  commeon  peut 
voir  dans  la  paraphrase  chaldaïque 
sur  l'Ecclésiastique,  cap.  i.  Rabbi 
Elias,  dans  son  dictionnaire  inti- 
tulé Thîsbi,  dit  ç\\i^Asmoddi  est  le 
même  queSamaël  qui  tire  son  nom 
(lu  verbe  hébreu sawiad,  détruire; 
et  ainsi  Asmodaï s\^n\iie.  un  démon 
destructeur. 

ASPERSION,  du  latin  aspergcre, 
arroser.  C'est  l'action  de  jeter  de 
l'eau  çà  et  là  avec  un  goupillon 
ou  une  branche  de  quelque  arbris- 
seau. 

Ce  terme  est  principalement 
consacré  aux  cérémonies  de  la 
religion  pour  exprimer  l'action 
du  prêtre,  lorsque  dans  l'Eglise 
il  répand  de  l'eau  bénite  sur  les 
assistants  ou  sur  les  sépultures 
des  fidèles.  La  plupart  des  béné- 
dictions se  terminent  par  une  ou 
plusieurs  aspersions.  Dans  les  pa- 
roisses ,  Vaspersion  de  l'eau  bé- 
nite tous  les  dimanches  précède  la 
grand'raesse. 

Quelques-uns  ont  soutenu  qu'on 
devoit  donner  le  baptême  par  as- 
persion; d'autres  prétendoient  que 
ce  devoit  être  par  immersion ,  et 
cette  dernière  coutume  ^  cié  assez 


AS5 

long-temps  en  usage  dans  l'Eglise. 
On  ne  voit  pas  que  la  première  y 
ait  été  pratiquée,  si  ce  n'est  peut- 
être  lorsqu'il  falloit  baptiser  un 
grand  nombre  de  personnes  en 
même  temps.  Voyez  Vancien  Sacra- 
mentaire  par  Grandcolas,  seconde 
partie,  p.  71,  et  l'article  Purimca- 

TION. 

Les  païens  avo icnt  1  eu rs  aspersions, 
auxquelles  ils  attribuoient  la  vertu 
d'expier  et  de  purifier.  Les  prêtres 
et  les  sacrificateurs  se  préparoient 
aux  sacrifices  par  des  ablutions  ; 
c'est  pourquoi  il  y  avoit  à  l'entrée 
des  temples,  et  quelquefois  dans 
les  lieux  souterrains,  des  réservoirs 
d'eau  où  ils  se  lavoient.  Cette  ablu- 
tion étoit  pour  les  dieux  du  ciel  ; 
car  pour  ceux  des  enfers,  ils  se 
contentoient  de  Vaspersion.  Voyez 
Eau  bénite. 

ASPHALTE,   lac  Asphaîtiie. 

Voyez  Mer  morte. 

ASSIDÉENS  ouHASIDÈENS, 
secte  de  Juifs  ,  ainsi  nommés  du 
mot  hébreu  hhasidim,  justes.  liCS 
assidéens  croyoient  les  œuvres  de 
surérogation  néces?aires  au  salut  ; 
ils  furent  les  prédécesseurs  défi 
pharisiens ,  desquels  sortirent  les 
esséniens  qui  enseignoient  comme 
eux  que  leurs  traditions  étoient 
plus  parfaites  que  la  loi  de  Moïse. 

Serrarius,  jésuite,  et  Drusius  , 
théologien  protestant ,  ont  écrit 
l'un  contre  l'autre  touchant  les  as- 
sidéens, kVocctisxoxv  d'un  passage  de 
Joseph ,  fils  de  Gorion.  Le  premier 
a  soutenu  que,  par  le  nom  d'assi- 
déens,  Joseph  entend  les  esséniens, 
et  le  second  a  prétendu  qu'il  enten- 
doit  les  pharisiens.  Il  seroit  facile 
de  concilier  ces  deux,  sentiments  , 
en  observant  (]ii' assidéens  a  été  un 
nom  générique  donné  à  toutes  les 
sectes  des  Juifs  qui  aspiroient  à  une 
perfection  plus  haute  que  celle 
qui  étoit  prescrite  par  la  loi  :  tels 
que  les  cinécns,  les  rcchabilcs,  lc3 


ASS 

essciiiciis,  les  pharisiens  ,  etc.  ,  à 
peu  près  comme  nous  comprenons 
aujourd'hui  sous  le  nom  de  reli- 
gieux et  de  cénobites  tous  les  ordres 
cl  les  instituts  religieux.  Mais  tous 
les  assidécns  n'ctoient  pas  phari- 
siens. Brucker ,  iï/s/.  delà  Philos. 
tome  a,  page  71 3. 

ASSISTANCE,  secours  particu- 
lier que  Dieu  accorde  à  un  homme 
ou  à  une  société  pour  les  préserver 
de  l'erreur.  Quelques  théologiens 
ont  cru  que  ce  secours  étoit  celui 
queDicuadonnéàchacun  des  écri- 
vains sacrés,  pour  empêcher  qu'il 
ne  tombât  dans  aucune  erreur  ; 
tous  conviennent  que  Dieu  donne 
cette  assistance  à  son  Eglise  ,  pour 
la  préserver  du  même  danger. 

Cette  assistance  n'est  point  la 
même  chose  que  la  révélation 
et    l'inspiration.    Voyez    Ecriture 

SAINTE. 

ASSOMPTION,  du  latin  c5- 
sumptio,  àérivc.  à^assumere,  pren- 
dre ,  enlever.  Ce  mot  signifioit 
autrelois  en  général  le  jour  de  la 
mort  d'un  saint,  parce  que  son  âme 
est  enlevée  au  ciel, 

Assomption,  se  dit  aujourd'hui 
particulièrement  dans  l'Eglise  ro- 
maine d'une"^  fête  qu'on  y  célèbre 
tous  les  ans  le  i5  d'août ,  pour  ho- 
norer la  mort,  la  résurrection,  et 
l'entrée  triomphante  de  la  sainte 
Vierge  dans  le  ciel.  Elle  est  encore 
devenue  plus  solennelle  en  France 
depuis  l'année  i638  ,  que  le  roi 
Louis  XIII  choisit  ce  jour  pour 
mettre  sa  personne  et  son  royaume 
sous  la  protection  de  la  sainte 
Vierge  ;  vœu  qui  a  été  renouvelé 
en  1738  par  le  roi  Louis  XV. 

Cette  Icte  se  célèbre  aussi  avec 
beaucoup  de  solennité  dans  les 
Eglises  d'Orient.  Cependant  l'as- 
sornption  corporelle  de  la  Vierge 
n'est  point  un  article  de  loi,  puis- 
que l'Eglise  ne  l'a  pas  décide  ,  et 
que  plusieurs  anciens  et  modernes 


ASS  235 

en  ont  douté.  Usuard,  qui  vivoit 
dans  le  neuvième  siècle,  dit  dans 
son  Martyrologe  que  le  corps  delà 
sainte  Vierge  ne  se  trouvant  point 
sur  la  terre ,  l'Eglise  ,  qui  est  sage 
en  ses  jugements  ,  a  mieux  aimé 
ignorer  avec  piété  ce  que  la  divine 
Provïdciice  en  a  fait,  que  d'avancer 
rien  d'apocryphe  ou  de  mal  fondé 
sur  ce  sujet  :  paroles  qui  se  trou- 
vent encore  dans  le  Martyrologe 
d'Adon.  Plusieurs  n'appellent 
point  celte  fête  V Assomption  de  la 
sainte  Vierge,  mais  seulement  son 
somnaeil,  dormiiio,  c'est-à-dire,  la 
fêle  de  sa  mort  ;  nom  que  lui  ont 
aussi  donné  les  Grecs ,  qui  l'ont  dé- 
signée tantôt  par  fAtToiç-aac;  ,  trépas 
ou  passage  ,  et  tantôt  par  xor^ïjcrtç  ^ 
sommeil  ou  repos. 

Néanmoins  la  croyance  com- 
mune de  l'Eglise  est  que  la  sainte 
Vierge  est  ressuscitée  ,  et  qu'elle 
est  dans  le  ciel  en  corps  et  en  âme. 
La  plupart  des  Pères  grecs  et  latins , 
qui  ont  écrit  depuis  le  quatrième 
siècle,  sont  de  ce  sentiment; et  le 
cardinal  Baronius  dit  qu'on  ne 
pourroit  sans  témérité  assurer  le 
contraire.  C'est  aussi  le  sentiment 
de  la  faculté  de  théologie  de  Paris  , 
qui  ,  en  condamnant  le  livre  de 
Marie  d'Agreda  en  1697,  déclara 
qu'elle  croyoit  que  la  sainte  Vierge 
avoit  été  enlevée  dans  le  ciel  en 
corps  et  en  âme.  Parmi  les  orne- 
ments des  églises  de  Rome  ,  sous 
le  pape  Pascal,  qui  mourut  en  824, 
il  est  fait  mention  de  deux  sur  les- 
quels étoit  représentée  Vassomp" 
iion  de  la  sainte  Vierge  en  son 
corps.  Il  est  parlé  de  cette  fête  dans 
les  capitulaires  de  Charlemagne  et 
dans  les  décrets  du  concile  de 
Mayence ,  tenu  en  8x3.  Le  pape 
Léon  IV,  qui  mourut  en  855,  ins- 
titua l'octave  de  V Assomption  de  la 
sainte  Vierge  ,  qui  ne  se  célébroit 
point  encore  à  Rome.  En  Grèce  , 
celte  fêle  a  commencé  beaucoup 
plus  tôt,  sous  l'empire  de  Juslinien, 
selon  quelques-uns ,  et  selon  d'au- 


236  AST 

très  sous  celui  de.  Maurice  ,  con- 
temporain de  saint  Grégoire  le 
Grand.  André  de  Crète,  sur  la  fin 
du  septième  siècle  ,  témoigne 
cependant  qu'elle  n'étoit  établie 
que  dans  quelques  Eglises  ;  mais 
au  douzième  elle  le  fut  dans  tout 
l'empire,  par  une  loi  de  l'empereur 
Manuel  Comnène.  Alors  V Assomp- 
tion étoit  également  fêtée  dans 
l'Occident,  comme  il  paroît  par  la 
lettre  174  de  saint  Bernard  aux 
chanoines  de  Lyon  ,  et  par  la 
croyance  commune  des  Eglises  , 
qui  tenoient  Yassomption  corpo- 
relle de  Marie  comme  un  sentiment 
pieux  ,  quoique  non  décidée  par 
l'Eglise  universelle.  Voyez  Vie  des 
Pères  et  des  Martyrs  ,  tome  VII  , 
page  323  et  suiv. 

ASTAROTHouASTARTÉ, 
idole  des  Philistins  que  les  Juifs 
abattirent  par  le  commandement 
deSamuel;c'étoitaussi  une  divinité 
des  Sidoniens,  que  Salomon  adora 
lorsqu'il  fut  entraîné  par  ses 
femmes  dans  l'idolâtrie. 

La  plupart  des  étyraologies  que 
l'on  a  données  de  ce  nom  sont 
fausses  ou  hasardées.  M.  de  Gébe- 
lin  pense  avec  plus  de  justesse  qu'il 
est  formé  à'astar ,  qui  ,  dans  les 
langues  orientales,  signifieun  astre; 
qu'ainsi  asiartéesl  la  lune,  la  reine 
du  ciel  ,  la  divinité  de  la  nuit. 
Allég.  orient.,  p.  5o.  Chez  les  Hé- 
breux elle  étoit  connue  sous  le  nom 
de  la  reine  du  ciel,  chez  les  Egy  tiens 
c'étoit  Isis,  chez  les  Arabes  .^////a; 
les  Assyriens  l'appeloientM/V/Z/a, 
les  Perses  Métra,  les  Grecs  Artemis, 
les  Latins  Diana.  Dans  l'Ecriture 
sainte  ,  Baal  et  Astaroth  sont 
presque  toujours  joints  ensemble 
comme  deux  divinités  des  Sido- 
niens ;  c'est  le  soleil  et  la  lune.  Cic, 
deNat.  Deor.,  liv.  3.  Tertul.,  Apo- 
loget. ,  c.  23  ,  etc.  Mém.  de  VAcad. 
des  Inscr.  ,  t.  71  ,   in-12,   p.  173. 

ASTAROTIIITES  ,    adorateurs 


AST 

d'Astaroth,  ou  de  la  lune.  On  dit 
qu'il  y  eut  de  CCS  idolâtres  parmi  les 
Juifs  depuisMoïse  jusqu'à  la  capti- 
vité   de    Babylone.    Voy.  Astres. 

ASTATIENS  ,  hérétiques  du 
neuvième  siècle ,  sectateurs  d'un 
certain  Sergius, qui  avoitrenouvelé 
les  erreurs  des  manichéens.  Leur 
nom  ,  dérivé  du  grec  ,  signifie  sa/ia 
consistance,  variables ,  inconstants  ^ 
parce  qu'ils  changeoient  de  langage 
et  de  croyance  à  leur  gré.  Ils  s'é- 
toient  fortifiés  sous  l'empereur 
Nicéphore  qui  les  favorisoit  ;  mais 
son  successeur  Michel  Curopalate 
les  réprima  par  des  édits  très-sé- 
vères. On  croit  que  ce  sont  eux 
que  Théophane  et  Cédrène  nomi- 
ment  antiganiems.  Le  père  Goar  , 
dans  ses  notes  sur  Théophane ,  à 
l'an  8o3,  prétend  que  les  troupes 
de  vagabonds  ,  connus  en  France 
sous  le  nom  àe  Bohémiens  el  d'Egyp- 
tiens, étoient  des  restes  à'astatiens; 
mais  cette  conjecture  ne  s'accorde 
pas  à  l'idée  que  Constantin  Por- 
phyrogénète  et  Cédrène  nous  don- 
nent de  cette  secte  ;  née  enPhrygie, 
elley  domina,  et  s'étcnnitpeu  dans 
le  reste  de  l'empire.  Les  astatiens 
joignoient  l'usage  du  baptême  à  tou- 
tes les  cérémonies  de  la  loi  de  Moïse, 
et  faisoient  un  mélange  absurde 
du  judaïsme  et  du  christianisme. 

ASTEREouASTÉRIUS  (saint), 
archevêque  d'Amasée  dans  le  Pont, 
mort  peu  après  l'an  4oOî  ^  tenu 
un  rang  distingué  parmi  les  doc- 
teurs de  l'Eglise  du  quatrième  siè- 
cle. Il  reste  de  lui  plusieurs  homé- 
lies, dont  les  anciens  ont  fait  très- 
grand  cas.  Elles  ont  été  publiées 
par  le  père  Combefis,  Auct.Bibl. 
Patriim  ,  tom.  i,  avec  les  extraits 
de  quelques  autres  tirées  de  Pho- 
tius.  Théophile  Uaynaud  les  avoil 
aussi  recueillies  cl  fait  imprimer 
en  latin,  en  1661. 

ASTRES.  La  première  idolâtrie 


ASÏ 

a  commence  par  le  culte  des  asirrs. 
Lorsque  les  peuples  curent  perdu 
de  vue  I.i  révélation  primitive  , 
ils  s'imaf^inèrent  que  les  osircs 
étoient  des  êtres  animés  et  intelli- 
gents. Comment  concevoir  que  ces 
grands  corps  suivissent  une  mar- 
che si  régulière ,  s'ils  n'étoient 
pas  la  demeure  d'un  génie  qui  les 
conduit  ?  Leur  lumière,  leur  cha- 
leur, les  influences  qui  en  viennent, 
sont  très-nécessaires  aux  hommes  ; 
ce  sont  donc  des  êtres  bienfaisants 
auxquels  nous  devons  de  la  recon- 
noissance.  Souvent  ils  nous  an- 
noncent les  changements  de  l'air, 
le  beau  temps  et  la  pluie  ;  sans 
doute  ils  sont  doués  d'une  intelli- 
gence supérieure  et  de  l'esprit  pro- 
phétique. Ainsi  ont  raisonné,  non- 
seulement  les  ignorants,  mais  les 
philosophes  ;  Celse,  dans  Origène, 
s'efforce  de  prouver  qu'il  faut 
rendre  un  culte  aux  astres.  Plu- 
sieurs Pères  de  l'Eglise  ont  encore 
été  persuadés  que  les  astres  étoient 
conduits,nonpardesdicux,  comme 
le  pensoient  les  païens,  mais  par 
des  anges  soumis  à  Dieu. 

Les  Hébreux  et  les  autres  Orien- 
taux appeloient  les  astres,  l'armée 
du  ciel ,  militia  cœli.  Souvent  les 
prophètes  ont  reproché  aux  Juifs 
d'adorer  Baal,  le  soleil,  Astarntli 
ou  Astarté,  la  lune,  et  l'armée  du 
ciel  ;  cette  idolâtrie  est  ce  que  l'on 
nomme  le  sadisme  ou  zabisnie.  C'est 
pour  cela  que  les  écrivains  sacrés 
ont  coutume  d'appeler  le  rrai 
Dieu,  le  Dieu  des  arn/ces,  c'est-à- 
dire  le  Créateur  du  ciel  et  des  «S//C5. 
Ce  nom  ne  signifie  donc  point  le 
Dieu  de  la  guerre  ou  du  carnage, 
comme  quelques  incrédules  ont 
affecté  de  l'interpréter.  Nous  con- 
venons cependant  que  le  vrai  Dieu 
est  quelquefois  nommé  le  Dieu  des 
armées  d'Israël,  pour  donner  à 
entendre  que  c'est  de  lui  seul  que 
les  Israélites  altendoient  la  vic- 
toire ;  mais  ce  n'est  point  là  le 
sens  le  plus  ordinaire  du  liWc  de 


AST  2  3; 

Dieu    des     armées.     Mémoires     de 
VAcad.  des  inscript. ,  lom.  1 8,  i'ai- i  a 
p.  3o;  tom.  71,  p.  i5i. 

Il  n'est  pas  étonnant  que  les 
Syriens  et  les  Aral)es  aient  été  sin- 
gulièrement attachés  au  culte  des 
astres.  Dans  ces  affreux  déserts  , 
où  le  jour  n'offre  que  le  tableau 
uniforme  et  triste  de  vastes  plaines 
couvertes  de  sable  aride  ,  la  nuit 
au  contraire  déploie  à  tous  les  yeux 
un  spectacle  magnifique.  Presque 
toujours  claire  et  sereine  ,  elle 
présente  à  l'œil  étonné  Varmée  des 
deux  dans  tout  son  éclat.  A  la 
vue  d'un  spectacle  aussi  merveil- 
leux, le  passage  de  l'admiration  à 
l'idoldlrie  étoit  très-facile  pour 
dos  hommes  ignorants  ;  il  est  tout 
simple  qvi'un  peuple  dont  le  cli- 
mat n'offre  aucune  beauté  à  con- 
templer que  celle  du  firmament , 
la  choisissent  par  préférence  pour 
objet  de  son  culte.  C'est  la  ré- 
flexion très-sensée  d'un  écrivain 
moderne. 

Aussi ,  selon  la  remarque  d'un 
autre  savant ,  l'astronomie  a  fait 
la  grande  religion  qui  couvrit 
toute  l'Asie  sous  des  formes  un 
peu  différentes  ;  dans  tout  l'Orient 
s'éleva  une  multitude  d'idoles  as- 
tronomiques, dont  chacune  repré- 
sentoit  le  soleil, la  lune, leurs  phases, 
leurs  changements;  oulesplanète^j, 
les  constellations,  les  divers  points 
du  ciel  ;  ou  des  figures  allégoriques 
du  jour,  de  la  nuit,  du  matin,  du 
soir,  des  points  soislitiaux  et  équi- 
noxiaux;  celles  des  ans,  des  mois, 
des  semaines,  des  jours,  et  de  tout  ce 
qui  ,  figuré  dans  l'écriture  primi- 
tive, put  devenir  un  personnage; 
de  tout  ce  qui,  ayant  servi  dans  des 
siècles  plus  simples  à  indiquer  les 
travaux  de  l'agricultui-e  ,  put  de- 
venir un  objet  de  vénération. 

Au  milieu  de  cette  démence  gé- 
nérale, il  est  digne  de  notre  atten- 
tion de  considérer  le  peuple  juif, 
seul  adorateur  du  vrai  Dieu,  auquel 
toute  image   est   interdite  ;   cl   de 


a  38  AST 

trouver  dans  cette  défense  du  lé- 
gislateur une  preuve  de  cette  vérité, 
que  l'abus  des  images  a  causé  la 
plupart  des  erreurs  des  peuples 
polythéistes. 

Comme  l'observation  des  astres 
servoit  à  fixer  les  fêtes  rurales  et 
les  travaux  de  l'agriculture,  elle 
se  trouva  liée  à  la  religion;  d'où 
il  arriva  que  les  observateurs  fu- 
rent à  la  fois  astronomes  et  prêtres. 
Ce  fut  une  des  raisons  de  l'exacti- 
tude et  de  la  persévérance  avec 
laquelle  on  observa  ;  mais  ce  fut 
aussi  une  cause  des  superstitionsqui 
s'établirent,  lorsque  les  rapports 
du  ciel  avec  la  terre  furent  regardés 
comme  des  influences,  et  que  l'as- 
tronomie dégradée  ne  fut  plus  que 
l'astrologie. 

L'histoire  de  la  création ,  telle 
que  Moïse  l'a  tracée,  étoit  le  meil- 
leur préservatif  contre  l'erreur 
des  païens  ;  elle  nous  apprend  que 
Dieu  a  crée  les  astres  pour  l'utilité 
des  hommes,  et  les  conduit  par  sa 
volonté  ;  ce  ne  sont  donc  ni  des 
dieux  ni  des  génies  tutélaires  plus 
favorables  à  une  nation  qu'à  une 
autre.  Moïse  dit  aux  Juifs  :  «  Lors- 
»>  que  vous  élevez  les  yeux  vers  le 
»  ciel  ,  que  vous  voyez  le  soleil  , 
»  la  lune  et  les  autres  astres,  gar- 
»  dez-vous  de  donner  dans  l'erreur 
»>  et  de  les  adorer  ;  le  Seigneur 
»  votre  Dieu  les  a  créés  pour  reu- 
»  dre  service  à  toutes  les  nations 
■  qui  sont  sous  le  ciel.  »  Deut., 
c.  4>  S-  19-  Cette  leçon  servoit 
encore  à  prémunir  les  hommes 
contre  la  terreur  des  éclipses,  des 
météores,  des  phénomènes  singu- 
liers, dont  les  adorateurs  des  astres 
ont  toujours  été  consternés:  «Ne 
»  craignez  point,  dit  Jérémie,  les 
»  signes  du  ciel ,  comme  le  font 
»  les  nations,  »  c.  10,  S •  2.  Par 
là  enfin,  les  Juifs  étoient  préservés 
de  la  folie  des  pronostics,  de  la 
divination  par  les  astres,  des  ho- 
roscopes, de  l'astrologie  judi- 
ciaire, etc.   Ceux  qui   ne  croient 


AST 

point  à  la  révélation,  devroient 
nous  apprendre  comment  Moïse  a 
été  plus  éclairé  que  les  sages  de 
toutes  les  nations  dont  il  étoit 
environné. 

ASTROLOGIE  JUDICIAIRE,  science 
fausse  et  absurde  dont  les  partisans 
prétendent  qu'il  y  a  une  liaison 
nécessaire  entre  le  cours  des  astres 
et  les  actions  humaines  ;  qu'ainsi 
nos  destinées  sont  écrites  dans  le 
tableau  du  ciel  ;  que  l'on  peut  les 
y  lire  et  les  annoncer  d'avance; 
qu'à  la  naissance  d'un  enfant,  l'on 
peut  tirer  son  horoscope,  prévoir 
et  prédire  ce  qu'il  sera  ,  ce  qu'il 
fera,  et  quel  sera  son  sort  pendant 
toute  sa  vie,  etc. 

A  la  honte  de  l'esprit  humain  , 
cette  erreur  a  régné  chez  presque 
tous  les  peuples  et  dans  tous  les 
siècles;  les  Chaldéens,  qui  se  dis- 
tinguèrent par  leur  habileté  dans 
l'astronomie,  déshonorèrent  cette 
science  en  y  mêlant  V astrologie. 
Cet  abus  est  proscrit  par  les  lois 
de  Moïse  ,  par"  les  lois  des  empe- 
reurs païens,  plus  rigoureusement 
encore  par  celles  des  empereurs 
chrétiens  et  par  celles  de  l'Eglise. 
Plusieurs  philosophes  ont  été  at- 
tachés à  cette  étude  vaine  et  fri- 
vole, et  y  ont  eu  confiance,  en 
particulier  l'empereur  Julien;  Ci- 
céron  l'a  combattue  dans  son  livre 
De  fato.  Les  Pères  de  l'Eglise  et 
les  théologiens  n'ont  rien  négligé 
poiir  en  désabuser  les  hommes  ; 
ils  en  ont  fait  voir  l'absurdité  et 
l'impiété.  Mais  il  n'y  a  pas  encore 
long-temps  que  nous  pouvons  nous 
féliciter  d'être  guéris  de  cette  ma- 
ladie. Sous  la  régence  de  Marie 
de  Mcdicis,  aucune  femme  n'auroit 
entrepris  un  voyage  sans  avoir 
consulté  son  astrologue,  qu'elle 
appeloit  son  baron.  Louis  XIU  fut 
surnommé  îe  Juste ,  parce  qu'il 
étoit  né  sous  le  signe  de  la  balance; 
et  les  historiens  nous  apprennent 
qu'à  la  naissance  de   Louis  XIV, 


AST 

son  horoscope  fut  lire  avec  toute 
l:i  gravité  et  l'importance  possible. 

D'où  a  pu  naître  cette  démence  ? 
De  la  même  source  que  le  culte 
lies  astres.  «  Par  une  vaine  imaf;!- 
»»  nation, dit  le  Sage,  les  hommes 
»  ont  méconnu  Dieu  dans  ses  ou- 
»  vrages  ;  ils  se  sont  persuades  que 
»  les  cléments,  les  astres  qui  rou- 
»  lent  sur  nos  tètes,  le  soleil,  la 
»  lune,  les  planètes,  sont  les  dieux 
»  qui  gouvernentle  monde.  »  Sap., 
cap,  i3,  ^.  I.  Par  conséquent  ils 
leur  ont  attribué  des  connoissanccs 
et  une  puissance  bien  supérieures 
à  celles  des  hommes.  Dés  qu'on 
les  a  regardés  comme  les  arbitres 
de  nos  destinées,  l'on  a  dû  conclure 
qu'ils  pouvoient  aussi  nous  les 
faire  connoître  d'avance. 

On  a  vu  d'ailleurs  que  les  astro- 
nomes pouvoient  prédire  l'appa- 
rition de  tel  astre  ou  de  telle  con- 
stellation ,  le  changement  des  sai- 
sons et  de  la  température  de  l'air, 
uneéclipse  de  soleil  ou  de  lune;  que 
les  diverses  couleurs  de  ces  deux 
astres  annonçoient  ou  le  beau 
temps,  ou  le  vent,  ou  la  pluie.  Les 
astrologues,  pour  se  rendre  impor- 
tants ,  se  sont  vantés  d'avoir  des 
connoissanccs  encore  plus  éten- 
dues, de  pouvoir  prédire  des  évé- 
nements qui  n'avoient  aucune  liai- 
son avec  les  phénomènes  du  ciel  ; 
quelques-unes  de  leurs  prédictions, 
vérifiées  par  hasard,  ontinspiréaux 
ignorants  une  confiance  aveugle 
à  leurs  pronostics. On  sait  jusqu'où 
a  été  poussée  la  curiosité  de  tous 
les  peuples,  et  leur  envie  de  con- 
noître l'avenir.  Ainsi  s'est  établie 
la  croyance  générale  de  l'inlluence 
àes  astres  sur  nos  destinées,  l'opi- 
nion que  les  dieux ,  c'est-à-dire, 
les  astres  animés,  révéloient  aux 
observateurs  du  ciel  les  événements 
les  plus  cachés  dans  l'avenir.  Et 
puisque  les  stoïciens  rnèmes 
croyoient  fermement  à  Vastrolo- 
gie ,  il  se  peut  très-bien  faire  que 
les  astrologues   eux-mêmes    aient 


AST  239 

été  souvent  dupes  de  leur  propre 
curiosité.  Méru.  de  facud.  des  In- 
script., tome  LVI,  in- 12.  p.  45. 

Voilà  pourquoi  les  Chaldéens  , 
t^ui  sont  les  plus  anciens  obser- 
vateurs des  astres,  ont  été  aussi 
les  plus  célèbres  devins  de  l'anti- 
quité. Dans  le  livre  de  Daniel,  c.  2, 
y.  2  et  27,  les  sages,  les  mages  ,  les 
devins,  les  faiseurs  de  prédictions, 
les  Chaldéens,  sont  la  même  chose. 

Les  philosophes  qui  ont  com- 
battu cette  erreur,  n'en  attaquè- 
rent point  le  fondement,  c'est-à- 
dire,  la  prétendue  divinité  des 
astres  ;  ils  ne  purent  donc  pas  la 
détruire  :  leurs  raisonnements 
étoient  trop  abstraits  pour  être  à 
portée  du  peuple.  La  lumière  du 
christianisme  fut  plus  efficace  ; 
mais  elle  n'étouffa  pas  entière- 
ment l'habitude  d'ajouter  foi  aux 
prédictions  des  astrologues.  Lors- 
que les  Arabes  se  mirent  à  étudier 
l'astronomie,  ils  donnèrent  dans 
le  même  foible  que  les  Chaldéens, 
et  contribuèrent  ainsi  à  entretenir 
le  préjugé.  Il  domine  autant  que 
du  passé  chez  les  Grecs  ,  et  l'on 
prétend  qu'il  est  assez  commun  en 
Italie. 

Cependant  les  livres  saints,  les 
leçons  des  Pères  de  l'Eglise  ,  les 
anathèmes  lancés  contre  cette  su- 
perstition, auroient  du  la  déra- 
ciner. Il  étoit  sévèrement  défendu 
aux  Juifs  de  consulter  aucune  es- 
pèce de  devins.  Levît.,  c.  19,  ^.  3i. 
Deut.  ,  c.  18 ,  y .  10.  Le  prophète 
Isaïe  insulte  à  la  crédulité  des  Ba- 
byloniens et  à  la  folle  confiance 
qu'ils  donnoient  à  leurs  astrolo- 
gues,€.47,  S-  i3.  «  Qu'ils  parois- 
»  sent,  dit-il,  ces  hommes  si  ha- 
»  biles  à  contempler  le  ciel  et  à 
»  observer  les  astres,  qui  suppu- 
»  toient  les  lunaisons  pour  vous 
»  prédire  l'avenir;  qu'ils  vous  sau- 
»  vent  à  présent  de  vos  malheurs  ; 
»  ils  sont  comme  la  paille  consumée 
»  par  le  feu,  et  ils  ne  peuvent  se 
»  délivrer  eux-mêmes.  » 


24o  ASY 

Une  loi  de  l'empereur  Constance 
défend,  sous  peine  de  la  vie,  de 
consulter  des  astrologues  ou  ma- 
thématiciens, et  les  autres  devins. 
Sielleporte  aussi  le  nom  de  Julien, 
elle  ne  tut  pas  faite  de  son  aveu  , 
puisque,  dans  son  ouvrage  contre 
le  christianisme,  il  se  déclare  par- 
tisan de  V astrologie.  Saint  Cyrille, 
contre  Julien,  1.  lo,  pag.  356  et 
357.  Honorius  et  Théodose  ban- 
nirent aussi  les  astrologues.  Ori- 
géne,  saint  Basile,  saint  Ambroise, 
saint  Augustin ,  ont  démontré  la 
vanité  et  l'illusion  de  leurs  prédic- 
tions. Saint  Epiphane  nous  ap- 
prend qu'Aquila  fut  excommunié 
pour  n'avoir  pas  voulu  renoncer 
à  V astrologie.  Plusieurs  conciles  ont 
condamné  la  confiance  que  l'on 
avoit  à  cet  art  funeste,  et  ont  sévè- 
rement défendu  d'y  avoir  recours. 

Nos  rois  ont  confirmé  ces  lois 
par  leurs  ordonnances  dans  les 
derniers  siècles.  Thiers,  Trait,  des 
Supersi.,  t.  i,  c.  7,  1.  3,  p.  243. 

On  dit  que  la  philosophie  seule 
a  pu  nous  détromper  sur  ce  point; 
maïs  si  la  religion  n'y  a  contribué 
en  rien,  pourquoi  les  anciens  phi- 
losophes n'ont-ils  pas  pu  y  réussir, 
et  pourquoi  plusieurs  d'entr'eux 
ont-ils  donné  dans  le  même  pré  j  ugé 
que  le  vulgaire  ?  Les  Pères  l'ont 
attaqué  par  la  philosophie  aussi- 
bien  que  par  la  religion.  Si  l'on 
veut  comparer  les  arguments  de 
Bardai ,  dans  son  Argcnis  ,  avec 
ceux  des  Pères  ,  on  verra  qu'ils 
sont  les  mêmes.  Voyez  Devin. 

ASYLE,  sanctuaire,  lieu  de  re- 
fuge, qui  met  un  criminel  à  l'abri 
des  poursuites  de  la  justice.  Ce 
mot  qui  vient  du  grec,  est  com- 
posé d'à  privatif ,  et  deoTjXâû)  jpren- 
drc,  arracher,  dépouiller.  On  ne 
pouvoit  sans  sacrilège  arracher 
un  homme  de  Vasyle  dans  lequel 
il  s'étolt  réfugié. 

Les  temples,  les  autels,  les  sta- 
tues des  dieux  ou  des  héros,  leurs 


ASY 

tombeaux,  étoient  chez  les  anciens 
la  retraite  de  ceux  qui  étoient  ac- 
cablés par  la  rigueur  des  lois,  ou 
opprimés  par  la  violence  des  tyrans. 
De  tous  ces  as/les,  les  temples 
étoient  les  plus  sacrés  et  les  plus 
inviolables.  On  supposoit  que  les 
dieux  se  chargeoient  eux-mêmes 
depunir  les  criminels  quivenoient 
se  mettre  ainsi  sous  leur  dépen- 
dance immédiate  ;  et  on  regardoit 
comme  une  impiété  de  vouloir 
leur  ôter  le  soin  de  la  vengeance. 

Chez  les  païens  on  accordoit 
ainsi  l'impunité  aux  criminels  , 
même  les  plus  coupables,  soit  par 
superstition,  soit  pour  peupler  les 
villes  par  ce  moyen;  c'est  ainsi  en 
effet  que  Thèbes,  Athènes,  P.ome, 
se  remplirent  d'habitants  :  preuve 
assez  sensible  de  la  multitude  des 
crimes  qui  se  commettoient  pour 
lors. 

Les  Israélites  avoient  des  villes 
de  refuge  que  Dieu  lui-même  avoit 
désignées;  mais  elles  n'étoient  un 
asfle  assuré  que  pour  ceux  qui 
avoient  commis  un  crime  par  inad- 
vertance ,  par  un  cas  fortuit  et 
involontaire  ,  et  non  pour  ceux 
qui  s'en  étoient  rendus  coupables 
de  propos  délibéré. 

Bingham  ,  dans  ses  Origines  ec- 
clésiastiques, 1,  8,  c.  II, §3,  pense 
que  le  droit  à^asyle  dans  les  Eglises 
chrétiennes  a  commencé  sous 
Constantin.  Il  observe  que  ,  dans 
l'origine,  ce  privilège  n'a  été  ac- 
cordé ni  pour  mettre  les  criminels 
à  l'abri  des  poursuites  de  la  justice, 
ni  pour  diminuer  l'autorité  des 
magistrats  ,  ni  pour  donner  at- 
teinte aux  lois;  mais  afin  de  fournir 
un  refuge  aux  innocents  accusés 
et  poursuivis  injustement  ,  de 
laisser  aux  juges  le  temps  d'exa- 
miner mûrement  les  cas  incertains 
et  douteux,  de  mettre  les  accusés 
à  couvert  de  la  vengeance  et  des 
voies  de  fait,  enfin,  de  donner  lieu 
aux  évêques  d'intercéder  pour  les 
coupables  ,  chose  qu'ils  faisoient 


ASY 

souvent.  Il  ne  faut  donc  pas  cire 
surpris  si  les  empereurs  suivants 
confimicrent  ce  droit  à'asyle  ,  et 
sî  les  pasteurs  de  l'Eglise  furent 
ardents  à  le  soutenir.  Nous  en 
voyons  un  exemple  remarquable 
dans  les  ouvrages  de  saint  Jean- 
Chrysostôme.  Un  favori  de  l'em- 
pereur Arcadius,  nommé  Eutrope, 
avoit  suggéré  à  ce  prince  de  sup- 
primer le  droit  à'as/le  ;  bientôt 
disgracié  et  poursuivi  lui  -  même 
par  des  ennemis  puissants,  il  fut 
réduit  à  se  réfugier  dans  une 
église,  et  à  chercher  son  salut  en 
embrassant  l'autel.  Cet  événement 
fournit  à  saint  Jean-Chrysostôme 
le  sujet  d'un  discoui'S  très-éloquent 
sur  la  vanilé  des  grandeurs  hu- 
maines, et  sur  la  justice  des  dé- 
crets de  la  Providence.  Op.,  t.  3, 
p.  38i. 

Lorsque  les  empereurs  Honorius 
et  Théodose  eurent  réglé  et  mo- 
déré le  droit  d'as//c,  lesévêques  et 
les  moines  eurent  soin  de  marquer 
une  certaine  étendue  de  terrain 
qui  fixoit  les  bornes  de  la  juridic- 
tion séculière.  Peu  à  peu  les  cou- 
vents devinrent  des  espèces  de 
forteresses  où  les  criminels  se  met- 
toicnt  à  l'abri  du  châtiment  et 
bravoient  les  magistrats.  Ce  privi- 
lège fut  étendu  dans  la  suite  ,  non- 
seulement  aux  églises  et  aux  cime- 
tières, mais  aussi  aux  maisons  des 
éveques  ;  parce  qu'il  n'étoit  pas 
possible  à  un  criminel  de  passer 
sa  vie  dans  une  église ,  où  il  ne 
pouvoit  laire  décemment  plusieurs 
des  fonctions  animales.  Mais  enfin 
\tsasyles  furent  insensiblement  dé- 
pouillés de  leurs  immunités ,  parce 
qu'ils  ne  servoient  plus  qu'à  favo- 
riser le  brigandage  et  à  multiplier 
les  crimes. 

Il  faut  convenir  cependant,  que 
si  les  as/les  ont  mis  à  couvert  de 
châtiment  plusieurs  coupables  qui 
l'avoient  justement  mérité  ,  ils  ont 
aussi  sauvé  la  vie  à  un  grand  nom- 
bre d'innocent»  injustement  pour- 
I, 


ATIl  24  « 

suivis  par  les  fureurs  do  la  ven- 
geance. Dans  les  temps  malheureux 
où  les  vengeances  particulières 
étoient  censées  permises ,  où  l'on 
ne  connoissoit  plus  d'autre  loi  que 
celle  du  plus  fort,  il  falloit  néces- 
sairement avoir  des  lieux  de  refuge 
contre  la  violence  des  seigneurs 
toujours  armés.  Cette  triste  res- 
source n'a  cessé  d'être  nécessaire 
que  quand  l'autorité  de  nos  rois, 
la  police  des  villes,  la  juridiction 
des  tribunaux  de  magistrature,  ont 
été  solidement  établies. 

Il  y  avoit  plusieurs  de  ces  asyles 
ou  sanctuaires  en  Angleterre  ;  le 
plus  fameux  étoit  à  Beverly ,  avec 
cette  inscription  :  Ilcecsedes  lapidea 
freed  stool  dîcitur ,  id  est ,  pacis 
cathedra  ,  ad  quam  reus  fugiendo 
perveniens  omnimodam.  habei  secu- 
ritatem.  Camden.  En  France ,  l'é- 
glise de  Saint-Martin  de  Tours  a  été 
long-temps  un  asyle  inviolable.  Les 
franchises  accordées  aux  églises  en 
Italie  ,  ressembloient  beaucoup  au 
droit  à'' asyle;  mais  elles  ont  été 
abolies. 

Charlemagne  avoit  donné  aux 
asyles  une  première  atteinte  en  77g, 
par  la  défense  qu'il  fit  de  porter  à 
manger  aux  criminels  réfugiés  dans 
les  églises.  Nos  rois  ont  heureuse- 
ment achevé  ce  que  Charlemagne 
avoit  commencé.  Hist.  de  VAcad. 
des  Inscr.  ,  toin.  2,  in-12,  p.  Sa; 
Mém.,  tom.  74?  P-  4^- 

ATHANASE  (saint)  ,  évêque  et 
patriarche  d'Alexandrie ,  a  été  l'un 
des  plus  célèbres  Pères  de  l'Eglise 
au  quatrième  siècle.  Ses  combats 
contre  les  ariens,  les  persécutions 
qu'il  essuya  de  leur  part  ,  la  con- 
stance avec  laquelle  il  supporte 
leurs  calomnies  ,  plusieurs  exils  , 
une  vie  errante  et  toujours  ex- 
posée pour  la  défense  de  la  foi  , 
sont  des  faits  connus  de  tous  ceux 
qxii  ont  lu  l'histoire  ecclésiastique. 
Quelques  incrédules  en  ont  pris 
occasion  de  le  peindre  comme  un 
16 


242  ATH 

zélateur  imprudent  ,  comme  un 
boute-feu,  un  fanatique.  La  vérité 
est  qu'il  n'opposa  jamais  que  la 
patience,  la  prudence  et  la  force 
de  la  vérité  à  une  persécution  de 
cinquante  ans.  Son  caractère  se 
montre  dans  ses  ouvrages  ;  il  n'in- 
jurie point  ses  adversaires,  il  ne 
cherche  point  à  les  aigrir,  il  les 
accable  par  l'autorité  de  l'Ecriture 
sainte  et  par  la  force  de  ses  rai 
sonnements.  D'autres  lui  ont  re- 
proché d'avoir  peu  traité  la  mo- 
rale; mais  il  étoit  trop  occupé  des 
dangers  que  couroit  le  dogme  pour 
avoir  eu  le  temps  de  composer  des 
traités  de  morale.  Plusieurs  auteurs 
pro lestants  ont  rendu  justice  à  ses 
talents  et  à  ses  vertus.  La  meilleure 
édition  de  ses  ouvrages  est  celle 
qu'a  donnée  dom  deMontfaucon,  en 
3  volumes  in-folio.  On  convient 
que  le  symbole  qui  porte  son  nom 
n'est  pas  de  lui,  mais  il  est  tiré  de 
ses  écrits.  Vies  des  Pères  et  des  mar- 
tyrs, t.  4,  p-  34- 

ATHÉE,  ATHÉISME.  Nous  en- 
tendons par  athéisme,  non-seule- 
ment le  système  de  ceux  qui  n'ad- 
mettent point  de  Dieu,  mais  encore 
l'opinion  de  ceux  qui  nient  la  pro- 
vidence, parce  qu'à  proprement 
parler,  un  Dieu  sans  providence 
n'existe  pas  pour  nous.  C'est  la 
réllexion  que  fait  Cicéron  contre 
les  prétendus  dieux  d'Epicure.  Il 
est  triste  que  ce  soit  aujourd'hui 
le  sentiment  dominant  parmi  les 
incrédules;  mais  la  multitude  des 
ouvrages  qui  «nt  paru  de  nos 
jours  pour  établir  cette  doctrine 
désolante  ,  ne  prouve  que  trop  le 
nombre  de  ses  partisans. 

C'est  aux  philosophes  de  réfuter 
les  divers  systèmes  à' athéisme,  et 
de  démontrer  l'existence  de  Dieu 
par  les  preuves  que  la  raison  seule 
nous  suggère  ;  le  devoir  d'un  théo- 
logien est  de  faire  voir  que  les  au- 
teurs sacrés  ont  très-bien  connu 
k  caractère,  les  causes,  les  effets 


,    ATH 

de  Yathéisme;  que  le  portrait  qu'ils 
ont  tracé  des  athées  de  leur  temps, 
convient  encore  parfaitement  à 
ceux  d'aujourd'hui. 

Selon  le  roi  prophète  ,  Ps.  la  , 
«  l'insensé  a  dit  dans  son  cœur  :  Jl 
»  ni'y  a  point  de  Dieu.  Ce  langage 
»  est  celui  des  hommes  corrompus 
»  et  pervers.  Il  n'en  est  pas  un  seul 
»  parmi  eux  qui  fasse  le  bien.  Leur 
»  bouche  respire  l'infection  des 
»  tombeaux,  leur  langue  exhale  le 
»  poison  des  serpents;  ils  cherchent 
»  à  séduire  par  le  mensonge  ;  la 
»  noirceur  de  leurs  calomnies  , 
»  l'amertume  de  leurs  reproches  , 
»  démontrent  qu'ils  seroient  prêts 
»  à  répandre  le  sang  de  leurs  ad- 
»  versaires.  Ils  passent  des  jours 
»  tristes  et  malheureux,  jamais  ils 
»  n'ont  goilté  la  paix  :  ils  tremblent 
»  où  il  n'y  a  aucun  suj  et  de  frayeur . 
»  Le  Seigneur  est  juste  ;  il  se  venge 
»  de  ces  insensés ,  pendant  que  le 
»  pauvre ,  soumis  et  tranquille  , 
»  met  son   espérance  en  Dieu.   » 

Long-temps  avant  David ,  Job 
avoit  remarqué  que  Yathéisme  est 
le  vice  des  grands  du  monde ,  des 
hommes  aveugléspar  ta  prospérité, 
corrompus  par  l'opulence ,  per- 
vertis par  l'usage  immodéré  des 
plaisirs.  Us  ont  dit  à  Dieu  :  «  Re- 
»  tirez  -  vous  de  nous  ;  nous  ne 
»  voulons  ni  recevoir  vos  leçons  , 
»  ni  connoître  vos  lois.  Qui  est  le 
»  Tout-Puissant ,  pour  que  nous 
»  soyons  ses  adorateurs ,  et  à  quoi 
M  nous  serviroit  de  l'invoquer  ?.... 
»  Mais  Dieu  leur  rendra  ce  qu'ils 
»  méritent,  et  alors  ils  le  connoî- 
»  tront.  »  Job ,  c.  21. 

«  Il  viendra  un  temps,  dit  saint 
»  Paul  ,  auquel  les  hommes  ne 
»  pourront  plus  supporter  une 
»  saine  doctrine;  ils  se  choisiront 
»  des  maîtres  selon  leur  goût  ;  une 
»  curiosité  effrénée  ,  la  déman- 
n  geaison  d'entendre  quelque  chose 
»  de  nouveau  ,  les  détourneront  de 
»  la  vérité,  et  les  feront  couriraprès 
»  des  fables.  »  II.  Tim.,  c.  4 ,  J.  3. 


ATII 

La  principale  source  de  Va- 
théisme  ,  selon  l'Ecriture  sainte  , 
est  la  corruption  du  cœur  ;  plu- 
sieurs philosophes  modernes  en 
sont  convenus  ,  et  l'expérience  le 
prouve.  Les  Grecs  étoient  parve- 
nus au  comhle  de  la  prospérité  par 
leurs  victoires  sur  les  Perses  , 
lorsque  leurs  philosophes  se  préci- 
pitèrent dans  l'épicuréisme.  Rome 
étoit  devenue  la  maîtresse  du 
monde  ,  elle  regorgeoit  des  ri- 
chesses de  l'Asie,  lorsque  le  luxe 
introduisit  dans  ses  murs  cette 
philosophie  meurtrière.  Les  Juifs 
venoient  d'être  délivrés  de  la  per- 
sécution des  rois  de  Syrie  ,  ils 
étoient  enrichis  par  le  commerce 
d'Alexandrie  ,  lorsqu'ils  virent 
éclore  parmi  eux  le  saducéisme , 
qui  n'étoit  qu'un  épicuréisme  gros- 
sier. Faut  -  il  qu'à  notre  tour  la 
naissance  de  V athéisme  vienne  nous 
annoncer  que  nous  touchons  au 
plus  haut  point  de  prospérité  au- 
quel notre  monarchie  soit  parve- 
nue depuis  sa  fondation  .•* 

Mais  le  luxe,  père  de  la  corrup- 
tion et  de  V athéisme,  prépare  la 
ruine  des  états  et  la  décadence  des 
nations  :  ce  qui  est  arrivé  à  celles 
dont  nous  venons  de  parler  de- 
vroit  nous  faire  trembler  et  nous 
rendre  plus  sages. 

L  Quel  motif  pourroit  engager 
un  athée  à  être  vertueux  ?  Il  sait , 
à  la  vérité ,  que  le  vice  peut  lui 
nuire  ;  mais  il  est  aussi  des  cir- 
constances où  le  vice  autorisé  par 
l'exemple  peut  devenir  avantageux. 
Déjà  nos  moralistes  athées  nous 
avertissent  que  dans  les  sociétés 
corrompues  il  faut  se  corrompre 
pour  devenir  heureux ,  se  mettre 
au  ton  des  mœurs  régnantes  pour 
être  estimé  et  applaudi.  Il  y  a  des 
hommes  si  mal  constitués  par  la 
nature  ,  que  le  vice  est  nécessaire 
à  leur  bonheur.  Qu'importe  que 
le  vice  puisse  nuire,  s'il  peut  aussi 
être  utile  ?  L'événement  dépend 
du  hasard  ;  tout  homme   dominé 


ATII  143 

par  une  passion  est  tenté  d'en  faire 
l'épreuve.  Il  n'a  point  de  remords 
à  craindre  ,  dès  qu'il  se  sent  le 
courage  de  les  étouffer. 

Les  fautes  les  plus  secrètes  peu- 
vent être  dévoilées ,  mais  il  s'est 
commis  aussi  plusieurs  grands 
crimes  dont  on  n'a  jamais  pu  dé- 
couvrir les  auteurs.  Dans  les  so- 
ciétés corrompues,  les  fautes  sont 
si  communes  que  l'on  n'y  fait 
presque  plus  d'attention  ;  une  dose 
suffisante  d'effronterie  tient  lieu 
de  probité.  A  force  de  raisonne- 
ments et  de  palliatifs,  on  parvient 
aujourd'hui  à  justifier  les  iniquités 
les  plus  criantes,  et  à  rendre  toutes 
les  réputations  équivoques. 

La  société  sans  doute  est  utile 
au  bonheur  d'un  atfiée  ;  mais  , 
commie  tant  d'autres,  il  peut  jouir 
des  avantages  de  la  société  sans  y 
mettre  beaucoup  du  sien  :  ceux 
qui  servent  le  plus  efficacement 
leurs  semblables ,  ne  sont  pas  les 
plus  honorés  ;  les  vertus  les  plus 
nécessaires  sont  ordinairement  les 
plus  obscures  ,  et  les  devoirs  les 
plus  pénibles  sont  les  moins  ré- 
compensés. 

On  dit  que  nous  devons  nous 
attacher  à  la  patrie  qui  nous  pro- 
tège. Mais  combien  d'hommes  pro- 
fitent clés  bienfaits  et  de  la  protec- 
tion de  la  patrie  ,  en  lui  rendant 
de  mauvais  services,  en  lui  insul- 
tant ,  en  déclamant  contre  ses  lois, 
en  décriant  son  gouvernement,  en 
exaltant  jusqu'aux  nues  le  mérite 
supérieur  de  ses  ennemis  !  Selon 
un  axiome  consacré  parmi  les 
athées,  une  patrie  qui  ne  nous  rend 
point  heureux,  perd  ses  droits  sur 
nous. 

Un  homme,  continue-t-on  ,  doit 
se  faire  aimer.  Où  est  cette  néces- 
sité pour  un  athée?  Il  lui  suffit 
d'être  craint  ,  et  que  personne 
n'ose  lui  nuire.  Qu'ai -je  à  faire, 
dira-t-il  ,  de  l'amitié  d'un  père 
vieux,  infirme,  languissant,  qu'il 
'  faut  soigner  et  nourrir  à  mes  dé- 
16. 


:ï^4 


ATII 


pens  ?   Que  me    rendra -t-il    en 
échange  de  mon  amitié? 

Je  conviens  que  l'ingratitude 
éloignera  de  moi  mon  bienfaiteur, 
le  fera  peut-être  repentir  de  ce 
qu'il  a  fait  pour  moi;  que  m'im- 
porte s'il  n'est  plus  en  état  de  me 
faire  du  bien,  de  se  venger  ,  ni  de 
me  faire  essuyer  des  reproches  ? 

J'avoue  encore  que  la  justice  est 
nécessaire  au  maintien  de  toute 
association;  mais  on  peut  profiter 
de  l'association ,  sans  contribuer  à 
son  maintien.  On  a  prouvé  docte- 
ment de  nos  jours  que  plusieurs 
vices  sont  pour  le  moins  aussi  né- 
cessaires au  maintien  de  la  société 
que  les  vertus. 

D'ailleurs ,  la  justice  ne  suffit 
point  si  l'on  n'y  ajoute  la  charité, 
l'humanité  ,  la  compassion  pour 
les  malheureux  ;  sur  quoi  peut  être 
fondé  pour  moi  le  devoir  de  se- 
courir un  étranger  ,  un  inconnu 
qui  souffre ,  mais  qui  ne  me  con- 
noît  point ,  et  que  je  ne  reverrai 
jamais  f 

Il  est  faux  que  nul  homme  ne 
puisse  être  content  de  soi-même  , 
quand  il  sait  qu'il  est  l'objet  de  la 
haine  publique.  Plusieurs  grands 
hommes  l'ont  encounie  par  leurs 
vertus  et  par  le  zèle  le  plus  pur  ; 
d'autres  ont  gagné  la  faveur  pu- 
blique par  des  crimes  heureux  : 
ceux-ci  avoient-ils  plus  de  droit 
d'être  contents  d'eux-mêmes  que 
les  premiers? 

Toutes  les  maximes  de  morale 
des  athées  sont  donc  fausses  lors- 
qu'on les  examine  en  rigueur;quand 
elles  scroient  vraies  ,  le  commun 
des  hommes  est  incapable  de  faire 
les  réflexions,  les  calculs,  les  rai- 
sonnements nécessaires  pour  en 
sentir  la  vérité.  Admettons  un  Dieu 
et  une  providence  ,  ces  maximes 
deviendront  des  lois. 

Que  le  vice  nous  soit  utile  ou 
pernicieux  dans  ce  monde  ,  n'im- 
porte; Dieu  le  défend,  il  le  punira 
tôt  ou  tard.  Quand  le  vice  nous 


ATH 

clcveroit  sur  la  terre  au  comble  du 
bonheur,  ce  ne  sera  que  pour  quel- 
ques moments  ;  l'ivresse  passagère 
qu'il  nous  causera  sera  suivie  d'un 
malheur  étemel.  Que  les  hommes 
connoissent  le  crime  ou  ne  le  con- 
noissent  pas  ,  cela  est  égal  ;  Dieu 
le  connoît ,  le  coupable  n'échap- 
pera point  à  sa  vengeance  :  les  re- 
mords sont  les  premiers  supplices 
par  lesquels  il  leur  fait  sentir  sa 
justice. 

Que  la  société  ,  que  la  patrie, 
soient  justes  ou  injustes  ,  rccon- 
noissantes  ou  ingrates  à  mon  égard  y 
Dieu  m'ordonne  de  m'y  attacher 
et  de  les  servir  ,  comme  il  leur 
ordonne  de  me  protéger.  Si  elles 
manquent  à  leur  devoir,  cela  ne  me 
donne  pas  droit  de  violer  le  mien  : 
Dieu  est  témoin  de  ma  conduite  , 
c'est  à  lui  seul  de  me  récompenser. 

Par  la  loi  générale  de  la  charité  , 
Dieu  commande  à  tous  les  hommes 
de  s'aimer,  de  s'aider,  de  se  rendre 
des  services  mutuels  :  amis  ou  en- 
nemis ,  concitoyens  ou  étrangers, 
bienfaiteurs  ou  rivaux ,  caractères 
aimables  ou  fâcheux  ,  personne 
n'est  excepté.  Quand  ils  nous  refu- 
seroient  leur  amitié,  nous  serions 
encore  obligés  de  nous  rendre  ai- 
mables ,  afin  de  ne  pas  les  blesser. 

Tel  est  le  langage  de  la  religion  , 
de  nos  livres  saints ,  des  justes  de 
tous  les  siècles  ;  c'est  celui  de  la 
raison  et  de  la  saine  philosophie. 
Lorsque  les  athées  s'obstinent  à  le 
méconnoître  ,  nous  n'avons  pas 
tort  de  leur  reprocher  qu'ils  sapent 
la  morale  par  les  fondements. 
Sans  la  croyance  d'un  Dieu,  sou- 
verain législateur  ,  rémunérateur 
et  vengeur  ,  il  n'est  plus  de  lois  , 
plus  de  devoirs  ou  d'obligations 
morales  proprement  dites,  plus  de 
vices  ni  de  vertus  (N.*  X,p.xxiv.) 

II.  L'Ecriture  nous  assure  que 
les  athées  n'ont  jamais  goûté  la 
paix,  qu'il  n'est  point  pour  eux  de 
consolation  ni  de  bonheur  en  ce 
mende  ;  ils  ont  pris  eux-mêmes 


AT  II 

la  peine  de  nous   en   convaincre. 
Que  voyons-nous  dans  leurs  livres? 

1."  Une  affectation  singulière  de 
dégrader  l'homnie  ,  de  le  réduire 
au  niveau  des  brutes,  afin  de  prou- 
ver qu'il  n'est  pas  l'ouvrage  d'un 
Dieu  sage  et  bon.  Ce  n'est  pas  là  le 
moyen  de  nous  inspirer  du  courage, 
des  sentiments  nobles  ,  l'héroïsme 
de  la  vertu,  la  satisfaction  secrète 
que  goûte  une  âme  élevée  à  sentir 
ce  qu'elle  est.  Cet  avilissement 
volontaire  cadre  bien  mal  avec 
l'orgueil  philosophique. 

2°  Des  plaintes  amères  sur  les 
misères  de  l'humanité,  sur  les  ri- 
gueurs d'une  nature  marâtre,  sur 
les  passions  qui  nous  tourmentent, 
sur  les  crimes  qui  nous  déshono- 
rent ,  sur  les  tléaux  qui  couvrent 
la  terre.  Us  en  concluent  qu'une 
Providence  bienfaisante  ne  se  mêle 
point  du  gotivernement  de  ce 
monde.  Ces  sombres  réllexions  ne 
sont  pas  fort  propres  à  nous  ren- 
dre contents  de  notre  sort.  Lors- 
que les  athées  peignent  le  genre 
humain,  ils  le  représentent  comme 
une  société  de  malfaiteurs  aveuglés, 
corrompus,  forcenés  par  religion. 
Peut-on  se  féliciter  de  vivre  dans 
une  pareille  compagnie,  ou  espérer 
d'y  trouver  jamais  le  bonheur? 

3.°  Des  blasphèmes  contre  la 
justice  d'un  Dieu  vengeur,  contre 
la  sévérité  avec  laquelle  on  prétend 
qu'il  punit  le  crime.  Cette  idée  , 
disent-ils  ,  inspire  l'effroi  ,  fait 
envisager  Dieu  comme  un  être 
odieux.  A  ce  signe  ,  il  est  difficile 
de  reconnoître  le  calme  d'une  con- 
.science  pure,  exempte  de  trouble 
et  de  remords.  Us  se  plaignent  de 
ce  que  la  vertu  n'est  pas  heureuse 
sur  la  terre,  et  ils  ne  veulent  point 
du  bonheur  d'une  autre  vie.  Mais 
si  la  vertu  n'a  rien  à  espérer  ,  ni 
dans  ce  monde  rti  dans  l'autre,  où 
sera  le  motif  de  l'embrasser.'' 

4."  Des  doutes  jetés  sur  la  per- 
pétuité de  l'ordre  physique  du 
monde.  "Nous  ne  savons  pas  ,  di- 


ATH  245 

senl-ils  ,  si  une  révolution  subite 
ne  replongera  pas  bientôt  l'univers 
dans  le  chaos.  Jamais  la  superstir 
tion  la  plus  aveugle  n'inspira  une 
crainte  aussi  puérile  et  aussi  absur- 
de. Epicure  pensoit  qu'il  valoit  en- 
core mieux  être  sous  l'empire  d'uu 
Dieu  le  plus  capricieux,  que  sous  le 
joug  d'une  nécessité  impitoyable 
que  rien  ne  peut  fléchir.  Aujour- 
d'hui ses  disciples  ,  moins  sensés 
que  lui ,  préfèrent  l'emipire  de  la 
nécessité  à  celui  de  la  Divinité. 

5  °  Des  éloges  prodigués  à  la  fu- 
reur du  suicide.  Si  c'est  à  ce  terme 
que  doitaboutir  la  suprême  félicité 
des  athées ,  un  homme  raisonnable 
ne  sera  pas  tenté  de  la  leur  envier. 
Il  est  bien  absurde  de  nous  pro- 
mettre le  bonheur  ici-bas,  si  nous 
voulons  abjurer  l'idée  d'un  Dieu 
vengeur  ,  et  de  vouloir  prouvei- 
ensuite  que  si  nous  sommes  dé- 
goiités  de  la  vie  ,  rien  n'est  mieux 
que  de  se  détruire. 

6.° Des  sophismes  sans  fin  ,  pour 
démontrer  qu'il  n'y  a  aucune  certi- 
tude dans  nos  connoissances;qu'un 
scepticisme  général  est  la  seule  phi- 
losophie du  sage.  Mais  si  toutes 
nos  opinions  sont  incertaines,  Va- 
théisme  n'est  donc  pas  un  système 
invinciblement  prouvé  ,  et  auquel 
on  puisse  se  livrer  avec  une  pleine 
sécurité.  Douter  s'il  y  a  un  Dieu  , 
une  religion  vraie  ,  une  autre  vie  , 
ce  n'est  pas  être  convaincu  qu'il 
n'y  en  a  point;  l'incertitude  sur  un 
objet  aussi  important  ne  peut  pas 
être  une  situation  douce  et  agréable. 
Les  mécontentements  du  présent, 
l'incertitude  sur  l'avenir,  des  fu- 
reurs contre  Dieu  ,  des  invectives 
contre  les  hommes,  ne  furent  ja- 
mais les  symptômes  de  la  paix  et 
du  bonheur.  Nous  sommes  donc 
forcés  d'acquiescer  à  la  .sentence 
que  Dieu  a  prononcée  lui-même 
par  un  prophète  :  «  Point  de  paix 
»  pour  les  impies.  »  Isa'î.  ,  c.  48  , 
y^  22  ;  c.  57,  ;^.  21. 

IILLe  psalmiste  nous  avertit  que 


2^6  ATH 

les  aillées  sont  des  homraes  d'un 
mauvais  caractère  ,  dangereux  , 
malfaisants, pernicieuxà  la  société; 
est-ce  une  accusation  fausseî' 

Puisqu'il  est  démontré  que  la 
situation  des  athées  n'est  ni  tran- 
quille, ni  heureuse,  c'est  un  trait 
de  cruauté  de  leur  part  de  vouloir 
communiquer  aux  autres  le  doute, 
l'inquiétude  ,  le  mécontentement , 
l'humeur  ,  qui  les  tourmentent. 
Qu'ils  s'obstinent  à  y  demeurer  , 
c'est  leur  affaire  ;  mais  pourquoi 
vouloir  arracher  à  leurs  sembla- 
bles l'idée  d'unDieu  qui  les  console, 
une  religion  qui  les  porte  à  la 
vertu,  une  espérance  qui  adoucit 
leurs  peines?  A  considérer  la  ma- 
nière dont  la  plupart  des  hommes 
sont  constitués  ,  les  athées  sont-ils 
sûrs  que  leurs  principes,  répandus 
dans  le  monde,  n'augmenteront  pas 
la  quantité  des  crimes  et  le  nombre 
des  malfaiteurs  ?  Le  moindre  dan- 
ger à  cet  égard  devroit  arrêter  la 
main  et  fermer  la  bouche  à  tout 
homme  sensé. 

Quand  la  vérité  de  la  religion 
ne  seroit  pas  invinciblement  dé- 
montrée,elle  est  dumoins  autorisée 
par  les  lois;  chez  toutes  les  nations 
policées  ,  on  a  sévi  contre  ceux 
qui  violent  les  lois  en  attaquant 
la  religion.  Parce  qu'il  plaît  aux 
athées  de  trouver  ces  lois  injustes, 
il  ne  s'ensuit  pas  qu'elles  le  sont 
en  effet ,  et  que  l'on  ne  doit  pas 
punir  ceux  qui  s'élèvent  contre 
elles.  Exiger  dans  ce  cas  une  tolé- 
rance absolue,  c'est  autoriser  tous 
les  malfaiteurs  à  enfreindre  toutes 
les  lois  qui  les  gênent. 

Accuser  les  vivants  et  les  morts, 
noircir  les  motifs  de  toutes  les  ver- 
tus qui  ont  brillé  dans  le  monde, 
fouiller  dans  tous  les  coins  de  l'his- 
toire pour  trouver  des  reproches 
contre  les  personnages  pour  les- 
quels le  genre  humain  a  eu  le  plus 
de  respect,  sonner  le  tocsin  contre 
ceux  qui  prêchent  la  religion  ou 
qui    la    défendent       les     peindre 


ATH 

commie  autant  de  fourbes  ou  de 
fanatiques  ennemis  de  la  société  , 
attaquer  les  souverains  et  les  gou- 
vernements comme  complices  du 
même  crime  :  voilà  ce  que  les  athées 
ont  fait  de  tout  temps  et  font  en- 
core. Si  tous  ces  excès  ne  sont  pas 
punissables,  quel  a  donc  été  l'objet 
de  la  police  et  de  la  législation? 

C'est  une  imposture  de  leur  part 
de  prétendre  que  VatJiéisme  n'in- 
flue en  rien  sur  les  mœurs,  et  qu'un 
a/Zie'e  peut  être  aussi  vertueux  qu'un 
homme  qui  croit  en  Dieu  ;  le  con- 
traire est  démontré  par  leur  propre 
conduite.  JJnathée  n'évite  le  crime 
qu'autant  qu'il  y  est  forcé  par  les 
lois  ;  il  ne  peut  être  homme  de 
bien  sans  contredire  continuelle- 
ment tous  ses  principes. 

L'influence  terrible  que  Va- 
théisme  peut  avoir  sur  les  mœurs 
du  peuple,  n'est  que  trop  prouvée 
par  un  fait  arrivé  de  nos  jours.  Il 
y  a  environ  dix  ans  qu'il  s'étoit 
ibrmé  dans  la  Lorraine  allemande 
et  dans  l'électorat  de  Trêves ,  une 
association  de  gens  de  la  campagne 
qui  avoient  secoué  tout  principe 
de  religion  et  de  morale.  Ils  s'é- 
toient  persuadés  qu'en  se  mettant 
à  l'abri  des  lois  ils  pouvoient  sa- 
tisfaire sans  scrupule  toutes  leurs 
passions.  Pour  se  soustraire  aux 
poursuites  de  la  justice,  ils  se  com- 
portoient  dans  leurs  villages  avec 
la  plus  grande  circonspection;  l'on 
n'y  voyoit  aucun  désordre  :  mais 
ils  s'assembloient  la  nuit  en  grandes 
bandes  ,  alloient  à  force  ouverte 
dépouiller  les  habitations  écartées, 
commettoient  d'abominables  ex- 
cès, et  employoient  les  menaces  les 
plus  terribles  pour  forcer  ausilence 
les  victimes  de  leur  brutalité.  Un 
de  leurs  complices  ayant  été  saisi 
par  hasard  poui  quelque  autre 
délit,  l'on  découvrit  la  trame  de 
cette  confédération  détestable ,  et 
l'on  compte  par  centaine  les  scé- 
lérats qu'il  a  fallu  faire  périr  sur 
réchafaud.   Lettres  sur    VHist.   de 


ATII 

la  terre  et  de  r homme  ,  par  M. 
Duluc,  1779  ,  tom.  4  ,  Lettre  91  , 
p.  i4o 

Ce  fait  fut  annoncé  dans  le 
temps  par  les  nouvelles  publiques, 
mais  il  ne  fut  pas  assez  remarqué. 
S'il  avoit  été  question  d'un  événe- 
ment peu  favorable  à  la  religion  , 
nos  philosophes  en  auroient  fait 
retentir  le  bruit  dans  l'Europe  en- 
tière. Le  sage  écrivain  qui  le  rap- 
porte, et  qui  en  avoit  presque  été 
témoin  ,  observe  avec  raison  que 
si  Vathéisme  ne  produit  pas  le 
même  effet  sur  les  hommes  labo- 
rieux, timides  ,  dont  les  passions 
sont  douces  ,  la  société  auroit  tout 
à  craindre  des  paresseux  hardis  , 
entreprenants,  et  dont  les  passions 
sont  violentes  ;  l'irréligion  en  fe- 
roit  de  vrais  tigres. 

Il  ne  restoit  plus  aux  athées  qu'à 
vouloir  cacher  leurs  turpitudes 
sous  le  masque  de  l'hypocrisie,  à  se 
prétendre  animés  par  un  zèle  ar- 
dent pour  le  bien  de  l'humanité  , 
à  exiger  des  éloges  et  'des  récom- 
penses pour  le  courage  qu'ils  ont 
montré  ;  c'est  par-là  que  les  athées 
ont  couronné  leurs  travaux. 

Ils  diront  sans  doute  que  par 
ces  réflexions  nous  cherchons  à 
les  rendre  odieux,  à  exciter  contre 
eux  la  sévérité  des  magistrats.  Non. 
L'Ecriture  les  déclare  insensés  : 
nous  souscrivons  à  cet  arrêt.  On 
ne  punit  point  les  hommes  tombés 
en  démence,  mais  on  les  met  hors 
d'état  de  nuire.  Le  roi  prophète 
remet  à  Dieu  la  vengeance  de  leurs 
fureurs  :  «  Levez-vous  ,  Seigneur, 
»  jugez  vous-même  votre  cause  ; 
»  voyez  les  blasphèmes  que  l'm- 
»  sensé  ne  cesse  de  vomir  contre 
»  vous  ;  remarquez  et  n'oubliez 
»  pas  l'orgueil  de  ceux  qui  se  dé- 
»  clarent  vos  ennemis  ,  et  cette 
»  audace  qui  s'augmente  de  jour 
»  en  jour.  »  Ps.  yS,  ^.  22.  In- 
struits par  les  leçons  de  Jésus- 
Christ ,  encore  j)lus  parfaites  que 
cviles  de^  anciens  justes,   nous  no 


ATll  247 

demandons  à  Dieu  que  la  conver- 
sion des  incrédules. 

Nous  ignorons  pourquoi  l'on  a 
pris  de  nos  jours  tant  de  peine 
pour  justifier  Vanini ,  atliée  cé- 
lèbre, ou  du  moins  pour  l'excuser 
et  pour  faire  paroître  ses  juges 
coupables  de  cruauté.  Plusieurs  de 
nos  philosophes  ont  trouvé  bon 
de  faire  son  apologie;  mais  l'in- 
térêt personnel  et  la  conformité 
de  sentiment  n'auroient- ils  pas 
influé  beaucoup  dans  cette  charité 
singulière  "? 

Il  nous  suffît  d'observer  que  Va- 
nini ne  fut  point  livré  au  sup- 
plice précisément  parce  qu'il  étoit 
athée ,  mais  parce  qu'il  prêchoit 
l'athéisme ,  et  séduisoit  la  jeunesse. 
Ces  deux  crimes  sont  très- diffé- 
rents. Si  les  athées  gardoient  pour 
eux  seuls  leur  impiété ,  personne 
ne  s'informeroit  de  ce  qu'ils  pen- 
sent ;  mais  ces  insensés  veulent 
dogmatiser,  communiquer  aux  au- 
tres le  poison  dont  ils  sont  infec- 
tés, et  c'est  ce  qu'on  a  droit  depunir. 

ATHÉNAGORE,  philosophe 
athénien  ,  converti  au  christia- 
nisme ,  présenta,  l'an  177,  aux 
empereurs  Marc-Aurèle-Antonin 
et  Lucius-Aurèlc-Commode  ,  une 
apologie  pour  les  chrétiens  ,  par 
laquelle  il  justifie  leur  croyance  et 
leurs  mœurs  contre  les  calomnies 
des  païens.  Il  a  aussi  fait  un  traité 
de  la  résux'rection  des  morts. 

II  demande  d'abord  pourquoi , 
sous  le  règne  de  deux  princes  phi- 
losophes et  naturellement  équi- 
tables ,  on  n'accorde  point  aux 
chrétiens  ,  qui  font  profession 
d'honorer  la  Divinité  ,  la  même 
liberté  dont  jouissent  les  super- 
stitions les  plus  absurdes;  pourquoi 
l'on  ne  procède  point  contre  des 
hommes  dont  les  mœurs  sont  in- 
nocentes ,  dans  la  même  forme 
juridique  que  contre  des  malfai- 
teurs coupables  des  plus  grands 
crimes. 


2^8  ATH 

Les  païens  accusoient  les  chré- 
tiens de  trois  crimes  principaux  , 
d'athéisme  ,  de  tuer  et  de  manger 
un  enfant  dans  leurs  assemblées  , 
de  s'y  livrer  ensuite  à  l'impudicité. 
Athénagore  demande  comment 
l'on  peut  reprocher  l'athéisme  aux 
chrétiens  qui  adorent  un  seul  Dieu 
en  trois  personnes.  Il  fait  voir  que 
plusieurs  philosophes  ont  enseigné 
l'unité  de  Dieu  ;  que  le  poly- 
théisme est  absurde  ;  que  les  chré- 
tiens reconnoissent  même  des  anges 
dont  Dieu  se  sert  pour  exécuter 
ses  ordres  ;  que  la  pureté  de  leur 
vie  démontre  assez  qu'ils  ne  sont 
point  athées. 

Le  principal  fondement  de  cette 
accusation  étoit  l'aversion  que  té- 
moignoient  les  chrétiens  pour  les 
sacrifices  et  pour  l'idolâtrie  des 
païens  ;  Athénagore  s'attache  à 
prouver  que  l'on  ne  doit  point 
honorer  Dieu  par  des  sacrifices 
sanglants;  que  dans  les  diflérentes 
villes  de  l'empire  l'on  n'adore  pas 
les  mêmes  dieux;  qu'il  est  absurde 
de  prendre  les  créatures  ,  la  ma- 
tière ,  le  monde  ,  ses  différentes 
parties  ,  ou  les  idoles ,  pour  des 
dieux  :  il  fait  voir  que  toutes  ces 
superstitions  sont  d'une  invention 
très-récente. 

Vainement  les  païens  préten- 
doient  que  le  culte  des  idoles  se 
rapportoit  aux  dieux  qu'elles  re- 
présentoient ,  et  qu'il  étoit  con- 
firmé par  la  vertu  miraculeuse  de 
plusieurs  de  ces  simulacres.  Athé- 
nagore démontre ,  par  le  témoi- 
gnagedes  philosophes  et  des  poètes, 
que  ces  prétendus  dieux  avoient 
été  des  hommes  ,.  qui  ne  méri- 
toient  aucun  culte  religieux  ;  il 
insiste  sur  l'indécence  de  leurs  fi- 
gures ,  sur  les  passions  et  sur  les 
crimes  qu'on  leur  attribuoit  ;  il 
montre  que  l'on  justifioit  mal  ces 
fables ,  en  leur  donnant  un  sens 
physique ,  et  en  les  appliquant  aux 
phénomènes  de  la  nature. 

II  expose  la  doctrine  de  Thaïes 


ATH 

et  de  Platon  sur  les  démons  ,  et 
celle  des  chrétiens  touchant  les 
anges  ,  bons  ou  mauvais  ;  il  sou- 
tient que  les  esprits  malfaisants 
sont  les  vrais  auteurs  de  l'idolâtrie, 
et  de  tous  les  prestiges  qui  avoient 
servi  à  l'établir  parmi  les  hommes. 

Quant  aux  deux  autres  crimes 
dont  on  chargeoit  les  chrétiens  , 
Athénagore  soutient  qu'ils  sont  as- 
sez réfutés  par  la  pureté  des 
mœurs  qui  règne  parmi  eux,  par 
la  tempérance  et  la  fidélité  qu'ils 
gardent  dans  le  mariage  ,  par  la 
modestie  avec  laquelle  ils  se  sa- 
luent ,  par  leur  amour  pour  la 
virginité  ,  par  l'éloignement  qu'ils 
ont  pour  les  secondes  noces.  II 
représente  combien  il  leur  est 
triste  d'être  accusés  des  crimes 
contraires  par  des  hommes  qui 
sont  coupables  eux-mêmes  de  tou- 
tes les  espèces  d'impudicité  et  de 
forfaits. 

Loin  de  pouvoir  être  convain- 
cus d'aucun  homicide  ,  ils  ont 
horreur  de  voir  répandre  le  sang 
humain  ,  soit  dans  les  supplices 
des  criminels,  soit  dans  les  com- 
bats des  gladiateurs  ;  ils  regardent 
les  avortements  volontaires  comme 
un  meurtre,  et  la  coutume  d'ex- 
poser les  enfants  comme  un  vrai 
parricide. 

Athénagore  finit  par  exposer  la 
croyance  des  chrétiens  sur  la  ré- 
surrection générale  ,  sur  les  ré 
compenses  et  les  peines  de  l'autre 
vie  ;  il  observe  que ,  quand  ce  se- 
roientr-là  des  erreurs, ce  ne  seroient 
pas  encore  des  crimes  pour  les  - 
quels  il  fût  juste  de  haïr,  de  per- 
sécuter, de  mettie  à  mort  ceux 
qui  sont  dans  ces  sentimeilts. 

Cette  apologie  fut  présentée 
vingt-six  ou  vingt-sept  ans  après 
celle  de  saint  Justin. 

Les  critiques  protestants  ,  Ju- 
rieu  ,  Leclerc  ,  Barbeyrac ,  et  leurs 
copistes  ,  font  plusieurs  reprocher 
contre  la  doctrine  à''Atfiénagnre. 
I  °  11  a  eu,  disent-ils,  trop  d'idées 


AT  II 

platoniciennes.  Mais  il  faut  faire 
attention  que  cet  écrivain  parloil 
à  des  empereurs  qui  faisoient  pro- 
fession de  philosophie,  et  qui,  sans 
doute,  respectoicnt  Platon  ;  c'éloit 
un  trait  de  prudence  de  se  con- 
Ibrmer  à  leur  goût,  et  de  leur  al- 
léguer en  plusieurs  choses  l'aulo- 
rité  de  ce  philosophe.  Quant  même 
Atfiénagore  axiroit  conservé,  après 
sa  conversion,  les  opinions  plato- 
niciennes qui  lui  paroissoient  con- 
ciliables  avec  les  dogmes  du  chris- 
tianisme ,  nous  ne  voyons  pas  où 
seroit  le  crime.  De  là  même  il 
s'ensuit  que  notre  religion,  dès  sa 
naissance  ,  n'a  pas  redouté  l'examen 
des  philosophes. 

a. o  L'on  prétend  (\\x'' Athénagore 
n'attribue  à  Dieu  qu'une  provi- 
dence générale ,  qu'il  a  supposé 
que  les  anges  étoient  chargés  en 
détail  du  gouvernement  du  monde. 
Selon  Barbeyrac  ,  celte  idée  em- 
pruntée de  Platon ,  présentée  à 
deux  empereurs  païens  ,  a  dii  leur 
faire  conclure  que  les  chrétiens 
étoient  polythéistes. 

N'oublions  pas  que  ces  deux 
princes  étoient  philosophes,  ca- 
pables ,  par  conséquent ,  de  metti-e 
de  la  distinction  entre  des  êtres 
créés  ,  tels  qne  les  anges  ,  et  un 
Dieu  incréé;  que  selon  la  doctrine 
formelle  à\'tthénagore ,  ixncun  être 
créé  n'est  Dieu.  Dans  son  Apologie 
et  dans  son  Traité  de  la  résurrec- 
tion ,  il  attribue  expressément  à 
Dieu  le  gouvernement  et  la  des- 
tinée de  l'homme  ;  il  suppose  que 
les  anges  n'agissent  que  par  les 
ordres  et  selon  les  desseins  de  Dieu; 
ce  n'est  pas  là  du  platonisme. 

D'un  côté  ,  plusieurs  de  nos  phi- 
losophes ont  soutenu  que  Platon  , 
qui  admettoit  un  Dieu  suprême  et 
des  dieux  secondaires,  ou  des  gé- 
nies inférieurs  à  Dieu,  n'étoit  pas 
polythéiste;  de  l'autre,  nos  cri- 
tiques soutiennent  que  celte  doc- 
trine ,  présentée  à  deux  empereurs 
.       instruits,    a   du   leur    paroître    un 


ATIl  a4(j 

polythéisme.  Barbeyrac  prétend 
^vC Athénagore  n'enseigne  point  le 
culte  des  anges  ;  comment  donc  les 
empereurs  ont-ils  pu  conclure  de 
sa  doctrine  ,  que  les  chrétiens  ado- 
roient  plusieurs  dieux?  Avant  de 
blâmer  les  Pères ,  leurs  censeurs 
devroienl  commencer  par  s'accor- 
der avec  eux-mêmes. 

3.0  Ils  accusent  Athénagore  de 
n'avoir  pas  été  orthodoxe  sur  le 
dogme  de  la  Trinité,  et  jusqu'à 
présent,  dit  Barbeyrac  ,  il  n'a  pas 
été  justifié.  Probablement  ce  cri- 
tique n'a  lu  ni  la  Défense  de  la  foi 
de  Nicée  par  Bullus,  ni  le  sixième 
avertissement  de  M.  Bossuet  aux 
protestants  ,  c.  lo  ,  n.  69  et  suiv.  , 
où  Athénagore  est  justifié  pleine- 
ment et  sans  réplique.  Cet  auteur 
dit  :  «  Nous  reconnoissons  Dieu 
»  le  Père,  Dieu  le  Fils  et  le  Saint- 
»  Esprit;  nous  miontrons  et  leur 
»  puissance  dans  l'unité,  et  leur 
»  di.stinclion  dans  l'ordre.  »  Légat.  ^ 
n.  10.  Pour  trouver  là  du  poly- 
théisme ,  Barbeyrac  lui  fait  dire  : 
«  Nous  avons  Dieu  le  Père  ,  Dieu 
»  le  Fils  elle  Saint-Esprit  z/m's,  à  la 
n  vérité,  a  une  certaine  manière,  mais 
"néanmoins  distincts,  et  ayant 
»  leur  ordre  entr'eux.  Nous  avons 
»  aussi  des  divinités  inférieures  à 
»  celles-là,  etc.  »  Est-il  permis 
d'altérer  ainsi  la  doctrine  d'un  au- 
teur, pour  avoir  droit  de  lui  im- 
puter des  erreurs  î* 

4.°  Le  grand  crime  à'' Athénagore^ 
aux  yeux  de  nos  critiques  licen- 
cieux, est  d'avoir  fait  trop  de  cas 
de  la  virginité,  et  d'avoir  dit  que 
les  secondes  noces  sont  un  honnête 
adultère.  Malheureusement  presque 
tous  les  anciens  Pères  ont  parlé  de 
même  ,  et  c'a  été  le  sentiment  géné- 
ral des  premiers  chrétiens.  Quand 
on  se  rappelle  à  quels  excès  la  li- 
cence du  divorce  étoit  portée  chez 
les  païens,  on  n'est  plus  surpris 
des  expressions  et  de  la  morale  sé- 
vère de  nos  aj)ologislcs  Vo/ez  Bi- 
gamie. 


25o  ATT 

5."  L'on  a  dit  ,  au  hasard  , 
nu' Aihénagore  n'avait  été  cité  que 
par  saint  Epiphane.  ;  c'est  encore 
une  erreur  :  il  l'a  été  par  Photius, 
Cod.  224,  d'après  saint  Méthode, 
évêque  et  martyr,  mort  vers  l'an 
3ii  ,  et  par  Philippe  Sidétas  , 
Serm.  24. 

Nous  ne  sommes  pas  étonné  de 
l'aflFectation  des  incrédules  à  dé- 
primer les  anciens  défenseurs  du 
christianisme  ;  mais  il  n'est  pas 
fort  honorable  aux  protestants  de 
leur  avoir  fourni  le  canevas  de  tant 
de  fausses  accusations. 

Les  deux  ouvrages  à^Aikénagore 
se  trouvent  à  la  suite  de  ceux  de 
saint  Justin  ,  dans  l'édition  des 
bénédictins. 

ATTRIBUTS ,  qualités  ou  per- 
fections de  Dieu.  Quoique  l'essence 
divine  ,  parfaitement  simple  en 
elle-même  ,  exclue  toute  compo- 
sition et  toute  distinction  ,  notre 
entendement  borné  est  forcé  de 
distinguer  en  Dieu  divers  attributs 
ou  perfections.  Les  uns  sont  nom- 
més attributs  métaphysiques  ;  tels 
sont  l'aséité  ou  nécessité  d'être  , 
l'éternité,  l'infinité,  l'immensité, 
la  spiritualité  ,  l'immutabilité  ,  la 
simplicité,  l'entendement ,  la  vo- 
lonté ,  la  toute  -  puissance  ,  la 
science,  la  sagesse,  etc.  Les  autres 
sont  nommés  perfections  morales; 
ce  sont  celles  qui  établissent  des 
relations  morales  entre  Dieu  et  les 
créatures  intelligentes ,  et  qui  nous 
imposent  des  devoirs  moraux  en- 
vers Dieu  :  telles  sont  la  pro- 
vidence ,  la  bonté ,  la  sainteté , 
la  justice ,  etc.  Voyez  chacun  de 
ces  attributs  sous  son  nom  parti- 
culier. 

Dans  le  mystère  de  la  sainte 
Trinité  ,  les  attributs  de  Père  et  de 
Fils  sont  nommés  attributs  relatifs, 
paixe  que  l'un  rappelle  l'idée  de 
l'autre  ;  il  n'en  est  pas  de  même 
des  attributs  absolus  dont  nous 
avons  parlé;  l'idée  d'immensité  ne, 


ATI' 

rappelle  point  celle  de  toute-pois- 
sance ,  etc. 

Nous  ne  pouvons  concevoir  les 
attributs  de  Dieu  que  par  compa- 
raison avec  ceux  de  notre  âme,  ni 
les  exprimer  autrement  ;  coname 
cette  comparaison  n'est  pas  juste  , 
il  en  résulte  une  difficulté  insur- 
montable de  concilier  quelques- 
uns  de  ces  attributs  entre  eux ,  paf 
exemple  ,  la  simplicité  de  Dieu 
avec  sou  immensité,  sa  liberté  avec 
son  immutabilité.  Il  n'est  pas  moins 
difficile  de  concilier  la  prescience 
de  Dieu  avec  le  libre  arbitre  de 
l'homme.  Mais  lorsque  plusieurs 
vérités  sont  démontrées,  la  dif- 
ficulté de  les  concilier  entr'elles 
ne  prouve  que  la  foiblesse  de  notre 
entendement. 

De  là  les  athées  ont  pris  occa- 
sion de  nous  reprocher  l'anthro- 
pomorphisme  spirituel  ,  c'est-à» 
dire,  d'attribuer  à  Dieu  des  qualitéi 
humaines ,  et  de  concevoir  Dieiâ 
comme  un  homme  plus  parfait  quSi 
nous.  C'est  une  accusation  fausse  , 
puisque  nous  avouons  qu'en  Dieu 
toute  perfection  est  infinie ,  et  que 
l'infini  passe  toutes  nos  concep- 
tions. Fbjc^:  Anthropomorphisme. 

ATTRITION,  contrition  im- 
parfaite. Les  théologiens  scolas- 
tiques  la  définissent  une  douleur 
et  une  détestation  du  péché  ,  qui 
naît  de  la  considération  de  la  lai- 
deur du  péché  ,  et  de  la  crainte  des 
peines  de  l'enfer.  Le  concile  de 
Trente ,  sess.  i4 ,  c.  4  ,  déclare  que 
cette  espèce  de  contrition ,  si  elle 
exclut  la  volonté  de  pécher,  et  ren- 
ferme l'espérance  d'obtenir  par- 
don de  ses  fautes  passées ,  est  un 
don  de  Dieu ,  un  mouvement  du 
Saint-Esprit ,  et  qu'elle  dispose  le 
pécheur  à  recevoir  la  grâce  dans 
le  sacrement  de  pénitence.  Le  sen- 
timent le  plus  reçu  sur  Vattrition  , 
est  que ,  dans  le  sacrement  de  pc  - 
nilence,  elle  ne  suffit  pas  pour 
juslificr  le  pécheur,  à  moins  qu'elle 


ATT 

ne  renferme  un  amour  commencé 
lie  Dieu ,  par  lequel  le  pécheur 
aime  Dieu  comme  source  de  toute 
justice.  C'est  la  doctrine  du  con- 
cile de  Trente  ,  sess.  6  ,  cliap.  6  , 
et  de  l'assemblée  du  clergé  de 
France ,  en  1700 

Les  théologiens  disputent  entre 
eux  sur  la  nature  de  cet  amour  : 
les  uns  veulent  que  ce  soit  un  amour 
de  charité  proprement  dit  ;  les 
autres  soutiennent  qu'il  suffit  d'a- 
voir un  amour  d'espérance ,  et 
qu'il  est  impossible  d'espérer  de 
Dieu  grâce  et  miséricorde ,  sans 
ressentir  un  mouvement  d'amour. 

En  effet ,  lorsqu'un  pécheur  fait 
attention  à  la  bonté  de  Dieu  ,  qui 
daigne  nous  pardonner  et  nous  re- 
cevoir en  grâce,  pourvu  que  nous 
nous  repentions  de  l'avoir  offensé, 
que  nous  en  fassions  humblement 
l'aveu  ,  et  que  nous  soyons  résolus 
de  ne  plus  pécher  ,  se  peut-il  faire 
qu'il  ne  sente  pas  au  fond  de  son 
cœur  un  mouvement  d'amour  de 
celle  bonté  infinie  i'Il  paroît  donc 
impossible  d'espérer  sincèrement 
le  pardon  de  nos  crimes  ,  sans 
commencer  d'aimer  Dieu  comme 
source  de  toute  justice  ,  à  moins 
qu'on  ne  soutienne  qu'il  est  pos- 
sible de  désirer  et  d'espérer  un 
bienfait  ,  sans  penser  directement 
ni  indirectement  au  bienfaiteur,  et 
sans  ressentir  aucun  mouvement 
de  reconnoissance  :  or  cela  n'est 
pas  concevable. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  le 
nom  à'aUrition  ne  se  trouve  ni  dans 
l'Ecriture  ni  dans  les  Pères  ;  qu'il 
doit  son  origine  aux  théologiens 
scolastiques  ;  et  ils  ne  l'ont  intro- 
duit que  vers  l'an  1220,  comme  le 
remarque  le  j> èreMor in,  de Pœnit., 
lib.  8,  c.  2,  n.  14. Avant  ce  temps-là 
on  ne  pensoitpas  àfairel'analomie 
des  sentiments  du  pécheur  au  tri- 
bunal de  la  pénitence.  On  supposoil 
que  la  volonté  sincère  de  se  récon- 
cilier avec  Dieu,  est  déjà  un  com- 
mencement d'amour  df  Dieu. 


ALI)  :j5i 

ATTRITIONNAIRES.nom 
qu'on  donne  aux  théologiens  qui 
soutiennent  que  Vattrition  scrvile 
ou  conçue  par  une  crainte  servile, 
est  suffisante  pour  justifier  le  pé- 
cheur dans  le  sacrement  de  péni- 
tence. 

Ce  terme  est  ordinairement  pria 
en  mauvaise  part,  et  appliqué  à  ceus 
qui  ont  soutenu ,  ou  que  Vattrition 
conçue  par  la  crainte  des  peines 
éternelles,  sans  nul  motif  d'amour 
de  Dieu,  étoit  suffisante ,  ou  qu'elle 
n'exigeoit  qu'un  amour  naturel  de 
Dieu  ,  ou  que  la  crainte  des  maux 
temporels  suffisoit  pour  la  rendre 
bonne  :  opinions  condamnées  par 
les  papes  et  par  le  clergé  deFrance. 
J^o/ez  Crainte. 

AUBE.  F'o/ez  Habits  sacerdo- 
taux. 

AUDIENS  ,  AUDÉENS  ou  VA- 
DIEKS  ,  hérétiques  du  quatrième 
siècle,  ainsi  appelés  du  nomd'^u- 
dius  leur  chef,  qui  vivoit  en  Syrie 
ou  en  Mésopotamie  vers  l'an  342  , 
et  qu^,  ayant  déclamé  contre  les 
mœurs  des  ecclésiastiques,  finit  par 
dogmatiser  et  former  un  schisme. 

Entre  autres  erreurs,  il  célébroit 
la  pâque  à  la  façon  des  Juifs ,  et 
enseignoit  queDieuavoit  une  figure 
humaine  ,  à  la  ressemblance  de  la- 
quelle l'homme  avoit  été  créé. 
Scion  Théodoret ,  il  croyoit  que 
les  ténèbres,  le  feu  et  l'eau  n'avoient 
point  de  commencement.  Ses  sec- 
tateurs donnoient  l'absolution  sans 
imposer  aucune  satisfaction  cano- 
nique, se  contentant  de  faire  passer 
les  pénitents  entre  les  livres  sacrés 
et  apocryphes.  Ils  menoient  une 
vie  très-retirée,  etnesetrouvoient 
point  aux  assemblées  ecclésiasti- 
ques, parce  qu'ils  disoient  que  les 
impudiques  et  les  adultères  y 
étoient  reçus.  Cependant  Théodo- 
ret assure  qu'il  se  commettoit 
beaucoup  de  crimes  parmi  eux. 
Sailli  Augustin  les  apytcMe vadiens, 


2  52  AUG 

et  dit  que  ceux  qui  étoienl  en 
Egypte  communiquoient  avec  les 
catholiques.  Quoiqu'ils  se  fussent 
donné  des  évêques,  leur  secte  fut 
peu  nombreuse  ;  leur  hérésie  ne 
subsistoit  déjà  plus  ,  et  à  peine 
connoissoit-on  leur  nom  du  temps 
de  Facundus  ,  qui  vivoit  dans  le 
cinquième  siècle. 

Le  père  Petau  prétend  que  saint 
.\ugustin  et  Théodorel  ont  mal  pris 
ic  sentiment  des  audiens  et  ce  qu'en 
dit  saint  Epiphane,  qui  ne  leurat- 
tribue  , dit-il,  d'autres  sentiments 
que  de  croire  que  la  ressemblance 
«le  l'homme  avec  Dieu  consistoit 
dans  le  corps.  En  effet,  le  texte  de 
saint  Epiphane  ne  porte  que  cela, 
et  ce  Père  dit  expressément  que 
les  audiens  n'avoient  rien  changé 
dans  la  doctrine  de  l'Eglise;  ce  qui 
lie  seroitpas  véritable,  s'ils  eussent 
donnéàDieu  uneforme corporelle. 

AUGSBOURG.  Confession 
à"" Augsboiirg  ;  formule  ou  profes- 
sion de  foi  présentée  par  les  luthé- 
riens à  l'empereur  Charles  V,  dans 
la  diète  tenue  à  Augsbourg  en  i53o. 

Cette  confession,  composée  par 
Mclanchlhon,  étoitdiviséeen  deux 
parties.  La  première  contenoit 
vingt-un  articlessurlesprincipàux 
points  de  la  religion.  Dans  le 
premier,  on  reconnoissoit  ce  que 
les  quatre  premiers  conciles  géné- 
raux avoient  décidé  touchant  l'u- 
nité d'un  Dieu  et  le  mystère  de  la 
Trinité.  Le  second  admettoit  le 
péché  originel,  de  même  que  les 
catholiques,  excepté  que  les  luthé- 
riens le  faisoient  consister  tout  en- 
tier dans  la  concupiscence  et  dans 
le  défaut  de  crainte  de  Dieu  et 
de  confiance  en  sa  bonté.  Le  troi- 
sième ne  comprenoit  que  ce  qui 
est  renfermé  dans  le  symbole  des 
apôtres  ,  touchant  l'incarnation  , 
la  vie,  la  mort,  la  passion,  la  ré- 
surrection de  Jésus-Christ,  et  son 
ascension. Le  quatrièmeétablissoit, 
contre  les  pélagiens    que  l'homme 


ALG 

ne  peut  être  justifié  par  ses  pro- 
pres forces  :  mais  on  y  prétendoit, 
contre  les  catholiques,  que  la  jus- 
tification se  faisoit  par  la  foi  seule,, 
à  l'exclusion  des  bonnes  œuvres. 
Le  cinquième  étoit  conforme  aux 
sentiments  des  catholiques ,  en  te 
qu'il  disoit  que  le  Saint-Esprit  est 
donné  par  les  sacrements  de  la  loi 
de  grâce  ;  mais  il  différoit  d'avec 
eux,  en  reconnoissantdans  la  seule 
foi  l'opération  du  Saint-Esprit. 
Le  sixième,  avouant  que  la  foi  de- 
voit  produire  de  bonnes  œuvres, 
nioit,  contre  les  catholiques,  que- 
ces  bonnes  œuvres  servissent  à  la 
justification ,  prétendant  qu'elles 
n'étoient  faites  que  pour  obéir  à 
Dieu.  Le  septième  vouloit  que  l'E- 
glise ne  fût  composée  que  des  seuls 
élus.  Le  huitième  reconnoissoit  la 
parole  de  Dieu  et  les  sacrements 
pour  efficaces,  quoique  ceux  qui 
les  confèrent  soient  méchants  et 
hypocrites.  Le  neuvième  soutenoi  t, 
contre  les  anabaptistes,  la  néces- 
sité de  baptiser  les  enfants.  Le 
dixième  professoit  la  présence  réelle 
du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ 
dans  l'eucharistie.  Le  onzième  ad- 
mettoit ,  avec  les  catholiques  ,  la 
nécessité  de  l'absolution  pour  la 
rémission  des  péclics,  maisrejetoit 
celle  de  la  confession.  Le  douzième 
condamnoit  les  anabaptistes  qui 
soutenoient  l'inamissibilité  de  la 
justice,et  l'erreur  des  novatiens  sur 
l'inutilité  de  la  pénitence  ;  mais  il 
nioit ,  contre  la  foi  catholique  , 
qu'un  pécheur  repentant  piit  mé/- 
riter,  par  des  œuvres  de  pénitence, 
la  rémission  de  ses  péchés.  Le  trei- 
zième exigeoit  la  foi  actuelle  dans 
tous  ceux  qui  reçoivent  les  sacre- 
ments ,  même  dans  les  enfants.  Le 
quatorzième  défendoit  d'enseigner 
publiquement  dans  l'Eglise  ,  ou 
d'y  administrer  les  sacrements  sans 
une  vocation  légitime.  Le  quin- 
zième commandoit  de  garder  les 
fêtes  et  d'observer  les  cérémonies. 
Le  seizième  tenoit  les  ordonnances 


AUG 

civiles  pnnr  Icgitimcs,  approuvoil 
les  magistrats, la  propriété  des  biens 
et  le  mariage.  Le  dix-septième  re- 
connoissoit  la  résurrection  future, 
le  jugement  général,  le  paradis  et 
l'enfer,  et  condamnoit  les  erreurs 
des  anabaptistes  sur  la  durée  finie 
des  peines  de  l'enfer,  et  sur  le 
prétendu  règne  de  Jésus -Christ  , 
mille  ans  avant  le  jugement.  Le 
dix-huitième  déclaroitque  le  libre 
arbitre  ne  suffisoit  pas  pour  ce 
qui  regarde  le  salut.  Le  dix-neu- 
vième ,  qu'encore  que  Dieu  eiit 
créé  l'homme  ,  et  qu'il  le  conser- 
vât,  il  n'étoit  ni  ne  pouvoitêtre 
la  cause  de  son  péché.  Le  vingtième, 
que  les  bonnes  œuvres  n'étoient 
pas  tout-à-fait  inutiles.  Le  vingt- 
unième,  défendoit  d'invoquer  les 
saints, parce  que  c'étoit,  disoit-il, 
déroger  à  la  médiation  de  Jésus- 
Christ. 

La  seconde  partie,  qui  contenoit 
seulement  les  cérémonies  et  les  usa- 
ges de  l'Eglise  ,  que  les  prolestants 
traitoient  d'abus,  et  qui  lesavoient 
obligés,  disoient-ils,  à  s'en  séparer, 
étoit  comprise  en  sept  articles. 
Le  premier  admettoit  la  commu- 
nion sous  deux  espèces,  etdéfendoit 
les  processions  du  saint  Sacre- 
ment. Le  second  condamnoit  le 
célibat  des  prêtres,  religieux,  reli- 
gieuses, etc.  Le  troisième  excusoit 
l'abolition  des  messes  basses  ,  et 
vouloit  qu'on  célébrât  en  langue 
vulgaire.  Le  quatrième  exigeoit 
qu'on  déchargeât  les  fidèles  du  soin 
de  confesser  leurs  péchés ,  ou  du 
moins  d'en  faire  une  énumération 
exacte  et  circonstanciée.  Le  cin- 
quième combattoit  les  jeûnes  et  la 
vie  monastique.  Le  sixième  im- 
prouvoit  ouvertement  les  vœux 
monastiques.  Le  septième  enfin 
élablissoit,  entre  la  puissance  ecclé- 
siastique et  la  puissance  séculière, 
une  distinction  qui  alloit  à  ôter 
aux  ecclésiastiques  toute  puissance 
temporelle. 

Cette    confession    de    foi   ctoil 


ALG  a53 

signée  par  l'électeur  de  Saxe  et  par 
le  duc  de  Saxe  ,  par  le  marquis 
de  Brandebourg  ,  par  deux  ducs 
de  Lunebourg,  parle  landgrave  de 
Hesse,  par  le  prince  d'Anhall,  par 
le  magistrat  de  Nuremberg  et  par 
celui  dcReutlingue.Nousn'y  ferons 
que  quelques  observations. 

i.°  Il  s'en  faut  beaucoup  que 
cette  pièce  vantée  par  Mosheim 
et  par  les  luthériens  comme  une 
merveille  ,  soit  un  chef-d'œuvre 
de  théologie  ;  l'ordre  y  manque  , 
on  n'y  suit  point  le  fil  des  matières. 
Ce  qui  regarde  les  bonnes  œuvres, 
par  exemple  ,  est  partagé  en  deux 
ou  trois  articles;  on  dit,  dans  l'un, 
qu'elles  ne  contribuent  en  rien  à 
la  justification  ;  dans  un  autre  , 
qu'elles  ne  sont  pas  inutiles  ,  et 
l'on  n'explique  point  en  quoi  con- 
siste leur  utilité.  Le  cinquième 
article  décide  que  les  sacrements 
donnent  le  Saint-Esprit  ,  et  que 
l'opération  du  Saint-Esprit  con- 
siste dans  la  foi  seule  ;  l'on  soutient 
dans  le  neuvième  qu'il  faut  néan- 
moins baptiser  les  enfants  :  mais 
de  quelle  foi  les  enfants  sont-ils 
capables  ^  Quelle  peut  être  en  eux 
l'opération  du  Saint-Esprit  ?  Il  y 
auroit  bien  d'autres  contradictions 
à  remarquer. 

2.° Mosheim  en  impose  ,  quand 
il  dit  que  tous  les  protestants  l'a- 
doptèrent pour  règle  de  leur  foi. 
Hist.  ecclés.  du  seizième  siècle  , 
sect.  I  ,  c.  3,  §  2  .  Les  luthériens 
mêmes  ne  la  soutinrent  pas  dans 
tous  ses  points  ,  telle  que  noua 
venons  de  la  rapporter  ;  mais  ils 
l'allérèrent  et  varièrent  dans  plu- 
sieurs ,  selon  les  conjonctures  et 
les  nouveaux  systèmes  que  prirent 
leurs  docteurs  sur  les  différents 
points  de  doctrine  qu'ils  avoieht 
d'abord  arrêtés.  En  effet,  elle  avoit 
été  publiée  en  tant  de  manières, 
et  avec  des  différences  si  consi- 
dérables à"Wurtemberg  et  ailleurs, 
sous  les  yeuxdeMélanchthon  etde 
Luther  ,  que  quand  ,  en  i56i  ,  les 


254  AUG 

protestantss'assemblèrentaNaum- 
bourg,  pour  en  donner  une  édition 
authentique  ,  ils  déclarèrent  en 
même  temps  que  celle  qu'ils  choi- 
sissoient  n'improuvoit  pas  les  au- 
tres ,  et  particulièrement  celle  de 
Wurtemberg,  faite  en  i54o.  Les 
sacramentaires  croyoicnt  même  y 
trouver  tout  ce  qui  les  favorisoit. 
C'est  pourquoi  les  zwingliens,  dit 
M.  Bossuet,  l'appeloient  maligne- 
ment la  boîte  de  Pandore  ,  d'où 
sortoientlebienetlemal;lapomme 
de  discorde  entre  les  déesses  ;  un 
grand  et  vaste  manteau  où  Satan 
se  pouvoit  cacher  aussi-bien  que 
Jésus-Christ.  Ces  équivoques  et 
ces  absurdités,  où  tout  le  monde 
pensoit  trouver  son  compte,  prou- 
vent que  la  confes&ion  à'Àugsbourg 
étoit  une  pièce  mal  conçue  ,  mal 
digérée,  dont  les  parties  se  démen- 
toient  et  ne  composoient  pas  un 
système  bien  uniforme  de  religion; 
Calvin  feignoit  de  la  recevoir  pour 
appuyer  son  parti  naissant ,  mais 
dans  le  fond  il  en  portoit  un  juge- 
ment peu  favorable. 

3.0  En  même  temps  que  les  chefs 
du  parti  luthérien  présentoient 
cette  confession  de  foi  à  la  diète 
à'Augsbourg ,  quatre  villes  impé- 
riales ,  Strasbourg  ,  Constance  , 
Mémingue  ,  Landaw  ,  qui  avoient 
embrassé  les  sentiments  deZwingle, 
présentèrent  aussi  la  leur,  qui  avoit 
été  composée  par  Martin  Bucer  , 
et  qui  fut  aussi  regardée  comme 
un  prodige  de  doctrine  par  le  parti 
zwinglien  ou  calviniste.  Cela  n'em- 
pêcha pas  Bucer  de  souscrire  la 
confession  d'^ug'siourg' et  la  défense 
de  cette  confession;  les  signatures 
ne  coûtoient  rien  aux  prétendus 
réformateurs  ,  dès  que  cela  leur 
étoit  utile.  Mélanchthon  lui-même, 
qui ,  dans  la  seconde  partie  de  la 
confession  à.' Augsbourg ,  corvàdiVa.- 
noit  si  hautement  les  cérémonies 
de  l'Eglise  romaine,  le  faisoit  contre 
son  propre  sentiment ,  et  unique- 
ment pour  complaire  à  Luther.  On 


AUG 

saitâ'ailleurs  que  Mélanchtaon  re- 
gardoi  t  ces  cérémonies  comme  assez 
indififérentes  ,  et  ne  jugeoit  pas 
que  ce  fût  un  sujet  légitime  de  faire 
schisme  avec  l'Eglise  catholique  ; 
Mosheim  en  convient ,  ibid. ,  c.  4> 
§  4  7  note.  Ainsi  les  princes  pro- 
testants ,  qui  n'étoient  certaine- 
ment pas  théologiens,  et  qui  ne 
vouloient  avoir  aucun  respect  pour 
le  pape,  juroientdans  le  fond  sur 
la  parole  de  Luther.  Quoique  l'on 
ne  voulut  pas  admettre  celui-ci  à  la 
diè  te  ni  aux  conférences,  parce  qu'il 
étoit  trop  violent  et  trop  brouillon, 
il  se  tenoit  à  Cobourg  ,  dans  le 
voisinage  à'Augsbowg,  et  les  pro- 
testants ne  faisoient  rien  que  par 
son  inspiration.  Mosheim  ,  ibid. , 
c.  3  ,  §  2  ,  note  du  traducteur  sur 
le  §  4-  S'il  lui  avoit  plu  d'être 
sacramen taire  ou  anabaptiste,  tous 
les  luthériens  le  seroieut  aujour- 
d'hui. 

4.°  Les  zwingliens  ou  calvinis- 
tes, \e.s  anabaptistes,  les  sociniens 
mêmes,  si  leur  parti  avoit  déjà  été 
formé  pour  lors,  n'auroicnt  pas  eu 
moins  de  droit  que  les  luthériens, 
de  demander  l'exercice  libre  de 
leur  religion  ;  cependant  ceux-ci 
ne  le  vouloient  pas  souffrir  où  ils 
éloientles  maîtres  :  nous  voudrions 
savoir  pourquoi  l'empereur  et  les 
princes  de  l'empire  étoiont  plus 
obligés  de  permettre  l'exercice  1  ibre 
du  luthéranisme  que  celui  des 
autres  sectes.  Dans  le  fond,  qu'é- 
toit-il  besoin  de  confessions  de  foi? 
Leslulhériens  auroient  du  suivre  un 
procédé  plusfrancetplus  honnête; 
ils  dévoient  se  borner  à  dire  à  la 
diète  :  Vous  n'avez  rien  à  voir  à 
nos  sentiments  ni  à  notre  doctrine, 
nous  n'en  devons  compte  qu'àDieu 
seul  ;  nous  prétendons  avoir  droit 
de  le  servir  selon  les  lumières  de 
notre  conscience  ;  bien  entendu 
que  nous  accordons  le  même  droit 
aux  autres.  Mais  non  ,  les  luthé- 
riens vouloient  être  tolérés  et  in- 
tolérants, jouir  de  la  liberté  et  ne 


AUG 

l'accorder  à  [tersoiine  ,  dominer 
seuls  ,  chasser  et  proscrire  qui- 
conque ne  seroit  pas  luthérien  ; 
et  si  on  veut  les  en  croire  ,  l'on  a 
violé  toutes  les  lois  divines  et  hu- 
maines, en  leur  refusant  ce  qu'ils 
demandoient.  C'étoit  aussi  l'esprit 
des  calvinistes  ,  et  de  toute  autre 
secte  protestante. 

5.°  Les  luthériens  faisoient  sem- 
blant de  désirer  un  concile  géné- 
ral ;  Mosheim  déclame  contre 
Clément  VII,  qui  sembloit  le  re- 
douter et  qui  en  retardoit  la  con- 
vocation sous  différents  prétextes  ; 
mais  quand  ils  virent  que  Paul  III 
consentoit  à  le  convoquer  ,  ils 
prolestèrent  d'avance  contre  tout 
concile  qui  seroit  assemblé  par  le 
pape ,  surtout  en  Italie,  et  ils  pré- 
tendirent que  l'empereur  avoit 
droit  de  le  convoquer  en  Alle- 
magne ,  sous  prétexte  que  partout 
ailleurs  le  pape  auroit  trop  d'au- 
torité. Mosheim  ,  ibid. ,  §  8  et  9  , 
notes  du  traducteur  sur  les  §  6 
et  g.  Mais  nous  demandons  à  quel 
titre  les  évêques  d'Espagne,  d'I- 
talie ,  de  France  et  d'Angleterre  , 
pouvoient  être  obligés  de  se  rendre 
à  un  concile  convoqué  en  Alle- 
magne par  ordre  de  l'empereur  , 
pendant  qu'ils  étoient  tous  per- 
suadés que  c'étoit  au  pape  de  l'in- 
diquer et  de  l'assembler  ?  Pour- 
quoi les  souverains  catholiques 
dévoient  plutôt  consentir  à  la  te- 
nue d'un  concile  général  en  Alle- 
magne, que  les  princes  allemands 
à  ce  qu'il  iùt  tenu  en  Italie  ?  Pour- 
quoi les  évêques  de  ces  divers 
royaumes  pouvoient  espérer  plus 
de' liberté  en  Allemagne,  déchirée 
pour  lors  par  des  factions ,  que  les 
Allemands  en  Italie  où  tout  étoit 
tranquille  ?  A-t-on  quelque  preuve 
qu'au  concile  de  Trente  les  évêques 
françois,  espagnols  ou  allemands  , 
ont  été  gênés  par  l'autorité  du 
pape,  qu'ils  n'ont  pas  eu  la  liberté 
des  opinions  ,  qu'on  les  a  forcés 
de  souscrire  à  quelque  décret  con- 


AUG  a55 

tre  leur  propre  sentiment  ?  Il  est 
donc  clair  que  les  luthériens  ne 
vouloient  point  de  concile,  à  moins 
qu'ils  ne  fussent  assurés  d^  être 
les  maîtres  :  cela  est  démontré  par 
la  narration  même  de  Mosheim. 

6.  Enfin,  supposons  que  le  coji- 
cile  eût  été  convoqué  et  assemblé 
en  Allemagne  ;  il  falloit  y  appeler 
non  -  seulement  les  catholiques  , 
mais  les  anabaptistes  ,  les  calvi- 
nistes et  les  anglicans  :  les  Grecs 
même  schismatiques  ,  les  nesto- 
riens,  les  jacobites,  les  arméniens, 
n'y  avoient  pas  moins  de  droit  que 
toutes  ces  sectes  récentes.  Nous  ne 
demandons  pas  si  les  Asiatiques 
auroient  été  fort  obéissants  aux 
ordres  d'un  empereur  d'Allemagne; 
mais  si  les  sectes  protestantes  se 
seroient  mieux  accordées  dans  un 
concile  qu'elles- n'ont  fait  ailleurs. 
Les  protestants  ne  cherchent  qu'à 
faire  illusion  ,  lorsqu'ils  se  plai- 
gnent de  la  manière  dont  les  ca- 
tholiques se  sont  comportés  à  leur 
égard.  Bossuet,  Hist.  des  Variât., 
1.  3. 

La  confession  iï'Augsbourg  se 
trouve  dans  le  recueil  imprimé  à 
Genève  en  i654  ;  mais  on  ne  sait 
pas  si  elle  y  est  telle  qu'elle  fut 
présentée  en  i53o,  puisqu'elle  a  été 
changée  plusieurs  fois. 

AUGtJRE,  AUSPICES.  Voyez 
Divination. 

AUGUSTIN  (saint),  évêque 
d'Hippone  en  Afrique  ,  est  le  plus 
célèbre  des  docteurs  de  l'Eglise  ; 
aucun  autre  n'a  autant  écrit.  Un 
théologien  ne  peut  se  dispenser 
d'en  connoîlre  les  ouvrages.  La 
meilleure  édition  est  celle  des  bé- 
nédictins ,  en  onze  volumes  in-fol. 
Le  premier  contient  les  deux  livres 
des  Rétractations,  les  Confessions, 
quelques  ouvrages  philosophiques, 
et  plusieurs  Traités  contre  les  ma- 
nichéens. Le  deuxième,  les  Lettres 
de  saint  Augustin.  Le  troisième  , 


aS6  AUG 

des  Commentaires  sur  différentes 
parties  de  Tancieu  et  du  nouveau 
Testament.  Le  quatrième ,  des 
Discours  sur  les  psaumes.  Le  cin- 
quième ,  les  Sermons.  Le  sixième , 
différents  Traités  sur  le  dogme  et 
»ur  la  morale.  Le  septième ,  d'au- 
,tres  ouvrages  semblables,  et  les 
vingt-deux  livres  de  la  Cité  de  Dieu. 
Le  huitième,  plusieurs  écrits  con- 
tre les  manichéens  et  les  ariens, 
et  quinze  livres  sur  la  Trinité.  Le 
neuvième  ,  les  ouvrages  contre  les 
donatistes.  Le  dixième,  ce  qu'il  a 
écrit  contre  les  pélagiens.  Le  on- 
zième renferme  la  vie  de  saint  Au- 
gustin ,  et  des  tables  très-amples, 
il  faut  y  ajouter  pour  douzième 
volume  TAppendix  fait  par  le 
Clerc. 

Aucun  des  Pères  n'a  reçu  de 
plus  grands  éloges,  n'a  essuyé  des 
censures  plus  amères ,  n'a  donné 
lieu  à  de  plus  vives  contestations. 
Les  théologiens  catholiques  le  re- 
gardent comme  l'oracle  de  l'Eglise 
et  le  vainqueur  de  trois  sectes 
d'hérétiques  ;  comme  un  génie  su- 
périeur auquel  Dieu  avoit  donné 
des  lumières  extraordinaires  pour 
expliquer  l'Ecriture  sainte ,  surtout 
les  écrits  de  saint  Paul  ;  comme  un 
maître  duquel  on  ne  peut  rejeter 
les  opinions  sans  se  rendre  suspect 
d'erreur.  Les  hétérodoxes  ,  surtout 
les  sociniens  ,  soutiennent  que  c'est 
le  plus  ignorant  de  tous  les  com- 
mentateurs ,  qu'il  ne  savoit  ni  l'hé- 
breu ni  le  grec  ,  n'avoit  aucune  des 
connoissances  nécessaires  pour  en- 
tendre les  livres  saints  ;  un  enthou- 
siaste et  un  sophiste ,  toujours  prêt 
à  éTiger  ses  opinions  en  articles  de 
foi,  et  à  persécuter  ceux  qu'il  lui 
plaisoit  de  nommer  hérétiques  : 
c'est  ainsi  à  peu  près  qu'il  est  re- 
présenté par  le  Clerc. 

Saint  Augustin  a  eu  parmi  les 
modernes  de  savants  apologistes  : 
le  cardinal  Noris ,  le  célèbre  Mu- 
ratori ,  le  marquis  Scipion  Maffei , 
M.  Bossuet ,  J)éfense  de  la  irad.  et 


AIlG 

des  saints  Pères ,  etc.  Sans  déroger 
au  mérite  de  leurs  ouvrages,  et 
sans  les  contredire  en  rien,  nous 
nous  permettrons  quelques  ré- 
flexions. 

I .»  Le  meilleur  moyen  de  réduire 
au  silence  les  ennemis  de  saint 
Augustin  et  de  l'Eglise ,  n'est  pas 
d'attribuer  à  ce  Père  une  espèce 
d'infaillibilité  à  laquelle  il  étoit 
bien  éloigné  de  prétendre;  souvent 
il  a  désapprouvé  sur  ce  point  le 
zèle  trop  ardent  de  ses  amis  «  Si 
»  vous  prétendez  ,  leur  dit-il  ,  que 
»  je  ne  me  suis  trompé  dans  aucun 
»  endroit  de  mes  ouvrages ,  vous 
')  travaillez  en  vain  ,  vous  défendez 
»  une  mauvaise  cause ,  vous  la 
»  perdrez  à  mon  propre  tribunal. 
»  Je  n'exige  point  que  l'on  em- 
»  brasse  toutes  mes  opinions ,  ni 
»  que  personne  me  suive ,  sinon 
»  dans  les  choses  sur  lesquelles  il 
»  verra  que  je  ne  suis  point  dans 
»  l'erreur.  C'est  pour  cela  même 
»  que  je  fais  des  livres  ,  dans  les- 
»  quels  j'ai  résolu  de  revoir  mes 
»  ouvrages ,  afin  de  montrer  que  ' 
»  je  ne  me  suis  pas  suivi  moi-même 
»  en  toutes  choses.  Et  quoique, 
»  par  la  miséricorde  de  Dieu ,  je 
»  crois  avoir  fait  des  progrès ,  je 
»  n'ai  pas  la  vanité  de  penser  qu'à 
»  mon  âge  même  je  sois  à  cou— 
)>  vert  de  tout  danger  de  faillir.  » 
Epist.  143 ,  n.  2  ;  Episl.  44^  ,  n.  8  ; 
De  dono  perseo. ,  c.  21 ,  n.  55  ;  De 
anima  et  ejus  orig. ,  1.  4  >  c-  i  >  n.  i  ; 
Retract.  1.  1  ;  Prolog. ,  n.  2  ,  etc. 

2.**  Puisque  saint  Augustin  lui- 
même  en  appelle  à  la  tradition, 
c'est  suivre  la  règle  qu'il  trace  que 
d'examiner  si  tous  les  sentiments 
qui  sont  dans  ses  ouvrages  sont 
d'accord  avec  la  doctrine  des  Pères 
qui  l'ont  précédé.  On  ne  peut  être 
obligé  de  les  suivre  qu'autant  que 
l'on  y  reconnoîtroit  une  tradition 
constante  qui  remonteroit  jus- 
qu'auxsièclesapôstoîiaues.  Ce  saint 
docteur  n'a  jamais  cru  qu'il  diit 
seul  former  le  langage  de  la  foi  ;  el 


MÎG 

(pielquc  rcspoclablc  que  soil  son 
autorité  ,  clic  n'ciripechc  [las  d'exa- 
miner différcnls  points  sur  Ics- 
<}uels  l'Eglise  n'a  rien  décidé. 

3.°  L'an  ^'ii  ,  le  pape  saint  Cé- 
Icstin  ,  écrivant  aux  évequcs  des 
<.iaules ,  après  avoir  reconnu  le  mé- 
rite de  saint  Augustin ,  les  services 
qu'il  a  rendus  à  l'Eglise ,  et  l'ortho- 
doxie de  sa  doctrine  ,  après  avoir 
fixé  le  dogme  catholique  contre  les 
pélagiens  ,  ajoute  :  «  Quant  aux 
)»  questions  plus  difficiles  et  plus 
»  profondes  ,  qui  ont  été  traitées 
»  plus  au  long  par  ceux  qui  ont  ré- 
»  îuté  les  hérétiques ,  nous  n'osons 
»  pas  les  mépriser  ;  mais  nous  ne 
u  croyons  pas  qu'il  soit  nécessaire 
»>  de  les  établir.  En  effet,  pour  con- 
»  fesser  la  grâce  de  Dieu  ,  au  mé- 
w  rite  et  à  l'intluence  de  laquelle  il 
»  ne  faut  rien  ôter,  il  nous  paroît 
»  suffire  de  tenir  ce  que  nous  ont 
»>  enseigné  les  écrits  du  siège  apo- 
>»  stolique  selon  lesrègles  dont  nous 
»  venons  de  parler,  et  de  ne  point 
»  regarder  comme  catholique  tout 
»  ce  qui  paroît  contraire  à  ces  dc- 
»  cisions.  » 

Or,  dans  la  doctrine  prescrite 
par  ce  pontife,  il  n'est  question  ni 
de  la  prédestination  gratuite  à  la 
{gloire  éternelle,  ni  de  la  distribu- 
tion plus  ou  moins  abondante  de 
!a  grâce ,  ni  de  la  nature  de  la  grâce 
efficace,  ni  delà  manière  de  la  con- 
cilier avec  la  liberté,  ni  du  sup- 
plice éternel  réservé  au  péché  ori- 
fçinel  ;  donc  toutes  ces  questions 
sont  du  nombre  de  celles  que  saint 
Célestin  n'a  pas  jugées  nécessaires 
à  établir  ,  qui  par  conséquent  ne 
tiennent  pointa  la  foi  catholique. 

4.°  C'est  un  trait  de  prévention 
denevouloir  puiser  les  sentiments 
de  saint  Augustin  sur  la  grâce  que 
dans  ses  ouvrages  contre  les  péla- 
giens ;  par-là  on  donne  lieu  de  pen- 
.ser  qu'il  y  a  contredit  ce  qu'il  avoil 
écrit  contre  les  manichéens,  qu'il 
a  mal  réfuté  ces  derniers  ,  qu'il  a 
trahi  la  cause  do  la  religion  ;  autant 
1. 


AUG  2^7 

de  suppositions  injurieuses  et  faus- 
ses. On  dit  que  l'Eglise  a  solennel- 
lement approuvé  tout  ce  que  le 
saint  docteur  a  écrit  contre  les  pé- 
lagiens ;  mais  elle  n'a  pas  réprouve 
ce  qu'il  a  écrit  contre  les  mani- 
chéens et  contre  les  donatistes  , 
ses  Commentaires  sur  l'Ecriture 
sainte  ,  ses  Lettres  ,  ses  Sermons  , 
ses  ouvrages  de  morale  et  de  piété  ; 
dans  ceux  -  ci ,  saint  Augustin  ne 
disputoit  pas  ,  il  inslruisoit.  On 
ajoute  qu'il  n'a  rien  rétracté  de  ce 
qu'il  a  enseigné  contre  les  pélagiens: 
je  le  crois  ;  il  écrivoit  encore  con- 
tre eux  lorsqu'il  est  mort,  et  son 
dernier  ouvrageestresté  imparfait: 
si  par-là  on  veut  insinuer  qu'il  a 
rétracté  ce  qu'il  avoit  dit  contre 
les  manichéens,  on  nous  en  impose; 
en  420  ou  4^1  ,  après  dix  ans  de 
disputes  contre  les  pélagiens  ,  il 
réfute  un  manichéen.  L.  contra  ad- 
vers.  legis  ctpraph.  Loin  de  déroger 
a  ses  premiers  ouvrages ,  il  y  ren- 
voie  ;  il  ncn  désavoue  donc  pas  la 
doctrine.  Pour  prendre  ses  vrais 
sentiments,  il  faut  le  comparer  avec 
lui-même,  et  voir  comment  on 
peut  le  concilier. 

5."  Les  pélagiens  ont  été  con- 
damnés par  l'Eglise  grecque  et  la- 
tine au  concile  d'Ephese.  Les  Grecs 
n'ont  donc  pas  adopté  les  erreurs 
de  ces  hérétiques,  et  l'Eglise  grec- 
que a  fait  partie  de  l'Eglise  uni- 
verselle jusqu'au  neuvième  siècle. 
Dans  cet  intervalle  ont  vécu  saint 
Cyrille  d'Alexandrie,  Théodoret, 
saint  Isidore  de  Damietle  ,  saint 
Proclus  de  Constantinople  ,  saint 
Ephrem  ,  saint  Maxime  ,  saint 
Pierre  Chrysologue  ,  saint  Jean 
Damascène,  etc.  Ces  Pères  ont-ils 
embrasse  toutes  les  opinions  de 
saint  Augustin  ,  toutes  ses  explica- 
tions de  l'Ecriture  ,  que  l'on  vou- 
droit  faire  passer  pour  des  articles 
de  foi. 

6."  Aux  yeux   des   hommes  In- 
struits ,  un  zèle  excessif  pour  les 
[opinions   de   saint  Auguitm   prul 


aSÔ  AUG 

paroitre  suspect.  Avec  quelques 
passages  cent  lois  répétés  ,  cl  qui 
se  trouvent  partout ,  on  se  donne 
à  peu  de  Irais  le  relief  de  l'ortho- 
doxie ;  on  se  trouve  dispense  de 
consulter  l'Ecriture  sainte  dans  ses 
sources,  de  rechercher  la  tradition 
des  quatre  premiers  siècles  ,  de 
respecter  les  anciens  Pères ,  de  gar- 
der aucun  ménagement  envers  les 
théologiens  modérés ,  même  de  rai- 
sonner conséquemment. 

Il  nous  reste  à  défendre  saint 
Augustin  contre  les  calomnies  des 
hérétiques  et  des  incrédules. 

Us  l'accusent,  i.°  d'avoir  tou- 
jours raisonné  en  parfait  matéria- 
liste sur  la  nature  des  substances 
spirituelles.  Cependant  nous  trou- 
vons dans  ses  livres  sur  la  Trinité  , 
liv.  lo  ,  c.  lo  ,  une  démonstration 
de  la  spiritualité  de  l'àme  ,  à  la- 
quelle les  matérialistes  n'ont  jamais 
répondu  ;  elle  est  tirée  du  senti- 
ment intérieur.  Je  sens  ma  propre 
existence,  dit  saint  Augustin ,  et  je 
me  sens  distingué  de  tout  être  qui 
n'est  pas  moi  :  or,  je  ne  sens  ni 
l'existence  ,  ni  la  structure  ,  ni  le 
jeu  de  mon  cerveau  ,  ni  d'aucune 
partie  intérieure  de  mon  corps  ; 
donc  chacune  de  ces  parties  ,  et 
toutes  prises  ensemble  ,  ne  sont 
pas  moi  :  ce  que  j'appelle  ttîoi,  ou 
mon  âme  ,  est  quelque  chose  de 
plus.>5'at/?/^ug'ws/«>?  a  certainemejit 
cru  et  prouvé  la  création ,  prise  en 
rigueur;  un  être  corporel  ou  ma- 
tériel peut-il  être  créateur  ?  Voyez 
Immatérialisme. 

2.°  D'avoir  rejeté  la  liberté  d'in- 
diÉFérence ,  d'avoir  admis  dans  la 
volonté ,  mue  par  la  grâce ,  la  même 
nécessité  d'agir  que  Calvin  et  Jan- 
sénius.  Fausseté  criante.  La  vérité 
est  que  saint  Augustin  a  rejeté  seu- 
lement ^indifférence  soutenue  par 
les  pélagiens ,  c'est-à-dire  ,  le  pen- 
chant égal  au  bien  et  au  mal  ,  la 
même  facili^^é  de  faire  l'un  que 
l'autre  ,  l'équilibre  de  la  volonté 
entre  l'un  et  l'autre  ;  c'est  en  <:ela 


AUG 

que  les  pélagiens  faisoient  consister 
la  liberté.  Voyez  Op.  iniperf.,  lib.  3. 
n.  109,  117  ,  etc.  Saint  Augustin 
soutient  avec  raison  que  l'homme, 
corrompu  par  le  péché  originel  , 
n'a  plus  celte  heureuse  indiffé- 
rence ,  qu'il  est  plus  porté  au  mal 
qu'au  bien  ,  qu'il  a  besoin  d^une 
grâce  qui  rétablisse  en  lui  le  libre 
arbitre  ,  en  lui  rendant  le  pouvoir 
de  choisir  le  bien.  Il  a  fallu  toute 
la  prévention  de  Calvin  et  de  Jan- 
sénius ,  pour  soutenir  qu'une  grâce 
qui  rétablit  la  liberté  impose  la  né- 
cessité de  faire  le  bien. 

3."  D'avoir  été  aussi  grand  pré- 
destinateur  que  Calvin.  Nous  fe- 
rons voir  à  l'art.  Prédest/nation  la 
différence  qu'il  y  a  entre  le  système 
de  Calvin  et  celui  de  saint  Augus- 
tin. Il  suffit  d'observer  ici  que ,  par 
prédestination  des  saints,  ce  Père  a 
entendu  la  prédeslinalion  des  fidè- 
les à  la  grâce  de  la  foi  ;  et  nous  le 
prouverons  par  l'analyse  du  livre 
qu'il  a  fait  sous  ce  titre. 

4.°  On  lui  reproche  d'avoir  en- 
seigné une  morale  pernicieuse,  en 
soutenant  que  Sara  ,  épouse  d'A- 
braham ,  a  pu  permettre  à  ce  pa- 
triarche de  prendre  Agar  pour  con- 
cubine ,  et  en  posant  pour  maxime 
que  tout  appartient  aux  justes.  A 
l'article  Polygamie,  nous  prouve- 
rons que  cet  abus  n'étoit  pas  dé- 
fendu aux  patriarches  par  le  droit 
naturel  ;  qu'Agar  étoit  une  seconde 
épouse  ,  et  non  une  concubine. 
L'abus  d'un  terme  n'est  pas  un  titre 
légitime  pour  condamner  les  Pères 
de  l'Eglise. 

Loin  d'approuver  la  maxime  : 
tout  appartient  aux  justes  ,  saint 
Augustin  a  blâmé  et  condamné  ceux 
qui,  sous  ce  prétexte,  s'emparoient 
des  biens  des  donatistes. 

5.°  L'on  dit  qu'après  avoir  pres- 
crit la  tolérance  en  faveur  des  ma- 
nichéens, il  a  prêché  la  persécution 
et  la  violence  contre  les  donatistes. 
Oui,  contre  les  donatistes  séditieux 
armés  ,   sanguinaires  ,    qui  ,  par 


ALG 

leurs  circoiic.ollionSjrcniplissoiont 
l'Afrique  de  tlésordrcs  et  <lc  car- 
iia{;e  ;  mais  saint  Augustin  n'a  pas 
dit  qu'il  falloit  employer  contre 
eux  la  violence  lorsqu'ils  étoient 
paisibles  :  il  a  enseigné  et  fait  le 
contraire,  et  il  a  eu  la  consolation 
de  les  voir  réunis  à  l'Eglise. 

Barbey rac  prétend  que  ce  saint 
docteur  a  approuvé  la  peine  de 
mort  portée  par  les  empereurs 
contre  les  païens.  Il  falloit  dire  au 
moins  contre  les  sacrifices  des  païens. 
Le  passage  de  saint  Augustin  est 
formel.  Epist.  gS  ,  ad  Vincent.  lio- 
gatistam ,  n.  lo.  On  pouvoit  être 
païen  sans  offrir  des  sacrifices  ,  et 
nous  ne  voyons  pas  en  quoi  il  im- 
portoit  à  la  chose  publique  qu'un 
usage  aussi  absurde  ,  et  souvent 
accompagné  de  crimes  ,  fiit  con- 
servé. 

6.°  L'on  prétend  qu'il  a  été  pé- 
lagien  en  écrivant  contre  les  ma- 
nichéens ,  et  qu'il  est  redevenu 
manichéen  en  disputant  contre  les 
pélagiens.  C'est  une  calomnie  ,  et 
saint  Augustin  s'en  est  justifié  lui- 
même  dans  ses  livres  des  Rétrac- 
tations et  ailleurs.  Mais  pour  com- 
parer dix  volumes  in-folio  ,  pour 
saisir  les  vrais  sentiments  de  ce 
saint  docteur,  pour  distinguer  les 
arguments  absolus  d'avec  les  argu- 
ments personnels  qu'il  tire  des 
principes  de  ses  adversaires  ,  il 
faut  plus  de  sagacité,  de  patience, 
de  droiture  ,  que  n'en  ont  eu  les 
censeurs  de  ce  Père.  Les  accusa- 
tions que  nous  venons  de  voir  ont 
clé  tirées  des  sociniens  et  des  armi- 
niens leurs  amis  ,  de  Bayle  ,  de  le- 
Clerc ,  de  Barbeyrac  ;  les  savants 
Muratori  et  Maffei  ,  et  plusieurs 
théologiens  ,  les  ont  réfutées  sans 
réplique.  Nous  en  réfuterons  nous- 
mêmes  un  assez  grand  nombre  dans 
les  divers  articles  de  ce  Diction- 
naire. Voyez  Larnindus  Pritanius  , 
de  ingeniorum  moderatiane  in  reli- 
ginnis  negotio,  e.lllis/or.  Tlieol.  dog- 
tnulum  et opin . ,  de  dii>intî  gruiiii,  ctc . 


AIG  259 

Boausohre  ,  dans  son  Histoin- 
du  Manichéisme ,  accuse  souvent 
saint  Augustin  de  ne  pas  rapporter 
fidèlement  les  opinions  «les  mani- 
chéens; d'attribuer  à  ces  hérétiques 
des  erreurs  qu'ils  n'ont  pas  sou- 
tenues ,  et  de  les  réfuter  par  de 
mauvaises  raisons.  Ce  reproche- 
supposé  que  tous  les  docteurs  ma- 
nichéens avoient  les  mêmes  opi- 
nions ,  et  que  tous  suivoient  la 
doctrine  de  Manès  :  faux  préjugé  , 
qui  ne  s'est  vérifié  à  l'égard  d'au- 
cune secte  hérétique,  et  qui  n'aura 
jamais  une  ombre  de  vraisem- 
blance ,  puisque  tout  hérétique 
prétend  être  arbitre  de  sa  croyance, 
et  n'être  assujéti  aux  leçons  d'au- 
cun maître.  Croirons-nous  que 
saint  Augustin  n'a  pas  su  mieux 
connoître  les  vrais  sentiments  de 
Fauste,  d'Adimante,  de  Félix  ,  de 
Sécondinus,  etc.  ,  avec  lesquels  il 
avoit  disputé  de  vive  voix  ,  que 
Beausobre,  qui  prétend  les  deviner 
par  des  conjectures  et  des  proba- 
bilités? 

Quant  aux  réponses  etaux  argu- 
ments de  ce  saint  docteur  ,  nous 
verrons  à  l'article  MANicnÉiSME  , 
qu'il  a  réfuté  victorieusement  le 
principe  fondamental  de  cette  hé- 
résie ,  et  qu'il  a  résolu  solidement 
la  difficulté  tirée  de  l'origine  du 
mal.  Ce  point  décisif  une  fois  ob- 
tenu ,  tout  le  reste  du  système  de 
Manès  tomboit  par  terre  ;  mai-; 
Beausobre  n'a  pas  daigné  faire  cette 
observation,  qui  étoit  cependant  la 
première  chose  à  examiner  pour 
nous  faire  un  tableau  fidèle  de  la 
dispute. 

Les  ennemis  de  ce  saint  docleiu" 
ne  se  sont  pas  bornés  à  calomnier 
sa  doctrine  ;  ils  ont  encore  voulu 
rendre  suspectes  ses  vertus  ,  ses 
actions  les  plus  louables, la  confes- 
sion mêmequ'il  a  faite  de  ses  fautes, 
le  Clerc  prétend  que  saint  Augustin 
a  écrit  ses  confessions,  plutôt  pour 
fermer  la  bouche  à  ses  détracteurs 
que   pour   s'humilier   de   ses  foi- 


aCo  AUG 

blesses  ,  et  que  cVsl  une  espèce 
d'apologie  fort  adroite.  Saint  Au- 
gustin, dil-il,  y  avoue  les  désordres 
de  sa  vie  qu'il  ne  pouvoit  pas  ca- 
cher ;  il  supprime  ou  excuse  le 
reste  ,  et  ne  néglige  aucune  occa- 
sion de  se  faire  valoir  ;  il  lui  a  fallu 
une  forte  dose  d'araour-propre 
pour  parler  si  long-temps  de  soi  , 
et  pour  entretenir  ses  lecteurs  de 
choses  qui  dévoient  leur  être  fort 
indifférentes  ;  il  s'adresse  à  Dieu  , 
pour  ne  les  occuper  que  de  lui- 
même  ;  s'il  eût  voulu  simplement 
les  édifier,  il  n'étoit  pas  moins  né- 
cessaire d'avouer  les  fautes  qu'il 
avoit  faites  depuis  son  baptême  , 
que  celles  qui  l'avoient  précédé. 

Des  ennemis  jaloux  pouvoicnt 
dire  que  saint  Augustin  n'avoit 
pas  fait  un  grand  sacrifice  ,  en  re- 
nonçant à  la  profession  de  rhéteur 
et  d'orateur  profane,  pour  exercer 
-SOU  talent  sur  un  théâtre  plus  bril- 
lant ,  dans  l'Eglise  même  ,  où  il 
étoit  sûr  de  Jouer  un  rôle  plus  ho- 
norable etplus  avantageux;  que  par 
une  pauvreté  apparente,  il  avoit 
acquis  le  droit  de  subsister  aux 
dépens  des  riches,  même  la  faculté 
d'assister  les  pauvres  ;  qu'en  pa- 
roissant  renoncer  à  tout,  il  étoit 
parvenu  à  dominer  sur  tout  un 
peuple  au  nom  deDieu,  à  se  rendre 
chef  de  parti,  à  pouvoir  excommu- 
nier, condamner  et  proscrire  ceux 
qui  lui  déplaisoient.  Les  vraies 
fautes  ,  continue  le  Clerc  ,  dont 
Augustin  avoit  à  se  repentir,  étoient 
d'avoir  voulu  se  mêler  d'expliquer 
l'Ecriture  sainte  ,  après  en  avoir 
fait  une  simple  lecture,  sans  avoir 
appris  le  grec  ni  l'hébreu  ,  sans 
avoir  acquis  aucune  des  connois- 
sances  nécessaires  ;  c'étoit  d'avoir 
été  ordonné  prêtre  et  évêque  contre 
les  canons  du  concile  de  Nicée , 
qui  défendoient  à  un  évêque  de  se 
donner  un  successeur  de  son 
vivant  ;  c'étoit  enfin  d'être  parvenu 
au  plus  haut  degré  de  gloire,  d'au- 
torité et   de  pouvoir    en  faisant 


AUG 

semblant  de  renoncer  au  monde, 
aux  richesses  ,  aux  honneurs  5  arti- 
fice qui  a  été  employé  dans  la  suite 
par  tant  de  gens  ,  et  toujours  avec 
le  même  succès. 

Quelque  indécente  que  soit  cette 
satire  de  le  Clerc  ,  nous  n'avons 
pas  craint  de  la  copier  ,  afin  di; 
montrer  jusqu'où  les  protestants 
ont  poussé  la  malignité  contre  les 
Pères  de  l'Eglise.  Avant  de  hasarder 
une  pareille  censure,  il  auroit  fallu 
être  certain  de  plusieurs  faits  des- 
quels le  Clerc  ne  pouvoit  avoir 
aucune  preuve,  et  que  l'on  recon- 
noît  être  faux ,  pour  peu  que  l'on 
consulte  l'histoire. 

i.°Le  Clerc  suppose  que  quand 
saint  Augustin  a  écrit  ses  confes- 
sions ,  il  a  eu  intention  de  les  pu- 
blier ,  et  que  ,  par  uri  esprit  pro- 
phétique ,  il  a  prévu  qu'il  auroit 
besoin  de  cette  apologie  adroite 
pour  fermer  la  bouche  à  ses  dé- 
tracteurs ;  que  son  dessein  étoit 
d'occuper  de  lui-même  ses  lec- 
teurs, et  non  de  s'exciter  à  la  re- 
connoissance  envers  Dieu  ,  par  le 
souvenir  des  fautes  que  Dieu  lui 
avoit  remises  par  le  baptême.  Mais 
il  paroît  certain  que  cet  ouvrage  a 
été  fait  vers  l'an  4oo,  peu  de  temps 
après  la  promotion  de  saint  Augus- 
tin à  l'épiscopat;  et  alors  nous  ne 
voyons  pas  qu'il  ait  eu  des  détrac- 
teurs, ni  des  accusations  à  repous- 
ser. La  manière  dont  il  en  parle , 
en  les  envoyant  à  un  ami  qui  les 
lui  avoit  demandées  ,  Epist.  265  , 
marque  la  plus  parfaite  candeur, 
et  nous  ne  croyons  pas  lui  faire 
grâce  en  disant  qu'il  étoit  d'un 
caractère  trop  vif  pour  être  hypo- 
crite. S'il  ne  parle  pas  des  fautes 
qu'il  avoit  commises  depuis  son 
baptême, c'est  qu'elles  dévoient  être 
la  matière  d'une  confession  sacra- 
mentelle, et  non  d'une  déclaration 
publique  ;  celle-ci  ne  convenoit 
plus  à  un  évêque  ,  obligé  de  faire 
respecter  son  caractère. 

2."  La  plupart  des  fautes  dont 


AUG 

s«jVj/  Augustin  s'accuse,  n'avoienl 
pas  clé  assez  publiques  pour  venir 
à  la  connoissauce  de  ses  ennemis, 
cl  les  étourderies  de  jeunesse  qu'il 
se  reproche,  n'étoient  pas  de  na- 
ture à  le  déshonorer  :  où  étoit  donc 
la  nécessité  d'en  faire  une  apologie 
adroite  ?  Quel  avantage  saint  Au- 
gustin pouvoil-il  tirer  de  là  pour  sa 
réputation? Les  Africains,  charmés 
de  ses  talents,  ne  pensoient  guère 
à  aller  rechercher  ce  qu'il  avoit  fait 
en  Italie. 

3.°  Qui  a  révélé  à  le  Clerc  que 
quand  ce  saint  docteur  quitta  la 
profession  de  rhéteur  ,  après  son 
baptême,  et  retourna  en  Afrique, 
1  !  avoit  déjà  le  dessein  et  l'espérance 
d'être  promu  aux  ordres  sacrés  ; 
que  quand  il  se  retira  dans  la  soli- 
tude ,  il  savoit  qu'on  l'en  tîreroit 
bientôt  pour  l'élever  au  sacerdoce 
et  à  l'épiscopat  ;  que  quand  il  op- 
posa de  la  résistance  à  son  cvêque 
qui  vouloit  l'ordonner,  elle  ne  fut 
pas  sincère  ?  Si  en  cela  l'évêque 
Valère  pécha  contre  les  canons  du 
concile  de  Nicée,  la  faute  ne  peut 
pas  en  être  attribuée  à  saint  Au- 
g^iis/m/c'étoit  au  primat  de  Carthage 
et  aux  autres  évêques  d'Afrique  de 
s'en  plaindre  ,  et  nous  ne  voyons 
pas  qu'aucun  ait  réclamé  :  ils  ju- 
gèrent sans  doute  que  ces  canons 
n'étoient  pas  indispensables. 

4.°  Si ,  en  entreprenant  d'expli- 
quer l'Ecriture  sainte  ,  saint  Au- 
gustin avoit  eu  le  même  dessein 
que  le  Clerc  ,  qui  étoit  de  faire 
parade  d'érudition  ,  et  de  se  mon- 
trer plus  habile  que  les  autres 
coinmentateurs,ilauroit  eu  besoin, 
sans  doute  ,  de  grec  ,  d'hébreu  , 
d'histoire,  de  géographie,  etc.  ;  s'il 
a  seulement  voulu  en  tirer  des 
leçons  morales  pour  lui  et  pour 
les  autres,  tout  cet  appareil  ne  lui 
étoit  pas  nécessaire.  Mais  voilà 
l'entêtement  des  protestants;  ils  in- 
terprètent l'Ecriture  sainte  comme 
on  explique  Homère  ou  Hérodote; 
cl  parce  que  les  Pères  de  l'Eglise 


AUG  »6i 

y  ont  cherché  de  quoi  nourrir  la 
piété  et  non  la  curiosité  ,  cela  dé- 
plaît aux  protestants. 

5.°  Le  Clerc  a  su  encore,  par 
révélation  sans  doute ,  que  quand 
saint  Augustin  a  écrit  contre  les 
manichéens,  contre  les  donatistes, 
contre  les  pélagiens  ,  contre  les 
ariens,  contre  les  priscillianistes  , 
il  l'a  fait  par  humeur,  par  l'envie 
de  contredire  et  de  disputer,  et  non 
par  zèle  pour  la  pureté  de  la  foi  et 
pour  le  salut  de  son  troupeau.  Ce- 
pendant d'autres  protestants  ont 
remarqué  qu'il  a  traité  les  héré- 
tiques avec  plus  de  modération 
que  saint  Jérôme,  qui  étoit  cepen- 
dant plus  vieux  que  lui.  Mais  son 
grand  crime  a  été  de  subjuguer  les 
esprits,  de  gagner  la  confiance,  de 
se  faire  admirer  par  la  supériorité 
de  ses  talents  et  par  l'ascendant  de 
ses  vertus.  Heureux  ceux  à  qui  Dieu 
a  donné  assez  de  mérite  pour  s'at- 
tirer de  pareils  reproches  !  Il  a  été 
le  fléau  des  héré  tiques  de  son  temps; 
il  doit  donc  être  censuré  par  les 
hérétiques  de  tous  les  siècles. 

Un  autre  critique  encore  plus 
téméraire  a  prétendu  que  saint  Au- 
gustin se  reconnoissoit  lui-même 
sujet  aux  excès  du  vin ,  parce  qu'il 
dit  dans  ses  confessions,  l.io,  c.3i, 
n.  4?  :  "  Jp  suis  bien  éloigné  de 
»  m'enivrer;  cependant  la  crapule 
»  me  survient  quelquefois.  »  Cet 
habile  homme  n'a  pas  su  que  cra- 
pula  signifie  seulement  la  douleur 
de  tête  qui  provient  du  vin  mal 
digéré  ;  l'homme  le  plus  sobre  peut 
y  être  sujet  par  foiblessed'cstomar, 
maladie  que  produit  assez  ordinai- 
rement le  travail  d'esprit  continué 
trop  long-temps.  11  est  fort  sin- 
gulier que  des  écrivains  du  dix- 
septième  ou  du  dix-huitième  siècle 
se  soient  flattés  de  détruire  une 
réputation  de  talents  et  de  vertus 
établies  depuis  douze  cents  ans; 
on  ne  doit  pas  être  étonné  de  la 
fureur  avec  laquelle  ils  déchirent 
les  vivants,  puif^qu'iis  n'épargnent 


262  AUG 

pas  même  les  morts  ni  les  saints. 

Augustin  ,  titre  que  Corneille 
Jansénius,  évêque  d' Ypres,  a  donné 
à  un  ouvrage  qu'il  a  compose  sur 
la  grâce  ,  parce  qu'il  prétendoit  y 
soutenir  le  vrai  sentiment  de  saint 
Augustin ,  et  y  donner  la  clef  des 
endroits  les  plus  difficiles  de  ce 
Père  sur  cette  matière. 

Ce  livre,  qui  a  causé  des  disputes 
si  vives  ,  et  qui  a  donné  naissance 
à  l'hérésie  nommée  le  Jansénisme , 
ne  parut  qu'après  la  mort  de  son 
auteur,  et  fut  imprimé  pour  la  pre- 
mière fois  à  Louvain  ,  en  i64o, 
in-folio.  Il  est  divisé  en  trois  par- 
ties. La  première  contient  huit 
livres  sur  l'hérésie  des  péiagiens. 
La  seconde  en  renferme  neuf,  un 
sur  l'usage  de  la  raison  et  de  l'au- 
torité en  matière  théologique,  un 
sur  la  grâce  du  premier  homme 
et  des  anges  ,  quatre  de  l'état  de 
nature  tombée  ,  trois  de  l'état  de 
pure  nature.  La  troisième  partie 
est  subdivisée  en  deux  :  l'une  con- 
tient un  traité  de  la  grâce  de  Jésus- 
Christ  ,  en  dix  livres  ;  l'autre  est 
un  parallèle  entre  l'erreur  des  serai- 
pélagiens  et  l'opinion  de  quelques 
modernes,  c'est-à-dire  des  théolo- 
giens qui  admettent  la  grâce  suffi- 
sante 

C'est  de  cet  ouvrage  qu'ont  été 
extraites  les  cinq  fameuses  propo- 
sitions qui  en  contiennent  toute  la 
substance,  et  qui  ont  été  condam- 
nées par  plusieurs  souverains  pon- 
tifes. A  l'article  Jansénisme,  nous 
en  traiterons  avec  plus  d'étendue. 

AUGUSTINIANISME,  AU- 
GUSTmiENS.  Dans  les  écoles,  on 
donne  ce  dernier  nom  aux  théo- 
logiens qui  soutiennentquelagrâce 
est  efficace  par  sa  nature  absolu- 
ment ,  sans  aucune  relation  aux 
circonstances  ni  aux  degrés  de 
force  ,  et  qui  prétendent  fonder 
cette  opinion  sur  l'autorité  de  saint 
Augustin. 

Leur  système  se  réduit  principa- 


AUG 

lementaux  points  suivants,  i  ."Que, 
pour  faire  des  œuvres  méritoires  et 
utiles  au  salut,  les  créatures  libres, 
en  quelque  état  qu'on  les  suppose, 
ont  besoin  du  secours  intérieur  et 
surnaturel  de  la  grâce.  C'est  un 
dogme  de  foi  décidé  contre  les  pé- 
iagiens. 

2.°  Que  ,  dans  l'état  de  nature 
innocente ,  cette  grâce  n'a  pas  été 
efficace  par  elle-même  et  par  sa  na- 
ture, comme  elle  l'est  à  présent , 
mais  versatile  ,  c'est  ce  qu'ils  ap- 
pellent adj'utorium  sine  quo. 

3.°  Que,  dans  ce  même  état  de 
nature  innocente,  il  n'y  a  point  eu 
de  décrets  absolus  ,  efficaces ,  anté- 
cédents au  consentement  prévu  de 
la  créature  ;  par  conséquent  nulle 
prédestination  à  la  gloire  avant  la 
prévision  des  mérites,  nulle  ré- 
probation qui  ne  supposât  la  pré- 
vision des  démérites. 

4-°  Que ,  dans  l'état  de  nature 
tombée  ou  corrompuepar  le  péché, 
la  grâce  efficace  par  elte-meme  est 
nécessaire  pour  toutes  les  actions 
surnaturelles  ;  et  ils  appellent  cette 
grâce  adj'utorium.  quo. 

S.°  Ils  fondent  la  nécessité  de 
cette  grâce,  non  sur  la  subordina- 
tion et  la  dépendance  dans  laquelle 
la  créature  est  à  l'égard  du  Créateur, 
comme  le  veulent  les  thomistes  , 
mais  sur  la  foiblesse  de  la  volonté 
humaine  considérée  après  la  chute 
d'Adam. 

6.°  Ils  font  consister  la  nature 
de  cette  grâce  efficace  dans  une  dé- 
lectation ou  suavité  victorieuse  , 
non  par  degrés  et  relativement 
comme  l'admettent  les  jansénistes, 
mais  simplement  et  absolument, 
par  laquelle  Dieu  incline  la  vo- 
lonté au  bien  ,  sans  toutefois  bles- 
ser sa  liberté.  Ils  disent,  après  saint 
Augustin,  que  Dieu  a  une  infinité 
de  moyens  inconnus  ot  inconce- 
vables à  l'homme  pour  déterminer 
absolument  sa  volonté  :  Deus  miris 
ineffabilibusque  modis  homines  ad  se 
vocal  ci  trahit.  L.  i  ad  Simplic 


AlIG 

y.^Oulrc  la  grâce  efficace,  les 
uugustiniens  en  adinetlent  une  autre 
qu'ils  nomment  suffisante,  grâce 
réelle  qui  donne  à  la  volonté  assez 
de  force  pour  pouvoir  ,  soitmédia- 
li'menl ,  soit  immédiatement,  pro- 
duire des  œuvres  surnaturelles  et 
méritoires,  mais  qui  cependant  n'a 
jamais  son  effet  sans  le  secours 
d'une  grâce  efficace. 

8."  Selon  ces  théologiens,  lors- 
que Dieu  appelle  efficacement  quel- 
qu'un ,  et  veut  lui  faire  pratiquer 
le  bien  ,  il  lui  donne  une  grâce  effi- 
cace, qui  a  toujours  son  effet;  aux 
autres  ,  il  accorde  seulement  une 
grâce  suffisante  pour  accomplir  ses 
commandements ,  ou  au  moins 
pour  demander  et  obtenir  des  grâ- 
ces plus  fortes  qui  leur  fassent 
remplir  leur  devoir.  Il  est  un  peu 
difficile  de  concevoir  en  quel  sens 
est  suffisante  une  grâce  qui  n'est 
pas  par  sa  nature  adjutorium  quo; 
encore  plus  difficile  de  compren- 
dre comment  la  volonté  privée  de 
V adjutorium  quo  a  un  pouvoir  réel 
de  faire  le  bien. 

9.0  Ils  soutiennent  que  ,  quant 
à  l'état  de  nature  tombée ,  il  faut 
admettre  des  décrets  absolus  et  ef- 
ficaces par  eux  -  mêmes  pour  les 
œuvres  qui  sont  dans  l'ordre  sur- 
naturel, et  que  la  prescience  de  ces 
mêmes  œuvres  est  fondée  sur  ces 
décrets  absolus  et  efficaces. 

io.°  Que  la  prédestination,  soit 
à  la  grâce,  soit  à  la  gloire,  est  ab- 
solument gratuite;  que  la  répro- 
bation positive  se  fait  en  consé- 
quence de  la  prévision  des  péchés 
actuels,  et  la  réprobation  négative 
a  cause  du  seul  péché  originel. 

Ajoutons  que  ,  dans  ce  système  , 
le  salut  éternel  n'est  accordé  qu'à 
lin  très-petit  nombre  de  prédes- 
linés  ,  qui  y  sont  conduits  par  une 
euite  de  grâces  efficaces. 

On  divise  les  augusiinîens  en 
rigides  et  en  relâchés.  Les  rigides 
sont  ceux  qui  soutiennent  tous  les 
points  que  nous  venons  d'exposer  ; 


AUG  2f,3 

les  relâches  sont  ceux  qui  <Ustin- 
guent  des  œuvres  surnaturelles  fa- 
ciles, et  des  œuvres  difficiles,  qui 
n'exigent  une  grâce  efficace  par 
elle-même  que  pour  ces  dernières, 
et  soutiennent  que  pour  les  autres, 
telle  que  la  prière  par  laquelle  on 
obtient  des  secours  plus  forts  et 
plus  abondants  ,  la  grâce  suffisante 
a  souvent  son  effet  sans  autre  se- 
cours. C'étoit  le  sentiment  du  car- 
dinal Noris  ,  du  Père  Thomassin, 
et  selon  M.  Habert  ,  évêque  de 
Vabres  ,  celui  que  de  son  temps 
l'on  suivoit  communément  en  Sor- 
bonne.  Tournély  ,  Tract,  de  Grat.. 
part.  2  ,  q.  5 ,  §  2.  Nous  ne  voyons 
pas  pourquoi  une  grâce  suffisante, 
avec  laquelle  on  fait  une  bonne 
œuvre  facile  ,  n'est  pas  appelée 
pour  lors  une  grâce  efficace ,  ou 
adjutorium  quo. 

Bornons-nous  à  remarquer  qu'à 
la  réserve  du  premier  point,  dé- 
cidé par  l'Eglise  contre  les  péla- 
giens  et  les  semi-pélagiens ,  tout  le 
reste  est  pure  opinion.  En  lisant 
saint  Augustin  avec  toute  l'atten- 
tion dont  nous  sommes  capables, 
nous  avons  vu  qu'il  appelle  adju- 
torium quo  le  don  de  la  persévé- 
rance finale  qui  renferme  la  mort 
en  état  de  grâce  ;  mais  nous  n'a- 
vons trouvé  nulle  part  que  saint 
Augustin  donne  ce  nom  à  la  grâce 
actuelle  ,  nécessaire  pour  toute 
bonne  <Euvre  surnaturelle  et  mé- 
ritoire. C'est  cependant  sur  cette 
supposition  fausse  que  porte  tou* 
le  système  qu'on  lui  prête.  La  dis- 
tinction entre  adjutorium  sine  quo 
et  adjutorium  quo,  ne  se  trouve  que 
dans  le  livre  ide  Corrcpt.  et  Grat  , 
c.  12  ,  n.  34  ;  et  il  est  question  là 
de  la  persévérance  finale  ,  et  non 
d'aucune  autre  grâce. 

Mais  un  inconvénient  qui  mé- 
rite la  plus  grande  attention,  c'est 
qu'on  ne  peut  pas  concilier  la  plu- 
part des  pièces  de  ce  système, sur- 
tout la  réprobation  négative  du 
très-grand  nombre   des  hommes  A 


264  AUG 

cause  du  péché  originel ,  avec  la 
volonté  de  Dieu  de  sauver  tous  les 
hommes,  clairement  énoncée  dans 
l'Ecriture  sainte  ,  et  avec  la  ré- 
demption de  tous  les  hommes  par 
Jésus-Christ  :  deux  vérités  que 
saintAugustin  a  soutenues  de  toutes 
ses  forces,  aussi-bien  que  les  autres 
Pères. 

Pour  être  sûr  que  l'on  suit  ses 
véritables  sentiments  ,  ce  n'est  pas 
assez  de  rechercher  ce  qu'il  a  écrit 
dans  ses  livres  contre  les  pélagiens; 
il  faut  encore  concilier  ce  qu'il  y 
a  dit  avec  ce  qu'il  a  enseigné  dans 
ses  commentaires  sur  l'Ecriture 
sainte  et  dans  ses  sermons ,  pour 
exciter  les  fidèles  à  la  confiance  en 
Dieu  ,  à  la  reconnoissance  envers 
Jésus-Christ ,  à  une  ferme  espé- 
rance du  salut  éternel.  Si  un  sys- 
tème théologique  n'est  pas  utile 
pour  animer  la  foi ,  pour  affermir 
l'espérance ,  exciter  l'amour  de 
Dieu  ,  pour  calmer  les  craintes  et 
augmenter  le  courage  des  âmes 
trop  timides  ,  de  quoi  sert-il  ? 

lîy  a  néanmoins  une  distinction 
essentielle  à  mettre  entre  les  augus- 
iiniens  catholiques ,  dont  nous  ve- 
nons de  parler  ,  dont  le  système  ne 
renferme  rien  de  contraire  à  la  foi , 
et  les  faux  aususiiniens.  Ces  der- 
niers sont  ceux  qui  soutiennent  les 
opinions  que  Baïus ,  Jansénius  , 
Quesnel  et  d'autres  ont  osé  attri- 
buer à  saint  Augustin  :  opinions 
que  le  saint  docteur  n'eut  jamais, 
et  dont  il  auroit  eu  horreur  si  on 
les  lui  avoit  proposées.  Au  mot 
Jansénisme  ,  nous  ferons  voir  qu'il 
a  professé  formellement  les  vérités 
diamétralement  opposées  aux  er- 
reurs que  Jansénius  a  prétendu 
tirer  de  ses  écrits. 

AuGUSTiNiENS  ,  hérétiques  du 
seiziènïe  siècle  ,  disciples  d'un  sa- 
cramen taire  appelé  Augustin,  qui 
soutenoit  que  le  ciel  ne  seroit  ou- 
vert à  personne  avant  le  jour  du 
jugement  dernier.  C'est  l'erreur  des 
Grecs ,  qui  fut  condamnée  dans  les  j 


AUM 

conciles  de  Lyon  et  de  Florence, 
et  à  laquelle  ils  firent  profession 
de  renoncer,  lorsqu'ils  feignirent 
de  se  réunir  à  l'Eglise  romaine. 

AUGUSTLNS,  religieux  qui  re- 
connoissent  saint  Augustin  pour 
leur  maître  et  leur  instituteur,  et 
qui  professent  une  règle  qui  lui 
est  attribuée. 

AULIQUE,  nom  d'un  acte  on 
d'une  thèse  que  soutient  un  jeune 
théologien  dans  quelques  univer- 
sités ,  et  particulièrement  dans 
celle  de  Paris ,  le  jour  qu'unlicen- 
cié  reçoit  le  bonnet  de  docteur  , 
et  à  laquelle  préside  ce  même  li- 
cencié immédiatement  après  la  ré- 
ception du  bonnet. 

Le  nom  de  cette  thèse  vient  du 
mot  aula,  salle  ,  parce  qu'elle  se 
passe  dans  une  salie  de  l'univer- 
sité, et  à  Paris  dans  une  salle  de 
l'archevêché.  Voyez  Degré,  Doc- 
TEOR,  etc. 

AUMONE  ,  don  fait  aux  pau- 
vres par  motif  de  charité  et  pour 
les  soulager.  Elle  est  souvent  com- 
mandée dans  l'Ecriture  sainte  ;  il 
étoit  spécialement  ordonné  aux 
Juifs  d'assister  les  pauvres  ,  les 
veuves,  les  orphelins,  les  étran- 
gers. Veut.jC.  i5,^.ii,-iicc/.,c.  4  , 
y .  I ,  etc.  Les  maximes  de  charité 
que  Jésus  -  Christ  répète  conti- 
nuellement dans  l'Evangile ,  ont 
encore  mieux  fait  sentir  la  néces- 
sité de  ce  devoir.  Il  semble  faire 
dépendre  notre  salut  éternel  du 
plus  ou  moins  d'actions  charita- 
bles que  nousauronsfaites.i):Za/M., 
c.  aS,  y.  34.  L'ordre  des  diacres 
a  été  institué  pour  prendre  soin 
des  pauvres.  Act,  ,  c.  6.  T-a  fer- 
veur de  l'Eglise  primitive  engagea 
les  fidèles  à  vendre  leurs  biens,  à 
en  déposer  le  prix  aux  pieds  des 
apôtres  ,  pour  subvenir  aux  be- 
soins des  indigents. 

Saint  Paul  écrivant  aux  Corin- 


AIJIVI 

Ihlens  ,  leur  recommande  do  fairp: 
des  collectes  ou  des  quêtes  tous  les 
dimanches  ,  pour  assister  les  pau- 
vres ,  comme  il  l'avoit  prescrit  aux 
Efîlises  de  Galatic.  Saint  Justin , 
Apol.  2  ,  nous  apprend  que  tous 
les  luléles  de  la  ville  et  de  la  cam- 
pagne s'assembloient  le  dimanche 
pour  assister  à  la  célébration  des 
saints  mystères;  qu'après  la  prière, 
chacun  faisoit  son  «uwiô/7e  ,  selon 
son  zèle  et  ses  facultés;  qu'on  en 
remetloit  l'argent  à  celui  qui  pré- 
oidoit,  c'est-à-dire,  à  l'évèque  , 
pour  le  distribuer  aux  pauvres  , 
aux  veuves,  etc.  Cet  usage  s'ob- 
servoit  du  temps  de  saint  Jérôme, 
et  il  est  encore  pratiqué  dans  les 
paroisses;  à  la  messe  du  diman- 
che on  quête  pour  les  pauvres. 

M.  de  Tillemont ,  fondé  sur  un 
passage  du  code  ihéodosien  ,  ob- 
serve qu'au  quatrième  siècle  il  y 
avoit  des  femmes  pieuses  qui  s'oc- 
cupoient  à  recueillir  des  aumônes 
pour  les  prisonniers  ;  on  conjec- 
ture que  c'ctoient  les  diaco- 
nesses. 

La  charité  envers  les  malheiz- 
reux  fut  le  caractère  distinctif  des 
premiers  chrétiens  :  plusieurs  la 
poussèrent  jusqu'à  se  rendre  es- 
claves, et  à  nourrir  les  pauvres 
du  prix  de  leur  liberté.  Saint  Clé- 
ment, Epist.  I,  n.  65.  Us  assis- 
I oient  les  païens  aussi- bien  que 
lea  fidèles  :  Julien  leur  rend  cette 
justice  ;  il  écrit  à  un  pontife  du 
j)aganisme  ,  Epist.  62  :  «  Il  est 
1»  honteux  que  les  Galiléensnour- 
»  rissent  leurs  pauvres  et  les  nô- 
>»  très.  »  Aucune  religion  n'a  in- 
spiré aux  hommes  une  charité  aussi 
industrieuse,  n'a  suggéré  autant 
d'établissements  divers  pour  sou- 
lager les  dififérents  besoins  de  l'hu- 
manité. 

Dans  l'origine,  les  ministres  de 
l'Eglîse  ne  subsistoient  que  d'au- 
moncs.  Les  oblations  des  fidèles  se 
«livisoient  en  trois  parts,  l'une 
pour  les  pauvres,  la  seconde  pour 


AUM  26!i 

l'entretien  des  églises  et  le  service 
divin,  la  troisième  pour  le  clergé. 
Saint  Clirodegand,  évêque  de  Metv: 
au  huitième  siècle  ,  dans  la  règle 
qu'il  prescrit  aux  chanoines  régu- 
liers ,  veut  qu'un  prêtre  à  qui  l'on 
donne  quelque  chose  pour  célébrer 
la  messe  ,  pour  administrer  les 
sacrements  ,  pour  chanter  des 
psaumes  et  des  hymnes,  ne  le 
reçoive  qu'à  titre  à!' aumône. 

Tel  a  toujours  été  l'esprit  de 
l'Eglise.  Les  dons  qu'on  lui  a  faits, 
les  biens  qu'elle  a  reçus  par  dona- 
tion, les  fondations  par  lesquelles 
elle  a  été  enrichie,  sont  regardés 
comme  des  aumônes ,  dont  ses 
ministi-es  sont  les  économes,  les 
dispensateurs  et  non  les  proprié- 
taires. Il  y  a  cependant  une  diffé- 
rence à  faire  entre  une  solde,  une 
subsistance  accordée  à  titre  de  ser- 
vice ,  et  une  pure  aumône.  Voyez 
Casuel. 

Dans  notre  siècle  calculateur 
on  a  soutenu  sérieusement  que 
Vaumône  n'est  point  un  précepte 
rigoureux  Que  signifie  donc  la 
sentence  prononcée  par  Jésus  - 
Christ  contre  les  réprouvés,  parce 
qu'ils  n'ont  pas  fait  rai/moA7e.''On 
ajoute  qu'elle  produit  plus  de  mal 
que  de  bien,  parce  qu'elle  entre- 
tient la  fainéantise  des  pauvres. 
Cette  prétention  seroit  pardonna- 
ble, si  tous  les  pauvres  étoienten 
état  de  travailler;  mais  les  infir- 
mes, les  vieillards,  les  femmes 
enceintes  ou  en  couche  ,  celles  qui 
sont  chargées  d'enfants ,  les  imbé- 
ciles, les  enfants  en  bas  âge,  les 
impotents ,  les  voyageurs  surpris 
par  des  besoins  imprévus,  etc., ne 
doivent  pas  être  condamnés  à 
mourir  de  faim.  C'est  une  fausse 
politique  de  fournir  aux  riches 
des  prétextes  pour  endurcir  leurs 
entrailles  aux  souffrances  des 
malheureux .  Si  les  pauvres 
abusent  de  Vaumône,  les  riches 
abusent  bien  davantage  de  leur.s 
richesses    ;     vingt    pauvres   sou- 


266 


AUM 


lagés  mal  à  propos  sont  un 
moindre  inconvénient  qu'un  seul 
pauvre  réduit  à  périr  par  la  du- 
reté des  riches.  Si,  toutes  les  fois 
qu'il  se  présente  une  bonne  œuvre 
à  faire,  on  commençoit  par  dis- 
serter sur  les  abus  et  les  inconvé- 
uients  qui  peuvent  en  résulter, 
on  n'en  feroit  jamais  aucune,  il 
est  dangereux  que  ce  ne  soit  là  le 
dernier  fruit  de  la  philosophie 
régnante.  Voyez  CiiARiTi  ,  Fonda- 
tion, HÔPITAL. 

«  Donner  ,  dit  saint  Augustin  , 
»  à  manger  à  celui  qui  a  faim,  et 
»  à  boire  à  celui  qui  a  soif,  re- 
»  vêtir  un  homme  nu,  loger  un 
»  voyageur  ,  donner  asile  à  un 
»>  fugitif,  visiter  un  malade  ou  un 
»  prisonnier,  racheter  un  esclave, 
X  soutenir  un  foible,  guider  un 
»  aveugle,  consoler  un  affligé,  pan- 
»  ser  un  blessé,  montrer  le  che- 
»  min  à  celui  qui  s'égare,  donner 
»  un  conseil  à  celui  qui  en  a 
»  besoin,  et  la  subsistance  à  un 
w  pauvre,  ne  sont  pas  les  seules 
»  espèces  à'aumône  que  l'on  peut 
»  faire  ;  mais  pardonner  à  celui 
»  qui  pèche,  ou  le  corriger  quand 
»  on  a  autorité  sur  lui ,  en  ou- 
»  bliantrinjurequel'onenareçue, 
»  et  en  priant  Dieu  de  lui  faire 
»  grâce  ;  ce  sont  des  œuvres  de 
»  miséricorde  que  l'on  peut  re- 
»  garder  comme  des  aumônes.  »> 
L.  de  Fide,  Spe  et  Chant.,  c.  72  , 
n.  19. 

xA.  13  MU  S  SE,  fourrure  que  les 
chanoines  et  d'autres  ecclésiasti- 
ques portent  sur  le  bras  gauche 
en  été.  Dans  l'origine ,  elle  étoit 
ilestinée  à  couvrir  la  tête  et  les 
épaules  en  hiver  pendant  l'office 
de  la  nuit.  Le  nom  à''aumtisse  si- 
;^nifie  littéralement  au  coucher  ; 
en  vieux  françois  se  musser,  c'est 
se  cacher,  et  le  soleil  mussant  est 
le  soleil  couchant. 

AURICULAIRE,  se  dit  de  la 


AUT 

confession  qui  se  fait  secrètement 
à  l'oreille.  Voyez  Confession. 

AUSBOURG.  Voy.  Aijgsbourc.      i 

AUSPICE.  Voyez  Divination. 

AUSTÉRITÉS.  Vorez  Mortifi- 
cation. 

AUTEL,  plate-forme  de  terre, 
de  pierres  ou  de  bois,  élevée  au- 
dessus  du  sol,  et  sur  laquelle  on 
offre  un  sacrifice.  On  voit  d'abord 
que  autel  vient  du  latin  altus ,  à 
cause  de  son  élévation.  Les  Grecs 
le  nommoient  Ouirtaçviptov  ,  du 
verbe  Ovetv,  tuer,  irtimoler;  les  Hé.- 
hreun  Mizbeacli,  dezabach,  égorger, 
sacrifier.  Ce  nom  est  donné  dans 
l'Ecriture  à  Vautel  des  holocaustes 
et  à  celui  des  parfums,  et  non  à  la 
table  des  pains  de  proposition  sur 
laquelle  on  ne  consumoit  rien. 
Cette  remarque  est  essentielle. 

Sous  la  loi  de  nature,  les  patriar- 
ches élevoienl  des  autels  en  pleine 
campagne,  pour  offrir  des  victimes 
au  Seigneur.  Noé,  Abraham,  Jacob, 
en  usoient  ainsi.  Par  la  loi  de  Moïse. 
Dieu  défendit  aux  Israélites  d'of 
frir  des  sacrifices  ailleurs  que  dans 
le  tabernacle,  et  prescrivit  la  ma- 
nière dont  les  autels  dévoient  être 
construits.  Il  y  cnavoit  unnomuic. 
Vautel  des  holocaustes,  sur  lequel 
on  bruloit  les  victimes,  et  un  autre 
sur  lequel  on  consumoit  les  par- 
fums ;  il  en  fut  de  même  lorsque 
le  temple  fut  bâti.  Les  autels  qui 
furent  érigés  par  Jéroboam  à  Sa- 
marie,  et  par  quelques  autres  rois, 
sur  des  lieux  élevés,  furent  autant 
de  crimes  commis  contre  la  loi  ; 
Dieu  en  punit  les  auteurs.  Dans 
VHist.deVAcad.  des  Inscript.,  in-12, 
p.  19;  et  t.  4,  P-  9,  il  y  a  une  his- 
toire exacte  des  autels  consacrés  au 
vrai  Dieu,  depuis  la  création  au 
monde  jusqu'à  Jésus-Christ. 

Autel,  chez  les  chrétiens,  est  une 
table  carrée  placée  ordinairement 


AIT 

à  l'orionl  de  l'église,  et  sur  laquelle 
on  cclcbre  la  messe.  Ou  lui  <louua 
f.ctle  l'orme,  parceque  Jésus-Christ 
ctoit  À  table  lorsqu'il  institua  l'eu- 
charistie, et  parce  que  l'on  offre 
sur  cette  table  le  sacrifiée  du  corps 
cl  du  sang  de  Jésus-Christ. 

Dans  l'Eglise  primitive,  les  aulels 
n'éloient  que  de  bois,  et  se  Irans- 
l)orloient  souvent  d'un  lieu  à  un 
autre;  mais  un  concile  d'Epaone, 
âe  l'an  Siy,  défendit  de  construire 
des  autels  d'autre  matière  que  de 
juerre.  Dans  les  premiers  siècles  ; 
il  n'y  avoit  qu'un  seul  aulel  dans 
chaque  église,  mais  le  nombre  en 
augmenta  bientôt  ;  saint  Grégoire 
dit  que  de  son  temps,  au  sixième 
siècle,  il  y  en  avoit  douze  ou  quinze 
dans  certaines  églises.  A  la  cathé- 
drale de  Magdebourg,  il  y  en  avoit 
quarante-deux. 

L'au/c/n'est  quelquefois  soutenu 
que  par  une  seule  colonne,  comme 
dans  les  chapelles  souterraines  de 
sainte  Cécile  à  Rome  et  ailleurs  ; 
quelquefois  il  l'est  par  quatre  co- 
lonnes, comme  l'au/c/ de  saint  Sé- 
bastien, in  crypta  arenariâ  :  mais 
la  méthode  la  plus  ordinaire  est 
de  poser  la  table  à^aufcl  sur  un 
massif  de  pierres. 

Ces  autels  ressemblent  en  quel- 
que chose  à  des  tombeaux.  En  ef- 
fet, les  premiers  chrétiens  tenoient 
souvent  leurs  assemblées  aux  tom- 
beaux des  martyrs,  et  y  célébroient 
les  saints  mystères.  Il  est  dit  dans 
l'Apocalypse  :  «  Je  vis  sous  Vautel 
»  les  âmes  de  ceux  qui  ont  été  mis 
»  à  mort  pour  la  parole  de  Dieu , 
»  et  pour  le  témoignage  qu'ils  lui 
i>  ont  rendu,  »  c.  6,  ^.  g.  De  là 
est  venu  l'usage  de  ne  point  con- 
sacrer à'autel  sans  y  mettre  des  re- 
liques des  saints. 

L'usage  de  la  conséci-ation  des 
autels  est  assez  ancien,  et  la  céré- 
monie en  est  réservée  aux  évèques. 
Depuis  qu'il  n'a  plus  été  permis 
d'offrir  que  sur  des  a«/c/.sconsacrcs, 
on  a  fait  des  «m/c/s  portatifs,  pour 


AUT  sG; 

s'en  servir  dans  les  lieux  où  il  n'y 
a  point  d\iulrl  solide  consacré  ; 
Ilincmar  et  Bede  en  font  mention. 
A  la  place  d'autrls  portatifs,  les 
Grecs  se  servent  de  linges  bénits 
qu'ils  nomment  àvrtuîv.ia,  c'est- 
à-dire,  qui  tiennent  lieu  à' autels. 
Sur  la  forme,  la  décoration,  la 
bénédiction  des  autels,  voyez  l'a/j. 
cien  Sacrainentaire  par  Grandcolas, 
i."^*^  part.,  p.  33  et  6io. 

L'abbé  Renaudot,  dans  sa  col- 
lection des  Liturgies  orientales  , 
tome  I,  p.  i8i  et  33i  ;  tome  2, 
p.  Sa  et  56,  a  remarqué,  après  le 
cardinal  Bona,  que  dans  toutes  les 
Eglises  d'Orient,  aussi-bien  que 
dans  l'Eglise  latine,  on  a  toujours 
regardé  Vautel,  non  comme  une 
table  commune,  mais  comme  une 
table  sacrée,  sur  laquelle  le  corps 
et  le  sang  de  Jésus-Christ  sont  of- 
ferts en  sacrifice.  L'usage  constant 
de  consacrer  les  autels,  les  prières 
que  l'on  récite,  les  cérémonies  que 
l'on  fait  pour  ce  sujet,  attestent 
hautement  que  les  Orientaux  ont 
toujours  attaché  au  nom  à'autel 
la  même  idée  que  nous.  Pendant 
les  persécutions  ,  il  n'étoit  pas 
possible  d'avoir  des  autels  massifs 
et  solides;  on  fut  obligé  de  se  ser- 
vir de  tables  de  bois  et  à.''autels 
portatifs.  L'espèce  d'esclavage  dans 
lequel  les  Grecs  ou  melchites,  les 
cophtes,  les  Syriens,  etc.,  sont  en- 
core à  l'égard  des  mahométans  , 
les  obligent  souvent  de  faire  de 
même.  Mais  dès  que  l'on  eut  la 
liberté  d'élever  des  basiliques,  on 
y  plaça  des  autels  de  pierre  ou  de 
marbre,  souvent  revêtus  d'orne- 
ments d'or  et  d'argent.  Fleury, 
Tflœurs  des  Chrétiens,  n.  35  ;  Lan- 
guet,  du  véritable  Esprit  de  VEglise 
dans  Vusage  de  ses  cérémonies , 
p.  432. 

C'est  donc  mal  h  propos  que 
Daillé  et  d'autres  écrivains  pro- 
tejstants  ont  voulu  persuader  que, 
dans  les  écrits  des  Pères  et  dans 
les  anciens  monumenis  ccc'.ésias- 


268  AUT 

tiques,  le  nom  à^auiel  étoit  pris 
ilans  unsens abusif,  etnesignifioit 
qu'une  table  commune;  qu'ainsi 
l'on  ne  peut  en  tirer  aucune  con- 
séquence pour  prouver  que  les 
anciens  regardoient  l'eucharistie 
comme  un  véritable  sacrifice.  Il 
y  a  des  preuves  positives  du  con- 
traire. Saint  Paul  dit  aux  Hébreux, 
c.  i3,  S •  ïo  •  "  Nous  avons  un  au- 
n  tel,  duquel  les  ministres  du  ta- 
»  bernacle  n'ont  pas  le  pouvoir  de 
i>  manger.  »  Dans  le  tableau  de  la 
liturgie  chrétienne,  tracé  par  saint 
Jean,  Apoc.,c./^,S -^i  nous  voyons 
un  trône  occupé  par  un  person- 
nage vénérable,  autour  de  lui  vingt- 
quatrevieillards  ouprêtres,  devant 
le  trône,  au  milieu  des  vieillards, 
un  agneau  en  état  de  mort  ou  de 
victime,  c.  5,  'S •  6,  qui  reçoit  les 
honneurs  de  la  Divinité,  c.  6,  S •  9» 
sous  Vautel,  les  âmes  de  ceux  qui 
ont  été  mis  à  mort  pour  la  parole 
de  Dieu.  Voilà  certainement  l'ap- 
pareil d'un  sacrifice. 

Saint  Ignace,  instruit  par  saint 
Jean  l'évangéliste ,  écrit  aux  Phi- 
ladelphiens,  n.4  :  «  Ayez  soin  d'user 
«  d'une  seule  eucharistie.  Il  y  a 
>)  une  seule  chairdeNotre-Seigneur 
»  Jésus  -  Christ,  un  seul  calice  , 
►)  pour  marquer  l'unité  de  son  sang; 
»  un  seul  autel ,  comme  un  seul 
»  éveque,  avec  le  presbytère  et  les 
»  diacres.»  Dans  ces  trois  passages, 
le  grec  porte  6u(7caçï)piov,-  ce  terme 
n'a  jamais  signifié  une  simple  table 
à  manger,  mais  un  autel  destiné 
à  offrir  des  sacrifices. 

Saint  Irénée,  adv.  Hœr.,  1.  4-7 
c.  i8,  u.  6,  parlant  de  l'eucharis- 
tie, dit  que  Dieu  nous  ordonne, 
comme  à  l'ancien  peuple,  de  lui 
faire  souvent  et  sans  interruption 
nos  offrandes  sur  son  autel,  quoi- 
qu'il n'en  ait  pas  besoin.  Grabe  , 
sur  cet  endroit,  est  forcé  de  con- 
venir qu'il  est  question  là  d'un  autel 
proprement  dit ,  et  d'un  sacrifice 
-<lans  toute  l'énergie  du  terme.  Ori- 
çene,  Hom.  lo  in  Josuc,  parle  des 


AUT 

fidèles  qui  faisoientdes  dons  pour 
l'ornement  des  églises  et  des  autels. 
Saint  Cyprien,  Episl.  55  ad  Cor- 
net., oppose  l'Eglise  au  Capitole  , 
et  les  autels  du  Seigneur  aux  au- 
tels des  idoles.  Eusebe,  Hist.  éc- 
oles., 1.  7,c.  i5,  fait  mention  d'une 
Eglise  et  d'un  autel  dans  la  ville  de 
Césarée,  sous  le  règne  deGallien, 
par  conséquent  au  milieu  du  troi- 
sième siècle.  Les  protestants  ne 
peuvent  pas  nier  que  les  Pères  du 
quatrième  n'aient  souvent  donné 
le  nom  à'autel  à  la  table  sur  la- 
quelle on  consacroit  l'eucharistie, 
et  ne  l'aient  appelée  Vautel  sacré. 

Mais  comment  prouveront- ils 
que  le  sens  de  ce  terme  n'a  pas 
toujours  été  le  même  ,  que  saint 
Paul  et  saint  Jean  n'ont  entendu 
par-là  qu'une  table  à  manger,  pen- 
dant que  les  Pères  postérieurs  l'ont 
pris  pour  une  table  de  sacrifice? 
Ces  deux  apôtres  n'ont  pas  pu 
confondre  un  autel  avec  une  table, 
puisque  ces  deux  objets  ont  un 
nom  différent  en  grec  et  en  hébreu. 
Pour  prendre  leurs  repas,  les  an- 
ciens se  couchoient  sur  des  lits  ; 
nous  ne  lisons  nulle  part  que  les 
premiers  chrétiens  aient  été  dans 
cette  attitude  pour  recevoir  l'eu- 
charistie ;  il  faut  donc  qu'ils  ne 
l'aient  pas  envisagé  comme  une 
cène  ou  un  souper ,  tel  que  le  font 
les  protestants  ,  mais  comme  une 
cérémonie  auguste  et  sacrée,  digne 
du  plus  profond  respect,  et  ils 
l'ont  témoigné  par  la  manière  dont 
ils  ont  orné  les  autels,  dès  qu'il 
leur  a  été  possible  et  libre  de  le 
faire. 

Les  noms  îiaçr'piov  ,  proptiia~ 
tot're,  Guo-iaç-io'piov,  sacrijicatoire ,  ia* 
ble  sacrée,  etc.,  que  les  Orien- 
taux ont  toujours  donnés  et  don- 
nent encore  aux  autels,  ne  signi- 
fient point  une  table  commune. 
Toutes  les  fois  que  les  païens ,  les 
hérétiques,  les  mahomctans,  ont 
renversé  et  démoli  les  autels,  cet 
i  acte  de  haine  a  clé  regardé  par 


AUT 

fos  chrélicns  comme,  une  impiélé 
1 1  une  profanation.  On  peut  faire 
la  même  remarque  sur  les  linges 
ou  nippes  à^autcl,  et  sur  les  vases 
sacrés  ;  jamais  on  ne  les  a  traités 
romme  des  meubles  ordinaires. 
Eu  général  les  rites  ,  les  cérémo- 
nies ,  les  usages  religieux  attestent 
la  croyance  des  peuples  avec  plus 
d'énergie  que  les  expressions  des 
théologiens.  Lorsque  les  protes- 
tants ont  démoli  les  autels  dans 
les  églises  desquelles  ils  se  sont 
emparés  ,  ils  ont  assez  témoigné 
qu'ils  vouloient  détruire  l'an- 
cienne croyance  du  christianisme 
touchant  l'eucharistie. 

Autel  de  Prothèse  ,  est  une 
espèce  de  crédence  sur  laquelle  les 
Grecs  bénissent  le  pain  destiné  au 
sacrifice ,  avant  de  le  porter  au 
grand  autel,  où  se  fait  le  reste  de 
la  célébration.  Selon  le  pèreGoar, 
ce  petit  autel  ou  crédence  étoit 
autrefois  dans  la  sacristie.  Les 
protestants  n'y  font  pas  tant  de 
façons  pour  célébrer  leur  cène  ; 
bonne  preuve  qu'ils  ne  pensent  pas 
comme  les  Grecs. 

Autel  se  trouve  aussi  employé 
dans  VHistoire  ecclésiastique  pour 
signifier  les  oblalions  ou  les  reve- 
nus casuels  de  l'église  ;  racheter  les 
autels,  c'étoit  racheter  ses  revenus 
usurpés  par  les  séculiers.  On  ap- 
peioit  Véglise  les  dîmes  et  les 
autres  revenus  fixes  ,  et  autels  les 
revenus  casuels.  Quand  on  dit 
que  le  prêtre  doit  vivre  de  Vautel, 
cela  signifie  qu'il  a  droit  de  vivre 
des  revenus  de  l'église. 

AUTEURS  ECCLÉSIASTI- 
QUES. C'est  le  nom  général  que 
l'on  donne  aux  écrivains  qui 
ont  paru  dans  le  christianisme 
depuis  les  apôtres  ,  en  y  com- 
prenant les  Pères  apostoliques  et 
ceux  des  siècles  suivants  ;  souvent 
aussi  l'on  désigne  par-là  ceux  qui 
ont  écrit  depuis  saint  Bernard  , 
mort  l'an     ii53,    rt    qui   est   rc-, 


AUT  269 

gardé  comme  le  dernier  des  Pores 
de  l'Eglise. 

L'an  392,  saint  Jérôme  fit  le 
Catalogue  des  Ecrivains  illustres, 
dans  lequel  il  comprit  même  les 
apôtres  et  lesévangélistes,  et  parla 
de  leurs  ouvrages.  Eusèbe  avoit 
fait  de  même  dans  son  Histoire 
ecclésiastique  ,  écrite  avant  l'an 
326;  mais  ni  l'un  ni  l'autre  n'ont 
prétendu  donner  une  notice  exacte 
de  tous  ceux  qui  avoient  paru.  En 
856 ,  Photius ,  encore  laïque ,  com- 
posa sa  Bibliothèque  dans  laquelle 
il  renferma  l'extrait  de  279  ou- 
vrages de  divers  auteurs,  soit 
ecclésiastiques  ,  soit  profanes  , 
dont  plusieurs  ne  sont  pas  parve- 
nus jusqu'à  nous.  Le  cardinal 
Bellarmin,  mort  l'an  1621,  fit  un 
Catalogue  des  Auteurs  ecclésias- 
tiques,  qui  n'est  pas  très  -  exact  ; 
depuis  ce  temps-là  on  en  a  fait  de 
plus  amples  et   de  plus  complets. 

Guillaume  Cave,  savant  anglois, 
publia ,  en  1688  ,  une  Histoire  lilté- 
raire  des  Ecrivains  ecclésiastiques, 
en  un  volume  z'/i -yô//o,  qui  a  été 
ensuite  réimprimé  en  deux  vo- 
lumes ,  avec  des  augmentations  et 
de  nouvelles  remarques  ;  il  l'a 
poussée  jusqu'en  iSiy.  Le  Nain  de 
Tillemont,  dans  ses  lyiémoires  sur 
VHistoire  ecclésiastique ,  en  seize, 
volumes  j'n-^.",  n'a  compris  que  les 
auteurs  des  six  premiers  siècles. 
En  1686,  le  docteur  Dupiii  com- 
mença de  publier  le  premier  vo- 
lume de  sa  Bibliothèque  des  Ecri- 
vains ecclésiastiques ,  qui  renferme 
cinquante- huit  volumes  in-8°  ; 
mais  on  l'a  jugé  digne  de  censure 
en  plusieurs  points.  Dom  Rémi 
Cellier,  bénédictin ,  a  donné  un 
ouvrage  du  même  genre,  et  qui 
est  plus  exact,  en  vingt -quatre 
volumes  1/2-4°. 

Auteurs  profanes.  C'est  une 
question  assez  curieuse  de  savoir 
si  les  auteurs  projanes,  les  poètes, 
les  philosophes  ,  les  législateurs  , 
ont  emprunté  des  Juifs  et  deleurs 


270  AUT 

livres  lesconnoissances  qu'ils  font 
paroîlre  dans  leurs  écrits  ,  ou  si 
c'est  Moïse,  au  contraire,  qui  a 
emprunté  des  Egyptiens  ses  idées 
sur  la  Divinité ,  sur  la  morale ,  sur 
la  législation.  Il  y  a  sur  ce  sujet 
une  dissertation  de  Dom  Calmet , 
Bible  d' Avignon ,  tom.  3,  p.  84  et 
suivantes. 

Le  premier  sentiment  paroit 
avoir  été  suivi  par  plusieurs  an- 
ciens Pères  de  l'Eglise,  tels  que 
saint  Justin ,  saint  Clément  d'A- 
lexandrie, Origéne,  TertuUien , 
saintCyrille  d'Alexandrie,Eusébe, 
Théodoret,  saint  Ambroise,  saint 
Augustin  ;  mais  il  est  sujet  à  de 
grandes  difficultés. 

i.°  Nous  ne  voyons  pas  qu''au- 
cun  ancien  auteur  grec  ait  eu 
connoissance  de  la  langue  hé- 
braïque, dans  laquelle  étoient 
écrits  les  livres  des  Juifs.  Ces 
livres  n'ont  été  traduits  en  grec 
que  vers  l'an  290  avant  Jésus- 
Christ  ,  246  ans  après  le  premier 
retour  de  la  ca  tivité.  Les  Juifs 
eux  -  mêmes  n'ont  commiencé  que 
vers  ce  même  temps  à  faire  usage 
de  la  langue  grecque.  Pythagore  , 
Platon,  etc. ,  étoient  morts  long- 
temps avant  celte  époque.  Il  est 
donc  fort  difficile  que  les  Grecs 
aient  pu  converser  avec  les  Juifs  , 
et  en  apprendre   quelque  chose. 

a.oDémétriusdePhaîère,  le  faux 
Aristce,  le  Juif  Arislobule ,  Philon 
et  Josèphe  ,  ne  paroissent  point 
être  du  sentiment  des  Pères  sur  ce 
point  de  fait ,  et  nous  n'avons  au- 
cun motif  solide  de  récuser  leur 
témoignage. 

3.°  Les  Pères  mêmes  que  nous 
avons  cités  n'en  parlent  point  d'une 
mianière  constante  et  uniforme  ;  ils 
disent  plusieurs  choses  qui  nous 
Ibnt  juger  que  sur  cet  objet  ils 
avoient  plutôt  des  doutes  et  des 
soupçons,  qu'un  sentiment  fixe  et 
déterminé. 

4.°  Quelques  rapports  vagues  de 
conformité  entre  quelques  maxi- 


ALT 

mes  ou  quelques  expressions  des 
anciens  philosophes,  et  k^s  vérités 
révélées  dans  les  livres  saints  ,  ne 
suffisent  pas  pour  prouver  l'em- 
pruntsupposé.Ces  écrivains  ont  pu 
puiser  ce  qu'ils  disent ,  ou  dans 
les  lumières  naturelles  de  la  rai- 
son ,  ou  dans  la  tradition  générale- 
ment répandue  chez  toutes  les 
nations ,  qui  remonte  jusqu'à  la  ré- 
vélation primitive,  comme  avoient 
fait  Job  et  ses  amis. 

La  seconde  question  a  été  déci- 
dée trop  légèrement  par  plusieurs 
auteurs  modernes.  Ils  ont  affirmé 
au  hasard  ,  que  Moïse  avoit  em- 
prunté toute  sa  législation  des  Egyp- 
tiens, et  ils  n'ont  pu  citer  en  preuve 
que  quelques  cérémonies  des  Juifs , 
qui,  selon  les au/eurs grecs,  étoient 
aussi  pratiqucespar  les  Egyptiens, 
mais  il  y  a  sur  cette  prétendue 
conformité  plusieurs  réflexions  à 
faire. 

I  .°Les  Grecs  sont  trop  modernes 
pour  nous  rendre  compte  des  usages 
que  suivoient  les  Egyptiens  au  siè- 
cle de  Moïse  ,  qui  a  vécu  plus  de 
mille  ans  auparavant;  et  il  estcer- 
tain  que  les  anciens  Egyptiens  n'a- 
voient  rien  laissé  par  écrit  :  eux 
seuls  connoissoient  leurs  hiérogly- 
phes. Moïse  ,  loin  de  montrer  au- 
cun penchant  à  copier  les  Egyp- 
tiens ,  défend  à  son  peuple  d'imiter 
les  superstitions  de  l'Egypte  ;  il 
leur  auroit  tendu  un  piège  ,  s'il 
avoit  mis  sous  leurs  yeux  le  même 
cérémonial  qu'ils  avoient  vu  suivre 
en  Egypte. 

2.°  11  dit  que  le  culte  que  lea 
Israélites  dévoient  pratiquer  ne 
pouvoit  manquer  de  paroître  abo- 
minable aux  Egyptiens. iJ.rorf.,  c.8, 
y!'.  26.  On  saitdc  quelle  indignation 
il  futsaîsi,  lorsqu'il  vitles  Hébreux 
imiter  dans  le  désert  le  culte  du 
dieu  Apis ,  en  adorant  le  veau  d'or. 
Il  ne  leur  permet  de  fraterniser 
avec  un  Egyptien  ou  avec  un  Idu- 
mécj)  qu'à  la  troisième  génération.- 
Dent  ,  c.  23  ,  y.  7  et  8.  L'antipa- 


AUT 

ihie  enlrc  ces  nations  cl  les  Juifs 
a  été  constante  cl  la  iiicme  dans 
tous  les  siècles.  Mais  les  auteurs 
grecs  et  latins  ,  la  plupart  fort 
mal  instruits  ,  ont  confondu  mal 
à  propos  les  rites  des  Juifs  avec 
ceux  des  Egyptiens. 

3.°  La  doctrine  de  Moïse  sur  le 
dogme  et  sur  la  morale  a  été  pré- 
cisément la  même  que  celle  des  pa- 
triarches ses  ancêtres  ;  il  n'a  donc 
pas  eu  besoin  de  l'apprendre  chez 
<les  étrangers.  On  ne  montrera  ja- 
mais chez  les  Egyptiens  des  notions 
de  la  création  ,  de  la  providence  , 
de  l'unité  de  Dieu  ,  de  l'absurdité 
de  l'idolâtrie  ,  etc.  aussi  pures  et 
aussi  sublimes  que  celles  que  Moïse 
attribue  à  sts  aïeux. 

4.°  De  même  la  plupart  des  céré- 
monies religieuses,  les  sacrifices  , 
les  offrandes ,  les  purifications ,  les 
abstinences,  lessymboles  delà  pré- 
sence de  Dieu  ,  etc.  ,  ont  été  com- 
munes à  toutes  les  nations  ;  elles 
avoient  été  employées  par  les  pa- 
triarches au  culte  du  vrai  Dieu  , 
avant  d'être  profanées  par  les  po- 
lythéistes égyptiens  ,  idumcens  , 
ch.ananéens,  etc.  Moïse,  en  les  ra- 
menant à  leur  destination  primi- 
tive ,  n'a  fait  que  suivre  les  leçons 
de  ses  ancêtres  et  les  ordres  exprés 
de  Dieu.  11  n'a  donc  pas  eu  besoin 
de  rien  emprunter  des  Egyptiens. 

Auteurs  sacplÉs.  On  nomme 
ainsi  les  écrivains  inspirés  de  Dieu , 
de  la  plume  desquels  sont  sortis  les 
divers  livres  de  l'Ecriture  sainte  , 
soit  de  l'ancien  ,  soit  du  nouveau 
Testament,  tels  que  Moïse,  les  his- 
toriens qui  l'ont  suivi,  les  prophè- 
tes ,  les  apôtres,  les  évangélistes  , 
pour  les  distinguer  des  auteurs  ec- 
clésiastiques. 

AUTHENTIQUE.  On  nomme 
Ui>re  authentique  ,  celui  qui  a  été 
écrit  par  l'auteur  dont  il  porte  le 
]  nom  ,  et  auquel  il  est  communé- 
ment attribué. 

Une  histoire  ,   une  narration  , 


AUT 


7' 


peut  cire  vraie  ou  conforme  à  la 
vérité  des  faits  sans  être  authenti- 
que, sans  avoir  clé  écrite  par  l'au- 
teur auquel  elle  est  attribuée  ;  il 
suint  qu'elle  ait  clé  faite  par  un 
écrivain  suffisamment  instruit  et 
sincère,  quel  qu'il  soit.  Parce  que 
l'auteur  d'un  livre  n'est  pas  connu, 
il  ne  s'ensuit  pas  que  tout  ce  qu'il 
renferme  soit  faux  et  fabuleux ,  et 
il  peut  avoir  autant  de  poids  et 
d'autorité  que  si  l'auteur  étoit  cer- 
tainement connu. 

En  effet  parmi  les  livres  saints  , 
il  en  est  quelques-uns ,  surtout  de 
l'ancien  Testament  ,  dont  on  ne 
connoît  pas  certainement  les  au- 
teurs ;  on  sait  seulement  qu'ils  sont 
partis  d'une  main  respectable  , 
puisque  les  anciens,  plus  à  portée 
que  nous  d'en  découvrir  l'origine, 
y  ont  ajouté  foi ,  et  l'ont  cité  com- 
me faisant  autorité.  Sur  ce  point, 
la  tradition  est  le  seul  guide  auquel 
nous  puissions  nous  en  tenir. Pour 
les  livres  du  nouveau  Testament  , 
on  sait  certainement  qu'ils  sont  azi- 
thentiqucs  ,  qu'ils  ont  été  écrits 
par  les  auteurs  dont  ils  portent  les 
noms. 

Pour  qu'un  livre  soit  censé  cano- 
nique ,  iuspiré,  divin,  réputé  pa- 
role de  Dieu  ,  ce  n'est  pas  assez 
qu'il  soit  authentique,  qu'il  ait  été 
écrit  par  un  des  apôtres  ou  par  un 
de  leurs  disciples  immédiats  ;  il 
faut  encore  que  l'Eglise  l'ait  adopté 
comme  tel ,  et  que  la  tradition  an- 
cienne dépose  en  sa  faveur.  L'E- 
glise ne  seroit  pas  en  état  de  nous 
garantir  la  doctrine  chrétienne,  si 
elle  n'avoit  pas  eu  l'autorilé  de 
nous  apprendre,  sans  danger  d'er- 
reur ,  quels  sont  les  livres  que  nous 
devons  regarder  comme  règles  de 
notre  croyance.  Les  règles  de  cri- 
tique peuvent  servir  à  dérouvrir 
si  un  livre  a  été  écrit  par  tel  ou 
tel  auteur  ;  mais  elles  ne  peuvent 
nous  apprendre  si  ce  livre  est  ou. 
n'est  pas  règle  de  foi  ;  c'està  l'Egli-ie 
de  voir  s'il  contient  ou  ne  conliciit 


272  AUT 

pas  la  doctrine  de  Jésus- Christ. 
Cette  société  sainte  a  été  instruite 
de  vive  voix  par  les  apôtres ,  avant 
d'avoir  reçu  leurs  écrits,  et  aucun 
livre  ne  peut  suppléer  entièrement 
à  l'enseignement  public  et  toujours 
subsistant  de  l'Eglise.  Voyez Âvto- 
RiTÉ  DE  l'Eglise  ,  Canon  ,  Infailli- 
bilité. 

Authentique  ,  signifie  quelque- 
fois faisant  autorité  ;  c'est  dans  ce 
sens  que  le  concile  de  Trente  a  dé- 
claré la  vulgate  authentique.  Voyez 
Vulgate. 

AUTOCÉPHALE  ,  terme  déri- 
vé du  grec  «Jto;  ,  lui-même  ,  et 
■xiifxlri  ,  chef  ;  il  signifie  celui  qui 
ne  reconnoît  point  de  chef.  On 
froiroit  d'abord  que  l'on  a  voulu 
désigner  par  là  les  sectes  d'indé- 
pendants ;  mais  on  donnoit  ce  titre 
aux  évêques  qui  n'étoient  soumis 
à  aucun  métropolitain ,  et  aux  mé- 
tropolitains qui  ne  reconnois- 
soient  point  la  juridiction  du  pa- 
triarche. 

■AUTO-DA-FE,  acte  de  foi. 
Voyez  Inquisition. 

AUTOGRAPHE,  nom  forme 
du  grec  aù-ro;  ,  lui  -  même,  et  de 
ypifu) ,  f  écris;  on  nomme  ainsi  un 
livre  qui  a  été  écrit  de  la  propre 
main  de  l'auteur.  Pierre  ,  évêque 
d'Alexandrie  ,  rapporte  qu'au 
sixième  siècle  on  gardoit  encore  à 
Ephèse  V autographe ,  ou  l'origi- 
nal de  l'évangile  de  saint  Jean , 
ISiô-j^tipov.  Chron.  Alex.,  à  Radero 
editum.  Lorsque  Tertullien  dit  que 
dans  les  Eglises  fondées  par  les 
apôtres  on  lit  leurs  lettres  authen- 
tiques, il  paroît  qu'il  entend  les 
originaux  ou  les  autographes.  Nous 
pensons  de  même  que  l'exemplaire 
de  la  loi  qui ,  sous  le  règne  de 
Josias,  fut  trouvé  dans  le  temple, 
cloit  Toriginal  écrit  de  la  propre 
main  de  Moïse.  JV.  J\cg.^  c.  22, 
J.  8. 


AUT 

AUTORITÉ ,  droit  de  comman- 
der. La  première  question  qui  se 
présente ,  est  de  savoir  quelle  est 
la  source  de  ce  droit.  Nos  philo- 
sophes modernes,  et  quelques  ju- 
risconsultes qui  les  copient,  posent 
pour  principe  qu'aucun  homme 
n'a  reçu  Je  la  nature  le  droit  de 
commander  aux  autres.  La  liberté, 
disent-ils,  est  un  présent  du  ciel , 
chaque  individu  de  même  espèce 
a  le  droit  d'en  jouir  aussitôt  qu'il 
jouit  de  sa  raison  ;  de  là  ils  con- 
cluent qu'un  homme  ne  peut  être 
assujéti  à  un  autre  que  par  son 
consentement  libre ,  donné  en  con- 
sidération des  bienfaits  qu'il  en  a 
reçus,  ou  qu'il  en  espère;  sans 
doute  par  la  nature  ces  disserta - 
teurs  entendent  Dieu  qui  en  est 
l'auteur,  et  par.  la  liberté ,  l'indé- 
pendance de  toute  autorité  humai- 
ne. Nous  soutenons  que  ces  prin- 
cipes et  leurs  conséquences  sont 
autant  de  faussetés  aussi  opposées 
au  bon  sens  et  à  la  saine  philoso- 
phie ,  qu'aux  leçons  de  la  révéla- 
tion. 

Nousle  démontrons  d'abord  par 
deux  vérités  incontestables:  l'une, 
que  parla  nature,  c'est-à-dire, 
par  la  volonté  et  l'intention  da 
Créateur,  l'homme  est  destiné  à  la 
société  ;  cela  est  prouvé  par  la 
constitution,  par  les  besoins ^  par 
les  inclinations  de  l'homme  ;  et 
Dieu  lui-même  dit  après  l'avoir 
créé:  «  Il  n'est  pas  bon  que  l'hom- 
me soit  seul.  »  Gen.,  c.  2,  ^'.  18 
L'autre,  qu'aucune  société  ne  peut 
subsister  sans  subordination  ;  cela 
est  aussi  évident  qu'un  axiome  de 
géométrie  ;  donc  Dieu ,  fondateur 
de  la  société,  est  aussi  l'auteur  de 
toute  autorité.  Nous  défions  nos 
adversaires  de  renverser  ce  rai- 
sonnement. Dieu  n'a  pas  plus 
attendule  consentement  de  l'hom- 
me pour  le  soumettre  à  Vautorité^ 
que  pour  le  destiner  à  la  société; 
ce  consentement  n'csl  pas  plus 
nécessaire  pour   l'une    que  pour 


AUT 

Tîiutro.  Il  est  absurde  d'envisager 
les  homme»  comme  des  êtres  nés 
rortuilement  du  sein  de  la  terre, 
isolés  ,  indépendants  ,  sans  au- 
cune relation  mutuelle  ,  libres  de 
tout  engagement  et  de  tout  devoir 
naturel  ;  celte  hypothèse  sent  le 
matérialisme  le  plus  grossier.  Si 
l'homme  naissant  n'avoit  point  de 
dci'oi'rs ,  il  n'auroit  pas  non  plus 
de  droits;  et  il  lui  est  aussi  im- 
possible de  s'acquérir  un  droit 
que  de  s'imposer  un  devoir ,  à 
moins  que  l'un  et  l'autre  ne  soient 
ratifiés  d'avance  par  la  loi  éter- 
nelle du  Créateur. 

Examinons  toutes  les  espèces  de 
sociétés  que  l'homme  peut  for- 
mer ,  nous  verrons  sortir  de  la 
même  source  Vautorité  conjugale, 
paternelle  et  domestique,  V auto- 
rité civile  et  politique,  Vautorité 
ecclésiastique  ou  religieuse.  Le 
fait  et  les  principes,  la  conduite 
de  Dieu  et  sa  parole  ,  se  réunissent 
constamment  pour  démontrer 
l'absurdité  de  la  théorie  de  nos 
philosophes. 

Autorité  conjugale  ,  pater.- 
NELLE  et  domestique.  Elle  résulte 
de  la  société  entre  le  mari  et  son 
épouse,  entre  le  père  et  ses  en- 
fants, entre  le  maître  et  ses  servi- 
teurs :  Dieu  s'est  clairement  ex- 
pliqué sur  les  devoirs  qui  en  sont 
inséparables.  <c  II  n'est  pas  bon, 
M  dit  le  Seigneur ,  que  l'homme 
»  soit  seul  ;  faisons-lui  une  aide 
»  semblable  à  lui.  »  Gènes.,  c.a, 
7^.  i8.  Dieu  forme  une  femme  de 
la  substance  même  d'Adam  ;  la 
femme  est  donc  une  aide  donnée 
à  l'homme  ,  et  non  une  égale  qui 
ail  droit  de  lui  disputer  l'empire; 
il  est  la  souche  de  laquelle  elle  est 
sortie;  la  supériorité  de  force,  de 
tèle,  de  courage  accordée  à  l'hom- 
me, démontre  l'intention  du  Créa- 
teur. Après  le  péché.  Dieu  dit  à 
la  femme:  «  Tu  seras  sous  la  puis- 
"  sance  de  ton  mari,  et  il  exercera 
«  Vautorité  sur  foi  ,  »  c.  3  ,  J»^,  :G. 


AUT  27.^ 

Dieu  n'a  pa.s  demandé  le  consente- 
ment de  la  femme  pour  la  sou- 
meltre  à  son  époux,  et  s'ils  avoicnt 
stipulé  le  contraire,  Dieu  auroit 
annulé  le  contrat. 

Au  moment  même  qu'il  leur  ac- 
corde la  fécondité  ,  il  leur  donne 
Vautorité  SUT  leurs  enfants:  «Crois- 
»  sez,  multipliez,  peuplez  la  terre 
»  et  soumettez-la,  »  ci,  ^.  28. 
Ainsi  le  droit  de  soumettre  les 
enfants  est  attaché  au  pouvoir 
même  de  les  mettre  au  inonde ,  et 
cette  soumission  à  laquelle  Dieu 
condamne  les  enfants,  est  déjà  un 
bienfait  pour  eux  ;  en  leur  pres- 
crivant des  devoirs,  il  leur  donne 
des  droits,  puisqu'il  ordonne  à 
leurs  pères  et  mères  de  les  conser- 
ver. Dès  le  moment  de  la  concep- 
tion, il  est  défendu  au  père  et  à 
la  mère  de  détruire  l'ouvrage  de 
Dieu  ;  c'est  un  dépôt  duquel  ils 
lui  sont  responsables.  A.ussi  Eve, 
devenue  mère ,  s'écrie  :  «  J'ai  reçu 
»  de  Dieu  la  possession  d'un  hom- 
»  me,  »  c.  4  5  y •  I  ;  elle  regarde 
son  fils  comme  un  bien  qui  lui 
appartient,  mais  bien  précieux, 
qu'elle  3  reçu  de  Dieu,  à  la  con- 
servation duquel  elle  doit  donner 
tous  ses  soins.  Or  ,  où  seroit  la 
justice  et  la  réciprocité,  si  le  père 
et  la  mère  étoient  obligés  de  droit 
naturel  à  nourrir  ,  à  élever  ,  à 
conserver  un  enfant,  et  que  l'en- 
fant ne  leur  dilt  rien  dès  qu'il  se- 
roit en  état  de  se  passer  d'eux  ? 
Attendrons  -  nous  que  celui  -  ci 
consente  ,  par  reconnoissance  ,  à 
les  respecter  et  à  leur  obéir  ?  Dieu 
a  stipulé  d'avance  pour  le  genre 
humain  tout  entier  ;  et  l'effet  de 
celle  loi  irrévocable,  fondée  sur 
une  exacte  justice,  ne  peut  être 
frustré  par  aucune  convention. 

L'obligation  d'honorer  les  pères 
et  mères ,  et  de  leur  obéir ,  est  con- 
firmée par  la  punition  de  Cham  , 
c.  9  ,  X'.  25  ,  et  par  toute  l'histoire 
des  patriarches  ;  Dieu  attache  ses 
bienfaits  à  la  béncdirtion  qu'iJa 
i3 


274  AUT 

donnent  à  leurs  enfants,  et.  des 
châtiments  aux  malédictions  qu'ils 
prononcent  ;  lorsqu'il  dicte  sa  loi 
aux  Hébreux  ,  il  place  ce  devoir 
important  immédiatement  après 
le  commandement  de  lui  rendre 
un  culte.  Exod. ,  c.  20,  JÏ.  12. 

On  nous  objecte  que  Vauioriié 
paternelle  a  ses  bornes  :  qui  en 
doute  ?  Si  elle  n'en  avoit  point, 
elle  seroit  opposée  à  la  fin  pour 
laquelle  elle  a  été  donnée.  Dieu, 
sagesse  éternelle  ,  ne  se  contredit 
point  dans  ce  qu'il  fait:  il  a  établi 
Vauioriié  des  pères  et  mères  ,  afin 
de  les  intéresser  à  la  conservation 
de  leurs  enfants  ;  il  ne  leur  a  donc 
pas  accordé  le  droit  de  les  dé- 
truire :  il  leur  a  prescrit  des  de- 
voirs ,  par- là  même  il  a  borné 
leur  autorité,  et  il  en  est  de  même 
de  toute  autre  autorité  quelcon- 
que :  celle  -  ci  est  donc  bienfai- 
sante par  sa  nature,  c'est-à-dire, 
selon  l'intention  du  Créateur;  il 
l'a  établie  pour  faire  le  bien,  et 
non  pour  faire  le  mal.  Mais  lors- 
que le  dépositaire  de  Vautorité  en 
abuse.  Dieu  ne  l'en  dépouille  pas 
pour  cela ,  parce  qu'il  en  résulte- 
roit  un  plus  grand  mal  ;  et  lorsque 
ce  dépositaire  pèche  en  violant  ses 
devoirs ,  il  ne  nous  donne  pas  le 
droit  de  pécher  et  de  violer  les 
nôtres. 

il  est  faux  que ,  dans  l'état  de 
nature ,  Vautorité  paternelle  fini- 
Toit  aussitôt  que  les  enfants  se- 
roient  en  état  de  se  conduire  :  quel 
est  donc  cet  état  imaginaire  de  na- 
ture opposé  à  celui  dans  lequel 
Dieu  a  créé  le  genre  humain  ? 
Puisque  toute  obligation  est  réci 
proque,  le  père,  dans  ce  même 
état  fictif,  seroit  dispensé  de  con- 
server et  d'élever  son  fils ,  il  pour- 
roit  en  disposer  comme  du  petit 
d'un  animal  ;  et  c'est  ainsi  que 
pensoient  les  Grecs  et  les  Romains  ; 
mais  ne  rougit-on  pas  de  nous  re- 
mettre au  point  où  ils  étoient. 

Pour  éla)  er  cette  détestable  rao- 


AUT 

raie  ,  nos  philosophes  sont  allés 
plus  loin  ;  ils  ont  dit  que  la  qua- 
lité même  de  Créateur  ne  donne 
pas  à  Dieu  le  droit  de  commander 
aux  créatures  ,  qu'il  faut  y  ajouter 
les  attributs  de  sagesse  et  de  bon- 
té. Quoi  !  la  création  n'est-elle 
donc  pas  par  elle-même  un  effet 
de  bonté ,P  l'être,  la  conservation, 
ne  sont-ils  pas  déjà  un  bienfait ,  et 
le  commandement  de  Dieu  n'en 
est- il  pas  encore  un  autre?  A  en- 
tendre raisonner  nos  philosophes, 
on  diroit  que  Dieu  nous  fait  tort 
en  nous  donnant  des  lois  ,  qu'une 
liberté  illimitée  nous  seroit  plus 
avantageuse  qu'une  liberté  réglée 
et  bornée  par  la  loi  divine ,  et  que 
nous  serions  plus  heureux ,  si 
Dieu,  après  nous  avoir  créés,  nous 
avoit  livrés  à  nous-mêmes.  11  faut 
avoir  un  cœur  bien  dépravé  pour 
penser  et  raisonner  ainsi.  «  La  loi 
»  du  Seigneur,  dit  le  roi  prophète, 
»  est  la  droiture,  la  sagesse  et  la 
»  justice  même  ;  c'est  la  consola- 
»  tion  de  notre  cœur ,  la  lumière 
n  qui  nous  guide  ,  la  inaiu  qui 
»  nous  conduit ,  etc.  ;  c'est  un  tré- 
»  sor  plus  précieux  que  toutes  les 
»  richesses  de  l'univers  ;  il  fait  la 
»  douceur  et  le  seul  vrai  plaisir  de 
»  la  vie.  »  Ps.i8.  5^.  8.  Quoi  qu'ils 
en  disent ,  la  création  donne  le 
droit  d'anéantir  aussi- bien  que 
celui  de  conserver  ;  donc  elle 
donne,  à  plus  forte  raison,  le 
droit  de  commander  ,  et  Dieu  n'a 
pas  plus  besoin  de  notre  consen- 
tement pour  l'un  que  pour  l'autre. 
Bientôt  peut-être  on  nous  ensei- 
gnera que  ,  quand  il  ne  nous  fait 
pas  autant  de  bien  que  nous  en 
désirons ,  nous  avons  droit  de 
nous  révolter  contre  lui. 

Dans  les  premiers  temps  dumon- 
de,  un  père  âgé  de  plusieurs  siè- 
cles ,  qui  voyoit  cinq  ou  six  géné- 
rations de  sts  descendants ,  devoit 
être  à  leurs  yeux  un  personnage 
bien  respectable  ;  pouvoit-on  en- 
visager   SCS    volontés    autrement 


AUT 

que  comme  des  lois  ?  D'autre  pari, 
les  patriarches  ,  persuadés  que,  la 
fécond  lié.  est  un  don  de  Dieu,  que 
les  enfants  sont  un  dépôt  duquel  il 
demandera  compte,  qui  voyoient 
dans  cette  nombreuse  famille  leur 
force  et  le  présage  certain  de  leur 
prospérité,  dévoient  la  chérir  ten- 
drement. Ainsi  la  puissance  pa- 
ternelle ,  indépendante  pour  lors 
de  toute  loi  civile,  étoit  tempérée 
par  l'affection  naturelle,  par  l'in- 
térêt ,  par  la  religion  ;  l'Ecriture 
ne  nous  montre  aucun  exemple 
d'un  père  qui  en  ait  abusé.  Mais 
nous  voyons,  par  l'histoire  de 
Juda  et  de  Thamar ,  qu'un  chef 
de  famille avoit  droit  de  vie  et  de 
mort  sur  chacun  des  membres. 
Gen.,  c.  38,  f.  24.  Il  le  falloit  , 
puisqu'il  n'y  avoit  alors  aucune 
puissance  publique  que  Vaiilon'té 
paternelle  et  domestique. 

Lorsque  cette  société  s'est  aug- 
mentée par  l'acquisition  d'un  nom- 
bre de  serviteurs  ou  d'esclaves  ,  le 
chef  de  famille  a  exercé  sur  eux, 
de  droit  naturel ,  la  même  autorité 
que  sur  ses  enfants.  Au  mot  Es- 
clavage ,  nous  prouverons  que  , 
dans  l'origine  ,  cet  état  n'a  été 
contraire  ,  ni  au  droit  natui"el  de 
l'humanité,  ni  au  bien  commun; 
que  la  liberté  civile  des  serviteurs 
étoit  incompatible  avec  la  vie  no- 
made des  premiers  hommes,  et 
qu'elle  n'est  devenue  un  bien  que 
par  l'établissement  de  la  société 
civile.  Aussi  ne  voyons-nous  point 
Abraham  blâmé  dans  l'Ecriture 
sainte  d'avoir  eu  trois  cents  es- 
claves: Sara  son  épouse  châtie  Agar 
sa  servante  ,  qui  lui  manquoit  de 
respect;  lorsque  celle-ci  prit  la 
fuite,  un  ange  du  Seigneur  lui  or- 
donne de  retourner  et  de  s'humi- 
lier sous  la  main  de  sa  maîtresse. 
Gen.,  c.  16,  y/.  S 

Un  prisonnier  de  guerre  ,  desti- 
né à  la  mort,  se  trouve  heureux 
d'y  échapper  en  se  rendant  esclave, 
il  doit  la  vie  à  celui  qui  le  prend  à 


AUT  275 

son  service  ;  un  particulier  sans  res- 
source ,  exposé  à  périr  par  la  fairn 
trouve  un  maître  qui  s'oblige  à 
lui  fournir  la  subsistance  cl  à  ses 
enfants,  sous  condition  d'un  ser~ 
vice  perpétuel  ;  un  chef  de  famille 
rencontre  un  enfant  exposé  et  aban- 
donné, il  l'élève  et  l'entretient, 
dans  la  persuasion  que  cet  enfant 
lui  appartiendra.  Où  est  l'injus- 
tice dans  ces  différents  cas  ?  Quand 
il  y  auroit  un  contrat  dans  les  deux 
premiers,  il  n'y  en  a  point  dans  le 
troisième  ;  la  même  loi  naturelle 
qui  ordonne  à  un  chef  de  famille 
de  sauver  un  enfant  de  la  mort , 
quand  il  le  peut ,  commande  à  ce- 
lui-ci d'honorer  et  de  servir  son 
libérateur,  comme  s'il  étoit  né  de 
son  sang.  Il  n'est  ici  besoin  d'au- 
cun contrat  ni  de  convention  de 
part  ou  d'autre  ;  Dieu  y  a  suppléé 
d'avance  par  la  loi  éternelle  de  la 
justice  et  de  l'humanité;  et  sans 
cette  loi  suprême  ,  aucun  contrat 
ne  pourroit  avoir  force  de  loi  , 
ni  imposer  aucune  obligation  mo- 
rale. 

Nous  cherchons  vainement  dans 
la  nature  humaine  le  titre  de  cette 
liberté  prétendue  que  l'on  soutient 
être  un  don  du  ciel ,  don  fatal ,  qui 
exposeroit  l'espèce  humaine  à  une 
perte  inévitable.  Les  besoins  aux- 
quels la  nature  assujétit  l'homme 
dès  sa  naissance  jusqu'à  la  puber- 
té, les  accidents  auxquels  il  est 
exposé  d'ailleurs  ,  les  fautes  même 
qu'il  peut  commettre,  sont  un 
titre  de  dépendance  pour  toute  sa 
vie.  Si  c'est  la  nature  qui  établit 
cette  dépendance  ,  c'est  donc  elle 
aussi  qui  établit  Yautorité  :  l'une 
ne  peut  être  sans  l'autre, 

A  cette  voix  impérieuse  de  la 
nature,  Dieu  n'a  pas  manqué  d'a- 
jouter une  loi  positive  ;  l'Ecriture, 
parlant  de  nos  premiers  parents  , 
dit  que  Dieu  a  ordonné  à  chacun 
d'avoir  soin  de  son  prochain,  rnan- 
davit  mis  unicuique  de  proxiriio  suo. 
EccL,  c.  17,  "^ .  12.  Donc  il  a  or- 
18. 


276  AUT 

lionne  aussi  à  celui  qui  a  reçu  des 
soins,  d'honorer,  de  respecter,  de 
servir  son  bienfaiteur;  il  n'a  point 
attendu  le  consentement  libre  de 
l'un  ou  de  l'autre  pour  leur  im- 
poser cette  obligation.  Il  est  donc 
ïaux  que  Vauioriié  conjugale  ,  pa- 
ternelle ,  domestique,  soit  fondée 
sur  un  contrat;  elle  l'est  sur  la  loi 
divine,  naturelle  et  positive,  an- 
térieure à  toute  convention. 

Dans  l'origine  ,  cette  autorité 
n'étoit  point  illimitée  ,  puisque  la 
même  loi  qui  la  fondoit  lui  pres- 
crivoit  des  bornes  ;  mais  elle  étoit 
absolue  dans  ce  sens,  qu'elle  n'étoit 
encore  gênée  par  aucune  loi  hu- 
maine ;  au  -  dessus  d'elle  elle  ne 
voyoit  que  la  loi  divine ,  elle  s'é- 
tendoit  à  tout  ce  qui  étoit  néces- 
saire au  maintien  et  au  bien-être 
de  la  société  domestique.  Depuis 
l'établissement  de  la  société  civile 
et  des  lois  humaines,  VauiorUé pa- 
ternelle a  dû.  être  subordonnée  à  la 
puissance  publique  ,  par  la  même 
raison  que  l'intérêt  de  chaque  fa- 
mille doit  céder  à  l'intérêt  général 
de  la  société  entière.  Nous  voyons  , 
en  effet ,  V autorité  paternelle  Tts- 
treinte  par  les  lois  de  Moïse  ;  un 
enfant  rebelle  à  ses  père  et  mère 
est  condamné  à  mort ,  non  par  eux, 
mais  par  les  j  uges ,  et  c'est  le  peuple 
qui  est  chargé  d'exécuter  la  sen- 
tence. Deut. ,  c.  21 ,  ^.  18  :  police 
beaucoup  plus  sage  que  celle  des 
Grecs  et  des  Romains  ,  qui  attri- 
buoient  au  père  le  pouvoir  de  dis- 
poser de  la  vie  d'un  enfant  nou- 
veau -  né ,  de  l'exposer  ou  de  le 
vendre  jusqu'à  trois  fois  après  l'a- 
voir élevé.  La  loi  chrétienne  a  fait 
réformer  ce  désordre  ;  elle  a  res- 
serré et  sanctifié  les  obligations  des 
époux  ;  ils  ont  appris  par  elle  à 
respecter  et  à  chérir  davantage  un 
enfant  consacré  à  Dieu  par  le  bap- 
tême. 

C'est  dans  cet  état  de  chose  que 
des  philosophes  insensés  viennent 
attaquer  les  fondements  de  Vauto- 


AUT 

rîié  paternelle,  aussi  anciens  que  W 
monde ,  et  ébranler  du  même  coup 
toute  espèce  à''autorilé  ;  soutenir 
qu'aucune  n'est  donnée  par  la  na- 
ture ,  que  toutes  sont  établies  sur 
un  prétendu  contrat  qui  n'exista 
jamais,  sur  la  reconnoissanoe  des 
bienfaits  reçus ,  ou  sur  l'espérance 
de  ceux  que  l'on  recevra.  Ils  con- 
stituent aussi  les  inférieurs  juges 
et  arbitres  de  V  autorité  à  laquelle 
Dieu  leur  ordonne  d'être  soumis  ; 
bientôt  peut-être  ils  décideront 
qu'un  enfant  parvenu  à  la  puberté 
est  de  droit  et  par  nature  supérieur 
à  son  père.  Cette  morale  abomina- 
ble n'atteste  que  trop  la  diminution 
de  V autorité  paternelle ,  et  la  néces- 
sité de  la  renforcer  ,  s'il  étoit  pos- 
sible. On  le  sentira  mieux  encore 
en  lisant  l'article  suivant. 

Autorité  civile  et  politique. 
Par  des  accroissements  successifs  , 
une  famille  est  devenue  une  peu- 
plade ,  et  la  réunion  de  plusieurs 
a  formé  une  nation.  Soit  que  les 
peuplades  se  soient  réunies  par  I2 
voisinage  ,  par  un  commerce  mu- 
tuel ,  par  des  alliances  ,  ou  par  la 
nécessité  de  se  défendre  contre  des 
agresseurs  injustes,  cette  nouvelle 
société  pouYoit  encore  moins  sub- 
sister sans  subordination  qu'une 
société  domestique. L'habitude  d'o- 
béir à  un  père  disposoit  déjà  les 
membres  à  reconnoître  Vautorité 
d'un  chef  ;  aussi  le  gouvernement 
monarchique  paroît-il  le  plus  an- 
cien. Mais  soit  que  l'on  ait  établi 
un  seul  chef  ou  plusieurs,  la  source 
de  Vautorité  est  la  même  ;  Dieu  en 
avoit  prévu  et  préparé  le  besoin  ; 
il  s'en  est  rendu  le  garant  :  un  lé- 
gislateur quelconque  n'a  pu  avoir 
Vautorité  nécessaire  pour  obliger 
les  particuliers,  si  ses  lois  n'avoieut 
pas  été  autorisées  par  le  législateur 
suprême.  Quand  tous  les  membres 
sansexceptionyauroient  consenti, 
cela  suffiroit  peut-être  pour  faire 
régner  la  force  ,  mais  non  pour 
obliger  la  conscience  ;  autant  il  est 


AUX 

impossible,  à  iiii  homme  tic  s'im- 
poser à  soi-mcmc  une  obligation 
morale  ,  autant  il  est  incapable  de 
donner  à  un  autre  homme  Vautnn'/é 
et  le  droit  de  la  lui  imposer.  Quand 
il  auroit  promis  cent  fois  d'obéir  , 
qui  l'obligera  de  tenir  sa  parole  , 
s'il  n'y  a  pas  une  loi  antérieure  et 
éternelle  qui  lui  enjoint  de  tenir 
sa  promesse  ?  Quand  il  le  refuse- 
roit ,  qu'en  rcsulteroit-il  P  Toute 
la  société  ,  de  laquelle  il  veut  être 
membre  sans  en  observer  les  lois  , 
seroit  en  droit  de  le  traiter  comme 
un  ennemi ,  de  le  chasser  ou  de  le 
punir. 

Dès  qu'une  société  civile  ou  na- 
tionale est  une  fois  formée ,  elle  est 
obligée  ,  de  droit  naturel  ,  à  con- 
server et  à  protéger  toute  créature 
humaine  qui  naît  dans  son  sein  ; 
elle  en  est  censée  la  mère  ,  de  même 
que  Dieu  en  est  le  premier  père  ; 
à  son  tour ,  chaque  individu  est  , 
dès  sa  naissance  ,  soumis  aux  lois 
de  la  société  dans  laquelle  il  reçoit 
le  jour  ,  autrement  elle  nepourroit 
subsister.  Dieu  ,  qui  ordonne  à  la 
société  de  le  conserver  et  de  le  pro- 
téger parce  qu'il  est  homme  ,  lui 
commande  ,  par  réciprocité  ,  d'o- 
béir aux  lois  établies  et  à  Vautorîté 
qui  gouverne;  sans  cela  il  n'y  au- 
roit plus  d'égalité  ni  de  justice. 
Dieu ,  qui  n'a  pas  consulté  le  corps 
de  la  société  pour  lui  imposer  ce 
devoir ,  n'a  pas  plus  besoin  du  con- 
sentement de  chaque  particulier 
pour  l'assujétir  à  cette  obligation. 
Appeler  cette  réciprocité  de  devoir 
un  contrat  réel  ou  présumé  ,  un 
pacte  social ,  c'est  abuser  du  terme 
et  brouiller  toutes  les  notions  ;  il 
n'y  a  ici  liberté  ni  de  part  ni  d'au- 
tre ;  Dieu,  père  et  bienfaiteur  de 
l'humanité  ,  a  tout  réglé  et  toiit 
jircscrit  d'avance  ,  et  il  auroit  été 
absu/de  de  laisser  à  chaque  parti- 
culier une  liberté  destructive  de  la 
société. 

Dieu  est  donc  amsi  réellement 
l'aulcur  cl  le  fondateur  de  la  société 


AUT  .7; 

civile  que  de  la  société  conjugale  et 
domestique;  il  a  destiné  l'homme i 
l'une  et  à  l'autre  par  les  besoins  , 
par  les  inclinations  ,  par  les  pas- 
sions merne  qu'il  a  données  à  l'hom- 
me ,  et  qui  ont  besoin  d'un  frein  ; 
donc  il  est  aussi  le  seul  vrai  prin- 
cipe de  Vautoritc  civile  et  législa- 
tive :  sans  la  loi  divine  naturelle, 
les  lois  humaines  seroient  réduites 
à  la  seule  force  coactive  ;  mais  cette 
force  n'impose  pas  plus  une  obli- 
gation morale  que  la  violence  d'un 
voleur  armé. 

Aussi  l'Ecriture  sainte,  plus  sage 
que  la  philosophie,  nous  dit  que 
Dieu  a  établi  un  chef  sur  chaque 
nation  ,  in  unamquaniqiie  genterr 
posait  reciorem .  Eccl.  ,  c.  1 7 ,  y .  1 4  • 
Dès  que  Dieu  s'est  choisi  un  peu- 
ple particulier  ,  il  a  daigné  en  être 
le  législateur  ;  cette  fonction  étoit 
trop  auguste  pour  être  confiée  à  un 
homme  ;  mais  il  donna  à  INIoïse 
V autorité  àç.  faire  exécuter  les  lois, 
et  il  commanda  d'otablir  des  juges 
pour  en  faire  l'application  ;  il  pro- 
nonça la  peine  de  mort  contre  qui- 
connue  résisteroit  à  leur  sentence  : 
en  annonçant  que  les  Israélites  se 
choisiroient  un  roi',  il  lui  défendit 
d'opprimerson peuple.  Dcut.,  c. 1 7 , 
J^'.  g  ,  20.  Ainsi,  par  le  fait  et  par 
les  principes,  se  démontre  la  vérité 
de  la  maxime,  que  toute  puissance 
vient  de  JJieu. 

Mais  nos  adversaires  ,  aussi  ha- 
biles commentateurs  de  l'Ecriture 
sainte  que  profonds  raisonneurs  , 
nous  accusent  de  mal  traduire. 
Saint  Paul  dit,  Rom.,  c.  i3,  y.  i  : 
«  Que  toute  personne  soit  soumise 
»  aux  puissances  supérieures  ;  car 
»  il  n'est  point  de  puissance  qui 
»  ne  vienne  de  Dieu  ,  et  celles  qui 
n  sont ,  ont  été  ordonnées  ou  réglées 
»  par  lui  :  ainsi,  celui  qui  résiste 
»  à  la  puissance,  résiste  à  l'ordre 
»  de  Dieu.  »  Vous  avez  tort  ,  ré- 
pliquent nos  philosophes  ,  iJ  y  a  : 
celles  qui  sont  de  Dieu  sont  ordon- 
n,ées  ou  bien  réglées  ;  donc   ccHc3 


278  AUT 

qui  sont  mal  réglées  ou  mal  or- 
données ne  viennent  pas  de  Dieu. 
C'est  ainsi  qu'il  faut  l'entendre  , 
conformément  à  la  droite  raison  et 
au  sens  littéral  ;  car  enfin  n'y  a-t-il 
pas  des  puissances  injustes  ,  des 
autorités  usurpées  ,  établies  contre 
l'ordre  et  la  volonté  de  Dieu  i*  Faut- 
il  obéir  en  tout  aux  persécuteurs 
de  la  vraie  religion  i"  Et ,  pour  fer- 
mer la  bouche  à  l'imbécillité  ,  la 
puissance  de  l'antechrist  viendra- 
t-elle  de  Dieu  ?  etc. 

Sans  nous  émouvoir  de  cette  in- 
sulte ,  nous  disons  que  ce  commen- 
taire est  opposé  au  texte  ;  il  sup- 
pose que  saint  Paul,  après  avoir  dit 
qu'il  n'est  point  de  puissance  qui 
ne  vienne  de  Dieu ,  se  rétracte  ou 
restreint  cette  maxime  ,  et  décide 
que  la  puissance  ne  vient  de  Dieu 
que  quand  elle  est  bien  réglée.  Mais 
qui  décidera  si  elle  est  bien  ou  mal 
régléePLes particuliers,  sans  doute; 
avant  d'obéir  ils  examineront  si 
Vautorité  est  légitime  ou  usurpée  , 
si  les  lois  sont  justes  et  conformes 
à  la  volonté  de  Dieu  ;  si  elles  leur 
paroissent  injustes ,  lisseront  dis- 
pensés de  la  soumission  ,  et  ils  au- 
ront droit  de  résister  à  Vautorité. 
Excellente  morale!  C'a  été  celle  de 
tous  les  séditieux  et  de  tous  les  fa- 
natiques de  l'univers. 

i."  Saint  Paul  a  donc  eu  tort 
d'ordonner  aux  fidèles  en  général 
de  rendre  honneur ,  triL  Qt,  respect 
aux  puissances  établies  pour  lors  ; 
s'étoient  des  païens,  des  tyrans,  des 
persécuteurs,  de  vrais antechrists. 
Claude  etN.éronétoient  empereurs, 
etl'on  ne  soutiendrapas,  sans  dou- 
te ,  que  la  puissance  de  ces  monstres 
ctoit  fort  bien  réglée.  2.°  Saint 
Pierre  dit  sans  restriction  :  «  Soyez 
>»  soumis  pour  Dieu  à  toute  créa- 
»  ture  humaine  ,  au  roi  comme  le 
»  plus  élevé  en  dignité  ,  aux  offi- 
1»  ciers  qu'il  a  préposés  pour  punir 
»  les  malfaiteurs  et  protéger  les 
»  gens  de  bien  ;  parce  que  telle  est 
»  la  volonté  de  Dieu.  »  I,  Pclr.,  c.2, 


AUT 

y.  i3.'  3."  Le  Sage  parlant  à  des 
puissances  très-injustes,  leur  dit; 
«  Ecoutez,  vous  qui  gouvernez  les 
»  peuples ,  et  qui  voyez  avec  com- 
»  plaisance  les  nations  autour  de 
»  vous  ;  c'estDieu  qui  vous  a  donné 
»  Vautorité,  etvotrepuissancevient 
»  du  Très-Haut  ;  il  jugera  vos  ac- 
»  tions  et  vos  plus  secrètes  pensées, 
»  parce  qu'étant  les  ministres  de 
»  son  royaume  ,  vous  n'avez  pas 
»  gardé  les  lois  de  la  justice,  ni 
»  gouverné  selon  sa  volonté.  »  Sft- 
picnt.,  c.  6,  ^'.  3.  4'°  Les  premiers 
chrétiens  ,  quoique  persécutés  par 
les  empereurs  ,  leur  ont  obéi  dans 
tout  ce  qui  ne  tcnoit  point  à  la 
religion  ;  nos  apologistes  l'ont  ainsi 
représenté  auxcmpereursmemeset 
aux  magistrats  ;  ïertulJien  ,  saint 
Irénce  et  les  autres  Pères  ,  enten- 
dent comme  nous  les  paroles  de 
saint  Paul.  5.°  C'est  des  protestants 
que  nos  censeurs  ont  emprunté 
leur  théorie  touchant  les  fonde- 
ments de  Vautorité  ;  Jurieu  a  sou- 
tenu avant  eux  qu'il  n'y  a  aucune 
relation  de  maître  ,  de  serviteur  , 
de  père ,  d'enfant  ,  de  mari  et  de 
femme  ,  qui  ne  soit  établie  sur  un 
pacte  mutuel  ;  que  Vautorité,  fon-  g 
dée  sur  le  droit  de  conquête  ,  n'est  " 
qu'une  pure  violence,  etc. M.  Bos- 
suet  l'a  réfuté  sans  réplique ,  cin  ■ 
quième  avert.  aux  protest.,  n.  5o  et 
suivants.  6."  Cependant  les  plus  cé- 
lèbres commentateurs,  même  pro- 
testants ,  n'ont  pas  osé  tordre  le 
sens  de  saint  Paul ,  comme  le  font 
nos  jurisconsultes  modernes.  Voyei 
la  Synopse  des  critiques  sur  ce 
passage. 

Il  y  a  des  autorités  illégitimes  , 
des  puissances  usurpées ,  des  gou- 
vernements tyranniques ,  contrai- 
res à  la  volonté  et  à  la  loi  de  Dieu  , 
nous  en  convenons  ;  mais  enfin  ,  - 

dès  qu'elles  existent  et  sont  recon-        -■ 
nues  ,  il  est  de  l'intérêt  général  et  ■ 

dubicn  commun  qu'ellessoicntres- 
peclées  et  obéies,  parce  que  l'anar- 
chie  est  le  plus  grand  de  tous  les         ■ 


AUT 

maux.  Dans  quels  dangers  scroit  la 
société,  s'il  éloilpcrmisau  premier 
insensé  qui  jugera  l'au/onVe  injuste 
ou  illégitime  ,  de  lever  l'étendard 
et  de  sonner  le  tocsin  de  la  sédition 
contre  elle  ?  Alors  un  conquérant 
seroii  forcé  d'avoir  toujowrs  le 
glaive  levé  sur  la  tête  d'un  peuple 
conquis  ,  et  de  le  gouverner  avec 
un  sceptre  de  1er,  pour  lui  ôter  le 
pouvoir  de  secouer  le  joug.  Ainsi 
les  principes  de  nos  adversaires  , 
loin  de  favoriser  la  liberté  du  peu- 
ple ,  ne  tendent  qu'à  fournir  aux 
souverains  un  motif  ou  un  prétexte 
de  lui  ôter  toute  liberté. 

On  nous  demande  fièrement  s'il 
faut  donc  obéir  en  tout  aux  persé- 
cuteurs de  la  vraie  religion.  Non  , 
sans  doute  :  Jésus-Christ  a  posé  la 
limite  au-delà  de  laquelle  l'ou/on/e' 
civile  n'a  aucun  pouvoir  ;  il  a  or- 
donné de  rendre  à  César  ce  qui  est 
à  César ,  et  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu  : 
or ,  la  religion  est  à  Dieu  et  non  à 
César  ;  c'est  Dieu  qui  l'a  établie  , 
non-seulement  sans  le  concours  de 
Vautorité  civile,  mais  malgré  sa  ré- 
sistance ;  et  c'est  dans  ce  sens  que 
les  apôtres  ont  posé  pour  maxime 
qu'il  vautmieux  obéir  àDieu  qu'aux 
hommes.  Il  n'est  personne  qui 
ne  puisse  abuser  des  facultés  na- 
turelles qu'il  a  reçues  de  Dieu  , 
aussi-bien  que  de  Vautorité  dont 
il  est  dépositaire ,  et  il  ne  s'ensuit 
rien. 

Quelques  incrédules  ont  poussé 
la  démence  jusqu'à  dire  que  si  toute 
autorité  vient  de  Dieu  ,  la  peste  , 
la  guerre,  la  stérilité  et  les  autres 
fléaux  de  l'humanité  en  viennent 
aussi  ;  qu'il  ne  s'ensuit  pas  néan- 
moins qu'il  n'est  paspermis  de  s'en 
mettre  à  couvert  quand  on  le  peut. 
Ainsi ,  selon  leur  avis  ,  toute  au- 
torité est  un  iléau  de  l'humanité  , 
comme  la  guerre  ,  la  famine ,  ou  la 
peste.  Mais  est- il  démontré  que  la 
sociétéhumainepeut  se  passer  aussi 
aisément  d'une au/on'/r  quelconque 
pour  la  gouverner  ,  qjc  des  lléaux 


AUT  .7^ 

dont  nous  parlons  >'  Nous  prions 
ces  déclamateurs  insensés  de  citer 
l'exemple  d'une  société  civile  ou 
domestique  qui  ait  subsisté  et  pros- 
péré sous  une  anarchie  absolue.  Le 
vrai  iléau  de  l'humanité  seroit  cette 
liberté  chimérique  dontnos  adver- 
saires ont  l'imagination  frappée,  et 
qu'ils  ne  cessent  de  réclamer  :  avec 
ce  beau  privilège,  aucune  société 
ne  pourroit  se  maintenir  ,  et  les 
membres  ne  tarderoient  pas  de  se 
détruire  les  uns  les  autres.  L'hom- 
me ,  né  avec  des  passions  fougueu- 
ses ,  a  besoin  de  lois  qui  les  répri- 
ment, et  les  lois  n'auroient  aucune 
inlîuence  ,  s'il  n'y  avoit  pas  une 
autorité  armée  de  la  force  pour 
les  faire  exécuter. 

Avant  de  décider  que  les  souve- 
rains ont  reçu  de  leurs  sujets  Vau- 
torité dont  ils  sont  revêtus  ,  nos 
profonds  politiques  auroient  dû 
nous  apprendre  comment  les  sujets 
peuvent  donner  ce  qu'ils  n'ont  pas, 
et  ce  qu'ils  n'ont  jamais  eu.  On 
nous  dit  que  Vautorité  appartient 
de  droit  naturel  au  corps  de  la  so- 
ciété ,  qu'elle  ne  peut  s'en  dépouil- 
ler absolument  et  pour  toujours  , 
qu'elle  est  en  droit  de  la  reprendre 
lorsque  son  chef  ou  s&s  chefs  en 
abusent.  La  fausseté  de  ce  principe 
est  déjà  suffis.? mment  prouvée  ; 
mais  il  faut  achever  de  démontrer 
le  contraire  par  l'état  général  du 
genre  humain ,  afin  qu'il  ne  reste 
aucun  doute  sur  une  matière  si  im- 
portante. 

Dans  les  sociétés  les  plus  démo- 
cratiques ,  Vautorité  n'est  jamais 
entre  les  mains  du  plus  grand  nom- 
bre, mais  des  chefs  de  famille  cl 
des  principaux  citoyens;  les  fem- 
mes, les  jeunes  gens,  les  serviteurs, 
les  étrangers  résidants ,  n'y  ont 
point  de  part  ;  ils  font  cependant 
au  moins  les  trois  quarts  de  la  so- 
ciété. S'il  est  vrai  qu'aucun  homme 
n'a  reçu  de  la  nature  le  droit  de 
cornaianderà  sou  .semblable,  si  la 
liberté  est  un  don  du  (ici,  dont 


28q  AUT 

tout  hamme  a  droit  de  jouir  dès 
qu'il  t'ait  usage  de  sa  raison  ,  il  est 
clair  que,  dans  la  démocratie  même, 
la  quatrième  partie  qui  gouverne 
le  reste  a  usurpé  V autorité  ;  que  ce 
gouvernement  est  aussi  contraire 
au  droit  naturel  que  l'aristocratie 
et  l'état  monarchique.  Pour  que 
chaque  memhre  de  la  so  ciété  j  ouisse 
également  de  la  liberté,  il  faut  qu'il 
n'y  ait  plus  à'^autorité  ,  et  que  l'a- 
narchie soit  absolue. 

Dans  cet  état  des  choses,  voyons 
comment  Vautoriié  pourroit  naî- 
tre ,  et  quel  en  sera  le  fondement. 
Tous  les  membres  de  la  société  sont 
rassemblés  pour  établir  et  choisir 
un  gouvernement  ;  tous   doivent 
donner  leur   suffrage.   Qu'ils  re- 
ipettent  Vautoriié  aux  chefs  de  fa- 
mille,  à  un  sénat,  à  un  roi ,  cela 
nous  est  égal  ;  il  s'agit  de  savoir  ce 
que  peut  opérer  et  ce  que  signifie 
le  suffrage  que  chacun  donne  à  ce 
moment.  S'il  dit  -.je  vous  donne  la 
portion   d'autorité  que  fai  sur  la 
société ,  il    déraisonne  ,   puisqu'il 
n'en  a  réellement  aucune  ,  et  que 
l'anarchie  subsiste  encore.  S'il  en- 
tend :  je  vous  donne  /'autorité  que 
j^ ai  sur  moi,  cela  ne  se  peut  pas  ; 
il  est  absurde  qu'un  particulier  ait 
Vautoriié  sur  soi-même  et  soit  son 
propre  supérieur.  S'il  veut  dire  : 
je  vous  remets  ma  liberté  naturelle  , 
c'est  un  attentat  ;  une  liberté  ac- 
cordée par  la  nature  est  inaliéna- 
ble :  ainsi  le  veulent  nos  philoso- 
phes. Si  cela  signifie  :  je  vous  la 
dçnne  seulement  pour  un  temps  , 
sauf  à  la  reprendre  quand  il  me 
plaira,  le  don  est  illusoire;  don- 
ner ,  dit-on  ,  et  retenir  ,  ne  vaut. 
Ainsi,  le  simple  particulier  ne  peut 
donner    validement    ni    Vautoriié 
qu'il  n'a  pas,  ni  la  liberté  qu'il  a. 
Si  nous  supposons  qu'il  dit   :  je 
vous  choisis  pour  subvenir  au  besoin 
que  la  société  dont  je  suis  membre  a 
S  être  gouvernée ,  cela  se  comprend  ; 
inais  alors  ce  particulier  ne  fait 
^ue  céder  aune  oécessité  dont  Dieu 


AUT 

même  est  l'auteur  ,  et  son  consen- 
tement n'est  pas  libre.  S'il  dit  -.je 
vous  choisis  pour  exercer  au  nom  de 
Dieu  /'autorité  qu^il  a  sur  nous  tous, 
cela  se  conçoit  encore  mieux  ,  et 
alors  c'est  Dieu  et  non  l'homme 
qui  revêt  de  Vautoriié  le  dépositaire 
choisi  par  la  société.  Nous  défions 
nos  adversaires  de  donner  un  autre 
sens  raisonnable  au  suffrage  d'un 
électeur  quelconque. 

Enfin ,  l'absurdité  de  leurs  prin- 
cipes est  palpable  ,  par  les  consé- 
quences énormes  qui  s'ensuivent. 
En  supposant  que  toute  autorité  est 
donnée  en  considération  des  bien- 
faits reçus  ou  que  l'on  espère  ,  ils 
ont  décidé  qu'une  socfété  qui  ne 
procure  aucun  bien  à  ses  membres, 
perd  le  droit  de  leur  commander; 
que  tout  membre  mécontent  de  son 
sort  a  le  droit  de  se.  détruire  et  de 
priver  la  société  de  ses  services. 
Suivant  cette  morale,  le  méconten- 
tement de  ce  membre  le  dépouille 
de  l'humanité ,  et  le  met  dans  l'état 
de   pure  animalité  ,    puisqu'il  ne 
tient  plus  à  la  société  humaine.  Y 
eut-il  jamais  une  société  qui  n'ait 
procuré  et  ne  procure  aucun  bien 
à  ses  membres  ?  Elle  a  veillé  à  leur 
conservation  même  avant  kur  na  is- 
sance  ;  ils  sont  redevables  à  ses  lois 
de  l'éducation  qu'ils  ont  reçue,  de 
la  sûreté  dont  ils  ont  joui  ,   des 
mœurs  qu'ils  ont  contractées ,  des 
plaisirs  de  l'adolescence  ,  de  leurs 
vertus  s'ils  en  ont  ;  leurs  vices  sont 
leur  propre  ouvrage ,  et  de  là  vient 
le  malheur  qu'ils  imputent  à  la  so- 
ciété. Si  Vautoriié,  en  général ,  étoit 
aussi  malfaisante  que  nos  philoso- 
phes ingrats  le  supposent ,  elle  ne 
souffriroit  pas  aussi  patiemment 
les  insultes  qu'ils  lui  font.  Nou.'^ 
nous  garderons  bien  de  copier  les 
conseils  abominables  que  quelques- 
uns  ont  donnés  aux  sociétés  mécon' 
tentes  de  leurs  chefs. 

La  plupart  ont  reproché  à  la  mo- 
rale chrétienne  de  favoriser  le  des- 
potisme des  souverains  ,  en  ren- 


A  LIT 

»lant  lotir  autorilc  sacn-c.  A-t-il 
donc  été  possible  aux  chréticnsscn- 
sés  de.  méconnoître  une  vérité  sentie 
même  par  les  païens  i*  Hésiode  et 
Homère  disent  que  les  rois  sont  les 
lieutenants  de  Jupiter ,  et  que  c'est 
lui  qui  les  a  placés  sur  le  trône  ; 
les  Chinois  ,  que  les  princes  ont 
reçu  leur  commission  du  ciel  ;  Zo- 
roaslre  ,  qu'Ormudz  ,  ou  le  bon 
principe,  a  établi  les  rois  pour  gou- 
verner les  peuples.  Une  preuve  po- 
sitive de  l'heureuse  intluence  de  la 
morale  chrétienne  sur  les  gouver- 
nements ,  c'est  que  la  puissance 
souveraine  n'est  nulle  part  plus 
tempérée  et  plus  sagement  réglée 
que  chez  les  nations  éclairées  par 
les  lumières  de  l'Evangile  ;  partout 
ailleurs  le  despotisme  et  l'esclavage 
sont  établis.  Constantin  ,  premier 
empereur  chrétien  ,  est  aussi  le 
premier  qui,  par  ses  lois,  ait  mis 
des  bornes  au  despotisme  exercé 
par  ses  prédécesseurs.  Voyez  Loi  , 
Roi  ,  etc. 

Autorité  reugiex:se  ou  ecclé- 
siastique. Nous  entendons  par  là 
Vauiorilé  des  pasteurs  de  l'Eglise 
sur  les  simples  fidèles.  Lorsqu'un 
chrétien  est  convaincu  que ,  depuis 
le  commencement  du  monde ,  Dieu 
a  révélé  et  prescrit  aux  hommes  la 
religion,  c'est-à-dire,  le  cul  le  qu'il 
exigeoit d'eux,  il  ne  peut  plus  dou- 
ter si  c'est  Dieu  qui  a  donné  aux 
pasteurs  Vautoriié  nécessaire  pour 
enseigner  les  fidèles  ,  et  pour  les 
guider  dans  la  voie  du  salut. 

Dans  l'état  de  société  purement 
domestique ,  le  chef  de  famille  étoit 
aussi  le  ministre  du  culte  divin  ;  les 
enfants  d'Adam ,  Noé  ,  Abraham  , 
Jacob  ,  ont  offert  des  sacrifices  ; 
Melchisédech,  roi  de  Salem,  étoit 
aussi  prêtre  du  Dieu  Très -Haut. 
Gen.,  c.  i4,  y^-  1 8.  Mais,  lorsque 
plusieurs  peuplades  réunies  ont 
formé  une  société  civile,  ii  a  été 
convenable  que  la  puissance  tem- 
porelle et  Vaulorité  spirituelle  ne 
fussent  plus  réunies  dans  la  même 


AIT  28, 

personne.  Dieu,  en  donnant  sa  loi 
aux  Hébreux,  choisit  la  tribu  de 
Lévi  pour  faire  les  fonctions  du 
culte  divin  ;  il  confia  Vautoriié  ci- 
vile et  politique  à  Moïse  et  aux 
juges.  Jésus-Christ,  qui  a  paru  sur 
la  terre  lorsque  les  nations  avoient 
une  législation  civile  établie  ,  n'y 
a  dérogé  qu'en  ce  qui  regardoit  la 
religion  ;  il  a  donné  aux  apôtres 
et  à  leurs  successeurs  la  puissance 
spirituelle,  ou  l'aM/or/'/c  nécessaire 
pour  faire  croire  la  doctrine  et  ob- 
server la  morale  de  l'Evangile  :  c'est 
cf  que  l'on  nomme  V autorité  de  VE~ 
glise  ;  et  l'on  comprend  que  dans 
cette  expression  l'Eglise  est  le  corps 
des  pasteurs  ,  et  non  l'assemblée 
des  fidèles. 

Cette  autorité  est  évidemment 
divine,  puisque  Jésus-Christ  est 
Dieu  ;  elle  est  indépendante  de  la 
puissance  civile,  puisque  le  Sau- 
veur a  établi  son  Evangile  malgré 
les  puissances  de  la  terre;  elle  ne 
la  gène  point,  puisque  la  puissance 
civile  ne  s'étend  point  à  la  leli- 
gion;  elle  ne  l'affoiblit  point  ,  au 
contraire,  elle  la  renforce  par  les 
leçons  d'obéissance  qu'elle  fait  aux 
peuples.  Jésus-Christ  a  dit  à  ses 
apôtres  :  «  Touie  puissance  m'a  été 
»  donnée  dans  le  ciel  et  sur  la  terre; 
»  allez  donc,  enseignez  toutes  les 
»  nations,  baptisez-les  au  nom  du 
»  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit, 
»  et  apprenez-leur  à  garder  tout 
»  ce  que  je  vous  ai  ordonné  ;  je 
«  suis  avec  vous  jusqu'à  la  consom- 
»  inationdessiècies.))Mâ//A.,  c.28, 
^'.  18.  Lorsque  les  souverains  et 
les  peuples  ont  embrassé  le  chris- 
tianisme, ils  se  sont  soumis  à  cet 
ordre  suprême. 

Mais  aucune  vérité  n'est  à  cou- 
vert des  attentats  de  l'hérésie.  Pour 
avoir  droit  de  se  révolter  contre 
une  autorité  établie  depuis  seize 
siècles,  les  sectaires  ont  dit  que 
Jésus  -  Christ  a  donné  Vautoriié 
spirituelle  à  VEglise,  c'est-à-dire, 
à  l'assemblée  des  fidèles;  et  non  aux 


28a  Airr 

pasteurs;  que  ceux-ci  la  reçoivent 
de  V Eglise,  et  non  d'ailleurs  ;  qu'ils 
sont  simples  mandataires  des  fidè- 
les ;  qu'ils  n'ont  à^aulorité  sur  le 
troupeau  qu'autant  que  les  oua i II es 
trouvent  bon  de  leur  en  accorder. 
Jésus-Christ,  en  donnant  la  mis- 
sion à  ses  apôtres,  parloit-il  donc 
i  l'assemblée  des  fidèles,  qui  n'exis- 
toit  pas  encore?  Trouvera-t-on 
dans  l'Ecriture  que  Jésus  -  Christ 
a  donné  aux  fidèles  la  commission 
d'enseigner  et  de  gouverner  leurs 
pasteurs  ?  Sans  doute  ,  comme  on 
V  a  trouvé  que  c'est  aux  enfants 
de  commander  à  leurs  pères  et  au 
peuple  de  maîtriser  les  rois. 

Comme  les  prédicants  ne  pou- 
voient  établir  leur  secte  que  par 
une  autorité  divine,  il  a  fallu  re- 
courir aux  puissances  séculières  ; 
ce  sont  elles  qui  ont  fondé  par 
leurs  lois  les  églises  luthérienne , 
calviniste  et  anglicane  :  aussi  n'a- 
t-on  pas  manqué  d'enseigner  que 
Dieu  a  donné  aux  rois  et  aux  ma- 
gistrats le  droit  et  le  pouvoir  de 
régler  et  de  prescrire  la  doctrine 
et  la  discipline  de  l'Eglise  ;  et  cela 
s'est  trouvé  à  point  nommé  dans 
l'Ecriture  sainte.  Mais  lorsque 
l'intérêt  a  changé,  l'on  y  a  trouvé 
aussi  que  les  souverains,  à  leur 
tour,  ne  sont  que  les  mandataires 
de  leurs  sujets  ;  que  leur  autorité, 
lorsqu'ils  en  abusent,  est  aussi 
révocable  que  celle  des  pasteurs. 
Bien  entendu  que  celte  nouvelle 
doctrine  n'a  été  prêchée  que  dans 
les  états  républicains  ;  dans  les 
autres  ,  le  souverain  ne  l'auroit 
pas  soufferte. 

Malgré  les  anathèmes  lancés 
contre  ces  erreurs,  quelques-uns 
«le  nos  jurisconsultes  modernes 
ont  osé  les  renouveler,  et  ont  suivi 
la  même  marche  que  les  protes- 
tants :  ils  ont  soutenu  d'abord  que 
les  pasteurs  de  l'Eglise  ne  peuvent 
légitimement  exercer  aucune  fonc- 
tion publique  de  leur  ministère, 
ni  faire  aucun  acte  à"" autorité  cc- 


AUT 

clésiastique,  sans  l'agrément  cl  l'a- 
veu de  la  puissance  civile;  ensuite, 
pour  compléter  le  système,  on 
prétend  aujourd'hui  que  les  rois 
tiennent  toute  leur  au/or/ïe  deleurs 
sujets,  qu'elle  ne  vient  pas  plus 
de  Dieu  que  celle  des  pasteurs  ne 
vient  de  Jésus-Christ.  Ainsi  ,  les 
gouvernementsnepeuventplnsêtre 
dupes  du  zèle  hypocrite  que  l'on 
avoit  affecté  d'abord  pour  la  pré- 
tendue su;?r<;>/2n/ic  de  leur  pouvoir. 

Dans  l'article  précédent,  nous 
avons  démontré  que  Dieu  est  le 
seul  et  véritable  auteur  de  la  puis- 
sance civile  et  politique,  quelque 
soii  le  sujet  dans  lequel  elle  réside. 
Au  motPASTEURS,  nous  ferons  voir 
que  leur  autorité  vient  de  Jésus- 
Christ,  et  n'est  soumise  à  aucune 
autre  ;  que  Vautorité  de  V Eglise  est 
celle  des  pasteurs,  elnon  du  corps 
des  fidèles. 

Il  faut  distinguer  Vautorité  de 
V Eglise  en  matière  de  foi,  et  Son 
autorité  en  fait  de  discipline.  La 
première  est  la  mission  même  que 
les  apôtres  et  leurs  successeurs  ont 
reçue  de  Jésus-Christ  pour  ensei- 
gner les  fidèles,  mission  qui  im- 
pose à  ceux-ci  l'obligation  decroi- 
re  ;  il  a  dit  aux  apôtres  :  «  Celui 
))  qui  vous  écoute  m'écoule  moi- 
»  même,  et  celui  qui  vous  méprise 
»  me  méprise.  »  Luc,  c.  lo,  "f  •  i6- 
A  l'article  Mission,  nous  prouve- 
rons que  celle  des  apôtres  ne  s'est 
pastcrminéeà  eux,  mais  qu'elle  a 
passé  à  leurs  successeurs,  et  durera 
autant  que  l'Eglise. 

Sans  aucun  égard  pour  la  mis- 
sion, les  protestants  soutiennent 
que,  pour  régler  sa  croyance  ,  le 
simple  fidèle  ne  doit  point  s'en 
rapporter  à  Vautorité  de  VEglise 
ou  à  l'enseignement  des  pasteurs  , 
mais  qu'il  doit  examiner  par  l'Ecri- 
ture sainte  ce  qui  est  révélé  de 
Dieu,  ou  non  révélé,  par  consé- 
quent vrai  ou  faux,  certain  ou 
douteux;  les  catholiques  prétendent 
le  contraire,  conséquemment  ceux- 


AUT 

ci  s'en  iicuueul  à  la  voif  (runlorilc, 
ft  les  premiers  à  la  voie  (V examen. 
Il  faut  donc  voir  d'abord  lequel 
de  ces  deux  procédés  est  le  plus 
aisé  ou  le  plus  possible  à  un  simple 
fidèle,  de  s'assurer  de  VauiorUé  di- 
vine de  l'Ecriture  sainte ,  ou  de 
constater  la  mission  divine  des 
pasteurs  de  VEglise.  Nous  soute- 
nons que  le  premier  de  ces  examens 
estimpossible  au  commun  des  fidè- 
les, et  que  le  second  est  très-aisé. 

Pour  fonder  notre  foi  sur  la 
seule  autorité  de  l'Ecriture  sainte, 
il  faut  être  certain,  i.°  que  tel 
livre  est  canonique ,  écrit  par  un 
auteur  inspiré,  et  que  c'est  véri- 
tablement la  parole  de  Dieu  ;  si 
c'étoit  un  livre  supposé,  apocry- 
phe ,  altéré  ,  rempli  d'erreurs  ,  il 
n'auroit  aucune  autorité.  2.°  Qu'il 
a  été  fidèlement  traduit,  et  que  la 
version  rend  exactement  le  sens 
du  texte  original.  3.°  Que  le  sens 
du  livre  est  véritablement  tel 
qu'il  nous  paroît ,  que  nous  ne 
nous  trompons  point  dans  la  ma- 
nière dont  nous  l'entendons.  Il 
n'est  aucun  de  ces  trois  points  sur 
lequel  il  n'y  ait  des  disputes  entre 
les  croyants  et  les  incrédules,  entre 
les  catholiques  et  les  hérétiques  ; 
un  simple  fidèle  est  évidemment 
incapable  d'entrer  dans  toutes  ces 
contestations,  à  plus  forte  raison 
de  les  décider. 

Pour  être  assuré  de  Vautorité  di- 
vine et  infaillible  de  VEglise ,  il 
faut  être  convaincu,  i.°  de  la  mis- 
sion des  apôtres  ,  2.°  de  la  succes- 
sion légitime  des  pasteurs  qui  les 
remplacent.  La  mission  divine  des 
apôtres  est  constatée  par  les  mêmes 
preuves  quiétablissent  la  divinité  de 
la  religion  chrétienne,  et  que  nous 
liommons  motifs  de  crédibilité  ; 
cesont  les  miracles  de  Jésus-Christ, 
ceux  des  apôtres,  leurs  vertus,  leur 
martyre,  leurs  succès,  le  monde 
changé  par  le  christianisme:  preuve 
démonstrative,  à  portée  des  plus 
grossiers, La  succession  îîcspaslcurs 


AUT 


283 


de  VEglise  par  la  voie  de  l'ordina- 
tion est  un  fait  public,  incontes- 
table, sur  lequel  personne  n'est 
tenté  de  former  des  doutes  et  de 
disputer.  Dans  le  sein  de  VEglise 
catholique,  un  simple  fidèle  a  le 
même  degré  de  certitude  en  matière 
de  foi,  qu'il  a  de  ses  intérêts  les 
plus  chers,  de  sa  naissance,  de  ses 
droits,  de  ses  devoirs  naturels  et 
civils;  la  certitude  morale  estpous- 
sée  au  plus  haut  degré  de  notoriété. 

Une  preuve  de  la  nécessité  de 
cette  méthode,  c'est  qu'elle  est 
suivie  dans  les  sectes  mêmes  qui 
fontproiessiondela  rejeter.  Avant 
de  lire  l'Ecriture  sainte,  un  luthé- 
rien, un  calviniste,  un  socinien  , 
sont  imbus  déjà  dès  l'enfance,  par 
leur  catéchisme  ,  de  la  doctrine 
de  leur  communion.  Le  premier 
trouve  dans  l'Ecriture  sainte  le  lu- 
théranisme ;  le  second  y  voit  le  cal- 
vinisme; le  troisième  y  découvre  la 
docti  iiie  de  Socin.Ce  n'est  donc  pas 
le  sens  de  l'Ecriture  qui  les  guide, 
c'est  leur  croyance  antérieure  qui 
décide  poureux  du  sens  de  l'Ecritu- 
re. Voyez  EcrjTURE  sainte,  Eglise. 

Une  autre  question  est  desavoir 
si  en  matière  de  discipline  VEglise  a 
Vautorité Ac  faire  des  lois,  et  d'obli- 
gerpar  des  peines  les  fidèles  à  les  ob- 
server. VoyezhoiS  ECCLÉSIASTIQUES. 

Comme  toutes  les  contestations 
entre  VEglise  catholique  et  les 
sectes  hétérodoxes  se  réduisent  à 
savoir  quelle  est  la  voie  la  plus 
certaine  pour  connoître  la  vraie 
doctrine  de  Jésus-Christ ,  il  est 
bon  de  faire  voir  que  notre  mé- 
thode est  fondée  sur  un  principe 
unique  et  simple,  dont  les  consé- 
quences sont  palpables.  Ce  prin- 
cipe est  que  la  Hdigion  chrétienne 
est  une  Hcligion  révélée. 

De  là  nous  concluons,  i.°  donc 
nous  devons  la  l'ecevoir  par  l'or- 
gane de  ceux  que  Dieu  a  spéciale- 
ment chargés  de  l'enseigner,  et 
non  par  un  autre  canal.  ,,Tout 
liomiDc  qui  n'est  point  envoya  de 


284  AUT 

Dieu  ,  qui  n'est  point  revêtu  d'une 
irission  divine,  est  sans  caractère  et 
sans  autorité  pour  dogmatiser;  les 
talents,  les  lumières,  la  sainteté,  et 
tous  les  avantages  possibles  ne  peu- 
vent suppléer  au  défaut  de  mission. 
Jésus-Christ  l'avoit  donnée  à  ses 
apôtres  ;  ceux-ci  l'ont  conimuni- 
quée  à  leurs  successeurs  ;  ils  ont 
voulu  que  cette  mission  fiit  attes- 
tée par  Vordination  donnée  à  la  face 
de  VEglise;  ainsi  le  christianisme 
s'est  perpétué  jusqu'à  nous,  ainsi 
il  doit  se  conserver  jusqu'à  la  fin 
des  siècles. 

Il  s'ensuit,  2.°  que  la  révélation 
du  christianisme ,  qui  est  un  fait 
général,doit  se  prouver  comme  tout 
autre  fait,  par  la  tradition  orale,par 
l'histoire  écrite,parlesmonuments, 
o u  par  les  rites  extérieurs  qui  y  son  t 
relatifs.  Puisqu'ici  la  certitude  mo- 
rale ne  peut  être  poussée  trop  loin , 
et  que  notre  foi  ne  peut  être  trop 
ferme,  aucune  de  ces  trois  preu- 
ves ne  doit  être  rejetée  ;  de  leur 
concert  parfait  résulte  le  plus 
haut  degré  de  certitude  et  de  no- 
toriété possible.  C'est  ainsi  que 
l'on  procède  dans  toutes  les  ques- 
tions que  l'on  peut  former  sur  un 
fait  important  ^  duquel  dépendent 
nos  intérêts  les  plus  chers. 

3.0  Que  le  fait  général  de  la  ré- 
vélation du  christianisme  se  ré- 
sout et  se  décompose  en  une  mul- 
titude de  faits  particuliers  qui 
doivent  se  prouver  par  les  mêmes 
signes  que  le  fait  général.  Toute 
question,  en  matière  de  religion  , 
se  réduit  à  demander  :  Jésus-Christ 
et  les  apôtres  ont-ils  enseigné 
telle  doctrine?  Qu'ils  l'aient  écrite 
ou  non ,  cela  ne  décide  rien , 
puisqu'en  matière  de  fait  il  reste 
deux  autres  preuves,  la  tradition 
et  les  monuments.  Quand  les  apô- 
tres n'auroient  écrit  nulle  part 
que  le  baptême  est  nécessaire  au 
salut,  il  nous  suffiroit  de  savoir 
par  l'histoire  qu'ils  ont  voulu  que 
lout  fidèle  fût  baptise,  cl  que  Toi) 


ALT 

ii'a  jamais  tenu  un  homme  pots 
chrétien,  à  moins  qu'il  ne  fùtbaj)- 
tisé  ou  n'eût  désiré  de  l'être.  Pour 
savoir  quels  effets  ils  ont  attribues 
au  baptême,  nous  n'avons  besoin 
que  de  considérer  les  cérémonies 
avec  lesquelles  ce  sacrement  fut 
toujours  administré. 

Nous  concluons,  4-°  que  toute 
autorité  en  matière  de  foi  se  ré- 
duit au  témoignage.  Lorsqu'il  est 
constant,  imiforme  ,  universel  de 
la  part  des  différentes  Eglises  ou 
sociétés  chrétiennes  dispersées 
dans  le  monde  ,  il  ne  peut  être 
faux.  Lorsque  les  témoins  sont 
révêtus  de  caractère,  jurent  et 
protestent  qu'il  ne  leur  est  ni  per- 
mis ni  possible  d'altérer  le  fait 
dont  ils  déposent,  leur  attestation 
est  plus  forte  et  plus  respectable. 
Tel  est  le  témoignage  des  Eglises 
dispersées,  énoncé  par  la  bouche 
de  leurs  pasteurs.  Lorsqu'on  met 
en  question  si  VEglise  a  une  auto- 
rité en  matière  de  foi,  c'est  comme 
si  l'on  demandoit  :  UEglise  est-elle 
admissible  à  rendre  témoignage 
par  la  bouche  des  pasteurs ,  pour 
attester  qu'elle  est  la  croyance  des 
différentes  sociétés  qui  la  compo- 
sent, et  ce  témoignage  est-il  digne 
de  foi  ? 

5.°  Il  en  résulte  que  la  catholicité 
ou  l'uniformité  de  doctrine  entre 
ces  sociétés  dispersées  est  la  vraie 
règle  à  laquelle  les  grands  et  les 
petits,  les  savants  et  les  ignorants 
doivent  faire  attention  ,  donner 
leur  confiance.  Lorsqu'entre  plu- 
sieurs preuves  il  s'en  trouve  une 
qui  est  également  à  portée  de  tous, 
et  qui  supplée  à  toutes  les  autres, 
il  est  naturel  que  tous  y  aient  re- 
cours et  se  reposent  sur  elle.  Il 
seroit  absurde  de  renvoyer  les  sim- 
ples fidèles  à  des  lectures,  à  des 
discussions  sur  des  livres  et  des 
passages,  à  des  raisonnements  dont 
ils  sont  évidemment  incapables. 

Nousconcluons  enfin,  donc  tout 
docteur  qui  veut  établir  un  poinî 


AUT 

de  dogme  par  une  des  trois  preu- 
ves dont  nous  avons  parle,  et  re- 
jette les  deux  autres,  qui  veut 
conserver  la  tradition  par  le  si- 
lence de  l'Ecriture,  au  lieu  de  sup- 
pléer à  ce  silence  par  la  tradition 
et  par  l'énergie  des  monuments, 
se  rend  suspect  de  fraude.  S'il 
manque  d'ailleurs  du  caractère 
essentiel  à  l'enseignement,  de  mis- 
sion divine  et  légitime,  c'est  un 
prévaricateur  ;  s'il  résiste  au  té- 
moignage et  à  la  décision  àcVJiglise, 
c'est  un  hérétique. 

Outre  l'enchaînement  et  l'évi- 
dence de  ces  conséquences  ,  nous 
avons  pour  nous  l'usage  observé 
constamment  depuis  les  apôtres 
jusqu'à  nous.  Lorsqu'une  dispute 
sur  le  dogme  s'est  élevée,  les  pas- 
teurs se  sont  assemblés  ;  ils  ont 
dit  :  Voilà  ce  que  nous  enseignons 
aux  fidèles,  ce  que  nous  avons  trou- 
vé, établi  et  professé  dans  VEglise 
dont  le  gouvernement  nous  est 
confié.  Lorsque  ces  témoignages 
se  sont  trouvés  uniformes,  unani- 
mes ,  ou  presque  unanimes,  ils  ont 
dicté  la  décision,  et  on  a  dit  ana  - 
thème  à  ceux  qui  résistoient.  Si 
l'on  est  entré  avec  ces  derniers 
dans  la  discussion  des  passages  de 
l'Ecriture  et  des  raisonnements 
qu'ils  objectoient,  c'a  été  pour  les 
mieux  confondre.  La  seule  expli- 
cation certaine  et  infaillible  de 
l'Ecriture,  est  l'enseignement  con- 
stant et  uniforme  de  VEglise. 

Ainsi  ont  raisonné  au  second 
fiiècle  saint  Irénée,  pour  réfuter 
les  hérétiques  de  ce  temps  -  là  ; 
au  troisième ,  Tertullicn  dans  ses 
Prescriptions  contre  eux  ;  au  qua- 
trième, les  Pèrts  qui  ont  disputé 
contre  les  ariens  ;  et  cette  méthode 
n'a  jamai.s  changé. 

Ainsi  ont  été  forcés  d'agir  les 
protestants  eux-mêmes,  lorsqu'ils 
ont  disputé  dans  leurs  synodes 
contre  les  socîniens,  pour  savoir 
s'il  faut  baptiser  les  enfants,  et  si 
le  baptême  leur  est  nécessaire  ;  au 


AUT  285 

silence  de  l'Ecriture  objecté  par 
les  sociniens  ,  aux  passages  mêmes 
sur  lesquels  ils  se  fondoient ,  les 
protestants  ont  voulu  opposer  la 
pratique  constante  et  générale  de 
VEglise. 

Qu'ont  répliqué  les  socinicna? 
Vous  en  revenez,  ont-ils  dit,  au 
principe  des  catholiques,  quevous 
laites  profession  de  rejeter  aussi- 
bien  que  nous.  Le  fondement  de 
votre  croyance  et  de  la  nôtre  est, 
que  toute  question  doit  être  déci- 
dée par  l'Ecriture  seule. 

Quand  il  a  fallu  prendre  parti 
sur  les  contestations  survenues 
entre  les  arminiens  et  les  goma- 
ristes  ,  les  ministres  assemblés  à 
Dordrecht  ont  décidé,  à  la  plura- 
lité des  suffrages,  que  le  sentiment 
des  arminiens  est  contraire  à  l'E- 
criture, et  que  ceux-ci  prenoient 
mal  le  sens  des  passages  sur  les- 
quels ils  se  fondoient.  Mais  nous 
demandons  par  quelle  voie  un 
simple  calviniste  peut  être  assuré 
que  les  gomaristes  ont  mieux  pris 
le  sens  de  l'Ecriture  que  les  armi- 
niens î* 

Il  nous  paroît  plus  naturel  de 
déférer  au  témoignage  des  éveques, 
lorsqu'ils  disent  :  Noiis  attestons 
que  telle  est  la  croyance  de  nos  Egli- 
ses; c'est  un  fait  public  sur  lequel 
il  leur  est  impossible  de  se  trom- 
per ou  de  nous  eu  imposer  ,  que 
de  nous  soumettre  au  jugement 
des  ministres  lorsqu'ils  disent  : 
Nous  déclarons  que  tel  est  le  sens  de 
V Ecriture  ;  ceci  est  un  article  sur 
lequel  mille  docteurs  se  sont  trom- 
pés depuis  la  naissance  du  chris- 
tianisme ,  et  ont  été  légitimement 
condamnés. 

Fidèles  à  suivre  la  marche  des 
hérétiques  ,  les  sociniens  et  les 
déistes  prétendent  que,  pour  sa- 
voir si  une  doctrine  est  révélée  de 
Dieu,  ou  non  révélée,  il  n'est  pas 
question  d'examiner  si  elle  a  été 
enseignée  par  Jésus-Christ ,  par  les 
apôtres,    ou  par   quelqu'un    des 


286 


ADT 


écrivains  sacres ,  mais  qu'il  faut 
voir  si  elle  est  conforme  à  la  droite 
raison,  ou  si  clic  y  est  opposée  , 
parce  qu'une  doctrine  contraire  a 
la  raison  est  infailliblement  fausse, 
et  ne  peut  avoir  été  révélée  de 
Dieu.  11  est  clair  que  ce  procédé 
est  encore  plus  absurde  que  celui 
des  protestants;  mais  c'est  une 
conséquence  qui  ne  pouvoit  man- 
quer de  s'ensuivre  :  c'est  ainsi  que 
la  prétendue  réforme  a  frayé  le 
chemin  au  déisme.  Déjà  saint  Au- 
gustin a  réfuté  cette  théorie  dans 
son  livre  De  ulilitaie  credendi. 

i.°  La  plupart  des  vérités  révé- 
lées sont  des  mystères  ou  des  vé- 
rités incompréhensibles  à  l'en- 
tendement humain  ;  l'examen  de 
cette  doctrine  en  elle-même  ne 
peut  donc  aboutir  qu'à  conclure  : 
Je  ny  conçois  rien.  Or,  l'ignorance 
et  le  défaut  d'intelligence  de  notre 
part  ne  prouvent  rien. 

2.°  De  savoir  si  Dieu  a  révélé 
telle  ou  telle  doctrine  ,  c'e^t  un 
fait  :  or,  ce  fait  se  prouve  par  des 
témoignages ,  et  non  par  des  argu- 
ments spéculatifs.  Parce  qu'une 
doctrine  nous  paroît  vraie,  il  ne 
s'ensuit  pas  que  Dieu  l'ait  révélée  ; 
quand"ellc  nous  paroîtroit  fausse, 
il  ne  s'ensuivroit  pas  non  plus 
qu'elle  n'est  point  révélée.  Lors- 
qu'il est  question  de  savoir  si  telle 
loi  est  émanée  de  V autorité  souve- 
raine ,  on  ne  commence  point  par 
examiner  si  elle  est  juste  ou  in- 
juste ,  raisonnable  ou  absurde  , 
utile  ou  pernicieuse;  on  s'en  rap- 
porte aux  faits  qui  prouvent  que 
cette  loi  a  été  véritablement  por- 
tée et  promulguée.  C'est  un  prin- 
cipe universellement  admis  ,  qu'il 
est  absurde  d'argumenter  contre 
les  faits. 

3.°  La  révélation  est  faite  pour 
les  ignorants  aussi-bien  que  pour 
les  savants  :  or,  les  ignorants  ne 
sont  pas  plus  en  état  de  juger  de 
la  vérité  ou  de  la  fausseté  d'une 
doctrine   en    elle-même ,    que    de 


AVE 

décider  de  la  justice  ou  de  l'in- 
justice d'une  loi  quelconque.  Mais 
l'homme  le  plus  ignorant  peut  être 
convaincu  des  faits  qui  prouvent 
la  mission  divine  des  pasteurs  de 
l'Eglise.    Voyez  Mission. 

4.°  La  voie  d'examen  a  été  de 
tout  temps  la  source  des  hérésies; 
elle  est  encore  le  principe  de  toute 
espèce  d'incrédulité  ;  parce  qu'un 
socinien  et  un  déiste  jugent  que 
les  mystères  du  christianisme  sont 
faux  et  absurdes,  ils  décident  que 
Dieu  n'a  pas  pu  les  révéler,  que 
toute  révélation  est  une  impos- 
ture :  ils  imitent  l'opiniâtreté  des 
athées  ,  qui  soutiennent  que  Dieu 
n'a  pas  créé  le  monde,  parce  qu'il 
n'est  pas  assez  bien  fait  à  leur  gré. 

Il  ne  faut  donc  pas  confondre 
l'examen  de  la  mission  avec  l'exa- 
men de  la  doctrine  :  le  premier  est 
à  la  portée  des  simples  fidèles ,  le 
second  ne  l'est  pas.  Lorsque  la 
mission  des  pasteurs  est  prouvée, 
le  devoir  du  fidèle  est  de  croire 
sans  examiner  la  doctrine,  parce 
qu'il  en  est  incapable. 

AVARE  ,  AVARICE.  C'est  aux 
philosophes  moralistes  de  faire 
sentir  la  bassesse  et  les  funestes 
conséquences  de  cette  passion  ;  les 
théologiens  la  nomment  l'un  des 
sept  péchés  capitaux  :  souvent  elle 
est  censurée  dans  l'Ecriture  sainte. 
Salomon  ,  dans  les  Proverbes  ,  et 
les  prophètes,  se  sont  appliqués  à 
en  guérir  les  Juifs  ;  Jésus-Christ 
reprend  fréquemment  ce  vice  des 
pharisiens  ;  saint  Paul  en  inspire 
de  l'horreur  et  du  mépris  ;  il  dit 
que  c'est  une  idolâtrie.  En  effet  , 
les  désirs  de  notre  cœur  sont  une 
espèce  de  culte  que  nous  adiessons 
aux  objets  dans  lesquels  nous  fai- 
sons consister  notre  bonheur.  Il 
est  passé  en  usage  de  dire  que  les 
avares  n'ont  point  d'autre  Dieu 
que  l'argent. 

AVE,  MARIA,  ou  Salutation 


AVE 

angélique  ,  prière  à  la  sainleVicrgc, 
trcs-usi!,cc  clans  l'Eglise  romaine. 
Elle  est  composée  des  paroles  que 
ï'ange  Gabriel  adressa  à  la  sainte 
Vierge,  lorsqu'il  vint  lui  annoncer 
le  mystère  de  l'incarnation  ,  de 
celles  de  sainte  Elisabeth  ,  lors- 
qu'elle reçut  la  visite  de  la  Vierge, 
et  enfin  de  celle  de  l'Eglise,  pour 
implorer  son  intercession.  On  l'ap- 
pelle Ave  ,  Maria  ,  parce  qu'elle 
commence  par  ces  mots,  qui  signi- 
fient :  Je  vous  salue,  Marie. 

On  appelle  aussi  Ave,  Maria,  les 
plus  petits  grains  du  chapelet  ou 
rosaire, qui  indiquent  que,  quand 
on  le  récite,  on  doit  dire  des  Ave, 
à  la  différence  des  gros  grains,  sur 
lesquels  on  dit  lePaler  ou  l'oraison 
dominicale.  Voyez  V Ancien  sacra- 
vieniaire  par  Grandcolas,  première 
partie,  pag.  414. 

Ave  ,  Maria  (religieuses  de  1'  ). 
Voyez    Sainte-ClaiPvE   et    Corde- 

tlÈRES 

AVÈNEMENT ,  se  dit  de  la  venue 
du  Messie.  On  distingue  deux  sor- 
tes à'avénemenis  ctu  Messie  ,  l'un 
accompli ,  lorsque  le  Verbe  s'est 
incarné,  et  qu'il  a  paru  parmi  les 
hommes  revêtu  d'une  chair  mor- 
telle ;  l'autre  futur ,  lorsqu'il  des- 
cendra visiblement  du  ciel  dans  sa 
gloire  et  sa  majesté  pour  juger  tous 
les  hommes. 

Les  juifs  sont  toujours  dans  l'at- 
tente du  premier  avènement  du 
Messie ,  et  les  chrétiens  dans  celle 
du  second  ,  qui  précédera  le  juge- 
ment. C'est  une  question  parmi  les 
commentateurs ,  de  savoir  si  Jésus- 
Christ  a  parlé  de  ce  dernier  avène- 
ment dans  l'Evangile ,  Mait. ,  c.  24  ; 
Marc.,  c.  i3;  Luc,  c.  21.  Malgré 
les  efforts  que  l'on  a  faits  pour  le 
prouver  dans  une  dissertation  sur 
ce  sujet,  B/è/c  cC Avignon  ,  tom.  i3  , 
p.  4q3  ,  il  nous  paroît  plus  naturel 
de  penser  qu'il  est  seulement  ques- 
tion du  siège  de  Jérusalem  ,  de  la 
ru.iiie  et  de  la  dispersion  dç  la  na- 


AVE  287 

lion  juive.  Pour  entendre  autre- 
ment le  discours  de  Jésus-Christ, 
il  faut  forcer  le  sens  de  ses  paroles  : 
C^/Zc  génération  ne  passera  point 
jusqu^à  ce  que  tout  s' accomplisse.  Les 
Pères  ont  pensé  ,  à  la  vérité  ,  que 
les  événements  dont  parle  le  Sau- 
veur ,  sont  une  figure  de  ce  qui 
doit  arriver  à  la  fin  du  monde  ; 
mais  aucun  n'a  décidé,  que  ce  soit 
là  le  sens  littéral  des  évangélistes. 

AVENT  ,  temps  consacré  par 
l'Eglise  pour  se  préparera  célébrer 
dignement  la  fête  de  l'avènement 
ou  de  la  naissance  de  Jésus-Christ , 
et  qui  précède  immédiatement  cette 
fête.  Voyez  Noël. 

Ce  temps  dure  quatre  semaines, 
et  commence  le  dimanche  qui 
tombe  ou  le  jour  de  saint  André  , 
ou  le  jour  qui  en  est  le  plus  pro- 
che ,  soit  avant,  soit  après,  c'est- 
à-dire  ,  le  dimanche  qui  tombe 
entre  le  27  novembre  et  le  3  dé- 
cembre inclusivement.  Cet  usage 
n'a  pas  toujours  été  le  même.  Le 
rit  ambrosien  marque  six  semaines 
pour  Vavent ,  et  le  sacramentaire 
de  saint  Grégoire  en  compte  cinq. 
Les  capilulaires  de  Charlemagiie 
portent  qu'on  faisoit  un  carême  de 
quarante  jours  avant  Noël  :  c'est  ce 
qui  est  appelé ,  dans  quelques  an- 
ciens auteurs,  le  carême  de  la  Saint- 
Martin.  Cette  abstinence  avoit  d'à-* 
bord  été  instituée  pour  trois  jours 
par  semaine;  savoir,  le  lundi  ,  le 
mercredi  et  le  vendredi ,  par  le  pre- 
mier concile  de  Mâcon,  tenu  en  58 1 . 
Depuis  ,  la  piété  des  fidèles  l'avoit 
étendue  à  tous  les  autres  jours;  mais 
elle  n'étoit  pas  constamment  obser- 
vée dans  toutes  les  Eglises  ,  ni  si 
régulièrement  par  les  laïcs  que  par 
les  clercs.  Chez  les  Grecs  ,  l'usage 
n'étoit  pas  plus  uniforme:  les  uns 
commençoient  le  jeûne  de  Vavent 
dès  le  i5  novembre  ,  d'autres  le  6 
de  décembre  ,  et  d'autres  le  20. 
Dans  Constantinople  même,  l'ob- 
servation de  Vavent  dépendoit  de 


288  AVE 

la  (Icvolion  des  particuliers ,  qui  le 
commcnçoient  tantôt  trois,  lautôt 
six  semaines  ,  et  quelquefois  huit 
jours  seulemeut  avant  Noël. 

En  Angleterre,  les  tribunaux  de 
jiidicature  étoient  fermés  pendant 
ce  temps -là.  Le  roi  Jean  fit  à  ce 
sujet  une  déclaration  expresse,  qui 
portoit  défense  de  vaquer  aux  af- 
faires du  barreau  dans  le  cours  de 
Vafeni  ,  In  adveniu  Domini  nulla 
assisa  capî  débet  ;  et  même  encore 
à  présent  il  est  défendu  de  se  ma- 
rier pendant  l'ctw/î^  sans  dispense. 

Une  singularité  à  observer  par 
rapporta  l'at^c/îf,  c'est  que,  contre 
l'usage  établi  aujourd'hui  d'appeler 
la  première  semaine  de  Vavent  celle 
par  laquelle  il  commence ,  et  qui 
est  la  plus  éloignée  de  Noël  ,  on 
donnoit  ce  nom  à  celle  qui  est  la 
plus  proche ,  et  l'on  comptoit  ainsi 
toutes  les  autres  en  rétrogradant , 
comme  on  fait  avant  le  carême  les 
dimanches  de  la  septuagésime  , 
sexagésime  et  quinquagésime,  etc. 

AVEUGLEMENT  SPIRITUEL. 
Il  consiste  à  ne  pas  sentir  l'impor- 
tance du  salut ,  le  prix  des  grâces 
de  Dieu  ,  l'énormité  de  nos  péchés  , 
la  nécessité  de  faire  pénitence ,  etc. 
L'Ecriture  dit  des  infidèles ,  qu'ils 
sont  dans  les  ténèbres  ,  et  de  tous 
les  pécheurs  ,  qu'ils  sont  aveugles. 
Lorsque  cel  aveuglement  est  volon- 
taire ,  il  est  criminel  sans  doute  ; 
s'il  ne  l'étoit  pas ,  il  ne  seroit  pas 
imputable. 

Cependant  nous  lisons  dans  plu- 
sieursendroitsdes  livres  saints,  que 
Dieu  aveugle  les  pécheurs,  les  im- 
pies, les  incrédules;  comment  cela 
doit-il  s'entendre  ?  Souvent  Dieu 
reproche  aux  pécheurs  leur  aveu- 
glement; peut-il  en  être  l'auteur  ? 
Non  sans  doute.  Il  est  dit ,  Sap.  , 
c.  2  ,  y'.  :i5  ,  que  les  pécheui's  sont 
aveuglés  par  leur  propre  malice  ; 
II.  Cor  ,  c.  4  ,!>!''.  4  ï  V^^  "^'^st  le 
dieu  de  ce  siècle,  ou  les  .passions  di- 
vinisées ,   qui  ont  aveugle  l'esprit 


AVE 

des  infidèles  ;  ce  n'est  donc  pas 
Dieu.  Saint  Paul  dit  que  ce  cœur 
des  faux  sages  a  été  aveuglé ,  parce 
qu'ayant  connu  Dieu ,  ils  ne  l'ont 
pas  honoré  ,  qu'ainsi  ils  sont  inex- 
cusables. Rom. ,  c.  I  ,  ^.  20  et  21  ; 
c'a  donc  été  leur  faute ,  et  non  celle 
de  Dieu.  Saint  Jean  dit  que  celui 
qui  hait  son  frère  ,  ne  voit  pas 
clair  ,  que  les  ténèbres  l'ont  rendu 
aveugle  ;  mais  il  nous  avertit  que 
Dieu  est  la  lumière  ,  et  qu'en  lui 
il  n'y  a  point  de  ténèbres ,  Joan.  , 
c.  I ,  ^.  5  ;  c.  2  ,  ^.  12  •,  Vaveugle^ 
ment  ne  vient  donc  pas  de  lui.  Il 
dit  que  le  Verbe  divin  est  la  vrfl.^c 
lumière  qui  éclaire  tout  homme 
qui  vient  en  ce  monde ,  Joan. ,  c.  i , 
S •  9  ;  les  pécheurs  ne  sont  pas 
exceptés. 

Dieu  répète  continuellement  aux 
Juifs  :  Soyez  saints ,  parce  que  je  suis 
saint  :  or,  la  sainteté  de  Dieu  con- 
siste en  ce  qu'il  défend  le  péché  et 
le  punit  ;  il  ne  peut  donc  y  contri- 
buer en  aucune  manière.  «  Dieu  , 
»  dit  le  Sage,  déteste  l'impie  et  son 
»  impiété ,  »  Sap. ,  c.  i4,  S •  9-  "  Et 
»  il  ne  donne  lieu  de  pécher  à  per- 
»  sonne  ,  »  JEccli.  ,  c.  i5  ,  ^ ,  21. 
Dieu  ne  veut  pas  seulement  que 
l'on  dise  qu'il  abandonne  les  pé- 
cheurs, ibid.  ,'S-  II  ;  à  plus  forte 
raison  seroit-ce  un  blasphème  de 
penser  qu'il  les  aveugle ,  qu'il  leur 
ôte  absolument  toute  lumière  de  la 
grâce.  Enfin  Jésus-Christ  dit  for- 
mellement aux  Juifs  :  «  Si  vous  étiey. 
»  aveugles  ,  vous  n'auriez  point  de 
»  péché  ,  c'est-à-dire ,  vous  ne  sc- 
»  riez  point  coupables  du  péché.  . 
»  que  vous  commettez,  en  refusant  1 
»  de  croire  en  moi  ,  »  Joan. ,  c.  9,  * 
y .  4i.  Cela  nous  paroît  clair. 

Cependant  Calvin  a  cité  vingt 
passages  qui  prouvent  que  Dieu 
aveugle  positivement  les  pécheurs  ; 
les  incrédules  ne  cessent  de  les  ré- 
péter; plusieurs  théologiens  en  abu- 
sent pour  prétendre  qu'il  y  a  des 
pécheurs  auxquels  Dieu  refuse  des 
grâces  de  conversion  ;  il  faut  donc 


AVE 

les  examiner  en  détail.  La  question 
est  très-importante  ;  il  s'agit  de  sa- 
voir si  nous  n'avons  pas  à  faire  à 
des  aveugles  volontaires. 

Remarquons  d'abord  que  dans 
toutes  les  langues  ,  même  dans  la 
nôtre,  il  y  a  deux  équivoques  très- 
communes.  La  première  est  de  dire 
qu'un  homme  fait  ce  qu'il  laisse 
faire ,  ce  qu'il  néglige  d'empccher 
autant  qu'il  le  peut  ;  ainsi  l'on  at- 
tribue à  un  magistrat  les  désordres 
qu'il  n'empêche  point  ,  à  un  père 
lespassions  de  son  fils  lorsqu'il  ne 
les  réprime  point ,  à  un  maître  le 
libertinage  d'un  domestique  sur  le- 
quel il  ne  veille  point.  Les  Pères 
de  l'Eglise  disent  aux  riches  qui 
n'assistent  point  les  pauvres  :  Vous 
ne  les  avez  point  nourris,  vous  les 
avez  tués  :  Non  pavîsti ,  occidisti  ; 
et  cela  signifie  seulement,  vous  les 
avez  laissés  périr.  Nous  disons  à  un 
imprudent  qui  s'est  attiré  des  mal- 
heurs par  défaut  de  prévoyance 
et  de  précaution  :  Vous  Vacez  vou- 
lu ,  etc.  La  seconde ,  qui  revient  au 
même  ,  est  d'appeler  cause  ce  qui 
est  seulement  occasion  ;  ainsi  nous 
disons  brusquement  à  un  homme , 
vous  me/ailes  enrager ,  lorsque  son 
caractère  ou  sa  conduite  sont  pour 
nous  une  occasion  de  dépit  et  de 
colère  ,  même  contre  son  inten 
tion  ;  la  vraie  cause  est  notre  impa- 
tience ,  et  souvent  la  bizarrerie  de 
notre  propre  caractère.  On  dit  à  un 
jeune  homme  follement  épris  des 
attraits  d'une  femme  :  Cette  beauté 
TOUS  aveugle  ,  vous  rend  fou  ;  sou- 
vent elle  l'ignore  ou  en  est  fâchée. 
On  dit  des  grands  qui  prodiguent 
leur»  bienfaits  ,  qu'ils  font  des  in- 
grats ;  ce  ne  devroit  pas  être  là  le 
fruit  des  bienfaits. 

C'est  dans  ce  double  sens  qu'il 
est  dit  que  Dieu  aveugle  les  pécheurs  ; 
1°  parce  qu'il  ne  leur  accorde  pas 
des  lumières  aussi  abondantes  et 
aussi  puissantes  qu'il  le  faudroit 
pourdissiperfacilement  leur  aveu- 
glement ;  mais  l'excès  de  leur  opi- 


AVE  a8y 

niàtreté  n'est  pas  un  titre  pour 
exiger  delui  de  plus  grandes  grâces; 
a.°  parce  que  la  patience  avec  la- 
quelle il  les  attend,  les  bienfaits 
qu'il  leur  accorde,  leur  persuadent 
souvent  qu'il  en  sera  toujours  de 
même,  et  que  Dieu  ne  les  punira 
pas.  Dieu  ditaux  Juifs,  Isaï.,  c.43, 
y^.  24  :  «  Vous  m'avez  fait  servir 
»  à  vos  propres  iniquités  ,  »  c'est- 
à-dire  ,  vous  aveu  abusé  de  mes 
bienfaits  pour  m'offenser.  Toutes 
ces  façons  de  parler,  abusives  et 
fausses  en  bonne  logique,  ne  doi- 
vent pas  plus  nous  surprendre  en 
hébreu  qu'en  françois ,  dans  les 
auteurs  sacrés  que  chez  les  écri- 
vains profanes. 

Le  passage  le  plus  fort  qu'il  y 
ait  sur  cette  matière,  e^t  dans  le 
prophète  Isaïe,  c.  6.  y.  9,  Dieu 
lui  dit  :  «  Va  et  dis  à  ce  peuple  , 
>»  Ecoutez  et  n  entendez  pas,  voyez 
»  et  ne  comprenez  pas.  Endurcis 
»  le  cœur  de  ce  peuple,  bouche- 
»  lui  les  oreilles  et  ferme -lui  les 
«yeux,  de  peur  qu'il  ne  voie,  n'en- 
»  tende  et  ne  comprenne ,  qu'il 
»  ne  se  convertisse  et  que  je  ne  le 
»  guérisse.  Jusques  à  quand ,  Sei- 
n  gneur?  Jusqu'à  ce  que  ses  villes 
»  soient  sans  habitants,  sesmaisons 
»  désertes,  et  ses  terres  sans  cul- 
»  ture.  »  Si  l'on  prenoit  ce  passage 
à  la  lettre,  rien  ne  seroit  plus  ab- 
surde. i.°  Ce  seroit  une  contra- 
diction de  la  part  de  Dieu  d'en- 
voyer un  prophète  aux  Juifs  pour 
leur  faire  des  reproches,  s'il  avoil 
le  dessein  de  les  aveugler  et  de 
les  endurcir  :  ils  l'étoienl  déjà. 
2 .°  Isaïe  n'avoit  certainement  pas  le 
pouvoir  de  les  rendre  pires  qu'ils 
n'étoient.  Il  est  donc  évident  que 
c'est  ici  une  prédiction  ,  et  non 
un  commandement;  le  sens  est: 
«  Va  dire  à  ce  peuple  :  Vous  écou- 
»  tez  et  n'entendez  pas  ,  vous  voyei 
»  et  ne  comprenez  pas.  Mais  laisse-le 
»  endurcir  son  cœur,  se  boucher 
»  les  oreilles,  se  fermer  les  yeux, 
»  parce  qu'il  craint  de  voir,  d'en- 

«9 


ago  AVE 

»  tendre  et  «l'être  guéri  ;  et  cela 
»  durera  jusqu'à  ce  que  l'excès  de 
»  ses  malheurs  le  fasse  rentrer  en 
j>  lui-même.  »  Cette  menace  éloit 
évidemment  plus  propre  à  con- 
vertir les  Juifs  qu'à  les  aveugler  ; 
c'est  le  langage  d'un  père  irrité 
contre  ses  enfants,  mais  qui  vou- 
droit  les  changer,  afin  de  ne  pas 
être  obligé  de   les  punir. 

Ce  passage  d'Isaïe  est  répété  cinq 
ou  six  fois  dans  le  nouveau  Tes- 
tament. Matth. ,  c.  i3,  f.  i3. 
Jésus-Christ  dit  des  Juifs  :  <f  Je 
»  leur  parle  en  paraboles,  parce 
»  qu'ils  regardent  et  ne  voient  pas, 
»  ils  écoutent  et  ils  n'entendent 
»  pas,  et  ne  comprennent  rien. 
»  Ainsi  s'accomplit  à  leur  égard 
»  la  prophétie  d'Isaïe  ,  qui  leur 
j)  dit  :  Vous  écouterez  et  n'entendrez 
»  pas,  vous  regarderez  et  ne  verrez 
j>  pas.  Car  le  cœur  de  ce  peuple 
»  est  appesanti  ;  ils  ouvrent  àpeine 
»  les  oreilles,  ils  ferment  les  yeux, 
i>  de  peur  de  voir,  d'entendre  ,  de 
»  comprendre,  de  se  convertir  et 
ï>  d'être  guéris.  »  Ainsi  le  Sauveur 
attribue  à  la  malice  volontaire  des 
Juifs  ce  que  la  prophétie  sembloit 
attribuer  à  Isaïe  lui-même.  Malgré 
cette  évidence,  les  incrédules  con- 
cluent que  Jésus -Christ  parloil 
exprès  aux  Juifs  en  paraboles,  afin 
de  les  aveugler  et  de  les  endurcir. 
Quoi  !  des  paraboles  sensibles ,  des 
comparaisons  palpables  ,  n'é  - 
toient-elles  pas  la  leçon  la  plus 
propre  à  ouvrir  les  yeux  d'un  peu- 
ple grossier  et  obstiné  ?  Il  étoit 
question  là  de  la  parabole  de  la 
semence, image  de  la  parole  dcDieu, 
et  des  causes  qui  l'empêchent  de 
produire  du  fruit;  cette  énigme  n'é- 
toit  pas  fort  difficile  à  comprendre. 

Cependant,  disent  les  incrédules, 
Jésus -Christ  témoigne  qu'il  n'a 
aucune  envie  d'ouvrir  les  yeux  aux 
Juifs  ;  lorsque  ses  disciples  lui  de- 
mandent :  «  Pourquoi  parlez-vous 
»  en  paraboles  à  ces  gens-là  ?  il 
»  répond  :   Parce   qu'il   vous   est 


AVE 

»  donné  de  connoître  le  mystère 
»  du  royaume  des  cieux  ,  au  lieu 
»  que  cela  ne  leur  est  pas  accordé.  » 
Ibid.,  y.  II.  Ensuite  il  explique 
à  ses  disciples  en  particulier  le 
sens  de  la  parabole,  ctne  l'explique 
point  au  peuple. 

Mais  pourquoi  n'étoit  -  il  pas 
donné  aux  Juifs  de  connoître  les 
mystères  du  royaume  de  Dieu  ? 
Parce  qu'ils  ne  le  vouloient  pas  : 
Jésus-Christ  le  dit  formellement; 
ils  fermoient  les  yeux,  ils  se  bou- 
choient  les  oreilles,  etc.  S'ils  lui 
avoient  demandé  une  explication 
dans  le  dessein  d'en  profiter,  il  la 
leur  auroit  donnée  aussi-biea  qu'a 
ses  disciples. 

Point  du  tout,  répliquent  les 
incrédules;  suivant  saint  Marc,  c  4» 
^.  II,  Jésus-Christ  dit  à  sts  dis- 
ciples :  «  Il  vous  est  donné  de  con- 
»  noître  les  mystères  du  royaume 
»  de  Dieu,  au  lieu  qu'aux  étrangers 
»  tout  est  dit  eu  paraboles,  afin 
»  qu'ils  voient  sans  connoître , 
»  qu'ils  écoutent  sans  entendre,  de 
»  peur  qu'ils  ne  se  convertissent  , 
»  et  que  les  péchés  ne  leur  soient 
»  remis.  » 

Fausse  traduction  ;  Tva  en  grec, 
ut  en  latin,  ne  signifient  point  la 
afin  que,  mais,  de  manière  que  ;  il 
seroit  absurde  de  supposer  que 
Jésus-Christ  parloit ,  instruisoit, 
reprenoit  les  Juifs,  afin  qu'ils  n'é- 
coutassent pas,  et  ne  fussent  pas 
convertis.  Voyez  Intention. 

Dans  le  même  sens,  Jésus-Christ 
dit,  Joan.,  c.  9,  "^ .  Sg  :  «  Je  suis 
»  venu  dans  ce  monde  pour  cxer- 
»  cer  un  jugement,  de  manière  que 
n  ceux  qui  ne  voient  pas  soient 
»  éclairés,  et  que  ceux  qui  voient 
»  deviennent  aveugles.  »  La  suite 
donne  l'explication.  Les  pharisiens 
lui  demandèrent  :  «  Sommes-nous 
n  donc  aussi  des  aveugles  ?  Si  vous 
»  l'étiez,  répliqua  le  Sauveur,  vous 
»  n'auriez  point  de  péché  ;  mais 
»  vous  dites  :  nous  voyons  ;  votre 
»  péché  demeure  MDonCjSil'apci*' 


AVE 

glement  des  pharisiens  éloit  venu 
dcJésus-Chrisl,  et  non  de  leuropi- 
niàlrclé,  ils  auroienl  été  exempts 
de  péché. 

joan.,  c.  13,  y^ .  37,  nous  lisons 
encore  :  «  Quoique  Jésus  eût  lait 
»  de  sigrands  miracles  en  présence 
»  des  Juifs,  ils  ne  croyoienl  pas 
»  en  lui,  de  manière  qu'ils  accoin- 
1»  plissoient  ce  qu'a  dit  Isaïe  :  Sei- 
u  gneur,  qui  a  cru  ce  que  nous  avons 
3»  annoncé,  qui  a  reconnu  Vopéra- 
j»  tion  de  voire  bras  ?  »  Ils  ne  pou- 
voient  pas  croire,  parce  qu'Isaïe 
a  encore  dit  :  «  Dieu  les  a  rendus 
M  aveugles  et  a  endurci  leur  cœur ,  de 
»•  rnsLiiitTcqu  ils nevoient point, etc.» 
A  ce  sujet,  saint  Augustin  dit: 
«  Si  l'on  me  demande  pourquoi 
»  ils  ne  pouvoient  pas  croire,  je  ré- 
»  pondrai  d'abord,  parce  qu'ils  ne 

»  le  vouloient  pas S'ils  ne   le 

»  vouloient  pas,   c'étoit  la   faute 

M  d<   la   volonté  humaine Ils 

n  étoient  si  orgueilleux  ,  qu'ils 
»  vouloient  leur  propre  justice  , 
»  et  non  celle  de  Dieu.  »  Tract.  53, 
in  Joan.,  n.  6  et  9.  Tous  les  jours 
nous  disons  dans  le  même  sens  : 
Cet  homme  ne  peut  se  résoudre  à 
faire  telle  chose;  et  cela  signifie  seu- 
lement qu'il  ne  le  veut  pas,  qu'il 
le  refuse  avec  obstination. 

Soutiendra-t-on  que  les  Juifs 
refusoient  de  croire,  afin  d'accom- 

Èlir  la  prédiction  d'Isaïe  ,  et  que 
'ieu  les  aveugloit  positivement , 
afin  de  les  rendre  incrédules  ? 
Non- seulement  l'on  dira  deux  ab- 
.surdités  ,  mais  l'on  contredira 
l'évangéliste  ;  il  ajoute  que  cepen- 
dant plusieurs  des  principaux  Juifs 
crurent  en  Jésus  -  Christ ,  mais 
qu'ils  ne  se  déclaroient  pas,  à  cause 
des  pharisiens,  et  de  peur  d'être 
chassés  de  la  synagogue.  Puisque 
les  principaux  crurent,  il  ne  te- 
noit  qu'aux  autres  de  faire  de  même. 
Même  langage  dans  saint  Paul. 
En  parlant  de  l'incrédulité  des 
Juifs,  il  leur  applique  encore  la 
prédiction  d'Isaïe,  Ad.,  c.28,  5^.24 


AVE  2tji 

et  suiv.;  Rom.,  c.  11,  J^.  7;  mais 
il  ajoute  que,  malgré  leur  obstina- 
tion, Dieu  les  aime  encore  à  cause 
de  leurs  pères,  et  qu'il  lésa  laissés 
dans  l'incrédulité,  aussi-bien  que 
les  gentils ,  afin  d'avoir  pitié  de 
tous,  ^.  28  et  32.  Ce  n'étoit  donc 
pas  afin  qu'ils  demeurassent  aveu- 
gles et  incrédules. 

Dès'le  second  siècle,  saint  Irénée 
a  donné  cette  réponse  aux  marcio- 
nites,  qui  abusoient  déjà  des  pas- 
sages que  nous  venons  d'examiner. 
«  C'est  le  même  Dieu,  dit-il,  qui 
»  aveugle  les  incrédules  qui  le  mé- 
»  prisent,  comme  le  soleil,  sa  créa- 
i>  ture,  aveugle  ceux  qui  ne  peuvent 
»  pas  regarder  sa  lumière  à  cause 
»  de  quelque  maladie  des  yeux  , 
»  et  qui  accorde  une  lumière  plus 
»  grande  et  plus  parfaite  à   ceux 

»  qui  croient  en  lui  et  le  suivent 

»  Comme  il  connoît  toutes  choses 
»  d'avance  ,  il  laisse  dans  l'incré- 
»  dulité  ceux  dont  il  prévoit  la 
»  résistance,  il  se  détourne  d'eux 
»  et  les  laisse  dans  les  ténèbres 
n  qu'ils  ont  choisies  eux-mêmes.  » 
Adi>.  Hœr.,  1.  4,  c.  2g.  Tertullien 
répond  à  peu  près  de  même  à  ces 
hérétiques,  1.  2,  adv.  Marcion., 
c.  i4,  et  Origène,  dePrincip.,  1.  3, 
c.  1,  n.  II. 

Cependant  saint  Augustin  sem- 
ble avoir  pensé  que  Dieu  aveugle 
positivement  les  pécheurs  pour 
punir  leurs  passions  déréglées  : 
Spargens  pœnales  cœcitates  super 
illicHas  cupiditaies  ,  Confess. ,  1.  i  , 
c.  18,  n.  29  ;  et  il  l'a  répété  plus 
d'ui^e  fois.  "Mais  il  a  aussi  expliqué 
plus  d'une  fois  ce  qu'il  cntendoit 
par  là.  «  Dieu,  dit-il,  aveugle  et 
»  endurcit,  en  abandonnant  et  ne 
»  secourant  pas.  »  Tract.  53,  1/2 
Joan.,  n.  6.  «  Quiconque  est  toin- 
»  bé  dans  V aveuglement  d'esprit  est 
»  privé  de  la  lumière  intérieure 
V  de  Dieu,  mais  non  pas  entière- 
»  ment,  tant  qu'il  est  dans  cette 
»  vie.  »  .Enarr.  in  Ps.  c.  6,  n.  8. 
11  applique  à  Jésus-Christ  tout  ce 
ly 


qui  est  dit  du  soleil  dans  le  psaume 
i8.  «  Lorsque  le  Verbe  s'est  fait 
T»  chair,  dit-il,  et  qu'en  se  revêtant 
»  de  notre  mortalité  il  a  daigné 
j)  habiter  parmi  nous ,  il  n'a  pas 
»  voulu  qu'aucun  homme  pût  s' ex- 
»  cuser  d'être  dans  les  ombres 
»  de  la  mort  ,  et  la  chaleur  du 
»  Verbey  a  pénétré.  »  ^/e^  Grâce, 
§  3;  Endurcissement. 

AVOCAT,  AVOCATE.  Voy. 
Pàraclet, 

AZAZEL.  Voyez  Bouc  émis- 
saire. 

AZOTE.  Voyez  Septuagésime. 

AZYME ,  du  grec  âÇupoç  ,  sans 
levain ,  pain  qui  n'est  pas  fermen- 
té. Depuis  le  schisme  des  Grecs, 
consommé  dans  l'onzième  siècle 
par  le  patriarche  Michel  Cérula- 
rius,  il  y  a  eu  dispute  eatre  eux  et 
les  Latins,  pour  savoir  si  le  pain 
dont  on  se  sert  pour  la  consécra- 
tion de  l'eucharistie  ,  doit  être 
levé  ou  sans  levain  ;  les  Grecs  et 
les  autres  Orientaux,  les  Syriens 
jacobites  et  maronites,  les  cophtes 
et  les  nestoriens ,  se  servent  de 
pain  levé,  et  il  paroît  que  cet 
usage  est  établi  chez  eux  depuis 
les  premiers  temps  du  christia- 
nisme ;  les  Latins  consacrent  du 
pain  azyme,  et  les  savants  ne  con- 
viennent point  de  l'époque  à  la- 
quelle cette  coutume  a  commencé, 
quoiqu'elle  n'ait  pas  été  toujours 
généralement  observée. 

Bingham  ,  charmé  de  trouver 
une  occasion  de  blâmer  l'Eglise 
romaine,  prétend  que  l'usage  des 
pains  azymes  ,  que  nous  nommons 
hosties,  a  été  inconnu  dans  toute 
l'Eglise  avant  l'onzième  siècle  ; 
il  veut  nous  le  prouver  par  saint 
Epiphane,  qui  parle  du  pain  azyme 
comme  d'un  rit  affecté  par  les 
ébionites,  Hœr.  3o  ,  n.  i5;  par] 
saint  Ambroise,  qui  appelle  le  pain| 


AZY 

de  l'cucharislie  un  pain  usuel,  de 
Sacram.,  1.  4>  c-  4»  P^r  l'auteur 
de  la  vie  du  papeM<lchiade,  mort 
l'an  3i4,  qui  nomme  l'eucharis- 
tie fermentum;  par  le  pape  Inno- 
cent I,  mort  en  4' 7»  qui  l'appelle 
de  même  dans  une  de  ses  lettres  ; 
enfin,  parce  que  Photius,  qui 
commença  le  schisme  des  Grecs  au 
neuvième  siècle,  n'objecte  point 
aux  Latins  l'usage  du  pain  az^me, 
au  lieu  que  Michel  Cérularius  leur 
en  fit  un  crime  en  loSi  ;  donc,  dit 
Bingham ,  il  n'en  étoit  pas  encore 
question  dans  l'Eglise  latine.  Orig. 
ecclés. ,  1.  i5 ,  c.  2 ,  §  5. 

Mais  ces  preuves  ne  peuvent  pas 
prévaloir  aux  témoignages  positifs 
d'Alcuin  en -790,  et  de  Baban- 
Maur  en  819,  qui  parlent  du  pain 
azyme,  comme  d'un  usage  com- 
mandé et  nécessaire  à  observer  ;  le 
premier  connoissoit  la  pratique 
des  Eglises  d'Angleterre,  et  le  se- 
cond celle  des  Eglises  d'Allemagne. 
Lorsque  le  rit  grégorien  fut  in- 
troduit en  Espagne,  dans  l'on- 
zième siècle  ,  au  lieu  du  rite  mo- 
zarabique ,  les  Eglises  de  ce  royau- 
me ne  changèrent  rien  dans  le  pain 
dont  elles  se  servoient  pour  l'eu- 
charistie ;  le  pain  azyme  y  étoit 
donc  usité ,  au  moins  depuis  la  fin 
du  sixième  siècle.  Dans  le  dixième 
et  l'onzième,  le  pape  Léon  IX  sou- 
tint ,  contre  les  Grecs ,  que  l'on 
s'en  servoit  en  Italie  de  temps  im- 
mémorial. 

Ce  que  saint  Epiphane  dit  des 
ébionites  ,  nous  donne  lieu  de 
penser  que,  dans  l'Eglise  grecque, 
l'on  s'abstient  de  consacrer  du 
pain  azyme,  de  peur  de  paroître 
approuver  l'erreur  des  hérétiques, 
qui  en  usoient  par  attachement 
aux  rites  judaïques;  mais  la  même 
raison  n'avoit  pas  lieu  dans  l'Oc- 
cident, où  les  ébionites  neparurent 
jamais. 

Il  n'est  pas  prouvé  que  du  temps 
de  saint  Ambroise  le  pain  usuel 
fût  du  pain  levé  ;  aujourd'hui  en- 


AZY 

corele  peuple  des  campagnes  mange 
souvent  «les  gâteaux  de  pain  sans 
levain  ;  il  semble  au  contraire  que 
dans  la  vie  du  pape  Melchiade  ,  et 
dans  la  lettre  d'Innocent  I ,  le  mot 
fermentuni  est  employé  pour  dis- 
tinguer le  pain  eucharistique  du 
pain  ordinaire. 

Du  silence  de  Photius,  l'on  doit 
seulement  conclure  que  ce  patriar- 
che et  les  autres  Grecs  n'atta- 
choîent  pas  pour  lors  au  pain  levé 
autant  d'importance  qu'ils  lui  en 
ont  donné  cent  soixante  ans  après, 
lorsqu'ils  ont  voulu  absolument 
consommer  leur  schisme  ,  et  que 
dans  l'onzième  siècle  ils  ont  été 
moins  raisonnables  qu'au  neu- 
vième. 

On  ne  se  persuadera  jamais  que 
dans  cet  intervalle  les  Eglises  d'I- 
talie ,  des  Gaules  ,  d'Espagne  , 
d'Angleterre  et  d'Allemagne  ,  ont 
conspiré  tout  à  coup  à  se  servir 
de  pain  azyme  contre  leur  ancien 
usage,  sans  que  l'on  puisse  décou- 
vrir aucun  motif  ni  aucun  événe- 
ment qui  ait  pu  donner  lieu  à  ce 
changement  ;  on  sait  le  temps  au- 
quel le  missel  grégorien  a  été  sub- 
stitué au  missel  gallican  elau  missel 
gothique  ou  mozarabique,  la  ma- 
nière dont  cela  s'est  fait ,  et  les 
motifs- par  lesquels  on  s'y  est  dé- 
terminé :  pourroit-on  ignorer  l'o- 
rigine du  pain  azyme,  si  l'usage  du 
pain  levé  avoit  été  constant  et 
universel  dans  tout  l'Occident? 

Il  est  à  peu  près  certain  que  Jé- 
sus-Christ a  consacré  l'eucharistie 
avec  du  pain  azyme,  puisque  c'é- 


AZY  293 

toit  le  seul  dont  il  fût  permis  d'user 
dans  la  célébration  de  la  pâque  : 
cette  considération  jointe  à  la  le- 
çon que  saint  Paul  fait  aux  fidèles, 
I.  Cor.,  c.  5,  3i^'.  7  :  «  Purifiez- 
»  vous  du  vieux  levain,  etc. ,  »  a 
fait  conclure  que  le  pain  azyme 
étoit  le  plus  convenable  pour  l'eu- 
charistie. Aujourd'hui  encore  les 
Abyssins  cophtes  se  servent  de  pain 
rti/mepour  consacrer  l'eucharistie 
le  jour  du  jeudi  saint  :  les  armé- 
niens ont  affecté  de  ne  mettre  ni 
levain  dans  le  pain  eucharistique , 
ni  vin  dans  le  calice ,  afin  d'expri- 
mer ainsi  leur  erreur  touchant 
l'unité  de  nature  en  Jésus-Christ; 
les  ébionites  s'abstenoient  de  célé- 
brer avec  du  pain  levé,  par  atta- 
chement aux  rites  judaïques  ;  mais 
l'Eglise  latine  ne  s'est  conduite  par 
aucun  de  ces  motifs.  C'est  très-mal 
à  propos  que  les  Grecs  l'ont  voulu 
charger  de  ce  ridicule  ;  par  mé- 
pris ,  ils  nous  appellent  azymites  ; 
par  réciprocité  on  les  a  nommés 
fermeniaires .  Les  protestants  au- 
roient  dû  s'abstenir  d'imiter  l'o- 
piniàtreté  des  Grecs.  L'Eglise  latine 
a  été  plus  raisonnable  qu'eux  : 
lorsqu'ils  consentirent  à  se  réunir 
à  elle  au  concile  de  Florence  ,  il 
fut  décidé  que  chacune  des  deux 
Eglises  seroit  libre  de  conserver 
son  ancien  usage.  Le  Brun,  Explic. 
des  Cérémon. ,  t.  5, p.  ii6etsuiv. 
Thiers  fait  mention  de  plusieurs 
superstitions  pratiquées  par  diffé- 
rentes sectes  à  l'égard  du  pain  eu- 
charistique. Tr.  des  Superstitions, 
tonn.  2 ,  lib.  3,  ch.  i. 


«oooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo<»oooCM>ocoooooooMO 


B 


B  A  AL  ou  BEL,    divinité  des] Phéniciens   ou    Chananéens  ,    des 
Assyriens,  des  Babyloniens,  des  j  Carthaginois,  etc.  Ce  nom  signifie 


394  KAA 

Seigneur  ;  il  paroît  synonyme  à 
Moloch ,  prince,  ou  roi  ;  c'est  un 
«les  noms  anciens  du  soleil  :  la 
première  idolâtrie  a  été  l'adoration 
des  astres.  Voyez  Astres. 

On  sacrifioit  à  Uaa/ ou  à  Moloch 
des  victimes  humaines  ,  des  hom- 
»aes  faits  ou  des  enfants  ;  et  ce 
culte  impie  fut  souvent  imité  par 
les  Juifs  ,  malgré  la  défense  ex- 
presse que  Dieu  leur  en  avoit  faite. 
Deul  ,  c.  13,  S •  3o.  Jérémie  leur 
reproche  d'avoir  brûlé  leurs  en- 
fants en  holocauste  à  Baal ,  c.  19, 
T?.  5  ,  et  de  les  avoir  initiés  à  Mo- 
loch,  c.  32  ,  y^.  35. 

Les  rabbins  ,  pour  diminuer 
l'horreur  de  ces  sacrifices  impies, 
soutiennent  que  leurs  ancêtres  ne 
brùloient  pas  leurs  enfants  ,  mais 
qu'ils  les  faisoient  seulement  passer 
par  le  feu  à  l'honneur  de  Moloch. 
Les  expressions  de  Jérémie,  com- 
parées à  la  loi  du  Deutéronome , 
semblent  témoigner  le  contraire. 
Si  dans  le  culte  de  Baal  il  n'en 
coûtoit  pas  toujours  la  vie  à  quel- 
qu'un ,  ses  autels  du  moins  étoient 
souvent  arrosés  du  sang  de  ses 
propres  prêtres.  On  le  voit  par  le 
.sacrifice  sur  lequel  Elie  les  défia 
de  faire  descendre  le  feu  du  ciel. 
«  Ils  se  blessoient  selon  leur  usage, 
»  dit  l'écrivain  sacré ,  avec  des 
I)  couteaux  et  des  lancettes,  jus- 
»  qu'à  ce  qu'ils  fussent  couverts  de 
»)  sang.  »  III.  Reg. ,  c.  18  ,  ](?.  28. 

Dans  la  suite,  on  a  cru  que  le 
Dieu  Bel  des  Assyriens  étoit  Nem- 
rod  ,  et  que  celui  des  Phéniciens 
étoit  un  roi  de  Tyr  ;  mais  il  n'y 
en  a  aucune  preuve ,  le  culte  rendu 
aux  morts  est  postérieur  de  beau- 
coup à  l'adoration  des  astres.  Il 
n'a  commencé  que  quand  il  y  a  eu 
des  rois  assez  puissants  pour  en 
imposer  aux  hommes  par  l'éclat 
du  faste  ,  et  des  peuples  assez  es- 
claves pour  pousser  la  flatterie  aux 
derniers  excès.  Voyez  la  Disseria- 
iion  sur  Moloch,  etc.;  Bible  d'A- 
vignon, tom.  2,  p.  355  ;  Mém.  de 


BAA 

r Académie  des  Inscript.,  t.  71 ,  in- 
p.  172. 


Quand  on  considère  les  désor- 
dres et  les  crimes  dont  l'ancienne 
idolâtrie  étoit  accompagnée  ,  on 
n'est  plus  surpris  de  ce  que  Dieu 
l'avoit  défendue  aux  Israélites  sous 
peine  de  mort. 

B  A  ALITES,  adorateurs  de  Baal. 
Pour  excuser  le  culte  rendu  au  so- 
leil ,  et  toutes  les  autres  espèces 
d'idolâtrie  ,  quelques  incrédules 
ont  prétendu  que  ce  culte  se' rap- 
portoit  au  vrai  Dieu  ;  que  les  po- 
lythéistes adoroient,  dans  les  astres 
et  dans  les  différentes  parties  de  la 
nature ,  la  puissance  et  la  bonté 
du  Créateur.  C'est  prêter  des  idées 
bien  spirituelles  à  des  hommes  très- 
grossiers,  et  dont  nous  avons  peine 
à  concevoir  toute  la  stupidité. 

S'il  y  avoit  une  idolâtrie  excu- 
sable ,  ce  seroit  sans  doute  le  culte 
du  soleil  ;  cet  astre  est ,  pour  ainsi 
dire  ,  l'âme  de  la  nature  ;  rien  de 
plus  pompeux  que  les  hymnes  faits 
à  son  honneur  par  les  anciens 
poètes.  Mais  si  l'on  avoit  demandé 
aux  Péruviens,  qui  l'adoroient ,  à 
quel  personnage  ils  avoient  inten- 
tion de  rendre  leurs  respects  et 
leurs  vœux ,  il  n'est  pas  à  présumer 
qu'ils  auroient  nommé  te  Créa- 
teur de  l'univers,  dont  la  provi- 
dence gouverne  toutes  choses.  Ils 
croyoient  que  le  soleil  étoit  un  être 
animé  et  intelligent  ;  c'étoit  même 
l'opinion  des  philosophes  grecs; 
c'est  donc  à  lui  que  s'adressoient 
les  hommages  qu'on  lui  rendoit , 
puisque  l'on  étoit  persuadé  qu'il 
voyoit ,  entendoit  et  approuvoit 
ce  que  l'on  faisoit  pour  obtenir 
ses  faveurs. Lorsque  Zoroastre  vou- 
lut donner  une  religion  nouvelle 
aux  Chaldéens  qui  adoroient  les 
astres ,  il  ne  pensa  point  que  leur 
culte  eiit  aucun  rapport  au  .seul 
Dieu  créateur  du  monde. 

IJ  y  a  plus.  Celse  ,  Julien  ,  Por- 
phyre, ou»-  fait  un  crime  aux  chré- 


BAB 

liens  «le  ce  qu'ils  ne  vouloîent  ren- 
«Irc  aucun  culte  aux  génies,  aux 
prétendus  dieux  inférieurs  ou  se- 
condaires ,  auxquels  ,  selon  eux  , 
le  Dieu  suprême  a  confié  le  gou- 
vernement de  l'univers.  Us  soute- 
iioient  ,  comme  Platon  ,  que  ce 
Dieu  suprême  étoit  trop  grand  ou 
trop  occupé  de  son  bonheur,  pour 
se  mêler  des  choses  de  ce  monde  ; 
conséquemment  qu'il  étoit  fort 
inutile  de  lui  rendre  aucun  culte  ; 
que  l'encens  ,  les  prières  et  les 
offrandes  dévoient  être  adressés 
seulement  aux  génies ,  ou  dieux 
inférieurs.  Porphyre  ,  Traité  de 
Vabstinence,  liv.  2  ,  c.  34  ,  Sy  ,  38. 
Le  soleil ,  sans  doute,  étoit  un  de 
ces  dieux  ;  en  quel  sens  le  culte 
qu'on  lui  rendoit  pouvoit-il  se 
rapporter  au  vrai  Dieu  i* 

Sans  entrer  dans  une  plus  longue 
discussion  ,  nous  pouvons  être  as- 
surés que  si  l'idolâtrie  avoit  eu 
quelque  rapport  au  Créateur,  elle 
ii'auroit  pas  fait  naître  chez  les 
païens  tant  d'absurdités  et  tant  de 
crimes  ,  et  Dieu  ne  l'auroit  pas 
punie  par  des  châtiments  si  rigou- 
reux. Voyez,  Dieux  des  Païens, 
Idolâtrie. 

BAANITES,  hérétiques,  secta- 
teurs d'un  certain  Baanès,  qui  se 
disoit  disciple  d'Epaphrodite,  et 
enseignoit  les  erreurs  des  mani- 
chéens vers  l'an  810.  Voyez  Pierre 
de  Sicile,  iîist.  du  manichéisme 
renaissant.  Baronius,  ad  ann.  810. 

BABEL.  L'histoire  sainte  ra- 
conte que  les  hommes  rassemblés 
dans  les  plaines  de  Sennaar  n'a- 
voient  encore  qu'un  même  langage; 
qu'ils  formèrent  le  dessein  de  bâtir 
une  tour  élevée  jusqu'au  ciel  , 
avant  de  se  séparer ,  ou  plutôt  afin 
qu'elle  leur  servît  de  marque  pour 
ne  pas  se  séparer  ;  que  Dieu  ,  pour 
renverser  ce  projet,  confondit 
leur  langage  sur  le  lieu  même,  de 
manière  qu'ils  ne  s'entendirent  pins 


BAB  agS 

les  uns  les  autres;  qu'ainsi  il  les 
força  de  se  diviser  pour  aller  ha- 
biter différentes  contrées  :  que  celte 
tour  reçut  le  nom  At  Babel,  con- 
fusion ,  parce  que  le  langage  des 
hommes  y   fut   confondu.    Gen.  , 

C.    II. 

Cet  événement  arriva  l'an  du 
monde  1802;  Phaieg ,  le  dernier 
des  patriarches  de  la  famille  de 
Sem  ,  venoit  de  naître  ;  selon  quel- 
ques.commentateurs  ,  il  avoit  alors 
quatorze  ats,  et  son  nom  signifie 
dispersion.  Cette  date  s'accorde 
avec  les  observations  que  Callis- 
thène  envoya  de  Babyloneà  Aris- 
tote  ;  elles  étoient  de  i6o3  ans  ; 
c'est  précisément  l'intervalle  de 
temps  qui  s'étoit  écoulé  depuis  la 
fondation  de  la  tour  de  Babel  jus- 
qu'à l'entrée  d'Alexandre  à  Baby- 
lone. 

L'Ecriture  remarque  encore  que 
cette  masse  d'édifice  étoit  de  bri- 
que liée  avec  du  bitume  :  les  voya- 
geurs nous  apprennent  que  dans  ce 
même  lieu  la  terre  continue  à  vo- 
mir une  prodigieuse  quantité  de 
bitume.  On  trouve,  à  un  quart  de 
lieue  de  l'Euphrate,  vers  l'Orient, 
des  ruines  que  l'on  croit  être  les 
restes  de  la  tour  de  Babel;  mais 
celte  opinion  n'est  appuyée  sur  au- 
cune preuve. 

Quelques  incrédules  ont  fait  des 
difficultés  contre  l'histoire  de  la 
confusion  des  langues  et  de  la  tour 
de  Babel.  Selon  la  Genèse  ,  disent, 
ils,  cette  entreprise  fut  faite  cent 
dix-sept  ans  après  le  déluge;  pen- 
dant un  si  court  espace  ,  il  nepou- 
voit  pas  être  né  assez  d'hommes 
pour  former  toutes  les  peuplades 
dont  parle  Moïse,  pour  faire  un 
édifice  aussi  immense ,  et  il  n'y 
avoit  pas  eu  assez  de  temps  pour 
inventer  tous  les  arts  nécessaires  à 
l'exécution  d'un  pareil  ouvrage. 

Mais  Moïse  ne  suppose  point  que 
pour  lors  la  terre  fût  déjà  cou- 
verte de  toutes  les  peuplades  dont 
il  parle  au  chapitre  10  de  la  Ge- 


29«  BAB 

nese  ;  il  y  détaille  d'avance  les  gé- 
nérations qui  ne  vinrent  au  monde 
qu'après  la  dispersion. 

Connoît-on  assez  quelle  fut  la 
masse  et  la  hauteur  de  la  tour  de 
Babel,  pour  assurer  qu'il  n'y  avoit 
pas  alors  assez  d'hommes  existants 
pour  l'avoir  faite?  Le  désir  qu'ils 
avoient  de  construire  une  tour  fort 
haute,  ne  prouve  pas  qu'ils  l'aient 
élevée  en  effet  à  une  grande  hau- 
teur. Il  n'y  a  d'ailleurs  aucune  né- 
cessité de  s'en  tenir  à  la  chronolo- 
gie du  texte  hébreu,  touchant  la 
date  de  cet  événement  ;  suivant  les 
septante  et  le  texte  samaritain  ,  il 
n'est  arrivé  qu'environ  quatre 
cents  ans  après  le  déluge. 

Noé  et  ses  enfants  connoissoient 
les  arts ,  puisqu'ils  avoient  bâti 
l'arche  ,  ils  n'en  perdirent  point  la 
tonnoissance  pendant  l'année  du 
déluge;  ils  purent  donc  la  donner 
à  leurs  descendants ,  sans  que 
ceux-ci  fussent  obligés  de  les  in- 
venter. 

Ces  mêmes  critiques  demandent 
comment  toutes  ces  peuplades  pou- 
voient  avoir  encore  la  même  lan- 
gue ,  pendant  que  Moïse  a  dit,  dans 
le  chapitre  précédent ,  que  chacun 
avoit  sa  langue  ;  comment  elles  se 
trouvoient  rassemblées  dans  les 
plaines  de  Sennaar,  après  qu'il  a 
dit  qu'elles  étoient  allées  peupler 
le  Nord  et  le  Midi. 

Ferons-nous  un  crime  à  cet  his- 
torien d'avoir  dit,  paranticipation 
et  brièvement  dans  le  chapitre  lo, 
ce  qu'il  se  proposoit  d'exposer  plus 
en  détail  dans  le  chapitresuivant  ? 
Si  c'ctoit  une  faute ,  on  pourroit 
la  reprocher  à  tous  les  écrivains 
de  l'antiquité. 

Lorsque  les  censeurs  de  Moïse 
témoignent  leur  étonnement  de  ce 
que  la  construction  de  la  tour  de 
Babel  et  la  confusion  des  langues , 
so;it  deux  faits  dont  les  '  auteurs 
profanes  n'ont  eu  aucune  connois- 
sance,  ils  montrent  eux-mêmes 
que  les  leurs  sont  très-bornées.  Eu- 


BAlî 

sèbc  ,  dans  &a.  Préparation  évangé- 
Uque,  liv.  9,  c.  i4 ,  I7,ctc   ,  nous 
a  conservé  un   fragment  de  l'his- 
toire d'Assyrie ,   écrite  par  Aby- 
dène ,  où  ces  deux  grands  événe- 
ments sont  rapportés  ;  donc  la  tra- 
dition en  étoit  conservée  sur  le  lieu 
même.  Il  cite  encore  Artapan  et 
Eupolème,   qui    disent   la    même 
chose.  Il  paroît  que  la  guerre  des 
Titans  contre  les  dieux  ,  dont  par- 
lent les  poètes,  n'est  autre  chose 
que  l'entreprise  de  Babel  déguisée 
par  les  fables.  Celse  et  Julien  pré- 
tendoient  au  contraire  que  Moïse 
avoit  emprunté  des  païens  toute 
cette  histoire;   mais  les  écrits  de 
Moïse  sont  plus  anciens  que  ceux 
des  poètes  ;  Tatien,  Origène  ,  saint 
Cyrille  ,  l'ont  prouvé  par  tous  les 
monuments  de  l'histoire  profane. 
D'autres  critiques,  dont  l'ambi- 
tion étoit  de  diminuer  le  nombre 
des  miracles,  ont  voulu  faire  dis- 
paroître  celui  de  la  confusion  des 
langues  à  Babel.  Selon  le  génie  de 
la  langue  hébraïque  ,    disent- ils  , 
celte   expression  de  Moïse  :  Toute 
la  terre  ri'avoii  qu'une  bouche  et  une 
parole,    peut    signifier    que    tous 
les  hommes  étoient  parfaitement 
d'accord  ,  n'avoient  qu'un  même 
sentiment  et  un  même  dessein  ;  par 
conséquent  les  paroles  suivantes  , 
Dieu  confondit  leur  langage  ,  peu- 
vent signifier  que  par  la  permis- 
sion de  Dieu  la   discorde  se  mil 
entre  eux,  et   qu'ils  se  séparèrent 
pour  aller  habiter  différentes  con- 
trées. Or  la  différence  de  leur  lan- 
gage dut  résulter  naturellement  de 
leur  séparation  même;  très-peu  de 
temps  suffit  pour  que  deux  peuples 
qui  ne  se  fréquentent  plus,  ne  par- 
lent plus  la  même  langue.  Le  Clerc, 
in  Gènes.,  c.  x  i  ;  Sentiment  de  quel- 
ques Théologiens  de  Holl. ,  lett.  19; 
Simon,  Hist.  crit.  de  V ancien  Tes- 
tant., liv.  I,  c.  i4  et  ih',Bép.  aux 
Théol.  de  Holl.,  ch.  20.  Saint  Gré- 
goire de  Nysse,  Orat,    12  ,  contra 
Èunom.,  paroît  de  ce  sentiment- 


lîAB 

Mais  cela  nVsl  pas  conforme  au 
sens  naturel  du  texte  :  Moïse  dit 
que  Dieu  confondit  leur  langage 
sur  le  lieu  niênie  ,  et  il  le  répète 
deux  fois  ,  chap.  1 1  ,  y .  7  et  9  ;  il 
ajoute  :  tellement  que  Vun  n'enten- 
dit plus  la  parole  de  son  voisin. 
Qu'une  multitude  d'hommes 
n'aient  eu  d'abord  qu'un  seul  et 
même  dessein  ,  qu'ils  aient  com- 
mencé à  l'exécuter  de  concert,  que 
tout  à  coup  ils  se  soient  divisés 
sans  raison  et  sans  motif,  etn'aient 
plus  voulu  s'entendre,  cela  ne  nous 
paroi t  pas  naturel .  L'historien  pré- 
vient même  cette  idée, en  attribuant 
à  Dieu  ces  paroles  :  «  Si  nous  les 
»  laissons  faire  ,  ils  poursuivront 
»  l'ouvrage  qu'ils  ont  commencé , 
»  jusqu'à  ce  qu'ils  en  soient  venus 
»  à  bout.  »  Il  n'est  donc  pas  ici 
question  de  la  simple  permission 
d'un  événement  naturel  ,  mais 
d'une  intervention  positive  de  la 
toute-puissance  de  Dieu. 

Plusieurs  auteurs  onlfaildesdis- 
sertations  pour  savoir  si  le  langage 
que  les  hommes  parloient  avant  la 
confusion ,  se  conserva  sans  aucun 
changement  dans  la  famille  de  Sem 
ou  ailleurs  ;  si  cette  première  langue 
est  l'hébreu  ,  ou  une  autre  ,  etc. 
Ces  discussions  ne  nous  regardent 
point.  Puisqu'il  est  prouvé  à  pré- 
sent que  toutes  les  langues  sont 
composées  des  mêmes  racines  mo- 
nosyllabes ,  que  toutes  leurs  dif- 
férences consistent  dans  l'union  . 
l'arrangement  ,  la  prononciation 
plus  ou  moins  forte  de  ces  mêmes 
éléments;  l'hébreu  ne  peut  pas  être 
censé  la  première  langue  plutôt 
qu'une  autre,  à  moins  que  l'on  ne 
prouve  que  les  racines  primitives 
y  ont  été  conservées  avec  plus  de 
simplicité  que  dans  les  autres;  c'est 
ce  que  l'on  n'a  pas  encore  fait. 
Un  simple  changement  de  pronon- 
ciation des  mots  primitifs  a  suffi 
pour  que  les  ouvriers  de  Babel  ne 
s'en  tendissent  plus,  et  il  auroit  fallu 
un   miracle  permanent  pour  que 


RAI  2g7 

les  descendants  de  Sem  conser- 
vassent toujours  parmi  eux  la  même 
prononciation  et  le  même  arran- 
gement de  mots  primitifs.  Voyez 
VOr/g/ne  du  langage  et  de  Técriture, 
par  M.  Gébelin. 

BACHELIER.  To/ci  Faculté 
DE  Théologie. 

B  AGNOLOIS  ou  BAGNOLIENS , 
secte  d'hérétiques  qui  parurent 
dans  le  huitième  siècle  ,  et  furent 
ainsi  nommés  de  Bagnols,  ville  du 
Languedoc,  au  diocèse  d'Uzès,  où 
ils  étoient  en  assez  grand  nombre. 
On  les  nomme  aussi  concordais  ou 
conzocois  ,  termes  dont  on  ne  con- 
noît  pas  la  véritable  origine. 

Ces  bagnolois  étoient  mani- 
chéens, et  furent  les  précurseurs 
des  albigeois.  Ils  rejetoient  l'ancien 
Testament  et  une  partie  du  nou- 
veau. Leurs  principales  erreurs 
étoient  que  Dieu  ne  crée  point 
les  âmes  quand  il  les  unit  aux 
corps  ;  qu'il  n'y  a  point  en  lui  de 
prescience;  que  le  monde  est  éter- 
nel, etc.  On  donna  encore  le  même 
nom  à  une  secte  de  cathares  dans 
le  treizième  siècle.  Voy.  Cathares. 

BAHEM,  ou  plutôt  BAHIM. 
Dans  le  premier  livre  des  Macha- 
bées,  il  est  dit  que  le  roi  Démétrius 
écrivit  au  grand-prêtre  Simon  en 
ces  termes  :  Coronam  auream  et 
bahem  quam  misistis,  suscepimus. 
Le  grec  ,  au  lieu  de  bahem  ,  lit 
ba'inam  ,  que  Grolius  dérive  de 
bais,  une  branche  de  palmier.  Ce 
sentiment  paroît  le  meilleur.  Il 
étoit  assez  ordinaire  d'envoyer 
ainsi  des  couronnes  et  des  palmes 
ci'or  aux  rois  vainqueurs,  en  forme 
de   présents.   Machab.   I,  ch.  i3  , 

BAIANISME  ou  BAYANISME , 
erreurs  de  Baïus  et  de  ses  disciples. 

Michel  Baïus  ou  de  Bay  ,  né  en 
i5i3  à  Melin  ,  dans   le  territoire 


298  BAI 

d'Ath  en  Hainaut  ,  après  avoir 
étudiéàLouvain  et  passé  successi- 
vement par  tous  les  grades  de  cette 
université  ,  y  reçut  le  bonnet  de 
docteur  en  i54o  ,  et  fut  nommé 
l'année  suivante  ,  par  Charles  V  , 
pour  y  remplir  une  chaire  d'Ecri- 
tnre  sainte,  avec  Jean  Hessels,  son 
compagnon  d'études  et  son  ami. 
Il  enseigna  dans  ses  écrits  ,  et  fit 
imprimer  diverses  erreurs  sur  la 
^râce  ,  le  libre  arbitre  ,  le  péché 
originel  ,  la  charité  ,  la  mort  de 
Jésus-Christ,  etc.  Elles  sont  con- 
tenues dans  soixante-seize  propo- 
sitions _,  condamnées  d'abord  en 
1576  par  le  pape  Pie  V. 

On  peut  rapporter  toutes  les 
propositions  de  Baïus  à  trois  chefs 
principaux:les  unes  regardent  l'état 
d'innocence  ;  les  autres  l'état  de 
nature  tombée  ou  corrompue  par  le 
péché  ;  les  autres  enfin  l'état  de 
nature  réparée  par  le  Fils  de  Dieu 
fait  homme  et  mort  en  croix  ; 

1°  Comme  les  anges  et  les  hom- 
mes sont  sortis  des  mains  de  Dieu 
justes  et  innocents  ,  Baïus  et  ses 
disciples  ont  prétendu  que  la  des- 
tination de  ces  créatures  à  la  béa- 
titude céleste  ,  que  les  grâces  qui 
lesy  nrienoient  de  proche  en  proche, 
n'étoient  pas  des  dons  gratuits  , 
mais  des  dons  inséparables  de  la 
condition  des  anges  et  du  premier 
homme  ;  que  Dieu  les  leur  devoit, 
tout  comme  il  devoit  à  ce  dernier 
la  vue,  l'ouïe  et  les  autres  facultés 
naturelles.  Selon  le  principe  fon- 
damental de  Baïus  ,  une  créature 
raisonnable  et  sans  tache  ne  peut 
avoir  d'autre  fin  que  la  vision  in- 
tuitive de  son  Créateur;  Dieu  n'a 
pu,  sans  être  lui-même  l'auteur  du 
péché  ,  créer  les  anges  et  le  pre- 
mier homme  que  dans  un  état  ex- 
clusif de  tout  crime,  ni  par  consé- 
quent les  destiner  qu'à  la  béatitude 
céleste  :  cette  destination  étoit  à  la 
vérité  un  don  de  Dieu  ,  mais  qu'il 
ne  pouvoit  leur  refuser  sans  déro- 
ger à  sa  bonté,  à  sa  sainteté  ,  à  sa  ; 


BAI 

justice.  Telle  est  la  doctrine  de 
Baïus  ,  dans  son  livre  De  primé 
hominis  justiiiâ  ,  surtout  chap,  8. 
Elle  est  exprimée  dans  les  propo- 
sitions 21,  23,  24,  26,  27,  55,  71 
et  72  ,  condamnées  par  la  bulle 
dePie  V.  2.°ConséquemmentDieu 
a  été  dans  l'obligation  indispen- 
sable de  départir  aux  anges  et  à 
l'homme  les  moyens  nécessaires 
pour  arriver  à  leur  fin  ;  d'où  il  ré- 
sulte que  toutes  les  grâces  ,  soit 
actuelles  ,  soit  habituelles,  qu'ils 
ont  reçues  dans  l'état  d'innocence, 
leur  étoient  dues  comme  une  suite 
naturelle  de  leur  création.  3.°  Le 
mérite  des  vertus  et  des  bonnes 
actions  étoit  de  même  espèce,  c'est- 
à-dire,  naturel ,  ou ,  ce  qui  revient 
au  même  ,  le  fruit  de  la  première 
création.  4-°  Là  félicité  éternelle 
attachée  à  ces  mérites  étoit  demême 
ordre  ,  c'est-à-dire  ,  une  pure  ré- 
tribution, où  la  libéralité  gratuite 
deDieun'entroit  pour  rien  ;  c'étoit 
une  récompense  et  non  une  grâce. 
5.*'L'homme  innocent  étoit  à  l'abri 
de  l'ignorance  ,  des  souffrances  et 
de  la  mort ,  en  vertu  de  sa  créa- 
tion ;  l'exemption  de  tous  ces  maux 
étoit  une  dette  que  Dieu  payoit  à 
l'état  d'innocence,  un  ordre  établi 
par  la  loi  naturelle,  toujours  inva- 
riable ,  parce  qu'elle  a  pour  objet 
ce  qui  est  essentiellement  bon  et 
juste.  C'est  la  doctrine  expresse  des 
propositions  53,  69,  70  et  75  de 
Baïus.  Vojtz  Le  Père  Duchesne, 
Hist.  du  Bàianisme,  liv.2,  p.  177, 
180;  et  livre  4 ,  pag-  356  et  36i  ;  et 
le  Trailéhist.  et  do  gm.  sur  la  doctrine 
ds  Baïus,  Tpar  l'abbé  de  la  Chambre, 
tome  .'  ,  chap.  2  ,  pag.  49  et  suiv. 
Quant  à  l'état  de  nature  tombée, 
voici  les  erreurs  de  Baïus  et  de  ses 
sectateurs  sur  la  nature  du  péché 
originel ,  sa  transfusion  et  ses  sui- 
tes, i."  Dans  leur  système,  le  pé- 
ché originel  n'est  autre  chose  que 
la  concupiscence  habituelle  domi- 
nante. 2."  Cette  idée  supposée,  la 
transfusion  du  péché  d'Adam  n'est 


BAI 

plus  un  mystère  qui  révolte  la  rai- 
son ;  ce  pcchc  se  transmet  de  la 
même  manière  que  l'aveuglement  , 
la  goutte  et  les  autres  maladies  phy- 
siques de  ceux  dont  on  lient  la  nais- 
sance :  cette  communication  se  fait 
indépendamment  de  tout  arrange- 
ment arbitraire  de  la  part  de  Dieu; 
tout  péché ,  par  sa  nature  ,  a  la 
force  d'infecter  le  transgresseur  et 
toute  sa  postérité,  comme  a  faille 
péché  originel  ,  proposition  5o. 
Cependant  ce  dernier  est  en  nous 
sans  aucun  rapport  à  la  volonté  du 
premier  père,  proposition  /^f>.  Sur 
les  suites  du  péché  originel  ,  Baïus 
dit,  i.°  que  le  libre  arbitre,  sans 
la  grâce ,  n'a  de  force  que  pour  pé- 
cher ,  proposition  28.  2.°  Qu'il  ne 
peut  éviter  aucun  péché,  proposi- 
tion 29;  que  tout  ce  qui  en  sort, 
même  l'infidélité  négative  ,  est  un 
péché  ;  que  l'esclave  du  péché  obéit 
toujours  à  la  cupidité  dominante  ; 
que  jusqu'à  ce  qu'il  agisse  par  l'im- 
pulsion de  la  charité  ,  toutes  ses 
actions  partent  de  la  cupidité  et 
sont  des  péchés,  propositions  34 , 
36  ,  64,  68  ,  etc.  3.°  Qu'il  ne  peut  y 
avoir  en  lui  aucun  amour  légitime 
dans  l'ordre  naturel ,  pas  même  de 
Dieu  ,  aucun  acte  de  justice  ,  au- 
cun bon  usage  du  libre  arbitre,  ce 
qui  paroît  dans  les  infidèles,  dont 
toutes  les  actions  sont  des  péchés, 
comme  les  vertus  des  philosophes 
sont  des  vices  ,  propositions  25  et 
26.  Ainsi ,  selon  Baïus  ,  la  nature 
tombée  et  destituée  de  la  grâce ,  est 
dans  une  impuissance  générale  à 
tout  bien  ,  et  toujours  déterminée 
au  mal  que  sa  cupidité  dominante 
lui  propose.  Il  ne  lui  reste  ni  li- 
herlé  de  contrariété  ,  ni  liberté  de 
contradiction  exempte  de  nécessi- 
té :  incapable  d'aucun  bien  ,  elle  ne 
peut  produire  d'action  qui  ne  soit 
un  péché  ;  nécessitée  au  naal ,  elle 
s'y  porte  au  gré  du  penchant  qui 
Ja  domine,  et  n'en  est  ni  moins  cri- 
minelleni  moins  punissable  devant 
Dieu.  F".  les  auteurs  cités ci-dessuv<!. 


BAI 


»99 


Les  erreurs  de  Baïus  ,  d'Ilessels 
et  de  leurs  sectateurs,  ne  sont  pai 
moins  frappantes  touchant  l'état 
de  nature  réparée  par  le  Rédemp- 
teur :  ils  disent  formellement  que 
la  rétribution  de  la  vie  éternelle 
s'accorde  aux  bonnes  actions  ,  sans 
avoir  égard  aux  mérites  de  Jésus- 
Christ  ;  qu'elle  n'est  pas  même ,  h. 
proprement  parler  ,  une  grâce  de 
Dieu ,  mais  l'effet  et  la  suite  de  la 
loi  naturelle  ,  en  vertu  de  laquelle 
le  royaume  céleste  est  le  salaire  de 
l'obéissance  à  la  loi  ;  que  toute 
bonne  œuvre  est  de  sa  nature  mé- 
ritoire du  ciel ,  comme  toute  mau- 
vaise est  de  sa  nature  méritoire  de 
la  damnation  ;  que  le  mérite  des 
œuvres  ne  vient  pas  de  la  grâce 
sanctifiante,  mais  seulement  de  l'o- 
béissance à  la  loi  ;  que  toutes  les 
bonnes  actions  des  catéchumènes, 
qui  précédent  la  rémission  de  leurs 
péchés ,  comme  la  foi  et  la  péni- 
tence .  méritent  la  vie  éternelle  , 
propositions  11,  12  ,  i3 ,  18  ,  69. 

La  justification  des  adultes,  se- 
lon Baïus  ,  de  Justif. ,  cap.  8 ,  et  de 
jusiitiâ,  cap.  3  et  4  ,  consiste  dans 
la  pratique  des  bonnes  œuvres  et  la 
rémission  des  péchés.  En  consé- 
quence ,  il  soutient  que  les  sacre- 
ments de  baptême  et  de  pénitence 
ne  remettent  point  la  coulpe  du  pé- 
ché, mais  la  peine  seulement  ;  qu'ils 
ne  confèrent  point  la  grâce  sanc- 
tifiante ;  qu'il  peut  y  avoir  dans 
les  pénitents  et  les  catéchumènes 
une  charité  parfaite ,  sans  que  les 
péchés  leur  soient  remis  ;  que  la 
charité  ,  qui  est  la  plénitude  de  la 
loi,  n'est  pas  toujours  jointe  avec 
la  rémission  des  péchés  ;  que  le  ca- 
téchumène vit  dans  la  justice  avant 
d'avoir  obtenu  la  rémission  de  ses 
péchés  ;  qu'un  homme  en  péché 
mortel  peut  avoir  une  charité  mê- 
me parfaite ,  sans  cesser  d'être  sujet 
à  la  damnation  éternelle  ;  parce  que 
la  contrition,  même  parfaite,  jointe 
à  la  charité  et  au  désir  du  sacre- 
ment, ne  remet  point  la  dette  de  la 


3oo  BAI 

peine  éternelle  ,  hors  le  cas  «le  né- 
cessité ou  de  martyre ,  sans  la  ré- 
ception actuelle  du  sacrement  , 
propositions  3i  ,  54  ,  55  ,  67  , 
68  ,   etc. 

Comme  dans  le  système  de  Baïus 
on  est  formellement  justifié  par  l 'o- 
béissance  à  la  loi ,  ce  docteur  et  ses 
disciples  disent  qu'ils  nereconnois- 
'sent  d'autre  obéissance  à  la  loi  que 
celle  qui  coule  de  l'esprit  de  chari- 
té ,  proposition  6  ;  point  d'amour 
légitime  dans  la  créature  raisonna- 
ble ,  que  cette  louable  charité  que 
le  Saint-Esprit  répand  dans  le 
cœur ,  et  par  laquelle  on  aime  Dieu, 
et  que  tout  autre  amour  est  cette 
cupidité  vicieuse  qui  attache  au 
inonde ,  et  que  saint  Jean  réprou- 
ve ,  proposition  38. 

Leur  doctrine  n'est  pas  moins 
erronée  sur  le  mérite  et  la  valeur 
des  bonnes  œuvres;  puisqu'ils  avan- 
cent d'un  côté  que ,  dans  l'état  de 
la  nature  réparée ,  il  n'y  a  point  de 
vrais  mérites  qui  ne  soient  gratui- 
tement conférés  à  des  indignes  ;  et 
que  de  l'autre  ils  prétendent  que 
les  bonnes  œuvres  des  fidèles  qui 
les  justifient ,  ne  peuvent  pas  sa- 
tisfaire à  la  justice  de  Dieu  pour 
les  peines  temporelles  qui  restent  à 
expier  après  la  rémission  des  pé- 
chés ,  ni  les  expier  ex  condi^no  ;  ces 
peines ,  selon  eux ,  ne  pouvant  être 
rachetées,  même  par  les  souffrances 
des  saints ,  propositions  8  ,  57,  74. 
Voyez  les  auteurs  cités  ci-dessus  , 
et  V Abrégé  du  Traité  de  la  grâce  , 
de  Tournely  ,  par  M.  Montagne. 

Ce  système,  comme  le  remarque 
solidement  ce  dernier  théologien  , 
est  un  composé  bizarre  de  pélagia- 
nisme,  quant  à  ce 'qui  regarde  l'é- 
tat de  nature  innocente  ;  de  luthé- 
ranisme et  de  calvinisme,  pour  ce 
qui  concerne  l'état  de  nature  tom- 
bée. Quant  à  l'état  de  nature  répa- 
rée ,  les  sentiments  de  Baïus  sur  la 
justification ,  l'efficacité  des  sacre- 
ments et  le  mérite  des  bonnes  œu- 
vrM  ,  sont  directement  opposes  à 


BAI 

la  doctrine  du  concile  de  Trente  : 
ils  ne  pouvoient  éviter  les  différen- 
tes censures  qu'ils  ont  essuyées. 

En  effet,  dès  i552  ,  Buard  Tap- 
per  ,  Josse  Bavestin  ,  Bitcbou  , 
Cunner  et  d'autres  docteurs  de 
Louvain  s'élevèrent  contre  Baïus 
et  Hessels ,  qui  répandoient  les 
premières  semences  de  leurs  opi- 
nions. En  i56o,  deux  gardiens  des 
cordeliers  de  France  en  déférèrent 
dix-huit  articles  à  la  faculté  de 
théologie  de  Paris ,  qui  les  con- 
damna par  sa  censure  du  27  juin 
de  la  même  année.  En  1567  parut 
la  bulle  de  Pie  V,  du  i."  octobre, 
portant  condamnation  desoixante- 
seize  propositions  qu'elle  censuroit 
in  globo ,  mais  sans  nommer  Baïus. 
Le  cardinal  de  Grandvelle  ,  chargé 
de  l'exécution  de  ce  décret,  l'en- 
voya à  Morillon  ,  son  vicaire  gé- 
néral ,  qui  le  présenta  à  l'université 
de  Louvain  ,  le  29  décembre  1867. 
-La  bulle  fut  reçue  avec  respect ,  et 
Baïus  parut  d'abord  s'y  soumettre; 
mais  ensuite  il  écrivit  une  longue 
apologie  de  sa  doctrine,  qu'il  adres- 
sa au  pape  ,  avec  une  lettre  du  8 
janvier  1669.  Pic  V,  après  un  mûr 
examen,  confirma,  le  i3  mai  sui- 
vant,  son  premier  jugement,  et 
écrivit  un  bref  à  Baïus ,  pour  l'en- 
gager à  se  soumettre  sans  tergiver- 
sation .  Baïus  hésita  quelque  temps, 
et  se  soumit  enfin  ,  en  donnant  à 
Morillon  une  révocation  des  pro- 
positions condamnées.  Mais  après 
la  mort  de  Josse  Bavestin  ,  arrivée 
en  1870 ,  Baïus  et  ses  disciples  re- 
muèrent de  nouveau. Grégoire  XIII, 
pour  mettre  fin  à  ces  troubles  , 
donna  une  bulle  le  29  janvier  1679, 
en  confirmation  de  celle  de  Pie  V 
son  prédécesseur ,  et  choisit,  pour 
la  faire  accepter  par  l'université  de 
Louvain  ,  François  Tolet ,  jésuite  , 
et  depuis  cardinal.  Alors  Baïus  ré- 
tracta ses  propositions ,  et  de  vive 
voix  ,  et  par  un  écrit  signé  de  sa 
main  ,  daté  du  24  mars  iSSo.Dans 
les  huit  années  suivantes  jusqu'à  la 


JÎAI 
mort  de  lîaïus ,  les  contestations  se 
réveillèrent,  et  ne  furent  assoupies 
que  par  un  corps  de  doctrine  dressé 
par  les  théologiens  deLouvain,  et 
adopté  par  ceux  de  Douai.  Jacques 
Janson ,  professeur  de  théologie  à 
Louvain  ,  voulut  ressusciter  les 
opinions  de  Baïus ,  et  en  chargea  le 
fameux  Cornélius  Jansénius  son 
élève ,  qui ,  dans  son  ouvrage  inti- 
tule Augustinus  ,  a  renouvelé  les 
principes  et  la  plupart  des  erreurs 
de  Baïus.  Voyez  Jansénisme.  Ques- 
nel  ensuite  a  répété  mot  pour  mot , 
dans  ses  Réflexions  morales  ,  un 
grand  nombre  de  propositions  con- 
damnées par  Pie  V  et  Grégoire  XIII. 

Voyez  QUESNELLISME. 

Il  n'est  pas  nécessaire  d'Stre  pro- 
fond théologien  pour  démontrer 
que  le  système  de  Baïus  est  absurde 
eu  lui-même.  Sur  quoi  fondé  sou- 
tient-il que  Dieu  devoità  la  nature 
innocente  tous  les  privilèges  et  les 
avantages  accordés  à  Adam  ?  Dieu 
sans  doute  ne  peut  pas  créer  l'hom- 
me en  état  de  péché  ,  cela  seroit 
contraire  à  sa  sainteté  et  à  sa  jus- 
tice; mais  comment  prouvera-t-on 
que  Dieu  doit  à  l'homme  exempt 
de  péché  telle  mesure  de  dons  spi- 
rituels et  corporels  ,  tel  degré  de 
bonheur  et  de  bien-être  pour  le 
présent  et  pour  l'avenir  ?  On  ne 
peut  fonder  cette  prétention  que 
sur  les  sophismes  des  anciens  phi- 
losophes et  des  manichéens  tou- 
chant l'origine  du  mal.  Dieu  ,  es- 
sentiellement maître  de  ses  dons 
et  tout-puissant ,  peut  en  accorder 
plus  ou  moins  à  l'infini  et  en  telle 
mesure  qu'il  lui  plaît.  C'est  le  prin- 
cipe qu'a  posé  saint  Augustin  avec 
raison  ,  pour  réfuter  les  mani- 
chéens. Il  y  a  de  l'absurdité  à  sup- 
poser que  Dieu  doit  quelque  chose 
à  une  créature  à  laquelle  il  ne  doit 

Sas  même  l'existence.  Dans  cette 
ypothèse  ridicule ,  il  seroit  im- 
possible de  concilier  la  permission 
du  péché  avec  la  justice ,  la  sagesse, 
la  sainteté  et  la  bonté  de  Dieu.  S'il 


«AI  3c  1 

devoit  tant  de  faveurs  à  l'homme 
innocent,  pourquoi  ne  lui  devoil- 
il  pas  aussi  la  grâce  efficace  pour 
persévérer  dans  l'innocence  r 

Dos  que  le  principe  fondamental 
de  Baïus  est  évidemment  faux  et 
sentie  manichéisme,  toutes  les  con- 
séquences qu'il  en  tire  ne  sont  pas 
moins  fausses. 

Dans  ce  même  système ,  la  ré  • 
dcmption  du  monde  par  Jésus- 
Christ  est  absolument  nulle.  Le 
genre  humain  avoit  tout  perdu  par 
le  péché  d'Adam  :  que  lui  a  rendu 
Jésus-Christ .?  De  quoi  l'a-t-il  ra- 
cheté ou  délivré?  Nous  n'en  savons 
rien.  Les  expressions  pompeuses  , 
par  lesquelles  l'Ecriture  sainte  nous 
vante  le  bienfait  de  la  rédemption , 
les  actions  de  grâces  que  l'Eglise 
chrétienne  en  rend  à  Dieu ,  le  titre 
de  Sauveur  du  monde  ,  etc.  ,  sont 
des  mots  vides  de  sens  :  le  dogme 
fondamental  du  christianisme  n'est 
qu'un  rêve  de  l'imagination. 

Si  aa  moins  ce  système  étoit  con- 
solant ,  capable  de  nous  inspirer 
l'amour  de  Dieu  et  le  goût  des  bon- 
nes œuvres  ,  on  ne  seroit  plus  sur- 
pris de  l'opiniâtreté  avec  laquelleil 
a  été  soutenu  ;  mais  il  n'en  est  au  - 
cun  qui  soit  plus  propre  à  désoler 
et  à  décourager  les  âmes  vertueuses, 
à  faire  envisager  Dieu  comme  un 
tyran  ,  et  notre  existence  comme 
un  malheur.  Il  est  très-faux  que 
saint  Augustin  en  soit  l'auteur  ;  s'il 
l'étoit,  comme  on  ose  le  prétendre, 
il  s'ensuivroit  seulement,  qu'après 
avoir  mal  raisonné  contre  les  mani-' 
chéens  ,  il  a  encore  plus  mal  argu- 
menté contre  les  pélagiens  ,  et 
qu'entraîné  par  la  chaleur  de  la 
dispute ,  il  est  tombé  dans  des  excès 
répréhensibles;mais  il  n'en  est  rien . 
Voyez  Saint  Augustin. 

Nous  ne  sommes  pas  surpris  de 
voir  un  luthérien  ,  tel  que  Mos- 
heim ,  confondre  ensemble  les  opi- 
nions de  Luther  ,  de  Baïus  ,  de 
Jansénius  ,  des  augustiniens  ,  des 
thomistes  5  supposer   que   c'est  le 


002  BAL 

sentiment  de  saint  Augustin,  et 
prétendre  que  l'on  n'en  a  jamais 
montré  la  différence.  Hist.  ecclés. 
du  seizième  siècle ,  sect.  3 ,  i ."  part. , 
c.  I ,  §  38.  On  peut  le  croire,  quand 
on  n'a  pas  lu  les  ouvrages  de  ce  saint 
docteur ,  et  que  l'on  ne  s'est  pas 
donné  la  peine  de  confronter  les 
divers  systèmes  ;  mais  un  théolo- 
gien bien  instruit  sait  aisément  les 
distinguer. 

L'apologie  que  Baïus  a  faite  de 
ses  propositions  condamnées  n'est 
ni  sincère  ni  solide;  il  ne  les  justi- 
fie qu'en  abusant  des  passages  de 
saint  Paul  et  de  saint  Augustin  , 
comme  a  fait  Luther,  et  comme  font 
encore  tous  les  faux  augustiniens. 

BAISER  DE  PAIX,  royez  Paix. 

BALAAM,  prophète  appelé  par 
Balac,  roi  des  Moabites,  pour  mau- 
dire les  Israélites  ;  Dieu  le  força 
de  les  bénir  et  de  prédire  leur 
prospérité  future.  Num. ,  c.  24  ? 
y'.  17.  Il  sortira,  dit-il,  une  étoile 
de  Jacob,  et  il  s'élèvera  un  sceptre 
dans  Israël ,  qui  gouvernera  tous 
les  enfants  de  Seth ,  par  conséquent 
tous  les  hommes,  puisque,  depuis 
le  déluge,  il  n'est  resté  au  monde 
que  la  postérité  de  Seth.  Le  Tar- 
gum  ou  paraphrase  d'Onkclos,  et 
celui  de  Jonathan,  Maimonide  et 
d'autres  savants  rabbins  ,  ont  ap- 

Eliqué  cette  prophétie  au  Messie, 
es  commentateurs  chrétiens  n'ont 
donc  pas  tort  de  l'entendre  de 
même. 

Les  incrédules  ont  fait  des  rail- 
leries insipides  sur  ce  qui  est  dit, 
NuTn.,c.  22,  y^.  18,  que  Dieu  fît 
parler  l'ànesse  sur  laquelle  Ba/aa/ra 
étoit  monté;  ils  ont  regardé  cette 
narration  conime  une  fable  ridi- 
cule. Mais  nous  ne  voyons  pas 
pourquoi  il  étoit  plus  indigne  de 
Dieu  de  faire  parler  un  animal 
que  de  faire  entendre  une  voix  en 
l'air  ,  ou  de  se  servir  d'un  autre 
•igné  pour  intimer  ses  volontés  à 


BAL 

un  prophète.  On  ne  peut  ,  sans 
contredire  le  texte  sacré  ,  suppose!" 
quçBalaam  étoitun  fauxprophète, 
un  infidèle, un  idolâtre,  parce  qu'il 
demeuroit  parmi  les  Ammonites  ; 
il  est  évident,  par  la  narration  de 
Moïse,  que  cet  homme  connoissoit 
et  adoroit  le  vrai  Dieu  ;  il  ne 
partit ,  pour  se  rendre  à  l'invita- 
tion du  roi  des  Moabites  ,  qu'après 
avoir  consulté  le  Seigneur,  et  après 
en  avoir  reçu  une  permission  ex- 
presse. Si  donc  l'ange  du  Seigneur 
lui  dit,  c.  22,  5^.  32:  «Ton  voyage 
»  est  criminel  et  contraire  à  mon 
»  dessein  ,  »  c'est  probablement 
parce  que  ce  prophète  méditoiten 
lui  -  même  comment  il  pourroit 
concilier  les  ordres  de  Dieu  avec 
les  vues  du  roi  des  Moabites,  afin 
de  ne  pas  être  privé  d'une  récom- 
pense. La  manière  dont  saint  Pierre 
en  parle  ,  JI.  Petr.,  c.  2  ,  X'^.  i5  , 
ne  paroît  pas  signifier  autre  chose. 
Au  reste  les  commentateurs  ne 
s'accordent  pas  trop  sur  l'idée  que 
l'on  doit  avoir  de  ce  personnage. 
De  savants  critiques  en  ont  pris 
occasion  de  traiter  une  question  , 
qui  est  de  savoir  si  Dieu  peut  se  ser- 
vir des  personnages  vicieux,  même 
des  infidèles  et  des  idolâtres,  pour 
prédire  l'avenir.  Plusieurs  exem- 
ples allégués  dans  l'Ecriture  sainte 
prouvent  que  Dieu  l'afaitpar  d'au- 
tres que  par  Balaam.  Le  prophète 
Michée,  c.  3,  5!'.  11,  accuse  quel- 
ques-uns de  ses  confrères  de  pro- 
phétiser pour  de  l'argent  ;  il  ne 
dit  pas  néanmoins  que  c'étoient 
de  faux  prophètes.  Dans  le  livre 
de  Daniel,  c.  2,  |)^.  i,  nous  voyons 
que  Dieu  envoie  un  songe  prophé- 
tique à  Nabuchodonosor ,  prince 
idolâtre,  quoiqu'il  connût  le  vrai 
Dieu.  Jésus-Christ,  Matlh.,  c.  7  , 
S-  23,  dit  qu'an  jour  du  jugement 
il  réprouvera  des  hommes  qui  se 
vanteront  d'avoir  prophétisé  et 
fait  des  miracles  en  son  nom.  Saint 
Jean,  c.  11,  ^.  5i,  nous  apprend 
que  Caïphe,  en  qualité  de  pontife, 


BAL 

prophétisa  que  Jésus-Clirisl  mour- 
roit  non-seulement  pour  sa  nation, 
mais  pour  rassembler  les  enfants 
de  Dieu.  Probablement  il  fit  cette 
prédiction  sans  le  vouloir  et  sans 
en  comprendre  le  sens.  Note  de 
Mosheini  sur  Cudivorih,  c.  5,  §  89, 
à  la  fin.  Quant  aux  prédictions  qui 
avoient  cours  parmi  les  païens , 
yojez  Oracle. 

BALE  (  concile  de  ).  Il  est  reçu 
en  France  comme  œcuménique  , 
du  moins  jusqu'à  la  vingt-sixième 
session.  Il  fut  assemblé  Tan  i4^i) 
et  dura  jusqu'à  i443  ;  mais  la  dis- 
sension entre  le  concile  et  le  pape 
EugènelV commença  dès  l'an  1427, 
à  la  vingt-sixième  session,  et  dura 
jusqu'à  la  fin.  Il  avoit  été  convo- 
qué en  vertu  du  décret  du  con- 
cile général  de  Constance  ,  qui 
avoit  ordonné ,  session  3g  ,  que 
dans  cinq  ans  il  se  tiendroit  un 
nouveau  concile  général. 

Les  deux  principaux  objets  du 
concile  de  Bdle  étoienl  la  réunion 
des  Grecs  avec  l'Eglise  romaine, 
et  la  réformation  générale  de  l'E- 
glise, tant  dans  son  chef  que  dans 
ses  membres ,  suivant  le  projet  qui 
en  avoit  été  fait  au  concile  de 
Constance.  Conséquemmentil  dé- 
clara ,  dans  sa  seconde  session , 
qu'il  tenoit  son  pouvoir  immédia- 
tement de  Jésus-Christ ,  que  toute 
personne  quelconque ,  même  le 
pape,  étoit  obligé  de  lui  obéir 
dans  ce  qui  regardoit  la  foi,  l'extir- 
pation du  schisme,  et  la  réforme 
générale  de  l'Eglise  dans  son  chef 
et  dans  ses  membres. 

Ce  décret  est  censé  avoir  été 
confirmé  par  le  pape  lui-même  , 
puisqu'il  donna  une  bulle  par  la- 
quelle il  déclaroit  que,  quoiqu'il 
eût  cassé  le  concile  de  Bdle,  légi- 
timement assemblé  ,  néanmoins  , 
pour  éviter  les  dissensions,  il  re- 
connoissoit  que  ce  concile  avoit 
été  légitimement  continué  depuis 
son  commencemen  t ,  e  t  devoit  l'être 


BAL 


3o3 


à  l'avenir;  qu'il  l'approuvoildans 
ce  qu'il  avoit  ordonné  et  décide^, 
et  déclaroit  que  la  dissolution 
qu'il  en  avoit  faite  étoit  nulle. 
Cette  bulle  fut  reçue  et  publiée 
dans  la  seizième  session  ,  le  5  fé- 
vrier 1434- 

Le  concile  fit  ensuite  plusieurs 
canons  de  discipline  touchant  les 
mœurs  du  clergé  ,  condamna  et 
supprima  les  annales. 

Mais  après  la  vingt- cinquième 
session,  tenue  en  1437,  le  pape 
transféra  le  concile  de  J3a/e  à  Fer- 
rare,  et  deux  ans  après  à  Florence. 
Com^me  les  Pères  de  Bdle  s'obsti- 
nèrent à  y  continuer  leurs  assem- 
blées, et  procédèrent  juridique- 
ment à  la  déposition  du  pape  ; 
depuis  ce  moment  le  concile  de 
Bdle  ne  put  plus  être  envisagé 
comme  légitimement  assemblé  : 
aussi  les  évêqTies  s'en  retirèrent 
peu  à  peu ,  et  sentirent  que  tout  ce 
qu'ils feroientn'auroitplus  aucune 
autorité. 

Il  est  fâcheux  que  ce  concile 
n'ait  pas  eu  une  plus  heureuse 
issue  ;  les  décrets  de  discipline  que 
l'on  y  dressa  étoient  très- sages. 
Plusieurs  même  ont  été  suivis,  sur- 
tout en  France  ,  comme  ce  qui 
regarde  l'établissement  des  profes- 
seurs de  langues  hébraïque  et  grec- 
que dans  les  universités  ,  la  fré- 
quentation des  excommuniés ,  la 
prescription  en  faveur  de  ceux 
qui  ont  possédé  paisiblement  un 
bénéfice  pendant  trois  ans,  la  ré- 
citation de  l'office  divin  ,  la  sup- 
pression des  expectatives  de  la  COUT 
de  Home  ,  les  privilèges  des  gra- 
dués, etc. 

On  prétend  que  le  haut  clergé 
d'Allemagne  demande  aujourd'hui 
l'exécution  des  décrets  de  ce  con- 
cile, jyferc.  de  France  du  2  décem- 
bre 1786. 

Les  actes  originaux  de  ce  concile 
sont  conservés  dans  les  archives 
de  la  ville  de  Bdle,  et  il  y  en  a  une 
copie  authentique  à  la  bibliothèque 


3o4  BAP 

Un   roi.  Hist.   Je  VEgUse  gallic. , 

t.  i6,  1.  47»  an  i43i. 

BANNIERE  d'église.  C'est  une 
espèce  de  drapeau  ou  étendard  de 
couleur,  sur  lequel  est  peinte  ou 
brodée  l'image  du  patron  d'une 
éelise,  et  qui  se  porte  à  la  tête 
des  processions.  Lorsque  plusieurs 
paroisses  vont  en  procession  au 
même  lieu  de  dévotion  ,  chaciuie 
se  reconnoît  et  se  rassemble  à  sa 
bannière.  Lorsqu'il  y  a  plusieurs 
confréries  ou  associations  de  dé- 
votion dans  une  même  église  , 
chacune  a  sa  bannière  ,  à  laquelle 
les  confrères  ou  consœurs  se  réu- 
nissent, pour  mettre  plus  d'ordre 
dans  les  processions.   Voyez  Gon- 

rAlON  ou  GOKFANON. 

BAPTÊME,  sacrement  qui  ef- 
face le  péché  originel,  et  qui  nous 
fait  chrétiens ,  enfants  de  Dieu  et 
de  l'Eglise.  Jésus-Christ  l'a  ins- 
titué ,  en  disant  à  ses  apôtres  , 
Maiih.,  c.  28,  J^,  19  :  «  Allez  en- 
»  seigner  toutes  les  nations  ,  et 
»  baptisez-les  au  nom  du  Père  , 
»  et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit.  » 

Le  mot  Baptême,  eu  général, 
signifie  lotion,  immersion,  dumot 
grec  jSà-TrTcu  ou  /SaTrltÇu ,  je  lace  , 
je  plonge.  Tous  les  peuples  ont 
compris  que  l'action  de  laver  le 
corps  étoit  un  symbole  de  la  pu- 
rification de  l'âme.  Les  Juifs  ap- 
pel oient  baptême  certaines  purifi- 
cations légales  qu'ils  pratiquoient 
sur  leurs  prosélytes  après  la  cir- 
concision. On  donnele  mêmenom 
à  celle  que  pratiquoit  saint  Jean 
dans  le  désert  à  l'égard  des  Juifs, 
comme  une  disposition  de  péni- 
tence pour  les  préparer,  soit  à  la 
venue  de  Jésus-Christ ,  soit  à  la 
réception  du  baptême  que  le  Mes- 
sie devoit  instituer.  Celui  -  ci  est 
absolument  différent  du  baptême 
de  saint  Jean,  par  sa  nature,  sa  for- 
me, son  efficacité  et  sa  nécessité, 
comme  le  prouvent  les  thcol  ogiens, 


BAP 

contre  la  prétention  des  luthériens 
et  des  calvinistes.  C'est  Jésus- 
Christ  qui  a  donné  à  cette  céré- 
monie la  force  d'effacer  le  péché. 
Voyez  la  Dissertation  sur  les  trois 
baptêmes.  Bible d^ Avignon,  tom.  i3, 

P-  Ï99- 

Le  baptême  de  l'Eglise  chrétienne 
est  appelé  dans  les  Pères  de  plu- 
sieurs noms  relatifs  à  ses  effets 
spirituels,  comme  adoption ,  re- 
naissance, régénération  de  Vame  , 
illumination,  etc- 

Ce  sacrement  a  été  rejeté  par 
plusieurs  anciens  hérétiques  des 
premiers  siècles,  tels  que  les  as- 
codrules  ,  les  marcosiens,  les  va- 
lentiniens  ,  les  quintiliens  ,  qui 
pensoient  tous  que  la  grâce  ,  qui 
e^t  un  don  spirituel,  ne  pouvoit 
être  communiquée  ni  exprimée 
par  des  signes  sensibles.  Les  ar- 
chontiques  le  rejetoient  comme 
une  mauvaise  invention  du  Dieu 
Sebahoth,  c'est  -  à  -  dire ,  du  Dieu 
des  Juifs,  qu'ils  regardoient  comme 
un  mauvais  principe.Les  séleuciens 
et  les  hermiens  ne  vouloient  pas 
qu'on  le  donnât  avec  de  l'eau  ;  ils 
employoient  le  feu,  sous  prétexte 
que  saint  Jean-Baptiste  avoit  as- 
suré que  le  Christ  baptiseroit  ses 
disciples  dans  le  feu.  Les  mani- 
chéens, les  pauliciens,  les  massa - 
liens  ,  le  rejetoient  égalem-ent. 
D'autres  en  ont  altéré  la  forme. 
Ménandre  baptisoit  en  son  propre 
nom  ;  les  éluséens  y  invoquoient 
les  démons  ;  les  montanistes  joi- 
gnoient  le  nom  de  Montan  leur 
chef,  et  de  Priscille  leur  prophé- 
tesse,  aux  noms  sacrés  du  Père  et 
du  Fils.  Les  sabelliens  ,  les  mar- 
cosiens ,  les  disciples  de  Paul  de 
Samosate,  les  eunomiens,  et  quel  - 
ques  autres  hérétiques  ennemis 
de  la  Trinité,  ne  baptisoient  point 
au  nom  des  trois  Personnes  divi- 
nes :  c'est  pourquoi  l'Eglise  rejetoit 
leur  baptême;  mais  elle  admettoit 
celui  des  autres  hérétiques,  pourvu 
qu'ils  n'altérassent  point  la  forme 


r.Ai» 

Htescrilc,  quollos  (iiic  fiisîrnt  «l'ail- 
ieurs  leurs  erreurs  sur  le  luud  des 
iTiyslèrc.s. 

Les  chrétiens  orientaux  ,  j»recs, 
jacobiles  syriens  ,  égyptiens  et 
éthiopiens,  les  nestoriens»  et  les 
Arméniens  ,  dont  plusieurs  sont 
ééparés  de  l'Eglise  romaine  depuis 
douze  cents  ans,  ont  conservé  la 
même  croyance  qu'elle  touchant 
Je  baptême,.  Tous  en  reconnoissent 
la  nécessité  absolue,  et  lui  attri- 
buent les  mêmes  effets  que  nous  ; 
ils  regardent  comme  nous  l'eau 
naturelle  seule  comme  la  matière 
de  ce  sacrement  ;  ils  l'administrent 
()ar  trois  immersions.  La  seule 
différence  qu'ils  mettent  dans  la 
forme ,  c'est  qu'au  lieu  de  dire 
comme  nous,  Je  te  baptise,  etc. 
ils  disent  :  Un  tel  est  baptisé  au 
nom  du  Père,  etc.  Tous  observent 
les  exorcismes  et  les  autres  céré- 
monies du  baptême;  mais  dans  le 
cas  de  nécessité  ils  les  suppriment. 
Perpét.  de  la  foi,  lom.  5,  liv.  a, 
CI  et  suiv.Lesprotestants  avouent 
que  le  baptême  est  un  sacrement; 
mais  tous  n'en  reconnoissent  pas 
également  la  nécessité  et  les  effets  ; 
tous  en  ont  supprimé  les  céré- 
monies. 

Conséquemment  les  théologiens 
catholiques  sont  obligés  d'exami- 
ner, i.°  quelles  sont  la  matière, 
la  forme,  les  cérémonies  du  bap- 
tême. 2.°  Qui  en  est  le  ministre  , 
ou  par  qui  ce  sacrement  peut  être 
validement  administré.  3."  Quelles 
personnes  sont  capables  de  le  re- 
cevoir. 4-°  Quels  effets  il  produit. 
5.°  De  quelle  nécessité  il  est. 
6.°  Quel  est  le  sort  éternel  de  ceux 
qui  meurent  sans  avoir  eu  le  bon- 
heur d'être  baptisés.  Nous  tâche- 
rons d'abréger  toutes  ces  questions. 

L  De  la  matière ,  de  la  forme,  des 
cérémonies  dubaptême.lue  sentiment 
universel  de  tous  les  chrétiens,  est 
que  l'eau  naturelle  ,  de  fontaine  , 
de  rivière,  de  pluie  ,  est  la  seule 
matière  avec    laquelle   on   puisse 


liAl>  3o5 

baptiser  validement  ;  Jésus-Christ 
l'a  ainsi  déterminé  ,  en  disant  : 
«  Si  quelqu'un  n'est  pas  régénéré 
»  par  l'eau  et  par  le  Saint-Esprit 
»  il  ne  peut  pas  entrer  dans  le 
»  royaume  de  Dieu.  »  Joan.  c.  3 
^.  5.  Toute  autre  liqueur,  soit  ar- 
tificielle, soitnaturelle,  nepeutêtre 
employée  pour  baptiser.  Ainsi  l'a 
décidé  le  concile  de  Trente,  sess.  7, 
de  Bap.,  can.  2.  Mais  l'Eglise  chré- 
tienne, toujours  attentive  à  pro- 
fesser sa  foi  par  ses  cérémonies  , 
a  été,  dès  les  premiers  siècles  , 
dans  l'usage  de  bénir  l'eau  des 
fonts  baptismaux  par  des  prières 
particulières  ;  c'a  été,  de  la  part 
des  protestants,  une  témérité  très- 
condamnable  de  supprimer  et  de 
blâmer  cette  bénédiction.  Vora 
Eau  bénite,  Eatj  du  Baptême. 

La  forme  ou  les  paroles  par  les- 
quelles ce  sacrement  est  adminis- 
tré, sont  :  Je  te  baptise  au  nom  du 
Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit; 
et  ce  fiont  les  propres  paroles  de 
Jésus-Christ. Dans  l'Eglise  grecque, 
le  prêtre  dit  :  Un  tel  est  baptisé  au 
nom  du  Père,  etc.  Quelques  théo- 
logiens ont  douté  autrefois  si  cette 
forme  étoit  valide ,  parce  qu'ils 
prenoientmal  le  sens  de  la  formule 
des  Grecs  ;  ils  croyoient  qu'elle 
signifîoit  :  Qu'un  tel  soit  bapti- 
sé,  etc.  Aujourd'hui  personne  ne 
doute  que  ce  6a/?/e77ifine  soit  valide. 
Dans  quelques  sociétés  protestan- 
tes ,  la  coutume  s'étoit  introduite 
de  faire  verser  l'eau  sur  la  tête 
du  baptisé  par  un  diacre,  pendant 
que  le  ministre,  placé  dans  la  chai- 
re ,  prononçoit  la  formule  du 
baptême.  Alors  le  baptême  étoit 
nul ,  puisque  le  sens  littéral  des 
paroles  n'étoit  pas  vérifié  ;  le  mi- 
nistre n'auroit  pas  dû  dire,  je  te 
baptise  ,  mais  je  te  fais  baptiser  ; 
nous  ignorons  si  cet  usage  subsiste 
encore  quelque  part. 

On  a  toujours  cru  sans  contes- 
talion  que  l'invocation  expresse 
des  trois  Personnes  divines  est  ab- 


3o6  BAP 

•olument  nécessaire,  el  c'est  prin- 
cipalement par  cette  formule  du 
baptême  que  l'on  a  prouvé  autre- 
fois aux  ariens  et  à  d'autres  héré- 
tiques l'égalité  et  la  consubstantia- 
litédcs  trois  Personnes  de  la  sainte 
Trinité;  de  manière  que  le  baptême 
conféré  au  nom  de  Dieu,  ou  au  nom 
de  Jésus -Christ,  seroil  censé  nul. 
L'Eglise  fut  toujours  très-attentive 
a  examiner  si  les  hérétiques  chan- 
geoient  quelque  chose  à  la  forme  de 
ce  sacreraent;ettoutes  les  fois  qu'ils 
ont  eu  cette  témérité,  elle  a  rejeté 
leur  baptême. 

Quelques  incrédules  naoderues 
ont  écrit  que  le  baptême  conféré  au 
nom  des  trois  Personnes,  fut  adop- 
té par  les  sectateurs  de  Platon  , 
devenus  chrétiens  ,  parce  qu'ils  y 
trouvoient  les  sentiments  de  ce 
philosophe  sur  la  Divinité.  Ces  sa- 
vants critiques  ont  ignoré  sans 
doute  que  c'est  Jésus-Christ  lui- 
même  qui  en  a  dicté  et  prescrit  la 
formule  à  ses  apôtres  ,  et  que  ses 
disciples  ont  baptisé  sous  ses  yeux. 
Joan. ,  c.  ^,S  •  ^-  Il  ne  reste  plus 
qu'à  prouver  que  Jésus-Christ  a 
ptédisciple  de  Platon.  Fb/. Trinité. 

Quant  aux  cérémonies  qui  précè- 
dent ,  accompagnent  et  suivent  ce 
sacrement ,  on  croit  avec  raison 
qu'elles  sont  d'institution  apostoli- 
que ;  elles  n'auroient  pas  été  aussi 
nniversellement  adoptées  ,  si  elles 
n'avoient  pas  eu  pour  auteurs  les 
fondateurs  même  d  u  christianisme. 
Les  constitutions  apostoliques ,  les 
plus  vieux  sacramentaires,  lesPères 
du  second  et  du  troisième  siècle  en 
font  mention,  non  comme  de  rites 
institués  récemment ,  mais  comme 
d'usages  observés  partout.  Les  uns 
parlent  des  instructions  et  des  exor- 
cismes  dont  le  baptême  étoit  pré- 
cédé ;  les  autres ,  du  renoncement 
au  démon ,  à  sts  pompes  et  à  ses 
œuvres  ,  et  des  promesses  que  fai- 
soit  le  catéchumène  ;  les  uns  de 
l'immersion  ou  de  l'infusion  de 
l'eau  répétée  trois  fois  ,  les  autres 


BA? 

des  onctions  faites  au  baptisé,  du 
signe  de  la  croix  imprimé  sur  son 
front ,  de  la  robe  blanche  dont  on 
lerevêtoit,  etc.  Tout  celaétoit  jugé 
nécessaire  pour  donner  au  nouveau 
chrétien  une  haute  idée  de  la  grâce 
qu'il  recevoit ,  et  des  obligations 
qu'il  contractoit.  En  traitant  ces 
cérémonies  de  superstitions,  et  en 
les  supprimant  comme  des  abus  , 
les  protestants  ont  évidemment  té- 
moigné que  leur  croyance  touchant 
le  baptême  n'est  plus  la  même  que 
celle  de  l'Eglise  primitive  ;  si  elle 
en  avoit  eu  une  idée  aussi  basse  et 
aussi  abjecte  qu'eux  ,  elle  auroit 
baptisé  comme  eux  sans  aucun  ap- 
pareil ,  en  versant  l'eau  d'une  ai- 
guière sur  la  tête  du  baptisé ,  dans 
un  plat  bassin.  C'est  principale- 
ment dans  les  exorçismes  du  bap- 
tême qu'au  commencement  du 
cinquième  siècle  on  prouvoit,  con- 
tre les  pélagieus  ,  que  les  enfants  , 
avant  d'être  baptisés  ,  sont  sous  la 
puissance  du  démon  ,  par  consé- 
quent souillés  du  péché. 

Mosheim  ,  dans  ses  Dissertations 
surVhisioire  ecclésiastique ,  tom.  i  , 
p.  2i5  ,  prétend  que  plusieurs  cé- 
rémonies du  baptême  ont  été  en:i- 
pruntées  des  païens  ;  que  les  exor- 
çismes en  particulier  sont  relatifs 
à  ce  que  les  platoniciens  croyoient 
des  démons.  Dans  son  Histoire  ec- 
clésiastique du  premier  siècle ,  2.^  p. , 
c.  4  5  §  I  et  2  ,  il  dit  que  les  apô- 
tres et  les  disciples  du  Sauveur 
tolérèrent  par  nécessité,  ou  établi- 
rent, pour  de  bonnes  raisons,  dif- 
férentes cérémonies  relatives  au 
temps  et  aux  circonstances.  Il  con- 
venoit,  dit-il ,  dans  ces  premiers 
temps  ,  d'avoir  quelques  égards 
pour  les  anciennes  opinions,  pour 
les  mœurs  et  les  lois  des  différentes 
nations  auxquelles  on  prêchoit  l'é- 
vangile. Beausobre  ditque  les  exor- 
çismes de  l'eau  et  les  fonctions  du 
baptême,  sont  venues  des  valenti- 
niens.  D'autres  ont  pensé  que  les 
apôtres  avoienl  établi  dans  quel- 


BAI* 

qucs  Eglises  des  ccrénioiiios  juives; 
mais  Moslieim  n'est  pas  de  cet  avis. 
Les  incrédules  n'ont  pas  n;anqué 
d'affirmer  positivement  que  nos 
cérémonies  sont  des  restes  de  pa- 
ganisme :  Calvin,  encore  plus  fou- 
gueux, a  dit  qu'elles  ont  été  inven- 
tées par  le  diable. 

Impiété,  et  fanatisme  antireli- 
gieux. Est-il  croyable  que  les  apô- 
tres ,  qui  ont  inspiré  aux  fidèles 
tant  d'horreur  pour  les  usages  , 
pour  les  mœurs,  pour  les  pratiques 
des  païens  ,  aient  conservé  quel- 
ques-unes de  leurs  cérémonies,  ou 
aient  voulu  ménager  leurs  opi- 
nions ?  La  plupart  des  cérémonies 
religieuses  avoientété en  usage  par- 
mi les  adorateurs  du  vrai  Dieu  , 
avant  d'être  profanées  par  les 
païens  ;  pourquoi  ne  les  auroit-on 
pas  ramenées  à  leur  première  des- 
tination ?  Jésus-Christ  lui-même 
en  avoit  donné  l'exemple  ;  il  souffla 
sur  les  apôtres  ,  pour  leur  donner 
le  Saint-Esprit,  il  iraposoit  les 
mains  sur  les  malades ,  il  toucha 
les  oreilles  et  la  bouche  d'un  sourd 
et  muet  pour  le  guérir  ,  il  mit  de 
la  boue  sur  les  yeux  d'un  aveugle- 
né  ,  etc.  Il  exorcisoit  les  possédés 
pour  les  délivrer  ;  quelques  iocré- 
dules  ont  dit  qu'en  cela  il  imitoit 
les  magiciens.  Les  apôtres  n'ont 
donc  pas  eu  besoin  de  la  doctrine 
de  Platon  touchant  les  démons,  ni 
des  idées  païennes,  pour  instituer 
les  cérémonies  du  baptême.  Voyez 
Cérémonies  ,  Exorcisme. 

Quand  les  réflexions  de  Mosheim 
scroient  aussi  vraies  qu'elles  sont 
fausses,  il  s'ensuivroit  déjà  que  les 
prétendus  réformateurs  n'ont  pas 
imité  la  sagesse  et  la  charité  des 
apôtres.  Ils  ont  trouvé  les  cérémo- 
nies établies  et  pratiquées  dans 
toute  l'Eglise  chrétienne  depuis 
quinze  siècles  ;  les  fidèles  y  étoicnl 
accoutumés,  et  elles  ne  donnoient 
lieu  à  aucune  erreur;  les  prédicants 
les  ont  bannies  ;  ils  les  ont  taxées 
de  superstitions  et  d'idolâtrie  :  ils 


«Al»  3o7 

n'ont  pas  eu  pour  les  mœurs  et  les 
habitudes  des  catholiques  la  même 
condescendance  que  les  apôtres  , 
selon  Mosheim  ,  ont  eue  pour  le* 
mœurs  des  nations  païennes  aux- 
quelles ils  prêchoient  l'Evangile  ; 
il  nous  paroît  que  cette  différence 
ne  leur  fait  pas  honneur.  Dans  l'ar- 
ticle Eau  BÉNITE,  nous  prouverons, 
contre  Beausobre,  que  la  bénédic- 
tion de  l'eau  n'est  point  une  su- 
perstition, ni  un  rit  emprunté  des 
hérétiques. 

A  la  vérité ,  il  y  a  eu  <juclques 
changements  légers  dans  la  manière 
d'administrer  le  bapiênie;  mais  les 
rites  principaux  ont  toujours  été 
conservés  Autrefois  on  le  donnoit 
par  une  triple  immersion  ,  comme 
font  encore  les  Orientaux ,  et  cet 
usage  a  duré  dans  l'Occident  jus- 
qu'au douzième  siècle.  Dans  le 
sixième,  quelques  catholiques  d'Es- 
pagne ne  faisoient  qu'une  seule  im- 
mersion ,  de  peur  ,  disoient-ils  , 
que  les  ariens  visigoths  n'imagi- 
nassent que  par  la  triple  immersion 
l'on  divisoit  la  Trinité  ;  mais  cette 
raison  locale  ne  fit  point  d'impres- 
sion s;ir  les  autres  Eglises.  La  cou- 
tume de  baptiser  par  infusion,  en 
versant  de  l'eau  sur  la  tête ,  paroît 
avoir  commencé  dans  les  pays 
septentrionaux,  où  l'usage  du  bain 
est  impraticable  pendant  la  plus 
grande  partie  de  l'année  ,  et  elle 
s'introduisit  en  Angleterre  vers  le 
neuvième  siècle.  Le  concile  deCal- 
chut  ou  Celchyth,  tenu  en  8i6  , 
ordonna  que  le  prêtre  ne  se  con- 
tenteroit  pas  de  verser  de  l'eau  sur 
la  tête  de  l'enfant  ,  mais  qu'il  la 
plongeront  dans  les  fonts  baptis- 
maux. Voyez  Immersion.  Nous  vou- 
drions savoir  pourauoi  les  protes- 
tants, qui  font  profession  d'imiter 
scrupuleusement  l'Eglise  primi- 
tive, n'ont  pas  renouvelé  l'usage 
de  donner  le  baptême  par  immcr  - 
sion. 

Les  écrivains  ecclésiastiques  par- 
lent de  plusieurs  cérémonies  que 
ao. 


;k;8  BAP 

Ton  praliquoit  autrefois  en  admi- 
nistrant ce  sacrement ,  et  qui  ne  se 
font  plus,  ou  dont  il  ne  reste  que 
de  légères  traces,  comme  de  donner 
aux  nouveaux  baptisés  du  lait  et 
du  miel  dans  l'Eglise  d'Orient,  du 
vin  et  du  miel  dans  celle  d'Occi- 
dent ,  de  les  revêtir  d'une  robe 
blanche,  de  leur  donner  inconti- 
nent la  confirmation  et  l'eucha- 
ristie. Ancien  Sacrament.  ,  par 
Grandcolas,  2.*  part.  ,  pag.  1. 

Le  temps  auquel  ou  administ**oit 
solennellement  le  bopiême  étoit  la 
fête  de  Pàque  et  celle  de  la  Pente- 
côte ,  non  pas  parce  que  la  saison 
est  alors  la  plus  favorable  aux  bains 
froids,  comme  l'a  rêvé  un  médecin 
anglois ,  mais    à   cause   des   deux 
grands  mystères  que  l'on  célèbre 
cesjours-là.  D.Claude  de  Vertavoit 
avancé  que  l'origine  du  baptême  est 
venue  de  la  coutume  de  laver  les 
enfants  immédiatement  après  leur 
naissance.  M.  Languct  a  fait  voir 
que   Jésus-Christ    n'a    eu   aucun 
égard  à  cet  usage  en  instituant  ce 
sacrement  ;  que ,  quand  saint  Paul 
a   dit  que  lorsque  le  baptisé   est 
plongé  dans  l'eau  et  en  sort ,  c'est 
une  figure  de  la  sépulture  et  de  la 
résurrection  de  Jésus-Christ,  il  n'a 
fait  que  développer  le  vrai  sens 
de  la  cérémonie  et  l'intention  du 
Sauveur  ;  que  les  noms  de  régéné- 
ration ,  de  vie  nouvelle ,  etc.  ,  dont 
il  s'est  servi  ,  ne  sont  point  des 
moralités  ni  des  métaphores  em- 
pruntées des  Juifs  ;  que  quoique  le 
iapiême  ne  se  donne  plus  aujour- 
d'hui par  immersion  ,  il  ne  laisse 
F  as  de   représenter  suffisamment 
intention  de  Jésus-Christ  et  les 
leçons  de  saint  Paul.  Du  véritable 
esprit  des  Cérém.  de  V Eglise,  §  16 
et  suiv. 

Il  importe  fort  peu  de  savoir  si 
les  Juifs  pratiquoient  une  espèce 
de  baptême  à  l'égard  de  leurs  pro- 
sélytes ,  et  quelle  idée  ils  y  atta- 
choient  ;  ce  qui  est  dit  dans  l'Evan- 
gile ,   du  baptême  de  saint  Jean- 


BAP 

Baptiste  ,  ne  nous  instruit  pas 
beaucoup  ;  nous  voyons  ,  par  la 
conversation  que  Jésus-Christ  eut 
avec  Kicodcme,  touchant  la  régé- 
nération spirituefle,  que  ce  docteur 
juif  fut  fort  étonné  de  l'idée  que 
le  Sauveur  lui  en  donnoit.  Joan., 
c.  3,  5?.  3;  il  n'y  a  donc  aucune 
ressemblance  entre  ce  qui  se  fai- 
soit  chez  les  Juifs,  et  ce  que  Jésus- 
Christ  a  institué. 

II.  Du  Ministre  du  baptême.  Il 
est  prouvé,  par  les  Actes  des  apô- 
tres et  par  les  lettres  de  saint 
Paul,  qu'ils  baptisoient  ceux  qui 
croyoient  en  Jésus-Christ  ;  mais 
qu'ils  préféroient  à  cette  fonction 
celle  d'annoncer  l'Evangile.  J.  Cor., 
c.  I  ,  y .  17.  Il  y  a  donc  lieu  de 
penser  qu'ils  se  déchargèrent  de 
ce  soin  sur  les  diacres  ou  sur  les 
laïques.  Aussi ,  selon  la  pratiqua 
de  l'Eglise  ,  il  a  été  établi  que  les 
évêques  et  les  prêtres  sont  les  mi- 
nistres ordinaires  de  ce  sacrement; 
mais  que  dans  le  cas  de  nécessité 
il  peut  être  administré  par  toutes 
sortes  de  personnes,  même  par  des 
fcmnties. 

Au  troisième  siècle  il  y  eut  une 
dispute  assez  vive  pour  savoir  si  le 
baptême  administré  par  les  héré- 
tiques étoit  valide;  les  évêques 
d'Afrique,  à  la  tête  desquels  étoit 
saint  Cyprien,  prétendoient  que  ce 
baptême  étoit  nul ,  et  ils  s'autori- 
soient  de  la  coutume  établie  parmi 
eux  ,  de  rebaptiser  ceux  qui  l'a- 
voient  reçu.  Le  pape  saint  Etienne 
leur  opposa  la  pratique  de  l'Eglise 
de  Rome,  qui  étoit  universellement 
suivie  hors  de  l'Afrique  ,  et  qui 
étoit  plus  ancienne  que  la  leur  : 
Ifinnovons  rien,  leur  dit- il  ,  te- 
nons-nous-en à  la  tradition.  Règle 
invariable,  que  l'Eglise  catholique 
a  toujours  observée,  et  qu'elle  suit 
encore,  qui  démontre  la  fausseté  du 
fait  dont  les  protestants  voudroicnt 
se  prévaloir  ;  savoir,  que  les  apô- 
tres n'avoient  point  établi  de  dis- 
cipline uniforme  ,  qu'ils  avoient 


laissé  aux  di/Tércnlos  Ej^liscs  la 
libcrlé  (le.  faire,  ce,  qui  leur  paioi- 
troil  le  plus  convenable,  cl  qu'ils 
n'avoieut  donné  à  personne  l'auto- 
riléd'en  juger,  ni  lesoind'y  veiller. 
Après  quelque  temps  derésistance, 
les  éveques  d'Afrique  sentirent  la 
sagesse  de  la  règle  alléguée  par  le 
pape  et  la  nécessité  de  s'y  confor- 
mer. Kojcs  Rebaptisants. 11  est  donc 
demeuré  pour  constant  que  le  bap- 
tême donné  par  les  hérétiques  est 
valide,  à  moins  qu'ilsn'aient  altéré 
ou  la  matière  ou  la  forme  de  ce  sa- 
crement. C'est  encore  la  décision 
du  concile  de  Trente,  sess.  7 ,  de 
Bapt. ,  can.  4. 

III.  Des    personnes  capables    de 
recevoir  le  baptême.  Il   est  évident 
que  ceux  qui  reçurent  le  baptême 
de  la  main  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres    étoient    des   adultes  ,    et 
qu'avant  de  le  leur  donner,  Jésus- 
Christ   et   les    apôtres    exigeoient 
d'eux  la  foi  :  «  Allez,  dit  le  Sauveur, 
»  enseignez    toutes   les   nations  et 
»  baptisez-les.  »   Matih.  ,   c.  28  , 
'^.  ig.  «  Prêchez  l'Evangile  à  toute 
»  créature  ;  celui  qui  croira  et  re- 
»  cevra  le  baptême  sera  sauve,  celui 
»  qui  ne  croira  pas  sera  condamné.» 
Marc,  c.  16  ,  jH.  i5.  Les  apôtres 
baptisèrent  ce.ux  qui  avoient  cru 
à  la  prédication  de   saint  Pierre. 
Act.,  c.  2,  yi.  4i .  Saint  Philippe  dit 
à  l'eunuque  de  la  reine  Candace  : 
«  Si  vous  croyez  de  tout  votre  cœur, 
»  vous  pouvez  recevoir  le  baptê- 
n  me,  »  c.  8,  ^.  27,  etc.  De  là  les 
anabaptistes   et  les  sociniens  ont 
ronclu  que  la  foi  actuelle  est  une 
disposition     nécessaire     pour    le 
sacrement  ;  que  les  enfants  étant 
incapables  d'avoir  la  foi ,  ne  doi- 
vent point  être  baptisés  ;  que  s'ils 
l'ont  été,  il  leur  faut  renouveler  If 
baptême  lorsqu'ils  sont  parvenus 
à  rage  de  raison  et  suffisamment 
instruits.  Cette   doctrine   est  une 
conséquenr.c  naturelle  de  celle  des 
protestants  ,    qui  enseignent   que 


BAP 


Soc 


non  du  sacrement,  mais  de  la  foi 
et  que  toute  l'efficacité  du  sacre- 
ment consiste  à  exciter  la  foi.  De 
là  s'est  ensuivie  une  autre  erreur  : 
c'est  que  comme  le  baptême  n'est 
pas  le  seul  moyen  capable  d'exciter 
la  foi,  ce  sacrement  n'est  pas  ab- 
solument nécessaire  ;  et  pour  le 
soutenir  ,  il  a  fallu  nier  le  péché 
originel  :  ainsi  s'enchaînent  les  er- 
reurs ;  nous  ignorons  pourquoi 
tous  les  protestants  n'ont  pas  rai- 
sonné de  même. 

Nous   répondons  d'abord  ,  que 
le  naeilleur  interprète  du  sens  de 
l'Ecriture  sainte  ,  est  la  pratique 
constante  et  universelle  de  l'Eglise  : 
or  l'usage  a  été  ,  dès  le  commence- 
ment du  christianisme,  de  baptiser 
les  enfants,  comme  le  témoignent 
saint  Irénée,  adv.  Hœr.,  1.  2,  c.  22, 
Origène,  saint  Cyprien,  et  les  Pères 
postérieurs  ,    quoique    cet    usage 
n'ait  pas  été  d'abord  généralement 
observé.  On  peut  même  le  prouver 
par  une  lettre  de  l'hérésiarqueMa- 
nès.  Saint  Augustin  ,  Op.  imperf., 
1.  3  ,  n.  187.  Les  sociniens  ne  le 
nient  point;  mais  ils  prétendent  que 
c'est  un  des  abus  qui  s'introduisi- 
rent dans  l'Eglise  incontinent  après 
la  mort  des  apôtres.  [Is  ajoutent  quç 
le  baptême  des  enfants  n'est  fondé 
sur   aucun   passage  de  l'Ecriture 
sainte;nous  soutenons  le  contraire. 
Matth.,    c.    19,  'S.    14,  Jésus- 
I  Christ  dit  :  «  Laissez  approcher  de 
»  moi  les  enfants  ,  tels  sont  les  hc- 
»  ritiers  du  royaume  des  cieux.  » 
Or ,  il  dit  ailleurs  que  l'on  ne  peut 
pas    entrer    dans   le  royaume    de 
Dieu,  si  l'on  n'est  pas  régénéré  par 
l'eau  et  par  le  Saint-Esprit.  Donc 
les  enfants  sont  capables  de  cette 
régénération.  Il   est   dit  de   quel- 
ques-uns    des    premiers    fidèles , 
qu'ils  ont  été  baptisés    aoec  toute 
leur  maison,  I.Cor.,  c.  i,  ^.  16,  etc. 
Les  enfants   ne  sont  pas  exceptés. 
D'ailleurs  ,  nous  prouvons  par  l'E- 
crilure,    contre  les  anabaptistes, 


îagrâccdelajustificalioii  est  l'effet^    les  sociniens  elles  prolcslanls  ,  que 


3io  BAP 

les  enfants  naissent  souillés  du  pé- 
ché originel  ;  que  celte  tache  est 
effacée  ,  non  par  la  foi,  mais  par 
le  baptême  ;  que  ce  sacrement  est 
absolument  nécessaire  :  donc  c'est 
leur  système  ,  et  non  pas  le  nôtre, 
qui  est  contraire  à  l'Ecriture  sain- 
te. Quand  ils  nous  parlent  de  pré- 
tendus abus  introduits  dans  l'E- 
glise immédiatement  après  la  mort 
àts  apôtres  ,  nous  les  prions  d'être 
Tnoins  téméraires,  et  de  présumer 
que  les  disciples  immédiats  des 
apôtres  ont  dû  connoître  ce  qui 
étoit  ou  n'étoit  pas  abusif,  pour  le 
moins  aussi-bien  que  les  raison- 
neurs du  seizième  sièle.  C'est  donc 
avec  raisonque  le  concile  deTrente 
a  condamné  le  sentiment  de  ces 
derniers  touchant  le  baptême  des 
enfants  ,  sess.  7  ,  deBapf. ,  can.  i3. 
Mais  nous  ne  voyons  pas  de  quel 
droit  les  protestants ,  en  suivant 
leurs  principes ,  peuvent  blâmer 
les  sociniens  ni  les  anabaptistes. 

On  convient  aujourd'hui  que 
l'on  ne  doit  pas  baptiser  les  enfants 
des  infidèles,  malgré  leurs  parents, 
à  moins  que  ces  enfants  ne  soient 
en  danger  de  mort  ;  non-seulement 
parce  que  cette  espèce  de  violence 
faite  aux  pères  et  mères  est  con- 
traire au  droit  naturel  qu'ils  ont 
sur  leurs  enfants  ,  mais  encore  par- 
ée que  ceux-ci ,  devenus  grands  , 
seroient  exposés  à  profaner  leur 
baptême  par  l'apostasie  à  laquelle 
ils  seroient  engagés  par  leurs  pa- 
rents. 

Dans  les  premiers  siècles  ,  plu- 
sieurs chrétiens  différoieut  leur 
baptême  jusqu'à  la  mort,  et  le  re- 
£evoient  au  lit  pendant  leur  der- 
nière maladie  :  les  uns  agissoient 
ainsi  par  humilité  ,  et  parce  qu'ils 
craignoient  de  n'être  pas  encore 
assez  bien  disposés  ;  les  autres  par 
libertinage,  afin  de  pécher  plus 
librement,  dans  l'espérance  que 
tous  leurs  péchés  seroient  effacés 
par  le  baptême.  L'Eglise  n'approu- 
va ni  les  uns  ni  les  autres,  elle  s'ér 


BAP 

leva  même  hautement  contre  la 
négligence  des  derniers  ;  elle  dé- 
clara irréguliers  les  cliniques  ou 
grabataires ,  c'est-à-dire,  ceux  qui 
avoient  été  ainsi  baptisés  au  lit  ;  le 
concile  de  Néocésarée  défendit  de 
les  élever  aux  ordres  sacrés  ,  à 
moins  qu'il  ne  fût  prouvé  que  leur 
baptêine  n'avoit  pas  été  différé  par 
un  mauvais  motif.  Voyez  Clini- 
ques. 

On  refusoit  aussi ,  dans  l'Eglise 
primitive  ,  ce  sacrement  aux  per- 
sonnes réputées  infâmes ,  engagées 
dans  des  professions  criminelles  e! 
incompatibles  avec  la  sainteté  du 
christianisme  ,  à  moins  qu'elles  lie 
renonçassent  à  leur  état.  Tels 
étoient  les  sculpteurs  et  autres  ou- 
vriers qui  faisoiejit  des  idoles,  les 
femmes  publiques  ,  les  comédiens, 
les  cochers,  gladiateurs,  musiciens, 
ou  autres  qui  arausoient  le  public 
dans  le  cirque  ou  dans  l'amphi- 
théâtre ;  les  astrologues  ,  devins  , 
magiciens,  enchanteurs  ;  les  hom- 
mes passionnément  adonnés  aux 
jeuxdu  théâtre  ,  les  concubinaires 
publics,  ceux  qui  tenoient  des 
lieux  de  débauche  ,  etc.  :  ceux  qui 
promettoient  de  s'en  abstenir 
étoient  mis  à  l'épreuve.  Bingham  , 
Orig.  eccl.,  1.  11,  c.  5 ,  §  6  et  .suiv. 

Saint  Paul,  J.  Cor.,  c.  i5,  S ■  3o. 
dit  :  «  Si  les  morts  ne  ressuscitent 
»  point,  que  font  ceux  (jui  sont 
»  baptisés  pour  les  morts?  à  quoi 
»  bon  ce  baptême?  »  De  là  quel- 
qucs- uns  imaginèrent  que  l'on  pou - 
voit  baptiser  après  la  mort  les  ca- 
téchumènes qui  avoient  désiré  le 
baptême,  et  un  concile  de  Carthage 
condamna  cet  abus  ;  d'autres  se 
figurèrent  qu'un  vivant  pouvoit 
recevoir  le  baptême  à  la  place  du 
mort,  et  lui  obtenir  ainsi  le  par- 
don de  ses  fautes.  Tertullien  parle 
de  cette  superstition  dans  son  livre 
deHesurrectione  carnis ,  et  quelques 
Pères  l'ont  attribuée  aux  raarcio- 
nites.  II  est  évident  que  tous  ces 
sectaires   cntendoient  mal  le  texte 


BAP 

fie  saint  Paul  ,  cl  que  ces  aLus  n'é- 
toient  pas  encore  connus  du  temps 
de  l'apôtre  ;  mais  les  commenta- 
teurs ,  soit  catholiques,  soit  pro- 
testants ,  ne  sont  pas  d'accord  dans 
l'explication  qu'ils  donnent  de  ce 
passage.  Voyez  la  S/nopsc  des  Cril. 
sur  cet  endroit  ,  et  la  Disscrl.  sur 
le  baptême  pour  les  morts.  Bible 
<r Avignon ,  tom.  i5,  p.  478- 

IV.  Des  effets  du  baptême.  Nous 
avons  déjà  observé  plusieurs  con- 
séquences de  l'erreur  des  protes- 
tants ,  qui  enseignent  que  toute 
l'efficacité  des  sacrements  consiste 
dans  la  vertu  qu'ils  ont  d'exciter 
en  nous  la  foi  justifiante;  mais 
elle  a  encore  donné  lieu  à  d'autres 
excès.  Plusieurs  sectaires  en  ont 
conclu  que  le  baptême  de  Jésus- 
Christ  n'opère  rien  de  plus  que 
celui  de  saint  Jean-Baptiste,  puis- 
que celui-ci  avoit  aussi  la  vertu 
d'exciter  la  foi  et  les  sentiments  de 
pénitence.  Ils  ont  soutenu ,  ou  qu'il 
n'y  a  point  de  péché  originel  dans 
les  enfants ,  ou  qu'il  n'est  pas  effacé 
par  le  sacrement  ;  que  la  tache  de 
ce  péché  demeure  encore  dans  le 
baptisé,  et  que  celui-ci  peut  en- 
core être  réprouvé  à  cause  du  péché 
originel;  ils  ont  dit  que  le  bap- 
tême ne  donne  point  la  grâce  sanc- 
tifiante, n'imprime  à  l'àme  du 
chrétien  aucun  caractère ,"  qu'ainsi 
rien  n'empêche  de  le  réitérer,  si 
on  le  trouve  bon:  ils  ont  enseigné 
que  ce  sacrement  impose  tout  au 
plus  au  chrétien  l'obligation  de 
croire,  mais  non  celle  d'observer 
les  commandements  de  Dieu  et  de 
l'Eglise;  d'où  il  s'ensuit,  en  der- 
nière analyse,  que  le  baptême  n'est 
ni  fort  utile ,  ni  absolument  né- 
cessaire, et  que  l'on  peut  le  né- 
gliger, sans  courir  aucun  risque 
de  son  salut;  aussi  les  quakers  d'An- 
gleterre s'abstiennent-ils  de  don- 
ner et  de  recevoir  ce  sacrement, 
et  un  assez  grand  nombre  de  pro- 
lestants ne  se  pressent  point  de  le 
faire  donner  à  leurs  cnianls. 


BAP  3m 

Le  conciledcTrentea  condamné 
toutes  ces  erreurs  dans  les  sessions 
5,  6  et  7,  où  il  a  établi  la  croyance 
catholique  louchant  le  péché  ori- 
ginel, la  justification,  les  effets 
des  sacrements ,  et  ccnxda baptême 
en  particulier;  et  les  théologiens 
n'ont  pas  de  peine  à  faire  voir  que 
toutes  les  conséquences  du  système 
des  protestants  sont  formellement 
contraires  à  l'Ecriture  sainte.  Si 
les  prétendus  réformaleursavoient 
été  aussi  grands  théologiens  qu'on 
les  suppose,  ils  les  auroicnt  pré- 
vues, et  il  est  à  présumer  qu'ils 
auroicnt  reculé  à  la  vue  de  l'a- 
bîme dans  lequel  ils  alloient  se 
précipiter. 

Saint  Jean-Baptiste  dit  lui-même 
aux  Juifs  :  «  Je  vous  baptise  par 
»  l'eau,  mais  celui  qui  vient  après 
»  moi  vous  baptisera  p^r  le  Saint- 
»  Esprit  et  par  le  feu.  »  Matth.  , 
c.3,^.  II.  Saint  Paul  fit  baptiser 
au  nom  de  Jésus-Christ  des  fidèles 
qui  avoient  déjà  reçu  le  baptême 
de  saint  Jean.  Act.,  c.  19,  y/.  5. 
Il  est  donc  faux  que  ces  deux  bap- 
ternes  aient  eu  la  même  vertu.  Au 
mot  Originel  ,  nous  prouverons 
que  tous  les  enfants,  sans  excep- 
tion ,  naissent  souillés  du  péché  ; 
qu'il  soit  pleinement  effacé  par  le 
baptême,  c'est  la  doctrine  formelle 
de  saint  Paul ,  qui  dit  aux  Galates, 
C.3  jj^.  17  :  «  Vous  tous  qui  êtes 
»  baptisés  en  Jésus-Christ  ,  ave/. 
»  été  revêtus  de  Jésus -Christ.  » 
Et  aux  Romains,  c.  8,  ^.  i  :  «  Il 
»  n'y  a  donc  plus  aucun  sujet  de 
»  condamnation  dans  ceux  qui  sont 
»  en  Jésus-Christ ,  et  ne  marchent 
»  plus  selon  la  chair.  »  Ananie  lui 
avoit  dit  quand  il  fut  converti  : 
«  Recevez  le  baptême,  et  lavez  vos 
I»  péchés  ,  après  avoir  invoqué  le 
i>  nom  de  Jésus -Christ.  »  Ad., 
c.  22 ,  y^.  16.  Saint  Pierre  écrit  aux 
fidèles  ,  I.  Petr. ,  c.  3,  >^.  21  :  «  Le 
»  baptême  vous  sauve  ,  non  en  pu- 
»  rifiant  les  souillures  de  la  chair- 
»  mais  en  vous  donnant  le  témoi- 


3i2  BAP 

»  gnage  d'une  bonne  conscience 
»  devant  Dieu  ,  par  une  résurrcc- 
»  tien  semblable  à  celle  de  Jésus- 
»  Christ.  »  De  quoi  vous  sauve-t-il, 
sinon  du  péché  et  du  châtiment  ? 
Saint  Pierre  n'attribue  point  cet 
efiet  à  la  foi ,  mais  au  baptême  , 
«[uoique  la  foi  soit  une  disposition 
nécessaire. 

Dans  le  paragraphe  suivant,  nous 
démontrerons  par  l'Ecriture  la  né- 
cessité absolue  de  ce  sacrement , 
et  l'obligation  rigoureuse  imposée 
à  tout  chrétien  de  le  recevoir. 
Saint  Paul  parle  du  caractère  qu'il 
imprime,  en  disant  aux  Ephésiens , 
p.  4>  S •  3o  :  «  Ne  contristez  pas 
»  le  Saint  -  Esprit  de  Dieu  ,  dans 
»  lequel  vous  avez  été  marqués 
»  d'un  sceau  pour  le  jour  de  la 
»  rédemption.  »  Et  ces  paroles 
sont  analogues  à  ce  qu'il  a  dit 
d'Abraham  ,  qu'il  a  reçu  la  cir- 
concision comme  un  sceau  de  la 
justice  qui  vient  de  la  foi.  Rom., 
c.  4î  "i^'  ïi-  Or,  le  sceau  ou  le 
caractère  de  la  circoncision  étoit 
ineffaçable.  C'est  sur  ce  fondement 
que  saint  Augustin  a  soutenu  , 
contre  les  donatistes  ,  que  c'étoit 
un  crime  de  réitérer  le  baptême ,  et 
dans  toute  l'antiquité  ecclésias- 
tique on  ne  peut  citer  aucun 
exemple  de  cet  attentat,  si  ce  n'est 
chez  les  hérétiques. 

Ceux  qui  ont  soutenu  que  le  bap- 
iême  n'impose  au  chrétien  point 
d'autre  obligation  que  d'avoir  la 
foi ,  n'ont  pas  moins  contredit  la 
doctrine  de  saint  Paul ,  puisqu'il 
exige  des  chrétiens  une  foi  qui 
opère  par  la  charité ,  et  qu'il  ne 
cesse  de  les  exhorter  à  faire  de 
bonnes  œuvres-  Galat.,  c.  5,  ^j!'^.  6  ; 
^-  6  ,  y.  9  ,  etc.  Voyez  Œuvres  , 
Justification,  etc. 

V.  De  la  nécessité  du  baptême. 
3ésus- Christ  a  institué  ce  sacre- 
ment comme  un  moyen  de  salut 
absolument  nécessaire,  lorsqu'il  a 
dit  :  «  Si  quelqu'un  n'est  pas  ré- 
V  généré  par  l'eau  et  par  le  Saint- 


r.Ap 

»  Esprit  ,  il  ne  peut  pas  entrer 
»  dans  le  royaume  de  Dieu.  » 
Joan.  ,  c.  3,  y.  5.  «Prêchez  l'E- 
»  vangile  à  toute  créature  ;  celui 
j)  qui  croira  et  sera  baptisé  sera 
»  sauvé ,  celui  qui  ne  croira  pas 
»  sera  condamné.  »  Marc,  c.  i6  , 
y .  i6.  Saint  Pierre  a  répété  cette 
même  vérité  ,  en  disant  que  le 
baptême  nous  sauve,/.  Petr. ,  c.  3, 
y.  21  ;  et  saint  Paul,  qui  nous 
enseigne  que  Dieu  nous  a  sauves 
par  le  bain  de  la  régénération  et  le 
renouvellement  du  Saint-Esprit. 
TH.,  c.  3  ,  ^.  5.  Nous  n'ignorons 
pas  les  subterfuges  par  lesquels 
les  calvinistes  et  les  sociniens  ont 
tordu  le  sens  de  ces  passages  ,  et 
de  plusieurs  autres  qui  établissent 
ce  dogme;  mais  l'Eglise,  en  con- 
damnant leurs  erreurs ,  a  frappé 
du  même  anathèmc  les  interpré- 
tations fausses  qu'ils  ont  données 
à  l'Ecriture  sainte.  Le  concile  de 
Trente  ,  après  avoir  décidé  qu'A- 
dam a  transmis  à  tout  le  genre 
humain ,  non-seulement  la  néces- 
sité de  souffrir  et  de  mourir,  mais 
encore  le  péché  ,  qui  est  la  mort 
de  l'àme,  enseigne  que  ce  péché  ne 
peut  être  effacé  que  par  les  mérites 
de  Jésus  -  Christ ,  et  qu'ils  nous 
sont  appliqués  par  le  baptême , 
SQSS.  5 ,  can.  2  et  3  ;  que  depuis  la 
promulgation  de  l'Evangile,  l'hom- 
me ne  peut  passer  de  l'état  du 
péché  à  l'état  de  grâce  sans  le 
baptême  ,  ou  sans  le  désir  de  le 
recevoir,  scss.  6,  can.  4-  Consé- 
quemment  il  dit  anathème  à  qui- 
conque soutient  que  ce  sacrement 
n'estpas  nécessaire  au  salut,  sess.  y, 
can.  5. 

Cette  doctrine  a  été  déjà  soute- 
nue au  cinquième  siècle  contre 
les  pélagiens.  Pelage  prétendoit 
que  le  péché  d'Adam  n'avoit  nui 
qu'à  lui  seul ,  et  non  à  ses  descen- 
dants ;  que  le  baptême  étoit  donné 
aux  enfants ,  non  pour  effacer  en 
eux  aucun  péché,  mais  pour  leur 
donner  la  grâce  d'adoption  ;  que 


BAP 

quand  ils  niouroiciil  sans  l'avoir 
reçu  ,  ils  obtcnoient  la  vie  éter- 
nelle par  le  mérite  Je  leur  inno- 
cence. Saint  Augustin  combattit 
de  toutes  ses  forces  contre  ces  er- 
reurs ;  elles  furent  condamnées  par 
plusieurs  papes  et  par  plusieurs 
conciles  d'Afrique,  et  cette  con- 
damnation fut  confirmée  par  le 
concile  général  d'Ephèse  ,  l'an  43 1. 
Calvin  n'a  pas  été  moins  téméraire 
que  Pelage ,  en  enseignant  que  les 
enfants  des  fidèles  sont  sanctifiés 
dès  le  sein  de  leur  mère;  la  croyance 
commune  des  calvinistes  est  que 
les  enfants  des  infidèles  qui  meu- 
rent sans  baptême  sont  damnés  ; 
mais  qu'il  n'en  est  pas  de  même 
des  enfants  des  chrétiens  ,  parce 
qu'ils  ont  part  à  l'alliance  queDieu 
a  faite  avec  les  hommes  par  Jé- 
sus-Christ.Dans  cette  supposition, 
l'on  ne  voit  pas  pourquoi  il  est 
encore  nécessaire  de  baptiser  les 
enfants  des  fidèles. 

'Il  faut  remarquer  que  le  concile 
de  Trente  déclare  que  l'homme  ne 
peut  passer  de  l'état  du  péché  à 
l'état  de  grâce  sans  le  baptême ,  ou 
sans  le  désir  de  le  recevoir.  En  effet, 
l'on  a  toujours  cru  dans  l'Eglise 
que  la  foi ,  Jointe  au  désir  du  bap- 
tême,  peut  tenir  lieu  de  ce  sacre- 
ment, lorsqu'il  y  a  impossibilité 
de  le  recevoir  ;  on  n'a  jamais  douté 
du  salut  des  catéchumènes  morts 
sans  avoir  pu  obtenir  celte  grâce. 
On  a  jugé  encore  que  le  martyre 
opéroit  le  même  effet  à  l'égard  de 
ceux  qui  mouroient  pour  Jésus- 
Christ  ;  c'est  dans  cette  croyance 
quel'Eglise  rendunculteaux  saints 
innocents.  De  respectables  évêqucs 
du  troisième  siècle  ont  même  pensé 
que  les  fidèles  qui  avoienl  reçu  chez 
les  hérétiques  un  baptême  nul,  mais 
qui  étoient  revenus  de  bonne  foi  à 
l'Eglise,  et  qui  avoicnt  participé 
aux  saints  mystères  ,  n'avoicnl  pas 
absolument  besoin  qu'on  leur  rci 
térât  le  baptême.  C'étoil  le  senti 
ment  de  saint  Denys  d'.\lexan(]ric 


et  de  saint  Cyprien.  Epist.  78,  ad 
Jubaian.  Voyez  Eusèbe ,  Hisi.  ec 
clés.,  1.  7,  c.  g,  et  la  note  de  Lowth; 
Bingham,  Ori^.  ecclcs.,  1.  10,  c.  2, 
§  23.  Enfin,  les  Pères ,  à  l'exception 
de  saint  Augustin  ,  ont  tous  été 
d'avis  que  saint  Jean-Baptiste  a  été 
sanctifié  par  Jésus-Christ  dans  le 
sein  de  sa  mère  ;  c'est  pour  cela  que 
l'Eglise  célèbre  sa  nativité.  Consé- 
quemment  les  théologiens  distin- 
guent trois  espèces  de  baptême , 
savoir  :  celui  de  désir ,  bapiismus 
flaminis  ;  celui  de  sang  ou  le  mar- 
tyre ,  baptismus  sanguinis  ;  et  le 
baptême  d'eau. 

Le  passage  de  saint  Paul ,  duquel 
Calvin  et  ses  sectateurs  abusent , 
ne  prouve  pas  ce  qu'ils  veulent. 
L'apôtre  dit ,  r.  Cor. ,  c.  7  ,  ^.  i4, 
qu'un  mari  païen  est  sanctifié  par 
une  femme  chrétienne,  et  qu'une 
épouse  païenne  est  sanctifiée  par 
un  mari  chrétien  ;  «  autrement  , 
»  ajor.te-t-il ,  vos  enfants  seroienl 
»  impurs  :  or ,  ils  sont  saints.  » 
Cela  ne  prouve  pas  que  ces  en- 
fants naissent  exempts  de  péché , 
mais  qu'ordinairement  un  père  ou 
une  mère ,  «[ui  fait  profession  du 
christianisme  ,  procure  le  baptême 
à  ses  enfants;  ou  qu'il  y  a  lieu  d'es- 
pérer qu'ils  seront  élevés  dans  cette 
religion.  Voyez  la  Synopse  des  cri- 
tiques sur  ce  passage- 

VL  Qwe/  est  le  sort  éternel  des 
enfants  morts  sans  baptême?  Cette 
question  paroît  déjà  suffisamment 
résolue  par  ce  que  nous  venons  de 
dire  touchant  la  nécessité  absolue 
de  ce  sacrement  pour  obtenir  le 
salut ,  et  par  les  raisons  dont  ou 
s'est  servi  au  cinquième  siècle  pour 
réfuter  les  erreurs  de  Pelage.  Dans 
les  commencements  ,  cet  hérésiar- 
que n'osa  rien  décider  touchant  le 
sort  de  ces  enfants.  Je  sais  bien  , 
disoit-il ,  où  ils  ne  vont  pas  ;  mais 
j'ignore  où  ils  vont  :  Qiio  non  eant, 
scio  ;  quàcant,  ntîsc/o.  Dans  la  suite, 
pour  ne  pas  contredire  formelle- 
ment les  paroles  de  Jésus-Christ , 


3i/t  BAP 

Joan.,  c.  3,  y.  5,  il  dit  qu'à  la 
vérité,  ces  enfants  n'enlroicnl  pas 
«lans  le  royaume  des  cieux ,  mais 
qu'ils  n'ctoient  pas  non  plus  con- 
damnés à  Tenfer;  qu'ils  avoieut  la 
vie  éternelle  par  le  mérite  de  leur 
innocence.  Saint  August. ,  1.  i  ,  de 
Pecc.  merilis  ei remiss. ,  c.  28,  n.  54  ; 
Serm.ag^  ,  c.  i,n.  2;Epist.  1 56,  etc. 
Il  imagine it  ainsi  un  lieu  ou  un 
état  mitoyen  entre  la  gloire  du  ciel 
et  la  damnation  ,  dans  lequel  il  pla- 
çoit  ces  enfants;  d'où  il  s'ensuivoit 
qu'ils  étoient  sauvés  de  l'enfer  sans 
avoir  participé  en  rien  aux  mérites 
ni  à  la  rédemption  de  Jésus-Christ. 

Saint  Augustin  et  les  autres  dé- 
fenseurs de  la  foi  catholique  ré- 
futèrent toutes  ces  vaines  opi- 
nions; ils  prouvèrent  par  l'Ecriture 
sainte  ,  par  la  tradition  des  quatre 
premiers  siècles,  par  les  exorcismes 
du  bapfêmc,  que  tous  les  enfants 
d'Adam  naissent  souillés  du  péché 
originel  ,  par  conséquent  privés 
de  tout  droit  à  la  vie  éternelle  ; 
qu'ils  ne  peuvent  être  purifiés  de 
ce  péché  que  par  l'application  des 
mérites  de  Jésus-Christ  et  par  le 
baptême  ;  que  s'ils  meurent  sans 
l'avoir  reçu,  ils  sont  damnés.  Con- 
séquemment  ils  rejetèrent  le  lieu 
ou  l'état  mitoyen  que  Pelage  avoit 
imaginé  entre  le  royaume  de  Dieu 
et  la  damnation,  état  qu'il  nom- 
moit  la  vie  éternelle,  et  dans  lequel 
il  plaçoit  les  enfants  morts  sans 
baptême.  Depuis  cette  époque  ,  le 
sejitiment  commun  des  théologiens 
est  que  non-seulement  ces  enfants 
sont  exclus  du  honheur  éternel  , 
mais  qu'ils  sont  condamnés  aux 
tourments  de  l'enfer;  que  cepen- 
dant ils  les  souffrent  dans  un  degré 
beaucoup  moindre  que  les  autres 
réprouvés. 

Malgré  le  nombre  et  l'autorité 
de  ceux  qui  soutiennent  ce  senti- 
ment, saint  Thomas,  saint  Bona- 
venture,  le  pape  Innocent  III,  et 
d'autres  théologiens  scola^tiques, 
très-insiruils  de  ce  qui  a  été  décidé 


BAP 

contre  les  pélagiens,  ont  iugéqu''à 
la  vérité  il  est  de  foi  que  les  enfants 
morts  sans  bap'cm.e  ne  peuvent  en- 
trer dans  le  royaume  des  cieux,  ni 
jouir  de  la  vie  éternelle;  qu'ainsi 
ils  éprouvent  ce  que  l'on  nomme 
la  peine  du  dam  ;  mais  qu'il  n'est 
pas  de  foi  qu'ils  souffrent  aussi 
la  peine  du  sens,  ou  les  supplices 
de  l'enfer;  que  c'est  seulement  une  ' 
opinion  ihéologique,  fondée  sur  de 
fortes  preuves,  de  laquelle  cepen- 
dant il  est  très-permis  de  s'écarter. 
Quelques-uns  même  sont  allés  jus- 
qu'à dire  que  ces  enfants  jouissent 
d'une  félicité  naturelle  qui  les  dé- 
dommage de  la  perte  qu'ils  ont 
faite  du  bonheur  éternel  acquis 
par  'les  mérites  de  Jésus  -  Christ. 
C'a  été  l'opinion  du  cardinal  Sfon- 
drate  ,  dans  le  livre  intitulé  : 
Nodus  prœdestinaiionis  dissolutus  , 
dont  plusieurs  évêques  de  France 
demandèrent  au  souverain  pontife 
la  condamnation  en  1696. 

Personne  ne  s'est  élevé  avec  plus 
de  chaleur  contre  le  sentiment 
mitigé  des  scolastiques  que  les 
partisans  de  Jansénius.  Comme  il 
étoit  de  l'intérêt  de  leur  système 
de  persuader  qu'un  adulte  même 
peut  être  coupable  et  punissable 
pour  un  péché  qu'il  ne  lui  étoit 
pas  libre  d'éviter ,  ils  ont  fait  tout 
leur  possible  pour  prouver  que  la 
condamnation  des  enfants  morts 
sans  baptême  aux  supplices  de  l'en- 
fer est  un  article  de  foi ,  et  que 
l'on  ne  peut  pas  soutenir  ie  con- 
traire sans  être  hérétique.  Nous 
ne  prétendons  pas  favoriser  leur 
entêtement ,  en  rapportant  fidèle- 
ment les  preuves  qui  établissent  le 
sentiment  rigoureux  des  autres 
théologiens.  La  plupart  ont  été 
employées  par  saint  Augustin  con- 
tre les  pélagiens,  et  son  autorité 
y  ajoute  un  nouveau  poids. 

i-o  Les  paroles  de  Jésus-Christ, 
Joan.,  c.  3,  ^'.  5,  sont  claires  ; 
«  Si  quelqu'un  n'est  pas  régénéré 
»  par  l'eau  et  par  le  Saint-Esprit. 


BAP 

'»  ij  ne  peut  culrer  dans  le  royaume 
j>  lie  Dieu.  »  L'expcdicul  iinaf^iné 
par  Pelade,  de  distinf;uer  le  royau- 
me de  Dieu  d'avec  la  vie  éternelle , 
étoit  absurde  ,  puisque  ces  deux 
termes  ,  dans  l'Ecriture  sainte  , 
désignent  également  le  bonheur 
(éternel.  Les  sociniens  et  les  pro- 
testants ne  s'en  tirent  pas  mieux 
en  disant  que,  dans  plusieurs  au- 
tres endroits,  le  royaume  de  Dieu, 
le  royaume  des  deux,  signifient  le 
règne  de  Jésus  -  Christ  sur  son 
Eglise  :  ce  n'est  point  ainsi  qu'on 
l'entendoit  du  temps  de  Pelage  , 
ni  avant  lui  ;  les  Pères  ont  donné 
constamment  à  ces  paroles  lememe 
sens  qu'a  suivi  le  concile  de  Trente, 
et  ont  entendu  par-là  le  bonheur 
éternel. 

2.°  Saint  Paul ,  Ephes. ,  c.  2  , 
)^.  3,  dit:  «Nous  étions  parnais- 
»  sance  enfants  de  colère. (N. «XI, 
»  p.  XXV.)  »  Donc,  dit  saint  Au- 
gustin, nous  étions  enfants  de 
vengeance  et  de  châtiment,  masse 
de  perdition  et  de  damnation  ,  à 
cause  du  péché  originel. iîowz.,  c.5, 
'^' .  18,  l'apôtre  dit  que  le  péché 
d'un  seul  est  pour  la  condamna- 
tion de  tous  ,  et  que  la  justice  d'un 
seul  estpour  lajustification  detous. 
S'il  n'est  pas  question  là  d'une 
condamnation  à  l'enfer,  on  ne 
peut  plus  dire,  comme  l'Ecriture 
sainte,  que  Jésus-Christ  nous  a 
sauvés  de  l'enfer  ,  de  la  puissance 
des  ténèbres,  de  la  puissance  du 
déiuon,  etc;  il  faut  prendre  leterme 
de  rédemption  dans  un  sens  méta- 
phorique, comme  font  les  sociniens 
après  les  pélagiens. 

3."  Ce  même  apôtre  dit ,  comme 
saint  Pierre,  que  le  baptême  nous 
sauve.  De  quoi  nous  sauve-t-il , 
sinon  de  l'enfer  et  du  supplice 
éternel  ?  Donc  ,  quiconque  n'a  pas 
reçu  ce  sacrement  n'est  pas  sauvé. 

4-*' Jésus-Christ,  parlant  du  ju- 
gement dernier,  ne  fait  mention 
•|ue  de  deux  places;  savoir,  de  la 
droite,  où  sont  les  justes  qui  sont 


BAP 


3i5 


envoyés  à  la  vie  éternelle  ,  et  de  la 
gauche,  où  sont  les  méchautscon- 
damnés  au  feu  éternel.  Malih.  , 
c.aS  ,y.  33.  Les  enfants  morts  saii'j 
baptême  ne  peuvent  être  placés  a 
la  droite;  donc  ils  seront  à  la  gau- 
che ,  et  subiront  le  sort  des  réprou- 
vés :  point  de  milieu. 

5.°  Les  conciles  d'Afrique,  les 
papes  Innocent  L",  Zozime  ,  Cc- 
lestin  L'^'' ,  Sixte  III,  saint  Léon  et 
Gélase,  qui  ont  condamné  les  pé- 
lagiens, le  concile  général  d'E- 
phèse,  qui  a  confirmé  cette  con- 
damnation ,  sont  censés  avoir 
approuvé  la  doctrine  de  saint  Au- 
gustin :  or  ,  ce  saint  docteur  a  tou- 
jours enseigné  que  les  enfants 
morts  sans  baptême  sonl  damnés. 

6.°  C'a  été  aussi  le  sentiment  de 
tous  les  Pères  latins  des  siècles 
suivants  et  des  théologiens,  jusqu'à 
la  naissance  des  scolastiques.  Dan^ 
le  second  concile  de  Lyon ,  qui 
est  le  quatorzième  général ,  tenu 
l'an  1274 ,  il  est  expressément  dé- 
cidé que  les  âmes  de  ceux  qui  meu  - 
rent  en  péché  mortel ,  ou  avec  le 
seul  péclié  originel ,  descendent  in- 
continent en  enfer,  pour  y  subir 
néanmoins  des  peines  différentes 
ou  inégales.  Cette  même  décision 
est  répétée  mot  pour  mot  dans 
le  concile  de  Florence ,  tenu 
l'an  1439  ;  canon  4-  C'est  une  con- 
damnation formelle  du  sentiment 
des  scolastiques. 

7.°  Le  concile  de  Trente,  sess.  5, 
dans  son  décret  touchant  le  péché 
originel,  déclare,  canon  i.*^' qu'A- 
dam ,  par  son  péché ,  a  non-seule- 
ment perdu  la  sainteté  et  la  justice 
originelle,  mais  qu'il  a  encouru 
la  colère  et  l'indignation  de  Dieu, 
la  mort  et  la  captivité  sous  la  puis- 
sance du  démon;  can.  2,  qu'il  a 
transmis  à  tout  le  genre  humain  , 
non-seulcmentla  mort  et  les  peines 
du  corps,  mais  le  péché  qui  est  la 
mort  de  l'âme;  can.  3,  que  ce  péché 
ne  peut  être  ôté  que  par  les  mé- 
rites de  Jésus-Christ,  et  qu'ils  nou^ 


3i5  BAP 

sont  appliqués  par  le  baptême.  Or, 
la  mort  de  ràmc  et  la  captivité  sous 
la  puissance  du  démon  entraînent 
la  damnation  comme  une  consé- 
quence    nécessaire  ;     et    il  n'y   a 
d'autre  moyen  que  le  baptême  par 
lequel  les  mérites  de  Jésus-Christ 
puissent  être  appliqués  aux  enfants . 
On  ne  peut  pas  nier  que  ces  ar- 
guments ne  soient  très-forts  ;  ils 
prouvent  invinciblement  que   les 
enfants  morts   sans  baptême  sont 
exclus  du  bonheur  éternel ,  et  souf- 
frent la  peine  du  dam;  mais  ils  ne 
démont  rent  pas  aussi  certainement 
que  ces  enfants  souffrent  encore  la 
peine  du   sens.   En  voulant   trop 
presser   ces   raisonnements ,    l'on 
s''expose   à   des  inconvénients   fâ- 
cheux ,  et  l'on  pourroit  y  en  op- 
poser d'autres  qui  ne  paroîtroient 
pas  moins  concluants.  Il  n'y  a  donc 
aucune  nécessité  d'embrasser  sur 
cette  question  le  parti  le  plus  ri- 
goureux :  aussi,  la  faculté  de  théo- 
logie  de  Paris ,    dans   la   censure 
A'' Emile,  prop.   24  et  suïv. ,  édit. 
in-ia,  p.  90,  a  fait  remarquer  que 
l'Eglise  catholique  laisse  la  liberté 
de   penser  ,   avec    saint  Thomas  , 
qu'on  n'est  point  sujet  à  la  peine 
du  sens  à  cause  du  seul  péché  ori- 
ginel ,  mais  que  l'on  est  seulement 
privé    de   la    vision    intuitive    de 
Dieu  ,  qui  est  Tin  don  gratuit ,  sur- 
naturel ,  auquel  les  créatures  in- 
telligentes n'ont  ,  de  leur  nature  , 
aucun  droit. 

Ajoutons  que  saint  Augustin  a 
éprouvé  les  mêmes  embarras  que 
nous  au  sujet  du  sort  des  enfants, 
sans  pouvoir  se  satisfaire  lui- 
même,  (î^e.  XII,  p.  XXVI.)  Epist.  28 
ad  Hieron.  Et  s'il  n'ose  les  exemp- 
ter de  toute  peine,  il  ne  les  assa- 
jétit  qu'à  la  plus  légère  de  toutes. 
11  ne  se  hasarde  pas  même  à  déci- 
der quelle  sera  la  nature  de  cette 
peine ,  ni  quel  en  sera  le  carac- 
tère et  l'étendue.  L.  6,  contra  Jul. 
c.  5.  11  n'ose  assurer  qu'elle  sera 
pire  que  l'anéanlissemciit  ,  et  qu'il 


BAP 

eut  mieux  valu  pour  ces  enfants 
n'avoir  jamais  été.  Jbid.  Aussi 
quelques  théologiens  estiment,  et 
Gonet  entre  autres  ,  que  la  priva- 
tion de  la  vision  béatifique  ne  cau- 
sera aucune  douleur  ni  aucune  tris- 
tesse à  ces  enfants  infortunes.  Cet 
état  sera ,  en  quelque  sorte  ,  un 
état  mitoyen  entre  la  récompense 
et  le  châtiment  ;  ce  qui  ne  parois- 
soit  point  impossible  à  saint  Au- 
gustin lui-même.  De  lib.  arb. , 
1.  3,  c.  23.  Gonet  s'appuie  encore 
de  l'autorité  de  saint  Grégoire  de 
Naziaùze,  de  saint  Grégoire  de 
Nysse  et  de  saint  Ambroise.  Saint 
Thomas ,  in  2,  dist.  Sg ,  q.  2,  art.  2, 
semble  insinuer  cette  façon  de 
penser,  et  admettre  un  ordre  de 
providence  bienfaisante  de  la  part 
de  Dieu  sur  ceux  même  qu'il  ne 
peut  récompenser. 

Si  l'on  trouve  mauvais  que  des 
théologiens  qualifient  trop  rigou- 
reusement les  sentiments  rigides  de 
l'école,  lors  même  qu'ils  ressem- 
blent assez  dans  l'expression  aux 
erreurs  condamnées,  ne  devroit- 
on  pas  avoir  le  même  ménagement 
pour  certaines  opinions  plus  dou- 
ces, soutenues  par  des  théologiens 
respectables,  et  qui  sont  très-pro- 
pres à  arrêter  les  incrédules  qui 
se  scandalisent  de  la  prétendue 
dureté  du  sentiment  contraire  t 
L'on  ne  doit  néanmoins  donner  à 
ces  opinions  que  la  valeur  qu'elles 
ont  d'avoir  des  partisans  estima- 
bles ,  et  se  contenter  de  prouver 
par- là  que  le  sentiment  contraire 
ne  fait  pas  partie  du  dogme  décidé, 
très  indépendant  de  ces  discussions 
d'école.  Voyez  les  conférences  d'An- 
gers,  sur  les  Péchés,  2.*  question, 
article  3. 

BAPTISTERE,  est  le  lieu  ou 
l'édifice  dans  lequel  on  conserve 
l'eau  pour  baptiser. 

Les  premiers  chrétiens,  suivant 
saint  Ju.stin  niartyr,  et  Tcrtullien, 
ii'avpicnt  d'autres   baptistères  que. 


lîAP 

les  foiilaincs,  les  rivières,  les  lacs 
ou  la  mer,  qui  se  trouvoieiit  plus 
à  portée  de  leur  habitation  ;  et, 
comme  souvent  la  persécution  ne 
leur  permettoil  pas  de  baptiser  en 
plein  jour,  ils  y  ailoient  de  nuit, 
ou  donnoient  le  baptême  dans  leurs 
maisons. 

Dès  que  la  religion  chrétienne 
fut  devenue  celle  des  empereurs  , 
outre  les  églises,  on  bâtit  des  édi- 
fices particuliers  uniquement  des- 
tinés à  l'administration  du  baptê- 
me ,  et  que  par  cette  raison  on 
nomma  baptistères. 

Quelques  auteurs  ont  prétendu 
que  ces  baptistères  étoient  ancien- 
nement placés  dans  le  vestibule  in- 
térieur des  églises  ,  comme  le  sont 
aujourd'hui  nos  fonts  baptismaux. 
C'est  une  erreur.  Les  baptistères 
étoient  des  édifices  entièrement 
séparés  des  basiliques,  et  placés  à 
quelque  distance  des  murs  exté- 
rieurs de  celles-ci.  Les  témoigna- 
ges de  saint  Paulin,  desaint  Cyrille 
de  Jérusalem,  de  saint  Augustin, 
ne  permettent  pas  d'en  douter. 

Ces  baptistères,  ainsi  séparés,  ont 
subsisté  jusqu'à  la  fin  du  sixième 
siècle,  quoique  dès  lors  on  en  voie 
déjà  quelques-uns  placés  dans  le 
vestibule  intérieur  de  l'église  ,  tel 
que  celui  où  Clovis  reçut  le  bap- 
tême des  mains  de  saint  Rémi. 
Cet  usage  est  ensuite  devenu  gé- 
néral, si  l'on  en  excepte  un  petit 
nombre  d'églises  qui  ont  retenu 
l'ancien ,  comme  celle  de  Florence 
et  toutes  les  villes  épiscopales  de 
Toscane,  la  métropole  de  Ravenne 
et  l'église  deSaint-Jean-de-Latran 
à  Rome. 

Ces  édifices  ,  pour  la  plupart, 
étoient  d'une  grandeur  considé- 
rable, eu  égard  à  la  discipline  des 
premiers  siècles,  le  baptême  ne  se 
donnant  alors  que  par  immersion, 
et  (  hors  les  cas  de  nécessité  )  seu- 
lement aux  deux  fêtes  les  plus  so- 
lennelles de  l'année,  Pâques  et  la 
Pentecôte.  Le  concours  prodigieux 


BAP 


3i' 


de  ceux  (^ui  se  prcsentoienl  au  bap- 
tême, la  bienséance  qui  cxigeoit 
que  les  hommes  fussent  baptises 
séparément  des  femmes  ,  deman- 
doient  un  emplacement  d'autant 
plus  vaste  ,  qu'il  falloit  encore  y 
ménager  des  autels  oùlesnéophiles 
reçussent  la  confirmation  et  l'eu- 
charistie immcdiatementaprès  leur 
baptême.  Aussi  le  baptistère  de 
l'église  de  Sainte-Sophie  à  Con- 
stantinople  étoit-il  si  spacieux, 
qu'il  servit  d'asile  à  l'empereur 
Basilisque,  et  de  salle  d'assemblée 
à  un  concile  fort  nombreux. 

Les  baptistères  avoient  plusieurs 
noms  différents ,  tels  que  ceux  de 
piscine  ,  lieu  cfiliumination  ,  etc.  , 
tous  relatifs  aux  différentes  grâces 
qu'on  y  recevoit  par  le  sacrement. 

On  trouve  peu  de  chose  dans 
les  anciens  auteurs  sur  la  forme 
et  les  ornements  des  ôa/9/js/è/-es,- ou 
du  moins  ce  qu'on  y  en  lit  est  fort 
incertain.  Voici  ce  qu'en  dit  M. 
Fleury ,  sur  la  foi  d'Anaslase  ,  de 
Grégoire  de  Tours,  et  de  Durand  , 
dans  ses  notes  sur  le  pontifical 
attribué  au  pape  Damase  :  «  Le 
->  baptistère  étoit  d'ordinaire  bâti 
»  en  rond,  ayant  un  enfoncement 
»  où  l'on  descendoit  par  q7ielques 
»  marches  pour  entrer  dans  l'eau; 
»  c'étoit  proprement  un  bain. 
»  Depuis  on  se  contenta  d'une 
»  grande  cuve  de  marbre  ou  de 
»  porphyre,  comraeunebaignoire, 
»  et  enfin  on  se  réduisit  à  un  bas- 
»  siïi,  comme  sont  aujourd'hui  les 
«  fonts.  Le  baptistère  étoit  orné  de 
»  peintures  convenables  à  ce  sacre- 
»  mentetmeublédepjusieurs  vases 
»  d'or  et  d'argent  pour  garder  les 
»  saintes  huiles  et  pour  verser  l'eau. 
»  Ceux-ci  étoient  souvent  en  forme 
»  d'agneaux  ou  de  cerfs  ,  pour 
»  représenter  l'agneau  dont  le  sang 
»  nous  purifie ,  et  pour  marquer 
»  le  désir  des  âmes  qui  cherchent 
»  Dieu,  comme  un  cerfaltérécher- 
»  che  une  fontaine  ,  suivant  l'cx- 
u  pression  du  Ps.  ^\ .  On  y  voyoit 


3i8  BAP 

»  rimagc  desaiul  Jean-Bapliste  et 
»  une  colombe  d'oi'  ou  d'argent 
»  suspendue,  pour  mieux  reprc- 
»>  senter  toute  l'histoire  du  Lap- 
»  tême  de  Jésus-Christ  et  la  vertu 
»  du  Saint-Esprit  qui  descend  sur 
»  l'eau  baptismale.  Quelques-uns 
»  même  disoient  7c  Jourdam,  pour 
Il  dire  les  fonts.  »  Mœurs  des  Chré- 
tiens, tit.  36.  Ce  qu'ajoute  Durand, 
que  les  riches  ornements  dont 
l'empereurConstantin  avoit  décoré 
le  baptistère  de  l'Eglise  de  Rome, 
étoient  comme  un  mémorial  de  la 
grâce  qu'il  avoit  reçue  par  les  mains 
du  pape  saint  Sylvestre  ,  est  visi- 
blement faux,  puisqu'il  estaujour- 
d'hui  démontre  que  ce  prince  fut 
baptisé  à  Nicomédie  peu  de  temps 
avant  sa  mort. 

Il  n'y  eut  d'abord  de  baptistères 
que  dans  les  villes  épiscopalcs  : 
d'où  vient  qu'encore  aujourd'hui 
le  rit  ambrosien  ne  permet  pas 
qu'on  fasse  la  bénédiction  des 
fonts  baptismaux  les,  veilles  de 
P.àques  et  de  la  Pentecôte,  ailleurs 
que  dans  l'église  métropolitaine  : 
d'où  les  églises  paroissiales  pren- 
nent l'eau  qtii  a  été  bénite  ,  pour  la 
mêler  avec  d'autre  ,  depuis  qu'on 
leur  a  permis  d'avoir  des  baptis- 
tères ou  fonts  particuliers.  Dans 
l'Eglise  de  Mcaux ,  les  curés  de  la 
ville  viennent  baptiser  les  enfants, 
depuis  le  samedi  saint  jusqu'au 
samedi  suivant,  sur  les  fonts  de 
l'église  cathédrale.  C'est  un  droit 
attaché  à  chaque  paroisse  en  titre 
et  à  quelques  succursaî-es  ,  mais 
non  pas  à  toutes,  non  plus  qu'aux 
chapelles  et  aux  monastères,  qui, 
s'ils  en  ont,  ne  les  possèdent  que 
par  privilèges  et  par  concession 
des  «vêques. 

On  confond  aujourd'hui  le  bap- 
tistère avec  les  fonts  baptismaux. 
Anciennement  on  distinguo it  exac- 
tement ces  deux  choses  ,  comme  le 
tout  et  la  partie.  Par  baptistère, 
ou  entendoit  tout  l'édifice  où  l'on 
administroit   le   baptême  ;    et   les 


BAll 

fonts  n'étoienl  autre  chose  que  la 
fontaine  ou  le  réservoir  qui  con- 
tenoit  les  eaux  dont  on  se  sérvoit 
pour  le  baptême.  Voyez  Vancien 
Sacrant.  ,  seconde  partie,  pag.  55. 
Nous  avons  parlé  de  la  bénédiction 
des  fonts  baptismaux  dans  l'article 
Baptême. 

BARALLOTS,  nom  qu'on  donna 
à  certains  hérétiques  qui  parurent 
à  Bologne  en  Italie,  et  quimettoient 
tous  leurs  biens  en  commun,  même 
les  femmes  et  les  enfants.  Leur 
extrême  facilité  à  se  livrer  aux  plus 
honteux  excès  de  la  débauche,  leur 
fit  encore  donner,  selon  Ferdinand 
de  Cordoue,  dans  son  Traité  TJe 
exiguis  Annonis ,  le  nom  d'obéis- 
sants, obedicntes. 

BARBARES.  L'irruption  des 
peuples  du  Nord  qui,  dans  le  cin- 
quième siècle  et  les  suivants  ,  se 
sont  jetés  sur  l'empire  romain,  et 
l'ont  détruit  dans  l'Occident ,  est 
une  époque  célèbre  dans  l'histoire, 
mais  fatale  à  la  religion  et  aux 
mœurs.  Un  théologien  se  trouve 
intéressé  à  en  rechercher  les  causes 
et  le^  effets  ;  parce  que  plusieurs 
incrédules  ont  eu  l'injustice  de 
les  attribuer  au  christianisme. 
M.  Fleury  les  a  très-bien  exposés. 
Mœurs  des  Chrét.,  n.  56  et  suiv. 

Au  commencement  du  cinquième 
siècle  ,  l'empire  romain  étoit  af- 
foibli  de  toutes  manières  ;  il  n'y 
avoit  plus  ni  discipline  dans  les 
troupes,  ni  autorite  dans  les  chefs, 
niconseilssuivis,  ni  science  des  af- 
faires ,  ni  vigueur  dans  la  jeunesse, 
ni  prudence  dans  les  vieillards  ,  ni 
amourdelapatrieetdubienpublic. 
Chacun  ne  cherchoitque  son  plaisir 
et  son  intérêt  particulier,  ce  n'é- 
toient  qu'infidélités  et  que  trahi- 
sons; \cs  Romains,  amollis  par  le 
luxeet  l'oisiveté,  ne  se  défcndoient 
contre  lesBarbares  que  par  d'autrea 
£/2rôares  qu'ils  soudoyoifnt  Lame- 
sure  de  leurs  crimes  étant  comblée. 


lîAR 

Dieuenfit  la  justicccxcmplaircqu'il 
.1  voit  prédite  par  saint  Jean,  Apoc, 
c.  i3,^.  i8.  Rome  fut  prise  et  sac- 
cagée plusieurs  fois  ;  le  sang  des 
martyrs  dont  elle  s'étoit  enivrée 
fut  venge  ;  l'empire  d'Occident 
demeui'a  en  proie  aux  peuples  du 
Nord,  qui  y  fondèrent  de  nouveaux 
royaumes.  Voilà  les  vraies  causes 
de  la  chute  de  l'empire  romain  , 
et  non  l'établissement  du  chris- 
tianisme, comme  les  païens  le  di- 
soient alors,  et  comme  Machiavel, 
et  après  lui  d'autres  politiques 
impies  ou  ignorants,  ont  osé  le 
répéter. 

On  dira  sans  doute  que  le  chris- 
tianisme établi  pour  lors  dans 
l'empire  auroit  dû  corriger  les 
mœurs,  et  empêcher  les  Romains 
de  contracter  d'aussi  grands  vices  ; 
mais  cette  religion  n'avoit  com- 
mencé à  être  tolérée  publiquement 
par  les  empereurs  qu'en  3ii  ; 
bientôt  après  elle  fut  défigurée  par 
les  ariens,  et  les  Sariares  sont  venus 
en  4o6  ;  alors  un  grand  nombre 
deRomains  luttoient  encore  con- 
tre les  lumières  de  l'Evangile.  Il  a 
semblé  que  Dieu  avoit  fait  venir 
les  farouches  habitants  du  Nord , 
pour  démontrer  qu'il  étoit  plus 
aisé  de  convertir  des  hommes  à 
demi-sauvages,  que  des  épicuriens. 

Les  chrétiens  ne  pouvoient  vivre 
au  milieu  d'une  génération  aussi 
corrompue,  sans  participer  à  ses 
vices  ;  il  n'est  pas  étonnant  que 
les  Pères  de  l'Eglise  leur  en  aient 
reproché  de  très-grossiers.  Saint 
Augustin,  de  Calechiz.  rudib.,  n.  5, 
7,  \']^2.%;deMorib.Eccl.,  c.34,  etc. 
Les  ravages  des  Barbares  ne  nui- 
sirent pas  moins  aux  mœurs  de 
l'Eglise  que  la  corruption  des  der- 
niers Romains.  L'Evangile,  q»ii  est 
la  souveraine  raison,  condamne 
également  tous  les  vices  ;  la  stupi- 
dité ,  la  fourberie  ,  la  férocité  ,  la 
cruauté,  sont  aussi  incompatibles 
avec  la  vraie  religion  que  le  luxe 
et  lamollessc.  Les  guerres,  les  hos- 


BAR  319 

tilités,  le  brigandage  ,  sont  aussi 
contraires  à  la  piété  qu'à  la  justice 
et  à  la  probité  naturelle.  Quand 
ou  est  occupé  des  moyens  de  con- 
server sa  vie  et  son  bien  dans  une 
ville  prise  d'assaut,  ou  dans  un 
pays  livré  au  pillage;  d'éviter  l'es- 
clavage, de  sauver  l'honneur  des 
femmes  ,  il  est  très  -  difficile  de 
penser  au  spirituel  ;  et  il  faut  des 
vertus  bien  héroïques  pour  se 
soutenir  au  milieu  du  carnage  et 
des  horreurs  d'une  victoire  brutale. 

Possidius  ,  dans  la  vie  de  saint 
Augustin,  peint  l'état  de  l'Afrique 
désolée  par  lesVandales.  On  voyoit, 
dit-il,  les  églises  destituées  de  prê- 
tres, les  vierges  et  les  religieux 
dispersés;  les  uns  avoient  succombé 
aux  tourments,  les  autres  avoient 
péri  par  le  glaive,  les  autres  avoient 
perdu  dans  une  dure  captivité  l'in- 
tégrité du  corps,  de  l'esprit  et  de 
la  foi;  ils  étoient  réduits  à  servir 
des  ennemis  farouches  et  brutaux. 

Non-seulement  les  hymnes  et 
les  louanges  de  Dieu  avoient  cesse 
dans  les  églises,  mais  en  plusieurs 
lieux  ces  édifices  étoient  détruits. 
Les  sacrifices  et  les  sacrements 
n'étoient  plus  recherchés  ;  il  étoit 
difficile  de  trouver  quelqu'un  qui 
pût  les  administrer.  Les  évêques 
et  les  clercs  qui  avoient  échappé 
au  fer  des  ennemis ,  étoient  dé- 
pouillés, réduits  à  la  misère,  in- 
capables de  donner  aucun  secoui^s 
au  peuple.  Salvien  a  tracé  le  même 
tableau  de  la  désolation  des  Gau- 
les ;  elle  n'étoit  pas  moindre  en 
Espagne  et  dans  l'Illyrie. 

A  la  vérité  les  Francs  se  firent 
chrétiens;  les  Goths,  les  Rourgui- 
gnons,  les  Lombards,  d'ariens  de- 
vinient  catholiques;  mais  ils  de- 
meurèrent long  -  temps  barbares  , 
attachés  à  leurs  anciennes  habi- 
tudes; ils  embrassèrent  l'extérieur 
de  la  religion  sans  en  prendre 
l'esprit.  C'est  ce  qui  arrive  encore 
aujourd'hui  à  l'égard  des  Sauvages 
de  l'Amérique,  lorsqu'on  parvient 


320  BAIl 

à  les  convertir.  Les  princes  mêmes 
ne  perdirent  qu'une  partie  de  leur 
férocité.  Clovis  et  ses  entants  font 
paroître  d'un  côté  beaucoup  de 
respect  et  de  zèle  pour  la  religion  ; 
mais  d'ailleurs  ils  commettent  des 
injustices  et  des  cruautés.  Le  bon 
roi  Gontran,  que  l'Eglise  a  mis  au 
nombre  des  saints ,  entre  une  in- 
finité d'actions  de  piété,  a  fait  de 
grandes  fautes  ;  et  Dagobert,  cet 
illustre  fondateur  de  monastères , 
a  été  très  vicieux.  Ce  n'est  pas  que 
les  évéques  de  ce  temps-la  man- 
quassent absolument  de  vertu  et  de 
vigueur  apostolique  ;  mais  de  deux 
maux  inévitables,  ils  choisissoient 
le  moindre  ;  ils  aimoient  encore 
mieux  obéir  à  des  princes  demi- 
chrétiens  ,  qu'a  des  païens  persé- 
cuteurs de  l'Eglise.  Une  marque 
qu'ils  ne  se  fioient  pas  beaucoup 
a  des  Barbares  convertis,  c'est  que 
pendant  deux  cents  ans  on  ne  voit 
^uère  de  clercs  qui  ne  fussent 
romains;  cela  se  connoît  par  leurs 
noms. 

Ainsi ,  par  le  mélange  des  Ro- 
mains avec  les  Barbares  ,  ces  der- 
niers s'adoucirent  et  se  civilisèrent; 
mais  les  premiers  devinrent  igno- 
rants et  grossiers.  On  cessa  d'étu- 
dier l'histoire  et  la  physique  ,  de 
consulter  l'antiquité  sacrée  et  pro- 
fane ;  les  peuples  devinrent  super- 
stitieux et  crédules  ;  on  crut  voir 
partout  des  miracles,  des  pronos- 
tics ,  des  signes  de  la  bienveillance 
ou  de  la  colère  de  Dieu  ;  les  légendes 
des  saints  ne  renfermèrent  plus  que 
des  fables  et  des  puérilités. 

D'autre  part ,  l'autorité  des  évé- 
ques alloit  toujours  croissant;outre 
la  dignité  dusacerdoccet  la  sainteté 
de  la  vie  de  plusieurs  ,  ils  étoient 
plus  instruits  que  les  laïques  ;  les 
rois  les  firent  entrer  dans  leurs 
conseils,  et  leur  laissèrent  le  soin 
de  gouverner  :  la  plupart  s'en  ac 
quittèrent  avec  la  plus  grande  fi 
délité  ,  et  contribuèrent ,  autant 
qu'ils  le  purent,  à  diminuer  la  mi- 


BAK 

sère  des  peuples.  On  ne  connoît 
aucun  siècle  dans  lequel  il  ne  se 
soit  trouvé  parmi  eux  des  saints  et 
des  hommes  d'un  mérite  dislingue- 
Mais  leur  crédit  se  trouva  insen- 
siblement mêlé  de  puissance  et  de 
juridiction  temporelle  ;  ils  devin- 
rent seigneurs  ,  avec  les  mêmes 
droits  que  les  laïques,  par  consé- 
quent avec  les  mêmes  charges  de 
fournir  des  gens  de  guerre  pour 
le  service  de  l'état,  et  souvent  de 
les  conduire  en  personne.  Ce  fut 
là  une  des  principales  sources  du 
relâchement  de  la  discipline. 

Au  neuvième  siècle  ,  Charle- 
magne  travailla  beaucoup  à  la  ré- 
tablir ,  de  même  que  l'étude  des 
lettres  ;  mais  les  guerres  civiles  , 
dontsamort  futsuivie, ramenèrent 
partout  l'ignorance  et  le  désordre. 
Pour  comble  de  maux  ,  les  Nor- 
mands, encore  païens,  pillèrent  et 
désolèrent  la  France  de  tous  cotés; 
le^  Hongrois  coururent  l'Italie  ;  les 
Sarrasins  en  infestèrent  les  côtes  , 
occupèrent  la  Fouille  et  la  Sicile  ; 
déjà  ils  étoient  les  maîtres  de  l'Es- 
pagne depuis  un  siècle.  L'ignorance 
s'accrut  au  point  que  les  seigneurs 
dédaignèrent  d'apprendre  à  lire,  et 
regardèrent  la  culture  des  lettres 
comme  une  marque  de  roture. 
Cantonnés  chacun  dans  son  châ- 
teau ,  toujours  en  guerre ,  les  uns 
contre  les  autres,  et  souvent  contre 
leur  évêque  ,  ils  ne  fréquentoient 
plus  l'église épiscopale  ;  ils  se  con- 
tentèrent des  messes  de  leurs  chape- 
lains ,  ou  de  l'office  des  monastères 
voisins.  Mais  les  moines  n'avoient 
pas  de  mission  pour  enseigner ,  ni 
d'autorité  pour  corriger  ;  les  évê- 
({ues  prêchoient  si  peu,  qu'il  y  a  des 
conciles  qui  leur  recommandent 
d'enseigner,  au  moins  en  langue 
vulgaire,  à  leurs  diocésains,  lesjm- 
bole  et  l'oraison  dominicale. 

Dans  ces  temps  de  ténèbres  et 
de  désordres  ,  les  papes  se  trouvè- 
rejit  obligés  de  veiller  de  plus  près 
sur  toute  l'Eglise  ,  de  se  mêler  de 


loiilcs  les  affaires,  de  su|iplcei-  à  ce 
que  les  cvc<|ucs  ne  (aisoicul  plus. 
l^e  pouvoir  illimité  qu'ils  s'allri- 
buéreiil,  cl  que  des  critiques  mal 
i'.islruils  ont  regaidé comme  reflet 
d'une  ambition  démesurée  ,  fut 
dans  le  fond  l'ouvrage  des  circon- 
slances  et  de  la  nécessité. 

Les  prêtres  et  les  clercs  étoicnt 
contraints  de  défendre  à  main  ar- 
mée les  biens  de  l'Eglise  dont  ils 
«ubsistoient  ;  plusieui's,  pressés  par 
la  pauvreté ,  étoient  réduits  à  exer- 
cer des  métiers  sordides,  ou  à  pas- 
ser de  province  en  province  pour 
trouver  à  vivre  auprès  de  quelques 
fvêques  ou  de  quelques  seigneurs. 
Quelles  études  pouvoient-ils  faire  , 
quelle  régularité  pouvoient-ils  ob- 
server dans  leurs  mœurs? A  peine 
les  études  et  la  piété  purent-elles 
.«e  conserver  dans  quelques  églises 
cathédrales  et  dans  quelques  mo- 
nastères ;  mais  les  monastères  fu- 
rent pillés,  ruinés  et  briilés  par  les 
Normands  ;  les  moines  et  les  cha- 
noines massacrés  ou  dispersés  ,  et 
réduits  à  vivre  au  milieu  des  sé- 
culiers. 

On  peut  juger  combien  les  pau- 
vres étoient  abandonnés  dans  ces 
temps  de  misère  publique  :  où  au- 
roit-on  pris  des  aumônes,  lorsqu'il 
y  eut  des  lamines  si  horribles  que 
l'on  mangeoit  de  la  chairhumaine? 
Le  commerce  n'étoit  pas  libre  pour 
suppléer  à  la  disette  d'un  pays  par 
l'abondance  d'un  autre,  ou  plutôt 
il  n'y  avoit  point  de  commerce,  et 
ja  terre  n'étoit  plus  cultivée  que  par 
des  esclaves,  llrestoit,  à  la  vérité, 
de  grands  patrinioines  aux  églises; 
mais  ces  biens  étoientune  tentation 
continuelle  pour  les  seigneurs,  qui 
avoient  toujours  les  armes  à  la 
main.  Souvent  les  évêchés  furent 
usurpés  par  des  hommes  tout-à  lai  t 
indignes,  qui  s^en  emparèrent  par 
force;  souvent  un  seigneur  y  éta- 
hli.ssoit  à  main  armée  son  fils  en 
bas  âge,  afin  de  jouir  des  revenus 
de    l'église  sous    son    nom.  Rome 


lîAR  321 

même  lut  ex{)oséc  à  ces  désordres  ; 
les  petits  tyrans  du  voisinage  y 
furent  les  plus  forts,  et  disposè- 
rent despolifjuemcntde  la  papauté. 
Pendant  le  dixième  siècle  ,  ce  ne 
furent  qu'intrusions  et  expulsions 
violentes  dans  ce  premier  siège, 
où  jusqu'alors  la  discipline  s'étoil- 
conservée  pure.  Aujourd'hui  les 
protestants  et  les  incrédules  triom- 
phent de  la  mauvaise  conduite  de 
ces  papes  indignes  de  leurs  places; 
ils  font  un  crime  à  l'Eglise  romaine 
de  ce  que  les  pontifes  du  siècle 
suivant  ont  cherché  à  mettre  leur 
siège  à  couvert  de  ce  scandale  et  de 
ces  vexations. 

Les  conciles  devinrent  très-rares, 
à  cause  de  la  difficulté  de  s'assem- 
bler au  milieu  des  hostilités  uni- 
verselles y  qui  ne  permettoient  pas 
que  l'on  put  aller  en  sûreté  d'une 
ville  à  l'autre  ;  et  quand  ils  auroient 
été  plus  fréquents  ,  qui  auroit  eu 
assez  d'autorité  pour  en  faire  ob- 
server les  canons  par  des  brigands 
toujours  armés  ? 

Des  prédicants  profitèrent  de  ces 
temps  malheureux  pour  semer  des 
erreurs.  Il  leur  fut  aisé  de  décrier 
le  clergé,  qui  étoit  absolument  dé- 
chu de  son  état  ;  de  défigurer  la 
doctrine  chrétienne ,  que  l'on  ne 
connoissoit  presque  plus  ;  de  trom- 
per les  peuples  par  de  fausses  ap- 
parences de  régularité  et  de  piété. 
C'est  ce  qui  fit  éclore  les  différentes 
sectes  de  manichéens  ,  sous  plu- 
sieurs noms  divers  ,  ensuite  les 
vaudois  et  d'autres  fanatiques.  Les 
protestants  ont  eu  grand  soin  d'ex- 
poser au  grand  jour  les  scandales 
du  clergé,  l'ignorance  et  la  misère 
des  peuples  ,  les  plaies  de  l'Eglise; 
mais  ils  ne  se  sont  pas  donné  la 
peine  de  remonter  à  la  cause  pre- 
mière de  tous  ces  maux  ;  ils  ont 
affecté  même  de  la  dissimuler,  afin 
d'en  faire  retomber  tout  l'odieux 
sur  les  ministres  de  la  religion. 

Si  le  christianisme  n'avoit  pas 
été  l'œuvre  de  Dieu,  il  auroit  cer- 


32  2  CAPi 

tainement  succombe  sous  tles  at- 
taques aussi  violentes;  mais  Jésus- 
Christ  a  fait  voir  qu'il  n'a  jamais 
oublié  ses  promesses  ,  qu'il  est  tou- 
jours avec  son  Eglise  ,  et  que  nulle 
révolution  humaine  n'est  capable 
de  l'ébranler. 

Nous  n'avons  fait  qu'abréger  le 
récit  et  les  réflexions  de  M.  Fleury  ; 
quiconque  voudra  les  lire  sans  pré- 
vention ,  demeurera  convaincu  que 
non-seulement  la  religion  chré- 
tienne n'a  contribué  en  rien  aux 
malheurs  de  l'Europe ,  mais  que 
sans  elle  ces  maux  auroient  été 
beaucoup  plus  grands;  que  c'est 
elle  qui  a  fourni  des  ressources 
pour  les  adoucir,  et  des  moyens 
pour  les  réparer  ;  nous  prouverons 
ailleurs  ce  fait  important.  Voyez 
Lettres  ,  Sciences  ,  etc. 

Les  protestants  ont  encore  fait 
tous  leurs  efforts  pour  donner  une 
idée  très-désavantageuse  des  mis- 
<iions  qui  ont  été  faites  pour  con- 
vertir les  Barbares  du  Nord  dans 
les  différents  siècles. Quand  ce  qu'ils 
en  ont  dit  seroit  vrai ,  il  faudroit 
encore  bénir  Dieu  des  heureux  ef- 
fets qui  en  ont  résulté  ;  mais  nous 
réfuterons  leurs  calomnies.  Voyez 
Missions  ,  Nord. 

Un  des  plus  fougueux  de  nos  in- 
crédules modernes  a  poussé  la  dé- 
mence jusqu'à  vouloir  insinuer  que 
<;e  furent  les  chrétiens  persécutés 
l>ar  les  empereurs  païens ,  qui  in- 
vitèrent les  Barbares  du  Nord  à 
fondre  sur  l'empire  romain  ;  sa  nar- 
ration est  curieuse.  «  Quand  les 
ï)  Barbares  du  Nord  ,  dit-il ,  fon- 
ï)  dirent  sur  les  terres  de  la  domi- 
»  nation  romaine ,  les  chrétiens , 
M  persécutés  par  les  empereurs 
y>  païens ,  ne  manquèrent  pas  d'im- 
»  plorerle  secours  des  ennemis  du 
j>  dehors  contre  l'état  qui  les  op- 
»  primoit.  Ils  prêchèrent  à  ces 
»  vainqueurs unereligion nouvelle, 
»  qui  leur  imposoit  le  devoir  de 
»  détruire  l'ancienne.  Ils  deman- 
>)  dèrent  les  décombres  des  temples 


BAll 

»  pour  bâtir  des  églises.  Les  san- 
»  vages  donnèrent  sans  peine  ce 
»  qui  ne  leur  appartenoit  pas  ;  ils 
»  exterminèrent ,  ils  prosternèrent 
»  aux  pieds  du  christianisme  tous 
»  leurs  ennemis  et  les  siens  ;  ils  pri- 
»  rent  des  terres  et  des  hommes  , 
»  et  en  cédèrent  à  l'Eglise;  ils  exi- 
1)  gèrent  des  tributs ,  et  en  excmp- 
»  tèrent  le  clergé  ,  qui  préconise  it 
»  leurs  usurpations  :  des  seigneur.s 
»  se  firent  prêtres ,  des  prêtres  de- 
»  vinrent  seigneurs  ,  etc.  » 

Cettenarrationestun  chef-d'œu- 
vre d'étourderie.  i.° Ce  savant  his- 
torien oublie  que  les  irruptions  des 
Barbares  sur  les  terres  de  l'empire 
ont  commencé  au  moins  107  ans 
avant  la  naissance  de  Jésus-Christ, 
et  ont  continué  sans  interruption 
jusqu'à  leur  établissement  dans  les 
Gaules  en  406.  On  ditque  Marius, 
dans  l'espace  de  deux  ans  ,  en  tua 
trois  cent  mille,  etfit  cent  quarante 
mille  prisonniers  ;  que  Jules  César 
en  extermina  pour  le  moins  autant. 
Sous  le  règne  d'Auguste  ,  Drusus 
les  battit  de  nouveau  ;  mais  ils  tail- 
lèrent en  pièces  les  légions  ro- 
maines, commandées  parQuintilius 
Varus.  Sous  Tibère ,  Germanicus 
les  vainquit  encore  ;  mais  il  ne  put 
empêcher  leurs  irruptions.  Sous 
Vespasien ,  Pline  l'Ancien  trouva 
assez  de  matériaux  pour  composer 
en  vingt  livres  une  histoire  des 
guerres  de  Rome  contre  les  Ger- 
mains. Tacite  observe  que  depuis 
le  consulat  de  Cécilius  Métellus  , 
jusqu'au  second  de  Trajan  ,  c'est- 
à-dire,  pendant  près  de  iio  ans, 
les  Romains  n'avoient  été  occupés 
qu'à  dompter  ces  terribles  enne- 
mis, mais  que,  malgré  toutes  les 
défaites  de  ces  Barbares ,  ils  étoîent 
toujours  agresseurs  ;  qu'ils  avoient 
délogé  plusieurs  fois  les  légions  ,  et 
qu'ils  n'étoient  rien  moins  que 
subjugués.  Jusqu'alors,  ou  les  chré- 
tiens n'existoient  pas,  ou  ils  étoîent 
trop  foibles  pour  oser  implorer  le 
secours  des  Barbares. 


BAR 

a."  Marr-Aurclc,  Commodo.son 
fils,  Maxiinin,  Valcricn,  Claude 
11'  Gothifine  ,  Aurclien,  Prohus  , 
Dioclclicn  ,  Constance  et  Julien, 
curent  contre  eux  de  grands  avan- 
tages; mais  ils  y  perdirent  souvent 
«les  armées  entières.  Trouve-t-on 
dans  l'histoire  quelque  sujet  de 
soupçonner  que ,  dans  ces  difFc- 
rentes  circonstances,  les  Barbares 
avoient  été  appelés  par  les  chré- 
tiens? Ceux-ci  se  trouvolent  en  si 
grand  nombre  dans  l'armée  de 
Marc-Aurèle,  qu'ils  s'attribuèrent 
la  victoire  sur  les  Quades  et  les 
Marcomans ,  et  prétendirent  en 
être  redevables  à  un  miracle.  Voyez 
Légion  fulminante.  Ils  continuè- 
rent à  servir  de  même  sous  les  em- 
pereurs suivants,  et  nos  apologistes 
ont  soutenuauxpersécuteurs  même 
qu'ils  n'avoient  dans  leurs  armées 
point  de  niellleurs  soldats  que  les 
chrétiens.  Les  historiens  qui  ont 
calculé  le  nombre  des  hommes  qui 
avoient  péri  dans  l'empire  depuis 
le  règne  d'Auguste,  par  les  guerres 
contre  les  iJrtr6arc.s',par  les  batailles 
entre  les  divers  prétendants  à  l'em- 
pire, par  les  massacres  des  Juifs, 
par  la  contagion,  par  les  persécu- 
tions exercées  contre  les  chrétiens  , 
ont  conclu  qu'au  commencement 
du  cinquième  siècle ,  l'espèce  hu- 
maine, en  Europe  et  en  Asie-, 
étoit  diminuée  au  moins  de  moitié. 
Les  Barbares  ,  placés  sur  les  bords 
du  Rhin  ,  n'avoient  donc  pas  be- 
soin d'être  avertis  ,  pour  compren- 
drequ'alors  laconquêtedel'empire 
étoit  très-iacile ,  et  ils  ne  se  trom- 
pèrent pas  ;  comment  les  forces  ro- 
maines auroient-elles  résisté  à  des 
arnaées  de  deux  ou  trois  cent  mille 
hommes? 

3.°  Déjà,  l'an  SgS,  les  Huns, 
peuple  Scythe  ou  tartare,  s'étoicnt 
jetés  sur  la  partie  orientale  de  l'em- 
pire romain,  et  l'an  4^7  ils  péné- 
trèrent dans  la  Perse;  étoient-ce 
encore  les  chrétiens  qui  lei  avoient 
appelés? 


lîAK  3i3 

4."  A  cette  époque,  Arc.-idius  et 
llonorius  ,  qui  régnoient,  l'un  en 
Orient,  l'autre  en  (iccident,  éloient 
chrétiens,  aussi-bien  que  Théo- 
dose leur  père;  ils  n'ont  jamais 
persécuté  le  christianisme  non  plus 
que  leurs  successeurs  ;  quels  motifs 
auroient  pu  avoir  les  chrétiens 
d'appeler  les  Barbares,  surtout  dans 
les  Gaules  ,  où  il  n'y  avoil  plus  de 
païens  ?  Les  Goths  ,  les  Bourgui- 
gnons, les  Vandales,  les  Lom- 
bards, qui  inondèrent  l'empire  , 
étoient  chrétiens, puisqu'ils  étoient 
ariens  ;  les  Francs  étoient  païens  : 
si  les  Gaulois  avoient  eu  l'impru- 
dence de  les  appeler ,  ils  en  au- 
roient été  mal  récompensés  par  les 
ravages  que  ces  Barbares  commi- 
rent d'abord. 

A  la  vérité  ils  se  convertirent 
sous  Clovis  ;  mais  alors  ce  n'étoit 
plus  le  temps  de  leur  demander  les 
décombres  des  temples  pour  bâtir 
des  églises  ,  puisqu'il  n'y  avoit  plus 
de  temples,  et  que  les  Francs  pil- 
loient  les  églises  avant  d'être  con- 
vertis. Clovis,  devenu  chrétien  , 
donna  des  terres  aux  églises;  mais 
il  ne  fut  obligé  de  les  enlever  à 
pei'sonne ,  puisqu'alors  la  moitié 
des  Gaules  étoit  en  friche  ,  faute 
de  cultivateurs.  Ce  n'étoit  pas  un" 
mauvaise  politique  d'engager  Je 
clergé  à  mettre  les  terres  en  va- 
leur ,  en  se  procurant  des  colons, 
et  de  les  afFranchir  des  impôts.  Le 
roi  Louis  XVI  a  trouvé  bon  d'ac- 
corder une  franchise  de  vingt  ans 
à  ceux  qui  mettront  des  terrains 
stériles  en  culture  ;  personne  n'est 
assez  insensé  pour  l'en  blâmer 
Mais  où  sont  les  ennemis  du  chris- 
tianisme que  Clovis  et  les  Francs 
ont  exterminés ,  ou  qu'ils  ont  pro  - 
sternes  aux  pieds  de  cette  religion , 
comme  le  disent  nos  philosophes 
incrédules? 

C'est  ainsi  que  ces  savants  criti- 
ques arrangent  l'histoire.  Us  argu- 
mentent sur  des  faits  qu'iisontre- 
vés  ;  ils  méconnoisscul   les  motils 


3^4  BAR 

qui  ont  déterminé  la  conduite  des 
souverains  et  celle  du  clergé;  ils 
blâment  au  hasard  des  procédés 
que  dictoient  les  circonstances 
dans  lesquelles  l'Europe  se  trou- 
voit  pour  lors.  Voyez  BÉNÉriCE , 
Clergé  ,  etc. 

BARBELIOTS  ouBAREO- 
RIENS,  secte  des  gnostiques ,  qui 
disoient  qu'un  éon  immortel  avoit 
eu  commerce  avec  un  esprit  vierge 
appelé  Barbeloth,  à  qui  il  avoit  ac- 
cordésuccessivement  la  prescience, 
l'incorruptibilité,  et  la  vie  éter- 
nelle; que  Barbeloth,  un  jour  plus 
gai  qu'à  l'ordinaire,  avoit  engen- 
dré la  lumière ,  qui ,  perfectionnée 
par  l'onction  de  l'esprit ,  s'appela 
Christ;  que  Christ  désira  l'intelli- 
gence, et  l'obtint  y  que  l'intelli- 
gence ,  la  raison,  l'incorruptibilité, 
et  Christ  s'unirent  ;  que  la  raison 
et  l'intelligence  engendrèrent  Au- 
togène ;  qu'Autogène  engendra 
Adamas,  l'homme  parfait  ,  et  sa 
femme,  la  connoissance  parfaite; 
qu'Adamas  et  sa  femme  engendrè- 
rent le  bois  ;  que  le  premier  ange 
angendra  le  Saint-Esprit ,  la  sagesse 
ou  Prunic  ;  que  Prunic  ayant  senti 
lebesoin  d'époux,  engendraProtar- 
chonte,  ou  premier  prince,  qui 
fut  insolent-  et  sot;  que  Protar- 
chonte  engendra  les  créatures  ; 
qu'il  connut  charnellement  Arro- 
gance, et  qu'ils  engendrèrent  les 
vices  et  toutes  leurs  branches. 
Pour  relever  encore  toutes  ces  mer- 
veilles, les  gnostiques  les  débitoient 
en  hébreu,  et  leurs  cérémonies 
n'étoient  pas  moins  abominables 
que  leur  doctrine  étoit  extrava- 
gante. Voyez  Théodoret,  Hœret. 
fabuh 

BARDESANISTES ,  nom  d'une 
secte  d'hérétiques ,  ainsi  appelés  de 
Bardesanes  ,  syrien  ,  qui  vivoit 
dans  le  second  siècle  etdemeuroit 
à  Edesse,  ville  de  Mésopotamie. 
Si  Ton  croit  saint  Epiphane  Bar- 


EAR 

desancs  fut  d'abord  catholique,  ft 
se  distingua  autant  par  sou  savoir 
que  par  sa  piété.  Eusèbe  ,  au  con- 
traire, en  parle  comme  d'un  homme 
qui  a  toujours  été  dans  l'erreur. 
Il  fut  d'abord  engagé  dans  celle  de 
Valentin ,  en  retint  une  autre  ,  et 
y  en  ajouta  de  nouvelles  de  son 
propre  fonds. 

Beausobre  ,  qui  a  fait  l'histoire 
de  Bardesanes  et  de  ses  erreurs, 
Hisl.  du  Munich. ,  t.  2,  1.  4 ,  c.  9, 
les  réduit  à  trois  principales.  La 
première,  d'admettre  deux  pre- 
miers principes  de  toutes  choses  , 
l'un  bon  ,  l'autre  mauvais  ;  de  sup- 
poser que  celui-ci  existe  de  lui- 
même  et  s'est  produit  lui-même  ,  et 
qu'il  est  l'auteur  de  tout  le  mal  qu'il 
y  a  dans  le  monde.  La  seconde  ,  de 
nier  que  le  Verbe  éternel  ou  le 
Fils  de  Dieu  ait  pris  une  chair 
humaine  ;  selon  cet  hérétique  ,  le 
Verbe  s'étoit  seulement  revêtu 
d'un  corps  céleste  etaérien,  comme 
les  anges  qui  -ont  apparu  plus 
d'une  fois  aux  homm.es  ;  ainsi  la 
chair  du  Fils  deDieu  n'étoit  qu'ap  - 
parente,  il  n'a  pu  souffrir,  mou- 
rir et  ressusciter  qu'en  apparence. 
C'étoit  l'erreur  commune  à  la  plu- 
part des  sectes  des  gnostiques.  La 
troisième,  de  nier  la  résurrection 
future  de  la  chair ,  de  soutenir  que 
les  bienheureux  auront  des  corps 
célestes  semblables  à  ceux  des  anges 
et  à  celui   de  Jésus-Christ. 

Après  cet  exposé,  nous  ne  con- 
cevons pas  comment  Beausobre 
peut  soutenir  que  Bardesanes , 
comme  tous  les  autres  sectaires 
qui  ont  admis  detix  principes  ,  ne 
reconnoissoit  cependant  qu'un  seul 
Dieu,  bon,  tout-puissant,  qui  a 
l'empire  de  l'univers ,  sans  qu'au- 
cun être  puisse  se  soustraire  à  son 
pouvoir,  ibidem,  §  10.  i.°  C'est 
une  absurdité  de  supposer  qu'un 
être  incréé,  qui  existe  de  soi-même , 
par  conséquent  de  toute  éternité, 
est  essentiellement  mauvais,  et 
qu'il  n'est  pas  Dieu;  la  notion  la 


BAR 

plus  claire  q^ue  nous  ayons  de  la 
Divinité,  est  d'exister  de  soi-même 
et  nécessairement.  Lorsque  Barde- 
sanes  disoît  que  le  mauvais  prin- 
cipe s^ëloit  produit  lui-même  ,  il 
déraisonnoil  ;  ce  qui  n'existe  point 
encore  peut-il  se  donner  l'existen- 
ce ?  2.°  En  quel  sens  le  Dieu  bon 
est-il  tout-puissantel  maître  absolu 
de  l'univers,  s'il  y  a  un  être  mau- 
vais duquel  il  ne  peut  pas  empê- 
cher l'action,  et  qui  ne  dépend 
pas  de  lui,  puisqu'il  n'a  pas  reçu 
l'être  de  lui  ?  3."  S'il  est  vrai  que 
le  mauvais  esprit  est  contenu  et 
conservé  par  le  Dieu  bon ,  si  rien 
n'arrive  sans  la  volonté  ou  sans 
la  permission  de  celui-ci,  il  est 
clair ,  ou  que  le  Dieu  bon  laisse  vo- 
lontairement exister  le  mal,  ou 
qu'il  en  ignore  l'existence  ,  ou  qu'il 
n'a  pas  le  pouvoir  de  l'empêcher. 
4.°  Il  n'est  pas  question  de  savoir 
si  ces  mêmes  conséquences  résul- 
tent du  système  orthodoxe ,  comme 
le  prétend  Beausobre,  ou  si  elles 
n'en  résultent  pas,  mais  de  savoir 
en  quoi  l'existence  supposée  d'un 
mauvais  principe  peut  servir  à 
expliquer  l'origine  du  mal  ;  dés 
qu'il  est  évident  qu'elle  ne  sert  à 
rien  ,  que  dans  celte  hypothèse 
Dieu  est  toujours  responsable  du 
mal  qui  arrive  dans  le  monde,  il 
est  ridicule  de  la  soutenir.  5.°  Il  ne 
s'agit  pas  seulement  d'expliquer 
d'où  vient  le  mal  moral ,  et  de  sa- 
voir pourquoi  Dieu  le  permet, 
mais  de  dire  quelle  est  la  cause  du 
mal  physique,  des  souffrances  des 
créatures  sensibles  et  de  leur  im- 
perfection naturelle ,  qui  est  dans 
le  fond  la  première  racine  du  mal 
moral.  Or  l'opinion  de  Bardesanes 
ne  satisfait  point  à  cette  difficulté. 
f).°  Quand  même  on  supposeroit 
dans  le  système  orthodoxe  que 
Dieu  a  créé  les  hommes  tels  qu'ils 
sont  ,  imparfaits,  sujets  à  la  dou- 
leur ,  enclins  au  mal  moral ,  cl  ca- 
pables de  le  commettre ,  il  ne 
s'ensuivroil  encore  rien  contre  la 


BAR  32  r, 

toute-puissance ,  la  sagesse  et  la 
bonté  infinie  de  Dieu  ;  nous  le  dé- 
montrerons à  l'article  Mal.  L'hy- 
pothèse de  Bardesanes  et  des  autres 
anciens  sectaires  est  donc  inutile 
et  absurde  à  tous  égards;  mais  la 
fureur  de  vouloir  les  excuser  et  les 
disculper  a  rendu  Beausobre  ausai 
mauvais  logicien  qu'eux.  Nous  le 
verrons  raisonner  de  même  dans 
les  articles  Cerdoniens  ,  Mani- 
chéens ,  Marcionites  ,  etc. 

Il  ne  servoit  à  rien  de  dire  que 
le  Dieu  bon  avoit  créé  d'abord  les 
âmes  des  hommes  pures  et  d'une 
nature  céleste ,  mais  que  le  mau- 
vais principe  les  séduisit  et  les  en- 
traîna dans  le  péché;  que  pour  les 
punir  Dieu  permit  au  mauvais 
principe  de  les  enfermer  dans  des 
corps  grossiers  et  corruptibles 
qu'il  avait  formés.  Il  s'ensuit  tou- 
jours que  ces  âmes  ,  par  leur  na- 
ture ,  étoient  capables  de  se  laisser 
séduire  et  de  pécher,  par  consé- 
quent foibles  et  très- imparfaites  ; 
le  Dieu  bon  n'auroit-il  pas  pu  les 
créer  meilleures  et  les  préserver 
de  la  séduction  ?La  difficulté  tirée 
de  la  permission  du  mal  subsiste 
donc  toujours  ,  et  l'hypothèse  de 
Bardesanes  n'y  satisfait  eu  aucune 
manière.  Nous  ne  voyons  pas  sur 
quoi  est  fondé  le  titre  à'habile 
homme  que  Beausobre  lui  prodi- 
gue. On  dit  qu'il  écrivit  un  Traité 
contre  les  marcionites;  mais  son 
système  ne  valoit  guère  mieux  que 
le  leur. 

L'erreur  de  ceux  qui  n'admet- 
toient  dans  le  Fils  de  Dieu  qu'une 
chair  fantastique  et  apparente , 
étoit  née  dès  le  temps  des  apôtres, 
puisque  saint  Jean  la  réfute  , 
JLpisi.  2,  'S'  ']'  Elle  fut  embrassée 
par  la  plupart  des  hérétiques  du 
second  siècle;  et  c'est  une  preuve 
de  la  réalité  et  de  la  certitude  des 
faits  publiés  par  les  apôtres.  Si 
leur  témoignage  n'avoit  pas  été 
irrécusable,  tous  ces  hérétiques, 
philosophes   mai  convertis,  l'an- 


326  BAR 

roicntallaqup.  Comme  ils  ne  pou- 
voienl  concilier  les  humiliations 
du  Fils  de  Dieu  avec  l'idée  qu'ils 
s'étoient  formée  de  la  Divinité , 
ils  auroient  nié  absolument  qu'il 
fût  né,  mort  et  ressuscité,  comme 
le  disoient  les  apôtres,  s'ils  avoient 
pu  opposer  à  ce  témoignage  ce- 
lui des  Juifs  ou  de  quelques  té- 
moins oculaires.  Mais  ils  se  re- 
tranchèrent à  dire  que  tout  cela 
s'étoit  faitseuleraent  en  apparence; 
que  Dieu  avoit  fasciné  les  yeux 
des  apôtres  et  des  autres  specta- 
teurs, et  les  avoit  trompés  par 
des  illusions.  Or,  avouer  l'appa- 
rence des  faits,  récuser  la  certitude 
du  témoignage  des  sens  ,  c'étoit 
rendre  Justice  à  la  sincérité  et  à 
la  probité  des  apôtres.  C'est  tout 
ce  que  nous  demandons.  Les  incré- 
dules, qui  osent  aujourd'hui  les 
accuser  de  mensonge  ,  traiter  de 
fables  leurs  narrations,  ne  peuvent 
récuser  des  témoins  qui  n'étoient 
point  liés  d'intérêts  avec  les  apô- 
tres, et  qui  cependant  confirment 
leur  récit  par  la  manière  même 
dont  ils  le  combattent.  La  Provi- 
dence divine  a  donc  eu  ses  raisons 
en  permettant  la  multitude  d'hé- 
résies que  l'on  a  vu  éclore  dans  le 
second  siècle. 

BARNABE  (  saint  )  est  appelé 
apôtre  par  les  Pères  de  l'Eglise , 
et  par  saint  Luc  lui-même,  Act., 
c.  i4,  S •  i3,  quoiqu'il  ne  fiit  pas 
du  nombre  des  doiize  que  Jésus- 
Christ  avoit  choisis,  mais  l'un  des 
soixante  -  douze  disciples  que  le 
Sauveur  avoit  instruits  lui-même 
et  envoyés  pour  prêcher  l'Evangile, 
Luc,  c.  lo,^.  I  et  17.  Saint  Bar- 
nabe fut  le  compagnon  des  voyages 
et  des  travaux  de  saint  Paul  ;  il  eut 
beaucoup  de  part  à  tout  ce  que 
firent  les  apôtres  pour  établir  le 
christianisme. 

II  reste  de  lui  une  épître  qui  a 
été  mise  à  la  tête  des  écrits  des 
Pères  apostoliques,  de  l'édition  de 


BAR 

Cotelier,  mais  dont  le  commence- 
ment est  perdu.  Elle  étoit  adressée 
aux  Juifs  convertis ,  qui  préten- 
doient  que  les  observances  légale» 
étoient  encore  nécessaires  au  salut 
pour  tous  ceux  qui  croyoicnt  en 
Jésus-Christ,  quoique  les  apôtres 
eussent  décidé  le  contraire  dan» 
le  concile  de  Jérusalem.  Act.,  c.  i5. 
Saint  Barnabe ,  dans  la  première 
partie  de  sa  lettre,  montre  que  les 
cérémonies  mosaïques  ont  été  abo- 
lies par  là  loi  nouvelle  ;  dans  la 
seconde ,  il  donne  d'excellentes 
leçons  de  morale  sur  l'humilité  , 
la  douceur,  la  patience,  la  charité, 
la  chasteté,  etc.  On  y  trouve  beau- 
coup d'érudition  hébraïque  ,  une 
grande  connoissance  des  Ecritures, 
et  des  explications  allégoriques  , 
telles  qu'elles  étoient  en  usag« 
parmi  les  Juifs. 

Cette  épître  a  été  citée  sous  le 
nom  de  saint  Barnabe  par  saint 
Clément  d'Alexandrie, par  Origène, 
par  Eusèbe,  par  saint  Jérôme.  Les 
deux  premiers  semblent  la  mettre 
au  rang  des  Ecritures  canoniques, 
et  lui  attribuer  la  même  autorité  ; 
les  deux  derniers  disent  qu'elle  est 
apocryphe.  Il  ne  faut  pas  conclure 
de  là  ,  comme  ont  fait  quelques 
mordernes  ,  qu'Eusèbc  et  saint 
Jérôme  ont  été  persuadés  que  celte 
lettre  n'étoit  point  de  saint  Bar- 
nabé,  ou  qu'ils  en  ont  douté,  mais 
seulement  qu'ils  l'ont  exclue  du 
nombre  des  livres  canoniques. 
Ils  nomment  apocryphes  non-seu- 
lement les  écrits  faussement  attri- 
bués aux  apôtres  ou  aux  disciples 
de  Jésus-Christ,  mais  encore  cetix 
qui  ont  été  placés  mal  à  propos 
par  quelques  anciens  au  nombre 
des  livres  sacrés.  C'est  une  équi- 
voque, de  laquelle  ont  abusé  les 
critiquesprotestants,etpar  laquelle 
il  ne  faut  pas  se  laisser  tromper. 

Tilleraont  et  d'autres,  prévenus 
de  ce  préjugé,  disent  que  si  cette 
lettre  avoit  été  reconnue  pour  être 
véritablement  de  saint  Barnabe , 


RA1\ 

l'Eglise,  qui  hoiiorece  saint  comme 
uu  apôtre,  n'auroit  pas  manque 
«le  la  recevoir  au  nombre  des  livres 
sacrés  et  canoniques.  Cette  con- 
séquence n'est  pas  infaillible.  Saint 
Barnabe  n'étoit  point  du  nombre 
des  apôtres  choisis  par  Jésus- 
Christ  ,  mais  l'un  des  soixante- 
douze  disciples.  Il  est  très-probable 
que  Hermas  et  saint  Clément 
avoient  eu  le  même  avantage  ; 
leurs  écrits  cependant  n'ont  pas 
été  constamment  placés  parmi  les 
livres  sacrés.  La  lettre  de  saint 
Barnabe  étoit  adressée  aux  Jixifs  , 
aussi-bien  que  celle  de  saint  Paul 
aux  Hébreux  ,  et  cette  dernière  a 
donné  lieu  à  des  contestations. 
Les  faute»  prétendues  que  les  cri- 
tiques modernes  trouvent  dans 
cette  lettre,  ont  pu  faire  aussi  im- 
pression sur  les  anciens,  et  les 
empêcher  de  la  mettre  au  rang 
des  livres  canoniques.  Il  est  bon 
de  savoir  ce  que  l'on  y  trouve  à 
reprendre. 

L'auteur  ,  dit  -  on  ,  cite  divers 
passages  qui  ne  se  trouvent  point 
dans  l'Ecriture  ;  selon  lui  ,  tous 
les  Syriens,  les  Arabes  et  tous  les 
prêtres  des  idoles  reçoivent  la 
circoncision;  toutes  choses  seront 
terminées  dans  l'espace  de  six  mille 
ans,  et  Jésus-Christ  est  monté  au 
ciel  le  dimanche.  Ces  reproches 
sont-ils  assez  graves  pour  qu'on 
ne  puisse  pas  attribuer  à  saint 
Barnabe  la  lettre  qui  porte  son 
nom  .'' 

Chapitre  7  ,  il  cite  un  passage 
du  livre  des  Nombres,  au  sujet  du 
bouc  émissaire;  il  y  ajoute  des 
paroles  qui  ne  sont  point  dans  ce 
livre,  mais  qui  expriment  une  cir- 
constance de  cette  cérémonie  telle 
((u'elle  se  faisoit  par  les  Juifs.  Où 
est  l'erreur  ?  Les  Juifs  nepouvoient 
pas  y  être  trompés. 

Chapitre  12,  il  cite  un  prophète 
•{u'il  ne  nomme  pas,  et  l'on  croit 
trouver  ce  qu'il  dit  dans  le  qua- 
trième livre  d'Esdras  ,  qui  est  apo- 


BAPt  327 

cryphe.  Mais  cette  citation  peut 
aussi  avoir  été  tirée  d'un  autre 
livre  prophétique  qui  n'existe  plus. 

Pour  que  saint  Barnabe  ait  pu 
citer  aux  Juifs  le  quatrième  livre 
d'Esdras ,  il  suffit  que  les  Juifs 
l'aient  respecté  comme  prophéti- 
que; il  ne  s'ensuit  pas  que  saint 
Barnabe  l'ait  regardé  comme  tel 
lui-même.  C'étoit  un  argument 
personnel,  bon  pour  les  Juifs. 

Ce  qu'il  dit  de  la  circoncision 
des  Syriens,  etc.,  chap.  9,  est  con- 
firmé non-seulement  par  Origcne 
et  par  d'autres  Pères,  mais  encore 
par  les  auteurs  profanes.  Voyez  les 
notes  de  Cotelier  et  deMénard  sur 
cet  endroit. 

Ce  qu'il  ajoute,  chapitre  i5, 
sur  la  durée  du  monde  et  sur  sa 
fin  après  six  mille  ans,  étoit  une 
tradition  juive,  fausse  sans  doute, 
mais  à  laquelle  saint  Irénée  et  d'au- 
tres Pères  ont  ajouté  foi  ;  saint 
Barnabe  a  pu  la  citer  sans  en  être 
fort  persuadé. 

Quant  au  passage  qui  regarde 
l'Ascension  ,  il  nous  paroît  que 
l'on  en  prend  mal  le  sens  ;  il  y  a , 
chapitre  i5  :  «Nous  célébrons  avec 
»  joie  le  huitième  jour  auquel 
»  Jésus  -  Christ  est  ressuscité  ;  et 
»  après  s'être  fait  voir,  il  est  monté 
»  au  ciel.  »  Cela  ne  signifie  pas 
qu'il  est  montéau  ciel  le  jour  qu'il 
est  ressuscité. 

On  excuse  ces  fautes ,  dit  Tillfr- 
mont;  mais  ne  vaut-il  pas  mieux 
ne  pas  se  réduire  à  être  obligé  d'ex- 
cuser des  fautes  dans  un  apôtre  !* 
Si  ce  sont  là  des  fautes  ,  elles 
n'intéressent  ni  la  foi  ni  les  mœurs, 
et  nous  ne  voyons  pas  qu'il  soit 
fort  nécessaire  de  supposer  que 
saint  Barnabe  a  dii  en  être  exempt. 

L'auteur  du  Mémoire  sur  les 
livres  apocrj'phes,  Hist.  de  VAcad. 
desinscript.,  tom.i3,  J/1-12,  etcelui 
de  V Examen  critique  des  apologistes 
de  la  Religion  chrétienne,  qui  ont 
regarde  le  jugement  de  Tille- 
mont    comme    irréfragable,    au- 


328  BAR 

roient  dû.  examiner  la  question  Je 
plus  près. 

Le  savant  Lardcner  ,  qui  avoit 
lu  tout  ce  que  l'on  a  écrit  pour 
ou  contre,  croit  que  cette  lettre 
est  véritablement  de  saint  Barnabe, 
qu'elle  a  été  écrite  immédiatement 
après  la  ruine  de  Jérusalem  et  du 
temple,  l'an  71  ou  72  de  Jésus- 
Christ.  Credibility  nf  the  Gospel  his- 
iorjr,  tom.  3,  1.  i,  c.  i 

BARSANIENS  ou  SEMIDULI- 
TES,  hérétiques  qui  parurent  au 
sixième  siècle.  Ils  soutenoient  les 
erreurs  des  gadianites,  et  faisoient 
consister  leurs  sacrifices  à  prendre 
du  bout  du  doigt  de  la  îleur  de 
farine  et  à  la  porter  à  la  bouche. 
Voy.  saint  Jean  Damasc. ,  de  Hœres.; 
Baronius  ,  ad  ann.  535. 

BARTHELEMI  (saint),  apôtre. 
Les  anciens  écrivains  ecclésiasti- 
ques ne  nous  apprennent  rien  de 
certain  des  actions  ni  des  travaux 
de  ce  saint  apôtre.  Selon  la  tra- 
dition commune,  il  a  prêché  dans 
les  Indes  ;  mais  il  paroît  que  sous 
ce  nom  l'on  entendoit  autrefois 
l'Arabie  Heureuse  II  n'a  rien  laissé 
par  écrit  ;  le  faux  évangile  que 
quelques  hérétiques  avoient  forgé 
sous  son  nom,  fut  déclaré  apo- 
cryphe par  le  pape  Gèlase. 

Barthelemi  (  massacre  de  la 
saint  ).  C'est  un  des  plus  fâcheux 
événements  de  notre  histoire,  dont 
les  ennemis  de  la  religion  sont 
très-attentifs  à  renouveler  le  sou- 
venir ,  et  qui  fournit  une  ample 
matière  à  leurs  déclamations.  C'est 
le  massacre  des  calvinistes  ,  fait  à 
Paris  le  24  août  1572  ,  que  l'on  a 
nommé  la  journée  de  la  Saini-Bar- 
Ihelemi.  En  supposant  que  les  ca- 
tholiques furent  poussés  à  cet  acte 
de  cruauté  parle  zèle  de  religion, 
il  a  été  aisé  de  rendre  ce  motif 
odieux,  et  de  faire  conclure  qu'il 
n'est  point  de  passion  plus  redou- 
table. 


BAR 

Mais  il  est  prouvé  par  des  mo- 
numents incontestables,  i.°  que 
la  religion  ne  fut  point  le  motif 
de  ce  massacre ,  et  que  les  ecclé- 
siastiques n'y  eurent  aucune  part. 
L'entreprise  formée  par  les  calvi- 
nistes d'enlever  deux  rois,plusieurs 
villes  soustraites  à  l'obéissance, 
des  sièges  soutenus ,  des  troupes 
étrangères  introduites  dans  le 
royaume,  quatre  batailles  rangées 
livrées  au  souverain ,  n'étoienl- 
elles  pas  des  raisons  assez  puissan- 
tes pour  irriter  Charles  IX  ,  sans 
le  motif  de  la  religion,  et  pour 
lui  faire  envisager  les  calvinistes 
comme  des  sujets  rebelles  et  dignes 
de  mort  ?  Ils  ont  beau  excuser  leur 
révolte  par  la  prétendue  droiture 
de  leurs  intentions,  et  par  la  rai- 
son du  bien  public  ;  ce  n\otif , 
toujours  aisé  à  feindre ,  ne  peut 
pas  plus  servira  les  justifier ,  qu'à 
excuser  la  cruauté  des  catholiques. 

Aucun  ecclésiastique  ne  fut  con- 
sulté et  n'entra  au  conseil  dans 
lequel  le  massacre  des  calvinistes 
fut  résolu  ;  le  duc  de  Guise  même 
en  fut  exclu.  11  est  faux,  quoi  qu'en 
dise  l'auteur  des  Essais  sur  THis- 
toire  générale,  que  cette  funeste  ré- 
solution ait  étépréparéeetméditée 
par  les  cardinaux  deBirague  et  de 
Retz  ;  ces  deux  hommes  n'avoient 
pour  lors  que  très-peu  d'influence 
dans  les  affaires  ;  ils  ne  furent 
élevés  au  cardinalat  que  long-temps 
après.  Si  Grégoire  XIII  rendit  so- 
lennellementgrâces  à  Dieu  de  l'évé- 
nement, ce  n'étoit  pas  pour  se 
rejouir  du  meurtre  des  calvinistes, 
mais  de  la  conservation  du  roi , 
qui  écrivit  dans  toutes  les  cours 
que  les  rebelles  avoient  mis  sa  vie 
et  sa  couronne  en  danger.  Que  le 
fait  fiât  vrai  ou  faux,  le  pape  pou- 
voit  le  croire  de  bonne  foi  et  re- 
mercier Dieu  de  ce  que  le  roi  et 
la  religion  catholique étoient  sau- 
vés. Si  les  ennemis  étoient  sur  nos 
frontières,  si  on  les  battoit  et  que 
l'on  en   tuât   un  grand    nombre  , 


BAR 

nous  remercierions  Dieu  ,  vsans 
doute  ,  non  de  Teffusion  de  leur 
sang,  mais  de  la  cessation  du  péril. 

Il  est  prouvé,  encore,  par  l'aveu 
même  des  protestants,  que  les  évo- 
ques, les  ecclésiastiques,  les  reli- 
gieux ,  loin  de  prendre  part  au 
meurtre  dans  les  villes  où  le  peuple 
vouloit  massacrer  les  calvinistes, 
comme  on  avoit  fait  à  Paris,  firent 
leur  possible  pour  l'empêcher,  et 
en  sauvèrent  un  grand  nombre  dans 
les  couvents.  Cela  se  fit  même  dans 
la  ville  de  Nîmes,  où  les  hugue- 
nots avoient  deux  fois  massacré 
les  catholiques  de  sang -froid. 
Plusieurs  catholiques  furent  en- 
veloppés dans  le  massacre  des  cal- 
vinistes. L'auteur  des  Annales  po- 
litiques n'a  donc  pas  eu  tort  de 
soutemr,  tom.  3,  n.°  i8  ,  que  le 
clergé  n'a  eu  aucune  part  à  cette 
boucherie. 

2.°  La  proscription  des  calvinis- 
tes fut  dictée  par  une  fausse  poli- 
tique. L'ambition  de  l'amiral  de 
Coligny,  sa  jalousie  conti^e  les  Gui- 
.ses,  sa  conduite  séditieuse,  furent 
la  vraie  cause  de  tous  les  troubles 
du  royaume.  Uétoitplus  souverain 
à  l'égard  des  calvinistes,  que  Char- 
les IX  ne  l'étoit  à  l'égard  des  ca- 
tholiques ;  les  huguenots  avoient 
osé  dire  au  roi  :  Faites  la  guerre 
aux  Espagnols  ,  ou  nous  serons 
contraints  de  vous  la  faire  ;  l'amiral 
avoit  eu  la  témérité  d'offrir  au 
roi  dix  mille  hommes  pour  entrer 
dans  les  Pays-Bas  ;  il  les  avoit 
donc  à  SCS  ordres.  Ce  sujet  rebelle 
n'avoit  que  trop  mérité  l'arrêt  de 
proscription  prononcé  contre  lui  ; 
mais  ce  n'est  pas  par  un  massacre 
qu'il  falloit  le  punir.  Les  éloges 
quelui  ontprodigués  les  calvinistes 
sont  trop  suspects  pour  servir  à 
sa  justification. 

3.°  Il  est  encore  prouvé  que  le 
massacre  de  l'aniiral  et  de  sts 
partisans  ne  fut  point  un  projet 
prémédité  et  préparé  de  longue 
main,  mais  l'clTet   momentané  du 


BAR  329 

ressentiment  de  Catherine  de  Mé- 
dicis  cl  de  son  fils  le  duc  d'Anjou 
et  de  la  colère  qu'ils  inspirèrent  a 
Charles  IX.  La  proscription  regar- 
doit  seulement  Paris  et  les  chefs 
du  parti  huguenot, etnonlesautres 
villes  du  royaume;  mais  la  fureur 
du  peuple  une  fois  allumée  se  porta 
beaucoup  plus  loin  que  le  gouver- 
nement n'auroit  voulu.  Dans  le.? 
autres  villes,  où  le  peuple  fit  de 
même  malgré  les  ordres  du  roi  , 
ce  ne  fut  pas  le  même  jour,  mais 
dans  des  temps  très  -  diiFcrents, 
puisqu'à  Toulouse  et  à  Bordeaux 
ce  fut  plus  d'un  mois  après  le 
massacre  fait  à  Paris.  Les  calvi- 
nistes et  leurs  partisans  ont  eu  la 
mauvaise  foi  de  dire  que  le  roi 
dépêcha  des  courriers  dans  les 
différentes  villes  du  royaume  pour 
y  faire  massacrer  les  huguenots  , 
pendant  qu'il  les  envoyoit  réelle- 
ment pour  empêcher  que  cela 
n'arrivât. 

4-°  Il  est  certain  que  le  nombre 
de  ceux  qui  périrent  est  beaucoup 
moindre  qu'on  ne  l'a  supposé.  Si 
quelques  écrivains  l'ont  porté  jus- 
qu'à cent  mille  hommes  ,  d'autres 
ont  soutenu  qu'il  n'a  pas  passé 
dix  mille  hommes,  et  c'est  encore 
trop.  Le  martyrologe  des  protes- 
tants ,  qui  en  comptoit  mille  à 
Paris  ,  n'a  pu  en  assigner  dans  le 
détail  que  quatre  cent  soixante- 
huit  ,  et  pour  tout  le  royaume 
sept  cent  quatre-vingt-six,  au 
lieu  de  quinze  mille  qu'il  supposoit 
en  bloc. 

Si  l'on  y  veut  faire  attention  , 
ce  n'étoit  pas  au  bas  peuple  cal- 
viniste que  l'on  en  vouloit,  c'étoit 
aux  chefs,  à  ceux  auxquels  on  at- 
tribuoit  les  révoltes  ,  les  séditions, 
les  meurtres ,  qui  s'étoient  commis 
dans  les  différentes  villes  ;  il  est 
donc  impossible  que  le  nombre 
des  morts  ait  élc  aussi  grand  que 
nos  déclamatcurs  modernes  Pont 
supposé. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  est 


33o 


BAR 


tiré  d'un  ouvrage  dont  on  a  in- 
dignement calomnié  l'auteur ,  en 
prétendant  qu'il  avoit  fait  l'apo- 
îoeie  de  la  Saint-Barlhelemi,  tandis 
qu  il  ne  s'est  proposé  autre  chose 
que  de  montrer  que  les  protes- 
tants et  leurs  copistes  ont  dé- 
guisé le  vrai  motif  de  cette  exécu- 
tion sanglante,  en  ont  exagéré 
l'atrocité ,  et  en  ont  chargé  des 
hommes  qui  n'y  eurent  aucune 
part.  Un  auteur  qui  commence  par 
dire  :  «  Quand  on  enléveroit  à  la 
»  journée  de  la  Saint-Barlhelemi 
o  les  trois  quarts  des  horribles 
»  excès  qui  l'ont  accompagnée  , 
»>  elle  seroit  encore  assez  affreuse 
)»  pour  être  détestée  de  ceux  en 
»  qui  tout  sentiment  d'humanité 
»  n'est  pas  éteint  ;  »  et  qui  finit  par 
les  vers  du  président  de  Thou  : 
Excidat  illadies,  etc. ,  peut-il  être 
désigné  de  bonne  foi  comme  l'a- 
pologiste de  ce  massacre  ? 

L'auteur  d'un  écrit  intitulé,  l'^s- 
prit  de  Jésus-Christ  sur  la  lolé~ 
rance,  pour  excuser  les  calvinistes 
d'avoir  pris  les  armes,  dit  qu'ils 
y  furent  obligés ,  parce  qu'ils  sa- 
voient  qu'on  en  vouloit  à  leurs 
privilèges  ;  qu'ils  agissoient  de 
concertavec Catherine  deMédicis, 
et  pour  empêcher  que  les  Guises 
ne  devinssent  maîtres  du  royaume. 

Mais,  parce  qu'il  plaisoitaux  hu- 
guenots de  penser  qu'on  en  vouloit 
aux  privilèges  qu'ils  avoient  obte- 
nus par  force ,  étoit-ce  une  raison 
légitime  de  prendre  les  armes  con- 
tre leur  souverain  ?  Catherine  de 
Médicis  étoit-elle  en  droit  de  les 
y  autoriser,  et  la  crainte  de  voir 
les  Guises  devenir  trop  puissants 
étoit-elle  un  juste  sujet  de  se  ré- 
volter ?  Voilà  d'étranges  principes 
de  droit  public. 

Il  prétend  que  le  meurtre  des 
calvinistes  fut  une  affaire  de  re- 
ligion et  de  proscription  tout  en- 
semble. La  proscription  est  cer- 
taine, il  vient  lui-même  d'en 
indiquer  les  motifs;  majs  où  sont 


BAR 

le*  preuves  de  l'influence  de  la  re- 
ligion? Il  n'en  donne  aucune.  II 
n'est  pas  sûr ,  dit-il ,  que  Birague 
et  de  Retz  ne  soient  pas  entrés  au 
conseil.  S'ils  y  étoient  entrés  ,  les 
huguenots  ne  se  seroient  pas  tus  , 
etne  leur  auroient  jamais  pardon- 
né. Cet  écrivain  prétend  que  l'hu- 
manité de  plusieurs  catholiques  , 
en  cette  rencontre ,  ne  prouve  rien; 
mais  l'humanité  des  évêques  ,  dea 
prêtres,  des  moines,  prouve-t-elle 
en  eux  un  fanatisme  de  religion  ? 

Il  justifie  très-mal  la  conduite  et 
les  desseins  de  l'amiral  de  Coligny  , 
par  les  éloges  que  les  historiens 
ont  faits  de  lui.  Ces  éloges  sont 
partis  de  la  plume  des  protestants, 
ou  d'écrivains  qui  les  ont  copiés 
par  prévention.  Le  comble  du  ri-  i 
dicule  est  de  soutenir  que  le  sac 
de  Mérindol  et  de  Cabrières  ,  ar- 
rivé vingt-sept  ans  auparavant  , 
avoit  été  le  prélude  du  massacre 
des  huguenots. 

Il  assure  que,  pendant  que  Char- 
les IX  envoyoit  des  courriers  pour 
prévenir  ce  désordre  dans  les  pro- 
vinces ,  il  dépêchoit  des  émissaires 
secrets  pour  y  exciter  les  catholi- 
ques :  c'est  une  pure  calomnie. 

Pour  prouver  le  grand  nombre 
de  ceux  qui  furent  mis  à  mort,  il 
n'allègue  que  des  écrits  qui  ont  été 
plusieurs  fois  réfutés.  | 

Nous  ne  voyons  pas  quel  avan- 
tage les  incrédules  peuvent  tirer  de 
ce  fait  odieux  pour  calomnier  la 
religion. 

BARTHÉLÉMITES ,  clercs  ré- 
guliers fondés  par  Barthelemi  Hob- 
zauzer  à  Saltzbourg ,  le  premier 
aoiit  1640,  et  répandus  dans  plu- 
sieurs provinces  d'Allemagne,  en 
Pologne  et  en  Catalogne.  Ils  vivent 
en  commun  ,  sont  dirigés  par  un 
président  général  et  par  des  prési- 
dents diocésains  ;  ils  s'occupent  à 
former  des  ecclésiastiques.  Les 
présidents  sont  soumis  aux  ordi- 
naires j  et  ont  sous  eux  des  doyens 


RAR 

ruraux.  Ces  degrés  de  subordina- 
tion et  d'autres  usages  qu'ils  obser- 
vent, répondent  avec  succès  au 
but  de  leur  institution.  Un  cui>é 
barthélémîte  a  ordinairement  un 
aide;  et  si  le  revenu  de  sa  cure  ne 
suffitpaspour  deux  ,il  y  est  pourvu 
aux  dépens  des  curés  plus  riches 
de  la  même  congrégation.  Tous  sont 
engagés  par  vœu  à  se  secourir  mu- 
tuellement de  leur  superflu ,  sans 
être  privés  de  la  liberté  d'en  dis- 
poser par  legs,  ou  pour  assister 
leurs  parents  pauvres. 

Ce  fonds ,  augmenté  de  quelques 
donations ,   suffit  à  l'entretien  de 

Slusieurs  maisons  dans  quelques 
îocéses.  Quand  il  y  en  a  trois  ,  la 
première  est  un  séminaire  commun 
pour  les  jeunes  clercs,  où  ils  étu- 
dient les  humanités  ,  la  philo- 
sophie, la  théologie  et  le  droit 
canonique.  On  n'exige  aucun  en- 
gagement de  ceux  qui  font  leurs 
humanités  ;  les  philosophes  pro- 
mettent de  vivre  et  de  persévérer 
dans  l'institut;  les  théologiens  en 
font  serment.  Ils  peuvent  cepen- 
dant rentrer  dans  le  monde  avec 
la  permission  des  supérieurs,  pour- 
vu qu'ils  n'aient  pas  reçu  les  ordres 
sacrés.  Les  curés  et  les  bénéficiers 
de  l'institut  habitent  la  seconde 
maison  ;  la  troisième  est  la  retraite 
des  invalides  de  la  congrégation. 
Innocent  XI  approuva  leurs  consti- 
tutions en  1680.  La  même  année 
l'empereur  Léopold  ordonna  que 
dans  ses  payshéréditaires  ils  fussent 
promus  par  préférence  aux  béné- 
fices vacants;  et  le  même  pape  In- 
nocent XI  approuva,  en  1684,  les 
articles  surajoutés  à  leur  règle  pour 
le,  bien  de  l'institut. 

BARUCH  ,  prophète  ,  fils  de 
Néri  ou  Nérias ,  et  secrétaire  du 
prophète  Jérémie.  Ses  prophéties 
sont  contenues  en  six  chapitres  ; 
nous  ne  les  avons  plus  en  hébreu  , 
mai*  on  ne  peut  pas  douter  qu'il 
n'ait  écrit  en  celte  langue  ;  Içs  fré- 


BAR  33 1 

quenls  hébraïsmcs  que  l'on  y  trouve 
le  font  assez  connoître.  On  en  a 
deux  versions  syriaques;  mais  le 
texte  grec  paroit  plus  ancien. 

Josèphe  l'historien  remarque  , 
Antiq.  ,1.  10  ,  c.  II  ,  que  ce  pro- 
phète étoit  d'une  naissance  illustre, 
et  très-habile  dans  la  langue  de  son 
pays.  Dans  le  second  livre  des  Ma- 
chabées  ,  c.  2  ,  y.  i  et  suiv.  ,  les 
Juifs  de  Jérusalem  écrivent  à  ceux 
d'Egypte  que  Jérémie  recommanda 
expressément  à  ceux  qui  alloient  de 
Judée  dans  un  pays  étranger,  de  ne 
pas  oublier  la  loi  du  Seigneur,  et 
de  ne  pas  tomber  dans  l'idolâtrie; 
c'est  en  effet  l'objet  de  la  lettre  de 
Jérémie  aux  Juifs  de  Babylone  , 
qui  fait  le  sixième  chapitre  de  .Ba- 
ruch. 

Mais  comme  les  Juifs  n'ont  voulu 
reconnoître  pour  livres  sacrés  que 
ceux  qu'ils  avoient  en  hébreu ,  ils 
n'ont  point  compris  dans  leur  ca- 
non la  prophétie  de  Baruch  ;  par 
la  même  raison  elle  ne  se  trouve 
point  dans  les  catalogues  des  li- 
vres sacrés  donnés  par  Origène  , 
par  Méliton ,  par  saint  Hilaire,  par 
saint  Grégoire  de  Kazianze  ,  par 
saint  Jérôme  ,  par  Rufin  ;  mais  il 
est  à  présumer  que  la  plupart  l'ont 
comprise  sous  le  nom  de  Jérémie, 
comme  ont  fait  les  Pères  latins. 
Le  concile  de  Laodicée  ,  saint  Cy- 
rille de  Jérusalem,  saint  Athanase 
et  saint  Epiphane,  nomment  dans 
leurs  catalogues  Jê'reV/ï2e  et  Baruch. 
Saint  Augustin  et  plusieurs  autres 
Pères  citent  les  prophéties  de  Ba- 
ruch sous  le  nom  de  Jérémie  ,  et 
dans  l'Eglise  latine,  ce  qu'on  lisoit 
de  Baruch  dans  l'office  divin,  étoit 
lu  sous  le  nom  de  Jérémie. 

C'est  donc  assez  mal  à  propos 
que  les  protestants  se  prévalent  de 
l'opinion  des  Juifs,  du  silence  des 
Pères ,  et  du  préjugé  dans  lequel 
plusieurs  ontété  au  sujet  de  la  pro- 
phétie de  Baruch;  elle  ne  contient 
rien  que  d'édifiant,  qui  ne  con- 
vienne très-bien  au  caractère  d'iui 


332  BAR 

vrai  prophète  et  aux  circonstances 
dans  lesquelles  Baruch  se  trouvoit. 
vSaint  Iréncc,  Tertullien  ,  saint 
Cyprien,  Eusèbe,  saint  Ambroise, 
saint  Ililaire  ,  saint  Grégoire  de 
Nazianze  ,  saint  Basile  ,  saint  Cy- 
rille d'Alexandrie  ,  saint  Jean- 
Chrysostôme,  saint  Augustin,  saint 
Bernard  et  la  foule  des  commen 
tateurs  ,  ont  regardé  comme  une 
prophétie  de  l'incarnation  du 
Verbe,  ces  paroles  de  Baruch,  c.  3, 
^.36  :«  C'est  lui  quiestnotreDieu, 
»  qui  a  donné  la  science  à  Jacob 
n  sonserviteur,  elà  Israël  son bien- 
»  aimé.  Après  cela  il  a  été  vu  sur 
»>  la  terre  et  a  conversé  avec  les 
»>  hommes.  »  Cette  pensée  leur  a 
paru  la  même  que  celle  de  saint 
Jean  :  Le  Verbe  s'est  fait  chair  , 
et  il  a  habite  parmi  nous.  On  ne 
conçoit  pas  en  quel  sens  le  prophète 
a  pu  dire  ,  que  sous  l'ancien  Tes- 
tament Dieu  a  été  vu  sur  la  terre. 
Lorsqu'il  parloit  aux  patriarches  , 
a  Moïse ,  aux  prophètes  ,  il  ne  se 
l'endoit  pas  visible.  Voyez\dL Préface 
sur  Baruch,  Bible  d^ Avignon ,  tom. 
X,  pag.  421. 

BARULES  ,  hérétiques  dont 
parle  Sandérus  ,  qui  soutenoient 
que  le  Fils  de  Dieu  avoit  pris  un 
corps  fantastique  ;  que  les  âmes 
avoient  été  créées  avant  la  naissance 
du  monde,  et  avoient  péché  toutes 
à  la  fois.  Ces  deux  erreurs  ont  été 
communes  à  la  plupart  des  sectes 
qui  sont  nées  au  second  siècle  de 
l'Eglise.  Les  philosophes  qui  eu- 
rent connoissance  du  christia- 
nisme ,  ne  purent  se  résoudre  à 
croire  ni  la  chute  du  genre  humain 
par  le  péché  d'Adam,  ni  les  humi- 
liations auxquelles  le  Fils  de  Dieu 
s'est  réduit  pour  la  réparer.  Voyez. 
Bardesanistes  ,  Basilide,  etc 

BASILE  (  saint  ),évêquede  Cé- 
sarée  en  Cappadoce  ,  et  docteur 
de  l'Eglise,  qui  mourut  l'an  379. 
DomGarnier  et  dom Prudent  Ma- 


BAS 

rand,  Lénédictins,  ont  donné  une 
belle  édition  de  ses  œuvres  en  grec 
et  en  latin,  en  3  volumes i/i-/oho  , 
en  1721  et  1730. 

Lepremicr  tome  contient  VHéxa- 
méron  ,  qui  est  une  explication 
de  l'ouvrage  des  six  jours  de  la 
création  ,  treize  Homélies  sur  les 
psaumes  ,  un  Commentaire  sur 
ïsaïe,  cinq  livres  contre  Eunomius, 
qui  sont  une  réfutation  de  l'aria- 
nisme.  Le  second  renferme  vingt- 
quatre  Homélies  sur  différents 
sujets  de  morale  et  sur  les  fêtes  des 
martyrs  ;  divers  Traités  de  morale 
nommés  ascétiques,  les  grandes  et 
les  petites  règles  pour  les  moines. 
On  convient  que  les  Constitutions 
monastiques  qui  ont  été  attribuées 
à  saint  Basile  ne  sont  pas  de  lui. 
On  trouve  dans  le  troisième  vo- 
lume le  livre  du  Saint-Esprit,  où 
la  divinité  de  cette  troisième  Per- 
sonne delà  sainteTrinité  est  prou- 
vée par  l'Ecriture  sainte  et  par  la 
tradition  ;  trois  cent  trente-six  let- 
tres sur  divers  sujets.  Le  livre  de  la 
Virginité  lui  a  été  faussement  attri- 
bué; mais  il  paroît  avoir  été  écrit 
dans  le  même  siècle. 

Il  y  a  chez  les  Orientaux  une 
liturgie  qui  porte  le  nom  de  saint 
Basile,  qui  étoit  en  usage  dans  les 
Eglises  du  Pont,  de  laquelle  se  ser- 
vent encore  les  jacobites,  les  Grecs 
melchites  ,  lescophtes  d'Egypte  et 
d'Abyssinie.  L'abbé  Renaudot  , 
dans  le  tome  i.*''  de  sa  Collection 
des  liturgies  orientales  ,  l'a  donnée 
traduite  du  cophte,  ensuite  en  grec 
et  en  latin.  Mais ,  comme  il  le  re- 
marque très-bien  ,  il  ne  faut  pas 
imaginer  que  saint  Basile  l'ait  com- 
posée et  faite  eu  entier  ;  il  n'a  fait 
que  retoucher  la  liturgie  qui  étoit 
déjà  en  usage  dans  son  Eglise ,  y 
ajouter  quelques  prières,  en  cor- 
riger quelques-unes,  etc.  ,  sans  eu 
altérer  le  fond.  La  conformité  de 
cette  liturgie  avec  la  multitude  des 
autres  liturgies  anciennes  démon- 
tre que  toutes  ont  été  faites  sur  un 


BAS 

modèle  primitif,  suivi  depuis  les 
temps  apostoliques  ,  et  auquel  on 
n'a  jamais  louché.  Le  père  Le  Brun 
en  a  aussi  donné  une  notice,  E.rplic. 
des  cérérn.  de  la  messe,  tora.  4  > 
pap.  372.  Voyez  ÏATVKGïE. 

il  n'est  pointdecritiques anciens 
ou  modernes  qui  n'aient  rendu 
justice  à  l'éloquence,  à  l'érudition, 
à  la  pureté  du  style  de  sainiBasile. 
Photius,  Erasme,  Rollin,  n'ont  pas 
hésité  de  le  proposer  comme  un 
parfait  modèle  de  l'art  oratoire. 
Mais  les  protestants  ont  attaqué  sa 
morale,  et  les  incrédules  n'ont  pas 
respecté  ses  vertus:  leurs  reproches 
sont  aussi  mal  fondés  les  uns  que 
les  autres. 

Barbeyrac  ,  dans  son  Traité  de  la 
morale  des  Pères,  ch.  11  ,  accuse 
saint  Basile  d'avoir  enseigné  que 
celui  qui  blesse  à  mort  un  ennemi, 
même  en  se  défendant,  est  coupable 
de  meurtre  ;  qu'il  n'est  jamais  per- 
mis de  tuer  ,  même  à  la  guerre  ; 
qu'un  chrétien  ne  peut  sans  péché 
avoir  des  procès,  ou  faire  un  ser- 
ment ;  il  ne  permet  le  mariage  de 
deux  personnes  qui  vivent  dans 
la  fornication,  que  pour  éviter  un 
plus  grand  mal  ;  il  recommande 
aux  moines  un  extérieur  triste,  sale 
et  négligé  ,  malgré  la  leçon  con- 
traire que  Jésus-Christ  donne  dans 
l'Evangile. 

Si,  au  lieu  d'enseigner  une  mo- 
rale très-sévère,  lesPères  de  l'Eglise 
avoient  eu  des  maximes  relâchées, 
on  déclameroit  contre  eux  avec  en- 
core plus  d'amertume.  Déjà  quel- 
ques incrédules  de  nos  jours  les  ont 
accusés  d'avoir  eu  plus  à  cœur  la 
doctrine  spéculative  que  la  morale, 
et  d'avoir  fait  plus  de  cas  de  l'ortho- 
doxie que  des  mœurs.  Mais  quelque 
austères  que  fussent  leurs  leçons, 
elles  étoient  cependant  pratiquées, 
du  moins  par  un  bon  nombre  de 
chrétiens  fervents:  cela  nous  paroît 
démontrer  que  la  morale  des  Pères 
n'étoit  pas  aussi  outrée  qu'on  le 
prétînd. 


RAS 


333 


On  dit  qu'ils  ont  poussé  trop  loin 
les  règles  de  la  patience  qu'ils  prê- 
choientaux  fidèles  ;  et  tous  les  jours 
on  accuse  les  chrétiens  de  n'avoir 
pas  été  assez  patients,  soit  envers 
les  païens  dans  le  temps  des  per- 
sécutions ,  soit  envers  les  héréti- 
ques ,  lorsque  ceux-ci  abusoient 
de  la  protection  des  empereurs. 
Comment  contenter  des  censeurs 
aussi  bizarres? 

Souvenons-nous  que  saint  Basile 
écrivoit  dans  le  temps,  que  les 
ariens  ,  soutenus  par  l'empereur 
Valens  ,  exerçoient  le  brigandage 
dans  tout  l'empire  ;  on  ne  pouvoit 
leur  résister  sans  paroître  se  ré- 
volter contre  l'empereur  :  lesPères 
de  ce  temps-là  u' avoient  donc  pas 
tort  de  prêcher  la  patience  aux 
catholiques,  et  de  prendre  à  la  ri- 
gueur pour  ce  temps-là  les  paroles 
de  l'Evangile.  Voyez  Défense  de 

SOI-MÊME. 

Ils  avoient  conçu  une  haute  idée 
de  la  ?aintelé  du  mariage  ;  il  falloit 
inspirer  le  même  sentiment  aux 
chrétiens  ,  parce  que  les  lois  des 
empereurs  y  avoient  très-mal  pour- 
vu, et  que  la  licence  du  paganisme 
avoit  été  poussée  au  dernier  excès 
sur  ce  point  ;  nous  ne  voyons  pas 
en  quoi  la  morale  de  saint  Basile 
pouvoit  être  dangereuse. 

U  vouloit  que  les  moines  por- 
tassent à  l'extérieur  les  marques  de 
la  pauvreté  et  de  la  mortification  de 
leur  état  ;  en  quoi  contredisoit-il 
l'Evangile  ?  Lorsque  Jésus-Christ 
défendoit  d'affecter  par  hypocrisie 
un  extérieur  triste  et  un  visage 
exténué  par  le  jeiine,  il  ne  parloit 
pas  à  des  moines.  On  est  aujour- 
d'hui scandalisé  de  ce  qu'ils  n'ob- 
servent pas  assez  rigoureusement 
les  leçons  de  saint  Basile. 

On  sait  avec  quelle  fermeté  il 
répondit  à  l'empereur  Julien  ,  qui 
avoit  d'abord  voulu  le  séduire,  et 
qui  ensuite  menaça  de  raser  la  ville 
de  Césarée,s'il  ne  faisoitpas  por- 
ter au  fisc  mille  livres  d'or.  Il  n'eu 


334  BAS 

inoulra  pas  moins  à  l'fgard  de 
l'empereur  Valens  ,  qui  le  faisoit 
menacer  de  l'exil  et  de  la  mort  s'il 
ne  livroit  pas  les  églises  aux  ariens. 
«  Celui  qui  n'a  rien,  dit-il,  que  des 
»  haillons  et  quelques  livres  ,  ne 
M  craint  pas  d'être  dépouillé.  Je 
M  regarde  comme  ma  patrie  ,  non 
»»  le  sol  sur  lequel  je  suis  né,  mais 
n  le  ciel.  Un  corps  exténué  tel  que 
»  le  mien  ne  peut  souffrir  long- 
»•  temps  ;  la  mort ,  en  terminant 
>>  mes  peines,  me  réunira  plus  tôt 
»  à  mon  Créateur.  » 

Plusieurs  incrédules  modernes 
luî  ont  fait  un  crime  de  cette  ré- 
sistance aux  ordres  de  l'empereur; 
s'il  y  avoit  obéi  ,  ces  mêmes  cen- 
seurs l'accuseroient  de  lâcheté.  Ils 
lui  ont  reproché  de  n'avoir  donné 
qu'un  petit  évêché  à  saint  Grégoire 
de  Nazianze  son  ami.  Ils  ignorent 
sans  doute  que  saint  Grégoire  avoit 
renoncé  volontairement  au  siège 
de  Constantinople  ,  qu'il  n'ambi- 
tionuoit  comme  saint  Basile  que 
la  retraite,  le, repos,  la  liberté  de 
servir  Dieu  ,  loin  du  tumulte  du 
monde.  Il  est  heureux  pour  nous 
de  n'avoir  à  justifier  les  Pères  que 
de  l'héroïsme  de  leurs  vertus  ;  elles 
ont  été  trop  pures  pour  plaire  à 
des  esprits  pervers  et  à  des  cœurs 
corrompus. 

Basile  (  Ordre  de  saint  ).  C'est 
le  plus  ancien  des  ordres  religieux. 
Selon  l'opinion  commune,  il  a  tiré 
son  nom  du  saint  évêque  de  Cé- 
sarée,  dont  nous  venons  de  parler, 
qui  donna  des  règles  aux  cénobites 
d'Orient,  quoiqu'il  ne  fût  pas  l'in- 
stituteur de  la  vie  monastique.  En 
effet,  l'histoire  de  l'Eglise  atteste 
qu'il  y  avoit  eu  des  anachorètes  et 
des  cénobites,  surtout  en  Egypte  , 
long-temps  avant  saint  Basile.  Il 
est  très-pf  obable  que  ce  saint  doc- 
teur ne  fit  que  mettre  par  écrit 
ce  qui  avoit  été  observé  dans  les 
communautés  de  moines  de  la  Thé- 
baïde  qu'il  étoit  allé  visiter. 

Cet  ordre  a  constamment  fleuri 


BAS 

en  Orient,  et  s'y  est  maintenu  de- 
puis le  quatrième  siècle.  Presque 
tous  les  religieux  qui  y  sont  au- 
jourd'hui sous  le  nom  de  calojrer, 
suivent  la  règle  de  saint  Basile , 
même  ceux  qui  ont  pris  le  nom  de 
saint  Antoine.  Treize  siècles  de  du- 
rée nous  paroisscnt  prouver  que 
cette  règle  n'est  pas  d'une  rigueur 
aussi  outrée  que  certains  critiques 
ont  voulu  le  persuader. 

On  prétend  que  saint  Basile,  s'é- 
tant  retiré  vers  l'an  SSy  dans  une 
solitude  de  la  province  de  Pont,  y 
resta  jusqu'en  862  avec  des  soli- 
taires ,  auxquels  il  prescrivit  la 
manière  de  vivre  qu'ils  dévoient 
observer  en  faisant  profession  de 
la  vie  religieuse.  Rufin  traduisit 
ces  règles  en  latin  ,  ce  qui  les  fit 
connoitre  en  Occident  ;  mais  elles 
n'ont  commencé  à  y  être  suivies 
que  dans  l'onzième  siècle.  Ce  fut 
vers  l'an  loSy  que  les  moines  de 
saint  Basile  vinrent  s'y  établir. 
Grégoire  XIII  les  réforma  en  iSyg, 
et  mit  les  religieux  d'Italie  ,  d'Es- 
pagne et  de  Sicile  sous  une  même 
congrégation.  Dans  ce  même  temjis 
le  cardinal  Bessarion,  Grec  de  na- 
tion et  religieux  de  cet  ordre,  ré- 
duisit en  abrégé  les  règles  de  saint 
Basile ,  et  les  distribua  en  28  arti- 
cles. Le  monastère  de  Saint-Sau- 
veur de  Messine  en  Sicile  est  chel 
de  l'ordre  en  Occident,  et  il  passe 
pour  constant  que  l'on  y  fait  l'office 
en  grec.  Vo/.  Le  Mire  ,  de  On'g. 
ordin.  relig. 

On  sera  moins  surpris  de  l'aus- 
térité des  règles  de  saint  Basile , 
si  on  fait  attention  qu'en  général 
la  vie  des  Orientaux  est  beaucoup 
plus  sobre  que  la  nôtre  ,  et  que  le 
climat  exige  beaucoup  moins  de 
nourriture.  On  y  nfiange  trè^-peu 
de  viande;  les  légumes,  les  herbes 
potagères  ,  les  fruits  ,  y  sont  plus 
succulents  et  plus  nourrissants  que 
les  nôtres  ;  une  exacte  sobriété  est 
absolument  nécessaire  pour  y  con- 
server la  santé  :  le  peuple  y  vit  en 


BAS 

plein  air,  presque  sans  aucune  cou- 
verture ,  sans  aucun  besoin  «les 
précautions  que  l'on  observe  dans 
les  pays  septentrionaux.  La  ma- 
nière tle  vivre  des  moines  de  la 
Thébaïde  étoit,  à  proprement  par- 
ler, la  vie  des  pauvres  en  Egypte  et 
des  personnes  peu  accoutumées 
aux  supcrlluités. 

BASILIDE,  BASILIDIENS.  Au 
commencement  du  second  siècle, 
Basîïide  d'Alexandrie  ,  entêté  de  la 
philosophie  de  Pythagore  et  de 
Platon,  voulut  en  allier  les  prin- 
cipes avec  les  dogmes  du  christia- 
nisme ,  et  forma  la  secte  des  basi- 
lidîens. 

La  grande  question  qui  occupoit 
alors  les  philosophes  ,  étoit  desa- 
voir d'où  vient  le  mal  dans  le 
monde.  Platon,  pour  la  résoudre, 
avoit  imaginé  que  l'Etre  suprême, 
infiniment  bon  par  nature,  n'avoit 
pas  créé  le  monde  immédiatement 
par  lui-même  ,  mais  qu'il  avoit 
laissé  ce  soin  à  des  intelligences 
inférieures  auxquelles  il  avoit 
donné  l'être  ;  que  le  mal  qui  s'y 
trouve  étoit  venu  de  l'impuissance 
et  de  la  maladresse  de  ces  esprits 
secondaires.  Cette  supposition  ne 
faisoit  que  reculer  la  difficulté. 
Pourquoi  l'Etre  infiniment  bon  , 
maître  de  créer  le  monde  par  lui- 
même,  en  a-t-il  donné  la  commis- 
sion à  des  ouvriers  dont  il  devoit 
prévoir  l'impuissance  et  la  mal- 
adressei* 

Cependant  les  premiers  hérésiar- 
ques, Simon,  Ménandre,  Saturnin, 
Jbasilide ,  et  leurs  sectateurs,  qui 
prirent  le  nom  de  gnostiqucs ,  in- 
telligents ou  philosophes  ,  embras- 
sèrent celte  hypothèse  ;  ils  eurent 
la. témérité  de  faire  la  généalogie 
et  l'histoirede  cesprétendusesprits 
subalternes  ,  de  leur  donner  des 
noms  ,  etc. 

Us  supposèrent  encore  que  les 
âmes  humaines  avoient  existé  et 
avoicnt  péché  avant  d'èlrc  unies  à 


BAS  335 

des  corps,  que  pour  les  punir  Dieu 
lesavoit  soumises  ici-bas  à  l'empire 
des  esprits  inférieurs,  que  chacun 
de  ces  esprits  présidoit  au  gouver- 
nement d'une  nation.  C'étoit  aussi 
l'idée  de  Celse  ,  de  Julien,  et  de  la 
plupart  des  philosophes  éclecti- 
ques ;  c'est  là -dessus  qu'ils  fon- 
doient  la  nécessité  de  rendre  un 
culte  à  ces  esprits,  par  le  moyen 
desquels  ils  prétendoient  opérer 
des  prodiges. 

Selon  Basilide ,  l'esprit  ou  l'ange 
qui  avoit  gouverné  la  nation  juive, 
étoit  l'un  des  plus  puissants;  c'est 
pour  cela  qu'il  avoit  fait  tan  t  de  mi- 
racles en  leur  faveur  ;  mais  comme 
il  avoit  voulu  par  ambition  sou- 
mettre les  autres  esprits  à  son  em- 
pire ,  ceux-ci  avoient  -inspiré  aux 
peuples  qu'ils  gouvernoient  de  la 
haine  contre  les  Juifs.  Ainsi  les 
guerres ,  les  malheurs ,  les  revers 
des  nations  ,  étoient  l'eJBFet  de  ia 
jalousie  et  des  passions  des  esprits 
qui  gouvernoient  le  monde. 

Enfin  ,  Dieu ,  touché  de  compas- 
sion, avoit  envoyé  son  Fils  ou  17;i- 
telligence,  sous  le  nom  de  Jésus- 
Christ  ,  pour  délivrer  de  cette 
tyrannie  les  hommes  qui  croiroient 
en  lui.  Pour  fonder  leur  foi ,  Jésus, 
selon  Basilide,  avoit  réellement  fait 
les  miracles  que  les  chrétiens  lui 
attribuoient  ;  mais  il  n'avoit  qu'un 
corps  fantastiqueetles  apparences 
d'un  homme  :  pendant  sa  passion 
il  avoit  pris  la  figure  de  Simon  le 
Cyrénéen  ,  et  lui  avoit  donné  ia 
sienne  ;  ainsi  les  Juifs  avoient  cru- 
cifié Simon  au  lieu  du  Christ  qui 
se  moquoit  d'eux ,  et  qui  étoit  re- 
monté au  ciel  sans  avoir  été  connu 
de  personne. 

Basilide  en  concluoit  que  les 
martyrs  qui  souffroient  pour  leur 
religion  ne  niouroieut  pas  pour 
Jésus-Christ ,  mais  pour  Simon  , 
qui  seul  avoit  été  crucifié.  Il  con- 
cluoit encore  que  ce  n'étoit  pa.9  un 
crime  de  se  livrer  aux  désirs  dérè- 
glés  de  la  chair ,  puisqu'ils  étoient 


336  ^  BAS 
inspirés  à  l'àme  de  l'homme  par  les 
esprits  au  pouvoir  desquels  Dieu 
l'avoit  soumise  ,  et  que  ces  désirs 
étoienl  involontaires.  Saint  Clém. 
d'Alex.,  sirom.  1.  3,  p.  5io,  etc. 

Cet  hérésiarque,  entêté  du  py- 
thagorisme  et  des  prétendues  pro- 
priétés que  Pythagore  attribuoit 
aux  nombres  ,  imagina  que  l'uni- 
té ,  symbole  du  soleil ,  le  nombre 
septénaire  ,  relatif  aux  sept  planè- 
tes ,  le  nombre  365  ,  qui  exprimoit 
celui  des  jours  de  l'année  ou  des  ré- 
volutions du  soleil,  dévoient  avoir 
des  propriétés  merveilleuses  ,  dé- 
terminer l'esprit  gouverneur  du 
monde  à  opérer  des  prodiges.  Là- 
dessus  il  fonda  sa  confiance  à  la 
théurgie,  à  la  magie,  aux  talismans, 
11  soutint  que  le  nom  Abracsas  ou 
Abraxas ,  dont  les  lettres  forment 
en  grec  le  nombre  365  ,  impri- 
mé sur  une  médaille  avec  la  figure 
du  soleil  et  avec  quelques  autres 
signes  ,  étoit  un  talisman  très- 
puissant  ,  que  ce  devoit  même 
être  le  nom  de  Dieu.  Conséquem- 
mcnt  les  basilidiens  remplirent  le 
monde  iVabraxas  de  toute  espèce  ; 
le  père  de  Monfaucon  en  a  fait  gra- 
ver plusieurs. 

Quelques  chrétiens  peu  instruits 
se  laissèrent  séduire  par  ces  visions, 
et  firent  aussi  des  abraxas  à  l'hon- 
neur de  Jésus-Christ  ;  les  Pères  de 
l'Eglise  s'élevèrent  contre  cette  su- 
perstition. 

Basilide  enseignoit  aussi  la  mé- 
tempsycose comme  Pythagore ,  et 
nioit  la  résurrection  de  la  chair.  Il 
avoit  composé  un  faux  évangile  , 
ou  plutôt  un  long  commentaire  sur 
les  évangiles  ;  puisqu'Eusèbe  nous 
apprend  qu'il  avoit  écrit  vingt- 
quatre  livres  sur  les  évangiles  ,  et 
qu'il  avoit  forgé  des  prophéties  sous 
le  nom  de  barcabas  et  de  barcoph; 
il  supposoit  dans  l'homme  deux 
âmes  différentes. 

Sur  cet  exposé ,  que  nous  abré- 
geons autant  qu'il  est  possible ,  il  y 
a  des  rcllexions  importantes  à  faire. 


BAS 

i.°Les  anciennes  hérésies  ont  été 
l'ouvrage  des  philosophes,  et  l'effet 
de  leur  opiniâtreté  à  vouloir  con- 
cilier les  dogmes  du  christianisme 
avec  leurs  vains  systèmes  ;  c'est  au 
contraire  la  philosophie  qu'il  au- 
roit  fallu  éclairer  et  corriger  par 
les  lumières  de  la  révélation.  2."  La 
source  de  la  plupart  des  erreurs 
anciennes  a  été  la  célèbre  question 
de  l'origine  du  mal  ;  elle  est  encore 
aujourd'hui  le  fondement  des  di- 
vers systèmes  d'incrédulité  :  il  est 
impossible  d'y  donner  une  solution 
satisfaisante ,  à  moins  que  l'on  n'a^ 
dopte  les  principes  de  la  théologie 
chrétienne.  3.°  Les  plus  anciens 
hérésiarques  n'ont  pas  osé  contes- 
ter la  vérité  de  l'histoire  évangé- 
lique,  des  actions  et  des  miracles 
de  Jésus  -  Christ ,  puisqu'ils  ont 
tâché  de  les  accorder  avec  leur 
système  ;  ils  touchoient  cependant 
d'assez  près  à  la  date  de  ces  faits  , 
pour  avoir  pu  en  constater  certai- 
nement la  vérité  ou  la  fausseté. 
4.°  Quelques  incrédules  modernes 
ont  accusé  saint  Clément  d'Alexan- 
drie et  les  autres  Pères  anciens  , 
d'avoir  faussement  attribué  aux 
gnostiques  une  morale  et  une  con- 
duite détestables  ;  mais  cette  mo- 
rale découloit  évidemment  de  leurs 
principes,  et  il  est  impossible  que 
ces  raisonneurs  ne  s'en  soient  pas 
aperçus.  Elle  a  été  renouvelée  par 
les  sectes  fanatiques  du  quator- 
zième siècle ,  et  l'on  a  vu  renaître 
parmi  elles  les  mêmes  désordres. 

Beausobre,  qui  s'est  fait  un  point' 
capital  de  justifier  tous  les  héréti- 
ques, et  de  contredire  les  Pères  de 
l'Eglise  ,  a  disserté  fort  au  long  sur 
les  basilidiens .  Hisi.  du  Manich.  , 
tom.  2  ,  I.  4-  11  prétend  qu'en  gé- 
néral on  ne  doit  pas  trop  se  fier 
aux  Pères  touchant  les  anciennes 
hérésies  ,  que  la  plupart  n'en  ont 
parlé  que  sur  des  ouï-dire  ;  qu'ils 
ne  s'accordent  point  dans  leurs  ré- 
cits ;  qu'ils  ont  exagéré  les  erreurs 
des  sectaires,  etc.  pour  donner  un 


RAS 

air  lie  justice  à  ce  reproche  ,  il 
aaroit  fallu  commencer  par  prou- 
ver que  tous  les  sectateurs  de  Basi- 
Ude-  ont  enseiijné  constamment  la 
même  tloctrine  que  lui ,  et  qu'aii- 
<iin  dVux  n'est  allé  plus  loin.  Or, 
dans  quel  le  secte  hérétique  cela  est- 
il  arrivée  II  se  peut  très-hîen  faire 
que  les  basilidiens  ,  qui  ont  été 
connus  de  saint  Irénée  dans  l'A- 
sie Mineure,  et  de  TertuUicn  en 
Afrique  ,  n'aient  pas  suivi  absolu- 
ment les  mêmes  opinions  que  ceux 
dont  saint  Clément  d'Alexandrie 
a  lu  les  ouvrages  en  Egypte  ;  il 
peut  donc  y  avoir  de  la  variété  et 
même  de  l'opposition  entre  les  ré- 
cits de  ces  Pères  ,  sans  qu'il  y  ait 
lieu  de  les  accuser  d'ignorance,  de 
préoccupation  ou  d'infidélité. Voilà 
ce  qu'un  historien  judicieux  n'au- 
roit  pas  manqué  de  remarquer. 
Mosheim  est  coupable  de  la  même 
injustice.  Hist.  chrisiian.,  sœc.  2  ^ 
§  46  P''  suiv. 

C'est  encore  une  fort  mauvaise 
méthode  ,  pour  justifier  un  héré- 
tique ,  de  prétendre  qu'il  n'a  pas 
pu  enseigner  telle  erreur,  puisqu'il 
a  soutenu  telle  autre  opinion  qui 
ne  s'y  accorde  point;  il  est  assez 
prouvé  que  la  doctrine  des  anciens 
hérétiques,  aussi -bien  que  celle 
des  modernes,  est  un  tissu  de  con- 
tradictions ,  et  qu'ordinairement 
tous  raisonnent  fort  mal. 

Il  n'est  donc  pas  fort  certain 
que,  selon  la  croyance  commune 
des  basilidiens ,  l'ange  ou  l'esprit 
qui  avoit  créé  le  monde ,  étoit  un 
être  bon ,  qui  avoit  eu  dessein  de 
plaire  au  Dieu  suprême,  et  de  faire 
du  bien  ;  puisque ,  de  l'aveu  même 
de  Beausobre,  d'autres  hérétiques 
soutenoient  que  le  Créateur  ou 
plutôt  le  formateur  du  monde  , 
étoit  un  être  méchant.  Dés  que 
l'on  suppose  la  matière  éternelle, 
il  n'est  plus  question  de  création 
j)roprement  dite.  Nous  avons  le 
malheur  de  ne  pas  voir,  comme 
îieaiisobre ,  un  grand  ejforl  d  inia- 


BAS  337 

ginaiion  dans  le  système  de  Basi- 
lidc  ,  pour  rendre  raison  des  maux 
de  ce  monde  ,  sans  intéresser  les 
perfections  du  Dieu  suprême;  les 
ignorants  ,  qui  attribuent  au  dé- 
mon tout  le  mal  qui  leur  arrive, 
ne  font  pas  un  grand  effort  d'ima- 
gination. Pour  peu  qu'on  réilé- 
chisse  ,  on  comprend  que  Dieu  , 
quoiqu'infiniment  puissant  etbon, 
n'a  pu  rien  faire  qui  ne  fût  borné, 
par  conséquent  imparfait  et  sujet 
à  des  défauts  ;  et  que  la  supposition 
de  deux  principes  ne  résout  point 
du  tout  la  difficulté. 

Nous  n'accuserons  pas  non  plus 
les  Pères  d'avoir  imaginé  une  fable, 
en  disant  que  ,  suivant  l'idée  des 
basilidiens  ,  Jésus  ,  avant  d'être 
crucifié,  avoit  changé  sa  figure  en 
celle  de  Simon  le  Cyrénéen  ,  et 
avoit  substitué  cet  homme  à  sa 
place;  plusieurs  d'entre  eux  ont 
été  assez  ridicules  d'ailleurs  pour 
imaginer  cette  absurdité,  quoique 
peut-être  Basilide  ne  l'ait  jamais 
dite  ,  et  qu'il  ait  pensé  tout  autre- 
ment. 

Il  n'est  pas  mieux  prouvé  que 
jamais  les  basilidiens  n'ont  dé- 
primé le  martyre  ;  Beausobre  ne 
les  en  disculpe  que  par  des  con- 
jectures et  par  voie  de  consé- 
quence, espèce  d'apologie  qui  ne 
peut  prévaloir  à  des  témoignages 
formels.  Il  ne  réussit  pas  mieux 
à  les  absoudre  du  crime  de  magie, 
puisque  ces  hérétiques  avoient  con- 
fiance au  pouvoir  des  prétendus 
génies  ou  esprits  répandus  dans  la 
nature  ;  il  n'est  pas  fort  aisé  de 
prouver  qu'ils  n'ont  jamais  eu  re- 
cours à  ceux  qu'ils  supposoient 
mauvais  et  malfaisants  ,  mais  seu- 
lement à  ceux  qu'ils  croyoient  in- 
capables de  faire  du  mal.  L'une  de 
ces  mauvaises  pratiques  conduit 
infailliblement  à  l'autre. 

Par  la  même  raison ,  nous  n'a- 
vouerons pas  que  les  Pères  ont  ca- 
lomnié les  basilidiens,  quand  ils 
les  ont  accusés  d'une  morale  dé- 


338  B\S 

testable  touchant  l'impureté  ,  et 
d'une  conduite  qui  y  étoit  con- 
forme; si  dans  toutes  les  sectes  il 
y  a  eu  quelques  hommes  qui  ont 
conservé  de  la  honte  naturelle  et 
de  la  vertu ,  il  y  en  a  eu  aussi  d'au- 
tixs  qui  ont  poussé  les  consé- 
quences de  leurs  erreurs  jusqu'où 
elles  pouvoient  aller,  et  qui  n'ont 
pas  rougi  de  les  mettre  en  pratique. 
Il  est  donc  tout  simple  que  l'on  ait 
pris  pour  l'esprit  général  de  la  secte 
une  conduite  qui  étoit  commune 
parmi  ses  membres.  Mosheim  , 
moins  entêté  queBeausobre,  avoue 
qu'une  bonne  partie  des  gnostiques 
tirdient  de  leurs  principes  une 
morale  pratique  trcs-licencieuse. 
Hist.  christ. ,  proleg.  ,  c.  i  ,  §  36. 
Nous  serons  obligés  de  répéter 
plus  d'une  fois  ces  mêmes  rétlexions 
à  l'égard  des  hérésies  anciennes  ou 
modernes;  parce  que  plusieurs  des 
protestants  qui  en  ont  parlé  l'ont 
fait  avec  les  mêmes  préventions 
que  Beausobre.  Ce  qu'il  y  a  de  sin- 
gulier ,  c'est  que  ces  critiques  veu- 
lent nous  faire  envisager  leur 
entêtement  comme  une  preuve 
d'impartialité. 

BASILIQUE.  Ce  nom  grec  si- 
gnifie maison  royale;  on  l'a  donné 
aux  églises  des  chrétiens  ,  parce 
qu'on  les  a  regardées  comme  les 
palais  du  Roi  des  rois ,  dans  les- 


BAS  • 

INIinutius  Félix,  Origène,  Arnobc, 
Lactance,  ont  dit  que  les  chrétiens 
n'avoient  pas  de  temples  ;  et  lors- 
que les  païens  leur  en  faisoient  nn 
crime,  les  mêmes  écrivains  ont 
répondu  que  le  sanctuaire  le  plus 
digne  de  Dieu  ,  étoit  l'âme  d'un 
homme  de  bien.  Il  ne  faut  pas  en 
conclure  que  pour  lors  les  chré- 
tiens n'avoient  point  d'édifices 
consacrés  au  culte  du  Seigneur  ; 
nous  prouverons  le  contraire  an 
mot  Eglise  ;  mais  on  évitoit  de  leur 
donner  le  même  nom  qu'aux  édi- 
fices destinés  à  l'idolâtrie  ;  on  pré- 
féra de  les  nomnier  basiliques. 

Dans  l'Occident,  au  quatrième 
et  au  cinquième  siècle  ,  l'on  en- 
tendoit  par  Véglise  la  cathédrale , 
et  l'on  nommoit  basilique  les  églises 
dédiées  aux  martyrs  et  aux  saints. 
Hist.  de  VAcad.des  inscript.,  1. 13, 
I/I-12,  pag.  3ii. 

Il  paroît  que  la  forme  et  le  plan 
des  églises  chrétiennes  avoient  été 
tracés  sur  ce  qui  est  dit  dans  VA- 
pocalypse ,  c.  4,6,  7.  Saint  Jean 
y  fait  une  description  de  la  gloire 
éternelle  exactement  semblable  à 
celle  qu'a  faite  saint  Justin  des 
assemblées  des  chrétiens,  Apol.,  i , 
n.°  65  et  suiv. ,  et  de  la  manière 
dont  ils  célébroient  l'office  divin. 
Saint  Jean  parle  d'un  trône  sur 
lequel  est  assis  le  président  de  l'as- 
semblée  ou    L'évêque  ,    de    sièges 


quels  ses  adorateurs  vont  lui  ren-   rangés  des  deux  celés  pour  vingt- 


dre  leurs  hommages  :  c'est  ainsi 
qu'elles  sont  nommées  par  les  écri- 
vains du  quatrième  et  du  cin- 
quième siècle. 

Selon  Bellarmin  ,  les  chrétiens 
mettoient  une  différence  entre  les 
basiliques  et  les  temples.  Les  pre- 
mières étoient  les  édifices  destinés 
aux  assemblées  chrétiennes  et  à  la 
célébration  des  saints  mystères  ; 
par  les  temples ,  on  entendoit  les 
temples  des  païens  destinés  à  offrir 
des  sacrifices  sanglants ,  et  à  im- 
moler des  animaux.  Conséquem- 
ment    quelques    anciens  ,    comme 


quatre  vieillards  ou  prêtres;  c'est 
le  chœur.  Au  milieu  et  devant  le 
trône  ,  il  y  a  un  autel  sur  lequel 
est  un  agneau  en  état  de  victime  ; 
sous  l'autel  sont  les  reliques  des 
martvrs.  Devant  l'autel  un  ange 
offre  à  Dieu ,  sous  le  symbole  de 
l'encens,  les  prières  des  saints  ou 
des  fidèles.  Il  parle  d'une  source 
d'eaux  qui  donnent  la  vie;  c'est  le 
baptistère  ou  les  fonts  baptismaux. 
Par  cette  forme  que  les  premiers 
chrétiens  ont  donnée  à  leurs  égli- 
ses ,  il  est  aisé  de  juger  si  ce  sont 
les  catholiques  qui  ont  abandonné 


CEA 

la  croyance  cic  l'Eglise  primilivc, 
ou  si  ce  sont  les  prolcslanls.  Ces 
derniers  n'ont  dans  leurs  temples 
ni  chaire  pontificale,  ni  autel,  ni 
reruiucs  ,  ni  encens  ,  ni  fonts  bap- 
tismaux ;  ils  semblent  les  avoir 
construits  sur  le  modèle  des  sy- 
nagogues  des  Juifs.  Mais  tout  ce 
qu'ils  ont  supprime  parle  et  ré- 
clame contre  l'innovation  qu'ils 
ont  faite;  ce  sontdes  témoins  dont 
ils  u'étoufFeront  jamais  la  voix. 

BAYANISME.  V.  Baïanisme. 

BÉATIFICATION.  Acte  par 
lequel  le  souverain  pontife  déclare, 
au  sujet  d'une  personne  dont  la 
vie  a  été  sainte  ,  accompagnée  de 
quelques  miracles,  etc.,  qu'il  y  a 
eulieude  penser  que  son  âme  jouit 
du  bonheur  éternel  ,  et  en  consé- 
quence permet  aux  fidèles  de  lui 
rendre  un  culte  religieux, 

La  béatification  diffère  de  la  ca- 
nonisation, en  ce  que  dans  la  pre- 
mière le  pape  n'agit  pas  comme 
juge,  en  déterminant  l'état  du  béa- 
tifié, mais  seulement  en  ce  qu'il 
accorde  à  certaines  personnes  , 
comme  à  un  ordre  religieux,  à  une 
communauté,  etc.,  le  privilège  de 
rendre  au  béatifié  un  culte  parti- 
culier, qu'on  ne  peut  regarder 
comme  superstitieux,  dès  qu'il  est 
muni  du  sceau  de  l'autorité  pon- 
tificale, au  lieu  que  dans  la  cano- 
nisation, le  pape  parle  comme  juge, 
et  détermine  ex  cathedra  l'état  du 
nouveau  saint. 

La  cérémonie  de  la  béatification 
a  été  introduite  lorsqu'on  a  pensé 
qu'il  étoit  à  propos  de  permettre 
à  un  ordre  ou  à  une  commiunauté 
de  rendre  un  culte  particulier  au 
sujet  proposé  pour  être  canonisé, 
avant  que  d'avoir  une  pleine  con- 
noissance  de  la  vérité  des  faits  , 
et  à  cause  de  la  longueur  des  pro- 
cédures qu'on  observe  dans  la  ca- 
nonisation. Voyez  Canonisation. 

BÉATITUDE,    clal.de  félicité 


BED  339 

des  saints  dans  le  ciel.  ^o/c«  Bon- 
heur ÉTERNEt.  Il  n'est  pas  fort 
nécessairedcsavoirce  que  les  théo- 
logiens de  l'école  nomment  béa- 
titude objective  et  béatitude  formelle. 

BÉATITUDES      ÉVANGÉLIQUES.      On 

nomme  ainsi  les  huit  maximes  que 
Jésus-Christ  a  placées  à  la  tête  du 
discours  qui  renferme  l'abrégé  de 
sa  morale. La  montagnesur  laquelle 
on  croit  qu'il  le  fit,  a  conservé  le 
nom  de  Montagne  des  béatitudes, 
parce  que  ces  maximes  commencent 
par  le  mot  beati.  «  Heureux,  dit- 
»  il ,  les  pauvres  d'esprit  ;  parce 
»  que  le  royaume  des  cieux  est  à 
»  eux.  »  L'on  comprend  que  Jésus- 
Christ,  par  la  pauvreté  d'esprit, 
entend  le  détachement  des  riches- 
ses. «Heureux  les  caractères  doux, 
»  parce  qu'ils  posséderont  tous  les 
»  cœurs  ;  heureux  ceux  qui  pleu- 
»  rent ,  parce  qu'ils  seront  con- 
»  soles  ;  heureux  ceux  qui  ont  faim 
»  et  soif  de  la  justice,  parce  qu'ils 
»  seront  rassasiés  ;  heureux  les 
»  hommes  miséricordieux,  parce 
»  qu'ils  obtiendront  miséricorde  ; 
»  heureux  les  cœurs  purs  ,  parce 
»  qu'ils  veri-ont  Dieu  ;  heureux 
»  les  pacifiques,  parce  qu'ils  seront 
»  appelés  enfants  de  Dieu  ;  heureux 
»  ceux  qui  souffrent  persécution 
»  pour  la  justice  ,  parce  que  le 
»  royaume  des  cieux  leur  appar- 
»  tient.  »  Mat. ,  c.  5,  f.  3  et  suiv. 
Ces  maximes,  vérifiées  par  l'ex- 
périence des  saints  de  tous  les 
siècles,  n'ont  pas  besoin  d'apolo- 
gie ;  mais  si  l'on  veut  en  avoir  un 
commentaire  très  -  éloquent ,  ou 
n'a  qu'à  lire  l'exorde  du  sermon 
de  Massillon  sur  le  bonheur  des 
saints.  F".  CoNSEits  évangéuques. 

BEDE,  moine  et  prêtre  anglois  , 
mort  en  ySS,  se  fil  admirer  dans 
son  siècle  par  sa  science  et  sa  piété. 
11  écrivit  l'histoire  ecclésiastique 
d'Angleterre ,  des  commentaires 
sur  l'Ecriture  sainte ,  des  sermons 
cl  d'autres  ouvrages.  Us  se  sentent 


34o  BEE 

de  la  dégradation  où  étoient  tom- 
bées les  lettres  au  huitième  siècle; 
mais  ce  vénérable  auteur  est  un 
témoin  non  suspect  de  la  doctrine 
crue  et  professée  pour  lors  dans 
l'Eglise;  des  écrivains,  même  pro- 
testants ,  lui  ont  rendu  justice. 
Voyez  Vie  desPères  et  des  Martyrs,  etc. 
tom.  4,  p-  621,  632  et  suiv. 

BÉELPHÉGOR,  dieu  des  Moa- 
bites  et  des  Madianites.  En  rap- 
prochant du  texte  sacré  les  conjec- 
tures des  anciens  et  des  modernes, 
il  paroît  que  cette  divinité  étoit 
à  peu  près  la  même  que  le  Priape 
des  Latins  ,  le  dieu  de  la  luxure  , 
et  qu'il  étoit  d'une  figure  très- 
obscène.  Il  est  dit  dans  le  livre  des 
Nombres,  c.  25,  que  les  filles  des 
Moabites  invitèrent  les  Israélites 
à  leurs  sacrifices,  qu'ils  y  allèrent, 
qu'ils  adorèrent  les  dieux  de  ces 
filles,  se  firent  initier  au  culte  de 
Béelfjhégor,  «t  se  livrèrent  à  la  dé- 
bauche avec  elles.  Dieu,  irrité  de 
ce  crime,  ordonna  à  Moïse  défaire 
pendre  les  principaux  du  peuple. 
Moïse  commanda  aux  juges  de 
mettre  à  mort  tous  ceux  qui  étoient 
coupables  d'idolâtrie.  Phinées , 
petit-fils  d'Aaron,  tua  publique- 
ment un  Israélite  avec  une  pros- 
tituée Madianite  ;  il  périt  vingt- 
quatre  mille  hommes  à  cette  oc- 
casion. Dieu  ordonna  encore  à 
Moïse  de  traiter  les  Madianites  en 
ennemis  déclarés,  et  de  les  exter- 
miner. Cet  ordre  fut  exécuté  quel- 
que temps  après.  Num.,  chap.  3i. 

Cet  exemple  de  sévérité  n'a  pas 
trouvé  grâce  aux  yeux  des  in- 
crédules ;  ils  ont  accusé  Moïse 
de  cruauté  ,  d'ingratitude  envers 
les  Madianites ,  chez  lesquels  il 
avoit  trouvé  un  asile  et  avoit 
pris  une  épouse  ;  de  bai'barie  en 
mettant  leur  pays  à  feu  et  à  sang. 

Le  législateur  des  Hébreux  sera 
aisément  justifié,  si  l'on  veut  faire 
quelques  réflexions.  i.°  Dans  la 
république  juive,  et  en  vertu  de 


BEE 

la  loi  que  Dieu  avoit  portée,  l'ido- 
lâtrie étoit  un  crime  de  lèse-ma- 
jesté divine  :  vu  le  penchant  inviji- 
cible  des  Israélites  à  imiter  leurs 
voisins,  et  les  désordres  dont  l'ido- 
lâtrie étoit  toujours  accompa- 
gnée, il  n'y  avoit  point  d'autre 
moyen  de  la  prévenir  et  de  l'ex- 
tirper que  de  mettre  à  mort  tous 
les  coupables. 

2.°  Les  tribus  des  Madianites 
voisines  des  Moabites  n'étoient 
point  les  mêmes  que  celles  qui 
étoient  près  de  l'Egypte ,  et  où 
Moïse  s'ctoit  retiré  :  on  voit ,  par 
l'exemple  de  Jéthro  son  beau-pere, 
que  celles-ci  adoroient  le  vrai 
Dieu  ;  les  premières  s'étoient  cor- 
rompues avec  les  Moabites,  et  ho- 
noroient  Jiéelphégor. 

3.°  La  conduite  de  ces  peuples 
étoit  une  perfidie  ;  ils  avoient  suivi 
le  conseil  détestable  que  Balaam 
leur  avoit  donné  de  séduire  les 
Israélites,  et  de  les  porter  au  crime, 
afin  d'exciter  contre  eux  la  colère 
de  Dieu.  Num.,  c.  3i ,  '^ .  16.  Ils 
étoient  aussi  coupables  que  s'ils 
avoient  envoyé  la  peste  dans  le 
camp  des  Hébreux. 

4.°  Que  les  Israélites,  les  Moabi- 
tes, les  Madianites  et  tous  les  cou- 
pables aient  été  punis  par  un  sup- 
plice, par  le  fléau  de  la  guerre  , 
par  une  contagion,  etc.,  cela  est 
fort  égal  pour  la  justice  divine  ; 
on  ne  peut  pas  l'accuser  plutôt  de 
cruauté  dans  un  de  ces  cas  que  dans 
l'autre.   Voyez  Justice  dé  Dieu. 

BÉELZÉBUB,  dieu  des  mouches; 
il  étoit  adoré  par  les  Accaronites. 
Comme  dans  l'Orient  les  insectes 
sont  souvent  un  fléau  terrible  ,  il 
n'est  pas  surprenant  que  les  peu- 
ples de  ces  climats  aient  souvent 
chargé  les  dieux  du  soin  de  les 
chasser.  Ainsi  les  Grecs  ont  adoré 
Hercule  Mutocypo;  et  Kôpvjwjrîov,  Her- 
cule qui  chasse  les  mouches  et 
les  sauterelles  ,  Apollon  2fAiv9;vç , 
qui  tue  les  rats  ,  etc.  Voyez  Pline  , 


LEG 

lîv.  lo  ,  c.  28,  et  liv.  29,  c.  6. 
Ochozias,roi  d'Israël, claiit  malade, 
envoya  consulter  Béelzébiib  ,  et  en 
fut  puni  par  la  mort,  IF,  lîcg.,  ci. 
Il  est  dit  dans  l'Evangile  que  les 
Juifs  accusèrent  Jésus-Christ  de 
chasser  les  démons  par  le  pouvoir 
de  Béclzébub,  prince  des  démons. 
MaUh.,  c.  12,  y.  24.  Le  Sauveur 
leur  fit  aisément  sentir  qu'il  ne 
pouvoit  avoir  de  collusion  avec 
l'ennemi  du  salut  ;  qu'au  contraire 
il  étoit  venu  pour  le  vaincre  et  lui 
enlever  ses  dépouilles.  La  plupart 
des  exemplaires  grecs  du  nouveau 
Testament  portent  BteAÇeSol),  le 
dieu  des  ordures  ;  ce  peut  être  une 
faute  des  copistes  grecs. 

BEGGARDS  ou  BEGHARDS  , 
secte  de  faux  spirituels  ou  de  faux 
dévots ,  qui  parut  en  Italie ,  en 
France  et  en  Allemagne,  sur  la  fin 
du  treizième  et  au  commencement 
du  quatorzième  siècle. 

Avant  cette  époque,  les  albigeois 
et  les  vaudois  s'étoient  fait  remar- 
quer par  un  extérieur  simple,  mor- 
tifié, dévot;  plusieurs  renonçoient 
à  leurs  biens,  vaquoient  à  la  prière 
et  à  la  lecture  de  l'Ecriture  sainte, 
faisoient  profession  de  pratiquer  les 
conseils  évangéliques.  Celte  régu- 
larité vraie  ou  feinte  ,  comparée  à 
la  vie  licencieuse  de  la  plupart  des 
catholiques,etd'unepartiedu  cler- 
gé ,  avoit  contribué  beaucoup  aux 
progrès  de  l'hérésie  et  au  discré- 
dit de  la  foi  catholique.  Plusieurs 
personnes,  touchées  de  cemalheur, 
sentirent  la  nécessité  de  réformer 
les  mœurs  et  de  tenir  une  conduite 
plus  conforme  aux  maximes  de 
l'Evangile.  C'est  ce  qui  fit  naître 
la  multitude  d'ordres  religieux 
et  de  congrégations  que  l'oii  vit 
éclore  dans  le  temps  dont  nous 
parlons.  Les  esprits  une  fois  tour- 
nés de  ce  côté-là  ,  seroient  allés 
plus  loin,  si  le  concile  de  Latran  , 
tenu  l'an  i2i5  ,  n'avoit  défendu 
d'établir  de  nouveaux  ordres  reli- 


nEG  341 

gieux,  de  peur  que  leur  trop  grande 
diversité  ne  mît  de  la  confusion 
dans  l'Eglise. 

Plusieurs  séculiers,  sans  pren- 
dre l'habit  religieux  ,  formèrent 
aussi  des  associations  de  piété,  et 
s'unirent  entre  eux  pour  vaquer  à 
des  pratiques  de  dévotion;  mais  par 
le  défaut  d'instruction  et  de  lumiè- 
re, plusieurs  donnèrent  bientôt 
dans  l'illusion,  et  d'un  excès  de  piété 
tombèrent  dans  un  excès  de  liber- 
tinage. Tels  furent  ceux  que  l'on 
nomma  beggards ,  frérots  ou  fra- 
tricelles  ,  dulcinistes  ,  apostoli- 
ques ,  etc.  Ces  différentes  sectes 
n'avoien  t  entre  elles  aucune  liaison; 
elles  ne  se  ressembloient  que  par 
la  manière  dont  chacune  s'étoil 
égarée  de  son  côté. 

Il  faut  distinguer  des  beggards 
de  plusieurs  espèces.  Les  premiers 
furent  des  franciscains  austères 
que  l'on  appeloit  les  spirituels,  qui 
se  piquoient  d'observer  la  règle 
de  saint  François  dans  toute  la 
rigueur,  de  ne  rien  posséder  en 
propre  ni  en  commun ,  de  vivre 
d'aumônes  ,  d'être  couverts  de 
haillons,  etc.  Comme  ils  se  sépa- 
rèrent de  leur  ordre,  et  refusèrent 
d'obéir  à  leurs  supérieurs,  Boni- 
face  VIII  condamna  ce  schisme  vers 
l'an  i3oo.  Alors  ces  révoltés  se 
mirent  à  déclamer  contre  le  pape 
et  contre  les  évêques  ;  ils  annon- 
cèrent la  réformation  prochaine 
de  l'Eglise  par  les  vrais  disciples 
de  saint  François  ;  ils  adoptèrent 
les  rêveries  de  l'abbé  Joachim,  etc. 
Ils  attirèrent  dans  leur  parti  u« 
bon  nombre  de  frères  lais  du  tiers- 
ordre  de  saint  François,  que  l'o/i 
nommoït  fra/ricelles  ou  petits  frè- 
res, en  Italie  bizochi  ou  besaciers , 
en  France  béguins,  dans  les  Pays- 
Ras  et  en  Allemagne  beggards;  de 
là  tous  ces  noms  furent  donnes  à 
la  secte  en  général  :  comme  tous 
les  prédicants  ,  ils  en  imposèrent 
par  lcurextérieurmorlifié,etfircnt 
des  prosélytes. 


342  BEG 

Au  commencement  du  quator- 
zième siècle,  il  s'en  trouvoit  un 
grand  nombre  en  Allemagne  le 
long  du  Rhin,  surtout  à  Cologne  ; 
et  comme  leur  fanatisme  étoit  allé 
touj  ours  en  croissant,  leurs  erreurs 
se  réduisoient  à  huit  chefs  princi- 
paux. i.°  Ils  prétendoient  que 
l'homme  peut  acquérir  en  cette 
vie  un  tel  degré  de  perfection  , 
qu'il  devienne  impeccable  et  ne 
puisse  plus  croître  en  grâce. 

a."  Ceux  qui  sont  parvenus  à 
ce  degré,  n'ont  plus  besoin  de  prier 
ni  de  jeûner;  leurs  sens  sont  tel- 
lement assujétis  à  la  raison,  qu'ils 
peuvent  accorder  librement  à  leur 
corps  tout  ce  qu'il  demande. 

3.°  Parvenus  à  l'état  de  liberté, 
ils  ne  sont  plus  tenus  d'obéir  ,  ni 
d'observer  les  préceptes  de  l'Eglise. 

4.°  L'homme  peut  parvenir  ici- 
bas  à  la  parfaite  béatitude,  et  pos- 
séder le  même  degré  de  perfection 
qu'il  aura  dans  l'autre  vie. 

5.°  Toute  créature  intelligente 
est  naturellement  bienheureuse  , 
et  n'a  pas  besoin  de  la  lumière  de 
gloire  pour  voir  et  posséder  Dieu. 

6.°  La  pratique  des  vertus  est 
pour  les  âmes  imparfaites  ;  celles 
qui  ont  atteint  la  perfection,  sont 
dispensées  de  les  pratiquer. 

7.°  Le  simple  baiser  d'une  femme 
est  un  péché  mortel  ;  mais  le  com- 
merce charnel  avec  elle  n'en  est 
pas  un,  lorsque  l'on  est  tenté. 

8.°  Pendant  l'élévation  du  corps 
de  Jésus-Christ  ,  les  parfaits  ne 
sont  pas  obligés  de  se  lever,  ni  de 
lui  rendre  aucun  respect  ;  ce  seroit 
un  acte  d'imperfection  pour  eux 
de  se  distraire  de  la  contempla- 
tion, pour  penser  à  l'eucharistie 
ou  à  la  passion  de  Jésus-Christ. 
Voyet  Dupin  et  le  Père  Alexandre 
sur  le  quatorzième  siècle. 

Ces  erreurs  furent  condamnées 
dans  le  concile  général  de  Vienne 
sous  Clément  V,  en  i3ii;  mais 
cette  condamnation  n'étouffa  pas 
entièrement  l'erreur  ni  les  désor- 


BEG 

dres  qui  en  étoient  la  suite.  Ils 
subsistoient  encore  dans  le  quin- 
zième siècle.  Leurs  partisans  se 
nommoient  alors  les  frères  et  les 
sœurs  du  libre  esprit  ;  onlesappeloit 
en  Allemagneôeg'g'ards  etschivesirio- 
nes,  traduction  du  latin  sororius  ;  en 
Bohême  pigards  ou  picards  ;  en 
France  picards  et  turlupins.  Pour 
lors  ils  avoient  secoué  toute  honte; 
ils  disoient  que  l'on  n'est  parvenu 
à  l'état  de  liberté  et  de  perfection 
que  quand  on  peut  voir  sans  émo- 
tion le  corps  nu  d'une  personne 
de  sexe  différent  ;  par  conséquent 
ils  se  dépouilloient  de  leurs  habiU 
dans  leurs  assemblées  ,  ce  qui  leur 
fit  donner  le  nom  à^adamites.  Ziska, 
général  deshussites,  en  a  exterminé 
un  grand  nombre  l'an  1421.  Quel- 
ques-uns ont  donné  par  erreur 
le  nom  deyrères/?/carJs  aux hussites; 
mais  ces  deux  sectes  n'a  voient  rien 
de  commun. 

Au  dix-septième  siècle,  les  sec- 
tateurs de  Molinos  ont  renouvelé 
une  partie  des  erreurs  àcs  beggai'ds. 
C'en  est  assez  pour  nous  convain- 
cre que  les  anciens  Pères  de  l'Eglise 
n'en  ont  point  imposé,  lorsqu'ils 
ont  attribué  les  mêmes  égarements 
et  les  mêmes  turpitudes  aux  gnosti- 
ques.  Les  hommes  se  ressemblent 
dans  les  différents  siècles,  et  les  mê- 
mes passions  produisent  les  mêmes 
effets.  H/5/.  de  VEgl.  galUc.  ,  1.  36  , 
an  i3ii. 

BEGGHARDS  ,  BÉGUINS  ET 
BEGUINES  ,  sont  aussi  les  noms 
qu'on  a  donnés  aux  religieux  dû 
tiers-ordre  de  saint  François.  On 
les  appelle  encore  à  présent ,  dans 
les  Pays-Bas,  begghards;  parce  que 
long-temps  avant  qu'ils  eussent 
reçu  la  règle  du  tiers-ordre  de 
saint  François  ,  et  qu'ils  fussent 
érigés  en  communauté  régulière  , 
ils  en  formulent  déjà  dans  plusieurs 
villes,  vivoient  du  travail  de  leurs 
mains  ,  et  avoient  pris  pour  pa- 
tronne   sainte    Begghe   ,   fille    de 


15KG 

Pcpin-lc-Vicux ,  et  nii'rc  de  Popiii 
«le  Ilcrslal,  px'iiicesse  ([ui  londa  le 
monaslèrc  d'Aiidouuc,  s'y  relira  et 
y  mourut,  selon  Sigcberl,  en  692. 
A  Toulouse,  on  les  nomma  béguins, 
])arce  qu'un  nommé  lîarlhelemi 
Béchin  leur  avoit  donné  sa  maison 
{)Our  les  établir  dans  celle  ville.  De 
cette  conformité  de  nom ,  le  peuple 
ayantpris  occasion  de  leur  imputer 
les  erreurs  des  begghards  et  des 
icg-ums  condamnées  au  concile  de 
Vienne  ,  les  papes  Clément  V  et 
Benoît  Xll  déclarèrent ,  par  des 
bulles  expresses  ,  que  ces  religieux 
du  tiers-ordre  n'étoient  nullement 
l'objet  des  anatliémes  lancés  contre 

I  es  begghards  e  t  les  béguins  répand  us 
en  Allemagne.  Mosheim  dérive  les 
nomsbeggard,  béguin,  bégaite,bigoi^ 
du  vieux  mot  allemand  beggen  , 
demander  avec  importunité  ,  ou 
prier  avec  ferveur. 

BÉGUINE,  BÉGUINAGE.  C'est 
le  nom  qu'on  donne  dans  les  Pays- 
Bas  à  des  filles  ou  veuves  qui,  sans 
faire  de  vœux  ,  se  rassemblent  pour 
mener  une  vie  dévote  et  réglée. 
Pour  être  agrégé  au  nombre  des 
béguines  ,  il  ne  faut  qu'apporter 
suffisamment  de  quoi  vivre.  Le  lieu 
où  vivent  les  béguines  s'appelle 
béguinage  ;  celles  qui  l'habitent 
peuvent  y  tenir  leur  m.énage  en 
pafticulier,  ou  elles  peuvent  s'asso- 
cier plusieurs  ensemble.  Elles  por- 
tent un  habillement  noir ,  assez 
.semblable  à  celui  des  religieuses. 
Elles  suivent  de  certaines  régies 
générales,  et  font  leurs  prières  en 
commun  aux  heures  marquées  ;  le 
reste  du  temps  est  employé  à  tra- 
vailler à  des  ouvi-ages  d'aiguille,  à 
faire  de  la  dentelle  ,  de  la  brode- 
rie, etc.,  et  à  soigner  les  malades, 

II  leur  est  libre  de  se  retirer  du 
béguinage.  Elles  ont  aussi  une  su- 
/■iérieure,  qui  a  droit  de  comman- 
der,  et  à  qui  ei  1  es  son  t  tenues  d'obéir 
tant  qu'elles  demeureront  dans  l'é- 
tat de  béguines. 


liEL  343 

Il  y  a  dans  plusieurs  villes  des 
Pays-Bas  des  béguinages  si  vastes 
et  si  grands  ,  qu'on  les  prendroil 
pour  de  petites  villes.  AGand  ,  en 
Flandre,  il  y  en  a  deux,  le  grand  et 
le  petit,  dont  le  premier  peulcon- 
tenir  jusqu'à  huit  cents  béguines. 

11  ne  faut  pas  confondre  ces  bé- 
guines avec  certaines  femmes  nui 
étoient  tombées  dans  les  excès  des 
béguins  cl  des  bcggards ,  qui  furent 
condamnées  comme  hérétiques 
par  le  pape  Jean  XII,  et  dont  il  ne 
reste   aucun   vestige.    Vo/ez  Beg- 

GAR.DS. 

BÉHÉMOTH.  Ce  mot  signifie 
en  général  béte  de  somme  ,  et  toute 
espèce  de  grands  animaux.  Selon 
les  rabbins,  il  désigne  dans  le  livre 
de.  Job  un  bœuf  d'une  grandeur 
extraordinaire  ,  que  Dieu  a  créé 
pour  en  faire  un  grand  festin  aux 
Juifs  à  la  fin  dumonde  ou  à  la  venue 
du  Messie. 

Les  juifs  sensés  savent  bien  à 
quoi  s'en  tenir  sur  ce  conte  ;  ils  di- 
sent que  c'est  une  allégorie  qui 
désigne  la  joie  des  justes  ,  figurée 
par  ce  festin.  Cette  théologie  sym- 
bolique tient  quelque  chose  du  style 
des  anciens  prophètes  :  nous  en 
voyons  même  des  exemples  dans 
le  nouveau  Testament.  Mais  les 
rabbins  proposent  criiment  leurs 
allégories  ;  ils  y  ajoutent  des  cir- 
constances qui  les  rendent  le  plus 
souvent  ridicules  ,  et  le  commun 
des  Juifs  les  croit  sans  examen. 
Samuel  Bochard  a  montré  dans  la 
seconde  partie  de  son  Hieroz.,  l.V, 
c.  i5  ,  que  le  béhémoth  de  Job  est 
l'hippopotame  ou  cheval  marin. 

BÉLIAL.  L'Ecriture  nomme 
enfant  de  Bélial  les  méchants  ,  les 
impies  ,  les  hommes  sans  religion 
et  sans  mœurs.  Quelle  que  soit  l'é- 
tymologie  de  ce  mot  en  hébreu,  il 
est  synonyme  au  nequam  des  La- 
tins, et  au  terme  injurieux  de  i'a«- 
ne«.  Quelques-uns  prétendent  ç[ue 


344 


BF.N 


Bélialétoil  le  nom  d'une  jdol*»  Aes 
Sidoniens  ;  mais  il  uen  est  point 
question  dans  les  livres  saints  ;  ef. 
il  n'est  pas  sûr  que  quand  saint 
Paul  dit:  «  Quelle  société  y  a-t-il 
j>  entre  Jésus-Christ  et  Bélial  ?  » 
II.  Cor.,  c.  6,  f.  i5,  il  entend 
par-là  le  démon  :  cela  peut  signi- 
fier ,  quelle  société  y  a-t-il  entre 
Jésus-Christ  et  les  impies  ou  l'im- 
piété ? 

Voyez  les  Concordances  hébraï- 
ques. 

BÉNÉDICTINS  ,  BÉNÉDIC- 
TINES ,  ordre  célèbre  ,  fondé  par 
saint  Benoît, 

Mosheim  ,  qui  n'a  rien  négligé 
pour  décrier  les  ordres  monasti- 
ques ,  est  forcé  d'avouer  que  le 
dessein  de  saint  Benoît  fut  que  ses 
religieux  vécussent  pieusement  et 
paisiblement,  et  partageassent  leur 
temps  entre  la  prière,  l'élude,  l'é- 
ducation de  la  jeunesse,  et  les  autres 
occupations  pieuses  et  savantes. 
Hist.  ecclés.  du  sixième  siècle  , 
2.^  part.,  c.  2,  §  6.  Tel  est  en  effet 
l'esprit  et  le  plan  de  sa  règle.  Mais 
de  quel  front  ce  critique  a-t-il  pu 
avancer  que  déjà,  dans  ce  temps-là, 
l'Irlande  ,  la  Gaule  ,  rAllemagne 
et  la  Suisse  ,  étoient  couvertes  de 
couvents  remplis  de  moines  oisifs 
et  paresseux,  fanatiques  et  perdus 
de  débauches  t  II  est  prouve  par 
tous  les  monuments  du  sixième 
siècle  ,  que  les  moines  d'Irlande 
observoient  la  même  règle  que  ceux 
de  l'Orient  ,  partageoient  leur 
temps  entre  la  prière,  l'étude ,  les 
missions,  le  travail  des  mains  ,  ou 
la  culture  de  la  terre  ;  que  les  mo- 
nastères étoient  autant  d'écoles 
où  l'on  accouroit  pour  s'instruire; 
qu'un  grand  nombre  des  abbés  qui 
les  ont  gouvernés  ,  et  des  évêques 
qui  en  sont  sortis,  ont  été  placés 
par  les  peuples  au  nomibre  des 
saints.  C'est  de  là  que  saint  Colom- 
ban  apporta  dans  les  Gaules,  dans 
rAllemagne  et  dans  la   Suisse  la 


BEN 

vie  monastique.  Il  est  prouvé  par 
lesouvragesdecesaint  moine,  qu'il 
avoit  l'esprit  très-cultivé  ,  et  qu'il 
établit  dans  les  couvents  qu'il  fonda 
la  même  discipline  qui  régnoi  t  dans 
ceux  d'Irlande.  Ce  sont  ses  disci- 
ples qui  ont  défriché  les  solitudes 
dans  lesquelles  saint  Colomban  les 
établit ,  pendant  que  des  conqué- 
rants farouches  ravageoient  les 
Gaules,  et  portoient  la  désolation 
partout.  En  quel  sens  ces  pieux 
solitaires  peuvent-ils  être  appelés 
des  hommes  oisifs  ,  paresseux,  fa- 
natiques ou  perdus  de  débauches? 
Saint  Benoît  et  saint  Colomban 
étoient  donc  animes  du  même  es- 
prit ,  ont  travaillé  sur  le  même 
plan  ,  et  ont  produit  les  mêmes 
effets  ;  ils  n'auroient  pas  eu  des 
succès  si  prodigieux,  s'ils  avoient 
été  tels  que  Mosheim  veut  peindre 
les  moines  :  de  quoi  auroient  vécu 
les  troupes  de  solitaires  qu'ils  ont 
rassemblés  ,  si  ceux-ci  n'avoienl 
pas  été  très-laborieux  ?0n  ne  leur 
donnoit  alors  ni  des  terres  culti- 
vées ,  ni  des  colons  pour  les  faire 
valoir,  puisqu'ils  se  plaçoient  tous 
dans  les  déserts.  Mais  les  censeurs 
de  la  vie  monastique  demandent. 
Pourquoi  renoncer  aux  affaires  de 
la  société,  aux  devoirs  et  aux  obli- 
gations de  la  vie  civile,  pour  aller 
passer  sa  vie  dans  la  solitudePPour- 

quoi  ? Pour  se  soustraire  au 

brigandage  des  tyrans  et  des  guer- 
riers qui  ravageoient  tout,  qui  ce- 
pendant respectoient  encore  les 
moines  dont  la  vie  les  étonnoit,  et 
dont  les  vertus  leur  en  imposoient. 
Pour  vivre  dans  la  société  civile  , 
si  cependant  il  y  avoit  encore  une 
société,  il  falloit  ou  faire  violence 
ou  la  souffrir  ;  des  âmes  paisibles 
et  vertueuses  ne  pouvoient  se  ré- 
soudre ni  à  l'un  ni  à  l'autre,  elles 
fuyaient  au  loin. 

Mosheim  prélend  que  dans  la 
suite  des  temps  les  disciples  de  saint 
Benoît  dégénérèrent  honteusemen t 
de  la  piété  de  leur  fondateur;  que. 


devenus  riches  par  la  libéralité  des 
personnes  opulentes  ,  ils  se  livrè- 
rent au  luxe  ,  à  rinlempcrance  cl 
à  roisivetc  ;  ils  se  mêlèrent  des 
affaires  séculières  ,  se  glissèrent 
dans  les  cours  ,  multiplièrent  les 
superstitions  ,  travaillèrent  avec 
ardeur  à  augmenter  Tarrogance 
et  l'autorité  du  pontife  romain. 
Mais  il  avoue  que  saint  Benoît  ne 
pouvoit  pas  prévoir  que  l'on  pef- 
vertiroit  à  ce  point  le  but  de  son 
institution,  et  qu'il  n'autorisa  ja- 
mais cet  abus. 

Voilà  donc  déjà  le  saint  fonda- 
teur à  couvert  de  tous  reproches;  ses 
disciples  sont-ils  aussi  coupables 
qu'on  le  prétend  !*  On  leur  lait  d'a- 
bord le  procès  par  une  contradic- 
tion; on  les  blâme  d'avoir  quitté 
le  monde,  et  ensuite  d'y  être  ren- 
trés ;  ou  les  accuse  de  fanatisme , 
pouravoirembrassé  une  vie  pauvre 
et  laborieuse  ;  de  luxe,  d'intempé- 
rance, et  de  toutes  sortes  de  vices, 
pour  avoir  rendu  leurs  services 
aux  princes  qui  les  appeloient  au- 
près d'eux.  Que  dévoient  faire  les 
moines  ? 

Ils  dégénérèrent  dans  la  suite  des 
temps,  nous  le  savons  ;  mais  en  quel 
temps  ,  et  pourquoi .''  Lorsque  les 
seigneurs,  après  avoir  pillé  tous  les 
biens  profanes  ,  voulurent  encore 
envahir  les  biens  sacrés  ,  dépouil- 
lèrent les  monastères,  vendirent  les 
abbayes,  y  placèrent  leurs  enfants 
et  leurs  créatures,  dispersèrent  les 
moines,  leur  ôtèrent  la  liberté  de 
servir  Dieu,  d'observer  leur  règle 
et  de  vivre  selon  l'esprit  de  leur  état. 
Nous  voudrions  savoir  si  les  vertus 
sublimes  de  leurs  accusateurs  se  se- 
roient  long-temps  soutenues  dans 
une  pareille  confusion.  Avant  de 
décider  si  les  moines  multiplièrent 
les  superstitions,  il  faudroit  savoir 
si  toutes  les  pratiques  qu'il  plaît 
aux  protestants  d'appeler  super- 
stitieuses, le  sont  en  effet.  Nous  ne 
doutons  pas  que  ,  réduits  à  la  mi- 
sère, à  l'ignorance,  à  l'impossibilité 


BEN  345 

de  s'instruire  comme  autrefois  , 
les  moines  n'aient  quelquefois  em- 
ployé quelques  fraudes  pieuses 
pour  en  imposer  aux  brutaux  dont 
ils  redoutoient  la  rapacité  et  la 
violence  ;  ils  ont  mal  fait ,  sans 
doute;  mais  leur  crime  est  du  moins 
diminué  par  les  tristes  circon- 
stances dans  lesquelles  ils  se  trou- 
voienl.  Ils  travaillèrent  à  aug- 
menter l'autorité  des  souverains 
pontifes  dans  un  temps  où  cette 
autorité  étoil  devenue  absolument 
nécessaire  pour  réprimer  les  at- 
tentats de  la  multitude  des  tyrans 
qui  désoloient  l'Eglise  aussi-bien 
que  la  société  civile.  Si  c'est  un 
crime  aux  yeux  des  protestants,  ce 
n'en  est  pas  un  selon  l'avis  des 
hommes  sensés. 

Nous  traiterons  plus  amplement 
cette  matière  à  l'article  Moine. 

BÉNÉDICTION.  Bemr,  c'est 
souhaiter  ou  prédire  quelque  chose 
d'heureuxà  une  personnes  laquelle 
on  veut  du  bien  ;  ainsi  nous  voyons, 
dans  l'histoire  sainte,  des  patriar- 
ches au  lit  de  la  mort  bénir  leurs 
enfants,  leur  souhaiter  et  leur  pré- 
dire les  bienfaits  de  Dieu. 

Sous  la  loi  de  Moïse ,  il  y  avolt 
des  bénédictions  solennelles  que  les 
prêtres  donnoient  au  peuple  dans 
certaines  cérémonies. Moïse  dit  au 
grand  prêtre  Aaron  :  «  Quand  vous 
»  bénirez  les  enfants  d'Israël,  vous 
»  direz:  Quele  Seigneur  fasse  briller 
»  sur  vous  la  lumière  de  son  visage, 
»  qu'' il  ait  pitié  de  vous,  qu'' il  tourne 
»  sa  face  vers  vous  ,  et  qu'il  vous 
»  donne  sa  paix,  u  Num. ,  c.  6  , 
^ .  24.  Le  pontife  prononçoit  ces 
paroles  debout ,  à  voix  haute,  les 
mains  étendues  et  les  yeux  élevés 
vers  le  ciel.  Les  prophètes  et  les 
hommes  inspirés  donnoient  aussi 
des  bénédictions  aux  serviteurs  de 
Dieu  et  au  peui)lc  du  Seigneur. 
Les  psaumes  sont  remplis  de  béné- 
dictions ou  souhaits  heureux  en 
faveur  des  Israélites. 


346  BEIN 

Dieu  ordonna  que  quand  ce  peu- 
ple seroit  arrivé  dans  la  Terre  pro- 
mise ,  on  le  rassemblât  entre  les 
montagnes  d'Hébal  et  de  Garizim  ; 
que  sur  celle-ci  on  prononçât  des 
bénédictions  pour  ceux  qui  obser- 
veroient  la  loi  ,  et  sur  l'autre  des 
malédictions  contre  les  prévarica- 
teurs :  c'est  ce  qui  fut  exécuté  par 
Josué,  c.  8,  ^'.  33. 

Dans  le  christianisme,  les  béné- 
dictions se  donnent  par  le  signe  de 
la  croix ,  pour  faire  souvenir  les  fi- 
dèles que  les  bienfaits  deDieuleur 
sont  accordés  par  les  mérites  de  la 
mort  de  Jésus-Christ,  comme  l'en- 
seigne saint  Paul,  J?/?//.,  c.  i,y.3. 

BÉNÉDICTION  ,  dans  l'Ecriture 
sainte ,  signifie  souvent  bienfaits  , 
les  présents  que  se  font  les  amis  ; 
parce  qu'ils  sont  ordinairement 
accompagnés  de  souhaits  heureux 
de  la  part  de  ceux  qui  les  donnent 
et  de  ceux  qui  les  reçoivent.  Gen. , 
c.  23  ,  ^.  2  ;  Josue,  c.  i5  ,  y.  19  ; 
J.  Reg.  ,  c.  25  ,  yJ'.  27  ,  etc.  Dans 
ce  sens  les  bienfaits  de  Dieu  sont 
Sl^^çXqs  bénédictions,  lorsqu'on  dit  : 
Que  le  Seigneur  vous  bénisse,  c'est- 
à-dire,  qu'il  vous  fasse  du  bien. 

BÉNÉDICTION  signifie  encore 
abondance.  «  Celui,  dit  saint  Paul, 
»  qui  sème  avec  épargne,  moisson- 
»  nera  peu  ;  et  celui  qui  sème  en  bé- 
»  nédiction  ou  en  abondance,  mois- 
»  sonnera  en  bénédiction....  Que  la 
»  bénédiction  ou  l'aumône  que  vous 
»>  avez  promise  soit  toute  prête,  et 
»  qu'elle  soit,  comme  elle  est  véri- 
»  tablement ,  une  bénédiction ,  et 
»  non  un  don  de  l'avarice.  "JJ.Cpr., 
c.  9  ,  j^.  5  et  6.  Jacob  souhaite  à 
son  fils  Joseph  les  bénédictions  du 
ciel,  c'est-à-dire,  la  pluie  et  la  rosée 
eu  abondance  ,  les  bénédictions  des 
entrailles  et  de5  mamelles,  ou  la  fé- 
condité des  femmes  et  des  animaux. 
Gen.  ,  c.  49  ,  S'  i5.  Le  psalmisle 
dit  au  Seigneur  :  Vous  remplissez 
toute  créature  vivante  de  bénédic- 
iion,ou.  de  l'abondance  de  vos  biens. 
Ps.  144,  f.  16. 


BEN 

Bénir  est  quelquefois  employé 
par  antiphrase  pour  maudire.  Les 
faux  témoins  apostés  contre  Na- 
both  ,  l'accusèrent  d'avoir  béni 
Dieu  et  le  Moi ,  d'avoir  mal  parlé 
de  l'un  et  de  l'autre.  JH.  Reg.  , 
c.  21  ,  S-  i3. 

BÉNÉDICTION  DE  l'Eglise.  Quand 
on  se  rappelle  la  multitude  des 
superstitions  du  paganisme  ,  et  la 
nécessité  d'en  déshabituer  les  nou- 
veaux fidèles  ;  quand  on  sent  com- 
bien il  est  important  de  rappeler 
aux  hommes  que  tous  les  biens  de 
ce  monde  sont  des  dons  de  Dieu  , 
qu'il  faut  en  faire  un  usage  modéré, 
que  Dieu  ne  nous  les  accorde  pas 
pour  nous  seuls,  etc.;  on  conçoit 
pourquoi  l'Eglise  a  institué  des  for- 
mules de  bénédictions  de  toute  es- 
pèce,  pourquoi  elle  bénit  les  mai- 
sons et  les  campagnes,  les  fontaines 
et  les  rivières  ,  les  animaux  et  les 
aliments,  etc. 

Le  commun  des  païens  croj'oit 
que  toutes  les  parties  de  la  nature 
étoient  animées  par  des  esprits  ou 
génies  qu'ils  adoroicnt;  les  philo- 
sophes, défenseurs  de  l'idolâtrie  , 
soutenoient  que  les  aliments  et  les 
autres  choses  usuelles  cloient  un 
présent  de  ces  génies  ou  démons  ; 
les  marcionites  et  les  manichéens 
prétendoient  que  tous  les  corps 
avoient  été  formés  par  un  mauvais 
principe  ennemi  de  Dieu.  Pour 
combattre  toutes  ces  erreurs  et  en 
désabuser  les  fidèles  ,  rien  n'étoit 
plus  convenable  quel  es  ie/2e£?/c/io«s 
de  l'Eglise.  «  Toute  créature  de  Dieu 
»  est  bonne ,  dit  saint  Paul  ;  elle 
»  est  sanctifiée  par  la  parole  de  Dieu 
»  et  par  la  prière.  »  I.  Tim. ,  c.  4  , 
y .  4  et  5.  Or,  les  bénédictions  sont 
des  prières  ;  c'est  donc  ici  un  usage 
apostolique. 

Dans  les  grandes  villes ,  où  l'on 
se  débarrasse  tant  que  l'on  peut  de 
l'extérieur  de  la  religion,  où  l'on 
traite  de  déi>otions  populaires  les 
pratiques  les  plus  louables ,  on  a 
perdu  l'usage  dont  nous  parlons}. 


«EN 

mais  le  peuple  des  campagnes,  qui 
se  sent  plus  immédialeraenlsous  la 
main  de  Dieu  ,  qui  voit  souvent  sa 
fortune  et  ses  espérances  détruites 
par  un  lléau;  qui  conçoit  que  rien 
ne  peut  prospérer  si  Dieu  n'y  raict 
la  main,  recourt  plus  souvent  aux 
prières  de  l'Eglise,  y  ajoute  des 
bonnes  œuvres  ,  des  aumônes  , 
quelque  service  rendu  aux  pau- 
vres ,  etc.  La  religion  conserve 
ainsi  et  nourrit  en  lui  les  senti- 
ments d'humanité. 

L'usage  qui  a  toujours  été  obser- 
vé dans  l'Eglise  catholique  de  bénir 
et  de  consacrer  tout  ce  qui  sert  au 
culte  divin,  les  habits  sacerdo- 
taux ,  les  linges  et  les  vases  de  l'au- 
tel, les  édifices  mêmes  dans  lesquels 
on  célèbre  les  saints  mystères  ,  est 
un  témoignage  de  sa  foi  :  par  là  elle 
fait  voir  la  haute  idée  qu'elle  a  de 
ces  mystères  mêmes  par  lesquels  le 
Fils  de  Dieu  daigne  se  rendre  réel- 
lementpréscnt  parmi  nous. Comme 
les  protestants  se  sont  départis  de 
cette  croyance  ancienne  et  univer- 
selle ,  il  leur  a  fallu  supprimer  tout 
cet  appareil  extérieur  qui  déposoit 
contre  eux. 

Mais  ils  ne  sont  pas  venus  à  bout 
de  prouver  que  les  bénédictions 
étoient  d'une  institution  moderne  ; 
la  plupart  se  trouvent  dans  le  Sa- 
cramentaire  de  saint  Grégoire  ; 
celui-ci  étoit,dans  le  fond,  le 
même  que  celui  du  pape  Gélase  , 
qui  vivoit  au  cinquième  siècle,  et 
ce  pape  n'en  étoit  pas  le  premier 
auteur.  Aussi  sont-elles  encore  usi- 
tées chez  les  différentes  sectes  de 
chrétiens  orientaux  ,  séparés  de 
l'Eglise  romaine  depuis  plus  de 
douze  cents  ans.  Les  protestants 
qui  ,  malgré  l'autorité  de  saint 
Paul  ,  traitent  toutes  ces  cérémo- 
nies de  superstitions  ,  auroient 
dii  commencer  par  faire  voir  en 
quoi  elles  sont  opposées  à  la 
vraie  piété ,  à  la  confiance  en  Dieu , 
à  la  reconnoissance  ,  à  l'obéis- 
sante ,  etc. 


BEN  347 

BÉNÉFICE.  Nous  laissons  aux 
canonistcs  le  soin  de  rechercVicr 
l'origine ,  la  nalure  ,  les  différentes 
espèces  de  bénéfices  ,  la  manière 
dont  ils  peuvent  être  remplisou  va- 
cants,  etc.  ;  il  suffit  à  un  théologien 
d'observer  que  tout  revenu  ecclé- 
siastique est  essentiellement  atta- 
ché à  un  office  ou  à  un  service 
quelconque  rendu  à  l'Eglise,  selon 
la  maxime  :  Bcneficiuni  propter  nf- 
ficiuni.  Que  ce  service  consiste  en 
prières,  en  travaux  apostoliques  , 
en  fonctions  d'ordre  ou  de  juridic- 
tion ,  cela  est  égal  ;  l'obligation  de 
les  acquitter  est  la  même  ,  on  ne 
peut  autrement  avoir  droit  de  per- 
cevoir le  revenu  qui  y  est  attaché. 
Ce  revenu  n'est  point  une  aumône 
qui  n'oblige  à  rien,  mais  un  salaire; 
ce  n'est  point  un  bienfait  pur,  ni 
une  substance  gratuite  :  c'est  une 
solde  ,  un  honoraire  payé  à  titre 
de  justice. 

De  là  s'ensuit,  i.°  l'obligation 
d'acquitter  ces  fonctions  par  soi- 
merac ,  quand  on  le  peut ,  et  non 
par  d'autres  ;  par  conséquent  de 
résider.  2 .°  De  distribuer  aux  pau- 
vres le  superflu  du  revenu ,  c'est-à- 
dire  ,  tout  ce  qui  excède  le  né- 
cessaire convenable  ;  parce  que 
l'intention  delEgliseestde  nourrir 
sç-s  serviteurs,  et  non  de  les  enri- 
chir. 3.°  De  se  contenter  d'un  seul 
bénéfice,  lorsqu'il  suffit  pour  four- 
nir au  possesseur  une  subsistance 
honnête. 

Cette  morale  rapprochée  de 
l'usage  actuel  paroîtra  peut  -  être 
sévère  ;  mais  les  abus  invétérés,  les 
subtiles  distinctions  des  casuistes, 
les  prétextes  delà  cupidité,  l'exem- 
ple ni  l'autorité  ,  ne  prescriront 
jamai.s  contre  l'évidence  des  devoirs 
d'un  bénéficier.  Us  sont  fondés  sur 
la  loi  naturelle,  sur  la  loi  divine, 
sur  les  lois  ecclésiastiques  les  plus 
anciennes,  en  particulier  sur  les 
décrets  du  concile  de  Trente.  Si 
l'Eglise  réunissoit  le  pouvoir  coac- 
lif  à  l'autorité  législative,  elle  for- 


348 


BEN 


ceroit  certainement  les  bénéGciers 
à  exécuter  ce  qu'elle  leur  ordonne. 

Si  les  bénéfices  simples  ont  été. 
trop  multipliés ,  ce  n'est  pas  à  l'E- 
glise qu'il  faut  s'en  prendre.  L'am- 
bition des  séculiers  ,  la  vanité  du 
droit  de  patronage  ,  l'orgueil  des 
grands  qui  veulent  avoir  des  ecclé- 
siastiques àleurs  ordres,  la  mollesse 
qui  trouve  le  culte  public  trop  pé- 
nible ,  et  préfère  sa  commodité  à 
la  communion  des  saints  ,  des  dé- 
votions ou  des  restitutions  mal  en- 
tendues ,  etc.  :  voilà  les  sources 
ordinaires  des  abus.  L'Eglise  a  beau 
faire  des  lois  ,  les  passions  trouve- 
ront toujours  plus  de  moyens  de 
les  éluder  ,  que  l'autorité  la  plus 
active  n'en  trouvera  pour  les  faire 
exécuter. 

C'est  aujourd'hui  une  question 
de  savoir  si ,  de  droit  naturel  et  de 
droit  divin ,  les  ministres  de  l'E- 
glise sont  habiles  ou  inhabiles  à 
posséder  des  biens;  autrefois  le  sim- 
ple doute  sur  ce  point  auroit  paru 
absurde. 

En  effet ,  selon  les  principes  de 
'  l'équité  naturelle,  tout  homme  dé- 
voué au  service  du  public  a  droit 
d'en  recevoir  la  subsistance ,  quelle 
que  soit  la  nature  des  fonctions 
qu'il  est  chargé  de  remplir  ;  tel  a 
été  et  tel  est  encore  le  sentiment  de 
tous  les  peuples  du  monde  :  mais 
parmi  nos  jurisconsultes  moder- 
nes ,  quelques-uns  ont  trouvé  bon 
de  douter  s'il  est  de  la  justice  d'ali- 
menter des  hommes  préposés  pour 
présider  au  culte  divin,  pour  don- 
ner des  leçons  demorale  et  de  vertu, 
pour  instruire  les  ignorants,  pour 
corriger  les  pécheurs  ,  pour  assis- 
ter les  pauvres  et  les  malades.  Ce- 
pendant l'on  n'a  pas  mis  en  question 
si  les  ecclésiastiques  sont  obligés  en 
conscience  d'exercer  leurs  fonc- 
tions ;  l'on  a  supposé,  avec  raison, 
qu'ils  y  sont  tenus  par  justice  ;  et 
lorsqu'ils  y  manquent,  on  sait  bien 
le  leur  reprocher.  Puisque  toute 
obligation  de  justice  est  récipro- 


BEN 

que  ,  il  est  difficile  de  concevoir 
comment  le  public  peut  être  exempt 
de  celle  de  pourvoir  à  la  subsistance 
de  ceux  qui  le  servent. 

Il  n'est  donc  pas  vrai  que  la 
subsistance  accordée  aux  ministres 
de  l'Eglise  soit  une  pure  aumône, 
une  franche  aumône,  comme  il  plaît 
à  certains  canonistes  de  la  nommer. 
L'aumône  n'engage  à  rien  le  pau- 
vre qui  la  reçoit;  c'est  un  don  de 
charité  ,  un  secours  purement  gra- 
tuit, quoique  commandé  par  la  loi 
de  Dieu  naturelle  et  positive  ;  la 
solde,  au  contraire,  la  rétribution, 
l'honoraire ,  que  perçoit  un  minis- 
tre de  l'Eglise,  lui  imposent  le  de- 
voir rigoureux  d'exercer  ses  fonc- 
tions pour  l'avantage  spirituel  des 
fidèles  :  c'est  de  part  et  d'autrey'ws- 
tice,  et  non  charité. 

Jésus-Christ  qui  est  venu  sur  la 
terre,  non  pour  détruire  ou  pour 
changer  le  droit  naturel,  mais  pour 
lefaire mieux  connoître,  n'y  apoint 
dérogé  sur  ce  point:  il  s'est  borné 
à  prévenir  les  abus.  Après  avoir 
donnéàses  disciples  le  pouvoir  d'o- 
pérer des  miracles  pour  prouver 
leur  mission  ,  il  leur  dit  :  «  Vous 
»  avez  reçu  gratuitement  ces  dons  , 
»  accordez-les  gratuitement. N'ayez 
»  ni  or ,  ni  argent ,  ni  monnoie  , 
j>  ni  provisions  pour  vos  voyages, 
»  ni  habit  double  ,  ni  chaussure , 
»  ni  arme  pour  vous  défendre;  Tou- 
»  vrîer  est  digne  de  sa  nourriture.  » 
Maith.  ,  c.  lo ,  /.  8.  Il  ne  leur  dé- 
fend donc  pas  de  recevoir  leur 
subsistance ,  mais  de  vendre  leurs 
fonctions  et  d'en  faire  commerce 
pour  s'enrichir.  Il  les  assure  que 
cette  subsistance  ne  leur  manquera 
jamais."  Lorsque  je  vous  ai  envoyés 
»  sans  argent ,  sans  provisions  et 
»  sans  habits,  avez -vous  manqué 
»  de  rien  i*  Non  ,  répondirent  les 
I)  disciples.  »  Luc.  ,  c.  22  ,  Jf .  35. 

«  N'avons-nous  pas  droit,  disoit 
»  saint  Paul ,  de  recevoir  notre 
»  nourriture  ?...  Qui  porta  jamais 
»  les  armes  à  ses  dépens  ?..,  Celui 


BEIN 

-!>  qui  cnllivc  la  terre  cl  celui  qui 
»  foule  le  grain  ,  le  font  dans  l'cs- 
»  pérancc  d'en  recueillir  le  fruit  : 
»  si  nous  avons  semé  parmi  vous 
»  les  dons  spirituels  ,  est-  ce  une 
»  grande  récompense  d'en  recevoir 
»  quelques  dons  temporels  P...Ceux 
»  qui  sont  occupés  dans  le  lieu  saint 
»  vivent  de  ce  qui  est  offert ,  et 
»  ceux  qui  servent  à  l'autel  parti- 
»  cîpent  au  sacrifice  :  ainsi ,  le  Sei- 
»  gneur  a  réglé  que  ceux  qui  an- 
»  noncent  l'Evangile  vivroient  de 
»  l'Evangile  ;  mais  je  n'ai  jamais 
»  usé  de  ce  droit.  »  J.  Cor.  ,  c.  g  , 
y^.  4-  En  effet,  cet  apôtre  travail- 
loit  de  ses  mains,  afin  de  n'être  à 
charge  à  personne,  ^c<.,c.20.^'.34; 
mais  il  n'en  fît  jamais  une  loi  aux 
autres  prédicateurs  de  l'Evangile. 
Lorsque  les  vaudois  et  les  -sviclé- 
fites  soutinrent  qu'il  n'étoit  pas 
permis  aux  ministres  de  l'Eglise  de 
rien  posséder  ,  ils  furent  condam- 
nés par  les  conciles  généraux  de 
Latran  et  de  Constance  ;  mais  les 
ennemis  du  clergé  ont  toujours  fait 
profession  de  mépriser  les  censures 
de  l'Eglise. 

Que  la  manière  de  pourvoir  à  la 
subsistance  des  ecclésiastiques  ait 
varié ,  qu'on  leur  ait  accordé  ou 
les  oblations  ,  ou  la  dîme  ,  ou  des 
fonds  ,  cela  est  indifférent,  et  cela 
ne  change  rien  à  la  nature  de  leur 
droit.  Sur  ce  point,  comme  sur 
tous  les  autres  ,  la  discipline  s'ac- 
commode aux  circonstances ,  aux 
révolutions,  aux  besoins  ou  aux  in- 
convénients qui  peuvent  survenir; 
la  loi  naturelle  et  la  loi  divine  po- 
sitive demeurent  les  mêmes. 

Il  y  a  des  preuves  certaines  qu'a- 
vant le  quatrième  siècle ,  et  avant 
la  conversion  des  empereurs ,  les 
Eglises  chrétiennes  possédoient  dé- 
jà des  fonds  ,  puisqu'ils  furent 
confisqués  par  Dioclétien  et  par 
Maximien  ,  l'an  3o2  ;  ils  furent  res- 
titués en  vertu  de  l'édit  de  Con- 
stantin et  de  Licinius,  en  3i3. 
Eusébe  ,  Vr'e  de  Const. ,  1.  a ,  c.  Sg.  | 


«EN  349 

Laclancc,  de  Mort,  pcrfcc.  ,  r.  48. 
Julien  s'en  empara  de  nouveau 
après  sa  mort  ,  ils  lurent  rendus. 
A  ces  preuves,  qui  nous  parois- 
sent  claires,  on  oppose,  1."  que 
Josus-Christ  a  ordonné  à  ses  apô- 
tres d'exercer  leur  ministère  gra- 
tuitement ;  mais  nous  venons  de 
voir  qu'en  même  temps  il  leur  at- 
tribue le  droit  à  une  subsistance. 
Vendre  des  fonctions  et  des  dons 
surnaturels,  les  mettre  à  prix ,  vou- 
loir en  faire  payer  la  valeur  ,  c'est 
une  profanation  ,  c'est  le  crime  que 
saint  Pierre  reprocha  à  Simon  le 
magicien  ,  qui  vouloit  acheter  des 
apôtres ,  à  prix  d'argent  ,  le  pou- 
voir de  donner  le  Saint-Esprit. 
Mais  une  solde ,  un  honoraire,  une 
subsistance  accordée  à  un  homme 
occupé  de  quelques  fonctions,  n'est 
ni  un  prix ,  ni  un  paiement  de  ces 
fonctions  ;  le  prix  est  relatif  à  la 
valeur  de  la  chose;  l'honoraire  est 
attaché  à  la  place  et  à  la  personne  ; 
il  est  é^al  pour  tous  ceux  qui  exer- 
cent telle  fonction  ,  quoique  leur 
mérite  personnel,  leurs  talents, 
leurs  services  soient  fort  inégaux. 
Quand  on  dira  qu'un  médecin  vend 
la  santé ,  qu'un  avocat  et  un  ma- 
gistrat font  commerce  de  la  justice, 
qu'un  militaire  met  sa  vie  à  prix  , 
qu'un  officier  public  trafique  de 
ses  services  ,  etc.  ;  ces  expressions 
de  mépris ,  que  la  malignité  in- 
vente ,  et  auxquelles  la  sottise  ap- 
plaudit, ne  changeront  pas  la  na- 
ture des  choses,  et  n'aviliront  pas 
des  fonctions  respectables  d'ail- 
leurs. 

2.°  Une  seconde  objection  est 
que  Jésus-Christ  a  défendu  à  ses 
apôtres  de  rien  posséder  ;  mais  il  les 
avertit  en  même  temps  que  tout 
ouvrier  est  digne  de  recevoir  sa 
subsistance  ;  il  a  donc  imposé  aux 
fidèles  l'obligation  delà  fournir  aux 
ouvriers  évangéliques.  La  manière 
de  satisfaire  à  ce  devoir  a  dii  être 
relative  aux  circonstances. Les  apô- 
tres, envoyés  pour  prêcher  l'Evan- 


35o  BSN 

gile  à  toutes  les  nations,  ne  pour 
voientpas  être  sédentaires  dans  une 
seule  église  ;  mais  ils  ont  établi  dans 
chacune  des  pasteurs  en  titre,  aux- 
fjuels  les  fidèles  ont  du  assigner  nnc 
subsistance  fixe  et  assurée  :  c'est  ce 
qui  a  fait  établir  les  bénéfices. 

3.°  L'on  a  soutenu  que  la  rétri- 
bution diie  aux  ministres  de  l'Eglise 
e5t  tout  au  plus  une  aumône,  et  que 
la  possession  des  biens-fonds  en 
changeroit  la  nature.  Nous  avons 
fait  voir  que  c'est  un  honoraire,  tel 
que  celui  qu'on  accorde  aux  magis- 
trats ,  aux  médecins,  aux  militaires 
et  à  tous  les  officiers  publics  :  or, 
celui-ci  n'est  pas  une  aumône, 

4.°  L'on  a  posé  pour  maxime 
que  l'Eglise  est  un  corps  étranger 
à  l'état ,  qu'il  est  donc  inhabile  à 
posséder  aucun  bien.  Gomme  par 
VB-glise  on  entend  sans  doute  les 
ecclésiastiques,  nous  ne  comprenons 
pas  comment  un  corps  de  citoyens 
occupés  à  servir  le  public ,  soumis 
aux  lois  civiles ,  qui  porte  sa  part 
des  charges  communes  par  les  ser- 
vices qu'il  rend ,  peut  être  étranger 
à  l'état.  Il  n'est  pas  plus  étranger 
que  le  corps  des  militaires  ;  et  lors- 
que nos  rois  accordèrent  à  ceux-ci 
des  fiefs  pour  leur  tenir  lieu  de  sol- 
de ,  nous  ne  voyons  pas  qu'ils  aient 
dérogé  au  droit  naturel.  Quand  le 
clergé  seroit  un  corps  d'étrangers, 
commentprouvera-t-on  qu'ils  sont 
inhabiles  à  posséder  des  fonds  ,  dès 
qu'ils  rendent  un  service  habituel, 
et  dès  que  le  souverain  et  la  nation 
leur  ont  assigné  ces  fonds  pour  sa- 
tisfaire à  l'obligation  naturelle  de 
les  sustenter  i*  Les  régiments  étran- 
gers ont-ils  moins  de  droit  à  une 
solde  que  les  nationaux  P 

5.0  Pour  prouver  que  l'Eglise 
est  incapable  de  posséder,  l'on  a 
fait  remarquer  qu'elle  ne  peut  pas 
aliéner  ses  fonds,  que  la  propriété 
lui  est  mutile  ;  que  c'est  donc  le 
souveiain  et  la  nation  qui  sont  les 
vrais  propriétaires  des  biens  de 
l'Eglise.  Sans  disputer  sur  la  na- 


BEN 

ture  des  différentes  propriétés,  il 
nous  suffit  de  prouver  que  les 
ecclésiastiques  ont,  de  droit  natu- 
rel, l'usufruit  perpétuel  des  biens 
de  l'Eglise  ,  parce  que  leur  service 
est  perpétuel.  Le  droit  d'aliéner 
ces  biens  seroit  directement  con- 
traire au  but  pour  lequel  ils  ont 
été  donnés  ,  qui  est  de  subvenir  à 
un  besoin  perpétuel,  et  de  remplir 
une  obligation  de  justice  qui  ne 
cesse  point.  Cette  espèce  de  pro- 
priété n'est  point  inutile  ,  puis- 
qu'elle met  les  ministres  de  l'Eglise 
à  couvert  du  danger  de  manquer 
de  subsistance,  et  qu'elle  les  engage 
à  rendre  meilleurs  des  fonds  dont 
ils  savent  que  la  possession  ne 
leur  sera  point  ôtée.  Il  nous  paroît 
absurde  d'attribuer  au  souverain 
et  à  la  nation  une  prétendue  pro- 
priété dont  ils  ne  peuvent  légiti- 
mement faire  usage  que  pour  in- 
vestir un  successeur  du  même 
droit  que  son  prédécesseur. 

6.°  Quelques  -  uns  ont  avancé 
que,  du  moins  en  î^rance,  les  ec- 
clésiastiques sont  inhabiles  à  pos- 
séder des  fonds  ,  parce  que  ce  sont 
nos  rois  qui  ont  doté  les  églises. 
Il  est  dit,  dans  le  premier  concile 
d'Orléans  tenu  l'an  607,  can.  i  et  5, 
que  Clovis  a  donné  des  terres  aux 
églises,  qu'il  a  concédé  aux  clercs 
l'immunité  réelle  et  personnelle. 
Conséquemment  le  concile  règle 
l'usage  que  l'on  doit  faire  des 
revenus 

Mais  si  Clovis  a  donné  des  terres 
aux  églises,  ce  sont  donc  les  égli- 
ses qui  les  possèdent  ;  autrement 
le  don  seroit  illusoire.  De  même, 
lorsque  nos  rois  ont  accordé  des 
fiefs  aux  militaires,  ceux-ci,  et  non 
d'autres,  les  ont  possédés.  Avant 
Clovis ,  il  y  avoit  en  France  des 
églises  fondées  depuis  plus  de  trois 
cents  ans,  et  des  ministres  pour 
les  desservir  ;  il  y  avoit  donc  des 
revenus,  quels  qu'ils  fussent,  pour 
les  faire  subsister.  I/a  plupart  des 
églises  avoient  été  dépouillées  et 


TÎEN 

niiiiôes  par  les  Barbares  ;  Clovis 
sentit  la  justice  de  leur  rendre  ce 
([u'oii  leur  avoit  été,  on  réquiva- 
lent.  La  distribution  des  revenus, 
ordonnée  par  le  concile  ,  prouve 
encore  que  les  cveques  se  regar- 
doient  comme  possesseurs  très- 
légitimes. 

Si  les  ennemis  du  clergé  étoiont 
mieux  instruits,  ils  ne  raisonne- 
roient  pas  si  mal  ;  ils  sauroicnt 
qu'au  commencement  du  sixième 
siècle  le  nombre  des  hommes  étoit 
diminué  au  moins  de  moitié  de  ce 
qu'il  avoit  été,  dans  les  Gaules  et 
dans  tout  l'empire  romain  ,  sous 
le  règne  d'Auguste  ;  le  reste  avoit 
péri  par  les  dévastations  des  Bar- 
bares, par  les  guerres  civiles  entre 
les  divers  prétendants  à  l'empire, 
par  le  mauvais  gouvernement  des 
empex'eurs  ,  par  des  contagions  , 
suites  ordinaires  de  la  guerre  :  par 
conséquent  il  y  avoit  pour  lors  au 
moins  la  moitié  des  terres  en  friche. 
En  ne  consultant  même  que  l'inté- 
rêt politique  ,  Clovis  ne  pouvoit 
rien  faire  de  mieux  que  d'en  ac- 
corder une  partie  aux  ecclésiasti- 
ques, afin  qu'ils  les  remissent  en 
valeur  ;  indépendamment  des  mo- 
tifs de  religion  ,  l'immunité  qu'il 
y  ajouta  étoit  fondée  sur  la  même 
raison  que  la  déclaration  du  roi 
Louis  XVI  ,  de  l'année  1776,  qui 
accorde  vingt  ans  de  franchise  aux 
terres  nouvellement  mises  en  cul- 
ture. 

Du  moins,  dit -on,  il  vaiidroit 
mieux  que  les  ministres  de  l'Eglise 
fussent  alimentés  par  des  pensions. 
Mais,  dès  les  premiers  siècles,  on 
a  senti  les  inconvénients  de  ce  mieux 
prétendu  ;  c'est  ce  qui  a  déterminé 
les  souverains  et  les  nations  à  leur 
assigner  des  fonds.  A  la  décadence 
de  la  maison  de  Charlemagne,  le 
clergcfutà  peu  près  anéanti,  parce 
que  les  seigneurs  s'emparèrent  des 
biens  de  l'Eglise;  le  peuple,  privé 
de  secours  spirituels,  fut  obligé  de 
recourir  aux  moines,  ou  de  laire 


BEN  SKr 

subsister  les  ecclésiastiques  à  ses 
frais- 

Pendant  la  peste  noire  de  l'an 
1348,  la  plupart  des  mourants  qui 
avoient  vu  périr  leur  famille  en- 
tière et  leurs  héritiers  ,  laissèrent 
leurs  biens  aux  églises,  aux  monas- 
tères, auxhôpitaux  ;àqui  devoient- 
ils  les  donner  ? 

S'il  nous  est  permis  de  copier 
les  réllexions  que  l'on  a  opposées 
plus  d'une  fois  aux  réformateurs 
de  la  discipline  actuelle,  nous  leur 
dirons  ,  i.°  qu'il  est  utile  au  bien 
de  l'état  qu'il  y  ait  de  riches  pro- 
priétaires ,  parce  qu'ils  sont  en 
état  de  faire  de  fortes  avances  pour 
améliorer  les  fonds.  n.°  Qu'il  est 
bon  que  les  fonds  changent  sou- 
vent de  main  ;  parce  que  dans  le 
nombre  des  possesseurs  ,  il  s^en 
trouve  tôt  ou  tard  quelqu'un  qui 
répare  la  négligence  de  ses  prédéces- 
seurs. 3.°  Que  la  quantité  des  biens 
donnés  au  clergé  est  une  attesta- 
tion des  services  qu'il  a  rendus 
aux  peuples,  surtout  dans  des  temps 
malheureux.  Ceux  qui  ont  luVhîs- 
Inire  ecclésiastique  ,  savent  que  les 
églises  ont  été  enrichies  par  les 
souverains,  par  les  évêques,  qui, 
en  se  dévouant  au  service  d'une 
église ,  lui  donnoient  leur  patri- 
moine; par  de  riches  particuliers 
qui  raouroient  sans  héritiers  néces- 
saires ;  par  des  seigneurs  à  qui  la 
conscience  reprochoit  des  concus- 
sions, el  qui  ne  pouvoienl  les  ré- 
parer autrement ,  etc.  Aucun  de 
ces  moyens  d'acquérir  n'est  illégi- 
time. 4-"  Toutes  les  fois  que  les 
biens  ecclésiastiquesont  été  pillés, 
l'état  ni  les  peuples  n'ont  jamais 
profité  en  rien  de  cette  dépouille; 
elle  a  toujours  été  la  proie  des 
grands.  On  commence  toujours 
cette  opération  par  dresser  des 
projets  et  des  plans  sublimes  ; 
lorsque  les  parts  sont  faites,  cha- 
cun garde  celle  dont  il  s'est  cm- 
[paré  ,  et  les  vues  d'intérêt  public 
ts'en  vont  en  fumée.  On  l'a  vu  au 


352  BER 

neuvième  siècle  en  France,  au  seî- 
ziènte  dans  les  pays  du  Nord  et  en 
Angleterre,denosjonrsenPologne, 
en  Allemagne  et  ailleurs.  Kn/cz 
Fondation. 

BÉRENGARIENS,  sectateurs  de 
Bérenger  :  celui-ci  étoit  archidia- 
cre d'Angers,  il  fut  ensuite  tréso- 
rier et  ccolàtre  de  Saint-Martin 
de  Tours,  ville  où  il  étoit  né.  Il 
osa  nier  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Christ  dans  l'eucharistie  ;  ce  fut 
vers  l'an  io47  fju'il  commença  de 
dogmatiser.  Condamné  successive- 
ment par  plusieurs  papes  et  par  cinq 
ou  six  conciles,  Bérenger  rétracta 
ses  erreurs  ,  signa  trois  fois  des 
professions  de  foi  catholiques  ,  et 
les  abjura  autant  de  fois.  On  croît 
cependant  qu'il  mourut  sincère- 
ment converti  et  détrompé  de  ses 
erreurs.  Quelques  auteurs  ont  pré- 
tendu qu'il  condamnoit  encore  les 
mariages  légitimes  ,  et  soutenoit 
que  les  femmies  dévoient  être  com- 
munes ;  qu'il  rcprouvolt  aussi  le 
baptême  des  enfants  :  mais  ces 
deux  dernières  accusations  ne  sont 
pas  prouvées. 

Entre  plusieurs  évêques  ou  ab- 
bés qui  écrivirent  contre  lui  avec 
avantage,  Lanfranc  et  Guilmond 
se  distinguèrent.  Ce  dernier  expose 
ainsi  les  opinions  et  les  variations 
des  bérengariens  sur  le  sacrement 
de  Teucharistie  :  «  Tous  ,  dit-il  , 
»  s'accordent  à  dire  que  le  pain  et 
»  le  vin  ne  sont  pas  essentiellement 
»  changés  ;  mais  ils  diffèrent ,  en 
•»  ce  que  les  uns  disent  qu'il  n'y  a 
»  rien  du  corps  et  du  sang  de  Jé- 
»aus- Christ,  que  le  sacrement 
»  n'est  qu'une  ombre  et  une  figure: 
»  d'autres  ,  cédant  aux  raisons  de 
»  l'Eglise,  sans  quitter  leur  erreur, 
»  disent  que  le  corps  et  le  sang  de 
»  Jésus-Christ  sont  en  effet  conte- 
»  nus  dans  le  sacrement,  mais  ca- 
n  chés  par  une  espèce  d'impana- 
»  tion  ,  afin  que  nous  les  puissions 
i>  prendre  ;  et  ils  prétendent  que 


CER 

»  c'est  l'opinion  la  plus  subtile  de 
»  Bérenger  même  :  d'antres  croient 
»  que  le  pain  et  le  vin  sont  chan- 
5)  gés  en  partie  ;  quelques-uns  sou- 
»  tiennent  qu'ils  sont  changés  en- 
»  tièrement,  mais  que,  quand  ceux 
»  qui  se  présentent  pour  les  rece- 
u  voir  en  sont  indignes  ,  le  sang  et 
»  la  chair  de  Jésus-Christ  repren- 
»  nentlanaturedu  pain  etdu  vin.» 
Guitmond,  co«/ra  Bereng.,  Bibliot. 
PP.,  p.  327. 

Par  cet  exposé,  l'on  voit  que  les 
bérengariens  ont  été  les  précurseurs 
des  luthériens  et  des  calvinistes 
dans  leur  erreur  sur  l'eucharistie, 
que  les  uns  et  les  autres  se  sont 
trouvés  dans  le  même  embarras 
pour  tordre  le  sens  des  paroles  de 
l'Evangile.  Par  la  conduite  que  VK- 
glise  a  tenue  envers  les  premiers  , 
il  est  aisé  d'apercevoir  quelle  étoit 
alors  la  croyance  catholique  et  uni- 
verselle ,  si  c'est  l'Eglise  ou  si  ce 
sont  les  protestants  qui  ont  innové 
cinq  cents  ans  après. 

Tous  les  écrivains  de  l'onzième 
siècle  qui  ont  attaqué  Bérenger  , 
attestent  que  sa  doctrine  étoit  une 
nouveauté,  que  personne  ne  l'avoit 
encore  soutenue  ,  à  l'exception  de 
Jean  Scot  Erigène  ,  au  neuvième 
siècle,  et  qu'elle  fut  condamnée  dès 
qu'elle  osa  se  montrer;  elle  le  fut 
de  même  au  concile  de  Latran  , 
composé  de  cent  treize  évêques  , 
l'an  loSg. 

Quelques  efforts  qu'eussent  faits 
les  bérengariens  pour  répandre  leur 
doctrine  en  France  ,  en  Italie  ,  en 
Allemagne,  les  auteurs  contempo-~ 
rains  témoignent  qu'ils  étoient  en 
petit  nombre  ,  et  l'on  ne  peut  pas 
prouver  qu'il  en  restât  encore  lors- 
que Luther  et  Calvin  parurent. 
Quoique  l'onzième  siècle  ne  soit 
pas  l'uD  des  plus  éclairés ,  il  ne  faut 
pas  croire  ce  que  disent  les  protes- 
tants ,  que  Bérenger  fut  très-mal 
réfuté ,  et  n'eut  contre  lui  que  des 
moines.  Les  évêques  de  Ijangres  , 
de  Liège  ,  d'Angers .  de  Bresse  ,  et 


BER 

l'archcvcquo.  de  Rouen  ,  écrivirent 
contre  lui  ;  leurs  ouvrages  subsis- 
tent encore  ;  le  Traité  du  corps  et 
du  sang  du  Soigneur,  par  Lanfranc, 
archevêque  de  Cantorbéry  ;  celui 
de  Guitmond  ,  cvêque  d'Averse 
près  de  Naples  ;  celui  du  prêtre 
Alger,  scolastique  de  Liège,  sous 
le  même  titre  ,  sont  des  ouvrages 
savants  et  solides.  Erasme  en  fai- 
soit  grand  cas  ,  et  les  préféroit 
à  tous  les  écrits  polémiques  qui 
avoient  paru  sur  cette  matière  dans 
le  seizième  siècle.  Bérenger  se  sen- 
tit incapable  d'y  répondre  ,  et  fut 
obligé  d'avouer  sa  défaite.  Les  let- 
tres et  les  fragments  qui  nous  res- 
tent de  ses  ouvrages  ne  donnent 
pas  une  haute  idée  de  ses  talents , 
encore  moins  de  sa  bonne  foi. 

Dans  les  Vies  des  Pères  et  des 
lylartyrs,  tom.  3,  il  y  a  une  notice 
exacte  de  la  vie  et  des  erreurs  de 
Bérenger  ,  et  des  ouvrages  qui  fu- 
rent écrits  contre  lui,  pag.  534  ^^ 
suiv.  On  en  trouve  un  détail  en- 
core plus  ample  dans  VHist.  de  TE- 
gli'se  gallic.  ,  tom.  y,  1.  20  et  21. 

La  manière  dont  Mosheim  en  a 
parlé  ,  Hist.  ecclésiast.  du  onzième 
siècle,  2.*  part.  ,  c.  3,  §  i3  et  suiv., 
montre  à  quel  excès  un  homme  , 
éclairé  d'ailleurs ,  peut  porter  l'a- 
veuglement systématique.  Il  dit 
d'abord  que  Bérenger  étoit  renom- 
mé pour  son  savoir  et  pour  la  sain- 
teté exemplaire  de  ses  mœurs  :  il 
n'a  pas  cru  pouvoir  se  dispenser 
de  donner  quelques  grains  d'encens 
à  un  hérétique.  Mais  le  savoir  de 
Bérenger  est  fort  mal  prouvé  par 
ce  qui  reste  de  ses  écrits ,  et  sa  sain- 
teté encore  plus  mal  par  trois  par- 
jures consécutifs. 

Mosheim  prétend  qu'avant  ce 
siècle  l'Eglise  n'avoit  encore  rien 
décidé  sur  la  manière  dont  Jésus- 
Christ  estdans  l'eucharistie,  et  que 
chacun  en  croyoit  ce  qu'il  jugeoit 
à  propos.  Si  cela  étoit  vrai ,  il  s'en- 
suivroit  déjà  que  Bérenger  étoit  fort 
téméraire  de  vouloir  expliquer  un 


UER  353 

mystère  que  l'on  s'étoit  contenté  de 
croire  simplement  et  sans  vouloir 
le  pénétrer.  Mais  la  vérité  est  que 
jusqu'alors  la  croyance  de  l'Eglise 
catholique  avoit  été  la  présence 
réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'eucha- 
ristie, comme  l'attestent  tous  ceux 
qui  écrivirent  contre  Bérenger.  Ce 
qui  avoit  été  écrit  au  neuvième  siè- 
cle contre  cette  vérité  par  Jean  Scot 
Erigène ,  n'avoit  eu  aucune  suite, 
et  n'avoit  point  eu  de  partisans. 
Bérenger  lui-même  n'a  jamais  osé 
prétendre  qu'il  soutenoit  le  sen- 
timent commun  des  fidèles  ,  et 
que  les  évêques  qui  le  condam- 
uoient  étoient  des  novateurs. 
Aucun  écrivain  de  son  siècle  n'a 
osé  prendre  la  plume  pour  le  dé- 
fendre. 

Parce  que  Grégoire  VII  traita 
Bérenger  avec  plus  de  ménagement 
que  ses  prédécesseurs  ,  Mosheini 
le  soupçonne  d'avoir  embrassé  la 
même  opinion  :  nous  prouverons 
le  contraire.  Grégoire ,  avant  d'être 
pape  ,  avoit  assisté  ,  en  qualité  de 
légat ,  au  concile  de  Tours ,  l'an 
io54  ,  où  Bérenger  avoit  rétracté 
ses  erreurs. En  icSg,  sous  Victor II, 
dans  un  concile  de  Rome ,  compo- 
sé de  cent  treize  évêques  ,  Bérenger 
fit  profession  de  croire  que  le  pain 
et  le  vin  offerts  à  V autel  sont ,  après 
la  consécration  ,  non-seulemenl  w 
sacrement ,  mais  le  vrai  corps  et  le 
vrai  sang  de  Noire-Seigneur  Jésus - 
Christ  ;  que  ce  corps  est  touché  par 
les  mains  des  prêtres  ,  non-seule- 
ment en  forme  de  sacrement,  mais 
réellement  et  en  uen/e.  Mosheim  dit 
que  cette  doctrine  étoit  absurde  et 
insensée.  En  io63  ,  un  concile  de 
Rouen  déclara  ,  contre  ce  même 
hérétique,  que  dans  la  consécration 
le  pain  ,  par  la  puissance  divine  , 
est  changé  en  la  substance  de  lu 
cïiair  née  delà  sainte  Vierge,  et  que 
le  vin  est  changé  véritablement  et 
substantiellement  au  sang  répandu 
pour  la  rédemption  du  monde. 
L'an    107 S,   sous  Grégoire  VII  , 


354  CEIl 

dans  un  concile  de  Home  ,  Bcren- 
tjer  si{;na,  sous  la  foi  du  serment , 
que  le  pain  posé  sur  Vaufcl  deoenoU, 
par  la  consécration  ,  le  vrai  corps 
de  Jésus-Christ ,  et  que  le  vin  deve- 
noit  le  vrai  sang  qui  avoit  coulé  de 
son  côté.  De  là  Mosheim  conclut 
que  Grégoire  VII  rcnonçoil  à  la 
confession  de  foi  de  Tan  loSo  ,  et 
qu'il  la  révoquoit ,  quoiqu'elle  eût 
été  solennellement  approuvée  par 
un  pape  dans  un  concile.  Il  est  ce- 
pendant évident  que  cette  seconde 
formule  n'est  différente  de  la  pre- 
mière qu'en  ce  qu'elle  exprime  la 
transsubtantialion  beaucoup  plus 
clairement. 

L'année  suivante,  dans  un  autre 
concile,  Bérenger  protesta  de  croire 
que  le  pain  et  le  vin  ,  par  la  prière 
et  par  les  paroles  de  notre  Rédemp- 
teur, étaient  substantiellement  chan- 
gés dans  le  vrai  et  propre  corps  et 
sang  de  Jésus-Christ  ;  ce  sont  les 
mêmes  expressions  que  celles  du 
concile  de  Iiouen.  Mais  Bérenger 
ne  fut  pas  plus  fidèle  à  cette  pro- 
testation qu'aux  deux  précédentes. 

Comme  Grégoire  V'IIne  fit  point 
de  nouvelles  poursuites  contre  Bé- 
renger ,  Mosheim  en  conclut  qu'il 
"ne  lui  sut  point  mauvais  gré  de  sa 
perfidie,  et  que  probablcjnent  il 
peusoit  comme  lui.  Par  la  même 
raison ,  il  devoit  conclure  que  les 
évèques  de  France  embrassèrent 
aussi  le  parti  de  Bérenger  ;  puis- 
que ,  malgré  sa  troisième  rechute, 
ils  ne  prononcèrent  point  de  nou- 
velles condamnations  contre  lui  ; 
on  se  contenta  de  réfuter  ses  er- 
reurs d'une  manière  qui  le  réduisit 
au  silence. 

Suivant  un  écrit  de  Bérenger  , 
Grégoire  VII  lui  dit  :  Je  ne  doute 
point  que  vous  n'ayez  de  bons  senti- 
ments touchant  le  sacrifice  de  Jésus- 
Christ,  conformément  aux  Ecritures: 
de  là  Mosheim  conclût  encore  que 
ce  pape  penchoit  vers  l'opinion  de 
cet  hérétique.  Mais  cette  opinion 
ctoit-elle  véritablement  conforme 


à  l'Ecriture  sainte,  et  selon  cetfe 
opinion ,  l'eucharistie  pouvoit-elle 
être  appelée  un  sacrifice  ?  Voilà 
comme  on  s'aveugle  par  intérêt  de 
système. 

Mosheim  tourne  en  ridicule  les 
écrivains  catholiques  qui  ont  voulu 
persuader  que  Bérenger  s'étoit  con- 
verti ;  mais  lui-même  en  fournit  les 
preuves.  Il  dit  que  ce  personnage 
laissa  en  mourant  une  haute  opi- 
nion de  sa  sainteté  :  en  auroit-on 
jugé  ainsi ,  si  on  l'avoit  encore  cru 
hérétique  ?  Il  dit  que  les  chanoines 
de  Tours  honorent  encore  sa  mé- 
moire par  un  service  qu'ils  font 
tous  les  ans  sur  son  tombeau  ;  cer- 
tainement ils  ne  le  feroient  pas,  si 
l'on  n'avoit  pas  été  persuadé  des 
lors  que  Bérenger  étoit  mort  dans 
la  communion  de  l'Eglise.  Il  dit 
que  Bérenger  ,  dans  son  ouvrage  , 
demande  pardon  à  Dieu  du  sacri- 
lège qu'il  a  commis  à  Borne  ,  en  se 
parjurant  :  cola  ne  prouve  pas  qu'il 
persévéroit  encore  dans  ses  erreurs. 
Le  moine  Clarius,  Richard  de  Poi- 
tiers ,  l'auteur  de  la  Chronique  de 
saint  Mariin  de  Jours,  Guillaume 
de  Malracsbury  ,  attestent  que  Bé- 
renger mourut  repentant  et  con- 
verti. Ce  témoignage  des  contem- 
porains doit  prévaloir  aux  vaincs 
conjectures  des  protestants. 

Mosheim  paroît  avoir  pris  ce 
qu'il  a  dit  de  Bérenger  dans  VHist. 
de  V Eglise  par  Basnage ,  I«  24 ,  c  2. 
L'on  y  trouve  les  mêmes  faits  et  les 
mêmes  réflexions.  Le  tout  n'est 
fondé  que  sur  les  assertions  de  cet 
hérésiarque ,  cent  fois  convaincu 
d'imposture  et  de  perfidie. 

BERNARD  (saint),  abbé  de 
Clairvaux,  mort  l'an  11 53,  est  , 
dans  l'ordre  des  temps  ,  le  dei'nier 
des  Pères  de  l'Eglise.  La  meilleure 
édition  de  ses  ouvrages  ,  est  celle 
qu'a  donnée  domMabillon  en  1690, 
et  qui  a  été  réimprimée  en  1719  , 
eu  2  vol.  in-folio. 

Les  philosophes  incrédulesn'ont 


BER 

pului  Imputer  aucune  erreur  ;  mais 
ils  lui  reprochent  d'avoir  fausse- 
ment prophétisé  le  succès  de  la 
seconde  croisade.  Comme  sur  ce 
point  saint  Bernard  a  (a.il  lui-même 
son  apologie  ,  ce  reproche  est  ré- 
futé d'avance.  Nous  ajouterons  seu- 
lement que  si  les  croisés  avoient 
mieux  suivi  dans  leur  conduite  les 
avis  du  saint  abbé,  la  croisade  au- 
roit  eu  un  succès  plus  heureux, 
r'b/ez  Croisade 

On  dit  encore  qu'il  avoit  une 
science  très  -  médiocre  ,  qu'il  en- 
tasse pêle-mêle  l'Ecriture  sainte  , 
les  canons  et  les  conciles,  qu'il  est 
fécond  en  allégories.  Mais  saint 
Bernard  savoit  beaucoup  pour  son 
siècle  ,  puisqu'il  possédoit  l'Ecri- 
ture sainje  et  les  canons  ;  ce  n'est 
pas  sa  faute  s'il  est  né  dans  un  temps 
fMie  l'on  nomme  siècle  de  brigan- 
dage ,  d'ignorance  et  de  supersti- 
tion ;  il  n'a  été  coupable  d'aucun 
de  ces  trois  vices.  Quant  aux  allé- 
gories ,  il  en  fait  moins  d'usage  que 
plusieurs  des  anciens  Pères  ;  il  ne 
les  emploie  que  dans  des  ouvra- 
ges de  morale  et  de  piété ,  jamais 
dans  les  écrits  qui  concernent  le 
dogme  ;  ce  n'est  point  là-dessus 
qu'il  fonde  la  croyance  catholi- 
que ,  lorsqu'il  la  défend  contre  les 
hérétiques. 

En  général ,  on  ne  peut  refusera 
ce  Père  un  esprit  vif  et  pénétrant , 
une  belle  imagination  ,  un  style 
doux  et  insinuant ,  une  éloquence 
persuasive,  une  piété  tendre,  un 
sèle  ardent ,  mais  éclairé  ,  pour  la 
pureté  de  la  foi  et  pour  l'observa- 
tion de  la  discipline,  enfin  des 
vertus  fort  supérieures  à  l'esprit 
de  son  siècle. 

Il  a  été  aussi  accusé  d'avoir  per- 
sécute Abailard  par  jalousie  ;  nous 
avons  réfuté  cette  calomnie  dans 
l'article  Abailard.  Pour  avoir  une 
juste  idée  des  talents  cl  des  vertus 
du  saint  abbé  de  Clairvaux  ,  il  faut 
consulter  VHisf.  de  VEglisc  galli- 
cane, tom.g,  I.  25  cl  : 6 


BET  35r> 

BESSARION,  moine  grec  de 
saint  Basile  ,  patriarche  titulaire 
de  Constantinople,  archevêque  de 
Nicée,  ensuite  cardinal  et  légat  en 
France  sous  Louis  XI  ,  mourut 
l'an  1472.  Ce  savant  homme  se 
rendit  odieux  aux  Grecs  schisma- 
tiques  par  le  zèle  avec  lequel  il 
travailla  à  les  réunir  avec  l'Eglise 
romaine.  Il  a  composé  plusieurs 
ouvrages  à  ce  sujet,  et  une  défense 
de  la  philosophie  de  Platon  ,  que 
l'on  a  réunis  dans  le  seizième 
tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères. 
Brucker  ,  quoique  protestant  ,  a 
fait  de  ce  célèbre  cardinal  un  éloge 
complet.  Hisi.  philos. ,  t.  4  ,  p-  4^- 

BETHLÉEM,  petite  ville  ou 
bourgade  de  la  Judée,  dans  laquelle 
Jésus-Christ  est  né.  Saint  Justin  , 
qui  étoit  de  la  Samarie ,  cite  au  juif 
Tryphon  la  caverne  dans  laquelle 
Jésus-Christ  est  venu  au  monde , 
n.  78.  Origène  dit  à  Celse  que  les 
enremis  mêmes  duchristianisme  la 
connoissent ,  1.  i  ,  n.  5i .  Les  pro- 
phètes avoient  prédit  que  le  Messie 
naîtroit  à  Bethléem  ,  les  juifs  le 
croient  encore  aujourd'hui.  Voyez 
Munimen  fidei ,  i."  partie,  c.  33. 
Cela  étoit  convenable,  pour  mieux 
démontrer  qu'il  étoit  du  sang  de 
David  ,  originaire  de  Bethléem. 

Quelques  incrédules  ont  préten- 
du que  cette  opinion  n'étoit  fondée 
que  sur  une  fausse  explication 
d'une  prophétie  de  Michée  ,  c  5  , 
S ■  2  ,  oii  on  lit  :  «  Et  toi ,  Bethléem 
»  d'Ephrata  ,  lu  n'es  qu'une  des 
»  moindres  villes  de  Jiida  ;  mais  il 
»  sortira  de  toi  un  chef  qui  régnera 
»  sur  Israël ,  et  dont  la  naissance 

i>  est  de  toute  éternité  ; il  sera 

»  loué  jusqu'aux  extrémités  de  la 
»  terre  ,  et  il  sera  l'auteur  de  la 
»  paix.  »  Cette  prédiction  ,  disent - 
ils,  regarde  Zorobabel  ,  et  non  le 
Messie  ;  le  contraire  nous  paroîi 
évident. 

1.°  Le  nom  de  Zorobabel  VcmoV- 
gne   que  ce  cV)cf  étoit  né  à  Baby- 

23. 


35G 


Bllî 


lone  ,  et  non  à  Bethléem  ;  on  ne 
peut  pas  dire  de  lui  que  sa  nais- 
sance est  de  toute  éternité  ,  qu'il  a 
réuni  aux  Israélites  le  reste  de  leurs 
frères  ,  qu'il  a  été  reconnu  grand 
jusqu'aux  extrémités  delà  terre,  et 
l'auteur  de  la  paix  :  xes  caractères 
ne  conviennent  qu'au  Messie  et  à 
Jésus- Christ.  2.°  Le  paraphraste 
chaldaïque  l'a  compris  ,  et  en  a  fait 
Fapplication  au  seul  Messie;  c'étoit 
la  tradition  des  Juifs ,  on  le  voit 
dans  le  Talmud  et  dans  les  écrits 
des  anciens  rabbins  :  plusieurs  mo- 
dernes l'ont  encore  entendu  de 
même.  Galaitn ,  1.  4  ,  c-  i3.  3.°  Le 
cinquième  concile  de  Constantino- 
ple ,  art.  2 ,  un  concile  romain  tenu 
sous  le  pape  Vigile,  Théodoret  et 
d'autres  Pères  ont  condamné  ceux 
qui  cherchoient  à  détourner  le  sens 
de  cette  prédiction.  Grotius  a  vai- 
nement fait  ses  efforts  pour  faire 
valoir  cette  opinion  ;  il  cherchoit 
à  favoriser  les  Juifs  et  les  sociniens, 
qui  voient  avec  peine  un  prophète 
attribuer  au  Messie  une  naissance 
de  toute  éternité.  Voyez  la  Synapse 
des  critiques. 

BÉTHLÉÉMITES  (les  frères). 
C'est  un  ordre  religieux  qui  a  été 
fondé  dans  les  îles  Canaries  par 
n  gentilhomme  françois  nommé 
Pierrede Bétencourt,  pourservir  les 
malades  dans  les  hôpitaux.  Le  pape 
Lnnocent  XI  approuva  cet  institut 
en  1687  ,  et  lui  ordonna  de  suivre 
la  règle  de  saint  Augustin.  L'habit 
de  ces  hospitaliers  est  semblable  à 
celui  des  capucins,  hormis  que  leur 
ceinture  est  de  cuir ,  qu'ils  portent 
des  souliers  et  ont  au  cou  une  mé- 
daille qui  représente  la  naissance 
de  Jésus-Christ  à  Bethléem 

BIBLE.  Du  grec  Bi5)lo5,  papier, 
l'on  a  fait  Bt 6X10 V ,  livre,  et  l'on  a 
nommé  biblia  l'Ecriture  sainte, 
pour  designer  les  livres  par  excel- 
lence ,  et  qui  sont  les  plus  dignes 
de    respect.    Cette    collection   de. 


BIB 

livres  sacrés  on  écrits  par  l'inspi- 
ration du  Saint-Esprit,  se  divi.«;e 
en  deux  parties,  savoir,  l'ancien 
et  le  nouveau  Testament.  Les  pre- 
miers sont  ceux  qui  ont  été  écrits 
avant  la  venue  de  Jésus-Christ  ; 
ils  contiennent,  outre  la  loi  de 
Moïse,  l'histoire  de  la  création  du 
monde  ,  celle  des  patriarches  et 
des  Juifs  ,  les  prédictions  des  pro- 
phètes, et  différents  traités  de  mo- 
rale. Le  nouveau  Testament  ren- 
ferme les  livres  qui  ont  été  écrits 
depuis  la  -mort  de  Jésus-Christ 
parses  apôtres  ou  par  ses  disciples. 

Au  mot  Testament,  nous  fe- 
rons rénumération  des  livres  de 
l'ancien  et  du  nouveau  Testament, 
conformément  au  catalogue  qu'en 
a  dressé  le  concile  de  Trente , 
sess.  4- 

Dans  l'article  Ecriture  sainte  , 
nous  parlerons  de  l'inspiration  des 
livres  sacrés  ,  de  leur  autorité  en 
matière  de  foi,  des  règles  que  l'on 
doit  suivre  pour  en  acquérir  l'in- 
telligence ,  de  l'usage  que  doivent 
en  faire  les  théologiens,  etc. 

Au  mot  Livres  saints  ,  nous  en 
ferons  la  comparaison  avec  les 
écrits  que  les  Chinois ,  les  Indiens, 
lesParsis,  les  mahométans,  nom- 
ment livres  sacrés,  et  nous  mon- 
trerons le  ridicule  de  la  méthode 
que  les  incrédules  ont  suivie  pour 
attaquer, les  nôtres.  Ici  nous  n'en- 
visageons la  bible  que  comme  un 
objet  d'histoire  littéraire  et  de  cri- 
tique. 

La  plus  grande  partie  des  livres 
de  l'ancien  Testament  ont  été  reçus 
comme  sacrés  et  canoniques  par 
les  juifs,  aussi-bien  que  par  les 
premiers  chrétiens.  Il  y  en  a  ce- 
pendant quelques-uns  que  les  juifs 
n'ont  pas  reconnus  comme  tels  , 
et  que  les  chrétiens  des  premiers 
siècles  ne  paroissent  pas  avoir  re- 
çus non  plus  comme  canoniques  : 
mais  ils  ont  été  ensuite  placés  dans 
le  canon  par  l'Eglise.  Tels  sont  les 
livres  de  Tobie  ,    de    Judith  j  la 


Sagesse,  l'EccIcsiaslique,  ol  les 
deux  livres  dos  Machabccs.  Qiicl- 
«|ues  aiicicns  même  ont  douté  de 
l'aulhenticilé  des  livres  de  Baruch 
et  d'Esther.  Il  seroit  singulier  que 
l'Eglise  chrétienne  n'eut  pas  ,  à  l'é- 
pard  des  livres  sacrés,  la  même 
autorité  que  l'on  accorde  à  la  syna- 
gogue. Ceux  qui  ne  veulent  s'en 
rapporter  qu'au  témoignage  de 
celle-ci ,  ne  sont  pas  seulement 
instruits  des  motifs  qui  ont  déter- 
miné les  juifs  à  recevoir  comme 
sacrés  tels  livres  ,  et  à  ne  pas  faire 
le  même  honneur  aux  autres.  Voyez 
Canon. 

Tous  les  livres  qui  ont  été  an- 
ciennement reconnus  pour  sacrés, 
entêté  écrits  en  hébreu  ;  nous  n'a- 
vons les  autres  qu'en  grec;  mais 
il  n'a  pas  été  essentiel  à  l'inspira- 
tion d'un  auteixr  qu'il  écrivît  dans 
une  langue  plutôt  que  dans  une 
autre:  une  traduction  fidèle  tient 
lieu  dei'original  lorsqu'il  estperdu. 

Les  anciens  caractères  hébreux  , 
f^ont  les  écrivains  juifs  se  sont  ser- 
vis, étoient  les  samaritains;  mais 
après  la  captivité  de Babylone,  les 
juifs  trouvèrent  les  caractères 
chaldéens  plus  commodes,  et  les 
adoptèrent.  La  date  de  ce  change- 
ment n'est  pas  certainement  con- 
nue; mais  il  n'a  pas  pu  introduire 
plus  d'altération  dans  le  texte,  que 
la  substitution  que  nous  avons 
faite  de  nos  caractères  modernes 
aux  lettres  gothiques. 

Les  livres  écrits  en  hébreu  ont 
été  plusieurs  fois  traduits  en  grec  ; 
la  version  la  plus  ancienne  et  la 
plus  célèbre  est  celle  des  septante, 
qui  a  été  faite  avant  Jésus-Christ , 
et  de  laquelle  on  pense  que  les 
apôtres  se  sont  servis;  nous  en 
jiarlcrons  en  son  lieu. 

Quoique  la  plupart  des  livres 
du  nouveau  Testament  aient  été 
aussi  reçus  pour  canoniques  dès 
les  premiers  temps  de  l'Eglise  ,  il  y 
en  a  cependant  desquels  on  a  douté 
d'abord  ;  tels  sont  l'épître  de  saint 


BIB  357 

Paul  aux  liébreux  ,  celle  de  saint 
Jude ,  la  seconde  de  saint  Pierre, 
la  seconde  et  la  troisième  de  saint 
Jean  ,  l'Apocalypse. 

Tous  ont  été  écrits  en  grec,  ex- 
cepté l'évangile  de  saint  Matthieu, 
que  l'oji  croit  avoir  été  originai- 
rement compose  en  hébreu,  mais 
dont  le  texte  ne  subsiste  plus  ;  c'est 
le  sentiment  de  saint  Jérôme.  Quel- 
ques critiques  modernes  ont  voulu 
soutenir  que  tout  le  nouveau  Tes- 
tament avoit  d'abord  été  écrit  en 
syriaque  ;  mais  leur  opinion  est 
absolument  destituée  de  preuves  et 
de  vraisemblance.  Le  Père  Har- 
douin ,  qui  a  voulu  prouver  que 
les  apôtres  ont  écrit  en  latin  ,  et 
que  le  grec  n'est  qu'une  version  , 
n'a  persuadé  personne. 

On  conçoit  que  les  exemplaires 
de  la  bible  ont  àù.  se  multiplier 
beaucoup;  non-seulement  les  textes 
originaux  ont  été  copiés  à  l'infini, 
mais  il  s'en  est  fait  des  versions 
dans  la  plupart  des  langues  mortes 
ou  vivantes.  Sous  ce  double  rap- 
port, on  distingue  les  bibles  hé- 
braïques ,  grecques ,  latines  ,  chal- 
daïques,  syriaques, arabes, cophtes, 
arméniennes,  persiennes,  mosco- 
vites, etc.,  et  celles  qui  sont  en  lan- 
gue vulgaire.  Nous  donnerons  une 
courte  notice  des  unes  et  des  au- 
tres. 

Bibles  HÉBRAÏQTJES.EUessont  ma- 
nuscrites ou  imprimées.  Entre  les 
manuscrites ,  les  meilleures  et  les 
plus  estimées  sont  celles  qui  ont 
été  copiées  par  les  juifs  d'Es- 
pagne ;  les  juifs  d'Allemagne  en 
ont  fait  un  plus  grand  nombre  , 
mais  elles  sont  moins  exactes.  Il 
est  même  facile  de  les  distinguer 
au  coup  d'œil  ;  les  premières  sont 
en  beaux  caractères  carrés ,  comme 
les  bibles  hébraïques  de  Boraberg  , 
d'Etienne  et  de  Plantin  ;  celles  d'Al- 
lemagne ont  des  caractères  sem- 
blables à  ceux  de  Munster  et  de 
Grvphe. 

Richard  Simon  observe  que  les 


358  BIB 

plus  anciennes  bibles  hébraïques 
manuscrites  ont  tout  au  plus  six 
à  sept  cents  ans  d'antiquité  ;  ce- 
pendant le  rabbin  Menahem,  dont 
on  a  imprimé  quelques  ouvrages  à 
Venise  ,  en  1618  ,  sur  les  bibles 
hébraïques  ,  en  cite  un  grand  nom- 
bre qui,  dans  ce  temps- là  ,  da- 
toient  déjà  de  plus  de  six  cents  ans. 

Morin  ne  donne  que  cinq  cents 
ans  d'antiquité  au  fameux  ma- 
nuscrit d'Hillel,  qui  est  à  Ham- 
bourg. Le  Père  Houbigant  n'en  a 
point  connu  qui  remontât  au  de-là 
de  six  à  sept  siècles  ;  il  a  pensé  que 
celui  de  la  bibliothèque  des  Pères 
de  l'oratoire,  de  la  rue  Saint-Ho- 
îioré  à  Paris,  pouvoit  avoir  près 
de  sept  cents  ans.  Ceux  de  la  bi- 
bliothèque du  roi  ont  paru  moins 
anciens  a  l'abbé  Rallier.  Les  do- 
îiiinicains  de  Bologne  en  Italie  en 
ont  un  du  pentateuquc  ,  dont  le 
Père  de  Montlaucon  a  parlé  ,  et 
dont  l'antiquité  peut  être  d'envi- 
ron neuf  cents  ans.  Dans  la  bi- 
Lliothèque  bodléïennc  en  Angle- 
terre, il  y  en  a  un  dupentateuque, 
et  un  autre  qui  contient  le  reste 
de  l'ancien  Testament  ,  auxquels 
on  attribue  sept  cents  ans  d'anti- 
«luité.  Le  plus  fameux  manuscrit 
du  pentateuque  samaritain  que 
gardent  les  samaritains  de  Na- 
plouse,  qui  est  l'ancienne  Sichem, 
n'a,  dit-on,  que  cinq  cents  ans. 
Celui  de  la  bibliothèque  ambro- 
sienne  à  Milan  peut  être  plus  an- 
cien. Il  y  a  un  manuscrit  hébreu  à 
la  bibliothèque  du  Vatican  ,  que 
l'on  dit  avoir  été  copié  en  gyS. 

Les  plus  anciennes  bibles  hébraï- 
ques imprimées  ont  été  publiées 
par  les  juifs  d'Italie  ,  en  particu- 
lier celles  de  Pesaro  et  de  Bresce. 
Ceux  de  Portugal  avoient  com- 
mencé d'imprimer  quelques  parties 
de  la  bible  à  Lisbonne,  avant  qu'on 
les  chassât  de  ce  royaume.  On  peut 
remarquer  en  général  que  les  meil- 
leures bibles  en  hébreu  sont  celles, 
qui  onlétéiropriméessouslesvcuxi 


J51B 

des  juifs  ;  ils  sont  si  attentifs  h 
observer  jusqu'aux  points  et  aux 
virgules  ,  que  personne  ne  peut 
pousser  l'exactitude  plus  loin. 

Au  commencement  du  seizième 
siècle,  Daniel  Bomberg  imprima 
plusieurs  bibles  liébraïques ,  in-folio 
et  in-l^.°  à  Venise ,  dont  quelques- 
unes  sont  également  estimées  par 
les  juifs  et  par  les  chrétiens.  La 
première  parut  en  iSiy  ;  elle  porte 
le  nom  de  son  éditeur  ,  Félix 
Prseenni;  c'est  la  moins  exacte.  La 
seconde  fut  publiée  en  1826.  On 
y  joignit  les  pointsdes  massorettes, 
les  commentaires  de  divers  rab- 
bins, et  une  préface  de  R.  Jacob 
ben  Chajim.  En  i548  ,  le  même 
Bomberg  imprima  la  bible  in-folio 
de  ce  dernier  rabbin  ;  c'est  la  meil- 
leure et  la  plus  parfaite  de  toutes. 
Elle  est  distinguée  de  la  première 
bible  du  même  éditeur,  en  ce  qu'elle 
contient  le  commentaire  de  R.  Da- 
vid Kimchi  sur  les  chroniques  ou 
Paralipomènes,  qui  n'est  pas  dans 
l'autre. 

Ce  fut  sur  cette  édition  que 
Buxtorf  le  père  imprima  à  Bàle , 
en  1618,  sa  bible  hébraïque  des  rab- 
bins ;  mais  il  se  glissa,  surtout  dans 
le  commentaire  de  ceux-ci ,  plu- 
sieurs fautes  ;  Buxtorf  altéra  un 
assez  grand  nombre  de  leurs  pas- 
sages peu  favorables  aux  chrétiens. 
La  même  année  parut  à  Venise  une 
nouvelle  édition  de  la  bible  rabbi- 
nique  de  Léon  de  Modéne,  rabbin 
de  cette  ville  ;  il  prétendit  avoir 
corrigé  un  grand  nombre  de  fautes 
répandues  dans  la  première  édi- 
tion ;  mais  outre  que  cette  bible  est 
fort  inférieure,  pour  le  papier  et 
pour  le  caractère,  aux  autres  bibles 
de  Venise,  elle  passa  par  les  mains 
des  inquisiteurs,  qui  ne  laissèrent 
pas  les  commentaires  des  rabbins 
dans  leur  entier.  Au  reste ,  on  ne 
voit  point  en  quoi  les  traits  lancés 
contre  le  christianisme  par  les 
rabbins ,  et  retranchés  par  Buxtorf 
cl   par  les  iiiquisiteu»"S  ,  pouvoient 


BIB 

contribuer  à  la  perfection  d'une 
bible  ht'bra'ùjuc. 

Celle  de  Robert  Etienne  est  es- 
timée pour  la  beauté  des  carac- 
tères ,  mais  elle  est  infidèle.  Plan- 
tin  en  a  fait  aussi  imprimer  à 
Anvers  de  fort  belles  ;  la  meilleure 
est  celle  de  i566,  i'/2-4.°  Manassé 
ben  Israël ,  savant  juif  portugais  , 
donna  à  Amsterdam  deux  éditions 
de  la  bible  en  hébreu ,  l'une  in-^.  ° , 
l'autre  in-8.°  La  première  est  en 
deux  colonnes,  et  par-là  plus  com- 
mode pour  le  lecteur.  Eu  i634  , 
Rabbi-Joseph  Lombroso  en  publia 
une  nouvelle  édition  in-^.°  à  Ve- 
nise, avec  de  petites  notes  au  bas 
des  pages  ,  où  les  mots  hébreux 
sont  expliqués  par  des  mots  espa- 
gnols. Cette  bible  est  estimée  des 
juifs  de  Constantinople;  on  y  a  dis- 
tingué dans  le  texte ,  par  une  petite 
étoile,  les  endroits  où  il  faut  lire  le 
point  carnets  par  un  o  ,  et  non  par 
un  a. 

De  toutes  les  éditions  des  bibles 
hébraïques  in-8.° ,  les  plus  belles  et 
les  plus  correctes  sont  les  deux  de 
Joseph  Athias,  juif  d'Amsterdam;la 
première  de  1661  ,  préférable  pour 
le  papier;  la  seconde  de  1667,  plus 
fidèle.  Cependant  Vander-Hoogt 
en  a  publié  une  en  lyoS  ,  qui  l'em- 
porte encore  sur  ces  deux-là. 

Après  Athias ,  trois  protestants 
qui  savoient  rhébreu  s'engagèrent 
a  avoir  et  à  donner  une  bible  hé- 
braïque, savoir,  Claudius,  Jablon- 
scki  et  Opitius.  L'édition  de  Clau- 
dius fut  publiée  à  Francfort  , 
en  1677,  in-^.°  On  trouve  au  bas 
des  pages  les  différentes  leçons  des 
premières  éditions  ;  mais  l'auteur 
n'est  pas  toujours  exact  dans  la 
manière  d'accentuer  ,  surtout  à 
l'égard  des  livres  poétiques  de  l'E- 
criture; d'ailleurs,  comme  cette 
(  Jition  n'a  pas  été  faite  sous  ses 
yeux  ,  elle  fourmille  de  fautes. 
Celle  de  Jablonski  parut  à  Berlin 
en  ificjg  ,  in-.^."  L'impression  en 
e^l  fort  nellç  et  les  caractères  très- 


BIB  359 

beaux.  Quoique  l'auteur  prélende 
s'être  servi  de  l'édition  d'Athias 
et  de  celle  de  Claudius,  il  paroît 
n'avoir  fait  autre  chose  que  de 
suivre  servilement  l'édition  in-f^.'' 
de  Bombcrg.  Celle  d'Opitius  fut 
aussi  imprimée  in-^.°  à  Keil ,  en 
1709  ;  c'est  dommage  que  la  beauté 
du  papier  n'ait  pas  répondu  à  celle 
des  caractères.  D'ailleurs  l'auteui- 
n'a  fait  usage  que  des  manuscrit» 
d'Allemagne,  et  a  négligé  ceux  qui 
sont  en  France;  défaut  qui  lui  est 
commun  avec  Claudius  et  Ja- 
blonski. Ces  bibles  ont  cependant 
cet  avantage  ,  qu'outre  les  divi- 
sions ,  soit  générales ,  soit  parti- 
culières ,  en  paraches  et  en  penkim, 
selon  la  manière  des  juifs,  elles 
sont  encore  divisées  en  chapitres 
et  en  versets  selon  la  méthode  des 
chrétiens  ;  elles  renferment  les  heri 
kéiib  ,  ou  différentes  façons  de  lire, 
et  les  sommaires  en  latin  ;  ce  qui 
les  rend  d'un  usage  très-commode 
pour  les  éditions  latines  et  les  con- 
cordances. 

La  petite  bible  in-i6  de  Robert 
Etienne  est  estimée  pour  la  beauté 
du  caractère.  On  doit  observer 
qu'il  y  en  a  une  autre  édition  a 
Genève  qui  lui  ressemble  beau- 
coup ,  mais  dont  l'impression  est 
mauvaise  et  le  texte  moins  correct. 

On  peut  ajouter  à  ce  catalogue 
quelques  autres  bibles  hébraïques 
sans  points ,  i«-8.°  et  in-z/^ ,  fort 
estimées  des  juifs  ,  uniquement 
parce  que  la  petitesse  du  volume 
les  leur  rend  plus  commodes  dans 
leurs  synagogues  et  dans  leurs 
écoles.  11  y  en  a  deux  éditions  de 
cette  forme ,  l'une  de  Plantin  , 
1/2-8.»  à  deux  colonnes;  l'autre 
in-2^ ,  imprimée  par  Raphelingius, 
à  Leyde,  en  16 10.  On  en  trouve 
aussi  une  édition  d'Amsterdam  en 
grands  caractères  ,  par  Laurent , 
en  i63i  ,  et  une  autre  m-ia  de 
Francfort,  en  1G94,  avec  une  pré- 
face de  Leusddi;  mais  elle  est  pleine 
lie  fautes. 


36o  BIB 

Le  Icxlc  hébreu  sans  points,  que 
le  père  Houbigant  fie  l'oratoire  a 
fait  irpprimer  en  quatre  volumes 
in-fol.  à  Paris,  en  lySS,  avec  un 
coirtraentaire  ,  est  d'une  grande 
beauté  ;  cependant  on  reproche  à 
l'auteur  d'avoir  hasardé  trop  lé- 
gèrement des  corrections,  et  de 
s'être  exposé  souvent  à  corrompre 
le  texte,  au  lieu  de  le  corriger. 

On  sera  désormais  plus  à  cou- 
vert de  ce  danger,  avec  le  secours 
de  la  3ible  hébraïque,  que  le  doc- 
teur Kennicot  vient  de  faire  im- 
primer à  Londres  en  deux  vol. 
in-folio.  Il  a  suivi  l'édition  de  Van- 
der-Hoogt,  qui  passe  pour  la  plus 
correcte  ,  et  a  rassemblé  au  bas 
des  pages  toutes  les  variantes  re- 
cueillies d'après  les  meilleurs  ma- 
nuscrits qui  se  trouvent  dans  toute 
l'Europe.  Rien  ne  nous  manque 
donc  plus  pour  avoir  le  texte  hé- 
breu dans  la  plus  grande  correc- 
tion. Voyez  Texte. 

Bibles  grecques.  Le  grand  nom- 
bre des  bibles  que  Von  a  publiées 
m  grec ,  peut  être  réduit  à  trois  ou 
quatre  classes  principales;  savoir, 
celle  de  Complute,  ou  d'Alcala  de 
Hénarès,  celle  de  Venise,  celle  de 
Rome  et  celle  d'Oxford. 

La  première  parut  en  i5i5  ,  par 
les  ordres  du  cardinal  Ximcnès ,  et 
fut  mise  dans  la  bible  polyglotte  , 
que  l'on  appelle  ordinairement  la 
bible  de  Complute.  Cette  édition 
n'est  pas  exacte  ,  parce  que  dans 
plusieurs  endroits  l'on  y  a  changé 
la  version  des  septante  ,  pour  se 
conformer  au  texte  hébreu.  On  l'a 
cependant  réimprimée  dans  la  po- 
lyglotte d'Anvers  ,  dans  celle  de 
Paris,  et  dans  la  bible  in-^.  °  connue 
sous  le  nom  de  Vatable  ,  sans  y 
rien  corriger. 

La  seconde  bible  grecque  est  celle 
de  Venise,  qui  parut  en  i5i8,  où 
le  texte  grec  des  septante  a  été  im- 
primé conformément  au  manu- 
scrit sur  lequel  on  a  travaillé.  Cette 
édition  est  pleine  de  fautes  de  co- 


BIB 

pjstes,  mais  aisées  à  corriger.  On 
l'a  réimprimée  à  Strasbourg  ,  à 
Bàle,  à  Francfort  et  ailleurs,  en 
l'altérant  dans  quelques  endroils 
pour  la  rendre  conforme  au  texte 
hébreu.  La  plus  commode  de  ces 
bibles  est  celle  de  Francfort,  à  la- 
quelle on  a  joint  de  courtes  scho- 
liesdont  l'auteur  n'est  pas  nommé, 
mais  que  l'on  attribue  à  Junius  : 
elles  servent  à  marquer  les  diffé- 
rentes interprétation?  des  anciens 
traducteurs  grecs. 

La  troisième  est  celle  de  Rome, 
en  iSSy  ,  que  Ton  appelle  Védition 
Sixline ,  dans  laquelle  on  a  inséré 
des  scholies  tirées  des  manuscrits 
grecs  des  bibliolhèq\ies  de  Rome, 
et  recueillies  par  Pierre  Morin. 
Elle  passe  pour  la  plus  exacte.  Celte 
belle  édition  fut  réimprimée  àParis 
en  1628  par  le  Père  Morin,  de  l'o- 
ratoire, qui  y  joignit  l'ancienne 
\ersion  latine  de  Nobilius  ;  celle- 
ci,  dans  l'édition  de  Rome,  étoit 
imprimée  séparément  avec  les  com- 
mentaires. L'édition  grecque  de 
Rome  se  trouve  dans  la  polyglotte 
de  Londres  ,  et  porte  en  marge  les 
différentes  leçons  tirées  du  manu- 
scrit d'Alexandrie.  On  l'a  aussi 
donnée  en  Angleterre  j/2  -  4.°  et 
i'/2-i2,  avec  quelques  changements. 
Lambert  Bos  l'a  encore  puLliée 
en  1709  à  Franéker,  avec  toutes 
les  différentes  leçons  qu'il  a  pu 
recouvrer. 

Enfin  ,  la  quatrième  bible  grecque 
est  celle  qu'on  a  faite  en.  Angle- 
terre d'après  un  exemplaire  très- 
ancien  ,  connu  sous  le  nom  de  wo- 
nuscrit  d^ Alexandrie ,  parce  qu'il  a 
été  envoyé  de  cette  ville.  Elle  fut 
commencée  à  Oxford  par  le  doc- 
teur Grabe ,  en  1707.  Dans  cette 
bible ,  le  manuscrit  d'Alexandrie 
n'est  pas  imprimé  tel  qu'il  étoit , 
mais  tel  qu'on  a  cru  qu'il  devoit 
être.  On  y  a  changé  les  endroils 
qui  ont  paru  être  des  fautes  de  co- 
pistes, et  les  mots  qui  étoient  de 
différents  dialectes.  Quelques-uns 


BIR 

ontapplatiili  à  celle  libcrlé,  d'an- 
tres l'ont  hlàinée  ;  ils  ont  prélcndii 
«^uc  le  manuscrit  étoit  exact,  que 
les  conjectures  ou  les  diverses  le- 
çons avoient  clé.  rejelées  dans  les 
notes  dont  il  étoit  accompa{;;né. 
Voyez  Septante  ;  et  pour  les  autres 
versions  grecques  ,  voyez  Version 
Bibles  latines.  Quoique  leur 
nombre  soit  encore  plus  grand  que 
celui  des  bibles  grecques,  on  peut 
le  réduire  à  trois  classes  ;  savoir, 
l'ancienne  vulgate ,  nommée  versio 
ilnla  ,  traduite  du  grec  des  sep- 
tante ;  la  vulgate  moderne,  dont 
la  plus  grande  partie  est  traduite 
du  texte  hébreu,  et  les  nouvelles 
versions  latines  faites  sur  l'hébreu 
dans  le  seizième  siècle. 

De  l'ancienne  vulgate  ,  dont  on 
s'est  s»rvi  en  Occident  jusqu'après 
le  temps  de  saint  Grégoire  le  Grand, 
il  ne  reste  point  de  livres  entiers 
que  les  Psaumes,  le  livre  de  la  Sa- 
gesse, et  l'Ecclésiaste ,  et  des  Irag- 
ments  épars  dans  les  écrits  des 
Pères,  d'où  Nobilius  a  tâché  de  la 
tirer  toute  entière  :  projet  qui  a 
été  exécuté  de  nos  jours  par  dom 
Sabatier,  bénédictin. 

On  connoît  un  grand  nombre 
d'éditions  de  la  vulgate  moderne, 
qui  est  la  version  de  saint  Jérôme 
faite  sur  l'hébreu.  Le  cardinal  Xi- 
inénès  en  fit  insérer  dans  sa  poly- 
glotte une  qui  est  altérée  ou  cor- 
rigée en  plusieurs  endroits.  La 
meilleure  édition  delà  vulgate  de 
Uobert  Etienne  est  celle  de  i54o  , 
réimprimée  en  i545,oùron  trouve 
en  marge  les  différentes  leçons  des 
manuscrits  dont  il  avoit  pu  avoir 
connoissance.  Les  docteurs  de  Lou- 
vain  l'ont  revue,  y  ont  ajouté  de 
nouvelles  leçons  inconnues  à  Ro- 
l)ert  Etienne;  leur  meilleure  édi- 
tion est  celle  qui  contient  à  la  fin 
les  notes  critiques  de  François  Lu- 
(as  de  Bruges.  Toutes  ces  correc- 
tions de  la  bible  latine  furent  faites 
avant  le  temps  de  Sixte  V  et  de 
Clément  VIII ,  depuis  lesquels  pcr- 


BIB 


36 1 


sonne  n'a  osé  faire  aucun  chan- 
gement dans  le  texte  de  la  vulgate 
si  ce  n'est  dans  des  commentaires 
ou  dans  des  notes  séparées.  Les 
corrections  ordonnées  par  Clé- 
ment VIII  en  1892  ,  sont  celles  que 
l'on  suit  dans  toute  l'Eglise  catho- 
lique; de  deux  réformes  qu'a  faites 
ce  pontife,  on  s'est  toujours  tenu 
à  la  première.  Ce  fut  d'après  elle 
que  Plantin  donna  son  édition,  et 
toutes  les  autres  furent  faites  d'a- 
près celle  de  Plantin  ;  de  sorte  que 
les  bibles  communes  sont  d'après  la 
correction  de  Clément  VIII.  Voy. 
Vulgate. 

Il  y  a  un  très-grand  nombre  de 
bibles  latines  de  la  troisième  classe, 
ou  de  versions  latines  des  livres 
sacrés  faites  sur  les  originaux  de- 
puis deux  siècles.  La  première  est 
celle  de  Sanctès  Pagninus  ,  domi- 
nicain ;  elle  fut  imprimée  à  Lyon 
in-J^.°  en  1628  ;  elle  est  fort  estimée 
des  juifs.  L'auteur  la  perfectionna, 
et  l'on  en  fit  à  Lyon  une  belle  édi- 
tion in-folio,  en  1642,  avec  des 
scholies  sous  le  nom  de  Michael 
Villanovaniis.  On  croit  que  c'est 
Michel  Servet,  brûlé  depuis  à  Ge- 
nève. Servet  prit  ce  nom,  parce 
qu'il  étoit  né  àVillanueva  en  Ara- 
gon. Ceux  de  Zurich  donnèrent 
aussi  une  édition  in-/^.°  de  la  bible 
de  Pagninus.  Robert  Etienne  la 
réimprima  in-folio  avec  la  vulgate, 
en  i586,  en  quatre  colonnes  sous 
le  nom  de  Valable  ,  et  on  l'a  in- 
sérée dans  ]a  bible  en  quatre  langues 
de  l'édition  de  Hambourg. 

Cette  même  version  de  Pagninus 
a  élé  retouchée  et  rendue  littérale 
par  Arias  Montanus,  avec  l'appro- 
bation des  Codeurs  de  Louvain  , 
insérée  ensuite,  par  l'ordre  de  Phi- 
lippe II  ,  dans  la  polyglotte  de 
Complute,  et  enfin  dans  celle  de 
Londres  ,  où  elle  est  placée  entri; 
les  lignes  du  texte  hébreu.  Il  y 
en  a  eu  différentes  éditions  in~ 
folio  ,  in-^.°  et  m-8.°,  auxquelles 
on  a  joint  le  texte  hélireu  de  l'an- 


362  BIB 

cicn  Teslament  et  le  grec  du  nou- 
veau. La  meilleure eslcelle  de  147 1 , 
in-folio. 

Depuis  la  réformalion,  les  pro- 
testants ont  aussi  donné  plusieurs 
versions  latines  de  la  bible.  Les  plus 
estimées  sont  celles  de  Munster , 
de  Léon  Juda  ,  de  Castaliou  et  de 
Tremellius  ;  les  trois  dernières  ont 
été  souvent  réimprimées.  Celle  de 
Castalion  l'emporte  pour  la  beauté 
du  latin;  mais  les  critiques  sensés 
iugent  que  cette  affectation  d'élé- 
gance est  déplacée  dans  les  livres 
saints.  La  version  de  Léon  Juda , 
ministre  de  Zurich ,  corrigée  par 
les  théologiens  de  Salamanque , 
a  été  jointe  à  l'ancienne  édition 
publiée  par  Robert  Etienne  ,  avec 
les  notes  de  Vatable.  Celles  de 
Junius  et  de  Tremillius  sont  pré- 
férées par  les  calvinistes ,  et  il  y 
en  a  un  grand  nombre  d'éditions. 
Mais  c'est  mal  à  propos  que  les 
protestants  donnent  à  ces  diffé- 
rentes éditions  la  préférence  sur 
la  vulgate  ;  leiirs  plus  habiles  cri- 
tiques comme  Louis  de  Dieu  , 
Drusius,  Milles,  Walson,  Capel  , 
ont  rendu  justice  à  la  fidélité  de 
celle-ci. 

L'on  pourroit  ajouter  pour  qua- 
trième classe  des  bibles  latines,  celle 
d'Isidor  Clarius  ou  Clair,  écrivain 
catholique  évcque  de  Fuligno  dans 
rOmbrie.  Cet  auteur,  peu  content 
des  corrections  faites  a  la  vulgate, 
voulut  la  corriger  de  nouveau  sur 
lesoriginaux.Sonouvrage,imprimé 
à  Venise  en  i542,  fut  d'abord  mis 
à  Vindex,  ensuite  permis  et  réim- 
primé à  Venise  en  i564  ,  à  l'ex- 
ception de  la  préface  et  des  pro- 
légomènes ,  dans  lesquels  Clarius 
avoit  paru  ne  pas  respecter  assez 
la  vulgate.  Plusieurs  protestants 
ont  suivi  cette  méthode  ;  André 
et  Luc  Osiander  ont  publié  chacun 
une  nouvelle  édition  de  la  vulgate 
corrigée  sur  les  originaux  ;  mais 
ont-ils  toujours  été  assez  siirs  du 
sens  des  originaux,  pour  jr^ier  avec 


BIB 

certitude    que    l'interprète    latin 
s'étoit  trompé  ? 

Bibles  orientales.  On  peut 
mettre  à  la  tête  de  ces  bibles  la 
version  samaritaine ,  qui,  de  tous 
les  livres  de  l'Ecriture,  ne  renferme 
que  le  pentateuque.  Cette  version 
est  faite  en  samaritain  moderne  , 
peu  différent  du  chaldaïque  ,  sur 
le  texte  hébreu  écrit  en  caractères 
samaritains  ,  et  qui  est  différent 
en  quelque  chose  du  texte  hébreu 
des  Juifs.  Le  père  Morin  de  l'ora- 
toire est  le  premier  qui  ait  fait 
imprimer  le  pentateuque  hébreu 
des  samaritains  avec  la  version. 
L'un  et  l'autre  se  trouvent  dans 
les  polyglottes  de  Londres  et  de 
Paris.  Les  samaritains  ont  encore 
une  version  arabe  du  pentateuque, 
qui  n'a  point  été  imprimée;  et  qui 
est  fort  rare  ;  il  y  en  a  deux  exem- 
plaires dans  labibliothèque  du  roi. 
L'auteur  de  cette  version  se  nomme 
Abusaïd ,  et  a  mis  en  marge  quel- 
ques notes  littérales.  Ils  ont  aussi 
l'histoire  de  Josué,  qu'ils  ne  regar- 
dent point  comme  canonique  ,  et 
qui  est  différente  du  livre  de  Josué 
renfermé  dans  nos  bibles. 

Bibles  chaldéennes.  Ce  ne  sont 
point  de  pures  versions  du  texte 
hébreu,  niais  des  gloses  ou  para- 
phrases de  ce  texte,  que  les  Juifs  ont 
faites  en  langue  chaldaïque, lors- 
qu'ils la  parloient.  Us  les  nomment 
targumin,  interprétations.  Les  plus 
estimées  sont  celle  d'Onkélos,  qui 
ne  comprend  que  le  pentateuque, 
et  celle  de  Jonathan,  sur  les  livres 
que  les  juifs  nomment  prophètes  , 
tels  que  Josué,  les  Juges,  les  livres 
des  Rois,  les  grands  et  les  petits 
prophètes.  Les  autres  paraphrases 
chaldaïques  sont  la  plupart  rem- 
plies de  fables.  On  les  a  mises  dans 
la  grande  bible  hébraïque  de  Venise 
et  de  Bàle ,  mais  elles  se  lisent  plus 
aisément  dans  les  polyglottes  où  la 
traduction  latine  se  trouve  à  côte. 
Voyez  Targum. 
Bibles    syriaques.   Les   Syriens 


BIIÎ 

ont  deux  versions  de  l'ancien  Tes- 
tament dans  la  langue  de  leurs 
ancêtres  ;  l'une  laite  sur  le  grec 
des  septante,  qui  n'a  point  été  im- 
primée, l'autre  faite  sur  le  texte 
hébreu,  qui  se  trouve  dans  la  po- 
lyglotte de  Paris  et  dans  celle 
d'Angleterre.  Parmi  les  versions 
orientales  de  l'Ecriture,  celle-ci  est 
l'une  des  plus  précieuses. 

Elle  paroît  avoir  été  faite  ou 
du  temps  même  des  apôtres ,  ou 
immédiatement  après  ,  pour  les 
Kglises  de  Syrie  où  elle  est  encore 
en  usage. 

Les  maronites,  elles  autres  chré- 
tiens qui  suivent  le  rit  syrien  , 
attribuent  à  cette  version  une  an- 
tiquité fabuleuse.  Ils  prétendent 
qu'une  partie  a  été  faite  par  or- 
dre de  Salomon  ,  pour  Hiram  roi 
de  Tyr,  et  le  reste  par  ordre  d'Ab- 
gare  roi  d'Edesse,  contemporain 
de  Notre-Seigneur.  La  seule  preuve 
qu'ils  en  donnent,  est  que  saint 
Paul,  àanssonépitre  aux  Ephésiens, 
c.  4?  y^'  8,  a  cité  un  passage  du 
psaume  68,  y^.  i8,  selon  la  version 
syriaque.  Il  dit  de  Jésus- Chri.st  , 
t{u'il  a  mené  captive  une  multitude 
de  captifs  ,  et  a  donné  des  dons 
aux  hommes  ;  l'hébreu  et  les  sep- 
tante portent  seulement  :  Il  a  reçu 
des  dons  pour  les  hommes.  Cette 
preuve  est  trop  légère  pour  établir 
un  fait  aussi  important. 

La  vérité  est  que  cette  version 
est  fort  ancienne,  qu'elle  a  précédé 
toutes  les  autres,  excepté  celle  des 
septante ,  les  targums  d'Onkélos 
et  de  Jonathan.  C'est  le  sentiment 
de  Pocock,  dans  sa  Préface  de  Mi- 
chée  ;  de  l'abbé  Renaudot,  dans  sa 
Collection  des  liturgies  orientales , 
de  Walton,  Prolég.,  i3  ,  etc.  Il 
paroît  que  son  auteur  est  un  chré- 
tien ,  juif  de  nation,  qui  savoit 
très-bien  les  deux  langues  ;  elle  est 
fort  exacte,  et  rend  avec  plus  de 
justesse  qu'aucune  autre  le  sens  de 
l'original.  Le  génie  de  la  langue  y 
contribue  beaucoup  ;  comme  c'é- 


ïiin  363 

toit  la  langue  maternelle  de  ceux 
qui  ont  écrit  le  nouveau  Testament 
et  un  dialecte  de  l'hébreu  ,  il  y  a 
plusieurs  choses  quisont  plus  heu- 
reusement exprimées  ([uns  celte 
version  que  dans  aucune  autre. 
Elle  n'est  pas  moins  fidèle  sur  le 
nouveau  Testament  que  sur  l'an- 
cien ;  il  n'en  est  donc  aucune  de 
laquelle  on  puisse  tirer  plus  de 
secours  pour  l'intelligence  des 
livres  sacrés.  Gabriel  Sionite  a 
publié  à  Paris,  en  iSsS,  une  très- 
belle  édition  des  psaumes  en  syria- 
que, avec  une  traduction  latine. 

La  première  édition  du  nouveau 
Testament  syriaque  est  celle  que 
Widmansladiusfit  paroi tre  à  Vien- 
ne en  Autriche,  l'an  1 555,  aux  frais 
de  l'empereur  Ferdinand.  Dans  le 
manuscrit  apporté  d'Orient  ,  et 
dont  on  se  servit,  il  manquoil  la 
seconde  épître  de  saint  Pierre,  la 
seconde  et  la  troisième  de  saint 
Jean,  celle  de  saint  Jude  et  l'Apo- 
calypse. On  en  conclut  assez  légè- 
rement que  ces  livres  n'étoient 
point  admis  dans  le  canon  des  Ecri- 
tures par  les  jacobites  ,  quoiqu'ils 
fussent  entre  leurs  mains.  Mais 
Louis  de  Dieu ,  aidé  de  Daniel 
Heinsius,  fit  imprimer  en  syriaque 
l'Apocalypse  en  1627,  sur  un  ma- 
nuscrit que  Joseph  Scaliger  avoit 
légué  à  l'université  de  Leyde.  En 
i63o,  le  savant  Pocock,  âgé  seu- 
lement de  vingt-quatreans,  trouva 
dans  la  bibliothèque  bodléienne 
un  très-beau  manuscrit  syriaque  , 
qui  contenoit  plusieurs  écrits  du 
nouveau  Testament,  et  en  particu- 
lier les  quatre  épîtres  qui  man- 
quoient  dans  le  manuscrit  de  Vien- 
ne. Il  joignit  aux  caractères  syria- 
ques les  points  selon  les  règîes  don- 
nées par  Gabriel  Sionite  ,  le  texte 
grec,  une  version  latine  comparée 
avec  celle  d'Etzélius,  des  notes  sa- 
vantes et  utiles  ,  et  fit  imprimer 
cet  ouvrage  à  Leyde  ;  ainsi ,  l'on 
est  parvenu  à  nous  donner  une 
version  très-complète  de  l'Ecriture 


364 


BIB 


sainte  tlans  une  langue  qui  a  été 
celle  «le  notre  Sauveur  et  des  apô- 
tres. Elle  est  dans  la  polyglotte 
d'Angleterre,  tom.  5 

Comme  on  ne  peut  pas  prouver 
que  cette  version  des  différentes 
parties  de  l'Ecriture  sainte  ait  été 
îaite  en  divers  temps  et  par  des 
auteurs  différents  ,  il  en  résulte 
que,  quand  elle  a  été  faite,  les  égli- 
ses de  Syrie  regardoient  comme 
canoniques  les  livres  que  les  pro- 
testants ont  trouvé  bon  de  rejeter, 
et  dont  ils  s'obstinent  encore  à 
méconnoître  la  canonicité. 

Assémani,  Biblioih.  orient.,  t.  2, 
chap.  i3,  attribue  cette  version  à 
Thomas  d'Héraclée  ,  évéque  de 
Germanicie,  qui  écrivolt  en  616. 

C'est  donc  trés-mal  à  propos  que 
Beausobre  a  triomphé  de  ce  que 
l'Apocalypse  ne  se  trouvoit  pas 
dans  le  manuscrit  mis  au  jour  par 
Widmanstadius,  et  qu'il  en  a  con- 
clu que  les  églises  orientales  ne 
reconnoissoient  pas  ce  livre  pour 
canonique.  Les  autres  preuves  né- 
gatives qu'il  allègue  de  ce  même 
lait  ne  concluent  rien.  Fb/ez  Apo- 
calypse. 

Bibles  arabes.  Elles  sont  en 
ir^s- grand  nombre;  les  unes  à 
l'usage  des  juifs,  les  autres  à  l'usage 
des  chrétiens,  dans  les  pays  où  les 
uns  et  les  autres  parlent  cette  lan- 
gue. Les  premières  ont  toutes  été 
faites  sur  l'hébreu  ,  les  secondes 
sur  d'autres  versions.  Ainsi ,  la 
version  arabe  des  Syriens  a  été 
prise  du  syjrià.que,  depuis  que  cette 
dernière  langue  n'a  plus  été  enten- 
due du  peuple  ;  celle  des  cophtes 
a  pris  pour  original  la  version 
cophtique  ,  dont  nous  parlerons 
ci-api'ès. 

En  i5i6,  Augustin  Jusliniani , 
évêque  de  Nébio  ,  donna  à  Gcnes 
une  version  arabe  dij  psautier , 
avec  le  texte  hébreu  et  la  pai-a- 
phrase  chaldaïquc  ,  et  y  joignit 
l'interprétation  latine.  On  trouve 
dans  les  polyglottes  de  Londres  et 


BIC 

de  Paris  une  version  arabe  de 
toute  l'Ecriture  sainte;  mais  l'abbé 
Renaudot  a  observé  que  cette  ver- 
sion n'est  qu'une  compilation  de 
plusieurs  autres ,  qui  n'ont  rien 
de  commun  avec  celles  dont  se 
servent  les  chrétiens  orientaux  , 
soit  syriens ,  soit  cophtes;  qu'ainsi, 
elle  n'auroit  chez  eux  aucune  au- 
torité. LUurg.  orient,  collectio  , 
tom.  I,  p.  208. 

11  y  a  une  édition  complète  de 
l'ancien  Testament  en  arabe,  qui 
fut  imprimée  à  Rome  ,  en  1671, 
par  ordre  de  la  congrégation  de 
propagandâ  fide  ;  mais  on  a  voulu 
la  faire  cadrer  avec  la  vulgate  ,  et 
par  conséquent  elle  n'est  pas  tou- 
jours conforme  au  texte  hébreu. 

Plusieurs  savants  pensent  que 
celle  qui  est  dans  les  polyglottes 
a  été  faite  par  Saadias  Gaon,  rab- 
bin, qui  vivoit  au  commencement 
du  dixième  siècle  ;  en  effet,  Aben- 
Ezra,  grand  antagoniste  de  Saadias, 
cite  quelques  passages  de  sa  version 
qui  se  trouvent  dans  celle  des  po- 
lyglottes ;  mais  d'autres  pensent 
que  la  version  de  Saadias  ne  sub- 
siste plus. 

En  1622,  Erpénius  fit  imprimer 
un  pentateuque  arabe  qui  fut  ap- 
pelé le  pentateuque  de  Mauritanie  y 
parce  qu'il  étoit  à  l'usage  des  juifs 
de  Barbarie  ;  la  version  en  est  très- 
liltérale  et  passe  pour  exacte.  Déjà 
en  1716,  il  aAoil  publié  à  Leyde 
un  nouveau  Testament  complet 
en  arabe,  tel  qu'il  l'avoit  trouvé 
dans  un  manuscrit.  Avant  lui  , 
en  i5gi ,  l'onavoitimpriméà  Rome 
les  quatre  Evangiles  en  arabe ,  avec 
une  version  latine  in-folio.  Cette 
version  a  été  réimprimée  dans  les 
polyglottes  de  Paris  et  de  Londres, 
avec  quelques  changements  faits 
par  Gabriel  Sionite. 

Bibles  cophtes.  Ce  sont  les  bibles 
des  chrétiens  d'Egypte  que  l'on 
appelle  cophtes  oucoptes  ;  el'cs  sont 
écrites  dans  l'ancien  langage  de  ce 
pays-là,    qui    est   un   mélange  de 


iîir> 

f^rcc  cl  iri'gyplion.  Il  n'y  a  aucune 
parlicdc  \:ïùiôIc  imprimcccncophic; 
mais  il  y  on  a  plusieurs  en  manus- 
crit dans  lesgraiulesbibliolhéqucs, 
surtout  dans  celle  du  roi.  Comme 
la  langue  co/>///f  n'est  plus  entendue 
par  les  chrétiens  d'Egypte,  depuis 
qu'ils  sont  sous  la  domination  des 
mahoinétans,  ils  lisent  l'Ecriture 
dans  une  version  arabe.  Quant 
auxleçons  tirées  de  l'Ecriture  qu'ils 
lisent  dans  leur  liturgie  ,  ils  les 
prennent  dans  une  version  coph/e 
qui  a  été  laite  sur  celle  des  septante. 

L'abbé  Rcnaudot  juge  que  leur 
vcrsioil  cophte  du  nouveau  Testa- 
Tiient  est  très-ancienne  ;  il  lui  pa- 
roît  certain  que  les  anciens  solitai- 
res de  la  Thébaïde  n'entendoient 
que  le  cophte,  et  ne  pouvoientlire 
l'Evangile  que  dans  cette  langue. 
Il  seroit  bon  d'avoir  plus  de  con- 
noissance  que  nous  n'en  avons  de 
cette  version,  de  savoir  si  elle  ren- 
lérme  tous  les  livres  que  nous  re- 
cevons comme  canoniques:  ce  se- 
roit un  argument  de  plus  contre 
les  prétentions  des  protestants. 
Nous  pouvons  le  présumer  ainsi, 
puisque  les  Abissins  ou  Ethiopiens 
qui  ont  reçu  des  patriarches  d'A- 
lexandrie leur  croyance  et  leurs 
usages,  ont  dans  leur  bible  le  même 
nombre  de  livres  que  nous  ;  c'est 
du  moins  ce  que  rapporte  le  père 
Lobo.  Voyez  Lebrun  ,  Expl.  des 
Cérém.,  tom.  4,  P-  535. 

Bibles  éthiopiennes.  Les  chré- 
tiens d'Ethiopie  ,  que  l'on  appelle 
abissins,  ont  traduit  quelques  par- 
tics  de  la  bible  dans  leur  langue  , 
comme  les  psaumes,  les  cantiques, 
quelques  cliapitres  de  la  Genèse  , 
Ruth,  Joël,  Jonas,  Malachie  et  le 
nouveau  Testament.  Ces  divers 
morceaux  ont  été  d'abord  impri- 
més séparément,  et  ensuite  recueil- 
lis dans  la  polyglotte  d'Angle- 
terre. Cette  version  [)eut  avoir  été 
faite  ou  sur  legrec  desseptante,  ou 
sur  le  cophte  qui  a  lui-même  été 
lire  desseptante.  Le  nouveau  Tes- 


mil 


365 


inmonl di/iiopien,  imprimé  d'abord 
à  Rome  en  i548  ,  est  très-inexact  ; 
on  n'a  pas  laissé  de  le  faire  passer 
avec  toutes  ses  fautes  dans  la  po- 
lyglotte de  Londres.  Walton,  Pro- 
Icg.  i5  ,  pense  que  cette  version  du 
nouveau  Testament  a  été  faite  sur 
le  texte  grec ,  et  non  sur  aucune 
autre  version  ;  il  est  persuadé  , 
avec  raison  ,  que  les  Ethiopiens 
ont  une  version  complète  de  la 
bible  dans  leur  langue,  qui  ressem- 
ble beaucoup  au  chaldéen  ,  par 
conséquent  à  l'hébreu  ;  mais  il 
n'avoit  pas  pu  parvenir  à  en  avoir 
un  exemplaire  complet.  Leur  nou- 
veau Testament  renferme  l'Apo- 
calypse et  les  quatre  épîtres  dont 
certains  critiques  modernes  ont 
voulu  contester  l'authenticité. 
Nous  parlerons  ailleurs  de  leur 
croyance  et  de  leur  liturgie.  Voyez 
Ethiopiens. 

Bibles  ap.iwéniennes.  Il  y  a  une 
très-ancienne  version  arménienne. 
de  toute  la  bible,  qui  a  été  faite 
d'après  le  grec  des  septante  par 
quelques  docteurs  de  celte  nation, 
dès  le  temps  de  saint  Jean  Chry- 
sostôme  ,  vers  l'an  4io  ,  ft  long- 
temps avant  que  les  Arméniens 
fussent  engagés  dans  le  schisme. 
Comme  les  exemplaires  manuscrit.<; 
étoient  rares  et  chers,  Ost'liam  ou 
Uscham  ,  évêque  d'Uschoiianch  , 
l'un  de  leurs  docteurs,  fit  imprimer 
la  bible  arménienne  entière ,  î'a?-4-°, 
à  Amsterdam,  en  1664,  et  le  nou- 
veau Testament  m-8.°.  Le  psautier 
arménien  avoit  déjà  été  imprimé 
I  ong- temps  auparavant.  Il  ne  paroîl 
pas  que  les  Arméniens  aient  rejeté 
aucun  des  livres  que  nous  appelons 
deulero-  canoniques. 

Bibles  persanes.  Comme  le 
christianisme  a  été  florissant  dans 
la  Perse  dès  le  premier  siècle  de 
l'Eglise,  on  présume  que  l'Ecriture 
sainte  fut  traduite  de  bonne  heure 
en  langue /7er.sû!ne,  et  quelques-unes 
des  Pères  semblent  l'insinuer  ;  mais 
il  ne  reste  rien  de  cette  ancienne 


36G  BÎB 

version  que  l'on  suppose  avoir  clé 
faite  sur  le  grec  des  septante.  Le 
pentateuque  persan,  que  l'on  a  im- 
primé dans  la  polyglotte  d'Angle- 
terre ,  est  l'ouvrage  de  R.  Jacob  , 
juif  persan.  Les  quatre  Evangiles 
que  l'on  y  a  mis  dans  la  mcme 
langue,  avec  une  traduction  latine, 
ont  été  traduits  plus  récemment  ; 
plusieurs  critiques  ont  jugé  que 
cette  version  étoit  très-inexacte  , 
et  ne  valoit  pas  la  peine  d'être  pu- 
)>Iiée. 

Bible  gothique.  On  croit  géné- 
ralement que  Uphilas  ou  Gulphi- 
las,  évêque  des  Goths  qui  habi- 
toient  dans  la  Rlœsie  ,  fit  dans  le 
quatrième  siècle  une  version  de  la 
bible  entière  pour  sq.s  compatriotes, 
qu'il  en  retrancha  cependant  les 
livres  des  Rois  ;  il  craignit  que  la 
lecture  de  cette  histoire  ne  fiit  dan- 
gereuse pour  une  nation  déjà  trop 
belliqueuse,  que  les  guerres  et  les 
combats  dont  il  y  est  fait  mention 
ne  fussent  pour  elle  un  prétexte 
d'avoir  toujours  les  armes  à  la 
main.  Quoi  qu'il  en  soit ,  on  n'a 
plus  rien  de  cette  ancienne  version 
que  les  quatreEvangiles  qui  furent 
imprimés  à  Dordrecht  en  i665  , 
d'après  un  très-ancien  manuscrit. 

RiBLE  MOSCOVITE.  C'est  une 
traduction  de  la  bible  entière  en 
langue  esclavonne,  de  laquelle  la 
langue  des  Russes  o\i  Moscovites  est 
un  dialecte.  Elle  a  été  faite  sur  le 
grec  ,  et  imprimée  à  Ostravie  ou 
Ostrog  en  Volhinie  ,  province  de 
Pologne  ,  aux  dépens  de  Constan- 
tinBasile,  duc  d'Os trasie,  à  l'usage 
des  ch  lé  tiens  qui  parlent  la  langue 
esclavonne.  On  ne  sait  pas  précisé- 
ment par  quel  auteur,  ni  en  quel 
temps  cette  version  a  été  faite  ;  mais 
elle  ne  peut  pas  être  fort  ancienne. 

Bibles  en  langues  vulgaires. 
Le  nombre  en  est  prodigieux  ,  et 
ces  traductions  sont  trop  connues 
pour  qu'il  soit  nécessaire  d'en  trai- 
ter enparticulier.  AumotVERSiON, 
nous  dirons  quelque  chose  de  celles 


BIB 

qui  ont  été  faites  par  les  protes- 
tants. 

Sur  les  différentes  bibles  dont 
nous  venons  de  parler,  i;o/c« Kor 
tholt ,  de  variis  Biblior.  edit.  ;  B. 
Elias,  levita;  le  père  Morin,  Exer- 
cilationcs  biblicœ  ;  Simon  ,  JJist. 
Crit.  du  vieux  et  du  nouveau  Tci- 
/aw2en/,Dupin,  Bibliot.  des  Auteurs 
éccles. ,  tom.  1  ;  Bibliothèque  sacrée 
du  père  Lelong  ,  et  celle  que  dom 
Calinet  a  jointe  à  son  Dictionnaire 
delà  bible. 

Il  nous  reste  deux  mots  à  dire 
de  la  division  de  la  bible  en  livres, 
en  chapitres  et  en  versets.  Dans  l'o- 
rigine ,  le  texte  étoit  écrit  de  suite 
sans  aucune  division  ;  l'an  SgG  ,  un 
auteur  dont  on  ne  sait  pas  le  nom 
partagea  en  chapitres  les  Epîtres 
de  saint  Paul  ,  et  y  mit  des  titres 
qui  indiquent  le  sujet  en  abrégé  , 
comme  l'on  fait  encore.  L'an  4^8, 
Euthalius  ,  diacre  d'Alexandrie  , 
fit  la  même  chose  sur  les  Actes 
des  apôtres  et  sur  les  Epîtres  ca- 
noniques ;  il  distingua  même  ces 
différents  ouvrages  en  versets. 
D'autres  ont  introduit  les  mêmes 
divisions  dans  le  texte  des  Evan- 
giles ,  avant  et  après  Euthalius  , 
mais  on  n'en  sait  rien  de  certain. 
Voyez  Zacagni  ,  Collect.  veier.  Mo- 
num.  Ecclesiœ  grœcœ  et  latinœ  , 
in-4.°,  Bornœ,  1698. 

Quant  à  la  division  des  livres  de 
l'ancien  Testament  en  chapitres  et 
en  versets,  elle  est  beaucoup  plus 
moderne  ;  elle  n'a  été  faite  qu'au 
treizième  siècle  ,  lorsque  l'on  a 
dressé  les  concordances  de  la  bible. 
Voyez  Concordance. 

Par  conséquent  cette  division  ne 
fait  pas  loi  ;  si,  pourtrouver  le  vrai 
sens  d'un  passage  il  faut  réunir 
deux  versets  séparés  ,  ou  diviser 
par  une  nouvelle  ponctuation  une 
phrase  réunie  dans  un  seul  verset, 
cela  est  très-permis ,  à  moins  que 
le  sens  différent  ne  soit  fixé  par  la 
tradition.  L'Eglise,  en  déclarant  l.i 
vulga te  authentique,  n'a  pas  décidé 


que  la  poitcluatioii  et  l'arrange- 
iiienl  des  versets  sont  une  chose 
sacrée,  à  latpielle  il  n'est  pas  permis 
(le  toucher. 

BIBLIOTHÈQUE.  Ou  a  ainsi 
nommé  ,  non-sculcment  les  lieux 
dans  lesquels  on  a  rassemblé  des 
livres,  mais  les  recueils  ou  catalo- 
gues d'auteurs  et  d'ouvrages  d'un 
certain  genre.  11  en  est  deux  ou 
trois  dont  un  théologien  doit  avoir 
connoissance  ;  telle  est  la  Biblio- 
thèque sacrée  du  père  Lelong  de 
l'oratoire,  dans  laquelle  ce  savant 
donne  la  notice  de  tous  les  auteurs 
qui  ont  travaillé  ou  sur  l'Ecriture 
sainte  en  général  ou  sur  quelqu'une 
de  ses  parties.  Le  père  Desmolets 
l'a  publiée  en  1723  ,  en  deux  vo- 
lumes in-folio.  En  second  lieu  ,  la 
Bibliothèque  des  auteurs  ecclésias- 
tiques ;  le  docteur  Dupin  en  a  lait 
une  trés-ample  en  cinquante-huit 
vol.  1/1-8.0,  et  dom  Rémi  Cellier  , 
bénédictin  ,  une  plus  exacte  en 
vingt-quatre  volumes  in-^.°  sous 
le  titre  à" Histoire  des  Auteurs  ecclé- 
siastiques. Il  y  en  a  une  de  Guil- 
laume Cave  ,  savant  Anglois  ,  en 
deux  volumes  in-folio;  et  une  trés- 
abrégée  de  Grandcolas  ,  en  deux 
vol.  1/2-12. 

La  Bibliothèque  de  Phoiius,  com- 
posée au  neuvième  siècle  ,  est  pré- 
cieuse ;  parce  qu'il  y  a  donné  un  ex- 
trait d'un  grand  nombre  d'ouvrages 
d'anciens  auteurs,  soit  ecclésiasti- 
ques,soit  profanes, qui  sont  perdus. 

BIBLIQUE ,  terme  que  les  théo- 
logiens emploient  pour  désigner  un 
genre  de  méthode  et  de  style  con- 
forme à  celui  de  l'Ecriture  sainte. 

A  la  naissance  de  la  théologie 
scoiaslique,  au  douzième  siècle,  les 
docteurs  chrétiens  se  partagèrent 
en  deux  classes  ;  ceux  qui  conti- 
nuèrent à  prouver  les  dogmes  de 
la  foi  par  l'Ecriture  sainte  et  par 
la  tradition  ,  furent  nommes  doc- 
iorcs  biblici ,  posilivi ,   vcteres  j  les 


lîm         367 

autres  furent  appelés  dnctorcs  sen- 
tentinrii,  et  «of/,  parce  qu'ils  .s'atta' 
choient  principalement  à  expliquer 
les  sentences  de  Pierre  Lombard  , 
et  à  prouver  leurs  opinions  par 
des  raisonnements  philosophiques. 
Ceux-ci  se  croy oient  fort  supé- 
rieurs aux  premiers ,  et  s'attiroient 
toute  la  considération  ;  mais  ils 
furent  vivement  attaqués  par  leurs 
adversaires.  Guibert,abbé  de  No- 
gent,  Pierre,  abbé  de  Moutier-la- 
Celle,  Pierre  le  Chantre,  docteur 
de  Paris  ,  Gauthier  et  Richard  de 
Saint- Victor, écrivirent  avec  cha- 
leur contre  les  scolastiques  ,  et  les 
accusèrent  d'altérer  la  foi  chré- 
tienne; cette  dispute  fit  grand  bruit, 
surtout  dans  les  universités  de 
Paris  et  d'Oxford  et  continua  pen- 
dant le  treizième  siècle. GrégoirelX, 
pour  arrêter  ce  désordre  ,  écrivit 
aux  docteurs  de  Paris  :  «  Nous 
«  vous  ordonnons  et  vous  enjoi- 
»  gnons  rigoureusement  d'ensei- 
»  gner  la  pure  théologie  sans  aucun 
»  mélange  de  science  mondaine  , 
»  de  ne  point  altérer  la  parole  de 
»  Dieu  par  les  vaines  imaginations 
»  des  philosophes  ,  de  vous  tenir 
»  dans  les  bornes  posées  par  les 
»  Pères ,  de  remplir  les  esprits  de 
»  vos  auditeurs  de  la  connoissance 
»  des  vérités  célestes ,  et  de  les  faire 
»  puiser  à  la  source  du  Sauveur.  » 
Du  Boulay,  Hist.  Acad.  Paris.  , 
tom.  3,  p.  129. 

A  la  renaissance  des  lettres,  le3 
théologiens  sont  revenus  à  la  mé- 
thode des  Pères  ,  mais  sans  aban- 
donner entièrement  celle  des  sco- 
lastiques ,  qui  met  plus  d'ordre  et 
de  netteté  dans  les  discussions  des 
matières.  Voyez  Scolastique. 

BIBLISTES,nom  donné  par  quel- 
ques auteurs  aux  hérétiques  qui 
n'admettent  que  le  texte  de  la  bible 
ou  de  l'Ecriture  sainte,  sans  aucune 
interprétation,  qui  rejettent  l'au- 
torité de  la  tradition  et  celle  do 
l'Eglise,  pour  décider  les  conlro- 


368  BIE 

verses  de  la  Religion.  Plusieurs 
protestants  sensés  ont  tourne,  en 
ridicule  cet  entêtement  ,  et  l'ont 
appelé  bibliomanie,  parce  qu'il  dé- 
génère fort  aisément  en  fanatisme. 
C'est  une  absurdité  de  prétendre 
que  tout  fidèle  qui  sait  lire ,  est  suf- 
fisamment en  état  d'entendre  le 
texte  de  l'Ecriture  sainte,  pour  y 
conformer  sa  croyance.  C'est  un 
excellent  moyen  pour  former  au- 
tant de  religions  que  de  têtes.  Voyez 
Ecriture  sainte. 

BIEN,  MAL,  dans  l'ordre  physi- 
que; termes  relatifs,  et  qu'il  faut 
s'abstenir  de  prendre  dans  un  sens 
absolu. 

Il  est  dit  dans  l'histoire  de  la 
création  :,«  Dieu  vit  tout  ce  qu'il 
»>  avoit  fait,  et  tout  étoit  bien  ou 
>)  très-bon.  »  Gen. ,  c.  i  ,  }if.  3i. 
Est-ce  à  dire  que  les  créatures  sont 
sans  défaut  t  Elles  seroient  égales  à 
Dieu;  le  bien  absolu,  c'est  l'infini. 
Nous  nommons  bien  ce  qui  nous 
est  utile  et  conforme  à  nos  désirs  ; 
mais  nos  désirs  ne  sont  pas  tou- 
jours justes  et  sages  ;  ce  qui  est  un 
bien  pour  nous  est  souvent  un  mal 
pour  d'autres. 

Les  créatures  son\.bien  loi-squ'el- 
les  correspondent  à  la  fin  pour  la- 
quelle Dieu  les  a  faites  ;  c'est  donc 
une  bonté  relative  ;  elles nepeuvent 
être  bonnes  on  bien  dans  un  autre 
sens  :  il  ne  s'ensuit  point  qu'il  n'en 
puisse  résulter  un  mal  relatif  dans 
plusieurs  circonstances  ,  et  que 
Dieu  n'en  eût  pu  faire  de  meilleu- 
res. Puisque  toute  créature  est 
essentiellement  bornée  ,  il  est  im- 
possible qu'elle  ne  soit  bonne  et 
maTivaise,  un  bien  et  un  772a/,  sous 
différents  aspects. 

Tout  est  doncbien  ,  relativement 
au  dessein  que  Dieu  s'est  proposé  ; 
mais  tout  pourroit  être  mieux  , 
parce  que  la  puissance  du  Créa- 
teur est  infinie  ;  tout  est  mal  aux 
yeux  des  incrédules,  parce  que  rien 
n'est    conforme     à  leurs    désirs  ; 


BIE 

mais  ces  désirs  même  sont  un  mal, 
parce  qu'ils  ne  sont  conformes  ni 
à  la  volonté  de  Dieu,  ni  à  la  raison. 
Dans  l'hypothèse  de  l'athéisme, 
du  matérialisme  ,  de  la  fatalité  ,  1 
rien  n'est  positivement  ni  bien  ni 
mal,  puisque  rien  ne  peut  être  au- 
trement qu'il  est  ;  il  n'y  a  plus  ni 
ordre  ni  désordre  ,  puisqu'il  n'y  a 
point  d'intelligence  suprême  qui 
ait  rien  ordonné. 

Toutes  les  objections  des  mani- 
chéens répétées  par  Bayle  et  par 
les  athées  sur  l'origine  du  mal,  ne 
sont  que  des  sophismes  ;  ils  con- 
fondent le  bien  et  le  mal  relatifs 
avec  le  bien  et  le  mal  absolus.  Si 
Bayle  avoit  lu  saint  Augustin  avec 
plus  d'attention  ,  il  auroit  vu  que  j 
ce  Père  a  très-bien  saisi  le  point  ' 
de  la  difficulté,  et  a  fondé  ses  ré- 
ponses sur  un  principe  évident  : 
«  Quelques  biens  que  Dieu  fasse  , 
»  dit-il  ,  il  peut  toujours  faire 
»  mieux  ,  puisqu'il  est  tout-puis- 
»  sant  ;  il  n'y  a  donc  aucun  degré 
»  de  bien  qui  ne  soit  un  mal ,  en 
»  comparaison  d'un  degré  supé- 
»  rieur:  où  faudra-t-il  nous  arêter?» 
Epist.  184  ,  c.  7  ,  n.  22.  L.  contra 
Episi.  fundam.  ,  c.  25,  3o,  87,  etc. 
Voilà  ce  que  Bayle  et  ses  copistes 
n'ont  jamais  voulu  concevoir.  ; 

Ils  disent  qu'un  être  souveraine-  J 
ment  puissant  et  bon  n'a  pu  faire  du  ^ 
mal.  S'ils  e.nicnàtnX.  un  mal  absolu, 
cela  est  vrai.  Mais  où  est  dans  Je 
monde  le  mal  absolu  ?  Il  n'y  en  a 
pas  plus  que  de  bien  absolu.  S'ils 
entendent  par  wiaZ  un  bien  moindre 
qu'un  autre,  leurprincipe  est  faux. 
Un  être  souverainement  puissant  et 
bon  a  pu,  sans  déroger  à  sa  bonté, 
faire  un  bien  moindre  qu'un  autre 
bien.  Si  l'on  s'obstine  à  soutenir 
qu'il  a  du  faire  le  plus  grand  bien 
qu'il  a  pu,  on  tombe  dans  l'absur- 
dité :Dieu  ne  seroit  pas  tout-puis- 
sant, s'il  ne  pouvoitpas  fairemieux 
que  ce  qu'il  a  fait. 

Tous  les  sophismes  que  les  an- 
ciens et  les  modernes  ont  faits  sur 


BIK 

Torigine  du  mal ,  ont  été  fondés 
sur  cette  équivoque  et  sur  la  com- 
paraison fautive  qu'ils  ont  faite 
entre  la  bon  té  jointe  à  une  puissance 
infinie  ,  et  la  bonté  des  créatures 
jointe  à  une  puissance  très-bornée. 

Ils  ont  fait  le  même  abus  des  mots 
bonheur  et  malheur.  Le  bonheur  est 
l'état  habituel  du  bien-être  ;  celui 
dont  nous  sommes  capables  ici-bas 
est  nécessairement  borné,  non-seu- 
lement dans  sa  durée,  mais  en  lui- 
même  ,  par  conséquent  mélangé  de 
mal  et  deprivation;  quelque  parfait 
que  l'on  puisse  l'imaginer,  la  certi- 
tude dans  laquelle  nous  sommes  de 
le  voir  finir  un  jour  ,  suffit  pour  y 
répandre  l'amertume  :  il  n'y  a  point 
de  bonheur  absolu  que  le  bonheur 
éternel. 

Les  idées  de  bonheur  et  de  mal- 
heur sont  donc  encore  des  notions 
purement  relatives  ,  et  non  des 
idées  absolues  ;  un  état  habituel 
quelconque  est  censé  heureux  , 
quand  on  le  compare  à  un  état 
moins  avantageux  et  moins  agréa- 
ble ;  il  est  réputé  malheureux  en 
comparaison  d'un  état  dans  lequel 
on  goilteroit  plus  de  plaisir  et  où 
l'on  sentiroitmoins  de  privations. 
Entre  le  bonheur  absolu  qui  est 
celui  de  l'éternité  ,  et  le  malheur 
absolu  qui  est  la  damnation  ,  il  y 
a  une  échelle  immense  d'états  qui 
ne  sont  le  bonheur  ou  le  malheur 
que  par  comparaison  ;  quel  que 
soit  celui  de  ces  états  dans  lequel 
un  homme  se  trouve  ,  il  n'est  ni 
absolument  heureux  ni  absolument 
malheureux.  Les  détracteurs  de  la 

Providence  ont  beau  répéter  que 
homme  est  malheureux  en  ce  monde, 
cela  signifie  seulement  qu'il  est 
moins  heureux  qu'il  ne  pourroit 
et  ne  voudroit  l'être,  et  il  ne  s'en- 
suit rien  contre  la  bonté  de  Dieu  ; 
puisque  cette  bonté  ne  peut  jamais 
s'étendre  jusqu'à  rendre  l'homme 
aussi  heureux  actuellement  qu'il  le 
peut  et  le  veut  être. 

Quand  un  homme  seroit  habi- 


HIK  30.) 

luelleraent  exempt  de  toute  souf- 
france ,  et  dans  un  sentiment  con- 
tinuel de  plaisir  ,  cela  ne  suffiroit 
pas  pour  le  rendre  absolument 
heureux  ,  à  moins  qu'il  ne  fût  cer- 
tain que  ce  sentiment  ne  finira  o» 
ne  diminuera  jamais.  Or  un  senti- 
ment de  plaisir  trop  vif  ou  conti- 
nué trop  long-temps,  dégénère  en 
douleur  et  devient  insupportable. 
Ainsi  les  objections  tirées  du 
prétendu  malheur  des  êtres  sensi- 
bles ,  ou  de  leurs  souffrances ,  ne 
prouvent  pas  plus  contre  la  pro- 
vidence et  la  bonté  de  Dieu  ,  que 
celles  que  l'on  veut  tirer  de  î'ijni- 
pcrfection  ou  des  défauts  des  créa- 
tures. Voj^ez  Mal  ,  RLvnichéisme. 

BIEN  ET  MAL  MORAL.  C'est  ce 
que  l'on  appelle  en  d'autres  termes 
bonté  et  méchanceté  des  actions  hu- 
maines. S'il  n'y  avoit  point  de  loi 
suprême  émanée  de  la  volonté  de 
Dieu  ,  souverain  législateur ,  il  n'y 
auroit  dans  nos  actions  ni  bien  ni 
wîaZ/Tïora/.  Lorsqu'une  action  quel- 
conque seroit  bonne  et  utile  pour 
nous ,  nous  serions  dispensés  de 
savoir  si  elle  est  nuisible  à  d'autres. 
Le  bien  moral,  c'est  ce  qui  est 
conforme  à  la  loi  éternelle  qui  nous 
est  intimée  par  la  raison  et  par  la 
conscience  ;  le  mal  moral ,  ce  qui 
est  contraire  ou  à  cette  loi  ou  à  la 
loi  divine  positive. 

Il  est  dit  dans  l'Ecriture  que 
Dieu  ,  en  créant  nos  premiers  pa- 
rents ,  leur  donna  l'intelligence , 
leur  montra  le  bien  et  le  mal.  Eccli. , 
c.  17  ,  ^.  5.  Il  ne  pouvoit  leur 
donner  cette  connoissance  qu'en 
leur  imposant  une  loi  ;  sans  loi ,  il 
n'y  a  plus  de  devoir  ou  à^ obligation 
morale,  plus  de  bonne  œuvre  ni  de 
péché  ;  il  n'y  a  plus  ni  vice  ni  vertu. 
Voyez  ces  articles. 

Les  théologiens  observent  que 
parmi  les  actions  libres  de  l'hom- 
me ,  il  y  en  a  qui  sont  bonnes 
ou  mauvaises,  précisément  parce 
q^u'clles  sont  coromanàées  ou  dé- 

a4 


370 


BIE 


feiudues  ;  d'autres  qui  sont  bonites 
ou  mauvaises  en  plles-memcs  ^  cl 
abstraction  faite  de  toute  loi  qui 
les  commande  ou  les  défend  ;  con- 
aéquemment  ils  distinguent  la  bon- 
té et  la  mcchanceléjfondaTnentale 
de  certaines  actions  d'avec  la  bonté 
et  la  méchanceté  formelle.  Ainsi  , 
disent -ils,  l'action  de  manger  îe 
sang  des  animaux,  dans  les  premiers 
âges  du  monde,  n'étoit  pas  un  crime 
enelle-même,  maisseulementparce 
que  Dieu  l'avoit  défendue  i  l'obser- 
vation du  sabbat  n'étoit  un  acte 
devertu  que  parce  que  Dieu  l'avoit 
commandée  par  un  précepte  posi- 
tif. Au  contraire  ,  aimer  Dieu  et  le 
prochain  sont  des  actions  essen- 
tiellement bonnes  et  louables  ,  in- 
dépendamment de  toute  loi  ;  Dieu 
n'a  donc  pas  pu  se  dispenser  de  les 
cominander  à  l'homme  :  le  blas- 
phème ,  le  meurtre  ,  le  parjure  , 
sont  des  actions  essentiellement 
et  fondamentalement  mauvaises  , 
que  Dieu  n'a  pas  pu  se  dispenser 
de  défendre.  Les  actions  fondamen- 
talement bonnes  ou  mauvaises  sont 
l'objet  delà  loi  naturelle;  les  autres 
sont  l'objet  des  lois  positives  ,  lois 
que  Dieu  étoit  libre  d'établir  ou  de 
ne  pas  établir. 

La  bonté  fondamentale  d'une 
action  est  donc  sa  conformité  avec 
ce  qu'exige  la  souveraine  perfection 
de  Dieu  ,  ou  avec  le  diclamen  de 
la  sagesse  divine  ;  la  bonté  formelle 
est  sa  conformité  à  la  loi.  La  mé- 
chanceté fondamentale  d'une  ac- 
tion est  l'opposition  à  cette  même 
sagesse  divine  ,  qui  a  dicté  à  Dieu 
ce  qu'il  devoit  commander  ou  dé- 
fendre ;  la  méchanceté  formelle 
d'une  action  est  son  opposition  à 
la  loi. 

Cette  distinction  subtile  a  pu 
être  nécessaire  pour  mettre  plus  de 
précision  dans  nos  idées,  mais  les 
incrédules  en  ontétrangementabu- 
sé  ;  Bayle  en  a  conclu  que  dans  le 
système  même  de  l'athéisme,  et 
indépendamment  de  la  notion  de 


BIE 

Dieu  ,  il  peut  y  avoir  du  bien  et  du 
mal  moral  ;  les  matérialistes  ont 
suivi  la  même  théorie  pour  fonder 
dans  leur  système  une  prétendue 
moralité  de  nos  actions.  Ils  disent 
que  la  bonté  morale  d'une  action 
est  sa  conformité  avec  ce  qu'exige 
la  nature  humaine  ,  avec  ses  be- 
soins ,  avec  son  intérêt  bien  enten- 
du ,  ou  avec  l'intérêt  général  de 
tous  ,  conséquemment  avec  le  dic~ 
iamen  de  la  raison  et  de  la  con- 
science ;  que  la  méchanceté  morale 
est  l'opposition  d'une  action  à  ces 
mêmes  objets.  Soit,  disent -ils  , 
qu'il  y  ait  un  Dieu  ,  ou  qu'il  n'y  en 
ait  point ,  certaines  actions  sont 
par  elles-mêmes  conformes  ou  op- 
posées au  bien  général  de  l'huma- 
nité ;  c'en  est  assez  pour  qu'elles 
soient  censées  moralement  bonnes 
ou  mauvaises. 

Mais  n'est-ce  pas  là  se  jouer  des 
termes  i  i .°  Si  la  nature  de  l'homme 
n'est  pas  différente  de  celle  des 
animaux  ,  comment  ses  besoins  , 
son  intérêt,  son  avantage,  peuvent- 
ils  être  une  règle  des  mœurs  ,  une 
loi  proprement  dite  ?  Parmi  les  ac- 
tions des  animaux  ,  il  en  est  (jui 
sont  conformes  à  leurs  besoins ,  à 
leur  conservation,  à  leur  bien-être, 
par  conséquent  à  leur  intérêt  et  à 
leur  nature  ;  d'autres  qui  y  sont 
opposées ,  comme  de  se  blesser  , 
de  se  tuer  ,  de  se  dévorer;  cepen- 
dant on  ne  s'est  pas  encore  avisé 
d'imaginer  à  leur  égard  une  règle 
des  mœurs  ,  une  loi  naturelle,  une 
obligation  morale  ,  ni  de  leur  at- 
tribuer des  actes  de  vertu  ou  des 
crimes.  La  théorie  des  matérialistes 
peut  bien  fonder  une  bonté  ou  une 
méchanceté  animale  ;  mais  bâtir 
sur  cette  base  le  bien  et  le  mal  mo- 
ral, c'est  une  dérision  et  une  ab- 
surdité. 

2.°  Une  action  peut  être  con- 
forme à  mes  besoins  ,  à  mon  inté- 
rêt ,  à- mon  bien-être  ,  sans  que  je 
sois  obligé  pour  cela  de  la  faire  , 
quand  même  elle  ne  nuiroit  à  per- 


BIE 

sonne  ;  il  est  des  circonstances  dans 
lesquelles  il  est  très-louable  de  res- 
treindre nos  besoins,  de  résistera 
l'appétit ,  de  réprimer  un  penchant 
violent,  de  souffrir  une  privation 
ou  une  douleur  ;  c'est  un  acte  de 
vertu ,  puisque  c'est  un  effet  de  la 
ionie  de  l'àme.  Le  droit  de  faire  une 
action  n'est  pas  toujours  un  devoir, 
elle  peut  m'ctre  permise  sans  m'être 
commandée  ;  il  n'est  donc  pas  vrai 
que  la  bonté  morale  ,  ou  l'idée  de 
vertu  dans  une  action  ,  consiste 
dans  sa  conformité  avec  nos  be- 
soins, nos  intérêts,  notre  bien-être, 
notre  sensibilité  physique. 

3.°  Les  matérialistes  affectent  ici 
de  confondre  l'intérêt  particulier 
d'un  homme  avec  l'intérêt  général 
de  l'humanité,  c'est  une  superche- 
rie ;  souvent  ces  deux  intérêts  sont 
très-opposés.  Comment  prouve- 
ront-ils que  je  suis  obligé  de  pro- 
curer le  bien  général  préférable- 
ment  à  mon  bien  personnel ,  de 
sacrifier  ma  vie  pour  conserver 
celle  de  mes  concitoyens  ,  de  me 
priver  d'un  plaisir  sensuel  dans  la 
crainte  de  nuire  à  quelqu'un  ?  Mes 
besoins,  mon  intérêt,  mon  bien- 
être  se  bornent  à  moi  ;  en  vertu 
de  quelle  loi  dois-je  les  faire  céder 
à  ceux  des  autres  :  S'il  n'y  a  point 
de  maître  ni  de  législateur  qui  me 
l'ordonne,  je  suis  à  moi-même 
mon  unique  et  ma  dernière  fin  ; 
les  autres  ne  me  touchent  qu'au- 
tant qu'ils  peuvent  servir  à  mon 
bonheur.  On  me  parle  d'un  intérêt 
bien  entendu:  mais  c'est  à  moi  seul 
de  l'entendrebien  ou  mal  ;  et  quand 
je  l'entendrois  mal  ,  ce  seroit  une 
erreur  et  non  un  crime. 

4.°  Parce  que  la  sagesse  de  Dieu 
exige  ({u'il  commande  ou  défende 
telle  action ,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il 
y  est  obligé  par  une  loi  antérieure 
et  indépendante  de  sa  volonté  ;  si 
Dieu  n'avoit  rien  voulu  créer,  où 
seroit  la  loi  qui  l'y  auroit  forcé  ? 
Cela  ne  signifie  rien  ,  sinon  que 
Dieu  se  contrcdiroil  lui-même ,  si , 


en  créant  l'homme  ,  il  ne  lui  im- 
posoit  pas  telle  loi  :  or  un  être  in- 
finiment sage  ne  peut  pas  être  en 
contradiction  avec  lui-même. 

Les  déistes  ont  encore  abusé  de 
la  distinction  faite  par  les  théolo- 
giens ,  en  soutenant  que  Dieu  ne 
peut  pas  commander  ou  défendre 
par  des  lois  positives  deschoses  qui 
sont  en  elles-mêmes  indifiérentes  ; 
c'est  une  erreur ,  puisque  Dieu  , 
par  ses  lois  positives,  rend  l'obser- 
vation de  la  loi  naturelle  plus  siàre, 
et  en  prévient  la  transgression  ; 
ainsi  la  défense  de  manger  du  sang 
avoit  pour  objet  d'inspirer  à  l'hom- 
me l'horreur  du  meurtre  ,  et  la  loi 
du  sabbat  étoit  une  leçon  d'huma- 
nité ,  qui  obligeoit  l'homme  à  don- 
ner du  repos  aux  esclaves  et  même 
aux  animaux.  Deut  ,  c.  5  ,  y.. 14. 

Appellera-t-on  bien  moral  ce  qui 
est  conforme  à  la  raison  ?  La  raison 
nous  montre  ce  qui  est  bien  oximal, 
mais  ce  n'est  pas  elle  qui  le  rend 
tel  ;  d'ailleurs  qui  nous  oblige  à 
suivre  notre  raison  plutôt  que 
notre  appétit  ?  Ce  qui  est  confor- 
me à  notre  conscience  ?  Même  ré- 
flexion ;  si  la  conscience  ne  nous 
montre  pas  une  loi ,  nous  en  serons 
quittes  pour  l'étouffer.  Ce  qui  nous 
est  avantageux  à  tous  égards  ?  Notre 
avantage  n'est  pas  une  loi  ;  en  y 
renonçant  nous  serons  peut  -  être 
insensés  ,  mais  nous  ne  serons  pas 
criminels. 

La  révélation  nous  a  donc  donné 
la  vraie  notion  du  bien  et  du  mal 
moral,  ou  de  la  moralité  de  nos 
actions  ,  en  nous  montrant  Dieu 
comme  un  souverain  législateur  , 
qui  a  exercé  cette  auguste  fonction 
dès  la  création.  En  s'écartant  de 
cette  idée  lumineuse  et  primitive, 
les  philosophes  ont  vainement  dis- 
puté sur  la  règle  des  mœurs  ;  ils 
n'ont  trouvé  que  des  erreurs  et  des 
ténèbres.  F.  Conscience  ,  Devoir, 

Loi  NATURELLE, 

Une  grande  question  est  de  sa- 
voir si  un  Dieu  bon  ,  juste,  saint, 


372  BI£ 

a  pu  permettre  le  rnal  moral,  s'il 
n'a  pas  du  le  prévenir  et  Tempc- 
cher  ;  nous  la  traiterons  à  l'article 
Mal. 

BIENS.  Vo/ez  Richesses. 
Biens  ecclésiastiques.  Voy,  Bé- 
néfices. 

BIENFAITS  DE  DIEU.  L'Ecri- 
ture sainte  nous  dit  que  Dieu  a 
béni  tous  ses  ouvrages  ,  qu'il  ne 
néglige  aucune  de  ses  créatures  , 
qu'il  est  bon  et  bienfaisant  à  l'égard 
de  tous  les  hommes  ,  que  ses  misé- 
ricordes se  répandent  sur  tous  sans 
exception.  Gen.  ,  c.  5  ,  ^.  a  ;  Sap., 
c.  II  ,  f.  25  ;  Ps.  i44,  f.  g. 
C'est  une  des  vérités  dont  il  nous 
importe  le  plus  d'être  persuadés. 

Il  faut  distinguer  les  bienfaits  de 
Dieu  dans  l'ordre  physique  et  dans 
l'ordre  moral  ;  ces  derniers  sont 
ou  naturels  ou  surnaturels. Tout  ce 
qui  peut  contribuer  au  bien-être 
d'une  créature  sensible ,  dans  l'or- 
dre physique ,  est  sans  doute  un 
bienfait.  Indépendamment  de  la 
multitude  des  êtres  destinés  dans 
l'univers  à  notre  usage  ,  il  est  des 
bienfaits  personnels  accordés  à  cha- 
que particulier,  comme  des  orga- 
nes sensitifs  bien  conformés  ,'  un 
tempérament  robuste  ,  une  santé 
constante  ,  un  caractère  toujours 
égal  ,  etc.  ;  sans  cela  l'homme  ne 
jouit  qu'imparfaitement  des  êtres 
créés  pour  lui.  Un  esprit  juste  et 
droit  ,  des  passions  calmes  ,  un 
goiit  inné  pour  la  vertu ,  sont  dans 
l'ordre  moral  des  avantages  inesti- 
mables. 

Tous  ces  dons  sont  distribués 
aux  hommes  avec  beaucoup  d'iné- 
galité ;  il  n'est  peut-être  pas  deux 
individus  qui  les  possèdent  dans  la 
même  mesure  ;  les  tempéraments 
sont  aussi  variés  que  les  visages  ; 
mais  il  n'est  personne  qui  ne  par- 
ticipe ,  plus  ou  moins  ,  aux  bien- 
faits de  Dieu  dans  l'ordre  physique 
tel  dans  l'ordre  moral. 


151E 

Quand  on  y  regarde  de  près  , 
l'inégalité  ne  se  trouve  plus  aussi 
grande  qu'elle  le  paroît  d'abord  ; 
Dieu  a  tellement  ménagé  et  com- 
pensé ses  dons  ,  que  personne  n'a 
lieu  de  «e  plaindre.  Quel  est  l'hotn- 
me  sensé  qui  vOudroit  changer  son 
existence  prise  dans  sa  totalité  con- 
tre celle  d'un  autre  homme  quel- 
conque ?  En  général  chacun  est 
content  de  soi  ;  il  n'a  donc  pas  droit 
d'être  mécontent  de  Dieu.  Mais  se» 
bienfaits  sont  nuls  pour  quiconque 
n'en  sent  pas  le  prix  ;  c'est  la  sa- 
gesse ,  la  reconnoissance ,  le  bon 
esprit,  et  non  la  quantité  des  biens, 
qui  nous  rendent  heureux.  Les  dé- 
sirs vagues  du  mieux  être  sont  un 
égarement  de  l'imagination  ;  pres- 
que toujours  nous  aurions  sujet 
de  nous  affliger  ,  si  Dieu  exauçoit 
nos  vefeux. 

Les  bienfaits  surnaturels  sont 
tous  les  moyens  intérieurs  ou  exté- 
rieurs de  parvenir  au  salut  éternel. 
Voyet  Grâce. 

L'essentiel  est  de  savoir ,  à  l'é- 
gard des  uns  et  des  autres  ,  que  la 
bonté  infinie  de  Dieu  n'exige  point 
qu'elle  nous  les  accorde  plus  abon- 
damment qu'elle  ne  fait  ;  que  sa 
justice  ne  consiste  point  à  les  dis- 
tribuer également  à  tous  ,  mais  à 
ne  demander  compte  à  chaque  par- 
ticulier que  de  ce  qu'il  lui  a  donné. 
Ces  deux  vérités  bien  comprises 
épargneroient  au  commun  des 
hommes  une  infinité  de  murmu- 
res injustes  ,  et  aux  philosophes 
un  grand  nombre  de  faux  raison  - 
nements.  Voyez  Bonté  ,  Justice  , 
Egalité. 

BIENHEUREUX.  En  théologie , 
ce  terme  signifie  ceux  auxquels  une 
vie  pure  et  sainte  ouvre  le  royaume 
des  cieux.  Qui  pourroit  peindre  le 
ravissement  d'une  âme  qui ,  dé- 
tachée tout  à  coup  des  liens  du 
corps  ,  et  débarrassée  du  voile  qui 
lui  dérobe  la  Divinité ,  se  trouve 
admise  à  contempler  cette  divine 


BIG 

essence  ,  à  voir  Dieu  tel  qu'il  csl  , 
à  puiser  le  bonheur  dans  sa  source 
mênr.e  ?  «  Nous  serons  semblables 
M  à  lui,  dit  saint  Jean  ,  parce  que 
»  nous  le  verrons  tel  qu'il  est.  » 
J.  Joan. ,  c.  3  ,  ^.  2.  «  Vos  saints  , 
»  Seigneur,  seront  enivrés  de  l'a- 
»  bondancc  de  vos  biens  ,  vous  les 
»>  abreuverez  d'un  torrent  de  déli- 
»•  ces  ,  et  les  éclairerez  de  votre 
^  propre  lumière.  »  Fs.  33  ,  "^ .  g. 
Là  disparoissent  les  contradictions 
apparentes  des  mystères  dont  la 
hauteur  étonne  notre  raison  ;  là  se 
développe  toute  l'étendue  de  l'a- 
mour de  Dieu  pour  nous ,  et  la 
multitude  de  %e.&  bienfaits  ;  là  s'al- 
1  urne  dans  l'àme  cet  amour  immense 
qui  ne  s'éteindra  )amais ,  parce  que 
l'amour  de  Dieu  pour  elle  sera  son 
aliment  éternel. 

Bienheureux  se  dit  encore  de 
ceux  auxquels  l'Eglise  décerne  un 
culte  public  ,  mais  subordonné  à 
celui  qu'elle  rend  aux  saints  qu'elle 
a  canonisés.  La  béatification  est  un 
degré  pour  arriver  à  la  canonisa- 
tion. Vojez  ces  articles. 

BIGAME ,  BIGAMIE.  On  a  sou- 
vent reproché  de  nos  jours  aux 
Pères  de  l'Eglise  la  sévérité  avec 
laquelle  ils  ont  condamné  la  biga- 
mie ou  les  secondes  noces ,  soit  des 
hommes ,  soit  des  femmes  ;  on  a 
blâmé  les  canons  qui  défendent 
d'élever  aux  ordres  sacrés  un  biga- 
me, c'est-à-dire  ,  un  homme  qui 
a  eu  successivement  deux  femmes  , 
ou  qui  a  épousé  une  veuve.  Cette 
rigueur ,  dit-on  ,  semble  avoir  at- 
taché une  note  d'infamie  aux  se- 
condes noces,  qui,  dans  le  fond,  ne 
sont  pas  plus  criminelles  que  les 
premières.  Barbeyrac ,  Traiié  de  la 
morale  des  Pères  ,  c.  4  j  §  '4  >  *t<^- 

Si  on  vouloit  se  rappeler  quelle 
ptoit  la  dépravation  des  mœurs  du 
jiaganisme  ,  on  sentiroil  mieux  la 
sngesse  des  Pères  et  de  la  discipline 
de  l'Eglise.  La  licence  du  divorce 
avoil   fait   du  mariage   une   vraie 


lilG  373 

prostitution.  L'adultère  servoSt  de 
gage  pour  de  secondes  noces  ;  c'est 
Sénèque  qui  nous  l'apprend  ,  di 
Benef.,  liv.  i  ,  c.  9.  Les  fiançailles 
les  plus  honnêtes,  dit-il ,  sont  l'a- 
dultère, et  dans  le  célibat  du  veu- 
vage personne  neprend  une  femme 
qu'après  l'avoir  débauchée  à  son 
mari. 

Pour  rendre  au  mariage  sa  sain- 
teté primitive  ,  il  falloit  nécessai- 
rement inspirer  aux  fidèles  la  plus 
haute  estime  pour  la  continence  , 
soit  dans  l'état  de  virginité  ,  soit 
dans  le  veuvage  :  un  excès  de  cor- 
ruption ne  pouvoit  être  corrigé  que 
par  une  très-grande  sévérité.  S'il  y 
a  quelque  chose  d'étonnant  ,  c'est 
que  la  morale  chrétienne  ait  pu 
avoir  assez  de  force  pour  changer 
ainsi  les  idées  sur  un  point  de  la 
plus  grande  importance  pour  les 
mœurs  ,  et  qu'une  discipline  aussi 
austère  ait  pu  s'établir  chez  des 
peuples  qui  ,  autrefois  ,  n'atta- 
choient  aucun  mérite  à  la  chasteté. 
On  a  beau  dire  que  ces  idées  d'une 
perfection  chimérique  peuvent  di- 
minuer le  nombre  des  mariages  et 
nuire  à  la  population. Le  christia- 
nisme, loin  de  produire  ce  mauvais 
effet ,  fit  tout  le  contraire.  Ce  n'est 
pas  la  sainteté  des  mariages  qui  les 
rend  stériles,  c'est  leur  corruption. 
Sans  les  iléaux  qui  fondirent  sur 
l'empire  romain ,  lorsque  le  chris- 
tianisme y  fut  dominant ,  la  popu- 
lation, réduite  à  rien  par  les  mœurs 
du  paganisme  ,  par  des  lois  absur- 
des ,  par  un  gouvernement  despoti- 
que, se seroit  certainement  rétablie 
par  la  sainteté  même  de  la  morale 
de  l'Evangile.  Toutes  choses  égales 
d'ailleurs  ,  il  n'est  point  de  nations 
chez  lesquelles  la  population  fasse 
plus  deprogrèsque  chezles  nations 
chrétiennes. 

On  sait  d'ailleurs  ,  par  une  ex- 
périence constante  ,  que  quand  les 
veufs  de  l'un  ou  de  l'autre  sexe,  qui 
ont  des  enfants,  se  remarient, ceux- 
ci   ont  peine  à   le  pardonner  ;  ils 


3/4  BIG 

ne  se  voient  qu'avec  une  extrême 
répugnance  réduits  à  plier  sous  les 
lois  d'un  beau-pére  ou  d'une  ma- 
râtre ,  et  ils  ne  voient  naître  qu'a- 
vec beaucoup  de  regret  des  enfants 
d'un  second  lit  :  le  même  inconvé- 
nient avoit  1  ieu  sans  doute  pendant 
les  premiers  siècles  ;  il  n'est  donc 
pas  étonnant  que  les  Pères  aient 
fort  recommandé  la  continence 
dans  le  veuvage. 

Mais  on  leur  reproche  de  s'être 
servis  d'expressions  trop  fortes  : 
Athénagore  dit  que  les  secondes 
îîoces  sont  un  honnête  adultère  ; 
l'auteur  de  i'ouvrage  imparfait  sur 
saint  Matthieu ,  que  l'on  a  cru  faus- 
sement être  saint  Jean-Chrysostô- 
me,  prétend  qu'elles  sont  en  elles- 
mêmes  une  vraie  fornication  ;  mais 
que  comme  Dieu  les  permet ,  lors- 
qu'elles se  font  publiquement,  elles 
cessent  d'être  déshonnêtes.  De  là 
Barbeyrac  conclut  que,  selon  quel- 
ques docteurs  chrétiens,  l'honnête 
et  le  déshonnête ,  le  bien  et  le  mal  , 
dépendent  d'une  volonté  de  Dieu 
purement  arbitraire. 

Si  l'on  veut  faire  attention  au 
passage  de  Sénèque  que  nous  avons 
cité  ,  l'on  verra  qu'Athénagore 
parle  des  secondes  noces  telles 
qu'elles  se  faisoient  communément 
chez  les  païens  ;  et  ce  n'est  pas  sans 
raison  que  les  Pères  de  l'Eglise  vou- 
loienl  inspirer  aux  chrétiens  l'hor- 
reur de  ce  désordre.  Quant  à  l'au- 
teur de  l'ouvrage  imparfai  t  sur  saint 
Matthieu  ,  on  sait  qu'il  est  juste- 
ment suspect  de  montanisme  et  de 
manichéisme  ,  deux  hérésies  qui 
attaquoient  la  sainteté  du  mariage 
en  général  ;  c'est  par  la  même  rai- 
son que  TertuUien,  devenu  monta- 
niste,  condamna  les  secondes  noces 
avec  la  naême  rigueur.  Mais  la  con- 
séquence que  Barbeyrac  en  tire  est 
absurde  ;  il  reconnoît  lui  -  même 
que  l'Evangile  condamne  plusieurs 
choses  que  Dieu  avoit  permises  ou 
tolérées  chez  les  Hébreux ,  comme 
le  divorce;  s'ensuit- il  de  \h  que  le 


BLA 

bien  et  le  mal  moral  dépendent 
d'une  volonté  arbitraire  de  Dieu  ? 
11  est  faux  que  la  bigamie  ait  été 
mise  au  nombre  des  irrégularités 
ecclésiastiques  ,  seulement  pour 
une  raison  mystique  ,  comme  on 
le  dit  dans  le  Diciionnaire  de  Juris- 
prudence; elle  l'a  été  pour  les  rai- 
sons que  nous  venons  d'alléguer. 

BIGOT.  Quelle  que  soit  l'origine 
de  l'étymologie  de  ce  terme ,  il 
signifie  un  dévot  superstitieux  ,  et 
l'on  nomme  è/g-o/ene,  une  piété  mal 
dirigée  et  peu  éclairée.  Mais  l'abus 
que  les  incrédules  et  les  mauvais 
chrétiens  font  de  ce  mot ,  pour  in- 
spirer le  mépris  delà  piété  en  géné- 
ral ,  ne  doit  en  imposer  à  person- 
ne ;  ce  sont  de  mauvais  juges  qui 
ne  connoissent  ni  la  religion  ni  la 
vertu. 

BISSACRAMENTAUX  ,  nom 
donné  par  quelques  théologiens  à 
ceux  des  hérétiques  qui  ne  recon- 
noissent  que  deux  sacrements  ,  le 
baptême  et  l'eucharistie  ;  tels  que 
sont  les  calvinistes. 

BLASPHEME ,  se  dit  en  général 
de  tout  discours  ou  écrit  injurieux 
à  la  majesté  divine  ;  mais  dans  l'u- 
sage ordinaire  on  entend  spéciale- 
ment sous  ce  terme  les  jurements  et 
les  impiétés  contre  le  saint  nom  de 
Dieu. 

Les  théologiens  disent  que  le 
blasphème  consiste  à  attribuer  à 
Dieu  quelque  qualité  qui  ne  lui 
convient  pas ,  ou  à  lui  ôter  quel- 
qu'un des  attributs  qui  lui  con- 
viennent. 

Selon  saint  Augustin ,  toute  pa- 
role injurieuse  à  Dieu  est  un  blas- 
phème :  Jam  verà  blasphemia  non 
acdpHur ,  nisi  mala  verba  de  Deo 
dicere.  De  morib.  Manich. ,  lib.  2  , 
c.  II.  C'est  donc  un  blasphème  de 
dire  ,  par  exemple  ,  que  Dieu  est 
injuste  ou  cruel.  Il  n'est  guère 
d'hérésies  qui  ne   donnent  lieu  à 


BLA 

desi?«5/?/<cmcs,toulc  opinion  fausse 
touchant  la  nature  de  Dieu  ou  la 
conduite  de  sa  providence  entraîne 
infailliblement  des  conséquences 
injurieuses  à  Dieu. 

BLASPHEMATEUR ,  celui  qui 
prononce  un  blasphème.  Ce  crime 
a  toujours  été  sévèrement  puni  par 
l;i  justice  humaine,  soit  dans  l'an- 
cienne loi ,  soit  dans  le  christianis- 
me ;  chez  les  Juifs  ,  les  blasphéma- 
teurs étoient  punis  de  mort.im/jc, 
cap.  a4'  Sur  cette  loi  ,  très-mal 
appliquée,  Jésus-Christ  fut  con- 
damné à  mort,  parce  qu'il  assuroit 
qu'il  étoit  le  Fils  de  Dieu.  ikfattA., 
c.ti^.S    66. 

Les  lois  de  saint  Louis  et  de  plu- 
sieurs autres  de  nos  rois  condam- 
nent les  blasphémateurs  à  être  mis 
au  pilori ,  à  avoir  la  langue  percée 
avec  un  fer  chaud  ,  par  la  main  du 
bourreau.  Pie  V ,  dans  des  règle- 
ments faits  sur  la  même  matière  , 
en  i566,  condamne  les  blasphé- 
mateurs à  une  amende  pour  la  pre- 
mière fois,  au  fouelpour  la  seconde, 
si  le  criminel  est  un  laïque  ;  s'il  est 
ecclésiastique ,  ce  pontife  veut  qu'à 
la  troisième  il  soit  dégradé  et  envoyé 
aux  galères.  La  peine  la  plus  ordi- 
naire aujourd'hui  est  l'amende  ho- 
norable et  le  bannissement. 

Les  incrédules  de  nos  jours  doi- 
vent se  féliciter  de  ce  que  ces  lois 
ne  sont  pas  exécutées  :  personne 
n'a  vomi  autant  de  blasphèmes 
qu'eux  contre  Dieu,  contre  Jésus- 
Christ  ,  contre  tous  les  objets  de 
notre  culte  ;  mais  pour  suivre  les 
loisàlaletlre,  il  faudroit  punir  un 
trop  grand  nombre  de  coupables. 

BLASPHEMATOIRE  ,  qui  ren- 
ferme ou  exprime  un  blasphème. 
C'est  ainsi  que  l'on  qualifie  une 
p  roposilion  qui  attribueàDieu  une 
conduite  contraire  à  ses  divines 
perfections  ,  et  qui  est  capable  de 
diminuer  le  respect  que  nous  de- 
vons à  sa  majesté  suprême.  Ainsi 


BLA  375 

la  cinquième  proposition  de  Jan- 
sénius ,  conçue  en  ces  termes  :  C'est 
une  erreur  scmipélagienne  de  dire  que 
Jésus-Christ  est  mort  ou  a  répandu 
son  sang  pour  tous  les  hommes  , 
entendue  dans  ce  sens  ,  que  Jésus- 
Christ  n'est  mort  que  pour  le  salut 
des  prédestinés  ,  est  déclarée  blas- 
phématoire dans  la  condamnation 
que  le  pape  Innocent  X  en  a  faite. 
En  effet ,  cette  proposition  suppose 
non-seulement  que  Jésus-Christ  a 
manqué  de  charité  pour  le  très- 
grand  nombre  des  hommes  ,  mais 
qu'il  nous  a  trompés  en  se  faisant 
appeler  Sauveur  du  monde,  agneau 
de  Dieu  qui  efface  les  péchés  du 
monde ,  victime  de  propitiation 
pour  les  péchés  du  monde  entier , 
etc. 

Le  cardinal  de  Lugo  distingue 
deux  sortes  de  propositions  blas- 
pliémaioires  ,  les  unes  qui  joignent 
au  blasphème  une  hérésie  claire- 
ment énoncée  ,  les  autres  dans  les-» 
quelles  l'hérésie  n'est  pas  formel- 
lement exprinnée.  Disp.  20 ,  de  Fide, 
sect.  3  ,  n.  100. 

Il  est  peu  d'hérésies  qui  n'en- 
traînent des  conséquences  blasphé- 
matoires,  des  conséquences  inju- 
rieuses à  la  bonté  ,  à  la  justice,  à  la 
sainteté  de  Dieu.  Les  plus  anciens 
hérétiques  craignoient ,  disoient- 
ils  ,  de  blasphémer ,  en  supposant 
que  le  Fils  de  Dieu  avoit  été  sujet 
aux  misères  et  aux  souffrances  de 
l'humanité  ;  mais  ils  retomboient 
dans  ce  précipice,  en  disant  qu'il 
n'avoiteu  qu'un  corps  fantastique, 
et  qu'il  avoit  fait  illusion  aux  sens 
de  tous  les  hommes  pour  les  trom- 
per. Les  ariens  blasphémoient ,  en 
soutenant  que  le  Fils  de  Dieu  étoit 
une  simple  créature  ;  les  mani- 
chéens ,  en  disant  que  le  Dieu  bon 
avoit  été  forcé  à  permettre  le  mal 
produit  par  un  mauvais  principe  ; 
les  pélagiens  ,  en  expliquant  la  ré- 
demption dans  un  sens  métapho- 
rique ;  les  défenseurs  des  décrets 
absolus  de  prédestination  et  de  ré- 


376  BOG 

probation ,  fn  attribuant  à  Dieu 
une  conduite  odieuse  et  tyranni- 
que,  etc.  ;  tous  en  supposant  que 
Jésus-Christ  n'a  pas  daif^né  veiller 
sur  son  Eglise  ,  pour  la  préserver 
de  l'erreur. 

BOECE.  Nous  ne  pouvons  nous 
dispenser  de  mettre  au  nombre 
des  écrivains  ecclésiastiques  cet 
homme  célèbre  par  ses  talents ,  par 
ses  vertu»  et  par  ses  malheurs. 
Après  avoir  été  élevé  au  comble 
des  honneurs  ,  et  avoir  joui  d'une 
prospérité  éclatante  sous  Théodo- 
ric ,  roi  des  Goths ,  il  finit  sa  vie 
dans  les  supplices,  l'an  SaS  ,  parce 
qu'il  tâchoit  d«  soutenir  la  dignité 
du  sénat  de  Rome  contre  le  despo- 
tisme de  ce  roi 

Boèce  avoit  écrit  un  traité  théo- 
logique contre  les  erreurs  d'Euty- 
chès  et  contre  celles  de  Nestorius  , 
et  un  autre  sur  la  Trinité  ,  dans 
lesquels  il  soutenoit  le  dogme  ca- 
tholique. Dans  sa  Consolation  de  la 
philosophie ,  qu'il  composa  dans  sa 
prison,  il  parle  dignement  de  la 
prescience  et  de  la  providence  de 
Dieu.  La  meilleure  édition  de  ses 
ouvrages  est  celle  de  Leyde  ,  avec 
les  notes  variorum,  in-S.",  en  1671. 

BOGARMILES  ,  BOGOMILES 
ou  BONGOMILES  ,  secte  d'héré- 
tiques ,  sortis  des  manichéens  ou 
pauliciens  ,  et  selon  d'autres  ,  des 
massaliens ,  qui  se  firent  connoître 
à  Constantinople  au  commence- 
ment du  douzième  siècle  ,  sous  le 
règne  d'Alexis  Comnène.  Selon 
Ducauge ,  leur  nom  est  dérivé  de  la 
langue  bulgare  ou  esclavonne,  dans 
laquelle  Bog  signifie  Dieu,  eimilvi, 
ayez  pitié;  il  désignoit  des  hommes 
qui  se  confient  à  la  miséricorde  de 
Dieu. 

Sous  ce  titre  imposant  ,  les  bo- 
gomiles  enseignoient  une  doctrine 
irès-impie,  et  joignoient  une  partie 
des  erreurs  des  manichéens  à  celles 
des  massaliens  ou  euchites.  Ils  di- 


lîOG 

soient  que  ce  n'est  pas  Dieu  ,  mais 
un  mauvais  démon  qui  a  créé  le 
monde  ;  que  Jésus -Christ  n'a  eu 
qu'un  corps  fantastique.  Ils  nioient 
la  résurrection  des  corps  ,  et  n'en 
admettoient  point  d'autre  que  la 
résurrection  spirituelle  par  la  pé- 
nitence. Ils  rejetoient  l'ancieii  Tes- 
tament, à  la  réserve  de  sept  livres, 
l'eucharistie  et  le  sacrifice  de  la 
messe  ;  soutenoient  que  l'oraison 
domiinicale  ,  qui  étoit  leur  seule 
prière,  étoit  aussi  la  seule  eucha- 
ristie. Ils  méprisoient  les  croix  et 
les  images  ,  assuroient  que  le  bap- 
tême des  catholiques  n'étoit  que 
le  baptême  de  saint  Jean ,  et  qu'eux 
seuls  administroient  le  baptême  de 
Jésus-Christ  ;  ils  condamnoient  le 
mariage.  On  leur  attribue  encore 
d'autres  erreurs  sur  le  mystère  de 
la  sainte  Trinité.  Un  de  leurs  chefs, 
nommé  Basile,  médecin  de  profes- 
sion ,  aima  mieux  se  laisser  brûler 
à  Constantinople,  que  d'abjurer  ses 
erreurs.  L'histoire  des  bogomiles  a 
été  écrite  par  un  professeur  de 
Wirtemberg ,  en  1711.  Voyez  ^a- 
ronius  ,  ad  an.  11 18  ;  Sponde  , 
Euthymius ,  Anne  Comnène,  San- 
derus  ,  Hceres.  i38  ,  etc. 

Dans  la  suite  ces  hérétiques  fu- 
rent connus  sous  le  nom  de  bulga- 
res,  parce  qu'ils  étoient  en  assez 
grand  nombre  dans  la  Bulgarie  , 
sur  les  bords  du  Danube  et  de  la 
mer  Noire  ;  ils  pénétrèrent  en  Ita- 
lie, et  surtout  dans  la  Lombardie  , 
firent  beaucoup  de  bruit  en  France 
sous  le  nom  à'albigeois ,  et  en  Al- 
lemagne sous  celui  de  cathares  : 
aucune  secte  n'a  porté  un  plus 
grand  nombre  de  noms  différents. 
Voyez  VHisioire  des  variations ,  par 
M.  Bossuet,  liv.  11.  Mais  il  paroît 
que  dans  les  diverses  contrées  où 
elle  s'établit,  et  dans  les  différents 
siècles ,  elle  ne  conserva  pas  tou- 
jours exactement  les  mêmes  dog- 
mes; comment  l'unité  de  doctrine 
auroit-elle  pu  se  maintenir  parmi 
.des  enthousiastes  ignorants  de  dif- 


ROL 
fôrenles  nations  et  de  divers  ca- 
ractères ? 

BOHÉMIENS  (frères),  ou  frères 
Moraves.  Voy.  Heunutes. 

BOHMISTES.  On  appelle  ainsi 
en  Saxe  les  sectateurs  d'un  nommé 
Jacob  Bohrn,  qui  est  mort  en  1 624  ; 
il  a  laissé  plusieurs  écrits  mysti- 
ques, remplis  d'une  théologie  obs- 
cure et  inintelligible. 

BOLLANDISTES,  continua- 
teurs de  Bollandus,  savants  jésui- 
tes d'Anvers,  qui,  depuis  plus  d'un 
siècle,  se  sont  occupés  à  recueillir 
les  actes  et  les  vies  des  saints,  d'a- 
près les  auteurs  originaux,  et  ont 
ainsi  réussi  à  éclaircir  plusieurs 
faits  importants  de  VHistoire  ecclé- 
siastique et  civile. 

Cetutileet  vaste  projet  fut  formé 
au  commencement  du  dix-septième 
siècle,  par  le  P.  Héribert  Roswcid, 
jésuite  d'Anvers  ;  mais  on  sent 
qu'il  étoit  beaucoup  au-dessus  des 
forces  d'un  seul  homme  ;  le  père 
Rosweid  ne  put  faire  pendant 
toute  sa  vie  qu'amasser  des  maté- 
riaux  ;  il  mourut  en  1629,  sans 
avoir  commencé  à  leur  donner 
une  forme. 

L'année  suivante,  le  père  Jean 
Bollandus,  son  confrère,  reprit  ce 
dessein  sous  un  autre  point  de  vue, 
et  se  proposa  de  composer  lui- 
même  les  vies  des  saints  d'après 
les  auteurs  originaux  ,  en  y  ajou- 
tant des  notes  semblables  à  celles 
dont  les  éditeurs  des  Pères  ont 
accompagné  leurs  ouvrages ,  soit 
pour  éclaircir  les  passages  obscurs, 
soit  pour  distinguer  le  vrai  du 
fabuleux.  En  i635,  il  s'associa  Je 
père  Godefroi  Henschenius  ,  et 
en  1643,  ils  firent  paroître  les  ac- 
tes des  saints  du  mois  de  janvier, 
en  deux  volumes  in-fnlio.  Ce  livre 
cutunsuceès  qui  augmenta  lorsque, 
en  i658,ces  deux  savants  eurent 
donné  trois  autres  volumes  dans  la 


«OL  377 

même  forme,  qui  contenoient  les 
actes  des  saints  du  mois  de  février. 
Bollandus  s'étoit  encore  associe  , 
en  i65o,  lepèrePapebrock  ,ettra- 
vailloit  à  donner  le  mois  de  mars  , 
lorsqu'il  mourut  en  i665. 

Après  la  mort  d'Henschenins  , 
le  père  Papebrock  eut  la  princi- 
pale direction  de  cet  ouvrage  ,  et 
prit  successivement  pour  coopé- 
rateurs  les  pères  Baè'rt ,  Janning, 
Dusolier  et  Raie  ,  qui  ont  public 
vingt-quatre  volumes ,  contenant 
les  vies  des  saints  jusqu'au  mois 
de  juin. 

Depuis  la  mort  du  père  Pape- 
brock, arrivée  en  1714?  les  pères 
Dusolier,  Cuper  ,  Piney  et  Roch  , 
ont  continué  l'ouvrage ,  et  ont  fait 
paroître  successivement  les  actes 
des  saints  des  mois  suivants.  Cette 
immense  collection  contient  à  pré- 
sent plus  de  cinquante  volumes 
in-folio.  Elle  avoit  été  interrompue 
pendant  plusieurs  années,  à  cause 
de  la  suppression  de  la  société  des 
jésuites  ;  mais  elle  a  été  reprise 
depuis  quelques  années  sous  la  pro- 
tection et  par  les  bienfaits  de  feu 
l'Impératrice  reine. 

On  a  reproché  à  Bollandus  de 
n'avoir  pas  été  assez  en  garde  contre 
les  légendes  apocryphes  et  fabu- 
leuses ;  Papebrock  et  ses  succes- 
seurs ont  eu  une  critique  plus  éclai- 
rée et  plus  exacte  dans  le  choix  des 
monuments  dont  ils  se  sont  servis. 

Leur  premier  soin,  dès  le  com- 
mencement de  leur  travail ,  a  été 
d'établir  des  correspondances  avec 
tous  les  savants  de  l'Europe ,  de 
faire  chercher  dans  les  archives 
et  dans  les  bibliothèques  les  titres 
et  les  monuments  qui  peuvent 
servir  à  leurs  desseins  ;  les  maté- 
riaux rassemblés  forment  une  bi- 
blii>thèque  considérable. 

Avant  de  faire  usage  d'aucun 
titre,  les  io//anrfis/es  en  examinent 
l'authenticité  ,  le  degré  d'autorité 
qu'il  peut  avoir,  et  le  rejettent 
absolument,  s'ils  y  découvrent  des 


378  BOJN 

indices  de  supposition  ou  de  faus- 
seté ;  s'ils  le  jugent  vrai,  ils  le 
publient  tel  qu'il  est  avec  la  plus 
grande  fidélité  ,  et  en  éclaircissent 
les  endroits  obscurs  par  des  notes; 
si  c'est  une  pièce  douteuse,  ils  ex- 
posent les  raisons  de  douter  ;  s'ils 
n'ont  que  des  extraits,  ils  en  font 
une  histoire  suivie. 

Lorsque  ces  savants  critiques 
reconnoissent  qu'ils  se  sont  trom- 
pés, ou  qu'ils  ont  été  induits  en 
erreur  ,  ils  ne  manquent  jamais 
d'en  avertir  dans  le  volume  sui- 
vant, et  de  rectifier  la  méprise  avec 
toute  la  candeur  et  la  bonne  foi 
possible. 

L'on  trouve  souvent ,  dans  cet 
important  ouvrage,  des  traits  qui 
intéressent  non  -  seulement  Vhis- 
ioire  ecclésiastique  ,  mais  Vhistoire 
civile,  la  chronologie ,  la  géographie, 
les  droits  et  les  prétentions  des 
souverains  et  des  peuples  ;  tous 
les  volumes  sont  accompagnés  de 
tables  exactes  et  très- commodes, 
Le  soin  qu'ont  ces  laborieux  écri- 
vains de  se  former  des  successeurs, 
semble  répondre  au  public  que 
cet  immense  projet  sera  un  jour 
conduit  à  sa  fin.  Comme  les  pre- 
miers volumes  donnés  par  Bollan- 
dus  étoient  devenus  très-rares,  on 
a  réimprimé  à  Venise  toute  la  col- 
lection ;  mais  cette  édition  ne  vaut 
pas  celle  d'Anvers. 

BON ,  BONTE.  C'est  celui  des 
attributs  de  Dieu  qui  nous  touche 
davantage,  et  dont  les  livres  saints 
nous  parlent  le  plus  souvent.  Da- 
vid répète  continuellement  dans 
les  psaumes  :  Louez  le  Seigneur , 
parce  qu'il  est  bon,  et  que  sa  misé- 
ricorde est  éternelle.  Dieu  fait  du 
bien,  plus  ou  moins,  à  toutes  les 
créatures  ;  il  n'en  est  aucune  qui 
Jie  reçoive  de  lui  des  bienfaits  ; 
sa  bonté  est  donc  prouvée  par  les 
effets.  Il  ne  leur  en  fait  pas  autant 
qu'il  leur  en  pourroit  faire  ;  sa 
puissance  est  infinie,  et   les   créa- 


turcs  ne  sont  susceptibles  que  d'une 
quantité  de  bien  bornée.  Il  ne  leur 
en  fait  pas  autant  qu'elles  le  dési- 
rent, parce  que  leurs  désirs  n'ont 
point  de  bornes  et  sont  souvent 
déraisonnables.  Il  ne  leur  en  fait 
pas  à  toutes  également  ;  l'inégalité 
est  le  fondement  de  la  société  et 
de  nos  devoirs  mutuels  ;  la  sagesse 
de  Dieu  préside  à  la  distribution 
de  ses  dons,  et  sa  justice  ne  de- 
tnande  compte  à  chacun  que  de 
ce  qu'elle  lui  a  donné. 

De  là  même  il  s'ensuit  que  les 
notions  de  la  bonté  humaine  ne 
peuvent  être  appliquées  à  la  bonté 
divine  ;  parce  que  la  première  est 
jointe  à  une  puissance  très-bornée, 
et  la  seconde  à  un  pouvoir  infini. 
Un  homme  n'est  censé  bon ,  que 
quand  il  fait  le  plus  de  bien  qu'il 
peut,  qu'il  l'accorde  le  plus  promp- 
tement  au  plus,  grand  nombre  de 
personnes, etcontinueleplus  long- 
temps qu'il  lui  est  possible.  Au- 
cun de  ces  caractères  n'est  appli- 
cable à  la  bonté  de  Dieu. 

On  tombe  dans  l'absurdité,  si  l'on 
exige  que  Dieu  fasse  le  plus  de  bien 
qu'il  peut  ;  il  en  peut  faire  à  l'in- 
fini ;  qu'il  le  fasse  le  plus  promp- 
tement,  il  l'a  pu  de  toute  éternité; 
qu'il  en  fasse  au  plus  grand  nom- 
bre de  créatures  possible  ,  il  en 
peut  créer  à  l'infini  ;  qu'il  le  fasse 
le  plus  long-temps ,  il  peut  le  con- 
tinuer pendant  toute  l'éternité. 

Il  s'ensuit  encore  que  la  notion 
de  bonté  infiniene  nous  vient  point 
des  créatures ,  puisque  Dieu  n'a 
répandu  sur  elles  qu'une  quantité 
de  bien  très-bornée  ,  par  consé- 
quent mélangée  de  maux  ou  de 
privations  ;  cette  notion  se  tire 
directement  de  celle  A^étre  néces- 
saire, existant  de  soi-même,  dont 
les  attributs  ne  peuvent  être  bor- 
nés par  aucune  cause.  Mais  la  ré- 
vélation nous  fait  connoître  la 
bonté  de  Dieu  beaucoup  mieux  que 
la  raison. 

Ceux  qui  prétendent  que  l'élat 


BON 

actuel  des  créatures  n'est  pas  assez 
avantageux  pour  qu'on  puisse  l'at- 
tribuer à  un  Dieu  infiniment  bon, 
devroient  fixer  une  fois  pour  toutes 
le  degré  auquel  le  bien-être  des 
créatures  devroit  être  porté  pour 
qu'elles  n'eussent  plus  sujet  de  se 
plaindre  ;  aucun  de  ces  philoso- 
phes n'a  pu  encore  l'assigner.  Dieu, 
disent-ils  ,  pourroit  nous  ren- 
dre heureux  et  contents  :  nous  ne 
le  sommes  point  ;  mais  nous  le 
serions  si  nous  étions  sages ,  et  il 
ne  tient  qu'à  nous  de  l'être.  Job  , 
au  comble  du  malheur,  réduit  sur 
son  fumier  ,  étoit  content  et  bé- 
nissoitDieu;  Alexandre,  possesseur 
d'une  grande  partie  du  monde , 
ne  l'étoitpas.Lc  cœur  de  l'homme 
est  trop  grand  pour  être  heureux 
par  la  possession  des  biens  dé  ce 
monde. 

Accuserons-nous  Dieu  de  n'être 
pas  bon,  parce  qu'il  punit  le  crime 
en  ce  monde  ou  en  l'autre  ?  Au 
contraire,  il  manqueroit  de  bonté 
s'il  laissoit  la  vertu  sans  récom- 
pense et  le  crime  sans  châtiment. 
En  lui  la  bonté  ne  nuit  point  à  la 
j  ustice,  et  la  justice  ne  dérogepoint 
à  la  miséricorde. 

Ce  sont  de  fausses  notions  de  la 
bonté  infinie  ,  des  comparaisons 
toujours  fautives  entre  la  bonté 
divine  et  la  bonté  humaine,  l'abus 
des  termes  de  bien  et  de  mal ,  de 
bonheur  et  de  malheur,  qui  servent 
de  fondement  à  tous  lessophismes 
des  philosophes  anciens  et  moder- 
nes sur  la  grande  question  de  l'o- 
rigine du  mal.  Voyez  MAt= 

Bon  ,  en  parlant  des  créatures  , 
a  un  double  sens.  Leur  6o«/<f  phy- 
sique est  la  même  chose  que  leur 
perfection  ;  elles  sont  parfaites 
lorsqu'elles  répondent  à  l'usage 
auquel  Dieu  les  a  destinées.  Mais 
les  termes  de  perfection  et  A^imper- 
fzclion  sont  des  termes  purement 
relatifs  ;  il  n'y  a  pointde  perfection 
absolue  f[uc  celle  de  Dieu  ;  l'im- 
perfection absolue  est  le  néant. 


BON  379 

La  bonté  morale  des  êtres  intel- 
ligents est  l'inclination  à  faire  du 
bien  ;  la  bonté  morale  de  leurs  ac- 
tions est  la  conformité  de  ces  ac- 
tions avec  la  régie  des  mœurs ,  ou 
avec  la  volonté  de  Dieu,  souverain 
législateur.  Voy.  Bien  morai.. 

BON  AVENTURE  (  saint  ) ,  re- 
ligieux franciscain,  ensuite  évêque 
d'Albano,  et  cardinal  ,  mort  l'an 
I  274,  a  été  l'un  des  plus  célèbres 
théologiens  scolastiques  du  trei- 
zième siècle  ;  il  est  autant  respecté 
chez  les  cordeliers  que  saint  Tho- 
mas d'Aquin  chez  les  jacobins. 
En  1668  ,  ses  ouvrages  ont  été  im- 
primés à  Lyon  ,  en  huit  volumes 
in-folio.  \a^&  deux  premiers  renfer- 
ment des  commentaires  sur  l'Ecri  - 
ture  sainte  ;  le  troisième  ,  des  ser- 
mons; les  deux  suivants  sont  un 
commentaire  sur  le  Maître  des 
sentences,  par  conséquent  un  cours 
de  théologie  ;  le  sixième  et  le  sep- 
tième contiennent  des  traités  de 
morale  et  de  piété  ;  le  huitième  , 
des  opuscules  sur  la  vie  religieuse, 
dans  lesquels  il  se  plaint  amère- 
ment du  relâchement  qui  s'étoit 
déjà  introduit  chez  les  franciscains, 
trente  ans  après  la  mort  de  saint 
François.  On  a  donné  à  saint  Bo- 
nacenture  le  nom  de  docteur  sera- 
phique;  il  joignit  aux  vertus  d'un 
parfait  religieux  des  connoissan- 
ces  rares  dans  son  siècle.  Voyez 
VHist.  de  VEgl.  gallic.  ,  tom.  12, 
liv.  34,  an  1272. 

BONIiEUR.   ro/czBiEN. 

BoNHEUB  ÉTERNEL.  L'attente  d'un 
bonheur  éternel  après  la  mort,  est 
le  seul  motif  qui  puisse  nous  faire 
supporter  patiemment  les  maux 
de  cette  vie,  et  nous  exciter  effi- 
cacement à  la  vertu.  Exposé  ici- 
bas  à  des  afflictions  de  toute  espèce, 
l'homme  seroit  la  plus  malhieureuse 
de  toutes  les  créatures,  s'il  n'avoit 
rien  à  espérer  au-delà  du  tombeau. 


38o  BON 

II  n'est  donc  pas  étonnant  que  les 
incrédules  qui  ont  renoncé  à  la 
foi  d'une  autre  vie  ,  ne  cessent  de 
déplorer  la  triste  condition  de 
l'humanité,  et  partent  de  là  pour 
blasphémer  contre  la  Providence. 

11  paroît  que  tous  ceux  qui 
avoient  perdu  la  connoissance  du 
vrai  Dieu  n'ont  eu  aucune  connois- 
sance de  l'état  dans  lequel  doit  se 
trouver  l'âme  séparée  du  corps. 
Les  païens  ,  à  la  vérité,  étoient 
persuadés  de  son  immortalité  ; 
mais  ce  que  les  poètes  disoient  de 
l'état  des  morts  ,  n'étoit  ni  assuré 
ni  fort  consolant;  ils  supposoient 
que  les  morts  en  général  regret- 
toient  la  vie,  et  désiroient  d'y 
revenir  ;  ils  ne  les  croyoient  donc 
pas  placés  dans  un  état  de  félicité 
assez  parfaite  pour  servir  de  ré- 
compense à  la  vertu. 

Les  anciens  justes  ,  adorateurs 
duvraiDieu,  avoient  une  perspec- 
tive plus  capable  de  les  encoura- 
ger. Ils  savoient  que  Dieu  avoit 
transporté  Hénoc  à  cause  de  sa 
piété.  Gen.,  c.  5,  S '  ^^'  Dieu  avoit 
dit  au  patriarche  Abraham  :  «  Je 
»  serai  ta  grande  récompense  ,  » 
c.  1 5,  |j!^.i.  Job,  dans  l'excès  de  son 
affliction,  disoit  :  «  Je  sais  que  mon 
w  rédempteur  est  vivant ,  qu'au 
»  dernier  jour  je  me  relèverai  de 
»  la  terre,  que  jereprendrai  ma  dé- 
»  pouille  mortelle,  et  que  je  ver- 
»  rai  naon  Dieu  dans  ma  chaii-  ; 
»  cette  espérance  repose  dans  mon 
m  cœur.  »  Job,  c.  19,  y.  aS.  Ba- 
laam  ,  quoiqu'environné  d'idolâ- 
tres ,  s'écrioit  :  «  Que  mon  âme 
»  meure  de  la  mort  des  justes,  et 
»  que  mes  derniersmoments  soient 
»  semblables  aux  leurs  !  »  Num., 
c.  a3,  y^.  10.  David,  parlant  des 
hommes  vertueux  ,  dit  à  Dieu  : 
«  Ils  seront  rassasiés  de  l'abondance 
»  de  votre  maison  ;  vous  les  abreu- 
>»  verez  d'un  torrent  de  délices  , 
M  et  vous  nous  éclairerez  de  votre 
»  propre  lumière.  »  Ps.  35,  y/'.  9. 
L'auteur   du   livre    de    la  Sagesse] 


BON 

assure  que  les  justes  vivront  éter- 
nellement, que  leur  récompense 
est  auprès  de  Dieu  ,  qu'ils  sont  au 
nombre  de  ses  enfants,  etc.  Sap., 
c.  5,  y^.  16.  Cette  croyance  ,  aussi 
ancienne  que  le  mionde ,  venoit 
évidemment  des  leçons  que  Dieu 
avoient  données  à  nos  premier» 
parents,  et  il  n'en  falloit  pas  moins 
pour  les  consoler  de  la  perte  de 
la  félicité  dans  laquelle  ils  avoient 
été  créés. 

Mais  comme  c'étoit  à  Jésus- 
Christ  de  rouvrir  aux  hommes  la 
porte  du  ciel,  fermée  parlepéché 
d'Adam,  c'étoit  aussi  à  lui  de  leur 
annoncer  cette  heureuse  nouvelle, 
et  de  leur  révéler  le  bonheur  éter- 
nel plus  clairement  qu'il  n'avoit 
été  montré  aux  anciens  justes. 
Aussi,  selon  l'expression  de  saint 
Paul,  ce  divin  Sauveur  a  n^s  en 
lumière  la  vie  et  l'immortalité  par 
l'Evangile,  II.  Tint.,  c.  i,yt.  10; 
il  a  représenté  le  bonheur  éternel 
sous  les  traits  les  plus  capables 
d'affermir  notre  espérance  et  d'en- 
flammer nos  désirs.  Il  nousapprend 
que  les  justes  brilleront  comme 
des  soleils  dans  le  royaume  de  leur 
Père ,  Matth.  ,  c.  i3  ,  f.  43  ;  que 
Dieu  leur  rendra  le  centuple  de  ce 
qu'ils  auront  quitté  pour  lui,c.  19, 
y,  29  ;  que  dans  le  séjour  qu'ils  ha- 
bitent il  n'y  a  plus  de  crainte  , 
plus  de  souffrances,  plus  de  larmes; 
que  Dieu  changera  leur  tristesse  en 
joie  ,  et  les  revêtira  de  sa  propre 
gloire  pour  toute  l'éternité,  Apoc, 
c.  ai,y.  3;  c.aa,  ^.  5  ;  qu'ils  rece- 
vront une  couronne  dont  l'éclat 
ne  se  ternira  jamais,/.  Pétri,  c.  5, 

y.  4- 

Pour  nous  en  donner  encore  une 
plusgrandeidée,  Jésus-Christ  nous 
fait  entendre  que  les  saints  parti- 
ciperont à  la  même  gloire  dont  il 
jouit  comme  fils  unique  du  Père  : 
<c  Je  veux  ,  dit-il  ,  qu'ils  soient  où 
»  je  suis  moi-même.  »  Joan.,  c  17, 
S-  24*  "  J^  placerai  sur  mon  trône 
»  celui  qui  aura  vaincu,  comme  je 


«ON 

»  me  suis  assis  sur  le  trône  de  mon 
»  Père  après  ma  victoire.  »  Apoc.  , 
c.  I ,  ^.  a3.  Par  sa  transfiguration, 
il  montre  à  ses  disciples  pendant 
quelques  instants  un  rayon  de  la 
gloire  éternelle.  Luc,  c.  9  ,  S •  29. 
Mais  il  écarte  de  ce  bonheur  su- 
prême toute  idée  sensuelle  et  gros- 
sière ;  il  dit  qu'après  la  résurrec- 
tion les  justes  seront  semblables 
aux  anges  de  Dieu  dans  le  ciel  ; 
Marc^  c.  12  ,  ^.  aS  ;  et  son  apôtre 
le  confirme  ,  en  représentant  les 
corps  ressuscites  comme  spirituels 
et  incorruptibles,  semblables  à  ce- 
lui de  Jésus-Christ.  J.  Cor.,  c.  i5, 
S-  4a. 

Enfin,  pour  baunir  toute  inquié- 
tude et  toute  défiance,  il  met,  pour 
ainsi  dire  ,  le  bonheur  éternel  sous 
les  yeux  de  ses  disciples  ,  en  les 
quittant  pour  en  allerprendrepos- 
session  :  «  Je  vais,  dit- il  ,  vous 
n  préparerune place; l'Esprit con- 
»  solateur  que  je  vous  enverrai 
»  demeurera  avec  vous  jusqu'à  ce 
»  que  je  vienne  vous  chercher;  si 
»  vous  m'aimez  ,  réjouissez-vous 
»  dece  quejeretourneàmonPère.» 
Joan.,  c.  i4,y-  2,16,  18,  28. 

Après  des  promesses  aussi  posi- 
tives et  des  assurances  aussi  cer- 
taines, il  n'est  plus  étonnant  que 
Jésus-Christ  ait  eu  des  disciples 
capables  de  se  sacrifier  pour  lui , 
et  que  ses  leçons  aient  fait  éclore 
parmi  les  hommes  des  vertus  dont 
on  n'avoit  pas  encore  vu  d'exem- 
ple. Par -là  même  Jésus-Christ  a 
justifié  les  maximes  de  morale  qui 
pouvoient  paroître  trop  rigou- 
reuses à  des  âmes  énervées  et  cor^ 
rompues;  nous  devons  en  conclure, 
comme  saint  Paul,  que  tout  ce  que 
nous  pouvons  faire  ou  souffrir  en 
ce  monde  pour  Dieu,  n'a  point  de 
proportion  avec  la  gloire  qui  nous 
est  réservée.  Rom.,  c.  8,  y.  18. 

Nous  ne  sommes  donc  pas  em- 
barrassés de  repondre  aux  incrédu- 
les ,  lorsqu'ils  viennent  nous  dire 
que   l'espérance  dont   nous   nous 


BON  38, 

ilaltons  n'est  fondée  que  sur  notre 
orgueil  ;  que  ,  puisque  Dieu  ne 
nous  rend  pasheureux  en  ce  monde, 
rien  ne  peut  nous  assurer  qu'il 
nous  réserve  un  bonheur  futur  ; 
que  si  d'un  côté  la  religion  nous 
console  par  de  belles  promesses  , 
de  l'autre  elle  nous  épouvante  par 
des  idées  terribles  de  la  justice 
divine,  et  nous  rebute  par  la  sévé- 
rité de  ses  maximes. 

Nous  les  invitons  à  considérer 
i.°  qu'un  noble  orgueil  sied  très- 
bien  à  des  âmes  qui  se  croient  ra- 
chetées par  le  sang  d'un  Dieu  ;  que 
ce  sentiment  les  empêche  de  s'avi- 
lir par  de  honteuses  passions  ,  et 
leur  inspire  le  courage  de  se  sacri- 
fier comme  Jésus-Christ  au  salut  de 
leurs  semblables  ;  que  quand  cette 
croyance  ne  seroit  qu'un  préjugé  , 
il  seroit  encore  utile  de  l'entretenir 
parmi  les  hommes;  mais  qu'elle  est 
solidement  fondée  sur  la  parole  , 
sur  les  souffrances,  sur  la  résurrec- 
tion et  sur  l'ascension  du  Fils  de 
Dieu. 

2.°  Que  notre  état  sur  la  terre 
ne  peut  plus  paroître  malheureux, 
dès  que  nous  sommes  assurés  de 
jouir  d'un  bonheur  éternel  après 
cette  vie  j  que  c'est  la  faute  des 
incrédules  si  elle  leur  semble  in- 
supportable depuis  qu'ils  n'espè- 
rent plus  rien  ;  que  c'est  encore 
de  leur  part  un  trait  de  cruauté 
d'ôter  aux  autres  le  seul  motif  ca- 
pable de  les  consoler,  et  sans  lequel 
les  trois  quarts  du  genre  humain 
seroient  réduits  au  désespoir.  Il 
est  démontré  par  la  notion  même 
à'être  nécessaire  ,  que  Dieu  est  es- 
sentiellement bon  ;  les  maux  de 
cette  vie  sont  donc  une  preuve 
que  sa  bonté  veut  nous  en  dédom- 
mager. 

3."  Loin  de  nous  effrayer  par  les 
notions  de  la  justice  divine,  notre 
religion  nous  apprend  que  cette 
justice  a  été  satisfaite  par  la  mort 
de  Jésus-Christ ,  et  que  ,  par  son 
sacrifice  ,   la  paix  a  été    rétablie 


382  BON 

entre  le  ciel  et  la  terre  ,  II.  Cor.  , 
c.  5  ,  3^.  19  ;  Ephes.,  c.  i  ,  ;)7^.  10  ; 
c.2,'^.i^;Coloss.,  c.  i,]l^.20,etc.; 
que  notre  salut  n'est  plus  une  affaire 
de  justice  rigoureuse,  mais  de  grâce 
et  de  miséricorde. 

4.°  Une  preuve  que  les  maximes 
de  notre  religion  ne  sont  ni  im- 
praticables ,  ni  trop  sévères  ,  c'est 
qu'elles  ont  été  suivies  à  la  lettre 
par  tous  les  saints  ,  et  qu'elles  le 
sont  encore  aujourd'hui  par  une 
infinité  d'âmes  vertueuses ,  au  mi- 
lieu même  de  la  corruption  du 
siècle ,  et  malgré  les  sarcasmes  de 
l'incrédulité.  Or,  nous  demandons 
qui  est  le  plus  en  état  de  juger  de 
la  sagesse  et  de  la  douceur  de  ces 
maximes  ,  ceux  qui  n'ont  jamais 
essayé  de  les  suivre ,  ou  ceux  qui 
en  t'ont  la  règle  de  leur  conduite  ? 

Il  y  a  eu  une  dispute  entre  les 
théologiens  catholiques  et  plu- 
sieurs sectes  d'hérétiques  ,  pour 
savoir  si  les  âmes  des  justes  ,  qui 
n'ont  plus  de  fautes  à  expier,  vont 
incontinent  jouir  dans  le  ciel  du 
bonheur  éternel ,  ou  si  ce  bonheur 
est  retardé  jusqu'après  la  résur- 
rection générale  et  le  jugement 
dernier.  Au  commencement  du 
cinquième  siècle  Vigilance  ,  au 
douzième  les  Grecs  et  les  Armé- 
niens schismatiques  ,  au  seizième 
Luther  et  Calvin,  ont  soutenu  que 
les  saints  ne  doivent  jouir  de  la 
gloire  éternelle  qu'après  la  résur- 
rection et  le  jugement  dernier  ;  que 
jusqu'alors  leurs  âmes  sont ,  à  la 
vérité,  dans  un  état  de  repos,  mais 
ne  peuvent  encore  être  censées 
heureuses  qu'en  espérance.  Cette 
erreur  a  été  condamnée  par  le 
deuxième  concile  général  de  Lyon, 
l'an  1275  ,  sess.  4  ,  et  par  celui  de 
Florence  ,  en  1429  ,  dans  le  décret 
touchant  la  réunion  des  Grecs  à 
l'Eglise  romaine  ;  l'un  et  l'autre  ont 
décide  que  les  âmes  justes  ,  sorties 
de  ce  monde  en  état  de  grâce,  vont 
incontinent  jouir  de  la  gloire  du 
ciel,  et  que  les  âmes  décédées  dans 


BON 

l'état  du  péché  vont  incontinent 
souffrir  les  tourments  de  l'enler. 
Le  concile  de  Trente  a  confirmé 
cette  décision,  sess.  25  ,  dans  son 
décret  concernant  l'invocation  des 
saints. 

Les  protestants  ont  allégué  plu- 
sieurs passages  de  l'Ecriture  sainte 
et  des  Pères,  pour  étayer  leur  opi- 
nion; mais  on  leur  en  a  opposé  de 
plus  clairs  et  de  plus  décisifs .  Jésus- 
Christ  dit  au  bon  larron  sur  la 
croix  :  «  Aujourd'hui  vous  serez 
»  avec  moi  en  paradis. »X,«c.,  c.  23, 
y/'.  43.  «  Nous  gémissons,  dit  saint 
><  Paul,  IL  Cor.,  c.  5,  S-  2,  en  dé- 
»  sirant  de  jouir  de  notre  habita- 
»  tion  dans  le  ciel.  »  Ephes. ,  c.  4» 
y^.  8.  «  Jésus-Christ,  montant  au 
»  ciel ,  a  conduit  une  multitude  de 
»  captifs.  »  Philipp. ,  c.  i  ,  ^.  23. 
«  Je  désire  de  mourir  et  d'être  avec 
»  Jésus-Christ.  »  11  est  dit,  Apoc, 
c.  7,  S-  9î  que  les  saints  sont  de- 
vant le  trône  de  Dieu,  etc. 

Ceux  d'entre  les  Pères  de  l'Eglise 
qui  s'expriment  autrement,  étoient 
dans  l'opinion  des  millénaires ,  ou 
ils  ont  seulement  entendu  que  la 
félicité  des  saints  ne  sera  complète 
et  parfaite  qu'après  le  jugement 
dernier,  et  lorsque  leur  corps  sera 
réuni  à  leur  âme.  Mais  le  plu» 
grand  nombre  des  saints  docteur» 
ont  suivi  !a  lettre  et  le  sens  de» 
passages  de  l'Ecriture  sainte  que 
nous  venons  d'alléguer  ;  on  peut 
le  voir  dans  le  Père  Petau  ,  tom.  i , 
1.  7,  c.  i3.  Sur  cette  croyance  est 
fondée  la  pratique  dans  laquelle 
l'Eglise  a  été  constamment  d'invo^' 
quer  les  saints  et  d'implorer  leur 
intercession  auprès  de  Dieu.  Lors- 
qu'elle prie  pour  les  morts,  elle 
demande  à  Dieu  de  les  placer  dès  à 
présent  dans  le  bonheur  éternel.  Lu- 
ther et  Calvin  n'ont  adopté  l'er- 
reur des  Grecs  que  pour  attaquer 
avec  plus  d'avantage.  ce.s  deux  pra- 
tiques de  l'Eglise  catholique.  Bel- 
larmin,  Controc,  tome  a,  tit.  de 
Ecclesiâ  iriumph.  ,  q.  i. 


BOR 
BONOSIAQUES  ou  BONO- 
SIENS,  nom  d'une  secte  que  Bo- 
nose,  évêque  de  Macédoine,  re- 
nouvela au  quatrième  siècle.  Il 
soutenoit  ,  comme  Photin  ,  que 
Jésu5- Christ  n'étoit  Fils  de  Dieu 
que  par  adoption ,  et  que  Marie  sa 
mère  avoit  cessé  d'être  vierge  dans 
l'enfantement.  Le  pape  Gélase  con- 
damna ces  deux  erreurs. 

BONS -HOMMES,  religieux  éta- 
blis l'an  1259  en  Angleterre  ,  par 
le  prince  Edmond;  ils  professoient 
la  règle  de  saint  Augustin  ,  et  por- 
toient  un  habit  bleu.  Sponde  croit 
qu'ils  suivoient  l'institut  du  bien- 
heureux Jean  Lebon ,  qui  vivoit  en 
ce  siècle.  On  donna  en  France  ce 
nom  aux  minimes,  à  cause  du  nom 
de  bon-homme  que  Louis  XI  avoit 
coutume  de  donner  à  saint  Fran- 
çois de  Paulc  leur  fondateur.  Les 
albigeois  affectoient  aussi  de  pren- 
dre ce  même  nom  de  bons-hommes. 
Voy.  Polydore Virgile,  Hist.  Angl., 
livre  16.  Sponde,  an  1289  ,  n.°  9. 

BONTÉ.  Voyez  Bon. 

BORBORITES ,  secte  de  gnos- 
tiques,  laquelle,  outre  les  erreurs 
et  le  libertinage  commun  à  tous 
les  hérétiques  connus  sous  ce  nom, 
nioit  encore ,  selon  Philastrius ,  la 
réalité  du  jugement  dernier.  Saint 
Epiph.,  Hœres.  a5  et  26.  Saint 
Augustin,  de  Hceres.,  c.  5.  Baro- 
nius,  ad.  an.  cbr.  120. 

BORRÉLISTES.  Stoupp  ,  dans 
son  Traité  de  la  religion  des  Hol- 
landais ,  parle  d'une  secte  de  ce 
nom,  dont  le  chef  étoit  Adam  Bo- 
rell ,  zélandois ,  qui  avoit  quelque 
connoissance  des  langues  hébraï- 
que ,  grecque  et  latine.  Ces  borré- 
listes,  dit  cet  auteur,  suivent  la 
plus  grande  partie  des  opinions 
des  mennonites,  quoiqu'ils  ne  se 
trouvent  point  dans  leurs  assem- 
blées. Leur  vie  est  fort  austère  ;  ils 


liOU 


383 


emploient  une  partie  de  leur  bien 
à  faire  des  aumônes.  Us  ont  en 
aversion  toutes  les  Eglises,  l'usage 
des  sacrements  ,  des  prières  pu- 
bliques, et  toutes  les  autres  fonc- 
tions extérieures  du  service  de  Dieu. 
Ils  soutiennent  que  toutes  les  Bali- 
ses qui  sont  dans  le  monde  ont 
dégénéré  de  la  pure  doctrine  des 
apôtres,  parce  qu'elles  ont  souÉFert 
que  la  parole  de  Dieu  fut  expliquée 
et  corrompue  par  des  docteurs  qui 
ne  sont  pas  infaillibles  ,  et  qui 
veulent  faire  passer  pour  inspiré» 
leurs  catéchismes  ,  leurs  confes- 
sions de  foi,  leurs  liturgies  et  leurs 
sermons  ,  qui  sont  l'ouvrage  des 
hommes.  Ces  borrélistes  prétendent 
qu'il  ne  faut  lire  que  la  seule  pa- 
role de  Dieu,  sans  y  ajouter  au- 
cune explication  des  hommes. 

BOUC  ÉMISSAIRE.  Dans  le  cha- 
pitre 16  du  Lévitique,  on  voit  ce 
que  devoil  faire  le  grand -prêtre 
des  Juifs  à  la  fête  de  l'expiation, 
qui  se  célébroit  le  dixième  jour  du 
septième  mois,  appelé  Usri,  et  qui 
répondoit  au  mois  de  septembre. 
On  amenoit  au  grand-pretre  deux 
boucs ,  qu'il  tiroit  au  sort ,  l'un 
pour  le  Seigneur ,  l'autre  pour 
Azazel;  celui  sur  lequel  toraiboit  le 
sort  du  Seigneur  étoit  immolé,  et 
son  sang  servoit  pour  l'expiation  ; 
le  grand  -  prêtre  mettoit  ses  deux 
mains  sur  la  tête  de  l'autre,  con- 
fessoitses  péchés  et  ceux  du  peuple, 
en  chargeoit ,  pour  ainsi  dire  ,  cet 
animal ,  qui  étoit  ensuite  conduit 
dans  le  désert  et  mis  en  liberté. 
Par  cette  raison  ,  celui  -  ci  étoit 
nommé  Azazel,  bouc  émissaire,  ou 
renvoyé  :  c'est  ainsi  que  les  sep- 
tante et  la  vulgate  ont  rendu  le 
terme  hébreu. 

Quelques  interprètes  ont  pensé 
(\\i' Azazel  étoit  le  nom  du  démon, 
qu'ainsi  le  bouc  renvoyé  étoit  censé 
livré  à  l'ennemi  du  salut.  C'est  le 
sentiment  qu*a  suivi  Spencer  dans 
sa  Dissertation  sur  le  bouc  émis- 


^Si  BOU 

«aire  ,  Traité  des  lois,  cérém.  des 
Juifs,  liv.  3.  Beausobre  s'en  esl 
prévalu,  pour  persuader  que  l'on 
trouvoit  chez  les  Juifs  un  vestige 
de  la  croyance  des  deux  principes, 
adoptée  par  les  manichéens ,  Hist. 
du  Munich.,  1.  5 ,  c.  3 ,  §  6.  Azaztl, 
dit-il ,  est  certainement  le  démon, 
comme  Spencer  l'a  prouvé.  Mais 
les  preuves  de  Spencer  sont  nulles, 
et  elles  sont  réfutées  dans  VHist. 
uniV.,  faite  par  des  AngloiSjtom  a, 
et  dans  les  noies  sur  la  bible  de 
Chais,  Lévit.,  c.  i6,  ^.  8.  Beau- 
sobre  ne  pouvoit  donc  en  tirer 
aucun  avantage. 

D'autres  ont  cru  qvî'uizazel  étoit 
le  nom  d'une  montagne  ,  d'un  dé- 
sert, ou  d'un  précipice  vers  lequel 
on  conduisoit  le  bouc  chargé  des 
iniquités  du  peuple.  Tout  cela  n'est 
que  conjecture. 

Spencer  pense  encore  que  le 
culte  rendu  aux  boucs  en  Egypte  et 
ailleurs  ,  fut  une  des  raisons  qui 
engagèrent  Moïse  à  choisir  cet  ani- 
mal pour  objet  de  malédiction ,  et 
à  le  charger  des  iniquités  du  peu- 
ple; on  ne  le  tuoit  pas,  de  peur 
qu'il  ne  parût  immolé  au  démon. 
Il  n'est  pas  étonnant  que  les  céré- 
monies d'expiation  aient  été  en 
usage  chez  tous  les  peuples  et  dans 
toutes  les  religions'  ;  c'est  une  preuve 
que  l'on  a  compris  partout  la  né- 
cessité de  se  repentir  et  de  satisfaire 
à  la  justice  divine  quand  on  a  pé- 
ché; mais  dans  les  fausses  religions 
ces  cérémonies  étoient  ordinaire- 
ment superstitieuses  ,  et  souvent 
c'étoiejit  de  nouveaux  crimes.  Chez 
les  Juifs ,  au  contraire ,  la  cérémo- 
nie étoit  non-seulement  innocente 
en  elle-même,  mais  encore  destinée 
à  les  détourner  des  pratiques  abu- 
sives ou  criminelles  des  autres 
peuples.  Vainement  l'empereur  Ju- 
lien ,  que  nos  incrédules  modernes 
ont  copié ,  prétendoit  que  la  céré- 
monie du  bouc  émissaire  étoit  em- 
pruntée des  païens  ,  que  cette 
victime  étoU  offerte  aux  dieux  cx- 


BRE 

piateurs  ,  diis  averruncis.  Saint  Cy- 
rille, contre  Julien ,  1.  9,  p.  389. 
Les  Juifs  ne  connurent  ces  dieux 
prétendus  que  quand  ils  se  livrè- 
rent à  l'idolâtrie  pour  imiter  leurs 
voisins.  Mais  dans  la  suite  des  temps 
ils  ajoutèrent  à  la  cérémonie  plu- 
sieurs circonstances  que  Moïse  n'a- 
voit  pas  ordonnées,  et  qui  pou - 
voient  avoir  été  empruntées  des 
Chananéens.  Prideaux  ,  Hist.  des 
Juifs,  1.  9,  tom.  I ,  p.  354* 

Ceux  qui  ontdit  ç\\jie.\e  bouc  émis- 
saire étoit  une  figure  ou  un  type 
de  Jésus-Christ  chargé  des  iniqui- 
tés du  monde  ,  paroissent  avoir 
assez  mal  rencontré.  Saint  Paul , 
au  contraire,  Hebr.,  c.  9,  ^.  7  , 
i3,  2$.  compare  le  sang  du  boue 
immolé  en  sacrifice,  avec  lequel  le 
grand-prêtre  entroit  dans  le  sanc- 
tuaire, au  sang  de  Jésus -Christ , 
qui  seul  a  été  capable  d'effacer  les 
péchés.  Voyez  Expiation. 

BOURIGNONISTES  ,  nom  de 
secte.  On  appelle  ainsi,  dans  les 
Pays  -  Bas  protestants  ,  ceux  qui 
suivent  la  doctrine  d'Antoinette 
Bourignon ,  célèbre  quiétiste.  Voy. 

QUIÉTISME. 

BRACHITES,  secte  d'hérétiques 
qui  parurent  dans  le  troisième 
siècle.  Ils  suivoient  les  erreurs  de 
Manès  et  des  gnostiques. 

BRAME,  BRAMINE.  To/cz  In- 
diens. 

BRANDEUM.  Voyez  Relique. 

BREF  APOSTOLIQUE.  Lettre 
adressée  de  la  part  du  pape  à  des 
particuliers  ou  à  des  communau- 
tés, pour  leur  accorder  des  dis- 
penses ou  des  indulgences,  ou  sim- 
plement pour  leur  donner  des 
marques  d'affection.  Ces  lettres 
sont  signées  par  un  secrétaire  des 
brefs,  ou  par  le  cardinal-péniten- 
cier. 


liKO 

Oh  uoinine  aussi  bref,  oido ,  ou 
directoire,  le  livre  qui  contient  les 
rubriques  selon  lesquelles  on  doit 
dire  l'office  tou5  les  jours  de  l'annôe • 

BRÉVLVIRE.  V.  Office  divin. 

BROUCOLACAS,  terme  formé 
dugrccmoderne/Spovxoç,  bouepuan- 
tc ,  et  Xâxxo;,  fosse,  fosse  remplie 
de  boue  ;  les  Grecs  modernes  nom- 
ment ainsi  les  cadavres  des  excom- 
muniés. Ils  sont  persuadés  que  ces 
cadavres  ne  peuvent  pas  se  dis- 
soudre ;  que  le  démon  s'en  empare, 
les  anime  ,  les  fait  paroître  ,  s'en 
sert  pour  effrayer  et  tourmenter 
l«s  vivants;  que  le  seul  moyen  de 
s'en  délivrer  est  de  déterrer  le 
mort,  de  lui  arracher  le  cœur,  et 
de  le  mettre  en  pièces ,  ou  de  bril- 
ler le  tout,  et  que  l'on  trouve  or- 
dinairement la  fosse  remplie  de 
boue.  Ils  prétendent  que  souvent 
ces  corps  se  trouvent  enflés ,  rem- 
plis de  vent,  et  font  du  bruit  comme 
un  tambour;  alors  ils  les  nomment 
loupî  ou  ntoupi  ,  tambour.  Ils 
croient  enfin  que  l'absolution  , 
donnée  par  leurs  évêques  ou  leur 
pape  aux  excommuniés  après  leur 
mort  ,  fait  tomber  en  poussière 
les  cadavres.  Cette  persuasion  ,  au- 
torisée chez  eux  par  une  infinité 
d'histoires  ,  leur  fait  craindre  à 
l'excès  l'excommunication ,  et  sert 
à  les  confirmer  dans  leur  schisme. 

Tournefort ,  dans  son  Voyage  du 
Levant,  tome  i ,  page  Sa  et  suiv. , 
rapporte  un  exemple  de  l'exhuma- 
tion d'un  excommunié  ,  dont  il  fut 
témoin  dans  l'îledeMyconen  1701  ; 
mais  il  n'y  vit  rien  autre  chose 
que  les  effets  d'une  imagination 
exaltée,  et  du  fanatisme  d'un  peuple 
ignorant.  Aucune  des  histoires  qui 
rapportent  ces  sortes  de  faits  n'est 
attestée  par  des  témoins  oculaires 
«t  aussi  instruits  que  l'étoit  Tour- 
nefort il  :  en  est  de  même  des 
histoires  de  revenants  que  l'on  a 
faites  parmi   nous.  Pendant  plu- 


15I\0  385 

rieurs  siècles  l'usage  a  régné  danJ 
nos  climats  de  ne  point  enterrer 
les  excommuniés  ,  mais  de  jeter 
leurs  cadavres  à  la  voierie,  de  les 
couvrir  de  pierres,  ou  de  les  en- 
fermer dans  un  vieux  tronc  d'ar- 
bre. Voyez  Ducange ,  au  mot  Im- 
blocatus.  Dom  Calmet ,  Dissertai, 
Sur  les  revenants ,  n.  38  et  sulv. 
Lenglet  ,  Traité  des  visions  et  des 
apparitions,  tom.  2,  p.  171  ,  etc. 

BROWNISTES,  nom  d'une  secte 
qui  se  forma  de  celle  des  puri- 
tains, vers  la  fin  du  seizième  siècle, 
en  Angleterre;  elle  fut  ainsi  nom- 
mée de  Robert  Brown,  son  chef. 

Ce  Robert  Brown  étoit  d'une 
assez  bonne  famille  de  Rutland- 
shire  ,  et  allié  au  lord-trésorier 
Burleigh.  Il  fit  ses  études  à  Cam- 
bridge ,  commença  à  publier  ses 
opinions  et  à  déclamer  contre  le 
gouvernement  ecclésiastique  àNor- 
wich ,  en  i58o,  ce  qui  lui  attira  le 
ressentiment  des  évêques.  Il  se 
glorifioit  lui-même  d'avoir  été  pour 
cette  cause  mis  en  trente-deux  dif- 
férentes prisons ,  si  obscures  qu'il 
n'y  pouvoit  pas  distinguer  sa  main, 
même  en  plein  midi.  Par  la  suite, 
il  sortit  du  royaume  avec  ses  sec- 
tateurs ,  et  se  retira  à  Middelbourg 
en  Zélande  ,  où  lui  et  les  siens  ob- 
tinrent des  Etats  la  permission  de 
bâtir  une  église ,  et  d'y  servir  Dieu 
à  leur  manière.  Peu  de  temps  après, 
la  division  se  mit  parmi  eux.  Plu- 
sieurs se  séparèrent,  ce  qui  dégoiita 
tellement  Brown,  qu'il  se  démit  de 
son  office,  retourna  en  Angleterre 
en  iSSg,  y  abjura  ses  erreurs,  et 
fut  élevé  à  la  place  de  recteur  dans 
une  église  de  Northampthoushire, 
oîi  il  mourut  en  i63o. 

Le  changement  de  Brown  en- 
traîna la  ruine  de  l'Eglise  de  Mid- 
delbourg ;  mais  les  semences  de 
son  système  ne  furent  pas  si  aisées 
à  détruire  en  Angleterre.  Sir  "Wal- 
ter  Raleigh  ,  dans  un  discours  com- 
posé en  1692  ,  compte  déjà  jusqu  a 

35 


386  BVIj 

vingt  mille  personnes  imbues  des 
opinions  de  Brown, 

Ses  sectateurs  rejetoicnt  toute 
espèce  d'autorité  ecclésiastique  , 
vouloient  que  le  gouvernement  de 
l'Eglise  fiit  entièrement  démocra- 
tique. Parmi  eux  ,  le  ministère 
évangclique  étoit  une  simple  com- 
mission révocable  ;  chacun  des 
membres  de  la  société  avoit  le  droit 
de  faire  des  exhortations  et  des 
questions  sur  ce  qui  avoit  été  prê- 
che. 

Les  indépendants ,  qui  se  for- 
mèrent par  la  suite  d'entre  les 
brownisics  ,  adoptèrent  une  partie 
de  ces  opinions. 

La  reine  Elisabeth  poursuivoit 
vivement  cette  secte.  Sous  son  règne 
les  prisons  furent  remplies  de 
broivnistes  ;  il  y  en  eut  même  quel- 
ques-uns de  pendus.  La  commis- 
sion ecclésiastique  et  la  chambre 
ctoilée  sévirent  contre  eux  avec 
tant  de  vigueur,  qu'ils  furent  obli- 
gés de  quitter  l'Angleterre.  Plu- 
sieurs familles  se  retirèrent  à  Am- 
sterdam ,  où  elles  formèrent  une 
Eglise,  et  choisirent  pour  pasteur 
Johnson,  et  après  lui  Ainsworth, 
connu  par  un  commentaire  sur  le 
Pentateuque.  On  compte  parmi 
leurs  chefs  Barow  et  Wilkinson. 
Leur  Eglise  s'est  soutenue  pendant 
environ  cent  ans. 

BRUTES.    Ko/ez  Animaux. 

BULGARES,  hérétiques  qui 
semblèrent  avoir  ramassé  diffé- 
rentes erreurs  des  autres  hérésies, 
pour  en  composer  leur  croyance, 
et  dont  la  secte  et  le  nom  com- 
prenoientles  patarins,  les  cathares, 
les  bogomiles  ,  les  joviniens  ,  les 
albigeois,  et  d'autres  hérétiques. 
Les  bulgares  tiroient  leur  origine 
des  manichéens,  et  ils  avoient  em- 
prunté leurs  erreurs  des  Orientaux 
et  des  Grecs  leurs  voisins  ,  sous 
l'empire  de  Basile  le  Macédonien  , 
dans  le  neuvième  siècle.  Ce  mot  de 


BUL 

bulgares ,  qui  n'étoit  qu'un  nom 
de  nation  ,  devint  en  ce  temps-là 
un  nom  de  secte,  et  ne  signifia 
pourtant  d'abord  que  ces  héré- 
tiques de  Bulgarie  ;  mais  ensuite 
cette  même  hérésie  s'étant  répan- 
due en  plusieurs  endroits  ,  avec 
quelque  différence  dans  les  opi- 
nions, le  nom  de  bulgares  devint 
commun  à  tous  ceux  qui  en  furent 
infectés.  Les  pétrobrusiens  ,  dis- 
ciples de  Pierre  de  Bruis ,  qui  fut 
brillé  à  Saint-Gilles  en  Provence, 
les  vaudois ,  sectateurs  de  Valdo 
de  Lyon ,  un  reste  même  des  ma- 
nichéens qui  s'étoient  long-temps 
cachés  en  France ,  les  henriciens  , 
et  tels  autres  novateurs  qui ,  dans 
la  différence  de  leurs  dogmes,  s'ac- 
cordoient  tous  à  combattre  l'au- 
torité de  l'Eglise  romaine ,  furent 
condamnés,  en  1 176,  dans  un  con- 
cile tenu  à  Lombez  ,  dont  les  actes 
se  lisent  au  long  dans  Roger  de 
Hoveden,  historien  d'Angleterre; 
il  rapporte  les  dogmes  de  ces  hé- 
rétiques ,  qui  tenoient  entre  autres 
erreurs  qu'il  ne  falloit  croire  que 
le  nouveau  Testament  ;  que  le  bap- 
tême n'étoit  point  nécessaire  aux 
petits  enfants  ;  que  les  maris  qui 
vivoient  conjugalement  avec  leurs 
femmes  ne  pouvoient  être  sauvés  ; 
que  les  piètres  qui  menoient  une 
mauvaise  vie  ne  consacroient  point; 
qu'on  ne  devoit  obéir  ni  aux  évê- 
ques  ,  ni  aux  ecclésiastiques  qui 
ne  vivoient  point  selon  les  canons; 
qu'il  n'étoit  point  permis  de  jurer 
en  aucun  cas ,  et  quelques  autres 
articles  qui  n'étoient  pas  moins 
erronés.  Ces  malheureux,  ne  pou- 
vant subsister  sans  chef,  se  firent 
un  souverain  pontife,  qu'ils  ap- 
pelèrent pape,  et  qu'ils  reconnu- 
rent pour  leur  premier  supérieur , 
auquel  tous  les  autres  ministres 
étoient  soumis  ;  et  ce  faux  pontile 
établit  son  siège  dans  la  Bulgarie  , 
sur  les  frontières  de  Hongrie ,  de 
Croatie  ,  de  Dalmatie ,  où  les  al- 
bigeois qui  étoient  en  France  al- 


r.LL 

luieal  le  consulter  et  recevoir  ses 
décisions,  llégnier  ajoute  que  cfe 
pontife  prenoit  le  titre  d'évêijue  , 
et  de  fils  aîné,  de  l'Eglise  des  bul- 
gares. Ce  lut  alors  que  ces  héré- 
tiques commencèrent  d'être  nom- 
més tous  généralement  du  nom 
commun  de  bulgares,  nom  ((ui  lut 
bientôt  corrompu  dans  la  langue 
Irançoise  qu'on  parloit  alors;  car, 
au  lieu  de  bulgares,  on  dit  d'abord 
bougares  et  bouguers ,  dont  on  lit 
le  latin  bugari ,  et  bugeri;  et  de  la 
un  mot  trés-sale  en  notre  langue , 
qu'on  trouve  dans  les  histoires  an- 
ciennes, appliqué  à  ces  hérétiques, 
entre  autres  dans  une  histoire  de 
France  manuscrite ,  qui  se  garde 
dans  la  bibliothèque  du  président 
de  Mesmcs ,  à  l'année  laaS  ,  et  dans 
les  ordonnances  de  saint  Louis ,  où 
l'on  voit  que  ces  hérétiques  étoient 
brûlés  vits,  lorsqu'ils  étoient  con- 
vaincus de  leurs  erreurs.  Comme 
ces  misérables  étoient  fort  adonnés 
à  l'usure,  on  donna  dans  la  suite 
le  nom  dont  on  les  appeloit  à  tous 
les  usuriers,  comme  le  remarque 
Ducange.  Marca,  Hist.  de  Béarn.  ; 
La  Faille  ,  Annales  de  la  ville  de 
Toulouse  ;  Abrégé  de  V ancienne  His- 
tinre, 

BULLE  ,  rescrit  du  souverain 
pontife.  Nous  n'avons  à  parler  que 
des  bulles  adressées  à  toute  l'Eglise , 
pour  accorder  aux  fidcles  l'indul- 
gence du  jubilé  ,  ou  pour  condam- 
ner des  erreurs  en  fait  de  doctrine  ; 
celles  qui  sont  expédiées  pour  la 
nomination  des  bénéfices  regardent 
les  canonistes. 

Les  bulles  d'indulgence  pour  le 
jubilé  sont  différentes  des  brefs  or- 
dinaires d'indulgence,  en  ce  que  les 
premières  sont  adressées  à  tous  les 
iidèles  ,  accordent  à  tous  ceux  qui 
satisferont  aux  conditions  prescri- 
tes une  indulgence  plénicre,  à  tous 
les  confesseurs  approuvés  le  pou- 
voir d'absoudre  des  cas  réservés  , 
de  commuer  les  vœux  simples,  etc. 


ïil  I.  387 

Il  est  d'usage  en  France  que  <<s 
6u//c,s  soient  visées  par  les  évétiues, 
et  adressées  par  eux  à  leurs  diocé- 
sains. Voyez  Indulgence  ,  JrjiiLÉ. 

Les  bulles  concernant  la  doctrine 
sont  aussi  adressées  à  tous  les  fi- 
dèles ,  et  sont  souvent  appelées 
constitutions.  Elles  énoncent  le  ju- 
gement porté  par  le  souverain  pon- 
tife, sur  la  doctrine  qui  lui  a  été 
dénoncée.  Lorsqu'elles  ont  été  ac- 
ceptées ,  soit  par  une  déclaration 
formelle  des  éveques ,  soit  par  leur 
acquiescement  tacite,  elles  sont  ccn  - 
sées  énoncer  le  sentiment  de  l'Eglis  c 
universelle;  elles  ont  force  de  loi 
dogmatique,  comme  si  ce  jugement 
avoit  été  porté  dans  un  concile  gé- 
néral. La  réclamation  même  d'un 
petit  nombre  d'éveques ,  opposée 
à  l'acceptation  de  lexirs  confrères, 
ne  peut  former  aucun  préjugé  con- 
tre la  décision  ,  de  même  que  leur 
opposition  dans  un  concile  n'auroil 
aucune  force  contre  le  suffrage  du 
très-grand  nombre. 

Les  évêques  ,  établis  par  Jésus- 
Christ  pour  enseigner ,  ne  sont  pas 
les  maîtres  de  s'assembler  toutes  les 
fois  qu'ils  le  jugeroient  nécessaire; 
le  gouvernement  de  l'Eglise  seroit 
donc  très  -  défectueux  ,  si  elle  ne 
pouvoit  déclarer  sa  croyance  au- 
trement que  par  la  décision  d'un 
concile.  Peut-elle  parler  plus  hau- 
tement que  par  l'organe  de  son 
chef  ,  auquel  tous  les  evêques  sont 
censés  unis  de  croyance ,  dès  qu'ils 
ne  reclament  pas  i*  Si  la  décision 
leur  paroissoit  fausse  ,  leur  silencir 
seroit  une  prévarication  et  un  piège 
inévitable  d'erreur  pour  les  fidèles. 
Voyez  Constitution. 

Bulle  in  cœnd  Domini.  On  ap- 
pelle ainsi  une  bulle  qui  se  lisoit 
publiquement  à  Rome  tous  les  ans, 
le  jour  du  jeudi-saint ,  par  un  car- 
dinal-diacre, en  présence  du  pape, 
accompagné  des  autres  cardinaux 
et  des  évêques  ;  on  ne  sait  pas  quoi 
en  est  le  premier  auteur. 

Celte  bulle  porte  la  peine  d'ex  - 


388  BUL 

communication  contre  tous  les  hé- 
rétiques ,  les  contumaces  et  les 
réfractaires  qui  désobéissent  au 
saint  Siège.  Après  la  lecture ,  le 
pape  prenoit  un  flambeau  allumé 
et  le  jetoit  dans  la  place  publique, 
pour  marque  d'anathéme. 

Dans  la  bulle  de  Paul  III ,  de 
l'an  i536  ,  il  est  dit  au  commence- 
ment que  c'est  une  ancienne  cou- 
tume des  souverains  pontifes  depu- 
blier  cette  excommunication  lejour 
du  jeudi-saint,  pour  conserver  la 
pureté  de  la  religion  chrétienne,  et 
pour  entretenir  l'union  entre  les  fi- 
dèles ;  mais  on  n'y  voit  pas  l'origine 
de  celte  cérémonie. 

Les  censures  de  la  bulle  in  cœnd 
Domini  regardent  principalement 
les  hérétiques  et  leurs  fauteurs ,  les 
pirates  et  les  corsaires ,  ceux  qui 
falsifient  les  bulles  et  les  autres  let- 
tres apostoliques  ,  ceux  qui  mal- 
traitent les  prélats  de  l'Eglise ,  ceux 
qui  troublent  ou  veulent  restrein- 
dre la  juridiction  ecclésiastique  , 
même  sous  prétexte  d'empêcher 
quelques  violences  ,  quoiqu'ils 
soient  conseillers  ou  procureurs- 
généraux  des  princes  séculiers,  soit 
empereurs  ,  rois  ou  ducs  ;  ceux  qui 
usurpent  les  biens  de  l'Eglise,  etc. 
Ces  dernières  clauses  ont  donné 
lieu  à  plusieurs  théologiens  et  aux 
jurisconsultes  de  soutenir  que  cette 
iuZfetendoit  à  établir  indirectement 
le  pouvoir  des  papes  sur  le  tempo- 


rel  des  rois.  Tous  les  cas  dont  nous 
venons  de  parler  y  sont  déclarés 
réservés;  en  sorte  que  nul  prêtre 
n'en  puisse  absoudre,  si  ce  n'est  à 
l'article  de  la  mort. 

Le  concile  de  Tours,  en  i5io, 
déclara  la  bulle  in  cœnâ  Domini  in- 
soutenable à  l'égard  de  la  France  •, 
nos  rois  ont  souvent  fait  protester 
contre  celte  bulle,  en  ce  qui  regarde 
leurs  droits,  ceux  de  leurs  officiers, 
et  les  libertés  de  l'Eglise  gallicane- 
En  i58o,  quelques  évêques ,  pen- 
dant le  temps  des  vacations  du  par- 
lement ,  voulurent  faire  recevoir 
dans  leurs  diocèses  la  bulle  in  cœnâ 
Domini.  Le  procureur-général  en 
forma  sa  plainte  ;  le  parlement  or- 
donna que  tous  les  archevêques  et 
évêques  qui  auroient  reçu  cette 
bulle,  et  ne  l'auroient  pas  publiée, 
eussent  à  l'envoyer  à  la  cour  ;  que 
ceux  qui  l'anroient  fait  publier  fus- 
sent ajournés  ,  et  leur  temporel 
saisi  ;  que  quiconque  s'opposeroit 
à  cet  arrêt  fût  réputé  rebelle  et  cri- 
minel de  lèse-majesté.  Mézerai  , 
Histoire  de  France,  sous  le  règne 
de  Henri  III. 

Le  pape  Clément  XIV  a  suspen- 
du la  publication  de  cette  biUle 
en  1773  ;  il  est  à  présumer  que  la 
crainte  d'indisposer  les  souverains 
empêchera  de  renouveler  celte  pu- 
blication dans  la  suite. 

BuLtE  Unigeniius.  Vojet  Unige- 

NITUS. 


(^A.B\LE,  ou  plutôt  CABBALE, 
mot  hébreu  qui  signifie  tradition. 
Sous  ce  nom  ,  les  juifs  ont  formé 
une  vaine  science ,  qui  n'est  qu'un 
tissu  de  reveries.Nousn'en  parlons 
que  pour  en  faire  comprendre  l'ab- 


surdité ,  et  pour  réfuter  une  accu- 
sation fausse  ,  intentée  à  ce  sujet 
contre  les  Pères  de  l'Eglise.  Voici  , 
selon  l'opinion  de  la  plupart  des 
savants  ,  quelle  a  été  l'origine  de 
la  cabbale. 


CAIJ 

Les  Chaldcens,  qui  ne  pouvoicnl 
comprendre  qu'un  seul  Dieu  lui 
l'auteur  de  tous  les  phénomènes  de 
la  nature ,  du  bien  et  du  mal  qui  en 
arrivent  aux  hommes ,  imaginèrent 
une.  multitude  d'intelligences  ,  de 
génies  oti  d'esprits  ,  les  uns  bons  , 
les  autres  mauvais,  auxquels  ils  at- 
tribuèrent tout  ce  qui  arrive  ici- 
bas.  Us  se  persuadèrent  que  l'hom- 
me pouvoit  entrer  en  commerce 
avec  eux,  se  concilier  la  bienveil- 
lance des  bons  esprits,  et  par  leur 
secours  vaincre  ou  écarter  l'in- 
fluence des  génies  malfaisants.Telle 
a  été,  chez  tous  les  peuples,  l'ori- 
ginedu  polythéisme, du  culterendu 
a  de  prétendus  dieux  inférieurs. 

Pour  invoquer  le  secours  des 
bons  génies ,  pour  gagner  leur  al- 
feclion  ,  il  étoit  essentiel  de  savoir 
leurs  noms  ;  l'on  en  forgea  ,  et  l'on 
crut  que  la  prononciation  de  ces 
noms  avoit  la  force  d'évoquer  les 
bons  génies  ,  de  les  faire  agir  ,  de 
mettre  en  fuite  les  mauvais  esprits. 
De  là  vint  la  superstition  des  mois 
efficaces,  par  lesquels  on  croyoit 
pouvoir  opérer  des  prodiges  ,  la 
conBance  aux  talismans  ou  aux  mé- 
dailles sur  lesquels  ces  mots  mys- 
térieux étoient  gravés  ,  etc.  Ainsi 
la  combinaison  des  lettres  de  l'al- 
phabet et  des  nombres  d'arith- 
métique ,  les  différentes  manières 
de  tourner  et  décomposer  un  mot , 
devinrentun  art  auquel  s'appliquè- 
rent sérieusement  les  esprits  cu- 
rieux et  crédules. 

On  ne  peut  guère  douter  que  les 
juifs  n'aient  fondé  sur  ce  préjugé 
l'opinion  qui  règne  parmi  eux ,  que 
la  prononciation  du  nom  hébreu 
de  Dieu  peut  opérer  des  miracles  ; 
do  là  encore  la  superstition  qu'ont 
eue  leurs  docteurs  d'en  changer  les 
points  voyelles  ,  pour  que  la  vraie 
prononciation  de  ce  mot  fût  igno- 
rée ,  de  l'appeler  ineffable  ,  etc.  Ils 
ont  forgé  un  art  prétendu  de  dé- 
«  omposer  les  mots  de  l'Ecriture 
sainte  )  de  trouver  la  valeur  nunic- 


CAB  38<j 

ricjuc  des  lettres,  de  fonder  là-des- 
sus des  mystères  et  des  dogmes 
qu'ils  croient  sérieusement.  Leurs 
sephiroths  ne  paroissent  être  autre 
chose  qu'une  liste  et  une  généalo- 
gie des  intelligences  ou  des  génies , 
selon  la  méthode  des  Chaldéens. 

Comme  Platon  admettoit  aussi 
des  génies  ou  dieux  inférieurs  pour 
gouverner  le  monde ,  et  que  Pylha- 
gore  attribuoit  aux  nombres  une 
vertu  merveilleuse,  les  premiers 
philosophes  qui  eurent  connois- 
sance  du  christianisme  firent  uià 
mélange  des  idées  chaldéennes.  Ju- 
daïques et  platoniciennes,  et  vou- 
lurent y  accommoder  les  dogmea 
prêches  par  les  apôtres.  De  là  les 
eons  des  valentiniens,  la  prétendue 
science  cachée  des  gnosliques  ,  la 
magie,  dont  la  plupart  des  anciens 
hérétiques  firent  profession.  Cet 
entêtement  se  perpétua  parmi  les 
philosophes  éclectiques  du  troi- 
sième et  du  quatrième  siècle  ;  il  se 
renouvela  lorsque  les  Arabes  ap- 
portèrent en  Europe  la  philosophie 
de  Pythagore  et  de  Platon  ;  l'on  a 
vu  même  dans  le  dix-septième  siè- 
cle des  hommes  qui  avoient  entre- 
pris de  faire  revivre  les  folles  ima- 
ginations des  cabalistes  juifs. 

Ainsi  s'est  formée  ,  selon  la  plu- 
part des  critiques  ,  la  cabbale  des 
juifs.  Plusieurs  protestants,  com- 
me Basnage  ,  Mosheim  ,  Brucker  , 
n'ont  pas  manqué  d'observer  que 
le  génie  cabalistique  ,  né  en  Egypte, 
chez  les  esséniens  et  les  thérapeutca 
juifs,  se  glissa  proraptjemenl  dans 
le  christianisme,  que  les  différentes 
sectes  en  étoient  infectées  ,  que  les 
Pères  de  l'Eglise  même  ne  surent 
pas  s'en  préserver.  De  là  ,  disent 
ces  profonds  raisonneurs  ,  est  Te- 
nu le  goût  des  Pères  pour  les  inter- 
prétations allégoriques  de  l'Ecri- 
ture sainte  ;  de  là  sont  nées  les 
opinions  philosophiques  ,  qui ,  de 
siècle  en  siècle,  ont  été  mêlées  avec 
la  théologie  chrétienne.  Pour  pous- 
ser celle  belle  idép  jusqu'où  elle 


Sgo 


CAB 


peut  aller,  il  restoitaux  incrédules 
adiré  que  Jésus-Christ  lui-même 
a  suivi  je  fjoùt  cabalistique  ,  en  se 
servant  de  paraboles  pour  instruire 
le  peuple,  et  que  l'auteur  de  l'A- 
pocalypse eu  a  donné  des  leçons  , 
c.  i3,  J^.  i8  ,  en  nous  invitant  à 
compter  les  lettres  et  les  chiffres 
du  nom  de  la  bete. 

Un  savant  de  l'académie  des  in- 
scriptions, TtfeVn. ,  tom.  i3,  in- 12, 
p.  58  ,  a  parlé  plus  sensément  de  la 
cabbale  juive  et  de  son  origine  ; 
Mosheini  et  Brucker  auroient  dil 
profiter  de  ses  réflexions.  Le  tableau 
qu'il  a  tracé  de  cette  folle  science 
est  des  plus  énergiques.  «  Principes 
»  taux  ou  incertains,  dit-il,  maxi- 
»)  mes  superstitieuses  ,  interpréta- 
»  lions  arbitraires  ,  allégories  for- 
»  cées  ,  abus  manifestes  des  livres 
»  saints;  mystères  recherchés  dans 
»  les  événements  ,  dan  les  objets 
i>  réels  et  dans  lessymboles;  vertus 
»  attribuées  à  des  jeux  d'imagina- 
»  tion  sur  les  mots ,  sur  les  lettres, 
>•  sur  les  nombres  ;  attention  à 
»  consulter  les  astres  ,  commerce 
>>  prétendu  avec  les  esprits  ,  récils 
»  fabuleux  ,  histoires  ridicules  : 
»  tout  y  respire  l'imposture  et  la 
»  séduction.»  L'on  nous  dispensera 
de  croire  que  les  meilleurs  esprits 
de  l'antiquité  ,  les  philosophes 
chaldéens  et  égjptiens,  Pjthagore 
et  Platon ,  et  surtout  les  Pères  de 
l'Eglise  ,  ont  été  tous  entêtés  plus 
ou  moins  de  ce  chaos  d'absurdités. 

En  effet  ,  le  docte  académicien 
s'attache  à  les  en  disculper.  Il  fait 
voir  que  la  cabbale  juive  n'a  qu'un 
rapport  très-éloigné  et  tres-impar- 
fait  avec  les  idées  astrologiques  des 
Chaldéens  ,  avec  les  nombres  de 
Pythagore  ,  avec  les  abraxas  ou 
talismans  des  basilidiens  ;  que  les 
tons  de  Valentin  ressemblent  en- 
core moins  aux  sephiroihs  de  la 
cabbale  qu'aux  générations  divines 
de  Sanchoniathon.  Nous  ajoutons 
que  Ton  peut  retrouver  les  mêmes 
irreurs  et  les  mêmes  préjugés  chez 


CAB 

les  Indiens,  chez  les  Chinois,  même 
chez  les  Sauvages  de  l'Amérique  ; 
sans  doute  ces  derniers  ne  sont  pas 
allés  les  chercher  en  Egypte.  C'est 
un  entêtement  ridicule  de  vouloir 
trouver  dans  un  seul  lieu  de  l'uni- 
vers la  source  des  opinions  vraies 
ou  fausses  qui  viennent  naturelle- 
ment dans  l'esprit  de  tous  les  p-eu- 
ples. 

Il  observe  très-judicieusement 
que  le  goût  des  anciens  pour  les 
symboles,  les  hiéroglyphes,  les  al- 
légories ,  est  venu  de  la  nécessité 
de  la  tournure  de  l'imagination  des 
Orientaux  ,  et  non  du  dessein  de 
cacher  la  véritéau  vulgaire,  comme 
nos  philosophes  modernes  l'ont 
rêvé  ;  qu'il  n'est  pas.étonnant  que 
les  Pères  de  l'Eglise,  et  même  les 
écrivains  sacrés,  se  soient  confor- 
més à  ce  goiît  dominant  ;  tous  les 
savants  et  tous  les  sages  étoîent 
forcés  d'y  avoir  égard,  puisqu' au- 
trement ils  n'auroient  pas  pu  se 
faire  écouter.  Croirons-nous  que 
les  Péruviens  et  d'autres  peuples 
de  l'Amérique  se  sont  servis  d'hié- 
roglyphes au  défaut  d'écriture  , 
afin  de  ne  pas  être  entendus  de  tout 
le  inonde? 

Le  savant  académicien  prouve 
que  la  cabbale  n'est  pas  ancienne, 
même  parmi  les  juifs  ;  vainement 
on  a  cru  en  trouver  des  vestiges  et 
un  foible  commencement  dans  le 
Talmud,  compilé  au  sixièmesiècle; 
alors  les  juifs  ne  cultivoient  point 
d'autre  science  que  celle  de  leur 
religion  ;  ainsi  la  cabbale  n'a  pu 
naître  chez  eux  que  vers  le  dixième 
siècle.  En  effet,  le  rabbin  Haï  Gaon , 
mort  l'an  loSy  ou  io38  ,  est  le 
premier  auteur  dans  les  ouvrages 
duquel  la  cabbale  soit  clairement 
énoncée.  On  doit  en  conclure  que 
les  premières  semences  de  cet  art 
ridicule  sont  venues  des  philoso- 
phes arabes  ,  et  qu'elles  ont  été 
communiquées  aux  juifs  dans  le 
temps  que  ceux-ci  vivoient  sous  la 
domination  des  Sarrasins, par  con- 


CAD 

séquenl  dans  les  8  ,  9  et  10.'  siè- 
cles. C'est  depuis  cette  époque  seu- 
lement que  les  Juifs  ont  commencé 
à  cultiver  les  sciences  profanes,  en 
particulier  l'astrologie  et  la  gram- 
maire. 

Ainsi  se  trouvent  détruites,  par 
des  preuves  positives  ,  toutes  les 
fausses  conjectures  des  critiques 
protestants,  et  leur  pompeux  sys- 
tème touchant  les  effets  contagieux 
de  la  philosophie  orientale ,  dans 
laquelle  ils  ont  cru  trouver  l'origine 
de  toutes  les  opinions  de  l'univers, 
vraies  ou  fausses  ;  système  éblouis- 
oantaupremiercoup  d'oeil, etsoute- 
nu  d'un  grand  appareil  d'érudition , 
mais  dont  le  fond  ne  porte  sur  rien. 

CAD  AVRE.  Selon  la  loi  des 
Juifs,  quiconque  avoit  touché  un 
cadavre  éloit  souillé  ;  il  devoit  se 
purifier  avant  de  se  présenter  au  ta- 
bernacle du  Seigneur.  Nuni.,  c  19, 
y.  Il  et  suiv.  Quelques  censeurs 
des  lois  de  Moïse  ont  jugé  que  cette 
ordonnance  étoit  superstitieuse;  il 
nous  paroît  au  contraire  qu'elle 
éloit  très-sage.  i.°  C'étoit  une  pré- 
caution contre  la  superstition  des 
païens  ,  qui  inlerrogcoient  les 
morts,  pour  apprendre  d'eux  l'ave- 
nir ou  les  choses  cacKées  ,  abus 
sévèrement  interdit  aux  Juifs  , 
Deut.,  c.  18,  y.  1 1,  mais  qui  a  régné 
chez  la  plupart  des  nations.  La 
coutume  qu'avoient  les  Egyptiens 
de  conserver  les  momies,  pouvoit  y 
donner  lieu  ,  et  ce  n'étoit  pas  un 
exemple  à  imiter.  2.°  Cette  loi  ten- 
doitàinspirer  plus  d'horreur  pour 
le  meurtre.  Quand  on  sait  combien 
ce  crime  est  commun  chez  les  peu- 
ples mal  policés,  on  n'est  pas  tenté 
de  blâmer  un  législateur  qui  prend 
tous  les  moyens  possibles  pour  le 
prévenir.  Dans  les  climats  aussi 
(liauds  que  la  Palestine  ,  il  y  a  du 
danger  à  garder  long-temps  un  ca- 
fJ fw re  SAxis  lui  donner  la  sépulture; 
il  étoit  donc  très  à  propos  d'enga- 
ger les  Juifs  à  ensevelir  prompte- 


CaI 


HV 


ment  les  morts  ,  et  à  se  purifier 
après  les  avoir  touchés.  Depuis 
que  les  mahométans  ont  négligé 
de  prendre  les  mêmes  précautions 
et  d'observer  la  même  propreté  que 
les  Juifs  et  les  Egyptiens,  l'Asie  et 
rEg}'pte  sont  devenus  le  foyer  de 
la  peste.  Si  l'on  connoissoit  mieux 
les  anciennes  mœurs  ,  les  dangers 
relatifs  aux  climats,  les  erreurs  et 
les  désordres  des  peuples  dont 
Moïse  étoit  environné,  on  n'auroit 
plus  la  témérité  de  blâmer  aucune 
de  ses  lois . 

CAIANISTES.  Voyez  Mono- 

PHYSITES. 

CAIN,  fils  aîné  d'Adam,  et  meur- 
trier de  son  frère  Abel.  L'indul- 
gence avec  laquelle  Dieu  traita  ce 
malheureux  après  son  crime  est  di- 
gne d'attention  ;  elle  a  été  remar- 
quée par  plusieurs  Pères  de  l'Eglise. 
Déchiré  par  les  remords,  tremblant 
pour  sa  propre  vie,  Caïn  étoit  prêt 
a  se  livrer  au  désespoir  ;  Dieu  dai- 
gne le  rassurer,  et  se  contente  de  lui 
faire  expier  son  crime  par  une  vie 
errante.  Ce  trait  de  miséricorde,  et 
une  infinité  d'autres  que  rappor- 
tent les  livres  saints  ,  étoient  né- 
cessaires sans  doute  pour  donner 
aux  pécheurs  des  espérances  de  par- 
don ,  et  pour  les  empêcher  de 
devenir  plus  redoutables  par  les 
fureurs  du  désespoir. 

C'est  donc  très-mal  à  propos 
qu'un  incrédule  moderne  a  été 
scandalisé  de  l'indulgence  avec  la- 
quelle Dieu  a  traité  le  fratricide. 
Ce  crime  ne  demeura  pas  impuni , 
puisque  le  coupable  fut  condamné 
à  mener  une  vie  errante  sur  la  terre. 

Il  demande  comment  Caïn  pou- 
voit dire  pour  lors  :  Quiconque  me 
trouvera  me  tuera.  Gen.,  c.  4,  S •iL^- 
C'est  l'expression  de  la  frayeur.  Il 
est  incertain  si  Adam  n'avoit  pas 
déjà  un  grand  nombre  d'enfants,  si 
Abel  même  n'en  avoit  pas  laissé  ; 
CoVVj  pouvoit  donc  redouter  la  ven- 


Sga  CAI 

^eance  de  sfi  neveux ,  ou  plutôt  il 
paroît  évident  que  l'an  i3o  du 
monde,  peu  avant  la  naissance  de 
Seth ,  Adam  et  Eve  avoient  eu  un 
grand  nombre  d'enfants  et  de 
petits-enfants  dont  l'Ecriture  ne 
parle  point.  Quant  à  ce  que  dit 
Josèphe ,  que  Caïn  devint  chef 
d'une  troupe  de  brigands  ,  c'est 
une  conjecture  qui  n'est  point  fon- 
dée sur  l'histoire  sainte,  et  qui  ne 
mérite  aucune  attention.  Dès  ce 
moment  le  nom  de  Caïn  n'est  plus 
prononcé  dans  l'ancien  Testament. 
Il  est  dit  que  Dieu  lui  imprima 
un  signe  pour  empêcher  qu'il  ne 
fiit  tué  ;  quelques  auteurs  se  sont 
persuadés  que  Dieu  avoit  changé 
la  couleur  du  visage  de  Caïn,  l'avoit 
rendu  noir ,  que  de  là  est  venue  la 
race  des  nègres.  C'est  une  vaine 
imagination  ;  ces  écrivains  ne  se 
sont  pas  souvenus  qu'à  l'époque  du 
déluge  universel  toute  la  race  hu- 
maine a  été  formée  de  la  postérité 
de  Noé.  De  là  un  incrédule  de  nos 
jours  a  pris  occasion  de  déclamer 
contre  les  commentateurs  des  li- 
vres saints  ;  mais  faut-il  attribuer 
AUX  commentateurs  en  général  la 
méprise  d'un  ou  de  deux  particu- 
liers ?  Quelques  interprètes  tra- 
duisent ainsi  le  texte  hébreu  ;  Dieu 
fit  un  signe  ou  miracle  devant  Ca^in, 
pour  V assurer  quil  ne  seroit  pas  tué. 
D'autres  :  Dieudisposa  Vavenirpour 
Caïn,  de  manière  quil  ne  fût  pas  tué 
par  quiconque  le  renconireroit.  Un 
écrivain  qui  entend  très-bien  l'hé- 
breu a  donné  récemment  des 
réponses  solides  à  d'autres  objec- 
tions que  l'on  peut  faire  contre 
l'histoire  de  Caïn.  Réponse  cri- 
tique, etc.,  tome  4,  pag-  »• 

CAINITES  ,  hérétiques  du  se- 
cond siècle,  qui  rendoient  des  hon- 
neurs extraordinaires  a  Caïn  et  aux 
autres  personnages  que  l'Ecriture 
nous  peint  comme  les  plus  mé- 
chants des  hommes  ,  tels  que  les 
Sodomites,  Esaii,  Corc.  Judas,  etc. 


CM 

C  étoitunebranchedesgnosliqaes, 
qui  joignoit  aux  mœurs  tes  plus  cor- 
rompues des  erreurs  monstrueuses. 

Comme  ils  admettoientun  prin- 
cipe supérieur  au  Créateur  ,  plus 
sage  et  plus  puissant  que  lui  ,  ils 
disoient  que  Caïn  étoit  enfant  du 
premier  ,  et  Abel  une  production 
du  second.  Ils  soutenoient  que 
Judas  étoit  doué  d'une  connois- 
sance  et  d'une  sagesse  supérieure  ; 
qu'il  n'avoit  livré  Jésus-Christ  aux 
Juifs  ,  que  parce  qu'il  prévoyoil 
le  bien  qui  devoit  en  arriver  aux 
hommes  ;  conséquemment  ils  lui 
rendoient  des  actions  de  grâces  et 
des  honneurs,  et  avoient  un  Evan- 
gile sous  son  nom  ;  ce  qui  leur  fit 
donner  aussi  le  nom  dejudaïtes. 

Ils  rejetoient  l'ancienne  loi  et  le 
dogme  de  la  résurrection  future;  ils 
exhortoient  les  hommes  à  détruire 
les  ouvrages  du  Créateur,  et  à  com- 
mettre toutes  sortes  de  crimes;  sou- 
tenoient que  les  mauvaises  actions 
conduisoient  au  salut.  Ils  suppo- 
soient  des  anges  qui  président  au 
péché,  et  qui  aident  à  le  commettre  ; 
ils  les  invoquoient  et  leur  rendoient 
un  culte.  Enfin,  ils  faisoient  consis- 
ter la  perfection  à  se  dépouiller  de 
tout  sentiment  de  pudeur,  et  à  com- 
mettre sans  honte  les  actions  les 
plus  infâmes,  Tertullien  nous  ap- 
prend qu'ils  enseignoient  encore 
des  erreurs  sur  le  baptême. 

La  plupart  de  leurs  opinions 
étoient  renfermées  dans  un  livre 
qu'ils  nommoient  VAscension  de 
saint  Paul ,  où  ,  sous  prétexte  des 
révélations  faites  à  cet  apôtre ,  dans 
son  ravissement  au  ciel  ,  ils  ensei- 
gnoient leurs  impiétés  et  leurs  blas- 
phèmes. 

Une  femme  de  celte  secte, nom- 
mée Quintille,  vint  en  Afrique  du 
temps  de  Tertullien  ,  et  y  pervertil 
plusieurs  personnes  ;  on  appela 
quintillianistesles  sectateurs  qu'elle 
forma  :  il  paroît  qu'elle  ajoutoit  en- 
core d'horribles  pratiques  aux  in,- 
famies  des  caïni/es. 


CAI. 

Ou  auroit  peine  à  se  persuader 
«{u'une  secte  entière  ait  pu  pousser 
à  cet  excès  la  démence  et  la  dépra- 
vation ,  si  ce  fait  n'étoit  pas  attesté 
par  les  Pères  de  l'Eglise  les  plus 
respectables  ;  mais  saint  Irénée  , 
Tertullien,  saint  Epiphane,  TIjgo- 
doret,  saint  Augustin  ,  en  parlent 
de'  même  ;  et  les  deux  premiers 
étoient  témoins  contemporains. 
Les  égarements  des  fanatiques  qui 
ont  paru  dans  les  derniers  siècles, 
rendent  croyables  ceux  que  l'on 
attribue  aux  anciens.  Hornebec  , 
Controo.,  pag.  Sgo,  parle  d'un  ana- 
baptiste qui  pensoit  sur  Judas 
comme  les  cainUcs.  Lorsque  l'es- 
prit est  entraîné  par  la  déprava- 
tion du  cœur,  il  n'est  point  d'erreur 
ni  d'impiété  dont  l'homme  ne  soit 
capable. 


CALCÉDOINE. 

DOINE. 


Voyez  Chalcé- 


GALICE ,  coupe  ,  vase  à  boire  ; 
ce  terme  est  souvent  employé  par 
les  écrivains  sacrés  dans  un  sens 
métaphorique  ,  fondé  sur  les  an- 
ciens usages.  Comme  on  mettoit 
dans  une  coupe  les  petites  boules, 
les  fèves  ou  les  billets  dont  on  se 
servoit  pour  tirer  au  sort ,  calice 
signifie  souvent  le  sort,  la  portion 
d'héritage  échue  à  quelqu'un  par 
le  sort.  Ps  lo  ,  ^.  7  ,  le  feu  ,  le 
soufre  ,  les  vents  orageux  ,  seront 
la  portion  du  calice  des  impies. 
Psaume  i5  ,  jj?'.  5  ,  il  est  dit  :  Le 
Seigneur  est  la  portion  de  mon 
héritage  et  de  mon  calice ,  c'est-à- 
dire  ,  la  portion  d'héritage  qui 
m'est  échue  par  le  sort. 

Par  une  métaphore  semblable  , 
les  écrivains  hébreux  emploient  , 
pour  désigner  l'héritage  ou  la  pos- 
session d'un  homme,  le  cordeau  ou 
la  perche  avec  lesquels  on  mcsuroit 
la  portion  de  chacun  des  héritiers. 
Dans  le  psaume  io4  ,  T-  x  ,  1^ 
aordeauàc  votre  héritage  ;  dans  le 
psaume  73  ,  V'.  2  ,  la  verge  ou  la 


CAL  :^j3 

perche  de  votre  héritage  signifient 
votre  portion  ,  ce  que  vous  pos- 
sédez. 

Dans  un  autre  sens  calice  signifie 
un  breuvage,  une  potion  bonne  ou 
mauvaise  ;  les  bienfaits  de  Dieu 
sont  compares  à  une  potion  douce 
et  agréable ,  ses  châtiments  à  un 
breuvage  amer  qu'il  faut  avaler. 
Psaume  74  ,  !>!^-  9 ,  il  est  dit  que 
le  Seigneur  tient  dans  sa  main  un 
calice  de  vin  mêlé  d'amertume, 
qu'il  en  verse  de  côté  et  d'autre  , 
quelespécheursen  boiront  jusqu'à 
la  lie.  Jérémie,  c.  25,  y.  i5,dit: 
Le  calice  du  vin  de  la  colère  du 
Seigneur,  etc. 

Jésus-Christ  demanda  à  deux  de 
ses  apôtres  :  Pouvez-vous  boire  le 
calice  que  je  dois  avaler  ?  Mail.  , 
c.  20  ,  y .  22  :  Pouvez-vous  sup- 
porter les  souffrances  qui  me  sont 
réservées? 

L'usage  étoit  autrefois,  et  il  sub- 
siste encore  parmi  le  peuple  des 
campagnes  ,  à  la  fin  des  repas  de 
cérémonie  ,  de  verser  aux  conviés 
du  vin  à  la  ronde  ,  de  boire  à  la 
santé  les  uns  des  autres,  de  remer- 
cier l'hôte,  qui  de  son  côté,  leur 
répond  des  choses  obligeantes  ,  de 
se  lever  ensuite  de  table,  et  de  ren- 
dre grâces  à  Dieu.  Chez  les  anciens 
onbuvoit  à  la  ronde  dans  la  même 
coupe  en  signe  de  fraternité.  Con- 
séquerament  cette  coupe  étoit  ap- 
pelée la  coupe  de  bénédiction  ou  de 
souhaits  heureux,  la  coupe  d'actions 
de  grâces  ,  la  coupe  de  satiété ,  ca- 
lix  inebrians  ;  la  coupe  de  santé  ^ 
parce  qu'on  la  prenoit  encore  pou  r 
faciliter  la' digestion.  Prendre  la 
coupe  de  santé,  calicem  salutaris . 
et  invoquer  le  nom  du  Seigneur , 
ps.  ii5  ,  ^.  i3  ,  c'étoit  remercier 
Dieu  de  ses  bienfaits.  Chez  les  per- 
sonnes riches  cette  coupe  étoit  d'or, 
et  quelquefois  garnie  de  pierreries , 
c'étoit  une  marque  d'opulence.  Le 
psalmiste  s'écrie  :  «  Que  ma  coupe 
»  de  satiété  est  belle  !  »  Calix  meus 
inebrians  ,  quàrn    prœdarus     est! 


394  CAL 

ps.  aa  ,  ^.  5  ;  que  mou  sort  est 
heureux  ! 

Dans  les  repas  destinés  à  cimen- 
ler  une  alliance ,  ou  à  la  fin  d'un 
sacrifice,  on  ne  manquoit  pas  de 
boire  la  coupe  d'actions  de  grâces 
et  de  bénédictions  ;  c'étoit  alors 
la  coupe  (ï alliance  et  d'amitié  ;  dans 
ceux  qui  se  faisoient  après  les  ob- 
sèques d'un  mort,  c'étoit  la  coupe 
de  consolation.  Jerem. ,  c.  x6,  ^'.  7. 

Jésus-Christ,  après  sa  dernière 
cène  ,  daigna  faire  allusion  à  ces 
divers  usages  :  «  Il  prit  une  coupe 
»  pleine  de  vin,  la  bénit,  rendit 
»  grâces  à  Dieu ,  en  fit  boire  à  tous 
n  ses  apôtres  ,  et  leur  dit  :  Ceci 
»  est  la  coupe  de  mon  sang  et  d'une 
M  nouvelle  alliance  ;  faites  ceci  en 
»  mémoire  de  moi,  etc.  »  Matth., 
V.  26 ,  '^ .  28  ;  Luc. ,  c.  22  ,  jd.  20. 
Ainsi  selon  l'intention  du  Sauveur, 
cette  action  est  un  symbole  de  re- 
connoissance  envers  Dieu ,  et  d'ac- 
tion de  grâces  ,  d'alliance  avec 
Jésus-Christ ,  de  participation  à 
son  sacrifice  ,  de  fraternité  entre 
les  hommes,  de  santé  pour  nos 
âmes;  Teucharistie  ne  rempliroit 
pas  parfaitement  toutes  ces  signi- 
fications, si  ce  n'étoit  rien  de  plus 
que  la  cérémonie  faite  par  les  an- 
ciens; encore  moins  pourroit-cUe 
produire  les  effets  pour  lesquels 
Jésus-Christ  l'a  instituée. 

Calice,  se  dit  particulièrement 
de  la  coupe  ou  du  vase  dans  lequel 
on  consacre  le  vin  de  l'eucharis- 
tie. Le  vénérable  Bcde  pense  que 
]e  calice  dont  Jésus-Christ  se  servit 
dans  la  dernière  cène  ,  étoit  une 
coupe  à  deux  anses  ,  et  contenoit 
une  chopine  ;  que  ceux  dont  on 
s'est  servi  dans  les  premiers  siècles 
etoient  de  la  même  forme.  Plu- 
sieurs étoient  de  bois  ou  de  verre; 
le  pape  Zéphirin,  ou,  selon  d'au- 
ties  ,  Urbain  I."  ordonna  qu'on 
les  fit  d'or  ou  d'argent;  Léon  IV 
défendit  d'employer  des  calices 
d'élain  ou  de  verre  ;  le  concile 
de  Calchut  ou  Ccicylh  eu  Angic- 


CM 

terre ,  renouvela  la  même  défense 
l'an  787. 

Les  calices  des  anciennes  églises 
pesoient  au  moins  trois  marcs  ; 
l'on  en  voit  dans  les  trésors  et  les 
sacristies  de  plusieurs  églises  qui 
sont  d'un  poids  encore  plus  con- 
sidérable. 11  y  en  a  même  dont  il 
paroît  que  l'on  n'a  jamais  pu  se 
servir,  à  cause  de  leur  volume,  et 
qui  sont  probablement  des  dons 
faits  par  les  princes  pour  servir 
d'ornement.  Hornius  ,  Lindan  et 
BeatusRhenanus  disent  qu'ils  ont 
vu,  en  Allemagne,  d'anciens  ca- 
lices auxquels  on  avoit  ajusté,  avec 
beaucoup  d'art  ,  un  tuyau ,  qui 
servoit  aux  laïques  pour  recevoir 
l'eucharistie  sous  l'espèce  du  vin. 
T^oyez  V Ancien  Sacranieniaire  de 
V Eglise  ,  par  Grandcolas  ,  pag.  92 
et  728  ;  Bona  ,  de  Reb.  liturg. ,  1.  i , 
c     25. 

L'abbé  Renaudot,  dans  sa  Col- 
lection des  liturgies  orientales,  ob- 
serve avec  raison  que  l'ancienne 
coutume  de  l'Eglise,  de  consacrer 
par  des  prières  et  par  des  onctions 
les  calices  et  les  autres  vases  des- 
tinés à  contenir  l'eucharistie  ,  le 
soin  de  les  renfermer  et  d'erape- 
cher  qu'ils  ne  servent  à  des  usages 
profanes,  est  une  attt-slation  assez 
claire  delà  croyance  générale  tou- 
chant la  présence  réelle  de"  Jésus- 
Christ  dans  l'eucharistie.  Si  on 
avoit  regardé  ce  sacrement  du  mê- 
me œil  que  les  calvinistes,  on  au- 
roit  dit  la  messe  comme  ils  font 
la  cène,  avec  des  vases  ordinaires, 
sans  y  attacher  aucune  idée  de 
sainteté  ni  de  respect  ;  mais  on  n'a 
tenu  cette  conduite  dans  aucune 
communion  chrétienne.  Il  prouve 
que  de  tout  temps  les  Orientaux 
ont  eu  beaucoup  de  respect  pour 
les  calices  cX.  les  autres  vases  sacrés; 
qu'ils  les  ont  faits  d'or  et  d'argent, 
autant  qu'ils  l'ont  pu;  qu'ils  ont 
des  bénédictions  et  des  prières 
propres  pour  leur  consécration. 
Liturg.  orient.  Collect.,  t.  i,  p.  loa- 


CAL 

(itllc  Jiscipliiic  n'est  donc  pas  une 
nouvelle  institution  faite  par  l'E- 
glise romaine,  comme  les  protes- 
tants l'ont  prétendu. 

CALIXTINS  ,  sectaires  qui  s'é- 
levèrent  en  Bohême  au  commen- 
cement du  quinzième  siècle.  On 
leur  donna  ce  nom,  parce  qu'ils 
soutenoient  la  nécessité  du  calice 
ou  de  la  communion  sous  les  deux 
espèces  ,  pour  participer  à  la  sainte 
eucharistie. 

Immédiatementaprèsle  supplice 
de  Jean  Hus ,  dit  M.  Bossuet  ,  on 
vit  deux  sectes  s'élever  en  Bohème 
sous  son  nom  ,  les  calixiins  sous 
Roquesane,  les  iaborilcs  sous  Ziska. 
La  doctrine  des  premiers  consistoit 
d'abord  en  quatre  articles.  Le  pre- 
mier concernoit  la  coupe  ,  ou  la 
communion  sous  l'espèce  du  vin  ; 
les  trois  autres  regardoient  la  cor- 
rection des  péchés  publics  et  par- 
ticuliers, sur  laquelle  ils  portoieiit 
la  sévérité  à  l'excès  ,  la  prédication 
libre  de  la  parole  de  Dieu,  qu'ils 
ne  vouloienl  pas  que  i'on  pût  dé- 
fendre à  personne,  et  les  biens  de 
l'Eglise  contre  lesquels  ils  décla- 
moient.  Ces  quatre  articles  furent 
règles  dans  le  concile  de  Bàle  d'une 
manière  dont  les  calixtuis  paru- 
rent contents;  la  coupe  leur  fut 
accordée  sous  certaines  conditions 
dont  ils  convinrent. 

Cet  accord  s'appela  compactum, 
nom  célèbre  dans  l'histoire  de  Bo- 
hême. Mais  une  partie  des  hussites, 
qui  ne  voulut  pas  s'y  tenir,  com- 
mença ,  sous  le  nom  de  iaborites  , 
les  guerres  sanglantes  qui  dévastè- 
rent la  Bohème.  L'autre  partie  des 
hussites,  nommée  des  calixiins  , 
qui  avoit  accepte  l'accord,  ne  s'y 
tint  pas;  au  lieu  de  dèclai'er,  com- 
me on  en  étoit  convenu  à  Bàle  , 
que  la  coupe  n'est  pas  nécessaire, 
ni  commandée  par  Jésus-Christ  , 
ils  en  pressèrent  la  nécessité,  mê- 
me à  l'égard  des  enfants  nouvelle- 
ment baptisés.  A  la  réserve  de  ce 


CAL  3^5 

point ,  ils  tonvenoient  de  tout  le 
dogme  avec  l'Eglise  romaine,  et  ils 
auroient  reconnu  l'autorité  du 
pape,  si  Roquesane,  piqué  de  n'a- 
voir pas  obtenu  l'archevêché  de 
Prague ,  ne  les  avoit  entretenus 
dans  le  schisme. 

Dans  la  suite ,  une  partie  d'entre 
eux  jugea  qu'ils  avoient  trop  de 
ressemblance  avec  l'Eglise  romai- 
ne ;  ceux-ci  voulurent  pousser  plus 
loin  la  réforme,  et  firent  en  se  sé- 
parant des  calixiins,  une  nouvelle 
secte  ,  qui  fut  nommée  Ics/rércs  de 
Bohême.  Hisi.  des  Variai.,  1.  ii  , 
n.  i68  et  suiv. 

Les  calixiins  paroissent  avoir 
subsisté  jusqu'au  temps  de  Luther, 
auquel  ils  se  réunirent  la  plupart; 
et  quoique  cette  secte  n'ait  jamais 
été  fort  nombreuse ,  on  prétend 
qu'il  s'en  trouve  encore  quelques- 
uns  répandus  en  Pologne.  Mosheim 
pense  que  les  taborites,  devenus 
moins  furieux  qu'ils  ne  l'avoient 
été  d'abord  ,  se  réunirent  aussi  à 
Lutheret  aux  autres  réformateurs, 
membresbien  dignes,  sans  doute, 
de  former  ^inc  nouvelle  Eglise  de 
Jésus-Christ. 

Cai.ixtins  ,  est  encore  le  nom 
que  l'on  donne  a  quelques  luthé- 
riens mitigés  qui  suivent  les  opi- 
nions de  Georges  Calixte  ou  CVi- 
liste,  théologien  célèbre  parmi  eux, 
qui  mourut  vers  le  milieu  du  dix- 
septième  siècle.  Il  combattoit  le 
sentiment  de  saint  Augustin  sur 
la  prédestination  ,  la  grâce  et  le 
libre  arbitre  ;  ses  discipies  sont 
regardés  comme  semi-pélagiens. 

Calixtesoutenoitqu'ily  adansles 
hommes  un  certain  degré  de  con- 
noissance  naturelle  et  de  bonne 
volonté ,  et  que  quand  ils  usent 
bien  de  ces  facultés,  Dieu  ne  man- 
que pas  de  leur  donner  tous  les 
moyens  nécessaires  pour  arriver  à 
la  perfection  de  la  vertu  ,  dont  la 
révélation  nous  montre  le  chemin. 
Selon  le  dogme  catholique  ,  au 
contraire,  l'homme  ne  peut  laiie, 


396  CAL 

d^aucune  faculté  naturelle  ,  un 
usage  utile  au  salut,  que  par  le  se- 
cours d'une  grâce  qui  nous  pré- 
vient, opère  en  nous  et  avec  nous. 
C'est  une  maxime  universellement 
reconnue,  que  le  simple  désir  de 
la  grâce  est  déjà  un  commence- 
ment de  grâce.  On  prétend  que  les 
ouvrages  qu'il  a  laissés  sont  très- 
médiocres,  malgré  les  éloges  pom- 
peux que  lui  ont  donnés  les  pro- 
testants. Au  reste ,  il  étoit  plus 
modéré  que  la  plupart  de  ses  con- 
frères ;  il  avoit  formé  le  projet , 
sinon  de  réunir  ensemble  les  ca- 
tholiques, les  luthériens  et  les 
calvinistes,  du  moins  de  les  enga- 
ger à  se  traiter  mutuellement  avec 
plus  de  douceur  ,  et  de  se  tolérer 
les  uns  et  les  autres.  Ce  dessein 
lui  attira  la  haine  d'un  grand 
nombre  de  théologiens  de  sa  secte; 
ils  écrivirent  contre  lui  avec  la 
plus  grande  chaleur ,  et  lui  repro- 
chèrent plusieurs  erreurs.  On  le 
regarda  comme  un  faux  frère  , 
qui  ,  par  amour  pour  la  paix,  tra- 
hissoit  la  vérité.  Mosheim,  avec 
beaucoup  d'envie  de  le  justifier  , 
n'a  pas  osé  le  faire,  ni  approuver 
le  projet  que  Calixte  avoit  formé. 
Hist.  ecclés.  du  dix-septième  siècle  , 
sect.  2  ,  part.  2  ,  c.  i ,  §  aS.  Pour 
plaire  aux  protestants ,  il  faut  dé- 
clamer contre  l'Eglise  romaine , 
et  témoigner  pour  elle  la  plus 
grande   aversion.    Voyez    Syncré- 

TITES • 

CALOMNIE ,  fausse  imputation 
faite  à  quelqu'un  d'un  vice,  d'une 
mauvaise  action  ou  d'une  mau- 
vaise intention  dont  il  n'est  réel- 
lement pas  coupable.  Outre  le  pé- 
ché du  mensonge  qui  est  la  base  de 
ce  crime,  c'est  une  injustice  qui 
blesse  le  prochain  dans  ce  qui  lui 
est  le  plus  cher,  dans  sa  réputation 
et  souvent  nuit  à  sa  fortune.  Les 
calomnies  couchées  par  écrit,  ren- 
dues publiques  par  l'impression, 
sont  encore  plus  odieuses  que  celles 


CAL 

qui  se  bornent  à  des  discours  ;  les 
libelles  diffamatoires  contre,  les 
vivants  et  les  morts ,  méritejil  de» 
peines  afflictives  ,  et  ne  peuvent 
être  punis  trop  sévèrement. 

«  Celui  ,  dit  TEccIésiaste  ,  qui 
»  calomnie  en  secret,  est  un  scr- 
»  pent  qui  mord  dans  le  silence,  51 
Ecoles.,  c.  10 ,  5!^.  II  ;  «  c'est  un 
I)  homme  abominable  avec  lequel 
»  il  ne  faut  point  lier  société.  » 
Proe.,  c.  z^,"^.  9  et  21.  «  Vous 
i>  ne  calomnierez  point  votre  pro- 
»  chain ,  vous  ne  lui  ferez  point 
»  violence.  »  Levit.,  c.  19,  y.  i3. 
C'est  une  loi  de  l'ancien  Testament, 
fojidée  sur  les  notions  naturelles 
de  la  justice. 

«  Ke  vous  accusez  point  les  uns 
»  les  autres;  celui  qui  juge  ou  noir- 
»  cit  son  frère  manque  de  respect 
»  à  la  loi.  »  Jac. ,  cap.  24,  y^-  ix. 
«  Renoncez  à  la  malignité,  à  l'im- 
»  posture,  à  la  médisance  ;  ne  ren- 
i>  dez  point  le  mal  pour  le  mal  ,  ni 
>)  calomnie  pour  calomnie.  »  J.  Pe- 
iri ,  cap.  2,  yj'.  i;  cap.  3,  y.  9. 
«  Priez  Dieu  pour  ceux  qui  vous 
»  persécutent  et  vous  calomnient.» 
Matth.,  cap.  5  ,  S-  44-  Tels  sont 
les  préceptes  de  l'Evangile. 

Une  accusation  fausse  est  aisée 
à  former,  mais  très-difficile  à  ré- 
parer :  malgré  la  multitude  de 
calomnies  dont  tout  le  monde  se 
plaint,  on  ne  voitpoint  d'exemples 
de  réparations.  Saint  Paul  accuse 
de  ce  crime  les  anciens  philoso- 
phes. Rom.,  c.  i  ,  ^.  29  et  3o.  Il 
seroit  à  souhaiter  que  les  modernes 
fussent  plus  attentifs  à  s'en  pré- 
server; mais  il  n'arrive  que  trop 
souvent  que  ceux  qui  déclament 
avec  le  plus  d'amertume  contre  la 
calomnie,  sont  ceux  qui  se  la  per- 
mettent le  plus  aisément.  Bayle  , 
dans  sa  lettre  aux  réfugiés,  repro- 
che aux  calvinistes  d'avoir  intro- 
duit en  France  les  libelles  diffa- 
matoires; son  Dictionnaire  critique 
n'est  presque  rien  autre  chose  ; 
mais  il  n'est  aucune  de  ces  calont- 


nies  qui  n'ait  été  répcléc  cl  ampli- 
fié«  par  les  incrédules  d'aujour- 
d'hui. 

CALOYER  ou  CALOGER,  calo- 
geri ,  moine,  religieux  et  religieu 
sesgrecs,  qui  suivent  la  règle  de 
saint  Basile.  Les  caloyers  habitent 
particulièrement  le  mont  Athos  ; 
mais  ils  desservent  presque  toutes 
les  Eglises  d'Orient.  Ils  font  des 
vœux,  comme  les  moines  en  Occi- 
dent. Il  n'a  jamais  été  fait  de  ré- 
forme chez  eux;  ils  gardent  exac- 
tement leur  premier  institut ,  et 
conservent  leur  ancien  vêtement. 
Tavernier  observe  qu'ils  mènent 
un  genre  de  vie  fort  austère  et  fort 
j  retiré;  ils  ne  mangent  jamais  de 
viande  ,  et  outre  cela  ils  ont  qua- 
tre carêmes,  et  observent  plusieurs 
autres  jeilnes  de  l'Eglise  grecque 
avec  une  extrême  régularité.  Ils  ne 
mangent  du  pain  qu'après  l'avoir 
gagné  par  le  travail  de  leurs  mains; 
il  y  en  a  qui  ne  mangent  qu'une 
fois  en  trois  jours ,  et  d'autres  deux 
fois  par  semaine.  Pendant  leurs 
sept  semaines  de  carême  ,  ils  pas- 
sent la  plus  grande  partie  de  lanuit 
à  pleurer  et  à  gémir  pour  leurs 
péchés  et  pour  ceux  des  autres. 

Quelques  auteurs  observent 
qu'on  donne  particulièrement  ce 
nom  aux  religieux  qui  sont  véné- 
rables par  leur  âge,  leur  retraite 
et  l'austérité  de  leur  vie  ,  et  le  dé- 
rivent du  grecxaXoç,  ôeau,  etyTîpaç, 
rieillesse.  Il  est  à  remarquer  que 
quoiqu'en  France  on  comprenne 
tous  les  moines  sous  le  nom  de 
caloyers  ,  il  n'en  est  pas  de  même 
en  Grèce;  il  n'y  a  que  les  frères 
quia'appellentainsi  :  caron  nomme 
ceux  qui  sont  prêtres  Jéronoma- 
gues ,  iioovo^axoi ,  sacrificateurs, 

Lc3  Turcs  donnent  aussi  quel- 
quefois le  nom  de  caloyer  à  leurs 
dervis  ou  religieux. 

Les  religieuses  caloyères  sont 
renfermées  dans  des  monastères 
où  elles  vivent  séparément   cha- 


CAI.  397 

cunc  dans  leur  maison.  Elles  por- 
tent toutes  un  habit  de  laine  noire 
et  un  manteau  de  même  couleur  ; 
elles  ont  la  tête  rasée ,  les  bras  et 
les  mains  couvertes  jusqu'au  bout 
des  doigts  :  chacune  a  une  cellule 
séparée  ,  et  toutes  sont  soumises 
à  une  supérieure  ou  une  abbesse. 
Elles  n'observent  cependant  pas 
une  clôture  fort  régulière,  puisque 
l'entrée  de  leur  couvent,  interdite 
aux  prêtres  grecs  ,  ne  l'est  pas  aux 
Turcs,  qui  y  vont  acheter  de  petits 
ouvrages  à  l'aiguille  faits  par  ces 
religieuses.  Celles  qui  vivent  sans 
être  en  communauté,  sont  pour 
la  plupart  des  veuves ,  qui  n'ont 
fait  d'autre  vœu  que  de  mettre  un 
voile  noir  sur  leur  tête  ,  et  de  dire 
qu'elles  ne  veulent  plus  se  marier. 
Les  unes  et  les  autres  vont  partout 
où  il  leur  plaît,  et  jouissent  d'une 
assez  grande  liberté  à  la  faveur  de 
l'habit  religieux. 

CALVAIRE  ,  montagne  située 
hors  des  murs  de  Jérusalem,  nom- 
mée en  hébreu  Golgoiha  ,  crâne 
ou  tête  chauve  ,  parce  qu'elle  étoit 
sans  verdure;  c'est  là  que  Jesus- 
Christ  fut  crucifié.  Sainte  Hélène 
y  fit  bâtir  une  église.  Il  est  dit  dans 
l'Evangile,  qu'à  la  mort  du  Sauveur 
il  se  fit  un  tremblement  de  terre, 
et  que  les  rochers  se  fendirent.  Des 
voyageurs  anglois  et  des  historiens 
très- instruits  ,  Millar  ,  Fleming  , 
MaundrelljSchaw  et  d'autres  attes- 
tent que  le  rocher  du  Calvaire  n'est 
point  fendu  naturellement  selon 
les  veines  de  la  pierre,  mais  d'une 
manière  évidemment  surnaturelle. 
«  Si  j  e  voulois  nier,  dit  saint  Cyrille 
»  de  Jérusalem ,  que  Jésus-Christ 
»  ait  été  crucifié,  cette  montagne 
»  de  Golgotha  ,  sur  laquelle  nous 
»  sommes  présentement  assemblés, 
»  me  l'apprendroit.  »  Catech.,  i.3. 

Dans  les  premiers  siècles  de  l'E^ 
glise  on  croyoit,  sur  la  foi  d'une 
tradition  des  Juifs,  qu'Adam  avoit 
été  enterré  sur  le  Calvaire,  et  que 


398  CAL 

Jésus-Christ  avoit  été  crucifié  sur 
sa  sépulture .  afin  que  le  sang;  versé 
pour  la  rédemption  du  monde  pu- 
rifiât les  restes  du  premier  pécheur. 
Origène,  saint  Cyprien,  saint  Ba- 
sile ,  saint  Epiphane  ,  saint  Atha- 
nase, saint  Jean-Chrysostème,  saint 
Ambroise,  et  d'autres,  citent  cette 
tradition;  saint  Jérôme,  après  l'a- 
voir rejetée,  semble  y  être  revenu. 
Epist.  ad  Marcellam.  Qu'elle  soit 
vraie  ou  fausse  ,  peu  importe  ;  elle 
atteste  toujours  l'opinion  que  l'on 
avoit  dans  ce  temps-là  de  l'effica- 
cité et  de  l'universalité  de  la  ré- 
demption. 

Calvaire  ,  chez  les  chrétiens  , 
est  une  chapelle  de  dévotion  où  se 
trouve  un  crucifix  ,  et  qui  est  éle- 
vée sur  un  tertre  proche  d'une 
ville  ,  à  l'imitation  du  Calvaire  où 
Jésus-Christ  fut  mis  en  croix  près 
de  Jérusalem.  Tel  est  le  Calvaire  du 
Mont- Valérien  ,  près  de  Paris  ; 
dans  chacune  des  sept  chapelles 
dont  il  est  composé,  est  représenté 
quelqu'un  des  mystères  de  la  pas- 


CALVIN  (Jean)  ,  fondateur  de 
la  secte  qui  porte  encore  aujour- 
d'hui son  nom,  naquit  à  Noyon 
en  iSog,  et  mourut  à  Genève  en 
i564-  Il  y  a  dans  la  conduite  de  ce 
célèbre  réformateur,  des  traits  de 
caractère  qu'il  importe  de  saisir 
pour  se  faire  une  idée  juste  du  cal- 
vinisme. 

Instruit  par  un  des  émissaires 
que  Luther  et  ses  associés  avoient 
envoyés  en  France  ,  il  vit  que  ces 
réformateurs  de  la  religion  n'a- 
voientni  principes  suivis,  ni  corps 
de  doctrine,  ni  profession  de  foi, 
ni  aucun  règlement  ênc  de  disci- 
pline. Il  entreprit  de  former  un 
système  complet  de  théologie  con- 
forme à  leurs  opinions  ,  et  il  en 
vint  à  bout  dans  son  InsiUution 
chrétienne,  qu'il  publia  en  i536. 

Il  y  pose  pour  principe  que  la 
seule  règle  de  foi  qu'un  fidèle  doive 


CAL 

consulter  est  l'Ecriture  sainte,  que 
Dieu  lui  en  fait  connoître  la  vérité, 
et  le  vrai  sens  par  une  inspiration 
particulière  du  Saint -Esprit.  La 
question  est  de  savoir  comment  on 
peut  distinguer  sûrement  cette  in- 
spiration prétendue  d'avec  le  fana- 
tisme d'un  imposteur. 

Calvin  ,  retiré  à  Genève ,  où  Fa- 
rel  etViret  avoient  établi  les  opi- 
nions des  réformateurs  d'Allema- 
gne, commença  par  s'élever  contre 
un  décret  du  synode  de  Berne ,  qui 
régloit  la  forme  du  culte  ;  il  se  crut 
mieux  inspiré  que  ce  synode.  Obli- 
gé de  se  retirer  à  Strasbourg  ,  et 
ensuite  rappelé  à  Genève ,  il  y  ac- 
quit un  empire  absolu  ,  fit  un  ca- 
téchisme ,  établit  un  consistoire  , 
régla  la  forme  des  prières  et  des 
prédications,  la. manière  de  célé- 
brer la  cène,  etc..  et  revêtit  son 
consistoire  du  pouvoir  de  porter  , 
des  censures  et  d'excommunier. 
Ainsi  ce  prédicant ,  après  avoir  dé- 
clamé contre  l'autorité  que  les  pas- 
teurs de  l'Eglise  catholique  s'attri- 
buoient,  usurpa  lui-même  une 
autointé  cent  fois  plus  absolue ,  à 
laquelle  l'inspiration  qu'il  accor- 
doit  à  chaque  fidèle  étoit  obligée 
de  céder. 

Le  traducteur  anglois  de  Mos- 
heim,  quiprétend  que  Calvin  sur- 
passa tous  les  autres  réformateurs 
en  savoir  et  en  talents  ,  convient 
qu'il  poussa  aussi  plus  loin  que  les 
autres  l'opiniâtreté ,  la  sévérité  et 
l'esprit  turbulent ,  tom.  4^  P-  Qi  3 
note.  Quelles  qualités  pour  un  apô- 
tre !  Il  jugea  lui-même  que  le  pou- 
voir qu'il  s'étoit  arrogé  étoit  exor- 
bitant, puisqu'avant  de  mourir  U 
conseilla  au  clergé  de  Genève  de  ne 
point  lui  donner  de  successeur. 
Spon  ,  Hist.  de  Genève  ,  iorae  a  , 
p.  3.  Les  protestants,  qui  ne  ces- 
sent de  déclamer  contre  l'ambition 
et  le  despotisme  des  papes  ,  par- 
donnent à  Calvin  de  l'avoir  porté 
beaucoup  plus  loin  ;  ils  l'excusent 
à  cause f  disent- ils,  de  ses  services 


CAL 

et  rfe  SCS  veilus.  Où  sont  donc  le* 
vertus  de  oc  fougueux  réforma- 
teur. (N'.  XIII,  p.  xjcvii  ) 

Bolsec,  carme  apostat,  lui  prou- 
va que  par  sa  doctrine  il  faisoit 
Dieu  auteur  du  péché  ;  Cali>in  fit 
bannir  Bolsec  ,  et  il  ne  tint  pas  à 
lui  qu'on  ne  le  punît  par  des  peines 
afllictives ,  comme  pélagien  et  sé- 
ditieux. Castalion,  pour  avoir  aussi 
attaqué  la  doctrinede  Ca/w/,  avoit 
été  de  même  obligé  de  sortir  de 
Genève.  Ce  n'étoit  plus  l'Ecriture 
ni  l'inspiration  de  chaque  fidèle 
qui  étoit  règle  de  foi  dans  cette 
ville,  c'étoit  l'autorité  despotique 
de  Calvin, 

Michel  Servet,  qui  avoit  atta- 
qué lemystère  de  la  sainte  Trinité, 
et  qui  étoit  poursuivi  en  France  , 
se  sauva  à  Genève  ;  Calvin  le  fit  ar- 
rêter, le  fit  condamner  à  être  brû- 
lé vif,  et  la  senlen.ce  fut  exécutée. 
Pour  justifier  sa  conduite,  Calvin 
fit  un  traité,  où  il  entreprit  de 
prouver  qu'il  falloit  punir  de  mort 
les  hérétiques.  Ainsi ,  ces  ministre.-, 
qui  soutenoient  que  l'Ecriture  est 
seule  règle  de  notre  foi ,  que  cha- 
que particulier  est  juge  du  sens  de 
l'Ecriture ,  condamnoient  comme 
hérétique  un  écrivain ,  parce  qu'il 
ne  voyoit  pas  dans  l'Ecriture  le 
même  sens  et  les  mêmes  dogmes 
qu'ils  prétendoiejit  y  voir  :  pen- 
dant qu'ils  se  déchaînoient  contre 
les  magistrats  qui  punissoient  de 
mort  les  hérétiques  en  France,  ils 
faisoient  eux-mêmes  brûler  Servet, 
parce  qu'ils  le  jugeoient  hérétique. 

Genlilis  ,  Okin  ,  Blandrat  ,  qui 
voulurent  renouveler  à  Genève  les 
opinions  de  Servet,  faillirent  à  être 
traités  de  même.  Gentilis  fut  mis  en 
prison  et  obligé  de  se  rétracter  ; 
Okin  fut  chassé  ;  Blandrat ,  pour- 
suivi en  justice,  forcé  à  signer  une 
profession  de  foi ,  et  à  s'évader. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  cette 
contradiction  entre  les  principes 
des  réformateurs  et  leur  conduite 
a  i  t  cessé  dans  le  calvinisme.  Sts  par- 


CAL  3y9 

tisans  ont  toujours  coulinué  d'en- 
seigner que  l'Ecriture  sainte  est  I.i 
seule  règle  de  notre  foi,  que  Difii 
éclaire  chaque  fidèle  pour  juger  du 
vrai  sens  de  l'Ecriture,  que  le  sen- 
timent des  Pères  ,  les  décrets  des 
conciles  ,  les  décisions  de  l'Eglise  , 
ne  sont  qu'une  autorité  humaine  a 
laquelle  personne  n'est  obligé  de 
déférer ,  et  en  même  temps  ils  n'ont 
pas  cessé  de  tenir  des  synodes,  de 
dresser  des  professions  de  foi  ,  de 
condamner  des  erreurs  ,  d'excom- 
munier ceux  qui  les  soutenoient  ; 
ils  ont  ainsi  traité  les  sociniens  , 
les  anabaptistes,  les  arminiens. 

Un  déiste  de  nos  jours,  élevé 
parmi  les  calvinistes,  leur  a  repro- 
ché avec  beaucoup  de  véhémence 
cette  contradiction."  Votre  histoi- 
»  re,  leur  dit-il,  est  pleine  de  faits 
»  qui  montrent  de  votre  part  une 
»  inquisition  très-sévère  ,  et  que  , 
»  de  persécutés  ,  les  réformateurs 
«  devinrent  bientôt  persécuteurs. 
n  A  force  de  disputer  contre  le  cler- 
»  gé  catholique  ,  le  clergé  protes- 
»  tant  prit  l'esprit  disputeur  et 
»  pointilleux.  Il  vouloit  tout  déci- 
»  der,  tout  régler  ,  prononcer  sur 
»  tout  ;  chacun  proposoit  impé- 
»  rieusement  son  opinion  pour  loi 
»  suprême  à  tous  les  autres  ;  ce  n'é- 
»  toit  pas  le  moyen  de  vivre  en  paix. 
»  Calvin  avoit  tout  l'orgueil  du 
»  génie  qui  sent  sa  supériorité  et 
»  qui  s'indigne  qu'on  la  lui  dispute. 
»  Quelhommefut  jamaisplus  tran- 
»  chant,  plus  impérieux,  plus  dé- 
»  cisif,  pl'us  divinement  infaillible 
)>  à  son  gré  ?  La  moindre  objection 
))  qu'on  osoit  lui  faire,  étoit  tou- 
n  jours  une  œuvre  de  Satan  ,  un 
»  crime  digne  du  feu.  Ce  n'est  pas 
»  au  seul  Servet  qu'il  en  a  coiité  la 
»  vie  pour  avoir  osé  penser  autre- 
»  ment  que  lui. 

»  La  plupart  de  ses  collègues 
»  étoient  dans  le  même  cas,  tous 
»  en  cela  d'autant  plus  coupables 
»  qu'ils  étoient  plus  inconséquents; 
j>  leur  dure  orthodoxie  étoit  elle- 


/^oo 


CAL 


»>  même  une  hérésie  selon  leurs 
»  principes.  »  Deuxième  lettre  écrite 
de  la  Montagne,  p.  49»  ^o  >  ^8. 
(N.-^XIV,  p.xxvm.) 

Il  faut  d'ailleurs  qu'un  protestant 
ait  l'esprit  étraïigement  préoccupé, 
pour  s'imaginer  que  c'est  l'Ecriture 
sainte  qui  est  la  règle  de  sa  foi. 
Avant  de  lire  ce  livre,  un  jeune  cal- 
viniste est  déjà  prévenu  des  dogmes 
qu'il  doit  y  trouver,  par  les  leçons 
de  son  catéchisme ,  par  les  instruc- 
tions des  ministres  ,  par  le  ton  gé- 
néral de  la  secte  ;  telle  est  l'inspi- 
ration qui  le  guide  dans  cette  lec- 
ture. Aussi  un  luthérien  ne  manque 
jamais  de  voir  dans  l'Ecriture  les 
sentiments  de  Luther,  un  socinien 
ceux  de  Socin  ,  un  anglican  ceux 
des  épiscopaux ,  tout  comme  un 
calviniste  y  trouve  ceux  de  Calvin. 

Ce  vice  originel  du  calvinisme  suf- 
fit pour  en  démontrer  l'absurdité. 

Nous  ne  voyons  pas  ce  qu'au- 
roient  pu  répondre  Calvin  et  ses 
collègues,  si  un  catholique  instruit 
leur  avoit  ainsi  parlé  :  Vous  pré- 
tendez être  suscités  de  Dieu  pour 
réformer  l'Eglise  ;  mais  vous  n'êtes 
envoyés  ni  par  aucun  pasteur  lé- 
gitime, ni  par  aucune  Eglise  chré- 
tienne ;  il  faut  donc  que  vous  ayez 
une  mission  extraordinaire  et  mi- 
raculeuse. Commencez  par  la 
prouver  de  la  même  manière  que 
Moïse,  Jésus-Christ  et  les  apôtres 
ont  prouvé  la  leur.  Luther  et  d'au- 
tres se  donnent  pour  réformateurs 
aussi-bien  que  vous  ;  vous  ne  vous 
accordez  point  avec  eux ,  vous 
n'enseignez  pas  en  toutes  choses 
la  même  doctrine,  vous  vous  con- 
damnez les  uns  les  autres.  Auxquels 
d'entre  vous  dois-je  croire  par 
préférence  ? 

Vous  me  donnez  l'Ecriture  sainte 
pour  unique  règle  de  ma  foi  ;  mais 
vous  ne  reconnoissez  pas  pour  l'E- 
criture sainte  plusieurs  livres  que 
l'Eglise  catholique  me  donne  com- 
me tels  :  comment  tei'minerons- 
nous  celle  contestation  ?  Sera-ce 


CAL 

l'Ecriture  sainte  qui  m'apprendra 
si  tel  livre  est  canonique  ou  non!* 
Vous  me  présentez  une  traduction 
françoise  de  la  Bible.  Donnez-moi 
un  garant  de  la  fidélité  de  votre 
traduction  ,  de  laquelle  je  ne  suis 
pas  en  état  de  juger  par  moi- 
même.  Vous  dites  que  je  ne  dois 
point  déférer  à  l'autorité  des  hom- 
mes !  donc  je  dois  récuser  la  vôtr« 
sur  tout  ce  que  vous  trouverez  bon 
d'affirmer. 

Puisque  l'Ecriture  sainte  est  la 
seule  régie  de  ma  foi  ,  vous  avez 
tort  de  prêcher  et  de  vouloir  expli- 
quer l'Ecriture  ;  je  sais  lire  aussi- 
bien  que  vous  ;  c'est  à  moi  d'y 
trouver  ce  que  Dieu  a  révélé  ,  et 
non  à  vous  de  me  le  montrer. Vous 
me  promettez  l'inspiration  du 
Saint-Esprit  pour  prendre  le  vrai 
sens  de  l'Ecriture  ;  je  le  veux:  celte 
inspiration  me  dicte  que  vous  prê- 
chez l'erreur,  et  que  l'Eglise  catho- 
lique enseigne  la  vérité. 

Pour  toute  réponse,  Calvin  au- 
roit  opiné  à  faire  brûler  ce  raison- 
neur :  «  Pareils  monstres,  disoit-il  , 
doivent  être  étouffés  ;  comme  fis  ici 
en  Vexécution  de  Michel  Servet ,  es- 
pagnol. »  Lettre  de  Calvin  à  M.  du 
Poët. 

CALVINISME,  doctrine  de 
Calvin  et  de  ses  .sectateurs  en  ma- 
tière de  religion. 

L'on  peut  réduire  à  six  chefs 
principaux  les  dogmes  essentiels  du 
calvinisme.  i.°  Que  Jésus-Christ 
n'est  pas  réellement  présent  dans 
le  sacrement  de  l'eucharistie,  que 
nous  l'y  recevons  seulement  par  la 
foi.  2.°  Que  la  prédestination  et  la 
réprobation  sont  absolues  ,  indé- 
pendantes de  la  prescience  que  Dieu 
a  des  œuvres  bonnes  ou  mauvaises 
de  chaque  particulier  ;  que  l'un  et 
l'autre  de  ces  deux  décrets  dépend 
de  la  pure  volonté  de  Dieu  ,  sans 
égard  au  mérite  ou  au  démérite  des 
hommes.  3."  Que  Dieu  donne  aux 
orédestinés  une  foi  et  une  justice 


CAL 

iimmissiblcs  ,  ft  ne  leur  impute 
point  leurs  jitchcs.  4-°  Qu'en  con- 
séquence du  péché  originel,  la  vo- 
lonté de  riioninie  est  tellement 
afFoiblie  qu'elle  est  incapable  de 
faire  aucune  bonne  œuvre  méri- 
toire du  salut,  même  aucune  action 
qui  ne  soit  vicieuse  et  imputable 
à  péché.  5.°Qu'il  lui  est  impossible 
de  résister  à  la  concupiscence  vi- 
cieuse ;  que  tout  le  libre  arbitre 
consiste  à  être  exempt  de  coaclion 
et  non  de  nécessité.  6.°  Que  les 
hommes  sont  justifiés  par  la  foi 
seule  ,  conséquemment  que  les 
bonnes  œuvres  ne  contribuent  en 
rien  au  salut  ;  que  les  sacrements 
n'ont  point  d'autre  efficacité  que 
d'exciter  la  foi.  Calvin  n'admet  que 
deux  sacrements ,  le  baptême  et  la 
cène  ;  il  rejette  absolument  le  culte 
extérieur  et  la  discipline  de  l'Eglise 
catholique. 

On  voit  que  ,  pour  former  son 
système,  cet  hérésiarque  a  rassem- 
blé les  erreurs  de  presque  toutes  les 
sectes  connues,  celles  des  prédes- 
tinatiens,  de  Vigilance,  des  dona- 
tistes  ,  des  iconoclastes  ,  de  Béren- 
ger  ;  qu'il  a  répété  ce  qu'avoient 
dit  les  albigeois ,  les  vaudois  ,  les 
beggards  ,  les  frati'icelles  ,  les  wi- 
clefites,  Icshussites,  Luther  et  les 
anabaptistes. 

Sur  l'eucharistie  ,  il  n'enseigne 
point ,  comme  Zwicgle  ,  que  c'est 
un  simple  signe  du  corps  et  du 
sang  de  Jésus-Christ  ;  il  dit  que 
nous  y  recevons  véritablement 
l'un  et  l'autre,  mais  seulement  par 
la  foi;  mais  le  corps  et  le  sang  de 
Jésus-Christ  n'y  sont  cependant 
point  avec  le  pain  et  le  vin  ,  ou  par 
impanatiou  comme  le  veulent  les 
luthériens  ,  ni  par  transsubstan- 
tiation ,  comme  ic  soutiennent  les 
catholiques. 

Ainsi  depuis  la  naissance  de  la 
réforme  en  iSiy,  jusqu'en  iSSa  , 
voilà  déjà  trois  systèmes  différents 
•<]ui  s'ctoient  formés  sur  ce  que  l'E- 
crilure  dit  du  sacrement  de  i'eu- 


CAI  j  4.0 1 

charistie.  Scloik  Zwingle,  les  pa- 
roles de  Jésus-Christ ,  ceci  estninri 
cor/7.<î,  signifient  seulement,  ceci  e5//f 
signe  de  rnon  corps.  Calvin  soutient 
qu'elles  expriment  quelque  chose 
de  plus,  puisque  Jésus-Christ  avoit 
promis  de  nous  donner  sa  chair  à 
manger.  Jo«/?. ,  c.  6,]i?.  5d.  Donc, 
reprend  Luther,  le  corps  de  Jésus- 
Christ  y  est  véritablement  avec  le 
pain  et  le  vin.  Point  du  tout,  dit 
Calvin  ,  si  l'on  admettoit  une  pré- 
sence réelle,  il  faudroit  nécessaire- 
ment admettre  la  transsubstantia- 
tion comme  les  catholiques,  et  le 
sacrifice  de  la  messe.  Voilà  comme 
s'accordoient  ces  docteurs, tous  sus- 
ci  tés  de  Dieu  pour  réformer  l'Eglise, 
et  tous  inspirés  par  le  Saint-Esprit. 

Si  l'on  compare  ce  qu'enseigne 
Calvin  sur  la  prédestination,  avec 
ce  qu'il  dit  du  défaut  de  liberté  dans 
l'homme  ,  on  sentira  que  Bolsec 
avoit  raison  de  lui  reprocher  qu'il 
faisoit  Dieu  auteur  du  péché  ;  blas- 
phème qui  fait  horreur.  Toute  la 
différence  qu'il  y  a  entic  les  pré- 
destinés et  les  réprouvés  consiste 
en  ce  ({ucDieu  n'impute  point  les 
péchés  aux  premiers,  au  lieu  qu'il 
les  impute  aux  autres  :  un  Dieu 
juste  peut-ii  imputer  aux  hommes 
des  péchés  qui  ne  sont  pas  libres, 
damner  les  uns  et  sauver  les  au- 
tres ,  précisément  parce  qu'il  lui 
plaît  ainsi  P  L'abus  que  faisoit 
Calvin  de  plusieurs  passages  de 
l'Ecriture  sainte,  pour  établir  cette 
doctrine  odieuse  ,  éloit  une  dé- 
monstration de  l'absurdité  de  sa 
prétention,  de  vouloir  que  l'Ecri- 
ture seule  fut  la  règle  de  notre 
croyance. 

Aussi  le  prétendu  déci-et  absolu 
de  prédestination  et  de  réprobation 
causa-t-il  ,  parmi  les  protestants, 
les  disputes  les  plus  animées  ;  il 
donna  naissance  à  deux  sectes  , 
l'une  des  infralapsaires  ,  l'autre 
i]çs  supralapsaires  ,  et  donna  lieu 
à  une  infinité  d'écrits  de  port  et 
d'autre. 

26 


^02  CAL 

Pour  esquiver  le  sens  des  paroles 
de  Jésus-Christ,  qui  nous  assurent 
de  sa  présence  réelle  dans  l'eucha- 
ristie ,  Calvin  opposoit  d'autres 
passages  où  il  faut  recourir  au  sens 
figuré;  et  pour  expliquer  les  pas- 
sages qui  semblent  supposer  que 
Dieu  est  l'auteur  du  péché ,  il  ne 
vouloit  pas  faire  usage  de  ceux  dans 
lesquels  il  est  dit  que  Dieu  hait  , 
déteste  ,  défend  le  péché  ,  qu'il  le 
permet  seulement,  mais  qu'il  n'en 
est  pas  l'auteur. 

L'inamissibilité  delajustice  dans 
les  prédestinés,  l'inutilité  des  bon- 
nes œuvres  pour  le  salut  ,  étoient 
deux  autres  dogmes  qui  entraî- 
noient  les  plus  pernicieuses  consé- 
quences. Calvin  avoit  beau  les 
pallier  par  toutes  les  subtilités 
possibles,  les  simples  fidèles  ne  sont 
pas  en  état  de  saisir  cette  obscure 
théologie  ;  elle  est  d'ailleurs  direc- 
tement opposée  aux  passages  les 
plus  formels  de  l'Ecriture  sainte  ; 
elle  n'est  bonne  qu'à  nourrir  une 
folle  présomption  et  à  détourner 
le  chrétien  de  faire  des  bonnes 
œuvres, 

Unenouvelle  contradiction  étoit 
de  soutenir  que  Dieu  seul  peut  ins- 
tituer les  sacrements  ;  que  ,  selon 
l'Ecriture,  il  n'en  a  point  institué 
d'autres  que  le  baptême  et  la  cène, 
et  de  prétendre  que  ces  sacrements 
n'ont  point  d'autre  effet  que  d'ex- 
citer la  foi.  L'institution  de  Dieu 
est-elle  nécessaire  pour  établir  un 
signe  capable  d'exciter  la  foi  1 

C'étoit  évidemment  par  nécessité 
de  système  que  Calvin  nioit  la  pré- 
sence réelle  de  Jésus-Christ  dans 
l'eucharistie.  S'il  avoit  avoué  qu'en 
vertu  de  l'institution  du  Sauveur, 
les  paroles  qu'il  a  prononcées  ont 
le  pouvoir  de  rendre  présents  son 
corps  et  son  sang  ,  comment  dis- 
convenir qu'en  vertu  de  la  même 
institution,  d'autres  paroles  ont  la 
force  de  produire  la  grâce  dans 
l'âme  d'un  fidèle  disposé  à  la  re- 
cevoir ? 


CAL 

Mosheim  et  son  traducteur  con- 
viennejit  que  sur  ce  point  la  doc- 
trine de  Calvin  n'est  pas  intelli- 
gible. 

Dans  la  suite ,  les  calvinistes  ont 
senti  les  inconvénients  du  système 
de  leur  maître  ;  à  peine  ont-ils 
conservé  un  seul  de  ces  dogmes 
en  son  entier  ;  ils  ont  changé  les 
uns ,  adouci  et  modifié  les  autres 
Presque  tous  ont  pris  le  sentiment 
de  Zwingle  sur  l'eucharistie,  ils  ne 
l'envisagent  que  comme  un  signe. 
Un  très-grand  nombre  ont  rejeté 
les  décrets  absolus  de  prédestina- 
tion ,  et  sont  devenus  pélagiens. 
Voyez,  Arminiens  et  Gomaristes. 

Les  théologiens  catholiques  ont 
attaqué  en  détail  tous  les  dogmes 
forgés  par  Calvin  ,  même  avec  les 
palliatifs  que  ses  disciples  y  ont 
apportés.  Ils  ont  démontré  l'oppo- 
sition formelle  de  ces  dogmes  pré- 
tendus avec  l'Ecriture  sainte  ,  avec 
la  tradition  ancienne  et  constante 
de  l'Eglise  ,  avec  les  vérités  que 
tout  chrétien  est  obligé  d'admettre. 
Ce  réformateur  accusoit  l'Eglise 
romaine  d'avoir  changé  la  doctrine 
de  Jésus-Christ  établie  par  les  apô- 
tres ;  on  a  prouvé  jusqu'à  l'évidence 
que  c'est  lui-même  qui  a  innové  , 
qu'il  n'y  a  dans  l'univers  entier 
aucune  secte  qui  ait  professé  \e.  cal- 
vinisme; qu'il  est  proscrit  et  détesté 
dans  des  sociétés  qui  sesont  séparées 
de  l'Eglise  romaine  depuis  plus  de 
quatorze  cents  ans.  Ce  qui  forme 
déjà  un  préjugé  terrible  contre  ce 
système ,  c'est  qu'il  a  fait  éclore  le 
socinianisme  et  le  déisme.  Voyez 
Protestants. 

Depuis  son  établissement ,  il  s'est 
toujours  maintenu  à  Genève  ,  où  il 
a  pris  naissance  ;  des  treize  cantons 
suisses,  il  y  en  a  six  qui  le  profes- 
sent. Jusqu'en  1572,  il  a  été  la 
religion  dominante  en  Hollande; 
quoique  dès  lors  cette  république 
ait  toléré  toutes  les  sectes  par  raison 
de  politique,  le  ca/fmisTnc  rigide  y 
est  cependant  toujours  la  religion 


CAL 

ilp  l'état.  Eu  Angleterre,  il  est  allé 
«■(i  décadence  depuis  le  régne  d'Eli- 
sabeth, malgré  les  efforts  qu'ont 
laits  les  puritains  ou  presbytériens 
pour  le  soutenir.  Depuis  que  l'E- 
glise anglicane  a  pris  des  sentiments 
plus  modérés,  \c  calvinisme  est  au 
nombre  des  sectes  non  confor- 
mistes et  simplement  tolérées.  En 
Ecosse  et  en  Prusse ,  il  est  encore 
dans  toute  sa  vigueur.  Dans  quel- 
ques parties  de  l'Allemagne  ,  il  est 
mélangé  avec  le  luthéranisme  ;  il 
a  été  souffert  en  France  jusqu'à  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes. 

On  demandera  sans  doute  com- 
ment un  système  si  mal  conçu  et  si 
mal  raisonné.,capable  de  désespérer 
les  âmes  vertueuses  et  d'affermir 
les  pécheurs  dans  le  crime,  de  l'aire 
envisager  Dieu  comme  un  tyran 
plutôt  que  comme  un  maîti'c  aima- 
ble ,  a  pu  trouver  des  sectateurs 
dans  presque  toutes  les  parties  de 
l'Europe.  Nous  tâcherons  d'expli- 
quer ce  phénomène  dans  l'article 
suivant.  Parmi  nos  conlro-versistcs 
qui  ont  réfuté  le  caZyi/2i.s/rt<',Bossuet, 
Arnaud,  Nicole,  Papin,  Péiisson, 
tiennent  le  premier  rang  ,  et  sont 
les  plus  estimés. 

Mosheimréduità  trois  ou  quatre 
chefs  les  points  de  doctrine  qui 
divisent  les  calvinistes  d'avec  les 
luthériens.  i.°  Touchant  la  cène, 
ceux-ci  disent  que  le  corps  et  le 
sang  de  Jésus-Christ  y  sont  vérita- 
blement donnés  aux  justes  et  aux 
impies  ,  quoique  d'une  manière 
inexplicable;  selon  les  calvinistes, 
ce  corps  et  ce  sang  n'y  sont  qu'en 
figure,  ou  présents  seulement  par 
la  foi  ;  mais  tous  ne  l'entendent 
pas  de  même.  Le  traducteur  de 
Mosheima  très-mal  rendu  ce  point 
de  la  croyance  des  luthériens  ,  en 
disant  qu'ils  assurent  que  le  corps 
et  le  sang  de  Jésus-Christ  son/ ma- 
iériellement  présents  dans  le  sacre- 
ment; jamais  les  luthériens  n'a- 
voueront celle  présence  r/ialériellc: 
ils  disent  que  le  corps  et  le  sang  du 


CAL  4o3 

Sauveur  y  sont  donnés  et  reçus  par 
la  communion,  sans  vouloir  avouer 
qu'ils  y  sont  présents  indépendam- 
ment de  l'action  de  communier. 
2."  Selon  les  calvinistes,  le  décret 
par  lequel  Dieu ,  de  toute  éternité, 
a  prédestiné  tel  homme  au  bon- 
heur du  ciel  et  tel  autre  à  la  dam- 
nation, est  absolu,  arbitraire,  in- 
dépendant de  la  prévision  des 
mérites  ou  démérites  futurs  de 
l'homme  ;  selon  les  luthériens  ,  ce 
décret  est  conditionnel  et  dirige 
par  la  prescience.  3.°  Les  calvi- 
nistes rejettent  toutes  les  cérémo- 
nies comme  des  superstitions  ;  les 
luthériens  pensent  qu'il  y  en  a  d'in- 
différentes et  que  l'on  peut  conser- 
ver, comme  des  peintures  dans  les 
églises,  des  habits  sacerdotaux,  les 
hosties  pour  consacrer  l'eucha- 
ristie, la  confession  auriculaire  des 
péchés,  les  exorcismes  dans  le  bap- 
tême ,  plusieurs  fêtes  ,  etc.  Mais 
Mosheim  convient  que  ces  divers 
articles  de  croyance  fournissent 
matière  à  un  grand  nombre  de 
questions  subsidiaires.  4-°  Ni  l'une 
ni  l'autre  de  ces  deux  sectes  n'a 
aucun  principe  certain  touchant 
le  gouvernement  de  l'Eglise;  dans 
plusieurs  endroits  ,  les  luthériens 
ont  conservé  des  évêques  sous  le 
nom  de  surintendants  ;  ailleurs  ils 
n'ont  qu'un  simple  consistoire  ^ 
comme  les  calvinistes;  chez  les  uns 
et  les  autres  ,  le  pouvoir  civil  des 
souverains  et  des  magistrats  a  plus 
ou  moins  d'influence  dans  les  af- 
faires ecclésiastiques,  suivant  les 
lieux  et  les  circonstances.  A  pro- 
prement parler,  leur  seul  point  de 
réunion  est  leur  haine  et  leur  ani- 
mosité  constante  contre  l'Eglise  ro- 
maine. Histoire  ecclés.  du  seizième 
siècle,  sect.  3,2.^  partie  ,  c.  2  , 
§•  29,  32. 

CALVINISTES,  sectateurs  deCal- 

vin  ;  on  les  nomme  aussi   proles- 

tartts ,  prétendus  réformés  ,  sacra- 

mentaires,  huguenots.  V.  ces  mots. 

a6. 


4o4  CAL 

II  est  à  propos  de  recherclier  les 
causes  qui  ont  contribué  aux  pro- 
grès que  ces  sectaires  firent  si  rapi- 
dement en  France  ;  ce  que  nous  en 
dirons  pourra  servir  avec  propor- 
tion à  l'égard  des  autres  contrées  de 
l'Europe. 

On  sentoit  de  toutes  parts ,  au 
commencement  du  seizième  siècle, 
le  besoin  d'une  réforme  ;  les  vœux 
qu'avoient  formés  sur  ce  point  les 
conciles  de  Constance  et  de  Bàle , 
les  mesures  qu'ils  avoient  prises 
pour  la  procurer  ,  tant  dans  le 
chef  que  dans  les  membres  de  l'E- 
glise, avoient  été  sans  effet;  on  ne 
voyoit  aucun  moyen  d'y  parvenir. 
Tout  le  monde  étoit  mécontent 
de  l'état  des  choses;  toutannonçoit 
une  révolution  prochaine. 

i.°Surlafin  du  quinzième  siè- 
cle, Alexandre  VI  avoit  scandalisé 
l'Eglise  par  ses  mœurs  et  par  son 
ambition,  Jules  II,  son  successeur, 
plus  occupé  de  guerres  et  de  con- 
quêtes que  du  gouvernement  de 
l'Eglise  ,  fut  ennemi  implacable  de 
Louis  XII  et  de  la  France.  Il  sou- 
leva contre  ce  roi  toute  l'Italie  , 
lança  contre  lui  une  excommuni- 
cation, mit  le  royaume  en  interdit, 
dispensa  les  sujets  du  serment  de 
fidélité.  Plus  Louis  XII  étoit  aimé 
et  méritoit  de  l'être  ,  plus  Jules  II 
fut  détesté.  Léon  X,  qui  lui  suc- 
céda, ne  montra  pas  plus  de  ver- 
tus pontificales,  ni  de  zèle  pour 
la  réforme.  Il  étoit  aisé  de  prévoir 
que  le  mécontentement  contre  les 
papes  entraîneroit  bientôt  une 
révolte  contre  Je  joug  de  leur  au- 
torité. ^ 

2.°  Les  moines ,  surtout  les  men- 
diants, soit  par  zèle  ,  soit  par  in- 
térêt ,  attiroient  les  fidèles  dans 
leurs  églises  par  des  dévotions  sou- 
vent assez  mal  réglées  ,  multi- 
plioienl  les  confréries  ,  les  indul- 
gences ,  les  reliques ,  les  miracles , 
les  histoires  fausses  ei  apocryphes, 
faisoient  à  cette  occasion  des  quê- 
tes lucratives,  entrep renoient  sur 


CAL 

les  droits  des  curés  et  sur  la  juri- 
diction des  évêques  ,  alléguoient 
les  privilèges  qu'ils  avoient  obte- 
nus du  saint  siège,  etc.  Quelques- 
uns  des  théologiens  qui  écrivirent 
contre  ces  abus ,  ne  gardèrent  pas 
toute-  la  modération  possible  ,  et 
firent  retomber  sur  les  pratiques 
mêmes  une  partie  du  blâme  que 
méritoient  les  religieux. 

3.°  La  juridiction  ecclésiastique 
n'étoit  pas  renfermée  dans  des  bor- 
nes aussi  sages  qu'elle  devoit  l'être, 
les  tribunaux  laïques  s'en  plai- 
gnoient.  Il  y  avoit  du  désordre 
dans  la  manière  d'obtenir  ,  de 
posséder,  d'adniinistrer  les  béné- 
fices ;  en  général  le  clergé  séculier 
étoit  moins  instruit  et  moins  ré- 
glé qu'il  ne  l'est  aujourd'hui,  et 
les  peuples  se  ressenloient  de  ce 
malheur.  En  un  mot,  tous  les  abus 
qui  ont  été  corrigés  ou  prévenus 
par  les  décrets  du  concile  de 
Trente  ,  étoient  presque  générale- 
ment répandus. 

4."  Les  théologiens ,  bornés  à  la 
scolastlque  ,  ne  cultivoient  ni  l'é- 
rudition sacréeni  les  belles-lettres, 
l'egardoient  même  cette  étude  com- 
me dangereuse  pour  la  religion. 
Les  laïques  qui ,  depuis  le  règne 
de  François  I.",  avoient  acquis 
des  connoissances  ,  méprisoient 
les  théologiens ,  et  se  croyolent 
pour  le  moins  aussi  capables 
qu'eux  de  juger  des  matières  de 
religion. 

L^on  ne  doit  pas  être  surpris  si 
les  émissaires  de  Luther  ,  de  Mé- 
lancthon,  de  Bucer,  qui  étoient 
lettrés  ,qui  parlolentet  ccri voient 
bien,  qui  avoient  étudié  les  lan- 
gues et  l'histoire  ,  trouvèrent 
parmi  les  littérateurs  des  disciples 
totit  prêts  à  être  séduits.  C'éloit 
assez  de  déclamer  contre  le  pape, 
contre  le  clergé  séculier  et  régu- 
lier, contre  les  abus  eu  fait  de  re- 
ligion ,  pour  être  écouté.  La  con- 
fession ,  les  jeilnes  ,  les  œuvres 
satisfactoires ,  les  vœux ,  les  prati- 


CAL 

ques  du  culte  public,  les  honoraires 
des  ministres  de  la  religion  ,  sont 
un  joug;  l'on  en  éloit  laligué  ,  et 
on  voyoit  un  moyen  de  s^en  débar- 
rasser. 

Le  poison,  répandu  en  secret  , 
gagna  de  proche  en  proche,  infecta 
des  hommes  de  tous  les  états  ;  ceux 
qui  l'avoient  reçu  furent  eux-mê- 
mes étonnés  de  se  trouver  d'abord 
en  si  grand  nombre.  Les  livres 
de  Luther,  de  Mélanclhon ,  de 
Carlostad,  de  Zwinglc,  se  mulli- 
plioient  eu  France  ,  et  en  firent 
naître  d'autres  :  on  vit  éclore  de 
toutes  parts  des  livres  de  pieté  , 
des  traités  dogmatiques  ,  des  ou- 
vrages polémiques  ;  ils  inondèrent 
le  royaume  et  y  allumèrent  le  fa- 
natisme des  décrets  de  la  faculté 
de  théologie  :  les  mandements  des 
éveques  ,  les  recherches  de  la 
police  ,  ne  purent  en  arrêter  le 
cours.  Peu  iniportoit  quelle  doc- 
trine on  adopteroit,  pourvu  que 
l'on  changeât  de  religion.  Ulnsii- 
luiion  de  Calvin  parut;  cet  ouvrage 
etoit  séduisant,  il  fut  reçu  avec 
acclamation  ;  une  grande  partie 
du  royaume  se  trouva  bientôt  cal- 
viniste sans  l'avoir  prévu. 

Ce  parti  ,  qui  sentit  ses  forces  , 
éclata  par  des  voies  de  fait  ,  par 
des  placards,  par  des  libelles  inju- 
rieux ;  les  magistrats  et  le  gouver- 
nement alarmes  eurent  recours  aux 
supplices  :  il  étoit  trop  tard;  ces 
exécutions  aigrirent  les  esprits, 
et  rendirent  les  calvinistes  furieux. 

N'oublions  pas  que  sous  les  Va- 
lois les  peuples  étoient  aussi  mé- 
contents du  gouvernement  que  de 
l'état  de  la  religion.  François  II , 
prince  inappliqué,  se  déchargea 
de  l'adrainislralion  du  royaume 
sur  les  princes  de  Guise  ;  ceux-ci 
avoient  gagné  la  faveur  du  clergé 
par  leur  zèle  pour  la  religion  ca- 
tholique ;  les  grands  qui  vouloicnt 
leurenlever  l'autorité,  se  rangèrent 
du  côté  des  calvinistes.  La  conju- 
ration d'Amboise,  qu'ils  formèrent 


CAL  t^o^ 

dans  ce  dessein,  éclata  et  fut  dé- 
concertée ;  la  punition  des  conju- 
rés ne  servit  qu'a  augmenter  la 
haine,  et  à  faire  concevoir  de  nou- 
veaux projets  de  révolte. 

Charles  IX  ,  en  montant  sur  le 
trône,  voulut  en  vain  calmer  les 
deux  partis  ;  l'amnistie  accordée 
par  sou  édit  aux  protestants  ne 
prouve  que  trop  les  excès  auxquels 
ils  s'étoient  déjà  portés.  Un  tu- 
multe arrivé  par  hasard  à  Vassi , 
et  dans  lequel  plusieurs  protestants 
furent  tués  ,  leur  servit  de  prétexte 
pour  lever  une  armée  et  commen- 
cer une  guerre  civile.  Elle  em\)rasa 
bientôt  tout  le  royaume,  et  elle 
se  fit  de  part  et  d'autre  avec  toute 
les  fureurs  que  le  fanatisme  peut 
inspirer,  Deux  fois  elle  fut  suspen- 
due par  des  édits  de  pacification, 
ou  plutôt  de  pardon  ;  à  la  troisiè- 
me ,  les  protestants  obtinrent  de 
leur  souverain  tout  ce  qu'ils  de- 
mandoient,et  même  des  places  de 
sûreté. 

Un  roi  réduit  à  traiter  avec  ses  su- 
jets devenus  ses  ennemis,  leur  par- 
donne difficilement  cette  injure; 
Charles  IX,  indigné  des  conditions 
qu'on  lui  avoil  fait  subir  ,  frappé 
de  ce  qu'il  avoit  à  redouter  de 
la  part  d'un  parti  toujours  me- 
naçant, conçut  le  funeste  projet 
de  se  défaire  des  chefs  du  parti 
huguenot ,  et  permit  de  les  mas- 
sacrer. Le  peuple  ,  une  fois  animé 
au  carnage  ,  ne  se  borna  pas  à  im- 
moler les  chefs;  un  nombre  infini 
de  catholiques  satisfirent  leurs 
haines  particulières,  poussèrent  la 
cruauté  aux  derniers  excès ,  et  don- 
nèrent ainsi  lieu  à  une  nouvelle 
guerre  villes.  K.Saint-Bartiiélemi. 

Henri  III  ,  pour  la  faire  cesser, 
fut  oblige  d'accorder  aux  calvinistes 
un  cinquième  édit  encore  plus  fa- 
vorable pour  eux  que  les  précé- 
dents ;  les  catholiques  mécontents 
formèrent  la  ligue,  qui  fut  nom- 
mée très-mal  à  propos  la  sainte 
union  ;  la  crainte  de  voir  passer  la 


4o6 


CAL 


couronne  sur  la  tête  d'un  prince 
hérétique  rendit  les  catholiques 
aussi  intraitables  que  les  hugue- 
nots. 

Henri  IV  avoit  été  malheureuse- 
ment élevé  dans  le  calvinisme  ;  il 
fut  obligé  de  conquérir  son  royau- 
me sur  les  ligueurs.  Enfin ,  victo- 
rieux et  universellement  reconnu , 
il  accorda  aux  calvinistes  ,  qui  l'a- 
voient  utilement  servi ,  un  nouvel 
édit  de  pacification  ,  semblable 
aux  précédents,  avec  des  villes  de 
sûreté;  c'est  l'édit  de  Nantes. 

Heureuse  la  France  ,  si  la  paix 
eût  éteint  le  fanatisme  !  mais  il  sub- 
sistoit  encore  ;  Henri  IV  en  fut  la 
victime,  et  périt,  comme  Henri III, 
par  un  assassinat. 

Sous  Louis  XIII,  les  protestants 
reprirentles  armes;  ils  furentvain- 
cus,  et  leursplaces  fortes  démolies. 
Mais  l'édit  de  Nantes  fut  confirmé 
quantaux  autres  articles. LouisXIV, 
plus  puissant  et  plus  absolu  qu'au- 
cun de  ses  prédécesseurs,  révoqua 
l'édit  de  Nantes  en  i685,  et  depuis 
ce  moment  les  cahinisles  ont  été 
privés  en  France  de  l'exercice  pu- 
blic de  leur  religion.  Nous  n'ose- 
rions examiner  si  cette  révocation 
a  été  injuste  et  illégitime,  si  elle  a 
porté  au  royaume  un  préjudice 
aussi  considérable  que  l'ont  pré- 
tendu quelques  écrivains  modernes. 

Cette  narration  trcs-abrégée  suf- 
fit pour  donner  une  idée  des  maux 
«ju'a  causés  à  la  France  une  pré- 
tendue réforme  qui,  loin  de  ren- 
dre la  foi  plus  pure  et  la  morale 
plus  parfaite,  renouvelle  une  foule 
d'erreurs  condamnées  dans  les  dif- 
férents siècles  de  l'Eglise;  dont  les 
dogmes  renversent  les  principes  de 
la  morale  fondés  sur  la  liberté  de 
l'homme,  jettent  lésâmes  timorées 
dans  le  désespoir  ,  et  les  méchants 
dans  une  funeste  sécurité  ,  ôte 
tout  motif  de  pratiquer  la  vertu  , 
et  qui  a  inspiré  dès  l'origine  à  ses 
sectateurs  la  même  révolte  contre 
Jçs  puissances  séculières  que  contre 


CAL 

l'autorité  ecclésiastique.  Aujour- 
d'hui revenus  de  leur  ancien  fana- 
tisme ,  ses  docteurs  sont  forcés  de 
convenir  que  l'Eglise  romaine,  de 
laquelle  ils  se  sont  séparés,  n'en- 
seigne aucune  erreur  fondamen- 
tale ,  ni  sur  le  dogme  ,  ni  sur  la 
morale,  ni  sur  le  culte;  qu'un  bon 
catholique  peut  faire  son  salut  dans 
sa  religion.  Qu'étoit-il  donc  né- 
cessaire de  bouleverser  l'Europe 
entière  pour  la  détruire  ,  et  pour 
établir  le  calvinisme  sur  ses  ruines? 

Quand  on  n'auroit  à  leur  repro- 
cher que  l'incendie  de  plusieurs  ri- 
ches bibliothèques,  tant  en  France 
qu'en  Angleterre  ,  c'en  seroit  assez 
pour  faire  délester  l'esprit  qui  les 
animoit. 

Cependant  une  foule  d'incrédu- 
les ,  toujours  prêts  à  soutenir  le 
parti  des  séditieux  ,  veulent  faire 
retomber  sur  la  religion  catholi- 
que les  excès  auxquels  les  calvinis- 
tes se  sont  portés,  et  tous  les  maux 
qui  s'en  sont  ensuivis.  Ils  disent 
que  les  défenseurs  de  la  religion  do- 
minante se  sont  élevés  avec  fureur 
contre  les  sectaires ,  ont  armé  con- 
tre eux  les  puissances,  en  ont  ar- 
raché des  édits  sanglants,  ont  souf- 
flé dans  tous  les  cœurs  la  discorde 
et  le  fanatisme  ,  et  ont  rejeté  sans 
pudeur  sur  leurs  victimes  les  dés- 
ordres qu'eux  seuls  avoient  pro- 
duits. Cela  est-il  vrai  "? 

i.°  L'on  connoît  les  principes 
des  premiers  réformateurs  ,  de 
Luther  et  de  Calvin  ;  ils  sont  con- 
signés dans  leurs  ouvrages. En  iSao, 
avant  qu'il  y  eût  aucun  édit  porté 
contre  Luther,  il  publia  son  livre 
de  la  Liberté  chrétienne,  où  il  déci- 
doit  que  le  chrétien  n'est  sujet  à 
aucun  homme,  et  déclamoit  con- 
tre tous  les  souverains;  c'est  ce 
qui  causa  la  guerre  des  anabaptis- 
tes. Dans  ses  thèses  il  s'écria  qu'il 
falloit  courre  sus  au  pape  ,  aux 
rois  et  aux  césars  qui  prendroienl 
son  parti.  Dans  son  traité  du  Fiic 
commun  ,  il  vouloit  que  l'on  pillât 


CAL 

les  églises  ,  les  monaslèrcs  et  les 
cve.cliés.  En  consétjuencc,  il  fut 
mis  au  Lan  de  l'empire  eu  iSai. 
Est-ce  le  clergé  qui  dicta  cet  arrêt  i* 
La  grande  maxime  de  ce  fougueux 
réformateur,  étoit  que  l'Evangile 
a  toujours  causé  du  trouble,  qu'il 
faut  du  sang  pour  l'établir.  Tel 
est  l'esprit  dont  éloient  animés 
ceux  de  ses  disciples  qui  vinrent 
prêcher  en  France. 

Calvin  écrivoit  qu'il  falloit  ex- 
terminer les  zélés  faquins  quis'op- 
posoient  à  l'établissement  de  la 
réforme  ;  que  pareils  monstres 
doivent  être  étouffés  ;  il  appuya 
celte  doctrine  par  son  exemple  , 
lit  uji  traité  exprés  pour  la  prou- 
ver. Voyez  les  Lettres  de  Calvin  à 
M.  du  Po'èt ,  Fidelis  expnsitto ,  etc. 
Nous  demandons  si  des  prédicants 
qui  s'annoncent  ainsi  doivent  être 
soufferts  dans  aucun  état  policé  f 

3.°  Le  premier  édit  porté  en 
France  contre  les  calvinistes  fut 
publié  en  i534.  Alors  la  réforme 
avoit  déjà  mis  en  feu  l'Afiemagne; 
il  y  avoit  eu  en  France  des  images 
brisées ,  des  libelles  séditieux  ré- 
pandus ,  des  placards  injurieux  af- 
fichés jusqu'aux  portes  du  Louvre  ; 
François I.*'' craignit  pour  ses  états 
les  mêmes  troubles  qu'il  avoit  fo- 
mentés lui-même  en  Allemagne. 
Telle  fut  la  cause  des  premières 
exécutions  faites  en  France.  Lors- 
que les  princes  protestants  d'Al- 
lemagne s'en  plaignirent  ,  Fran- 
çois L"^''  répondit  qu'il  n'avoit  fait 
que  punir  des  séditieux.  Par  l'édit 
de  i54o,  il  les  proscrivit  comme 
perturbateurs  de  l'état  et  du  repos 
public  ;  personne  n'a  encore  osé  ac- 
cuser le  clergé  d'avoir  eu  part  à  ces 
édits.  Un  célèbre  écrivain  de  nos 
jours  est  convenu  que  l'esprit  do- 
minant du  calvinisme  étoit  de  s'é- 
riger en  république.  Essais  sur 
r Histoire  générale,  etc. 

3.°  Nous  défions  les  calomnia- 
teurs du  clergé  de  citer  un  seul  pays, 
une  seule  ville  ,   où   les  calvinistes 


CAL  407 

devenus  les  maîtres  aient  souffert 
l'exercice  de  la  religion  catholique. 
En  Suisse ,  en  Hollande  ,  en  Suéde, 
en  Angleterre,  ils  l'ont  proscrite, 
souvent  contre  la  foi  des  traités. 
L'ont-ils  jamais  permise  en  France, 
dans  leurs  villes  de  siireté  ?  Une 
maxime  sacrée  de  nos  adversaires  . 
est  qu'il  ne  faut  pas  tolérer  les  in- 
tolérants :  or,  jamais  religion  ne  fut 
plus  intolérante  que  le  calvinisme  ; 
vingt  auteurs,  même  protestants, 
ont  été  forcés  d'en  convenir.  Dès 
l'origine ,  en  France  et  ailleurs ,  les 
catholiques  ont  eu  à  choisir  ,  ou 
d'exterminer  les  huguenots,  ou  d'ê- 
tre eux-mêmes  exterminés. 

4-°  Si  ,  avec  tout  le  flegme  que 
peuvent  inspirer  la  charité  chré- 
tienne, l'amour  de  la  vérité,  le  res- 
pect pour  les  lois  ,  le  vrai  zèle  de 
religion,  les  premiers  réformateurs 
s'étoient  attachés  à  prouver  que 
l'Eglise  romaine  n'est  point  la  vé- 
ritable Eglise  de  Jésus-Christ,  que 
son  chef  visible  n'a  aucune  auto- 
rité de  droit  divin,  que  son  culle 
extérieur  est  contraire  à  l'Evangiu  , 
que  les  souverains  qui  la  protègent 
entendentmal  leurs  intérêts  et  ceux 
de  leurs  peuples,  etc.;  si,  en  de- 
mandant la  liberté  de  conscience, 
ils  avoient  solennellement  promis 
de  ne  point  molester  les  catholi- 
ques, de  ne  point  troubler  leur 
culte  ,  de  ne  point  injurier  les  prê- 
tres ,  etc.  ,  et  qu'ils  eussent  tenu 
parole,  sommes-nous  certains  que 
le  gouvernement  n'eîît  point  laissé 
de  sévir  contre  eux  ?  Quand  même 
le  clergé  eût  sollicité  des  édits  san- 
glants ,  les  auroit-ii  obtenus  ?  On 
sait  si  pour  lors  la  cour  étoit  fort 
chrétienne  et  fort  zélée  pour  la  xe- 
ligion. 

5.°  En  supposant  que  le  massa- 
cre de  Vassi  étoit  un  crime  prémé- 
dité, ce  qui  n'est  point,  c'étoit  le 
fait  particulier  du  duc  de  Guise  et 
de  ses  gens;  étoit-ce  un  sujet  légi- 
time de  prendre  les  armes ,  au  lien 
de  porter  des  plaintes  au  roi ,  et  de 


4o8  CAL 

demander  )uslice  ?  Mais  les  calt^i- 
nistes  3iV oient  déjà  résolu  la  guerre, 
ils  n'altendoicnt  qu'un  prétexte 
pour  la  déclarer.  Des  ce  moment 
ils  n'ont  plus  rieji  voulu  obtenir 
que  par  force  et  les  armes  à  la 
main.  Le  clerjjé  n'a  donc  pas  eu  be- 
soin desoufiler  le  feu  de  la  discorde 
pour  animer  les  catholiques  à  la 
vengeance  ;  les  huguenots  furieux 
ne  leur  ont  fourni  (^ue  trop  de  sujets 
de  représailles.  Ceux-ci  ont  du  s'at- 
tendre à  être  traités  en  ennemis  , 
toutes  les  fois  que  le  gouvernement 
auroitassez  deforcepour  lespunir. 

C'e^t  donc  une  calomnie  gros- 
sière d'attribuer  au  clergé  et  au 
zèle  fanatique  de  la  religion  les  ex- 
cès qui  ont  été  commis  pour  lors  ; 
le  foyer  du  fanatisme  étoit  chez  les 
calvinistes ,  et  non  chez  les  catho- 
liques. 

6.°  Nous  n'avons  pas  besoin  de 
chercher  ailleurs  que  chez  nos  ad- 
versaires les  preuves  de  ce  que  nous 
avançons.  Bay le,  qui  ne  doit  pas 
être  suspect  aux  incrédules ,  qui  vi- 
voit  parmi  les  caloinisies ,  et  qui 
les  connoissoit  très-bien,  leur  a  re- 
proché, dans  son  A.vis  aux  réfugiés, 
en  1690,  d'avoir  poussé  la  licence 
des  écrits  satiriques  à  un  excès  dont 
on  n'avoit  point  encore  eu  d'exem- 
ple ;  d'avoir ,  dès  leur  naissance  , 
introduit  en  France  l'usage  des  li- 
belles diffamatoires ,  que  l'on  n'y 
connoissoit  presque  pas  ;  il  leur 
rappelle  les  édlts  par  lesquels  on 
fut  obligé  de  réprimer  leur  audace, 
et  la  malignité,  avec  laquelle  leurs 
docteurs ,  l'Evangile  à  la  main,  ont 
calomnié  les  vivants  et  les  morts. 
Il  leur  oppose  la  modération  et  la 
patience  que  les  catholiques,  en 
pareil  cas ,  ont  montrées  en  Angle- 
terre. Il  accuse  les  premiers  d'avoir 
enseigné  constamment,  que,  quand 
un  souverain  manque  à  ses  promes- 
ses ,  s,e%  sujets  sont  déliés  de  leur 
serment  de  fidélité  ,  et  d'avoir  fon- 
dé sur  ce  principe  toutes  les  guerres 
civiles  dont  ils  ont  été  les  auteurs. 


CAL 

Il  leur  représente  que  ,  quand  il 
a  été  question  d'écrire  contre  le 
pape ,  ils  ont  soutenu  avec  chaleur 
les  droits  et  l'indépendance  des 
souverains  ;  que  lorsqu'ils  ont  été 
mécontents  de  ceux-ci,  ils  outre- 
rais les  souverains  dans  la  dépen- 
dance à  l'égard  des  peuples  ;  qu'ils 
ont  soufflé  le  froid  et  le  chaud  , 
suivant  l'intérêt  du  lieu  et  du 
moment.  Il  leur  montre  les  consé- 
quences affreuses  de  leurs  princi- 
pes touchant  la  prétendue  souve- 
raineté inaliénable  du  peuple  ;  et 
aujourd'hui  nos  politiques  incré- 
dules osent  nous  vanter  ces  mêmes 
principes,  comme  une  découverte 
précieuse  et  nouvelle  qu'ils  ont 
faite  ;  ils  ne  saventpas  que  c'est  une 
doctrinerenouvelée  des  huguenots. 
Il  n'y  a  ,  continue  Bay  le  ,  point  de 
fondement  de  la  tranquillité  pu- 
blique que  vous  ne  sapiez  ,  point 
de  frein  capable  de  retenir  les  peu- 
ples dans  l'obéissance  que  vous  ne 
brisiez. ..Vous  avez  ainsi  vérifié  les 
craintes  que  l'on  a  conçues  de  vo- 
tre parti  ,  dès  qu'il  païut,  et  qui 
firent  dire  que  quiconque  rejette 
l'autorité  de  l'Eglise  ,  n'est  pas  loin 
de  secouer  celle  des  puissances  sou- 
veraines ;  et  qu'après  avoirsoutenu 
l'égalité  entre  le  peuple  et  les  pas- 
teurs ,  il  ne  tardera  pas  de  soute- 
nir encore  l'égalité  entre  le  peuple 
et  les  magisti^ats  séculiers. 

Bayle  va  plus  loin  ;  il  prouve 
que  les  calvinistes  d'Angleterre  ont 
autant  contribué  au  supplice  de 
Charles  I."  que  les  indépendants  ; 
que  leur  secte  est  plus  ennemie  de 
la  puissance  souveraine  qu'aucune 
autre  secte  protestante  ;  que  c'est 
ce  qui  les  rend  irréconciliables  avec 
les  luthériens  et  les  anglicans.il  fait 
voir  que  les  païens  ont  enseigné 
une  doctrine  plus  pure  que  la  leur, 
touchant  l'obéissance  que  l'on  doit 
aux  lois  et  à  la  patrie  ;  il  réfute 
toutes  les  mauvaises  raisons  pai 
lesquelles  ils  ont  voulu  justifier 
leurs  révoltes  frcqucntcf.  11  démon- 


CM. 

treque  la  ligue  ilcs  catholKiiicspo ur 
exclurc  Henri  IV du  trône  de  Fran- 
ce ,  parce  qu'il  cloit  huj^uenot  , 
a  été  beaucoup  moins  odieuse  et 
moins  criminelle  que  la  li{^ue  des 
protestants  pour  priver  le  duc 
d'Yorck  de  la  couronne  d'Angle- 
terre ,  parce  qu'il  étoit  catholique. 
Telle  est  l'analyse  de  VAvis  aux  ré- 
fugiés ,  qu'aucun  calviniste  n'a  osé 
entreprendre  de  réfuter. 

Déjà  ,  dans  sa  Réponse  à  la  lettre 
d? un  réfugié  en  1688,  il  avoit  mon- 
tré que  les  calvinistes  sont  beau- 
coup plus  intolérants  que  les  ca- 
tholiques ,  qu'ils  l'ont  toujours  été, 
qu'ils  le  sont  encore,  qu'ils  l'ont 
prouvé  par  leurs  livres  et  par  leur 
conduite  ;  que  leur  principe  inva- 
riable est  qu'il  n'y  a  point  de  sou- 
verain légitime  que  celui  qui  est 
orthodoxe  à  leur  manière.  11  leur 
avoit  soutenu  qu'eux-mêmes  ont 
toi'cé  Louis  XIV  à  révoquer  l'édit 
de  Nantes  ;  qu'en  cela  il  n'a  lait 
tout  au  plus  que  suivre  l'exemple 
des  états  de  Hollande ,  qui  n'ont 
tenuaucun  des  traités  qu'ils  avoient 
faits  avec  les  catholiques.  Il  avoit 
prouvé  que  toutes  les  lois  des  états 
protestants  ont  été  plus  sévères 
contre  le  catholicisme,  que  celles 
de  France  contre  le  calvinisme.  Il  y 
rappelle  le  souvenir  des  émissaires 
que  les  huguenots  envoyèrent  à 
Cromwel,  en  i65o,  des  offres  qu'ils 
lui  firent,  des  résolutions  séditieu- 
ses qu'ils  prirent  dans  leurs  sy- 
nodes de  la  Basse -Guienne.  Il  se 
moque  de  leurs  lamentations  sur 
la  prétendue  persécution  qu'ils 
éprouvent,  et  il  leur  déclare  que 
leur  conduite  justifie  pleinement  la 
sévérité  avec  laquelle  on  les  a  trai- 
tés en  France.  Œuvres  de  Bajle  , 
tora.  2  ,  p.  544- 

L'écrivain  qui,  en  itSS,  a  fait 
l'apologie  de  la  révocation  de  l'cdil 
de  Nantes  ,  n'a  presque  rien  fait 
autre  chose  que  répéter  les  mêmes 
reproches  et  les  mêmes  faits  ([ue 
IJ.-iyle  avoit  soutenus  en  face  aux 


CAM  409 

cahu'nistes ,  en  1O88  et  1690.  Ce- 
pendant tous  nos  politiques  anti- 
chrétiens  ont  élevé  la  voix  contre 
lui  ;  ils  ont  voulu  le  faire  passer 
pour  un  boute-feu  et  pour  un  fa- 
natique :  qu'auroient-ils  dit,  si  cet 
auteur  avoit  déclaré  hautement 
quil  copioit  Bayle  presque  mol 
pour  mol  ?  Voy.  Guerres  de  Reli- 
gion, Protestant,  Tolérance,  etc. 

CAMALDULES,  ordre  religieux, 
fondé  par  saint  Romuald  ,  en  loog, 
ou  ,  selon  d'autres  ,  en  960.  Saint 
Romuald  envoya  plusieurs  de  ses 
religieux  prêcher  l'Evangile  aux 
peuples  de  la  Hongrie,  qui  étoient 
encore  infidèles  ;  il  y  alloit  lui- 
même  dans  ce  pieux  dessein ,  lors- 
qu'il fut  surpris  de  la  maladie  dont 
il  mourut. 

Le  Père  Ziégelbaur  a  donné  la 
notice  des  écrivains  de  cet  ordre  en 
lySo  ,  à  Venise  ,  in-folio. 

La  congrégation  des  ermites  de 
saint  Romuald  ,  ou  du  mont  de  la 
Couronne ,  est  unebranche  de  celle 
de  Camaldoli  avec  laquelle  elle  s'u- 
nit en  i532.  Paul  Justiniani  ,  de 
Venise  ,  commença  son  établisse- 
ment en  iSao  ,  et  en  fonda  le  prin- 
cipal monastère  dans  l'Apennin,  au 
lieu  nommé  le  mont  de  la  Couron- 
ne,  à  dix  milles  de  Pérouse,  Voy. 
Baronius  ,  Raynaldi ,  Sponde  ,  ad 
ann.  iSao. 

Les  prolestants  ont  forgé  une  ca- 
lomnie grossière  contre  saint  Ro- 
muald. Dans  une  histoire  ecclésias- 
tique imprimée  à  Berne  en  1767, 
il  est  dit  que  Serge  son  père  s'étant 
fait  moine,  et  voulant  c[uitter  cet 
état,  duquel  il  étoit  dégoûté  ,  Ro- 
muald accourut  au  monastère,  mit 
des  entraves  aux  pieds  de  son  père, 
et  ne  cessa  de  le  frapper  ,  jusqu'à 
ce  qu'il  eût  promis  de  persévérer 
dans  l'état  monastique.  Fable  ab- 
surde s'il  en  fut  jamais.  Tous  les 
historiens  déposent  que  saint  Ro- 
muald n'employa  que  les  raisons, 
les  prières  cl  les  larmes  pour'  en- 


4io  CAM 

gager  son  père  à  la  persévérance. 
Comment  auroit-il  osé  exercer  une 
violence  dans  un  monastère  où  il 
n'avoit  aucune  autorité  ,  où  il  n'é- 
loit  ni  supérieur  ni  religieux  ?  S'il 
s'étoit  cru  la  violence  permise  ,  il 
î'auroit  fait  exercer  par  quelque 
moine  ,  plutôt  que  de  s'en  rendre 
coupable  lui-même.  Pendant  toute 
sa  vie  il  a  donné  des  exemples  d'une 
douceur  et  d'une  patience  à  toute 
épreuve. 

Les  censeurs  du  ch  ristianisme  de- 
mandent si,  pour  se  sanctifier,  il 
est  nécessaire  de  se  retirer  dans  les 
déserts  ?  Non  ,  sans  doute  ;  mais  ce 
goût  que  Dieu  a  inspiré  à  des  per- 
sonnages très-vertueux ,  n'a  pas  été 
inutile  au  monde.  Ils  ont  défriché 
et  rendu  habitables  des  lieux  qui 
étoient  sauvages  ;  la  renommée  de 
leurs  vertus  a  souvent  tiré  du  dés- 
ordre des  hommes  qui  seroient 
morts  impénitents  ;  la  solitude  est 
nécessaire  à  ceux  pour  lesquels  le 
monde  est  un  séjour  dangereux. 

Mais  si  tous  les  hommes  étoient 
saisis  de  cet  accès  de  mélancolie , 
la  société  se  dissoudroit.  Ne  crai- 
gnons point  ce  malheur.  Dieu  y  a 
pourvu  ;  il  n'a  donné  le  goût  de  la 
solitude  qu'à  un  très-petit  nombre 
d'hommes ,  et  il  y  auroit  de  l'injus- 
tice à  gêner  leur  inclination. 

CAMÉRONIENS.  Dans  le  dix- 
septième  siècle ,  on  a  donné  ce  nom 
en  Ecosse  à  une  secte  qui  avoit  pour 
chef  un  certain  Archibal  Caméron, 
ministre  presbytérien ,  d'un  carac- 
tère singulier.  Il  ne  vouloit  pas  re- 
cevoir la  liberté  de  conscience  que 
Charles  II ,  roi  d'Angleterre  ,  ac- 
cordoit  aux  presbytériens  ;  parce 
que,  selon  lui,  c'étoit  reconnoître 
la  suprématie  du  roi ,  et  le  regarder 
comme  chef  de  l'Eglise.  A  cette  bi- 
zarrerie on  reconnoît  le  génie  ca- 
ractéristique du  calvinisme.  Ces 
sectaires,  non  contents  d'avoir  fait 
schisme  avec  les  autres  presbyté- 
riens, poussèrent  le  fanatisme  jus- 


CAN 

qu'à  déclarer  Charles  II  déchu  de 
la  couronne  ,  et  se  révoltèrent  ;  on 
les  réduisit  aisément,  et  en  1690, 
sous  le  règne  de  Guillaume  III ,  ils 
se  réunirent  aux  autres  presbyté- 
riens. En  1706,  ils  recommencè- 
rent à  exciter  du  trouble  en  Ecosse; 
ils  se  rassemblèrent  en  grand  non^- 
bre  ,  et  prirent  les  armes  près  d'E- 
dimbourg ;  mais  ils  furent  dispersés 
par  des  troupes  réglées  que  l'on  en- 
voya contre  eux.  On  prétend  qu'ils 
ont  une  haine  encore  plus  forle 
contre  les  presbytériens  que  contre 
les  épiscopaux. 

Il  ne  faut  pas  .confondre  le  chef 
de  ces  caméroniens  avec  Jean  Ca-  I 
méron  ,  autre  calviniste  écossois  , 
qui  passa  en  France  ,  enseigna  à 
Sedan  ,  à  Saumur  et  à  Montaubant 
Celui-ci  étoit  un  homnae  ti'ès-mo-  j 
déré,  qui  désapprouva  le  fanatisme 
de  ceux  qui  se  révoltèrent  contre 
Louis  XIII ,  et  essuya  de  mauvais 
traitements  de  leur  part. Il  a  laissé 
des  ouvrages  estimables. 

CANA  ,  ville  ou  bourgade  de  la 
Galilée,  dans  laqxielle  Jésus-Christ 
fut  invité  à  des  noces  ,  et  fit  le  pre- 
mier de  ses  miracles  en  changeant 
l'eau  en  vin.  Plusieurs  incrédules 
ont  fait  des  efforts  pour  rendre  re 
miracle  suspect.  Ils  disent  que  Jé- 
sus fit  remplir  d'eau  deux  cruches, 
qu'il  y  mêla  sans  doute  quelque 
drogue  pour  donner  à  l'eau  la  cou- 
leur et  le  {^oùt  du  vin.  Ils  ajoutent 
que  Jésus  favorisa  l'intempérance 
des  convives,  en  leur  fournissant 
du  vin  lorsqu'ils  étoient  déjà  ivres. 

Mais  si  Jésus -Christ  ne  fit  rien 
autre  chose  que  de  donner  de  la 
couleur  et  du  goût  à  l'eau  ,  il  ne 
favorisa  donc  point  l'intempéran- 
ce ;  l'un  de  ces  reproches  détruit 
déjà  l'autre. 

13epuis  que  la  chimie  et  l'histoire 
naturelle  sont  poussées  au  plus  haut 
degré  ,  a-t-on  découvert  quelque 
drogue  qui  ait  la  vertu  de  donner  à 
l'eau  la  couleur  et  le  goût  d'un  ex- 


CAN 
cellcnt  vin  ?  Les  Juifs  n'étoient  pas 
des  chimistes  fort  habiles  ,  et  Jé- 
sus-Christ n'avoit  fait  en  Judée  ni 
ailleurs  aucune  étude.  Il  ne  toucha 
point  aux  vases  dans  lesquels  l'eau 
fut  changée  en  vin;  tout  passa  par 
les  mains  de  ceux  qui  servoient  à 
table  :  saint  Jean  ,  qui  rapporte  ce 
miracle,  en  fut  témoin  oculaire. 

Le  maître- d'hôtel ,  après  avoir 
goûté  de  ce  vin  miraculeux,  dit  à 
l'époux  :  «  Tout  autre  que  vous 
M  sert  d'abord  le  bon  vin ,  et  après 
»  que  l'on  a  beaucoup  bu  ,  cinn 
»  înebriaii  fuerinl,  il  en  sert  alors 
»  du  moindre  :  pour  vous ,  vous 
»  avez  réservé  le  bon  vin  pour  la 
»  fin  du  repas.  )>Joa/?.,  c.2,y.  lo. 
Dans  le  style  des  écrivains  sacrés  , 
inebriari  ne  signifie  pas  toujours 
s'enivrer,  mais  boire  à  sa  soif, 
abondamment.  Au  figuré  ,  il  signi- 
fie recevoir  en  abondance  des  biens 
ou  des  maux.  On  ne  peut  donc  pas 
conclure  de  ce  passage  que  Jésus- 
Christ  favorisa  l'intempérance  des 
conviés.  Voyez  Glassii  Phîlolog. 
sacra,  liv.  5,  tract,  i,  c.  12. 

CANANÉEN.  V.   Chananéens. 

CANON,  terme  grec  qui  signifie 
règle  ;  il  se  prend  en  plusieurs  sens. 

On  appelle  ainsi  ,  en  premier 
lieu ,  le  catalogue  des  livres  que 
l'on  doit  reconnoître  pour  divins 
ou  inspirés  de  Dieu ,  et  que  l'Eglise 
donne  aux  fidèles  pour  être  la  règle 
de  leur  foi  et  de  leurs  mœurs. 

Le  canon  de  la  Bible  n'a  pas  tou- 
jours été  le  naême  dans  tous  les 
temps,  et  il  n'est  pas  uniforme  non 
plus  dans  toutes  les  sociétés  chré- 
tiennes; les  catholiques  sont  en 
contestation  sur  ce  point  avec  les 
protestants.  Outre  les  livres  du 
nouveau  Testament,  que  l'Eglise 
reconnoît  pour  canoniques  par 
tradition  ,  elle  a  aussi  placé  dans 
le  canon  de  l'ancien  Testament  , 
plusieurs  livres  que  les  Juifs  ne  re- 
çoivent point  comme  divins.  C'est 


CAM  ^,, 

ce  qui  a  donné  lieu  de  distinguer 
les  livres  saints  en  proto-cano- 
niques, dculéro-canoniques  et  apo- 
cryphes. Mais  nous  verrons  dans 
la  suite  que  les  livres  sur  la  cano- 
/?/'«■/«  desquels  on  dispute,  ne  sont 
pas  en  grand  nombre.  Sur  ce  sujet 
l'on  peut  former  plusieurs  ques- 
tions importantes;  nous  les  pro- 
poserons ,  non  pour  les  décider 
toutes  avec  confiance,  mais  pour 
montrer  la  manière  dont  on  doit 
j)rocéder  dans  ces  sortes  de  dis- 
cussions. 

L  Y  a-t-il  eu  chez  les  Juifs  un 
canon  des  livres  sacrés  ?0n  ne  peut 
pas  en  douter,  quand  on  sait  que 
les  Juifs,  d'un  consentement  una- 
nime, ont  reçu  comme  divins  les 
mêmes  livres  et  le  même  nombre 
de  livres,  et  qu'ils  n'ont  pas  re- 
gardé comme  tels  d'autres  livres  , 
qui  sont  cependant  respectables. 
Il  faut  qu'ils  y  aient  été  déterminés 
par  une  tradition  constante,  ou 
par  une  autorité  qui  a  entraîné 
tous  les  suffrages.  Cette  unanimité 
n'a  pas  pu  être  un  effet  du  hasard. 
Or  nous  sommes  assures  de  ce  con- 
cert des  Juifs , 

i.°  Par  le  témoignage  des  an- 
ciens Pères  de  l'Eglise.  Toutes  les 
fois  qu'ils  ont  eu  occasion  de  faire 
l'énumération  des  livres  reconnus 
comme  divins  ou  canoniques  par 
les  Juifs,  ils  se  sont  accordés  à  en 
dresser  le  même  catalogue  ;  nous 
le  verrons  ci-après,  lis  ont  doue 
été  très-bien  informés  du  senti- 
ment des  Juifs  ,  puisque  tous  l'at- 
testent de  même.  S'ils  avoient  eux- 
mêmes  forgé  cette  liste  ou  ce  canon, 
il  y  auroit  eu  entre  eux  de  la  va- 
riété :  plusieurs  y  auroient  placé 
quelques-uns  des  livres  que  nous 
nommons  deuiéro  -  canoniques  , 
puisqu'ils  les  regardoient  comnie 
divins,  et  les  citoicnt  comme  tels. 
Mais  ils  ont  eu  la  bonne  foi  de 
convenir  que  ces  livres  n'étoient 
pas  mis  dans  le  canon  par  les  Juifs. 

7.'^  Par   le    témoignage    de   Jo- 


4i2  CAN 

sèphe.  Cet  historien,  qui  étoit  de 
race  sacerdotale,  et  très  -  instruit 
des  sentiments  de  sa  nation  ,  dit 
dans  son  premier  livre  contre  Ap- 
pion,  c.  2,  que  les  Juifs  n'ont  pas 
comme  les  Grecs  une  multitude 
de  livres  ;  qu'ils  n'en  rcconnois- 
sent  comme  divins  que  vingt-deux; 
que  ces  livres  contiennent  tout  ce 
qui  s'est  passé  depuis  le  commen- 
cement du  monde  jusqu'au  régne 
d'Artaxercès  :  que,  quoiqu'ils  aient 
d'autres  écrits,  ces  derniers  n'ont 
pas  chez  eux  la  même  autorité  que 
les  livres  divins.  Il  ajoute  que  tout 
Juif  est  prêt  à  répandre  son  sang 
pour  la  défense  de  ceux-ci. 

3.°  La  persuasion  des  Juifs  d'au- 
jourd'hui. Ils  ne  comptent  encore , 
entre  les  livres  divins ,  que  ceux 
dont  leurs  pères  ont,  disent-ils, 
dressé  le  canon  dans  le  temps  de 
la  grande  synagogue.  Ils  nomment 
ainsi  l'assemblée  de  ceux  de  leurs 
docteurs  qui  ont  vécu  après  le  re- 
tour de  la  captivité.  C'est  ainsi 
que  s'exprime  l'auteur  du  traité 
Megillah ,  dans  la  Gémare ,  c.  3. 
L'uniformité  de  toutes  les  bibles 
hébraïf[ues,  publiées  par  les  Juifs, 
ne  laisse  aucun  doute  sur  ce  point. 
L'existence  d'un  canon  des  livres 
saints  ,  chez  les  Juifs  ,  est  donc 
incontestable. 

II.  I^'y  a-t-il  eu  chez  les  Juifs 
qu'un  seul  et  mêtae  canon  des 
saintes  Ecritures  ? 

Quel({ues  auteurs  ont  supposé 
qu'il  y  en  avoit  eu  plusieurs  ,  et 
qu'ils  n'étoient  pas  absolument 
semblables.  Génébrard  ,  dans  sa 
chronologie  ,  pense  qu'il  y  en  a  eu 
trois  :  le  premier  au  temps  d'Es- 
dras,  et  dressé  par  la  grande  sy- 
nagogue ;  ce  canon  ,  selon  lui ,  ne 
renfermoit  que  vingt-deux  livres  : 
le  second  ,  fait  sous  le  pontife 
Eléazar,  dans  un  synode  assemblé 
pour  délibérer  sur  la  version  des 
livres  saints  que  demandoit  le  roi 
Ptolémée,  et  que  nous  appelons  la 
version  des    sept  a  nie     Alors  ,   -dit 


CAN 

Génébrard ,  on  mit  au  nombre  des 
livres  divins  Tobie  ,  Judith  ,  la 
Sagesse  et  l'Ecclésiastique.  Le  troi- 
sième ,  au  temps  d'Hircan,  dans  le 
septième  synode ,  assemblé  pour 
confirmer  la  secte  des  pharisiens, 
dont  Hillel  et  Sammaï  étoient  les 
chefs  ,  et  pour  condamner  Sadoc 
et  Barjetos,  promoteurs  de  la  secte 
des sadducéens.  Alors  on  mit  dans 
le  canon  les  livres  des  Machabées, 
et  l'on  confirma  les  deux  canons 
précédents  ,  malgré  les  sadducéens, 
qui,  à  l'exemple  des  samarilaijis, 
ne  vouloicnt  reconnoître  pour  di- 
vins que  les  cinq  livres  de  Moïse. 
Ce  sentiment  de  Génébrard  est  une 
pure  imagination  ,  qui  n'est  ap- 
puyée sur  aucune  preuve. 

Serrarius  ,  plus  moderne  que 
Génébrard,  attribue  aux  Juifs  deu.^ 
canons  différents  :  l'un  de  vingt- 
deux  livres,  fait  par  Esdras;  l'autre 
dressé  au  temps  des  Machabées  , 
et  augmenté  des  livres  deutéro- 
canoniques.  Ce  sentimeJit  n'est  pas 
mieux  fondé  que  le  premier  ;  l'un 
et  l'autre  sont  contredits  par  les 
Pères  ,  qui  nous  assurent  con- 
stamment que  les  Juifs  n'ont  re- 
connu pour  divins  que  vingt-deux 
livres. 

Méliton  dit  à  Onésime  qu'il  a 
voyagé  dans  l'Orient  pour  savoir 
quels  étoient  les  livres  canoniques, 
et  il  n'en  nomme  que  vingt-deux. 

Saint  Jérôme,  dans  son  prologue 
défensif ,  dit  qu'il  l'a  composé  afin 
que  l'on  sache  que  tous  les  livres 
qui  ne  sont  pas  parmi  les  vingt- 
deux  qu'il  a  nommés,  doivent  être 
l'egardés  comme  apocryphes.  On 
comprend  qu'ici  apocryphe  signifie 
simplement  non  reconnu  comme 
divin  ;  saint  Jérôme  le  fait  assez 
sentir  :  il  ajoute  que  la  Sagesse, 
rEcc!ésiasti({ue,  Tobie  et  Judith, 
ne  sont  pas  dans  le  canon.  Dans 
sa  préface  sur  Tobie  ,  il  dit  ([ue 
les  Hébreux  excluent  (e  livre  du 
nombre  des  Ecritures  divines,  et 
le  rejettent  entre  les  apocr)j)hes. 


CAN 

II  le  rcpclc  à  la  tctc  de  son   Cnni- 
vwntaire  sur  le  proplicle  Jonas. 

Origcnc  écrit,  dans  sa  lettre  à 
Africain,  que  les  Hébreux  ne  coi»- 
iioissenl  ni  Tobic  ni  Judith  ,  mais 
qu'ils  les  mettent  au  nombre  des 
livres  apocryphes. 

Saint  Epiphane  dit,  dans  son 
livre  des  Poids  et  des  Mesures ,  n.°  3 
et  4,  H"^  '^^  livres  de  la  Sagesse 
et  de  l'Ecclésiastique  ne  sont  pas 
chez  les  Juifs  au  rang  des  Ecritures 
saintes. 

L'auteur  de  la  Synapse  assure 
que  Tobie,  Judith,  la  Sagesse  et 
l'Ecclésiastique  ,  ne  sont  pas  des 
livres  canoniques,  quoiqu'on  les 
lise  aux  catéchumènes. 

Aucun  de  ces  anciens  écrivains 
ne  parle  de  deux  ni  de  trois  canons 
reçus  chez  les  Juifs. 

111.  Combien  de  livres  renfer- 
moit  le  canon  des  Ecritures  chez 
les  Juifs,  et  quels  étoient  ces  livres  i* 
Il  est  constant  que  les  Juifs  en 
ont  toujours  reconnu  vingt-deux  , 
autant  qu'il  y  avoit  de  lettres  dans 
leur  alphabet  ,  et  qu'ils  les  dé- 
signoient  par  ces  lettres  mêmes  ; 
c'est  la  remarque  de  saint  Jérôme 
aans  son  prologue  défcnsif.  A  la 
vérité  ,  quelques  rabbins  en  ont 
compté  vingt-quatre  ,  et  d'autres 
vingt-sept;  mais  ils divisoient cer- 
tains livres  en  plusieurs  parties  , 
et  n'augmentoient  pas  pour  cela  le 
nombre  réel  de  vingt-deux. 

Ceux  qui  en  comptoient  vingt- 
quatre  ,  séparoient  les  Lamienta- 
tions  de  Jérémie  d'avec  ses  pro- 
phéties, et  le  livre  de  Ruth  d'avec 
celui  des  Juges;  au  lieu  qu'on  les 
laissoit  ordinairement  réunis.  Pour 
les  désigner  par  vingt-quatre  lettres 
de  l'alphabet,  ils  répétoient  trois 
fois  la  lettre  jod  à  l'honneur  du 
nom  de  Dieu,  Jéliovah ,  écrit  en 
chaldéen  par  trois  jod.  Ainsi  font 
encore  les  Juifs  d'aujourd'hui.  Saint 
Jérôme  pense  que  les  vlngt-f{ualrc 
vieillards  de  l'Apocalvpse  font  al- 
lusion à  ces  vingt-quatre  'ivres. 


CAN  4,3 

Ceux  qui  en  comptoient  vingt- 
sept,  partageoient  en  six  les  livres 
des  Rois  et  des  Paralipomènes 
qui,  dans  les  autres  catalogues  , 
n'en  faisoienl  que  trois;  et  pour 
les  désigner  ,  ils  ajouloient  aux 
vingt -deux  lettres  hébraïques  les 
cinq  finales;  c'est  ce  que  dit  saint 
Epiphane  dans  son  livre  des  Poidc 
et  des  Mesures. 

Le  canon  étoit  donc  toujours 
foncièrement  le  même  ,  mais  la 
manière  de  compter  par  vingt- 
deux  étoit  laplus  ordinaire,  comme 
le  suppose  Josèphe  ;  Richard  Si- 
mon prétend,  sans  aucune  preuve, 
que  la  plus  ancienne  manière  étoit 
d'en  compter  vingt-quatre. 

Quels  étoient  ces  livres  ?  Saint 
Jérôme  ,  bon  témoin  dans  cette 
matière,  en  fait  ainsi  l'énuméra- 
tion.  La  Genèse,  l'Exode,  le  Lévi- 
tique  ,  les  Nombres,  le  Deutéro- 
nome ,  Josué  ,  les  Juges  avec  Ruth, 
Samuel  ou  les  deux  premiers  livres 
des  Rois ,  les  Rois  ,  qui  sont  les 
deux  derniers  livres  de  ce  nom  , 
Isaïe ,  Jérémie  avec  ses  Lamenta- 
tions ,  Ezéchiel  ,  les  douze  petits 
Prophètes,  Job,  les  Psaumes,  les 
Provei'bes ,  TEcclésiaste  ,  le  Can- 
tique, Daniel,  les  Paralipomènes 
en  deux  livres,  Esdras,  aussi  dou- 
ble ,  Esther. 

Saint  Epiphane  fait  la  même 
liste,  Hceres.  8,  n.°  6;  De  Pond. 
eiMens.,  n.°  3,  4,  22,  23. 

Saint  Cyrille  de  . Jérusalem,  C<z- 
tecJi.  4,  dit  aux  chrétiens  de  mé- 
diter les  vingt-deux  livres  de  l'an- 
cien Testament ,  et  de  se  les  mettre 
dans  la  mémoire  tels  qu'il  va  les 
nommer,  et  il  les  nomme  comme 
saint  Jérôme  et  saint  Epiphane. 

Saint  Hilaire ,  Prolog,  in  Psal.  , 
le  concile  de  Laodicée,  cari.  60, 
Origéne  ,  cité  par  Eusèbc  ,  Hisi. 
liv.  6,  c.  26,  ont  dressé  le  même 
catalogue.  Melitonvivoit  au  second 
siècle;  il  avoit  voyagé  exprès  dans 
l'Orient  pour  s'instruire;  les  an- 
ciens ont  fait  grand  cas  de  ses  ou- 


4i4 


CAN 


vrages  ;  il  ne  parle  pas  tlu  livre 
d'Esther  ,  ce  qui  peut  être  une 
faute  de  copiste. 

Bellarmin  ,  dans  son  catalogue 
des  écrivains  ecclésiastiques,  s'est 
trompé  ,  en  disant  que  Méliton 
mettoit  le  livre  de  la  Sagesse  au 
nombre  des  saintes  Ecritures  ;  on 
lit  dans  Eusébe  ,  2oXofiSvoç  Hapoi/iiîa 
r.  xaù  l.ofXa,  Salomonis  Proverbia  quœ 
et  Sapieniia ,  parce  que  les  Pro- 
verbes étoient  souvent  appelés  la 
Sagesse  de  Salomon.  Voyez  la  note 
de  Valois  sur  Eusèbe,  liv.  4,  c.  26. 

Josèphe  ,  liv.  i ,  contre  Appion , 
c.  2  ,  dit  que  sa  nation  ne  recon- 
hoît  comme  divins  que  vingt-deux 
livres,  cinq  de  Moïse,  treize  des 
prophètes  ,  et  quatre  autres  qui 
renferment  ou  des  hymnes  à  la 
louange  de  Dieu,  ou  des  préceptes 
pour  les  mœurs.  Il  ne  paroît  pas 
qu'il  en  ait  voulu  désigner  d'autres 
que  ceux  que  nous  avons  nommés. 
Quoiqu'il  ne  dise  rien  des  mal- 
heurs de  Job  dans  son  Histoire 
Juive,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  ait 
regardé  le  livre  de  Job  comme 
apocryphe  ;  l'histoire  de  Job  ne 
tenoit  en  rien  à  celle  de  la  nation 
iuive,  et  Josèphe  a  pu  la  regarder 
comme  une  parabole  ou  comme 
un  poëme  divin,  plutôt  que  comme 
une  narration  historique. 

IV.  En  quel  temps  a  été  dressé 
le  canon  des  Juifs ,  et  qui  en  est 
l'auteur  ?  Celte  question  n'est  pas 
fort  aisée  à  résoudre.  C'est  au- 
jourd'hui une  espèce  de  paradoxe, 
d'avancer  qu'Esdras  ne  fut  jamais 
l'autetir  du  canon  des  livres  sacrés 
des  Juifs.  Les  écrivains  ,  même  les 
plus  judicieux  ,  ont  trouvé  bon  de 
mettre  sur  le  compte  d'Esdras  tout 
ce  qui  concerne  la  Bible ,  et  dont 
on  ignore  l'inventeur  et  l'origine. 
Ils  l'ont  fait  correcteur  et  répara- 
teur des  livres  perdus  ou  altérés, 
réformateur  de  la  manière  d'écrire, 
quelques-uns  même,  inventeur  des 
points  voyelles  ,  et  tous ,  auteur 
du  canon  des  Ecritures. 


CAN 

Malgré  l'unanimité  des  suffrages 
sur  ce  dernier  point ,  il  nous  pa  - 
roît  qu'il  n'y  auroit  aucune  témé- 
rité à  en  douter,  et  même  à  sou- 
tenir le  contraire.  Soit  que  l'on 
consulte  les  livres  d'Esdras  lui- 
même  et  de  Néhémie  ,  soit  que  l'on 
cherche  des  preuves  ailleurs ,  on 
n'en  trouve  aucune;  ce  qui  est  dit 
dans  le  quatrième  livre  apocryphe 
d'Esdras,  c.  i4,)^.  21  et  suivants, 
n'est  d'aucune  autorité. 

Avant  de  prendre  aucun  parti 
sur  cette  question  ,  il  y  a  plusieurs 
difficultés  à  résoudre.  1.°  Il  faut 
s'assurer  du  temps  auquel  Esdras 
a  vécu  ;  2.°  savoir  sous  quel  prince 
il  est  venu  de  Babylone  à  Jéru- 
salem ;  3.°  si  tous  les  livres  qui  sont 
dans  le  canon  étoient  écrits  avant 
lui  ;  4-°  s'il  a  écrit  lui-même  le  livre 
qui  porte  son  nom  . 

Quand  on  s'accorderoit  sur  tou- 
tes ces  questions,  nous  ne  voyons 
pas  par  quelle  autorité  Esdras  au- 
roit fait  les  grandes  opérations 
qu'on  lui  attribue  ,  ni  comraeat 
les  Juifs ,  naturellement  si  indo- 
ciles, se  seroient  soumis  à  s^s  or- 
donnances. Il  n'étoit  ni  grand- 
prêtre  ni  prophète,  il  n'avoit  de 
pouvoir  qu'autant  que  la  nation 
vouloit  bien  lui  en  accorder. 

Il  est  trcs-probable  que  la  pro- 
phétie de  Malachie  et  les  Paralipo- 
mènes  ont  été  écrits  assez  lojig- 
temps  après  Esdras  ;  que  Néhémie 
lui  est  postérieur  deprès  d'un  siè- 
cle. Ce  n'est  donc  pas  Esdras  qui 
a  pu  mettre  ces  divers  écrits  dans 
le  canon. 

Nous  ne  voyons  aucun  inconvé- 
nient à  supposer  que  le  canon  des 
livres  de  l'ancien  Testament  a  été 
formé  comme  celui  des  écrits  du 
nouveau  ,  par  la  tradition  com- 
mune ,  sans  qu'aucun  particulier 
ni  aucune  assemblée  ait  dressé  ce 
catalogue  et  lui  ait  donné  la  sanc- 
tion. 

C'est  r  affaire  des  protestants  de 
voir  si  la  tradition  juive  est  une 


i 


CAN 

autorité  suffisante  pour  nous  faire 
recevoir  îles  livres  comme  divins, 
inspirés  ,  parole  de  Dieu  et  règle 
de  foi.  Ils  en  ont  senti  la  foiblessc, 
puisr^u'ils  ont  eu  recours  à  une 
inspiration  du  Saint-Esprit  accor- 
dée à  chaque  particulier  :  ce  n'est 
pas  ici  le  lieu  de  démontrer  l'illu- 
sion de  ce  système. 

Pournous  ,  nous  avons  un  meil- 
leur garant  de  notre  croyance;  c'est 
l'autorité  de  Jésus-Christ  même  et 
des  apôtres  ,  qui  ont  donné  aux 
fidèles  les  livres  de  l'ancien  Testa- 
ment comme  la  parole  de  Dieu,  et 
nous  sommes  assurés  de  ce  fait  par 
le  témoignage  de  l'Eglise.  Nous  ne 
pouvons  savoir  par  aucune  autre 
voie  quels  livres  ils  ont  désignés 
comme  tels  ,  puisque  cela  n'est 
écrit  dans  aucun  livre,  ni  attesté 
par  aucun  monument. 

Nous  convenons  que  le  canon 
des  Juifs  a  été  suivi  dans  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise  ;  les  anciens 
Pères  ne  pouvoient  mieux  faire , 
puisque  alors  l'Eglise  n'avoit  pas 
encoi'e  prononcé  ;  on  n'avoit  pas 
encore  pu  comparer  la  tradition 
des  Eglises  de  l'Occident  avec  celle 
des  Eglises  de  l'Orient;  cela  ne  s'est 
fait  que  dans  la  suite.  Mais  les  Pères 
qui  ont  cité  le  canon  des  Juifs  , 
î^'ont  pas  prétendu  que  l'Eglise 
étoit  privée  de  l'autorité  nécessaire 
pour  y  ajouter  d'autres  livres  ;  ils 
ontsupposé  le  contraire,  puisqu'ils 
ont  cité  eux-mêmes  comme  livres 
divins  des  ouvrages  qui  n'étoient 
pas  dans  le  canon  des  Juifs. 

Les  protestants  leur  en  font  un 
crime  ;  mais  c'est  encore  à  eux  de 
nous  dire  pourquoi  ils  reçoivent  le 
canon  des  Juifs  qui  nous  est  trans- 
mis par  les  Pères  ,  en  même  temps 
qu'ils  accusent  d'erreur  ou  de  té- 
mérité ces  témoins  vénérables. 

Des  l'année  897  ,  un  concile  de 
Carthage  a  place  dans  le  canon  des 
saintes  Ecritures,  des  livres  que  le 
concile  de  Laodicée  n'y  avoit  pas 
mis    trente    ans   auparavant,   les 


CAN  4,5 

Pères  Je  Carthage  suivoient  en 
cela  la  tradition  des  Eglises  de  l'Oc- 
cident, de  laquelle  ceux  de  Laodi- 
cée n'avoient  pas  eu  connoissance. 
Lorsque  le  concile  de  Trente  a  fixé 
le  nombre  des  livres  canoniques  , 
et  a  prononcé  l'anathème  contre 
ceux  qui  ne  se  soumettroient  pas 
à  sa  décision  ,  il  n'a  fait  ce  décret 
qu'après  avoir  consulté  la  tradi- 
tion de  toutes  les  Eglises  et  de  tous 
les  siècles. 

A  l'article  Canonique  ,  nous 
parlerons  du  canon  des  livres  du 
nouveau  Testament.  Dissert,  sur  la 
canoniciié ,  etc.  ;  Bible  (ï Avignon  , 
tome  I.*'',    p.  54,  etc. 

V.  A  qui  appartient-il  de  décider 
si  un  livre  est  ou  n'est  pas  canoni- 
que ?  Nous  répondons  hardiment 
que  c'est  à  l'Eglise,  et  que  nous  ne 
pouvons  le  savoir  certainement 
par  aucune  autre  voie.  En  voici  les 
preuves: 

I ."  Au  mot  Eglise  ,  nous  prou- 
verons que  Jésus-Christ  a  donné  à 
l'Eglise  ,  c'est-à-dire,  au  corps  des 
pasteurs  ,  la  mission  et  l'autorité 
pour  perpétuer  sa  doctrine,  pour 
enseigner  ies  fidèles,  pour  diriger 
et  fixer  leur  croyance.  Or,  s'il  y  a 
un  article  essentiel  d'enseignement, 
c'est  de  savoir  quels  sont  les  livres 
que  nous  devons  recevoir  comme 
parole  de  Dieu  et  comme  règle  de 
notre  foi  :  donc  c'est  à  l'Eglise,  et 
non  à  aucun  autre  tribunal ,  de 
nous  l'apprendre. 

2."  Il  faut  distinguer  la  canoni- 
cité  d'un  livre  d'avec  son  authenti- 
cité ;  demander  si  un  livre  est  au- 
thentique, c'est  demander  s'il  a  été 
véritablement  écrit  par  l'auteur 
dont  il  porte  le  nom,  si  cet  auteur 
est  un  des  apôtres  ou  un  de  leurs 
disciples  ,  si  ce  livre  n'a  pas  été 
corrompu  ou  falsifié  :  mettre  en 
question  s'il  est  canonique,  c'est 
examiner  si  l'auteur  étoit  inspire 
de  Dieu,  si  cet  ouvrage  doit  être 
reçu  comme  parole  de  Dieu  et 
comme  règle  de  foi.  Uji  livre  peut 


^i6  CAN 

ctre  aulhentique  sans  être  pour 
ct\zi  canonique  ;  ainsi  Ton  ne  doute 
pas  que  la  Leiire  de  saint  Barnabe, 
les  deux  Lettres  de  saint  Clément, 
\e  Pasteur  d'Hcrmas,  n'aient  été 
écrits  par  des  disciples  immédiats 
des  apôtres,  tout  comme  les  évan- 
giles de  saint  Marc  et  de  saint 
Luc-;  cependant  ces  deux  évangiles 
sont  des  ouvrages  canoniques  ;  et 
les  écrits  dont  nous  venons  de  par- 
lerne  le  sont  pas.  Pourquoi  cette 
différence  ?  parce  que  l'Eglise  a 
reçu  des  apôti-es  ces  deux  évangiles 
comme  parole  de  Dieu  ,  et  n'a  pas 
reçu  de  même  les  autres  écrits. 
Or  c'est  à  l'Eglise  seule  qu'il  appar- 
tient de  nous  attester  quels  sont 
les  livres  qu'elle  a  reçus  de  la  nr\ain 
des  apôtres  comme  parole  de  Dieu, 
ou  qu'elle  n'a  pas  reçus  comme 
tels  ;  donc  c'est  à  elle  seule  à  fixer 
nos  doutes  sur  ce  point. 

3.°  De  l'aveu  même  des  protes- 
tants ,  la  question  de  savoir  si  un 
livre  est  authentique,  s'il  a  été  fait 
par  tel  auteur,  s'il  n'a  été  ni  cor- 
rompu,ni  falsifié,  est  une  question 
de  fait  qui  ne  peut  se  décider  que 
par  des  témoignages  et  par  la  tra- 
dition de  l'Eglise  des  premiers 
siècles.  Or,  de  savoir  s'il  est  cano- 
nique, inspiré,  parole  de  Dieu,  c'est 
aussi  une  question  de  fait  ;  puis- 
qu'elle se  réduit  à  savoir  s'il  a  été 
donné  comme  tel  à  rEgli."ce  par  les 
apôtres  :  donc  cette  seconde  ques- 
tion se  doit  décider  par  des  témoi- 
gnages et  par  la  tradition,  comme 
la  première. 

Pour  esquiver  celte  conséquence 
évidente,  les  protestants  cherchent 
à  l'obscurcir  ;  ils  disent  que  la 
question  de  V authenticité  d'un  livre 
est ,  à  la  vérité  ,  une  question  de 
fait,  mais  que  la  canonicité  est  une 
question  de  droit  ou  de  foi.  Con- 
séquemment  ils  ont  déclaré  ,  dans 
leurs  confessions  de  foi  ,  qu'ils 
Tcconnoisscnt  les  livres  de  l'Ecri- 
ture pour  canoniques  ,  non  tant 
par  le  commun  accord  et  consente- 


CAN 

nient  de  VEglise,  que  par  le  témoi- 
l^nage  et  intérieure  persuasion  du 
Saint-Esprit.  Beausobre ,  Hist.  du 
Manich. ,  tome  i.";  Disc,  sur  les 
livres  apocryphes,  §  6  ,  p .  444  • 

Déjà  nous  venons  de  démontrer 
que  la  canonicité  d'un  livre  est  une 
pure  question  de  fait;  nous  ajou- 
tons que  selon  lîeausobre  lui-même 
rau///c«/<c//e' porte  sur  une  question 
de  droit  ou  sur  une  discussion  de 
doctrine.  Il  dit  que  pour  juger  si 
un  livre  étoit  authent  ique  ou  apo- 
cryphe ,  les  Pères  ont  eu  pour 
première  règle  d'en  comparer  la 
doctrine  avec  celle  qui  avoit  été 
enseignée  par  les  apôtres  dans  tou- 
tes les  Eglises  ;  pour  deuxième 
règle,  d'en  comparer  encore  la  doc- 
trine avec  celle  des  ouvrages  qui 
étoient  incontestablement  des  apô- 
tres ou  des  hommes  apostoliques, 
ièid.  ,  §  5  ,  p.  44^5  443-  Or,  voila 
certainement  un  examen  de  foi  et 
de  doctrine  :  donc  ce  n'est  pas  une 
pure  question  de  fait.  Si  les  Pères 
ont  pu  s'y  tromper,  quelle  certi- 
tude peut  nous  donner  leur  té- 
moignage touchant  Y  authenticité 
d'un  livre  ?  Voy.  Ecriture  sainte^ 
§  1  et  2, 

4.»  Il  est  évident  que  le  pré- 
tendu témoignage  et  intérieure  per- 
suasion du  Saint-Esprit,  à  laquelle 
recourent  les  protestants ,  est  un 
enthousiasme  pur.  Le  Saint-Esprit, 
sans  doute ,  ne  fera  pas  un  mira- 
cle à  l'égard  de  chaque  protestant 
pour  lui  donner  une  capacité,  des 
lumières,  un  discernement  qu'il 
n'a  pas  naturellement.  L'authenti- 
cité de  la  première  £e//re  de  saint 
Clément  est  universellement  re- 
connue, et  il  est  prouvé  par  l'his- 
toire que  ce  saint  pape  a  été 
disciple  de  saintPierre  aussi  immé- 
diat que  saintMarc.  Cette  lettre  ne 
renferme  aucun  point  de  doctrine 
contraire  à  celle  que  les  apôtres 
ont  prêchée  dans  toutes  les  Eglises, 
ni  ti  celle  qui  se  trouve  dans  leurs 
ou\  rages  incontestables.  Sur  quoi 


CAN 

«lonc  poiic  l'inspiration  lUi  Saint- 
Esprit  qui  lait  connoîtrc  à  un  pro- 
testa n  t  que  V Evangile  de  saint  Marc 
est  canonique  ou  parole  de  Dieu  , 
et  que  la  Lettre  de  saint  Clément  ne 
l'est  pas? 

Aussi  l'inspiration  du  Saint-Es- 
prit n'est  point  la  même  à  l'égard 
des  différentes  sectes  protestantes. 
Les  calvinistes  rejettent  hautement 
et  constamment  l'Apocalypse  com- 
me un  livre  apocryphe  et  sans  au- 
torité; les  luthériens  et  les  angli- 
cans n'en  jugent  pas  de  même.  Le 
Saint-Esprit  ne  parle  pas  toujours 
le  même  langage  dans  la  même  sec- 
te :  dans  un  temps  VEpîire  de  saint 
Jacques  a  été  retranchée  des  bibles 
luthériennes  ;  dans  un  autre  ,  elle 
y  a  été  rétablie;  Luther,  dans  sa 
préface  sur  cette  épîlre ,  laisse  à 
chacun  la  liberté  d'en  juger  comme 
il  voudra  ;  elle  se  trouve  dans 
toutes  les  bibles  calvinistes;  Wal- 
lembourg,  Tract.  IV,  part.  III, 
sect.  2  ,  §  3.  A  laquelle  de  ces 
différentes  inspirations  devons- 
nous  croire  ? 

Puisque  c'est  le  Saint-Esprit  qui 
fait  connoître  aux  protestants  que 
tel  livre  est  canonique  ,  et  que  tel 
autre  ne  l'est  pas  ;  c'est  encore 
lui ,  sans  doute ,  qui  leur  dicte  que 
telle  version  est  fidèle,  et  que  telle 
autre  ne  l'est  pas;  que  tel  passage 
a  tel  sens,  et  non  celui  qui  lui  est 
donné  par  les  autres  sectes.  Si  cela 
est  ainsi,  les  protestants  n'ont  plus 
besoin  d'érudition,  de  recherches, 
de  discussions,  pour  savoir  si  les 
livres  sont  authentiques  ou  apo- 
cryphes, s'ils  sont  entiers  ou  alté- 
rés, s'ils  ont  été  bien  ou  mal  tra- 
duits, etc.  LcSaint-Espritsupplée 
à  tout,  et  décide  souverainement 
de  tout.  Tii'est-ce  pas  là  un  fanatis- 
me pur  ? 

5."  Dès  son  origine  ,  l'Eglise  s'est 
attribué  le  droit  et  l'autorité  de 
décider  quels  sont  les  livres  cano- 
niques. Dans  les  canons  des  apô- 
tres,   dressés  par    les   conciles  dn 


CAN  417 

second  et  du  troisième  siècle,  elle, 
a  dit  aux  fidèles,  can.  76,  aliàs.  85  : 
Il  Voici  les  livres  que  vous  tous  , 
)>  clercs  ou  laïques, devez  regarder 
»  comme  saints  et  vénérables,  sa- 
»  voir  ,  pour  l'ancien  Testament  , 
»  etc.  I)  Elle  a  fait  de  même  au  con- 
cile del^icée,  l'an  325  ;  au  concile 
de  Laodicée,  en  366  ou  367;  au 
troisième  de  Carthage ,  en  397. 
Sou  tiendra- t-on  que  dès  le  second 
siècle,  les  pasteurs  de  l'Eglise,  éta- 
blis et  instruits  par  les  apôtres  , 
ont  oublié  les  leçons  de  leurs  maî- 
tres ,  se  sont  attribué  une  autorité 
qui  ne  leur  appartenoitpas  ,  etune 
inspiration  du  Saint-Esprit  qui 
étoit  promise  à  tous  les  fidèles. 

Les  protestants  nous  objectent 
que  ces  décisions  des  conciles  n'ont 
pas  été  uniformes  ;  qu'il  n'y  a  point 
eu  ,  dans  les  premiers  siècles  ,  de 
canon  des  iimVùrcs universellement 
reçu  et  suivi  ;  que  jusqu'au  hui- 
tième et  au  neuvième,  les  différen- 
tes Eglises  ont  joui  d'une  entière 
liberté  d'admettre  dans  leur  canon 
ou  d'en  rejeter  tels  livres  qu'elles 
jugeoientà  propos. 

Si  cela  étoit  vrai,  il  y  auroit  lieu 
de  s'étonner  de  ce  quele Saint-Es- 
prit ,  qui  inspire  aujourd'hui  les 
protestants  sur  cet  article  essentiel 
de  croyance ,  n'a  pas  daigné  parler 
à  aucune  Eglise  pendant  huit  ou 
neuf  siècles  ;  mais  le  fait  est  faux  , 
puisqu'aucune Eglise  n'a  formelle- 
ment rejeté  aucun  des  livres  que 
l'on  norame.  proie -canoniques  ;  le 
canon  est  donc  demeuré  constam- 
ment et  universellement  reçu  , 
quant  à  ceux-là  ;  il  n'étoit  plus 
question  que  de  savoir  si  on  devoit 
y  en  ajouter  d'autres  ,  ou  si  on  ne 
le  devoit  pas.  Pour  le  savoir,  il  a 
fallu  attendre  que  l'on  piit  compa- 
rer ensemble  la  tradition  des  diffé- 
rentes Eglises ,  tant  de  l'Orient  que 
de  l'Occident.  Une  preuve  que  cette 
comparaison  a  été  faite,  et  que  le 
canon  a  été  dressé  uniformément 
dès  le  cinquième  siècle  an  plus  tard, 
37 


/;i8  CAJS 

c''est  que  les  nestoriens  el  les  eu- 
tychiens  ou  jacobites ,  qui  se  sont 
séparés  de  l'Église  romaine  à  cette 
époque,  placent  dans  le  canon  les 
mêmes  livres  que  nous.  Assemani, 
Bibliolh.  orient.,  tom.  4>*^*  7>  §  7> 
pag.  236. 

Lesprotestantsnesontrien  moins 
que  d'accord  entr'euxsur  le  temps 
auquel  le  canon  des  livres  du  nou- 
veau Testament  a  été  irrévocable- 
ment fixé.  Basnage  prétend  qu'il 
ne  l'a  pas  été  avant  le  huitième  ou 
le  neuvième  siècle  ;  Mosheim  sou- 
tient qu'il  l'a  été  dès  le  second;  mais 
il  convient  que  l'on  ne  peut  en  ju- 
ger que  par  conjecture.  Après  de 
pareils  aveux,  nous  ne  concevons 
pas  comment  l'on  peut  s'obstiner 
à  soutenir  que  les  livres  saints  ont 
toujours  été  regardés  comme  la 
seule  règle  de  loi.  Quand  nous 
avouerions  que  la  liste  des  livres 
proto-canoniques  a  été  faite  et  ar- 
rêtée dès  le  second  siècle,  est-il 
bien  certain  qu'il  n'y  a  point  d'au- 
tres articles  de  foi  que  ce  qui  est 
contenu  dans  ces  livres ,  et  que  l'on 
n'en  peut  tirer  aucun  des  livres 
«3eutéro-canoniques  ?  Voilà  ce  que 
Jes  protestants  n'ont  pas  encore 
démontré.  Quand  ils  l'auroient 
fait ,  nous  demandons  encore  com- 
ment la  foi  a  pu  être  fixe  et  cer- 
taine dans  les  sociétés  qui  ont  de- 
meuré long-temps  sans  avoir  les 
Jivres  saints  traduits  dans  leur  lan- 
gue. Il  y  auroit  bien  d'autres  ques- 
tions à  faire.  Fb/ci  Ecriture- 
sainte  ,  DeUTÉRO  -  CANONIQUE  ,  etc. 

Canons  des  Apôtres.  C'est  un 
recueil  de  règlements  de  disci  - 
plinede  l'Eglise  primitive;  ils  sont 
au  nombre  de  soixante-seize  ou  de 
quatre-vingt-cinq,  selon  les  diffé- 
rentes manières  de  les  partager. 
Tout  le  inonde  convient  qu'ils 
n'ont  pas  été  dressés  tels  que  nous 
les  avons,  par  les  apôtres  mêmes; 
du  moins  il  n'y  en  a  aucune  preuve; 
mais  leur  autorité  est  incontesta- 
ble. Dailléet  qtielques  autres  pro- 


CAJN 

testants  ont  fait  de  vains  efforts 
pour  prouver  que  ces  canons  sont 
absolument  supposés,  qu'ils  n'ont 
commencé  à  être  connus  et  cités 
qu'au  quatrième  ou  au  cinquième 
siècle.  Le  savant  Bévéridge,  évêque 
de  Saint-Asaph  ,  théologien  angli- 
can ,  a  fait  voir  que  ces  canons 
ou  règlements  ont  été  faits  par 
les  éveques  et  par  les  conciles 
du  second  et  du  troisième  siècle  , 
qu'ils  sont  par  conséquent  anté- 
rieurs au  premier  concile  deNicée, 
que  ce  concile  les  a  suivis  et  s'y 
est  conformé.  Voyez  Codex  Cano- 
num  Ecclesiœ  primiU'vœ  PP.  Apost. 
tom.  I.",p.  44^»  tom.  II,  part.  2, 
p.  I. 

En  effet ,  il  n'est  pas  probable 
que  saint  .Jean ,  qui  a  gouverné 
l'Eglise  d'Ephèse  pendant  un  grand 
nombre  d'années  ,  n'ait  fait  aucun 
règlement  de  discipline  pour  cette 
Eglise  ;  il  en  est  de  même  à  l'égard 
de  saint  Jacques  pour  celle  de  Jé- 
rusalem, de  saint  Marc  pour  celle 
d'Alexandrie ,  de  saint  Pierre  et  de 
ses  premiers  successeurs  pour  celle 
de  Rome.  Dans  ces  différentes  vil- 
les ,  il  s'est  tenu  des  conciles  pen- 
dant le  second  et  le  troisième  siè- 
cles; il  est  naturel  que  les  évêqurs 
qui  y  ont  assisté  se  soient  fait  un 
devoir  de  suivre  cette  discipline 
respectable,  en  aient  fait  des  règles 
générales,  et  les  aient  fait  observer 
dans  leurs  Eglises.  On  n'a  pas  eu 
tort  d'appeler  ces  règles  Canons 
des  Apôtres  ,  puisqu'elles  ont  été 
dressées  d'après  ce  que  les  apôtres 
et  les  hommes  apostoliques  avoient 
établi.  La  prétendue  su/7;70si7ion  de 
ces  canons  n'est  qu'une  équivoque 
sur  laquelle  les  protestants  ont  joué 
très-mal  à  propos;  ils  sont  apocr/- 
plies  ,  dans  ce  sens  qu'ils  n'ont  été 
écrits  ni  par  les  apôtres,  ni  par 
saint  Clément ,  auquel  ils  sont  at- 
tribués ;  mais  ils  sont  vrais  et  au- 
thentiques ,  dans  ce  sens  qu'ils  ren- 
ferment véritablement  la  disci- 
pline qui  passoit,  au  second  el  au 


CAIN 

troisioiiie   siècle,    pour   avoir   él»f 
établie  par  les  apôlres. 

Quoir^ue  ces  règlements  regar- 
dent directement  la  discipline,  ils 
ne  sont  pas  indifTérenls  à  Tégard 
du  dogme,  de  la  moi'ale,  du  culte 
extérieur.  On  y  voit  la  distinction 
des  éveques  d'avec  les  simples  prê- 
tres, la  prééminence  des  premiers, 
leur  autorité  sur  le  clergé  inférieur, 
les  mœurs  et  les  devoirs  prescrits 
aux  ministres  de  l'Eglise  et  aux 
simples  fidèles.  On  y  trouve  les 
noms  à'' autel  el  de  sacrifice^  ce  qui 
étoit  observé  dans  l'administration 
du  baptême,  de  l'eucharistie  ,  de 
la  pénitence  ,  de  l'ordination  ,  etc. 

Il  en  résulte  que  la  doctrine  des 
protestants  est  aussi  opposée  à 
celle  des  temps  apostoliques  ,  que 
leur  cul  te  et  leurdiscipline  sont  con- 
traires à  ce  que  l'on  observoit  pour 
lors.  Autant  ils  se  sont  trouves  in- 
téressés à  en  contester  l'authenti- 
cité ,  autant  il  importe  aux  catho- 
liques de  la  soutenir.  11  est  heu- 
reux pour  nous  que  les  théologiens 
anglicans  aient  pleinement  éclairci, 
et,  pour  ainsi  dire,  épuisé  celte 
question. 

Canons  d'un  Concile.  On  ap- 
pelle ainsi  les  décisions  d'un  con- 
cile en  matière  de  dogme  ou  de 
discipline;  parce  que  ce  sont  les 
règles  auxquelles  les  fidèles  doivent 
conformer  leur  croyance  et  leur 
conduite.  Les  canons  dogmatiques 
sont  ordinairement  conçus  en  ces 
termes  :  «  Si  quelqu'  un  dit  telle 
»  chose,  enseigne  telle  doctrine, 
»  qu'il  soit  anathême  ,  »  c'est-à- 
dire,  retranché  du  corps  de  l'E- 
glise et  de  la  société  des  fidèles. 

Quant  aux  canons  ou  décisions 
des  conciles  et  des  souverains  pon- 
tifes en  matière  de  discipline  ,  ils 
tiennent  moins  à  la  théologie  qu'au 
droit  canonique.  Maisun  ecclésias- 
tique ne  doit  jamais  oublier  les 
paroles  suivantes  du  concile  de 
Trente  :  «  Le  concile  a  voulu  que 
»  tout  ce  qui  a  clé  salulairemenl 


CAN  4, g 

')  ordonné  par  les  souverains  pon- 
»  tifes  et  par  les  sacrés  conciles, 
»  touchant  la  vie  des  clercs  ,  leur 
»  extérieur  et  leur  doctrine,  etc., 
»  soit  observé  dorénavant  ,  sous 
»  les  mêmes  peines  que  celles  qui 
»  ont  été  statuées  dans  les  conciles 
»  précédents.  ))Sess.  22,  deRefomi. 
c.  12.  C'est  dans  ce  dessein  que  l'on 
a  mis  dans  les  nouveaux  bréviaires 
les  principaux  canons  qui  concer- 
nent la  conduite  des  clercs.  Il  esl 
absurde  d'avoir  part  aux  biens  et 
aux  privilèges  de  l'Eglise  sans  vou- 
loir être  soumis  à  ses  lois. 

Canons  Arabiques  du  concile 
de  Nicée.  Voyez  KicÉE. 

Canon  de  la  messe  ,  règle  ou 
formule  deprières  et  de  cérémonies 
que  le  prêtre  doit  suivre  pour  con- 
sacrer l'eucharistie. 

En  comparant  ensemble  les  dif- 
férentes liturgies  grecques  el  lati- 
nes, on  voit  que  la  messe  y  est 
toujours  divisée  en  trois  parties: 
savoir  ,  la  préparation  ,  Vaclion  et 
la  conclusion.  La  première  s'étend 
depuis  le  commencement  ou  l'in- 
troït jusqu'à  la  préface;  la  seconde, 
qui  est  proprement  le  canon  ,  de- 
puis le  sanclus  jusqu'à  la  commu- 
nion ;  ia  troisième  est  l'action  de 
grâces.  Uaciion  est  la  plus  essen- 
tielle ,  puisqu'elle  renferme  la  con- 
sécration ;  les  Grecs  l'ont  nommée 
ava<popà  ,  élévation  ,  soit  parce 
qu'avant  de  la  commencer  le  pré- 
Ire  exhorte  les  fidèles  à  élever  leurs 
cœurs  vers  le  ciel,  sursùm  corda, 
soit  parce  qu'après  la  consécration 
il  élève  les  symboles  eucharistiques 
pour  faire  adorer  aux  assistants  Jé- 
sus-Christ présent. Dans  la  liturgie 
romaine,  le  canon  commence  par 
ces  mots  :  Te  igitur ,  etc. 

Quelques  liturgisles  ont  écrit  que 
c'est  saint  Jérôme  qui  ,  par  ordre 
du  pape  Sirice  ,  a  mis  le  canon 
dans  la  forme  que  nous  avons  ; 
d'autres,  que  c'est  le  pape  Sirire 
lui-même,  qui  vivoit  sur  la  fin  du 
quatrième  siècle.  Mais  ou  disoitla 
27. 


420  CAN 

messe  avant  Sirice  et  avant  saint 
Jérôme;  il  y  avoit  donc  déjà  un 
canon  ou  une  règle  que  le  prêtre 
devoit  suivre  :  jamais  cette  action 
sainte  n'a  été  abandonnée  au  goiàt 
et  à  la  discrétion  des  particuliers. 

L'abbé  Renaudot ,  dans  la  dis- 
sertation qu'il  a  mise  à  la  tête  de 
la  Collection  des  liturgies  orientales, 
a  fait  voir  que  le  canon  vient  des 
apôti'es  ;  il  le  prouve  par  la  con- 
formité qui  se  trouve  entre  les 
liturgies  syriaques,  cophtes  ,  grec- 
ques et  latines  :  s'il  y  a  de  la  variété 
dans  les  prières  ,  si  quelques  cé- 
rémonies se  font  dans  un  ordre 
différent,  toutescependant  revien- 
nent au  même  pour  le  fond, toutes 
renferment  une  invocation  à  Dieu , 
des  prières  pour  les  vivants  et  pour 
les  morts,  l'invocation  des  saints  , 
les  paroles  de  Jésus-Christ  pour 
la  consécration ,  l'élévation  ou 
Vosiension  de  l'eucharistie,  et  l'a- 
doration; il  conclut  avec  raison  que 
ce  canon  est  d'institution  aposto- 
lique ,  que  jamais  personne  n'a  eu 
la  témérité  d'y  toucher  ni  de  le 
changer  essentiellement.  C'est  la 
profession  la  plus  claire  et  la  plus 
éclatante  que  l'Eglise  puisse  faire 
de  sa  foi  touchant  l'eucharistie. 

De  même  le  père  Le  Brun  ,  dans 
son  Explication  des  cérém.  de  la 
niesse,toia.  3, 1 3,  p. 7, a  fait  voir  que 
le  canon  de  la  messe  étoit  écrit 
avant  l'an  44°  i  ^*  1^^  ^^  pape  Gé- 
lase  l'inséra  dans  son  sacramen- 
taire,  tel  qu'on  le  suivoit  pour  lors, 
sans  y  faire  aucun  changement  : 
que  l'an  538  ce  canon  fut  envoyé 
par  le  pape  Vigile  aux  Espagnols, 
comme  étant  de  tradition  aposto- 
lique ;  que  vers  l'an  600  ,  saint 
Grégoire  le  Grand  y  ajouta  seule- 
ment ces  mots  :  diesque  nostros  in 
iuâ  pace  disponas  ;  qu'il  plaça  l'o- 
ra' son  dominicale  avant  la  fraction 
de  l'hostie,  au  lieu  que  dans  les 
autres  liturgies  elle  ne  se  disoit 
qu'après.  Depuis  ce  temps-là ,  on 
n'y  a   pas  touché  ,  sinon  pour  y 


CAiN 

ajouter  le  nom  de  quelques  saints. 
C'est  dans  cet  état  que  le  canon 
delà  messe  fut  porté  en  Angleterre 
par  le  moine  Augustin  ;  il  y  en  a  un 
manuscrit  fait  avant  l'an  700.  Le 
père  Le  Brun  prouve  que  le  pape 
Gélase  même  n'y  avoit  fait  aucun 
changement  ,  mais  seulement  des 
additions  au  sacramentaire  ,  au- 
quel il  mit  des  collectes  ou  orai- 
sons pour  lesjours  qui  n'en  avoient 
point  de  propres,  en  y  laissant  tou- 
tes celles  qui  y  étoientdéjà.  Avant 
lui ,  les  papes  Innocent  I."  et  saint 
Léon  avoient  fait  de  même.  En  ef- 
fet ,  l'ancien  canon  de  la  messe  ro- 
maine, qui  est  celui  du  pape  Gé- 
lase ,  tel  qu'il  l'avoit  trouvé  en 
usage  ,  est  entièrement  conforme 
à  celui  du  sacramentaire  de  saint 
Grégoire.  Voy.  Codices  sacram, 
Thomasii,  p.  196. 

Ainsi  ,  quand  nous  lisons  que  le 
pape  Sirice  au  quatrièn;e  siècle  , 
Gclase  au  cinquième  ,  saint  Gré- 
goire au  septième  ,  ont  ajouté  ou 
changé  quelque  chose  au  sacramen- 
taire, cela  ne  doit  pas  s'entendre  du 
canon,  mais  des  autres  parties  de  la 
messe.  C'est  dans  ce  sens  que  Jean 
diacre  ,  dans  la  Vie  de  saint  Gré- 
goire, 1.  2  ,  c.  17  ,  dit  que  ce  saint 
pape  renferma  dans  un  seul  volume 
le  sacramentaire  de  Gélase,  qu'il 
en  retrancha  plusieurs  choses  ,  en 
changea  quelques  -  unes  ,  et  y  en 
ajouta  fort  peu. 

C'est  donc  avec  raison  que  le 
concile  de  Trente  a  dit  que  le  canon 
de  la  messe  a  été  dressé  par  l'Eglise , 
qu'il  est  composé  des  paroles  de 
Jésus-Christ ,  de  celles  des  apôtres 
et  des  premiers  pontifes  qui  ont 
gouverné  l'Eglise.  Si  les  prétendus 
réformateurs  avoient  été  plus  in.s- 
truits,  s'ils  avoient  comparé  en- 
semble toutes  ces  liturgies  qui  da- 
tent des  premiers  siècles,  ils  n'au- 
roient  pas  condamné  avec  tant  de 
hauteur  le  canon  de  la  messe  de 
l'Eglise  romaine.  Voyez  Litîjrgik. 
Le  concile  de  Trente  prononce 


CAN 

l'analhème  contre  tous  ceux  qui 
condannieronl  la  coutume  établie 
dans  celte  Eglise ,  de  i-cciter  à  voix 
basse  une  partie  du  canon  et  les 
paroles  de  la  consécration  ,  ou  qui 
soutiendront  que  l'on  doit  célébrer 
PU  langue  vulgaire.  Sess.  22 ,  can.  9. 
Croira-t-ou  qu'au  comniencement 
de  ce  siècle  quelques  prêtres  pro- 
nonçoient  à  haute  voix  les  paroles 
du  canon  et  de  la  consécration,  afin 
de  persuader  aux  femmes  qu'en 
répétaiit  ces  paroles  elles  consa- 
croient  avec  le  prêtre  ?  Ils  igno- 
roient  que  la  liturgie  n'a  été  mise 
par  écrit  qu'au  quatrième  siècle, 
et  qu'avant  ce  temps-là  les  prêtres 
seuls  savoient  les  prières  au  canon. 
Voyez  Langues  vulgaires  ,  Secrè- 
tes ,  et  Y  ancien  sacramentaire ,  par 
Grandcolas  ,    i/^part.  ,   p.  786. 

Canons  Pénitentiaux.  Ce  sont 
les  règles  qui  fixoient  la  rigueur  et 
la  durée  de  la  pénitence  que  dé- 
voient faire  les  pécheurs  publics 
qui  désiroient  être  réconciliés  à 
l'Eglise  ,  et  reçus  à  la  communion. 

Nous  sommes  étonnés  aujour- 
d'hui de  la  sévérité  de  ces  canons , 
qui  furent  dressés  au  quatrième 
siècle  ;  mais  il  faut  savoir  que  l'E- 
glise se  crut  obligée  de  les  établir, 
1 .°  pour  fermer  la  bouche  aux  no- 
vatiens  et  aux  montanistes  ,  qui 
l'accusoient  d'user  d'une  indul- 
gence excessiveenvers  les  pécheurs, 
et  de  fomenter  ainsi  leurs  dérégle- 
nicnts.  2.°  Parce  qu'alors  les  dé- 
sordres d'un  chrétien  étoient  ca- 
pables de  scandaliser  les  païens  , 
et  de  les  détourner  d'embrasser  le 
christianisme  ;  c'étoit  une  espèce 
d'apostasie.  3.°  Parce  que  les  per- 
sécutions qui  venoient  de  finir 
avoient  accoutumé  les  chrétiens  à 
une  vie  dure  et  à  une  pureté  de 
mœurs  qu'il  étoit  essentiel  de  con- 
server. 

Au  reste  ,  ces  canons  n'ont  été 
rigoureusement  observés  que  dans 
l'Eglise  grecque  ;  le  concile  de 
M'renle ,  en  corrigeant  les  abus  qui 


CAiN  421 

pouvoicnl  s'être  glissés  dans  l'ad- 
ministration de  la  pénitence,  n'a 
témoigné  aucun  désir  de  faire  re- 
vivre les  anciens  canons  péniten- 
tiaux,  Sess.  i4  ,  chap.  8.  Il  est 
cependant  très-à -propos  d'en  con- 
server le  souvenir,  soit  pour  pré- 
munir lesconfesscurs  contre  l'excès 
du  relâchement,  soit  pour  réfuter 
les  calomnies  que  les  incrédules  se 
sont  permises  contre  les  mœuri 
des  premiers  chrétiens.  Voyez  Pé- 
nitence ,  PÉNiTENTiEL  ,  ancien  Sa- 
cramentaire ,  deux.  part. ,  p    563, 

Canons  des  Saints  ,  catalogue 
des  saints  reconnus  ou  canonisés 
par  l'Eglise.  Fb/es  Canonisation. 

C'est  un  usage  aussi  ancien  que 
le  christianisme,  de  recommander 
à  Dieu  dans  la  liturgie  les  fidèles 
vivants  ,  nommément  les  évêques 
et  les  pasteurs  ;  c'étoit  autrefois  un 
témoignage  de  communion  de  foi 
avec  eux  et  de  catholicité.  Voyez 
DiPTiQUES.  On  y  a  toujours  prié 
pour  les  morts ,  et  on  y  a  fait  men- 
tion des  saints  ,  surtout  des  mar- 
tyrs ,  en  demandant  à  Dieu  la  grâce 
de  participer  à  leurs  mérites  et  à 
leur  intercession.  Ainsi ,  le  canon 
de  la  messe  s'est  trouvé  être  aussi 
le  canon  des  saints ,  et  leur  nombre 
a  augmenté  de  jour  en  jour. 

Certains  critiques  ont  conclu  mal 
à  propos  que  le  canon  de  la  messe 
n'est  pas  fort  ancien ,  parce  que  l'on 
y  voit  le  nom  de  quelques  saints 
qui  ne  sont  pas  des  premiers  siè- 
cles: ils  n'ont  pas  fait  attention  que 
ces  noms  ont  été  ajoutés  à  mesure 
que  les  saints  sont  venus  à  mourir. 

CANONIQUE.  Un  livre  est  ap- 
pelé canonique  ^  lorsqu'il  se  trouve 
dans  le  canon  ou  dans  la  liste  des 
saintes  Ecritures.  Au  mot  Canon  , 
nous  avons  vu  quels  sont  ceux 
qui  composent  l'ancien  Testament. 
Quant  à  ceux  du  nouveau ,  l'on  a 
constamment  reconnu  pourcano- 
niquee  les  quatre  Evangiles  ,  les 
Actes    de»  apôtres ,    les  quatorze 


423  CAN 

épîtres  de  saint  Paul,  cxceplc  l'é- 
pître  aux  Hébreux  ;  la  première 
epîti-e  de  saint  Pierre,  et  la  pre- 
mière épître  de  saint  Jean.  Voilà, 
dit  Eusèbe ,  après  les  Pères  plus 
anciens ,  les  livres  qui  sont  reçus 
il'un  consentement  unanime.  Hist. 
Ecclésiasi.,  1.  3  ,  c.  aS.  C'est  ce  qui 
ieur  a  fait  donner  le  nom  de  proto- 
canoniques. 

Il  y  a  eu  d'abord  quelques  doutes 
sur  la  canonicité  de  l'épître  aux 
Hébreux  ,  des  épîtres  de  saint  Jac- 
ques et  de  saint  Jude,  delà  seconde 
de  saint  Pierre  ,  de  la  seconde  et  de 
la  troisième  de  saint  Jean  ,  et  de 
l'Apocalypse.  Cependant  ces  écrits 
ont  été  reçus  de  tout  temps  par 
quelques  Eglises ,  et  ensuite  par 
l'Eglise  universelle.  Nous  le  voyons 
par  les  anciens  catalogues  des  livres 
du  nouveau  Testara^ent ,  tel  que  ce- 
lui des  conciles  de  Laodicée  ,  de 
Carthage  et  de  Rome ,  celui  que 
l'on  trouve  dans  le  dernier  canon 
des  apôtres  ,  etc.  C'est  ce  qui  a  dé- 
terminé le  concile  de  Trente  à  les 
mettre  au  même  rang  que  les  autres, 
et  ils  sont  appelés  deutero-canoni- 
ques. 

Ce  canon  des  livres  du  nouveau 
Testament  n'a  point  été  dressé  d'a- 
bord par  aucune  assemblée  ecclé- 
.siastique,  ni  par  aucun  particulier; 
il  s'est  formé  peu  à  peu  sur  le  con- 
sentement unanime  de  toutes  les 
Eglises,  et  ce  consentement  n'a  pu 
devenir  unanime  que  quand  ces  dif- 
iërentes  sociétés  ont  été  à  portée  de 
rendre  témoignage  de  ce  qu'elles 
avoient  ou  n'avoient  pas  reçu  des 
apôtres. 

Mais  les  épîtres  dont  la  canoni- 
cité a  d'abord  été  contestée  ,  n'a- 
voient été  adressées  nommément  à 
aucune  Eglise;  celle  de  saint  Paul 
aux  Hébreux  étoit  pour  tous  les  juifs 
convertis,  quelques-unes  étoient 
pour  de  simples  particuliers,  et  ne 
paroissoient  pas  fort  importantes; 
elles  n'ont  pas  pu  être  d'abord  re- 
vêtues d'une  attestation  aussi  au- 


GAIN 

ihentique  que  celles  qu'avoienl 
reçues  les  Eglises  de  Rome  ,  de 
Corintbe  ,  d'Éphèse,  etc.  Il  en  est 
de  même  de  l'Apocalypse. 

Vainement  quelques  incrédules 
ont  cru  fonder  une  grande  objec- 
tion sur  la  lenteur  avec  laquelle  le 
canon  des  livres  du  nouveau  Tes- 
tament a  été  formé.  Cet  argument 
peut  incommoder  les  protestants  , 
qui  ne  veulent  point  d'autre  règle 
de  foi  que  l'Ecriture  sainte  ;  c'est 
à  eux  de  nous  faire  concevoir  com- 
ment l'Eglise  chrétienne  a  pu  de- 
meurer si  long-temps  sans  savoir 
certainement  quels  livres  elle  de- 
voit  ou  ne  devoit  pas  regarder 
comme  Ecriture  sainte.  Pour  nous, 
qui  soutenons  ,  comme  nos  pères  , 
que  la  principale  règle  de  foi  est 
l'enseignenaent  public  ,  constant 
et  uniforme  de  l'Eglise,  nous  ne 
voyons  pas  en  quoi  il  étoit  si  im- 
portant que  le  canon  des  Ecri- 
tures fût  promptement  dressé  et 
universellement  connu. 

Eusèbe,  Histoire  eeclés.,  1.  III, 
c.  25,  distingue  trois  sortes  de  livres 
du  nouveau  Testament,  i.°  ceux 
qui  ont  été  reçus  d'abord  d'un  con- 
sentement unanime  ,.  et  dont  nous 
avons  vu  ci-devant  l'énumération. 
2.°  Ceux  qui  n'ont  point  été  recon- 
nus d'abord  par  toutes  les  Eglises  , 
mais  seulement  par  quelques-unes; 
ou  qui  ont  été  cités  comme  Ecritu- 
re sainte  par  quelques  auteurs  ec- 
clésiastiques. Mais  cette  seconde 
classe  se  divise  en  deux ,  l'une  des 
livres  qui  dans  la  suite  ont  été  re- 
çus par  toutes  les  Eglises ,  et  ont 
été  nommés  deuiéro  -  canoniques  ; 
nous  les  avons  désignés  :  l'autre  des 
livres  qui  n'ont  point  été  placés 
dans  le  canon ,  mais  que  l'on  a 
conservés  comme  des  livres  utiles 
et  respectables.  Tels  sont  les  livres 
du  Pasteur,  la  Lettre  de  saint  Bar- 
nabe,  les  deux  LeWres  de  saint  Clé- 
ment ,  etc.  3.°  Les  livres  supposés 
et  forgés  par  les  hérétiques  pour 
autoriser  leurs  erreur^,  livresque 


CAN 
TEglise  catholique  a  toujours  rc- 
jetés  ;   tels  sont  les  faux  évangiles 
de  saint  Thomas  ,  de  saint  Pierre  , 
les  fausses  Apocalypses  ,  etc. 

De  là  il  résulte  que  la  seule  rai- 
son qui  nous  détermine  à  regarder 
tel  livre  comme  canonique ,  divin 
ou  inspiré,  est  la  tradition  ou  l'au- 
torité de  l'Eglise.  Quand  nous  se- 
rions pleinement  persuadés  qu'un 
livre  a  été  véritablement  écrit  par 
un  apôtre  ou  par  un  disciple  de 
Jésus-Christ,  qu'il  est  par  consé- 
quent authentique  ;  quand  il  ne 
renfermeroit  rien  que  de  vrai  et  de 
conforme  à  tous  les  articles  de  no- 
tre croyance,  cela  ne  suffîroit  pas. 
La  divinité  des  livres  saints  ne  porte 
principalement  ni  sur  la  certitude 
historique  ,  ni  sur  les  règles  de  cri- 
tique ,  ni  sur  le  témoignage  d'aucun 
particulier,  mais  sur  l'autorité  et 
la  garantie  de  l'Eglise  ;  et  nous  ne 
voyons  pas  sur  quel  autre  fonde- 
ment on  peut  l'établir. 

Lorsque  les  protestants  font  pro- 
fession de  ne  recevoir  pour  divins 
que  les  livres  dont  la  canoniciié  a 
fté  universellement  reconnue  dans 
les  premiers  siècles,  c'est  d'abord 
une  fausseté  ;  l'cpître  aux  Hébreux 
qu'ifs  reçoivent,  a  été  douteuse 
pendant  quelque  temps.  D'ailleurs, 
si  le  sentiment  unanime  de  l'an- 
cienne Eglise  suffit  pour  nous  ap- 
prendre que  tel  livre  est  divin , 
nous  ne  voyons  pas  pourquoi  il  ne 
suffit  plus  pour  nous  enseigner 
comment  nous  devons  l'entendre, 
ou  pour  nous  convaincre  que  tels 
et  tels  dogmes  sont  révélés. 

Nous  concevons  encore  moins 
sur  quel  fondement  les  protestants 
croient  l'authenticité  des  livres 
même  proto-canoniques,  comment 
ils  osent  se  fier  au  témoignage  des 
anciens  auteurs  ecclésiastiques  , 
pendant  qu'ils  nous  les  représen- 
tent comme  deshommes  d'unepro- 
hité  très-douteuse,  qui  ne  se  sont 
jamais  fait  scrupule  de  commettre 
des  fraudes  pieuses,  ni  de  mentir 


CAN  ^23 

pour  la  gloire  de  Dieu  et  pour  la 
propagation  de  la  foi.  Voyez  Mos- 
heim  ,  Instit.  Hist.  C/trist. ,  2."  p., 
c.  2,  §  23. 

CANONISATION  d'un  saint  ; 
décret  par  lequel  le  souverain  pon- 
tife déclare  que  tel  homme  a  pra- 
tiqué les  vertus  chrétiennes  dans 
un  degré  héroïque  ,  et  que  Dieu  a 
opéré  des  miracles  par  son  inter- 
cession, soit  pendant  sa  vie,  soit 
après  sa  mort.  Conséquemment  il 
juge  que  l'on  doit  l'honorer  comme 
un  saint ,  il  permet  d'exposer  ses 
reliques  à  la  vénération  des  fidèles, 
de  l'invoquer,  de  célébrer  le  saint 
sacrifice  de  la  messe  et  un  office  en 
son  honneur.  La  canonisation  est 
ordinairement  précédée  d'un  dé- 
cret de  béatification.  Voy.  ce  mot. 

Dans  les  premiers  siècles  de  l'E- 
glise, les  martyrs  ont  été  les  pre- 
miers auxquels  les  fidèles  ont  ren- 
du un  culte  solennel.  On  élevoit 
un  autel  sur  leur  tombeau ,  et  l'on 
y  célébroit  les  saints  mystères;  en 
cela  consistoit  toute  la  cérémonie 
de  la  canonisation.  Nous  en  voyons 
un  exemple  dans  les  actes  du  mar- 
tyre de  saint  Ignace  ,  et  dans  la  let- 
tre de  l'Egl  ise  de  Smyrne  au  suj  et  du 
martyre  de  saint  Polycarpe.  Ce 
so.it  donc  les  peuples  qui  ont  ét6 
les  premiersauteurs  du  culte  rendu, 
aux  saints,  et  l'Eglise  l'a  approuvé 
avec  raison. 

Les  évêques  jugèrent  néanmoins 
qu'il  y  falloit  apporter  beaucoup 
de  précaution ,  pour  empêcher  que 
l'on  ne  rendît  les  honneurs  dus  à 
la  vertu,  à  des  hommes  qui  ne  les 
auroienlpasmérités.  SaintCyprien 
ordonna  de  faire  des  informations 
exactes  de  ceux  qui  étoient  vérita- 
blement morts  pour  la  foi  ,  de  lui 
envoyer  leurs  noms  et  les  circons- 
tances de  leur  martyre  ,  afin  de  ne 
pas  confondre  avec  eux  ceux  dont 
le  zèle  pouvoit  paroître  suspect. 
Episl.  ,  37  et  79 

Dans  la  suite  on  crut  devoir  ren- 


l,i[^  CAN 

«Ire  le  même  culte  aux  personnages 
vénérables  qui  ,  sans  avoir  souffert 
le  martyre  ,  avoient  édifié  l'Eglise 
par  une  vie  exemplaire.  Mais  la  pié- 
té souvent  imprudente  des  peu- 
ples ,  les  erreurs  dans  lesquelles  on 
cloit  tombé  à  cet  égard  ,  la  négli- 
gence des  évcques  à  constater  les 
vertus  et  les  miracles  de  ceux  aux- 
quels on  s'empressoit  de  rendre  un 
culte  ,  obligèrent  les  souverains 
pontifes  à  se  réserver  ce  jugement. 
Le  premier  exemple  d'une  canoni- 
sation solennelle  faite  par  le  pape 
est  de  la  fin  du  onzième  siècle. 
Voyez  \ ancien  Sacranientaire ,  par 
Grandcolas  ,  i."  partie  ,  p.  385. 

Les  protestants  se  sont  exercés  à 
l'envi  à  tourner  en  ridicule  la  ca- 
nonisation des  saints  ;  mais  ils  au- 
roient  dû  nous  apprendre  ce  que 
devoit  faire  l'Eglise  pour  prévenir 
les  prétendus  abus  qu'ils  lui  repro- 
chent. A-t-elle  pu  ou  a-t-elle  dû 
empêcher  les  peuples  de  respecter 
la  mémoire  des  serviteurs  de  Dieu, 
dont  on  avoit  admiré  les  vertus 
pendant  leur  vie  Y  Ce  sentiment  est 
naturel  ;  il  a  toujours  été  et  il  sera 
toujours  le  même  ;  il  a  régné  chez 
les  juifs  aussi-bien  que  chez  les 
chrétiens.  Eccl. ,  c.  44  »  etsuiv.  Les 
protestants  disent  qu'autre  chose 
est  de  respecter  la  mémoire  des 
saints  ,  et  autre  chose  de  leur  ren- 
dre un  culte  ;  nous  leur  soutenons 
que,  supposé  la  croyance  de  l'im- 
mortalité des  âmes  et  du  bonheur 
éternel  des  saints,  il  a  été  impos- 
sible de  les  croire  heureux  dans  le 
ciel  et  pénétrés  de  l'amour  divin  , 
sans  être  persuadé  qu'en  eux  la 
charité  n'est  pas  morte,  qu'ils  s'in- 
téressent au  salut  de  leurs  frères  , 
qu'ils  intercèdent  pour  nous  ,  et 
qu'il  est  utile  de  les  invoquer.  Il  a 
fallu  tout  l'entêtement  des  protes- 
tants pour  leur  faire  rejeter  une 
conséquence  aussi  palpable.  Voyez 
Culte. 

Cela  pose  les  pasteurs  de  l'Eglise 
ont-ils  du  laisser  à  la  discrétion  des 


CAN 

peuples  le  choix  de^  personnages 
qui  méritoicnt  ou  ne  méritoicnt 
pas  d'être  réputés  saints  ,  plutôt 
que  de  se  réserver  ce  jugement  ?  \ 
Dès  les  premiers  siècles  il  a  fallu 
faire  le  discernement  des  vrais 
martyrs  d'avec  les  faux.  Les  pro- 
testants eux  -  mêmes  soutiennent 
que  dans  les  neuvième  ,  onzième 
et  douzième  siècles  de  l'Eglise,  les 
peuples  sont  tombés  dans  des  er- 
reurs et  des  excès  énormes  tou- 
chant les  hommes  réputés  saints  ; 
il  a  donc  fallu ,  pour  prévenir  les 
abus ,  que  les  papes  se  réservas- 
sent les  procès  de  la  canonisation 
des  saints,  puisque  c'est  un  objet 
qui  intéresse  l'Eglise  universelle. 
Quand  nos  adversaires  se  récrient 
sur  le  trop  grand  nombre  des  saints 
canonisés ,  on  croit  qu'ils  sont 
fâchés  de  ce  qu'il  y  a  eu  trop  d'âmes 
vertueuses  dans  le  inonde,  qui  ont 
mérité  de  servir  d'exemple  aux 
antres. 

Il  n'est  pas  possible  de  pousser 
plus  loin  l'exactitude  de  l'examen 
qui  se  fait  à  Rome  de  la  vie ,  des 
actions,  des  miracles  d'un  person- 
nage dont  on  poursuit  la  canonisa- 
tion. Il  est  aisé  de  s'en  convaincre 
par  l'ouvrage  que  le  pape  Benoît 
XIV  a  fait  sur  ce  sujet.  Les  catho- 
liques pensent  avec  raison  qu'un 
jugement,  porté  avec  tant  de  pré- 
caution ,  ne  peut  pas  être  sujet  à 
l'erreur;  que,  dans  une  circon- 
stance aussi  importante ,  Dieu  ac- 
corde à  son  Eglise  l'assistance  qu'il 
lui  a  promise  jusqu'à  la  fin  ded 
siècles. 

Un  des  reproches  que  les  incré- 
dules de  nos  jours  ont  répétés  le 
plus  souvent  ,  est  que  l'Eglise  à 
placé  au  rang  des  saints  des  hom- 
mes inutiles  qui  n'ont  rendu  aucun 
service  au  monde  ,  et  de  faux  zélés 
qui  en  ont  troublé  la  tranquillité; 
des  princes  qui  n'ont  eu  que  les 
vertus  du  cloître ,  ou  qui  ont  été 
les  persécuteurs  de  ceux  qui  ne 
pensoient.pas  comme  eux.  Mais  les 


I 


CAN 

philosophes,  «iiii  connoifiscnl  très- 
iiial  la  vertu  ,  sont  mauvais  juges 
«lu  mérite  «les  saiuLs.  Uu  homme 
n'est  poiut  inutile  au  momie,  lors- 
que, «ians  le  silence  et  la  solitude  , 
il  emploie  son  temps  à  louer  Dieu, 
à  prier  pour  ses  iVéres,  à  pratiquer 
la  mortification  ,  l'obéissance  ,  le 
«iélachement  «le  toutes  choses.  Ces 
exemples,  qui  sont  connus  tôt  ou 
tard ,  sont  très-utiles  pour  faire 
comprendre  aux  hommes  en  quoi 
consiste  le  vrai  bonheur  ;  celte  le- 
çon vaut  mieux  et  produit  plus 
d'effet  queles  dissertations  des  phi- 
losopVies. 

Lorsque  les  saints  sont  revêtus 
«l'une  dignité  qui  leur  donne  un 
rang  dans  la  société,  et  leur  impose 
le  devoir  de  veiller  sur  la  conduite 
des  autres  ,  il  est  impossible  que 
leurs  leçons  et  leur  conduite  ne 
déplaisent  pas  aux  hommes  vi- 
cieux, et  qu'ils  n'éprouvent  aucune 
contradiction.  Leur  douceur  seroit 
blâmée  comme  une  molle  con- 
descendance ;  leur  fermeté  passe 
pour  ambition  de  dominer,  pour 
inquiétude  ou  dui'eté  de  caractère; 
on  leur  fait  un  crime  deleurs  vertus 
mêmes.  «  Tous  ceux,  dit  saintPaul, 
M  qui  veulent  vivre  pieusement  se- 
»  Ion  Jésus-Christ  ,  souffriront 
»  persécution  ,  pendant  que  les 
»  hommes  méchants  et  séducteurs 
«  feront  des  progrès  dans  le  mal  , 
»  et  entraîneront  les  autres  dans 
»  leurs  erreurs.  »  JI  Tim.  ,  c.  3  , 
^'.  12  et  i3.  C'est  l'histoire  de  tous 
les  siècles. 

Lorsque  «les  princes  ont  employé 
aux  pratiques  de  piété  le  temps  que 
d'autres  donnent  à  des  plaisirs 
bruyants  ,  dispendieux  et  souvent 
scandaleux,  nous  ne  voyons  pas  ce 
que  les  peuples  y  ont  perdu.  Quant 
au  nom  de  persécuteurs  que  l'on 
donne  aux  souverains  qui  ont  ré- 
primé l'audace  des  hérétiques  et 
des  incrédules,  l'abus  d'un  mot  ne 
doit  pas  nous  en  imposer;  ils  ont 
dû  punir  ceux  quicorrompoientles 


CAN 


4^5 


mœurs  et  délruisoient  les  principes 
de  vertu.  Vofez.  Saints. 

CANTIQUE,  y-oj:  Chant  ecclé- 
siastique. 

Cantique  des  Cantiques  ,  livre 
sacré  ,  ainsi  nommé  par  les  Hé- 
breux pour  exprimer  son  excel- 
lence. On  l'attribue  à  Salomon  , 
duquel  il  porte  le  nom  dans  le  texte 
hébreu  et  dans  l'ancienne  version 
grecque.  Les  talmudistes  ont  pré- 
tendu qu'il  étoit  d'Ezéchias  ;  mais 
cette  opinion  n'a  pas  été  suivie  par 
les  autres  rabbins.  Il  est  dit  dans 
l'Ecriture  que  Salomon  avoit  com- 
posé des  cantiques  aussi-bien  que 
David  ,  et  le  nom  de  Salomon  se 
trouve  dans  plusieurs  endroits  de 
celui-ci. 

En  examinant  d'abord  le  sens 
littéral,  ou  plutôt  grammatical,  de 
ce  cantique,  les  critiques  en  ont 
porté  des  jugements  fort  différents. 
Les  uns  ont  prétendu  que  c'est  un 
ouvrage  purement  profane  ,  dans 
lequel  Salomon  a  célébré  ses 
amours  avec  la  fille  de  Pharaon  , 
roi  d'Egypte,  qui  étoit  la  plus  chérie 
de  ses  épouses.  C'étoit  le  senti- 
ment de  Théodore  de  Mopsueste , 
qui  regardoit  cet  ouvrage  comme 
dangereux  pour  les  mœurs  ;  c'est 
encore  l'idée  qu'en  ont  les  ana- 
baptistes. Les  Juifs  en  avoient  in- 
terdit la  lecture  avant  l'âge  de 
trente  ans  ,  quoique  d'ailleurs  ils 
le  regardassent  comme  un  livre 
inspiré.  D'autres  ont  pensé  que 
c'étoit  un  épithalamc ,  un  poëme 
destiné  à  être  chanté  dans  les  noces; 
ils  ont  cru  y  distinguer  sept  par- 
ties d'églogue,  qui  répondent  aux 
sept  jours  pendant  lesquels  du- 
roient  les  noces  des  anciens. C'a  été 
le  sentiment  de  M.  Bossuet ,  dans 
le  commentaire  qu'il  a  fait  sur  ce 
livre,  et  celui  de  Lowth  ,  de  sacra 
poesi  Hebrœor.  ,  prœlect.  3o  et  Si. 

Quelques  commentateurs,  pré- 
venus de  ces  idées  ,  ont  fait  de  ce 
caiiilque  des  traductions  trop  libres 


426 


CAN 


et  capables  d'alarmer  la  pudeur, 
comme  Bèze,  Castalion,  Grotius  , 
et  un  célèbre  incrédule  de  nos 
jours  ;  d'autres  ont  affecté  de  faire 
remarquer  les  endroits  qui ,  selon 
nos  mœui"s,  paroissent  trop  licen- 
cieux ,  et  ils  ont  fait  un  crime  à 
TEglise  catholique  de  ce  qu'elle  a 
placé  quelques  morceaux  de  ce 
poëme  dans  l'office  divin.  Tous  , 
au  reste  ,  sont  convenus  qu'en 
fait  d'ouvrages  profanes  ,  il  n'en 
est  point  de  plus  agréable  que 
celui-ci  ;  que  l'on  y  trouve  un 
feu  ,  une  délicatesse  ,  une  variété 
d'images  inimitables  ;  c'est  une 
peinture  très-naïve  des  anciennes 
mœurs  de  l'Orient.  Cependant  un 
de  nos  littérateurs  modernes  n'y  a 
rien  trouvé  de  merveilleux;  suivant 
son  avis  ,  si  l'on  excepte  quelques 
images  champêtres  assez  agréables, 
le  reste  n'a  rien  d'éloquent  ni  de 
sublime. 

Mais  toutes  ces  opinions  ont  été 
réfutées  par  un  critique  très-habile 
dans  les  langues  orientales.  Le  sa- 
vant Michaëlis ,  dans  ses  Noies  sur 
Loivih  ,  soutient  et  prouve  que 
l'objet  duca/2//<7ue  de  Salomon  n'est 
de  peindre  ni  l'amour  licencieux 
de  deux  personnes  libres  ,  ni  celui 
de  deux  jeunes  époux  au  moment 
de  leurs  noces,  mais  l'amour  très- 
rhaste  de  deux  époux  déjà  unis  de- 
puis long-temps.  A  la  vérité,  cette 
idée  ne  s'accorde  point  avec  nos 
mœurs,  mais  elle  est  très-analogue 
a  celles  des  Orientaux  ,  chez  les- 
quels les  femmes,  toujours  renfer- 
mées ,  ne  voyent  point  leurs  maris 
quand  elles  le  veulent ,  et  n'ont 
aucune  société  avec  les  autres 
hommes  ,  où  elles  sont  sujettes 
d'ailleurs  à  toutes  les  passions 
qu'inspirent  le  climat,  la  clôture 
et  la  polygamie.  Il  observe  que  ce 
<îétaut  de  société,  entre  les  deux 
sexes  ,  est  cause  que  les  hommes 
s'expriment  avec  beaucoup  de  li- 
berté dans  les  conversations  qu'ils 
ont,  soit  cntr'eux ,  soit  avec  leurs 


CAN 

épouses  ;  que  de  leur  côté  les  fem" 
mes  ne  croient  point  blesser  la 
pudeur  par  la  naïveté  de  leurs  ex- 
pressions :  cette  licence  dans  le 
langage  ne  fait  pas  plus  d'impres- 
sion que  la  nudité  presqu'cntière 
des  deux  sexes  si  commune  dans 
ces  mêmes  climats. 

Par  là  il  démontre ,  d'un  côté, 
l'injustice  du  scandale  que  les  cen- 
seurs des  livres  saints  ont  voulu 
tirer  de  cc^  cantique  et  de  plusieurs 
passages  semblables  du  prophète 
Ezéchiel  ;  de  l'autre,  la  témérité 
des  traducteurs  ,  qui  ont  voulu 
rendre  toute  l'énergie  du  texte  hé- 
breu dans  la  langue  de  peuples  dont 
les  mœurs  ni  les  usages  ne  sont  plus 
les  mêmes  que  ceux  des  anciens 
Orientaux. 

Ce  judicieux  critique  prouve  ce 
qu'il  avance  par  des  exemples.  Sur 
le  témoignage  du  voyageur  Char- 
din ,  il  cite  un  poëte  asiatique  , 
très-grave  d'ailleurs  ,  qui  a  traité 
les  plus  sublimes  matières  de  la 
théologie  affective  sous  le  voile  de 
l'allégorie,  et  dans  un  style  qui  pa- 
roîtroit  être  celui  du  libertinage  le 
plus  grossier.  Les  docteurs  juifs  et 
les  Pères  de  l'Eglise  n'ont  donc  pas 
eu  tort  de  regarder  le  cantique  de 
Salomon  comme  un  poëme  allé- 
gorique, et  non  comme  un  ouvrage 
profane.  I^es  premiers,  sous  l'image 
de  l'union  conjugale,  ont  entendu 
l'alliance  de  Dieu  avec  la  synago- 
gue ;  Ezéchiel  et  d'autres  prophètes 
l'ont  représentée  de  même,  et  c'est 
le  sens  qu'a  saivi  le  paraphraste 
Chaldécn.  Les  Pères  ont  été  encore 
mieux  fondés  à  y  découvrir  l'al- 
liance perpétuelle  et  indissoluble 
de  Dieu  avec  l'Eglise  chrétienne  , 
puisque ,  dans  plusieurs  endroits 
du  nouveau  Testament,  l'Eglise  est 
appelée  l'épouse  de  Jésus-Christ  ; 
lui-même  représente  sous  la  figure 
d'une  noce  l'établissement  de  cette 
sainte  société.  Matth.,  c.  22,  |)^'.  2  ; 
c.  25,  yi.  I,  Apnc,  c.  19  ,5*.  7,  etc. 
C'est  dans  ce  sens  seulement  que 


CAN 

Ton  a  placé  dans  rolTicc  divin  quel- 
ques morceaux  du  cantique,  et  on 
l'a  lait  avec  tout  le  choix  et  les 
précautions  convenables.  Les  mi- 
nistres de  l'Eglise  ,  accoutumés 
à  ne  voir  dans  ce  livre  sacré 
qu'un  sens  spirituel  et  allégori- 
que, sont  à  l'abri  de  toute  idée  pro- 
fane, contraire  à  la  chasteté  et  à  la 
piété. 

Si  le  littérateur  moderne  qui  a 
voulu  déprimer  la  composition  de 
cet  ancien  pocme  ,  avoit  consulté 
Lowth  et  Michaëlis  ,  il  en  auroit 
mieux  senti  l'énergie,  les  allusions 
et  les  beautés,  et  peut-être  qu'il 
auroit  réformé  son  jugement. 
P'autre  part,  ceux  qtii  on t  appliqué 
aux  sept  âges  de  l'Eglise  les  sept 
jours  pendant  lesquels  se  célé- 
broient  les  noces,  ont  mal  rencon- 
tré ,  puisque  dans  le  cantique  il 
n'est  question  ni  de  noces  ,  ni  de 
distinction  de  jours.  Bible  d'Avi- 
gnon, lom.  8,  pag.  399  et  suiv. 

Les  objections  que  l'on  a  faites 
contre  l'inspiration  de  ce  livre  ne 
sont  pas  difficiles  à  résoudre.  Ou  est 
d'abord  étonné  de  ce  qu'il  n'est 
point  cité  dans  le  nouveau  Testa- 
ment ;  mais  il  y  a  d'autres  livres 
de  l'ancien  qui  n'y  sont  pas  cités 
non  plus.  On  ajoute  que  le  nom  de 
Dieu  nes'y  trouve  pas;  qu'importe, 
puisque  c'est  Dieu  lui-même  qui 
est  l'objet  du  poème. 

Quoique  nous  fassions  très- 
grand  cas  de  l'értidition  et  de  la 
.sagacité  de  Lowth  et  de  Michaëlis  , 
nous  ne  pouvons  souscrire  à  la  cen- 
sure qu'ils  ont  faite  des  Pères  et  des 
commentateurs,  qui,  non  contents 
de  soutenir  que  le  cantique  tout 
entier  est  mystique  et  allégorique, 
ont  encore  tâché  de  donner  à  toutes 
ies  parties  un  sens  suivi  et  ana- 
logue à  ce  sens  général.  Nous  con- 
venons qu'aucune  de  ces  expli- 
cations ne  peut  faire  autorité, 
puisqu'il  est  libre  à  chacun  de 
donner  la  sienne  ;  aussi  n'a-t-on 
jamais  fait  usage  de  ce  poème  pour 


CAP  427 

prouver  aucun  article  de  foi.  Mais 
comme  il  est  très-essentiel  d'écarter 
de  l'esprit  de  tous  ceux  qui  le  lisent 
toute  idée  profane  ,  on  ne  doit  pas 
blâmer  ceux  qui  ont  cherché  une 
leçon  de  piété  dans  chaque  cha- 
pitre et  dans  chaciue  verset.  Par 
la  même  raison,  il  y  auroit  de  l'hu- 
meur à  censurer  ceux  qui  en  ont 
fait  l'application  non-seulement  à 
Dieu  et  à  l'Eglise ,  mais  encore  à 
Jésus -Christ  et  à  l'âme  fidèle. 
Quand  ce  ne  seroit  pas  là  le  sens 
le  plus  naturel  du  texte,  c'est  du 
moins  toujours  une  leçon  utile  à 
la  piété  ;  et  quoi  qu'en  disent  nos 
savants  critiques  protestants,  c'est 
le  meilleur  fruit  que  nous  puissions 
tii'cr  de  la  lecture  des  livres  saints. 
En  tournant  cette  méthode  en  ri- 
dicule, en  se  tenant  scrupuleuse- 
ment attachés  aux  règles  de  gram- 
maire ,  de  logique  et  de  critique  , 
les  protestants  ont  presque  travesti 
l'Ecriture  sainte  en  un  livre  pure- 
ment profane ,  comme  si  Dieu  nous 
l'avoit  donnée  pour  augmenter 
nos  connoissances  curieuses  et  non 
pour  nous  porter  à  la  vertu.  Ce 
n'est  pas  ainsi  que  saint  Paul  nous 
la  fait  envisager  :  «  Toute  Ecriture 
»  divinement  inspirée  ,  dit-jl,  est 
»  utile  pour  enseigner  ,  pour  re- 
»  prendre  ,  pour  corriger  ,  pour 
>'  instruire  dans  la  justice  ,  pour 
»  rendre  un  homme  deDieu  parfait 
»  et  exercé  z  toute  bonne  œuvre.  » 
II.  Tint.  ,  c.  3  ,  J^'.  16.  De  quoi  y 
serviroitle  ca/j/z^uedeSalomon,  si 
on  se  bornoit  au  sens  qui  paroît  le 
plus  littéral  r 

CAPHARNAUM  ,  ville  de  Ga- 
lilée ,  dans  laquelle  Jésus-Christ 
a  fait  sa  demeure  pendant  c^uelques 
années. Maith. ,  c.  l^.,'^  i3.  Il  s'est 
plaint  plusisurs  fois  de  l'incrédu- 
lité des  habitants  de  cette  ville  , 
et  les  incrédules  modernes  en  ont 
voulu  tirer  avantage  pour  rejidre 
suspects  les  miracles  et  les  vertus 
du  Sauveur  5  il  ne  pouvoit,  disent- 


428  CAP 

ils  ,  êlre  mieux  jugé  que  par  ses 
concitoyens. 

Nous  pensons  au  contraire  qu'il 
ne  pouvoit  l'être  plus  mal.  Quand 
on  connoît  par  expérience  les  pré- 
ventions ,  la  jalousie,  la  malignité 
naturelles  des  habitants  des  petites 
villes  ,  on  sent  la  vérité  de  la  ma- 
xime que  Jésus-Christ  a  prononcée 
à  cette  occasion,  que  personne  n^est 
prophète  dans  son  pays.  Maith.  , 
c.  i3  ,  S •  57.  Les  Galiléens,  imbus 
du  préjugé  général  de  la  nation 
juive,  que  le  Messie  devoit  être  un 
conquérant  ,  pouvoient-ils  aisé- 
ment se  persuader  que  le  fils  d'un 
artisan,  dont  toute  la  famille  étoit 
connue  ,  fût  le  Fils  de  Dieu  des- 
cendu du  ciel  et  incarné  pour  le 
salut  des  hommes  ?  Trois  ans  d'in- 
structions, de  miracles  et  de  vertus, 
n'étoient  pas  trop  pour  persuader 
à  des  hommes  très-grossiers  une 
vérité  aussi  étonnante  ,  pour  la- 
quelle les  incrédules  de  tous  les 
siècles  ont  eu  tant  de  répugnance. 
Ou  ne  doit  pas  être  surpris  si  les 
Capharnaïtes  furent  révoltés,  lors- 
que Jésus-Christ  promit  de  donner 
sa  chair  à  manger  et  son  sang  à 
boire,  Joan.  ,  c.  6  ,  ^.  Sa.  Il  se 
trouve  encore  aujourd'hui  des  sec- 
tes de  chrétiens  qui  n'en  veulent 
riencroire.  Mais  enfin  Jésus-Christ 
vint  à  bout  de  persuader  ses  con- 
citoyens, puisque  la  plupart  de 
ses  disciples  étoient  Galiléens ,  et 
i[ne  plusieurs  de  ses  parents 
même  souffrirent  la  mort  pour 
iui  après  sa  résurrection.  Vojez 
Parents. 

CA.PISCOL  ,  dignitaire  de  plu- 
sieurs chapitres  ou  églises  ,  soit  ca- 
thédrales, soit  collégiales,  en  Pro- 
vence et  en  Languedoc.  Il  paroît 
que  c'est  la  même  dignité  que  celle 
«le  chantre,  de  celui  qui  préside  au 
chœur  Capiscol  se  dit  poiir  capui 
scholœ  ,  le  chef  des  chantres.  Dans 
le  pontifical  romain,  les  ecclésiasti- 
ques dont  l'évêque  est  accompagné 


CAP 

dans  les  cérémonies  ,  sont  appelés 
schol. 

CAPITAL.  On  nomme  péchés 
capitaux  les  vices  habituels  ou  les 
passions  déréglées  qui  sont  en  nous 
la  source  ordinaire  de  nos  péchés. 
Ce  sont  l'orgueil,  l'avarice,  l'envie, 
la  gourmandise  ,  la  luxure,  la  co- 
lère et  la  paresse.  Voyez  ces  divers 
articles.  Quelques  iivterprètes  pen- 
sent que  Jésus-Christ  a  voulu  les 
désigner,  lorsqu'il  a  parlé  des  sept 
démons  qui  s'emparent  de  l'hom- 
me. Matlh. ,  c  12,  S-  ^^\  Luc, 
c.  8  ,  >^.  2. 

CAPITULE  ,  petit  chapitre.  Ce 
sont  quelques  versets  tirés  de  l'E- 
criture sainte  ,  et  relatifs  à  l'office 
du  jour,  que  l'on  récite  aprèjs  les 
psaumes  et  avant  l'hymne.  Le  ca- 
pitule des  compiles  se  dit  après^ 
l'hymne ,  et  il  est  suivi  d'un  répont 
comme  dans  les  petites  heures. 

CAPTIVITÉ  DE  BABYLONE. 

Moïse  ,  de  la  part  de  Dieu  ,  avoil 
annoncé  aux  Israélites  que  s'ils  n'é- 
toient pas  fidèles  à  observer  sa  loi , 
illestransporteroithorsde  la  terre 
promise,  et  les  livreroit  au  pouvoir 
d'unenation étrangère. Dcî//.,  c.28^ 
y.  49  et  64  ;  mais  que  s'ils  reve- 
noient  à  lui,  il  les  rétabliroit,  c.  3o, 
y.  I  et  suiv.  Comme  sous  leurs  rois 
ils  se  livrèrent  très-souvent  à  l'ido- 
lâtrie ,  et  contractèrent  des  mœurs 
très-corrompues  ,  Dieu  leur  décla- 
ra par  ses  prophètes  qu'il  alloit 
accomplir  ses  menaces  ,  que  toute 
la  nation  seroit  assujétie  aux  As- 
syriens et  transportée  k  Babylone  : 
mais  il  leur  promit  qu'après 
soixante-dix  ans  ils  seroient  déli- 
vrés et  reconduits  dans  la  Judée. 
Jcrem. ,  c.  26  ,  S '  ^  ^  et  12  ;  c.  26, 
'f .  10  Tout  cela  fut  vérifié  par  l'é- 
vénement. 

Il  ne  faut  pas  se  persuader  que 
cette  captivité  ait  été  un  dur  escla- 
vage ;  que  les  Juifs  sous  la  doroi- 


CAP  CAP  429 

nation  des  rois  Assyriens  ,  Mcdcs   nue  du  Messie.  Ibid. ,  ^ .  24.  Cela 
ou  Perses  ,  aient  été  absolunienl   est  précis. 


malheureux.  A  la  réserve  de  l'exer- 
cice public  de  leur  religion  ,  qui  ne 
leur  éloit  ni  permis  ni  possible ,  ils 
jouissoient  de  tous  les  droits  de  su- 
jets; nous  le  voyons  par  les  histoires 
de  Tobie  ,  de  Suzanne  et  d'Esther. 
Ilspossédoient  des  terres  et  les  cul- 
tivoient  ;  plusieurs  furent  élevés 
auxdignités  et  eurentun  très-grand 
crédit  à  la  Cour.  Un  grand  nombre 
de  Juifs  se  trouvèrent  si  bien  en 
Assyrie,  qu'ils  ne  voulurent  pas 
revenir  en  Judée,  lorsque  Cyrus 
leur  en  eut  accordé  la  liberté. 

Aujourd'hui,  quand  on  demande 
aux  Juifs  pourquoi  Dieu  ,  malgré 
les  promesses  qu'il  a  faites  à  leurs 
pères,  les  a  réduits  depuis  dix-sept 
cents  ans  dans  un  état  beaucoup 
plus  fâcheux  que  la  captivité  de  Ba- 
bylone;  pour  quel  crime  Dieu  les  a 
dispersés  ethumiliés  chez  toutes  les 
nations  de  l'univers,  si  ce  n'est  pas 
pour  avoir  mis  à  mort  le  Messie,  ils 
répondent  que  leur  captivité  pré- 
sente est  une  continuation  ou  une 
extension  de  la  captivité  de  Baby- 
lone ,  et  qu'ils  sont  encore  punis 
aujourd'hui  des  anciennes  prévari- 
cations de  leurs  pères.  C'est  une 
espèce  de  proverbe  parmi  eux,  qu'il 
ne  leur  arrive  aucune  calamité 
dans  laquelle  il  n'entre  au  moins 
une.  once  de  l'adoration  du  veau 
d'or. 

Indépendamment  de  l'absurdité 
de  ce  préjugé ,  l'Ecriture  sainte 
fournit  des  preuves  positives  du 
contraire. 

I .°  Les  mêmes  prophètes  qui  ont 
annoncé  la  captivité  de  Babylone  , 
en  ont  aussi  prédit  la  fin  ;  Jérémie 
déclareformellementqu'ellene  du- 
rera que  soixante-dix  ans,  et  Daniel 
Je  comprit  ainsi  en  lisant  ce  pro- 
phète. Jcr^m.  ,  c.  25  et  29  ;  Dan. , 
c.  9.  Un  ange  révèle  à  Daniel  que 
ces  soixante-dix  ans  sont  l'abrégé 
de  soixante-dix  semaines  d'années 
qui  doivent  s'écouler  jusqu'à  la  ve- 


2."  L'édit  de  Cyrus  permit  à  tous 
les  Juifs  sans  exception  de  retour- 
ner dans  leur  patrie  ;  les  termes 
sont  formels  et  illimités.  I.  Esdr., 
c.  i  y"^ .  3.  L'auteur  des  Paralipo- 
mènes  reconnoît,  dans  les  derniers 
versets  du  second  livre,  que  cet 
édit  mit  fin  à  la  captivité.  Il  y  a 
de  l'opiniâtreté  à  soutenir  le  con- 
traire. 

3. "Daniel  et  Néhémiereconnoîs- 
sent  que  les  menaces  de  Moïse  dans 
le  Deutéronomeont  été  accomplies 
à  Babylone.  Dan.,  c.  9,  J^.  11  et 
12  ;  II.  Esdr. ,  c.  i ,  >^.  8.  En  effet  , 
Moïse  dit  aux  Juifs  qu'ils  seront 
transportés  avec  leur  roi  dans  une 
terre  éloignée,  qu'ils  y  serviront 
des  dieux  étrangers  ,  des  dieux  de 
bois  et  de  pierre.  Deut.,  chap.  28  , 
y .  36.  Cela  ne  peut  pas  être  appli- 
qué à  leur  captivité  présente  ;  ils 
n'ont  plus  de  roi ,  ils  ne  sont  forces 
nulle  part  d'adorer  des  idoles. 

4.°Lorsque  les  Juifs  se  plaignent 
à  Babylone  de  ce  que  Dieu  leur  a 
lait  porter  la  peine  des  prévarica- 
tions de  leurs  pères,  Ezéchiel  leur 
soutient  que  cela  est  faux  ,  qu'ils 
sont  punis  pour  leurs  propres  cri- 
mes. Ezéch.,  c.  18.  Ceux  d'aujour- 
d'hui ont  donc  tort  de  répéter  cette 
plainte  absurde  de  leurs  aïeux. 

De  là  nous  concluons  contre  eux 
que  le  crime  pour  lequel  ils  .sont 
punis  depuis  dix-sept  siècles  ,  est 
non-seulement  un  crime  national , 
mais  personnel  à  chacun  des  Juifs  ; 
et  il  n'en  est  aucun  qui  réunisse  ces 
deux  caractères  que  le  déicide  qu'ils 
ont  commis  dans  la  personne  de  Jé- 
sus-Christ.C'estun  crime  national, 
puisque  les  chefs  de  la  nation  l'ont 
rejeté  et  condamné  à  mort  ;  le  peu- 
ple y  a  participé ,  puisqu'il  a  crié  : 
Que  son  sang  soit  sur  nous  et  sur  nos 
enfants.  C'est  un  crime  personnel 
à  chaque  Juif,  puisque  tous  ceux 
qui  n'ont  pas  cru  en  Jésus-Christ , 
ont  applaudi  à  la  conduite  de  leurs 


43o  CAP 

pères  ,  et  ont  tâché  de  la  justifier  ; 
aujourd'hui  encore  tous  blasphè- 
ment contre  ce  divin  Sauveur. 

Que  le  sort  actuel  ait  été  prédit 
ou  non  par  la  prophétie  du  Deulé- 
ronome  ,  cela  est  indifférent  ;  celle 
de  Daniel  est  expresse  ;  il  déclare 
qu'après  le  meurtre  du  Messie ,  la 
dévastation  et  la  désolation  des 
iuifs  dureront  jusqu'à  la  fin.  Dan., 
c.  9  ,  'S''.  27.  Jamais  ils  n'ont  rien 
opposé  de  solide  à  cette  preuve  ac- 
cablante. 

CAPUCIATI ,  encapuchonnés  ; 
on  nomma  ainsi,  sur  la  fin  du  dou- 
zièn[ie  siècle  ,  certains  fanatiques 
qui  firent  une  espèce  de  schisme 
civil  et  religieux  avec  les  autres 
liommes,  et  prirent  pour  marque 
de  leur  association  particulière  un 
capuchon  blanc  auquel  pendoil 
une  petite  lame  de  plomb  ;  leur 
dessein  étoit,  disoient-ils  ,  de  for- 
cer ceux  qui  se  faisoicnt  la  guerre , 
à  vivre  en  paix. 

Cette  idée  vint  dans  la  tête  d'un 
bûcheron  vers  l'an  1 186.  Il  publia 
que  la  sainte  Vierge  lui  avoit  appa- 
ru ,  lui  avoit  donné  son  image  et 
celle  de  son  Filsavec  cette  inscrip- 
tion :  Agneau  de  U'ieu, qui  effacez 
les  péchés  du  monde  ,  donnez-nous 
la  paix;  qu'elle  lui  avoit  ordoiiné 
de  former  une  association  dont  les 
membres  porteroient  cette  image 
avec  un  capuchon  blccnc ,  symbole 
de  paix  et  d'innocence,  s'oblige- 
roient  par  serment  à  conserver  la 
paix  entre  eux  ,  et  forceroient  les 
autres  à  l'observer. 

La  lassitude  et  le  mécontente- 
ment qu'avoienlproduits  dans  tous 
les  esprits  les  divisions  ,  les  guerres 
intestines  ,  l'anarchie  de  ce  mal- 
heureux siéci  ,  donna  de  la  consis- 
tance à  la  fantaisie  bizarre  des  ca- 
puciés  ;  ils  trouvèrent  des  appro- 
bateurs et  firent  des  prosélytes  dans 
tous  les  états,  surtout  en  Bourgo- 
gne et  dans  le  Berri.  Malheureuse- 
ment pour  établir  la  paix  ils  com- 


CA1\ 

mençoient  par  faire  la  guerre,  et 
vivoieut  aux  dépens  de  ceux  qui  ne 
vouloient  pas  se  joindre  à  eux.  I,es 
seigneurs  et  les  évêques  levèrent 
des  troupes ,  dissipèrent  ces  fana- 
tiques ,  et  firent  cesser  leur  brigan- 
dage. 

Mais  on  en  vit  bientôt  paroître 
d'autres ,  les  stadings  ,  les  circon- 
cellions,  les  albigeois,  les  vau- 
dois  ,  etc.  ,  qui  étoieiit  animés  du 
même  esprit  et  commirent  les  mê- 
mes désordres. 

Dans  le  siècle  suivant,  l'an  1387, 
il  y  eut  en  Angleterre  des  capuciés 
d'une  autre  espèce  ;  c'étoient  des 
hérétiques  sectateurs  de  Wiclef , 
qui  ne  vouloient  pas  se  découvrir 
et  gardoient  leur  capuchon  devant 
le  Saint-Sacrement  ;  ils  prirent  la 
défense  d'un  nommé  Pierre  Pares- 
hul  ,  moine  augustin  ,  qui  avoit 
quitté  le  froc,  et  qui ,  pour  justi- 
fier son  apostasie,  accusoit  son  or- 
dre de  plusieurs  crimes.  Labbe  , 
Nout>.  bibl.,  tome  i  ,  p.  477-  D'ar- 
gentré,  Collée.  Judic.  ,  t.  i ,  p.  laS. 
Sponde,  ad  an. 1377. 

CARACTERE.  Ce  terme  en  théo- 
logie signifie  une  marque  spiri- 
tuelle et  ineffaçable  que  Dieu  im- 
prime dans  l'àme  d'un  chrétien  par 
quelques-uns  des  sacrements.  Il  n'y 
en  a  que  trois  qui  opèrent  cet  ef- 
fet, le  baptême,la  confirmation  et 
l'ordre  :  aussi  ne  les  réitère-t-on 
jamais  ,  même  aux  hérétiques  , 
pourvu  qu'en  les  administrant  l'on 
n'ait  rien  manqué  d'essentiel  dans 
la  matière  ni  dans  la  forme. 

La  réalité  de  ce  caractère  est 
prouvée  par  des  passages  de  saint  • 
Paul ,  dont  le  sens  est  à  la  vérité 
contesté  par  les  hérétiques  ,  et 
même  par  quelques  théologiens  ca- 
tholiques ;  mais  dans  cette  ques- 
tion ,  comme  dans  toute  autre,  la 
tradition  doitservir  de  guide.  Saint 
Augustin,  en  écrivant  contre  les 
donatistes  qui  réitéroient  le  bap- 
tême cl  l'ordination  ,  a  supposé  et 


CAU 

a  soutenu  que  ces  sacromeuls  iin- 
prirncnt  un  caraclcic  ineffaçable. 
Ij.  contra  Epist.  J'armcn.,  n."  28. 
Toute  l'Eglise  d'Afrique  a  confir- 
mé cette  vérité  par  son  suffrage  , 
et  c'est  le  sentiment  de  l'Eglise  ca- 
tholique. 

Un  savant  anglican,  qui  le  com- 
bat de  toutes  ses  forces,  soutient 
qu'il  n'en  est  question  dans  aucun 
des  anciens  conciles.  Il  avoue  ce- 

Fendant  que  plusieurs  Pères  de 
Eglise  ont  appelé  le  baptême  le 
sceau,  le  signe,  la  marque  ,  le  ca- 
ractère de  Jésus-Christ  ;  mais  ils 
n'ont  rien  conclu  de  là ,  sinon  qu'il 
ne  faut  pas  réitérer  ce  sacrement. 
Il  ne  s'ensuit  pas,  dit-il,  qu'un 
chrétien  apostat ,  infidèle  ,  excom- 
munié ,  conserve  encore  quelque 
droit  ou  quelque  privilège  en  vertu 
de  son  baptême.  Bingham,  On'g. 
Ecoles. ,  tom.  1 1 ,  p-  256.  Nous  con- 
venons que  le  seul  droit  qui  lui 
reste  est  de  ne  pas  être  rebaptisé 
lorsqu'il  fera  pénitence  et  qu'il 
rentrera  dans  le  sein  de  l'Eglise. 

De  même,  dit  ce  critique  ,  lors- 
que les  anciens  conciles  ont  excom- 
munié ou  dégradé  un  prêtre  ,  ils 
ont  dit  :  Nous  l'avons  privé  du  sa- 
cerdoce et  de  tout  pouvoir  sacer- 
dotal ;  nous  déclarons  qu'il  n'est 
plus  prêtre,  nous  le  privons  même 
de  la  communion  laïque  ,  etc.  Que 
reste-t-il  donc  à  ce  prêtre  dégradé 
en  vertu  de  son  ordination  passée  ? 
Nous  répondons  qu'il  lui  reste  le 
pouvoir  radical  de  l'ordre  ,  et  non 
celui  d'en  faire  les  fonctions.  Cela 
est  si  vrai  que ,  si  ce  prêtre  par- 
vient à  se  faire  absoudre  et  réin- 
tégier ,  on  ne  l'ordonnera  pas  de 
nouveau;  il  recommencera  d'exer- 
cer validement  et  licitement  les 
fonctions  du  sacerdoce.  Il  n'est  pas 
de  l'intérêt  d'un  anglican  de  soute- 
nir le  contraire  ,  puisqu'il  s'en- 
suivroit  que  les  évêqucs  et  les  prê- 
tres d'Angleterre  ,  excommuniés 
comme  hérétiques  par  l'Eglise  ro- 
maine,  ont  perdu  dès  ce  moment 


CAI\  4.3 1 

leur  caractère  et  tous  leurs  pou- 
voirs, conséquemmenl  qu'ils  n'ont 
pu  donner  aucune  ordination  va- 
lide ;  que  le  clergé  de  l'Eglise  an- 
glicane n'est  composé  que  de  purs 
laïques ,  comme  nous  le  préten- 
dons. 

Quant  à  la  nature  du  caractcrf. 
dont  nous  parlons,  les  théologiens 
ne  sont  pas  d'accord  pour  l'expli- 
quer.Comme  le  mot  carac/ère  signi- 
fie littéralement  nne.  gravure ,  il  ne 
peut  être  appliqué  à  notre  iàme  que 
par  métaphore. 

Durand  ,  in  quartum ,  dist.  /^  , 
q.  1  ,  dit  que  le  caractère  n'est  point 
une  qualité  absolue  distincte  de 
l'àrae,  mais  une  simple  dénomi- 
nation extérieure  ,  par  laquelle 
l'homme  baptisé  ,  confirmé  ou  or- 
donné ,  est  disposé  par  la  seule  vo- 
lonté de  Dieu  ,  et  rendu  propre  a 
exercer  soit  passivement,  soit  ac- 
tivement, quelques  fonctions.  Si 
quelqu'un  peut  comprendre  ce 
verbiage,  il  faut  l'en  féliciter. 

D'autres  soutiennent  que  le  ca- 
ractère c^si  une  qualité  réelle  et  ab- 
solue ,  une  puissance  d'exercer  on 
derecevoii  des  choses  saintes  ,  qui 
réside  dans  l'entendement  comme 
dans  son  sujet  immédiat. Tournély, 
deSacram.  in.gen.,  quest.  4,  ar^.2. 
Quand  nons  saurions  lequel  de  ces 
deux  sentiments  est  le  plus  vrai , 
nous  n'en  serions  pas  plus  instruits. 
11  faut  se  borner  à  croire  ce  que 
l'Eglise  enseigne,  renoncer  à  l'am- 
bition de  comprendre  ce  qui  est 
incompréhensible  ,  et  d'expliquer 
ce  qui  est  inexplicable. 

Les  protestants  nient  l'existence 
du  caractère  sacramentel ,  et  disent 
qu'il  a  été  imaginé  par  le  pape  In- 
nocent III  ;  mais  saint  Augustin  a 
vécu  près  de  huit  cents  ans  avant 
ce  pape.  Cependant  les  protestants 
pensent  qu'on  ne  doit  point  réité- 
rer le  baptême  ;  ils  scroicnt  bien 
embarrassés  d'en  donner  une  autre 
raison  que  la  prati<iue  de  l'Eglise. 
S'il  étoil  vraij  comme  ils  le  sou- 


[^7.  CAR 

tiennent,  que  les  sacrements  n'ont 
point  d'autre  effet  que  d'exciter  la 
loi ,  qui  empêcheroit  de  réitérer  le 
baptême  autant  de  fois  qu'on  le  ju- 
geroit  à  propres  i' 

Caractères  hébraïques.  Voyez 
Hébreu. 

Caractères  magiques.  Voyez 
Magie. 

CARAITES  ,  secte  de  Juifs  op- 
posée à  celle  des  rabhiuistes.  Leur 
nom  paroît  dérivé  du  chaldéen 
hara,  écrire  ou  écriture,  parce 
qu'ils  prennent  pour  règle  de  leur 
croyance  le  texte  de  l'Ecriture  seul, 
et  font  peu  de  cas  des  traditions 
des  rabbins ,  et  de  leur  préten- 
fpie  loi  orale  renfermée  dans  le 
Talmud. 

Nous  ne  nous  arrêterons  point 
à  ce  que  les  hébraïsants ,  juifs  ou 
autres,  ont  écrit  au  sujet  des  ca~ 
ra'Ues  ;  parce  qu'ils  ne  s'accordent 
point,  et  que  leurs  conjectures  ne 
sont  fondées   sur  aucune  preuve. 

Ce  qui  paroît  de  plus  probable, 
est  que  la  secte  des  cardites  a  com- 
mencé au  sixième  siècle  de  notre 
ère  ,  peu  de  temps  après  la  compi- 
lation du  Talmud.  Les  plus  sensés 
d'entre  les  juifs,  rebutés  des  vi- 
sions, des  puérilités,  des  erreurs 
rassemblées  dans  cet  énorme  re- 
cueil,  prirent  le  parti  de  s'en  tenir 
au  texte  des  livres  saints ,  et  de 
rejeter  toutes  ces  traditions  rab- 
biniques.  Du  moins  les  plus  mo- 
dérés consentirent  à  les  regarder 
seulement  comme  un  secours  qui 
pouvoit  servir  jusqu'à  un  certain 
point  à  expliquer  l'Ecriture  sainte 
et  les  divers  usages  de  la  loi  de 
Moïse ,  mais  qui  n'avoit  d'autorité 
qu'autant  que  l'on  pouvoit  juger 
que  les  auteurs  de  ce  commentaire 
avoient  bien  rencontré. 

De  là  les  rabbinistes  ou  rabba- 
nistes , partisans  zélés  du  Talmud, 
et  qui  lui  attribuent  autant  d'au- 
torité qu'au  texte  même  de  l'Ecri- 
ture ,  regardent  les  cardt'ics  comme 


CAR 

des  schismatiques  et  des  héréti- 
ques, leur  attribuent  gratuitement 
une  infinité  d'erreurs  ,  et  les  dé- 
testent presque  autant  que  les 
anciens  Juifs  abhorroient  les  Sa- 
maritains Ou  croit  que  ce  fut  un 
juif  babylonien  ,  nommé  Anan  , 
qui,  vers  l'an  ySo  ,  se  déclara  ou- 
vertement contre  les  traditions  du 
Talmud,  et  consomma  le  schisme 
qui  jusqu'alors  n'avoit  pas  éclate. 

Les  rabbins  ,  qui  ont  donné  aux 
cardiles  le  nom  de  sadducéens^  son  t 
évidemment  injustes  ;  puisque  les 
cardiles  admettent  les  dogmes  que 
nioient  lessadduceens,  l'existence 
des  esprits ,  l'immortalité  de  l'âme, 
les  peines  et  les  récompenses  de  la 
vie  future,  et  les  px'ouvent  par  le 
texte  des  livres  saints.  Ils  lisent 
l'Ecriture  et  leur  liturgie  en  pu- 
blic et  en  particulier  dans  la  lan- 
gue du  pays  où  ils  vivent  ;  à  Con- 
stantinople  en  grec ,  à  CafFa  en 
turc ,  en  Perse  en  persan ,  et  en 
arabe  dans  tous  les  lieux  où  cette 
langue  est  vulgaire. 

On  prétend  qu'il  y  a  Am  cardites 
en  Pologne  ,  en  Russie ,  dans  la 
Crimée,  au  Caire,  à  Damas,  dans 
la  Perse  et  à  Constantinople ,  mais 
en  assez  petit  nombre,  puisqu'on 
ne  peut  pas  les  porter  au-delà  de 
quatre  à  cinq  mille  en  tout  ;  on 
ajoute  quece  sont  les  plus  honnêtes 
gens  parmi  les  Juifs.  On  connoît 
peu  de  leurs  livres  en  Europe  ; 
ils  mériteroient  cependant  mieux 
d'être  connus  que  ceux  des  rabbins. 
On  y  verroit  que ,  dans  l'explica- 
tion d'une  infinité  de  passages  de 
la  loi  et  des  prophètes  ,  ils  se  rap- 
prochent beaucoup  du  sens  qu'y 
donnent  les  chrétiens. 

Mais  s'il  est  permis  d'élever  ici 
un  soupçon  ,  nous  observerons  que 
les  cardiles  ne  nous  sont  connus 
que  par  des  écrivains  protestants; 
il  est  dangereux  que  la  confirmilé 
que  ces  derniers  ont  trouvée  entre 
leurs  principes  et  ceux  des  cardites, 
ne  les  ait  un  peu  prévenus  en  fa- 


CAR 

*  veur  dcceUiï  secte  juive;  c'est  par 
les  livres  de  ses  docteurs  qu'il  fau- 
droit  en  juger.  Voyez  Prideaux  , 
Hist.  des  Juifs,  liv.  i3  ,  n.°  3  ,  l.  2, 
in-4-°,  pag.  162.  Bruckcr,  Hist. 
crit.  philos.  ,  t.  a  ,  p.  ySo  et  suiv. 

CARDINALES  (Vertus).  La 
prudence,  la  justice  ,  la  force,  la 
tempérance,  sont  nommées  par  les 
théologiens  vertus  cardinales  ou 
principales  ;  parce  queles  philoso- 
phes moralistes  ont  rapporté  à  ces 
quatre  chefs  tous  les  actes  de  vertu. 
On  peut  douter  si  cette  division 
est  fort  juste.  Le  nom  de  vertu  si- 
gnifie la  force  de  l'âme  ;  dans  ce 
sens  tout  acte  de  vertu  est  une  ac- 
tion de  force  ;  nous  ne  voyons  pas 
pourquoi  la  religion  n'est  pas  au- 
tant vertu  cardinale  que  la  pru- 
dence ou  la  justice.  Toute  vertu 
peut  être  pratiquée  par  un  motif 
de  religion  ,  et  les  actes  de  celle-ci 
n'ont  pas  besoin  d'un  autre  motif 
que  celui  qui  lui  est  propre. 

CAREME ,  quadragesima ,  jeûne 
de  quarante  jours,  observé  par  les 
chrétiens  pour  se  préparer  à  célé- 
brer la  fête  de  Pâques. 

Suivantsaint  Jérôme,  saintLéon, 
saint  Augustin  et  la  plupart  des 
Pères  du  quatrième  et  du  cinquième 
siècle,  le  carêmes  été  institué  par 
les  apôtres.  Voici  comment  ils  rai- 
sonnent. Ce  que  l'on  trouve  établi 
dans  toute  l'Eglise,  sans  que  l'on 
en  voie  l'institution  dans  aucun 
concile,  doit  passer  pour  un  éta- 
blissement fait  par  les  apôtres. 
Saint  Augustin,  de  Bapt.  contra 
Dnnat.  ,  liv.  4»  c-  24.  Or,  tel  est 
le  jeûne  du  carême;  le  soixante- 
neuvième  canon  des  apôtres,  le 
concile  de  Nicée  tenu  en  SaS  ,  celui 
de  Laodicée  de  l'an  365  ,  les  Pères 
grecs  et  latins  du  second  et  du 
troisième  siècle,  en  parlent  comme 
d'un  usage  observé  dans  toute 
l'Eglise. 

Les  prolestants  ont  prétendu  que 


CAll 


433 


le  jeùnedu  cflr<?V//eavoit  été  d'abord 
institué  par  une  espèce  de  super- 
stition et  par  des  hommes  simples, 
qui  voulurent  imiter  le  jeûne  de 
Jésus-Christ;  qu'ensuite  celte  cou- 
tume s'établit  peu  à  peu ,  et  devint 
à  peu  près  générale.  Chemnilius, 
Daillé  ,  un  Anglois  nommé i/ooyscr, 
ont  disserté  fort  au  long  contre 
cette  institution  ,  et  n'ont  rieu  né- 
gligé pour  en  rendre  l'origine  sus- 
pecte. Mais  ils  ont  été  savamment 
réfutés  sur  tous  les  points  par  Bé- 
véridgc  ,  évêque  de  Saint-Àsaph  , 
théologien  anglican,  dans  ses  Notes 
sur  les  Canons  des  apôtres,  liv.  3. 
VoyezPP.  Apost. ,  tom.  a  ,  seconde 
partie ,  p.  i34  et  suiv. 

Mosheim  s'est  trouve  forcé  de 
convenir  que  les  preuves  et  les  rai- 
sonnements de  cet  auteur  sont 
très-forts.  Après  un  pareil  aveu  , 
ilaeumauvaise  grâce  de  prétendre, 
comme  Daillé ,  que  la  durée  et  la 
forme  du  jeûne  du  carême  n'ont 
été  déterminées  qu'au  quatrième, 
siècle;  puisque  Bévéridge  a  fait 
voir  que  selon  le  concile  de  Nicée , 
tenu  l'an  325 ,  le  carême  étoit  un 
u&age  déjà  connu  et  observé  dans 
toute  la  chrétienté. 

Leur  plus  fort  argument  est  un 
passage  de  saint  Irénée  ,  cité  par 
Eusèbe  ,  liv.  5  ,  c.  24 ,  qui  dit  que 
de  son  temps,  c'est-à-dire,  sur  la 
fin  du  second  siècle ,  les  uns 
croyoient  qu'ils  dévoient  jeûner 
un  jour,  les  autres  deux,  ceux-ci 
plusieurs  jours  ,  ceux-là  quarante. 
Donc,  disent-ils  ,  il  n'y  avoit  en- 
core pour  lors  rien  de  constantni 
d'uniforme  sur  ce  point  de  disci- 
pline. Mais,  comme  l'observe  Bé- 
véridge ,  saint  Irénée  n'en  demeure 
pas  là;  il  ajoute  que  cela  est  venu 
de  ce  que  quelques  anciens  n'ont 
pas  été  exacts  à  retenir  la  forme 
du  jeûne,  et  ont  laissé  passer  en 
coutume  ce  qui,  venoit  de  simpli- 
cité et  d'ignorance.  Ibid. ,  p.  i56 
et  157.  Or,  quelle  étoit  la  forme 
dujcûne  au  second  sièclei"  Origène^ 
a!J 


43/t 


CAR 


qui  a  vécu  cinquante  ans  après 
saint  Irénée,  nous  apprend  qu'elle 
étoit  de  quarante  jours.  Hom.  lo 
in  Lei>it. ,  n.°  2.  C'étoit  donc  par 
simplicité  et  par  ignorance  que 
quelques-uns  ne  l'observoient  pas 
ainsi.  Bévéridge  conclut  que  M.  de 
Valois  et  les  autres  critiques  ont 
mal  pris  le  sens  du  passage  de  saint 
Irénée,  qui  est  assez  obscur. 

D'autres  protestants  ont  dit  que 
ce  fut  le  pape  Télesphorequi  insti- 
tua le  carême  vers  le  milieu  du  se- 
cond siècle  ,  que  ce  jeûne  étoit  d'a- 
bord volontaire,  qu'il  n'y  eut  de 
loi  que  vers  le  milieu  du  troisième. 
Il  est  fâcheux  que  les  Pères  de  ces 
temps-là  aient  ignoré  cette  anec- 
dote. Lorsque  saint  Télesphorefut 
placé  sur  le  siège  de  Rome ,  il  y 
avoit  trente  ans  au  plus  qxie  saint 
Jean  étoit  mort;  cela  nous  rap- 
proche beaucoup  du  temps  des 
apôtres. Maisles  protestants  y  ont- 
ils  pensé,  lorsqu'ils  ont  attribué  à 
un  pape  du  second  siècle  le  pou- 
voir d'introduire  un  nouvel  usage 
dans  toute  l'Eglise  ?  "Victor,  l'un 
de  ses  successeurs,  soixante  ans 
après,  en  avoit  beaucoup  moins  , 
puisqu'une  partie  de  l'Asie  lui 
résista  au  sujet  de  la  célébration 
de  la  pàque. 

Quand  l'institution  du  carême 
jieremonteroit  qu'au  second  siècle, 
elle  seroit  assez  ancienne  pour  que 
les  réformateurs  eussent  dû  la  res- 
pecter, s'ils  avoient  eu  envie  de 
perfectionner  les  mœurs ,  et  non 
de  les  relâcher. 

Anciennement ,  dans  l'Eglise 
latine ,  le  jeûne  n'étoit  que  de 
trente-six  jours  ;  dans  le  cinquiè- 
me siècle,  pour  imiter  plus  pré- 
cisément le  jeûne  de  quarante 
jours  observe  par  Notre-Seigneur, 
quelques-uns  ajoutèrent  quatre 
jours  ,  et  cet  usage  a  été  suivi  dans 
l'Occident,  excepté  dans  l'Eglise 
de  Milan. 

Les  Grecs  commencent  le  ca- 
rême une  semaine  plus  tô  t  quenous; 


CAR 

mais  ils  ne  jeûnent  point  le  sa- 
medis ,  excepté  le  samedi  de  la  se- 
maine sainte. 

Les  anciens  moines  latins  fai- 
soient  trois  carêmes  :  le  principal 
avant  Pâques,  l'autre  avant  I^oél 
(on  l'appeloit  le  carême  delaSainl- 
Martin),  le  troisième,  de  saint 
Jean-Baptiste  ,  après  la  Pentecôte; 
tous  les  trois  de  quarante  jours. 

Outre  celui  de  Pâques,  les  Grecs 
en  observoient  quatie  autres  , 
qu'ils  nommoient  des  apôtres  ,  de 
l'Assomption,  de  îs'oël  et  de  la 
Transfiguration  ;  mais  ils  les  ré- 
duisoient  à  sept  jours  chacun.  Les 
jacobites  en  ïont  un  cinquième , 
qu'ils  appellent  de  la  pénitence 
de  Ninive,  et  les  maronites  un 
sixième,  qui  est  celui  de  l'Exalta- 
tion de  la  Sainte  Croix.  De  tous 
temps  les  Orientaux  ont  été  grands 
jei\neurs. 

Le  huitième  concile  de  Tolède, 
de  l'an  653  ,  ordonne  que  ceux  qui, 
sans  nécessité,  auront  mangé  delà 
viande  en  carême,  n'en  mangeront 
point  pendant  toute  l'année,  et  ne 
communieront  point  à  Pâques. 
Ceux  que  le  grand  âge  ou  la  ma- 
ladie obligent  à  en  manger,  ne  le 
feront  que  par  permission  de  l'é- 
vpque.  Can.  8. 

Insensiblement  la  discipline  de 
l'Eglise  s'est  relâchée  sur  la  ri- 
gueur du  carême.  Dans  les  premiers 
temps,  le  jeûne,  même  dans  l'Oc- 
cident, consistoit  à  s'abstenir  de 
viande,  d'œufs,  de  laitage,  de  vin, 
et  à  ne  faire  qu'un  seul  repas  après 
les  vêpres  ou  vers  le  soir  ;  cet  usage 
a  duré  jusqu'à  l'an  1200.  Mais  avant 
l'an  800,  on  s'étoil  déjà  permis 
l'usage  du  vin ,  des  œufs  et  du  lai- 
tage. Quelques  intempérants  pré- 
tendirent que  la  volaille  n'étoit 
pas  un  mets  défendu  ,  et  voulu- 
rent en  manger  ;  on  réprima  cet 
abus 

Dans  l'Eglise  d'Orient,  le  jeûne 
a  toujours  été  fort  rigoureux  ;  pen- 
dant lecarêmc  la  plupart  des  chré- 


CAR 

liens  vivoienl  de  pain  cl  dVau  ,  île 
fruits  secs  et  de  légumes.  LesGrccs 
dînaient  à  midi ,  et  faisoient  colla- 
tion d'herbes  et  de  fruits  verts ,  le 
soir,  dés  le  sixième  siècle.  Les  La- 
tins commencèrent  dans  le  trei- 
zième à  prendre  quelques  conserves 
pour  soutenir  l'estomac,  ensuite 
à  faire  collation  le  soir.  Ce  nom  a 
été.  emprunté  des  religieux  qui  , 
après  souper,  écoutoient  la  lec- 
ture des  conférences  des  saints 
Pères ,  appelées  en  latin  collationes; 
après  quoi  on  leur  permettoit  aux 
jours  de  jeûne  de  boire  de  l'eau 
ou  un  peu  de  vin  ,  et  ce  léger  ra- 
fraîchissement se  nomma  aussi 
collation. 

Le  dîner  des  jours  de  jeûne  ne 
se  fit  cependant  pas  tout  d'un  coup 
à  midi.  Le  premier  degré  de  ce 
changement  fut  d'avancer  le  repas 
à  l'heure  de  none  ,  c'est-à-dire  ,  à 
trois  heures  après  midi.  Alors  on 
disoit  none,  ensuite  la  messe  et  les 
vêpres,  après  quoi  on  alloit man- 
ger. Vers  l'an  i5oo,  on  avança  les 
vêpres  à  l'heure  de  midi,  et  Ton 
crut  observer  l'abstinence  pres- 
crite en  s'abstenant  de  viande 
pendant  la  quarantaine ,  et  en  se 
réduisant  à  deux  repas,  l'un  plus 
fort,  l'autre  trè^-léger,  vers  le 
soir. 

Nos  historiens  ont  remarqué 
que  ,  pendant  l'invasion  que  firent 
en  France  les  Anglois,  l'an  i36o, 
leur  armée  et  les  troupes  françoises 
observoient  l'abstinence  et  le  jeûne 
du  carême.  Froissart,  1.  2  ,  c.  210. 

Dès  l'origine,  on  joignit  au  jeûne 
du  carême  la  continence,  l'absti- 
nence des  jeux,  des  divertissements 
et  des  procès.  Il  n'est  pas  permis 
de  se  marier  pendant  le  carême, 
sans  une  dispense  de  l'évêque. 
Voyez  Thomassin ,  Traité  hisior. 
et  polit,  du  Jeûne. 

Les  épicuriens  de  notre  siècle 
ont  disserté  avec  leur  zèle  ordi- 
nairecoutre  l'abstinence  et  le  jeûne 
du  carême,  et  ils  ont  cherché  à  se 


(:ai\ 


43S 


parer  d'un  motif  de  bien  public. 
Ils  disent  qu'à  Paris  le  maigre  est 
cher,  mauvais  et  peu  substantiel  ; 
que  le  peuple  ,  obligé  de  travailler, 
est  hors  d'état  de  faire  abstinence 
et  de  jciiner. 

Mais  dans  les  siècles  passés  le 
maigre  é toit- il  moins  cher  ou  meil- 
leur qu'il  n'est  aujourd'hui  ,  et  le 
peuple  étoit-il  moins  assujéti  au 
travail  ?Les  politiques  de  ces  temps- 
là  n'ont  point  jugé  qu'il  fallût  abo- 
lir le  carême.  Ils  l'observoient 
eux-mêmes ,  et  trouvoient  bon  que 
personne  ne  s'en  dispensât.  Ceux 
qui  violent  aujourd'hui  la  loi, 
voudroient  que  tout  le  monde  sui- 
vît leur  exemple,  afin  que  leur 
turpitude  fût  moins  remarquée. 

Le  taux  des  vivres  à  Paris  n'est 
pas  la  règle  de  l'univers  entier. 
Dans  les  provinces  les  pauvres 
mangent  rarement  de  la  viande , 
le  peuple  vit  de  laitage  et  de  lé- 
gumes, et  ne  s'en  porte  pas  plus 
mal.  Ce  n'est  pas  lui  qui  se  plaint 
du  carême  ,  ce  sont  les  riches  fa- 
tigués de  la  somptuosité  de  leur 
table.  Si  à  la  pratique  du  jeûne 
ils  joigiioient  celle  de  l'aumône, 
comme  l'Eglise  le  prescrit,  les  pau- 
vres vivroient  mieux  et  plus  com- 
modément en  carême  que  pendant 
le  reste  de  l'année  ;  ils  béniroient 
Dieu  de  cette  institution  salutaire. 

L'Eglise  anglicane  a  conservé  le 
carême,  non  par  un  motif  de  poli- 
tique ,  ni  par  un  intérêt  de  com- 
merce ,  comme  quelques  spécula- 
teurs l'ont  imaginé  ,  mais  parce 
que  c'est  une  institution  des  apô- 
tres aussi  ancienne  que  le  christia- 
nisme. Voyez  VHisi.  des  Variât.  , 
liv.  y,  n.°  90;  Béoéridge ,  dans 
l'endroit  que  nous  avons  cité;  Tho- 
massin, Traité  du  jeûne,  etc. 

CARLOSTADIENS.  Voyez  Lu- 
thériens. 

CARMEL.  Il  y  a  deux  monta- 
gnes qui  ont  porté  ce  nom  dans  la 


ià(i  CAR 

Palestine ,  Tune  au  midi  près  d'Ué- 
bron ,  l'autre  plus  au  nord  près  de 
Ptoléraaïde.  Saint  Jérôme  dit  que 
c'étoit  un  lieu  planté  de  vignes  , 
très-fertile  et  fort  agréable  ;  in 
[sa'iam,  c.  i6,  S-  ïo.  Souvent  ce 
nom  est  employé  dans  TEcriturc 
pour  exprimer  la  fertilité  et  l'a- 
îiondance.  C'est  sur  la  seconde  de 
ces  montagnes  que  le  prophète 
Elie  et  son  disciple  Elisée  ont  ha- 
bité ;  mais  il  n'y  a  aucune  preuve 
que  c'ait  été  un  lieu  de  dévotion. 
La  confrérie  de  Notre-Dame  du 
Mont-Carmel ,  ou  du  Scapulaire  , 
est  connue  depuis  la  An  du  trei- 
zième siècle.  Voyez  Scapulaire. 

CAROLINS    (  Livres  ).    Voyez 

falAGR. 

CARPOCRATIENS  ,  secte  d'hé- 
rétiques  du  second  siècle;  c'étoit 
une  branche  de  gnostiques.  Us  eu- 
rent pour  chef  Carpocrate  d'A- 
lexandrie, espèce  de  philosophe  mal 
instruit  et  mal  converli,  dont  les 
mœurs  étoient  très  -  corrompues  , 
et  qui  voulut  allier  le  christianis- 
me avec  les  idées  de  la  philosophie 
païenne;  à  peu  près  contemporain 
de  Basilide  et  de  Saturnin,  il  donna 
dans  les  mêmes  erreurs  ,  et  y  en 
ajouta  de  nouvelles. 

Pour  expliquer  la  trop  célèbre 
question  de  l'origine  du  mal  ,  il 
supposa  ,  comme  Platon  ,  que  le 
monde  n'avoit  pas  été  créé  par  un 
Dieu  suprême  infiniment  puissant 
et  bon ,  mais  par  des  génies  infé- 
rieurs très-peu  soumis  à  Dieu.  On 
conçoit  par  là  que  tous  ces  raison- 
neurs n'admettoientpas  la  création 
prise  dans  la  rigueur  du  terme  ; 
comment  des  êtres  inférieurs  à 
Dieu  pourroient-ils  être  doués  du 
pouvoir  crcaieiir? 

Pour  rendre  raison  des  imper- 
fections, des  misères ,  des  foiblesses 
de  l'homme  ,  Carpocrate  supposa 
la  préexistence  des  ânies,  prétendit 
qu'elles  avoient  péché  dans  une  vie 


CAR 

antérieure;  qu'en  punition  de  leur 
crime  elles  avoient  été  condamnée» 
à  être  renfermées  dans  les  corps  » 
et  soumises  à  l'empire  des  génies 
créateurs  du  monde  ;  que,  pour 
plaire  à  ces  génies,  il  falloit  satis- 
faire tous  les  désirs  de  la  chair  et 
tous  les  mouvements  des  passions. 
II  conclaoit  qu'aucune  action  n'est 
bonne  ou  mauvaise  ,  vertueuse  ou 
criminelle  en  soi ,  mais  seulement 
selon  l'opinion  des  hommes.  C'é- 
toit aussi  la  morale  des  philosophes 
de  la  secte  cyrénaïque. 

Toute  âme  ,  ajoutoient  les  car- 
pocraiiens,  qui  n'a  pas  accompli  en 
cette  vie  toutes  les  œuvres  de  la 
chair,  est  condamnée  après  la  mort 
à  passer  dans  d'autres  corps  ,  jus- 
qu'à ce  qu'elle  ait  satisfait  à  toute 
cette  dette.  La  concupiscence  est 
cet  ennemi  dont  parle  l'Evangile  , 
Matth.,  cap.  5  ,  ^'.  20,  avec  lequel 
nous  devons  nous  accorder  pen- 
dant que  nous  marchons  avec  lui, 
de  peur  qu'il  nous  fasse  payer  jus- 
qu'à la  dernière  obole.  Conséquem- 
ment  ces  hérétiques  se  livroient  à 
l'impudicité  ,  établissoient  la  com- 
munauté des  femmes ,  blàmoient 
les  jeiines  et  les  mortifications  ,  ne 
cherchoient  que  le  plaisir,  avoient 
des  mœurs  très-licencieuses. 

Us  avoient  de  Jésus-Christ  une 
idée  très-bizarre.  Selon  eux,  l'àme 
de  Jésus-Christ ,  avant  d'être  in- 
carnée, avoit  été  plus  fidèle  à  Dieu 
que  les  autres.  C'est  pour  cela  que 
Dieu  lui  avoit  conservé  plus  de  con- 
noissance  qu'aux  autres  hommes  , 
plus  de  force  pour  vaincre  les  gé- 
nies ennemis  de  l'humanité,  et 
pour  retourner  au  ciel  nialgré 
eux.  Dieu,  disoient-ils,  accorde  la 
même  grâce  à  ceux  <[ui  aiment  Jé- 
sus-Christ ,  et  qui  connoissent 
comme  lui  la  dignité  de  leur  âme. 

Les  carpocratiens  regardoient 
donc  Jésus-Christ  comme  un  pur 
homme ,  quoique  plus  parfait  que 
les  autres,  le  croyoientfils  de  Jo- 
seph et  de  Marie,  avouoient  ses 


CAR 

miracles  et  ses  souffrances.  On  ne 
les  accuse  point  d'avoir  nié.  sa  ré- 
surrection, mais  d'avoir  nié  la  ré- 
surrection générale,  et  d'avoir  dit 
que  l'àme  seule  de  Jésus -Christ 
etoit  remontée  au  ciel. 

Conséquemraent  ils  prétendoient 
que  l'on  pouvoit  égaler  Jésus  - 
Christ  en  connoissances ,  en  vertus 
et  en  miracles  ;  quelques  -  uns  de 
ces  sectaires  se  flattoient  même  de 
le  surpasser;  et,  pour  le  persuader 
aux  ignorants ,  ils  pratiquoient  la 
magie,  absurdité  très  -  commune 
parmi  les  philosophes  de  ces 
temps-là. 

Tel  est  le  tableau  que  saint  Iré- 
née  a  fait  de  ces  hérétiques  ,  li- 
vre I,ch.  aS  ;  personne  ne  pouvoit 
les  mieux  connoître  que  lui,  puis- 
qu'il a  vécu  dans  le  même  siècle  ; 
les  autres  Pères  en  ont  parlé  de 
même. 

Voilà  une  secte  de  prétendus 
philosophes  qui  enseignoient  une 
doctrine  très-opposée  à  celle,  des 
apôtres  ,  qui  n'étoient  donc  pas 
subjugués  par  leur  autorité,  et  qui 
cependant  convenoient  des  piin- 
cipaux  faits  publiés  par  les  apô- 
tres, des  vertus,  des  miracles,  des 
souffrances,  de  la  résurrection  de 
Jésus-Christ  ;  selon  saint  Epiplia- 
ne  ,  les  carpocraiiens  et  les  cérin- 
thiens  admettoieut  l'évangile  de 
saint  Matthieu  ,  Hœr.  ,  28  et  3o. 
Comment  les  incrédules  peuvent- 
ils  soutenir  aujourd'hui  que  les 
faits  publiés  par  les  apôtres, etl'his- 
toire  qui  les  rapporte ,  n'ont  été 
crus  que  par  le  peuple,  par  des 
ignorants  ,  par  des  imbéciles  que 
les  apôtres  avoient  subjugués? 

Mais  les  impudicités  et  les  désor- 
dres auxquels  ces  sectaires  étoient 
livrés,  causoient  au  christianisme 
le  plus  grand  préjudice. Les  païens 
rtoient  incapables  de  discerner  les 
vrais  chrétiens  d'avec  les  faux;  ils 
allribuoient  à  tous   en   général  la 

Eerversité  des  mœurs  de  quelques 
érétiques ,  cl  les  prestiges  de  ces 


CAS  U^-j 

derniers  décréditoicnlles  vrais  mi- 
racles opérés  par  les  apôtres  et  par 
leurs  disciples.  Les  Pères  de  l'EglLsc 
nous  font  remarquer  cet  inconvé- 
nient. Saint  Epiphane  ,  Hœres, 
34,  etc.  Celse  s'en  prévaloit  contre 
les  chrétiens;  il  parle  d'une  secte 
des  carpocraticns  qu'Origène  fait 
profession  de  ne  pas  connoître. 
Contra.  Cels.  ,  liv.  5,  n.°  62.  Il 
est  probable  qu'il  vouloit  parler 
des  carpocraiiens. 

Mosheim,  Hist.  christ.,  sœc.  a, 
§  9 ,  a  parlé  des  carpocraiiens  sur 
le  même  ton  que  des  autres  héré- 
tiques du  second  siècle;  il  ne  peut 
se  persuader  que  Carpocrale  ait 
enseigné  toutes  les  absurdités  et 
les  infamies  que  les  Pères  de  l'Eglise 
lui  ont  attribuées;  il  soupçonne  ou 
qu'on  l'a  mal  entendu ,  ou  que  l'on 
a  supprimé  les  correctifs  par  les- 
quel.s  il  adoucissoit  peut-être  ce 
que  sa  doctrine  présentoit  d'abord 
de  plus  révoltant,  etc.  Par  cette 
méthode,  il  n'est  point  d'insensé  , 
d'imposteur  ,  de  blasphémateur, 
que  l'on  ne  puisse  excuser. Il  est  fâ- 
cheux que  cette  charité  de  Mosheim 
envers  les  hérétiques  dégénère  eji 
malignité  à  l'égard  des  Pères  de 
l'Eglise;  on  diroit  qu'il  ne  cherche 
à  excuser  les  premiers  que  pour 
donner  plus  mauvaise  opinion  des 
seconds  :  cette  affectation  est  trop 
marquée,  pour  ne  pas  êtreaperçue 
par  tous  les  lecteurs  non  prévenus; 
par  conséquent  elle  ne  peut  plus 
faire  impression  sur  aucun  esprit 
sensé.  Le  Clerc  a  été  plus  circon- 
spect. 

CAS  DE  CONSCIENCE ,  ques- 
tion de  morale  relative  aux  devoirs 
de  l'homme  et  du  chrétien  ,  qui 
consiste  à  savoir  si  telle  action  est 
permise  ou  défendue  ,  ou  à  quoi 
peut  être  obligé  un  homme  dans 
telles  circonstances.  C'estaux  théo- 
logiens casu/s/cs  qu'appartient  cette 
décision  ;  c'est  à  eux  d'en  juger  se- 
lon les  lumières  de  la  raison  ,  les 


438  CAS 

lois  de  la  société  ,  les  canons  de 
l'Eglise  et  les  maximes  de  l'Evan- 
gile :  quatre  grandes  autorités  qui 
ne  peuvent  jamais  être  en  contra- 
diction, mais  dont  la  dernière  doit 
l'emporter  sur  les  autres  ;  parce 
qu'il  est  beaucoup  plus  aisé  devoir 
si  l'Evangile  a  prescrit  ou  défendu 
telle  action  ,  que  de  )*iger  si  elle  est 
conforme  ou  contraire  à  la  droite 
raison    et  au    bien   de  la  société. 

Pour  savoir  si  une  décision  des 
casuistes  est  vraie  ou  fausse,  il  faut 
bien  examiner  les  termes  dans  les- 
quels la  question  leur  a  été  propo- 
sée :  parce  qu'une  circonstance 
omise  ou  changée  dans  l'exposition 
du  cas,  doit  souvent  changer  ab- 
solument la  décision  :  et  il  en  est 
de  même  à  l'égard  des  consulta- 
tions des  avocats  et  des  canonistes. 

II  seroit  assez  inutiled'examiner 
lequel  des  deux  porte  le  plus  de 
préjudice  à  la  société,  celui  qui  at- 
taque les  dogmes  et  les  preuves  de 
la  religion  ,  ou  celui  qui ,  par  des 
principes  trop  relâchés,  travaille 
à  corrompre  la  morale;  l'un  et 
l'autre  de  ces  abus  sont  pernicieux: 
tous  deux  doivent  être  réprimés. 

Déjà  les  censeurs  les  plus  sévères 
des  casuistes  conviennent  que  dans 
la  foule  de  ceux  qui  ont  été  con- 
vaincus de  relâchement  dans  les 
principes,  il  en  est  à  peine  un  seul 
que  l'on  puisse  accuser  de  relâche- 
ment dans  la  conduite;  que  tous 
semblentn'avoir  été  indulgents  que 
pour  les  autres  ;  que  leurs  mœurs 
personnelles  n'avoient  rien  de  com- 
mun avec  leurs  maximes.  Est -il 
bien  sûr ,  au  contraire,  que  les  ca- 
suistes les  plus  rigides  suivent  exac- 
tement dans  leur  conduite  la  sévé- 
rité de  leurs  décisions  ?  Les  pre- 
niiers  peuvent  être  excusés  par  la 
droiture  de  leurs  intentions  :  ils 
raisonnoient  mal ,  mais  sans  aucun 
intérêt;  ils  craignoient  de  rendre 
la  morale  odieuse  aux  âmes  foi- 
bles:  ils  avoient  tort,  sans  doute; 
mais  ils  ne  voyoient  pas  les  suites 


CAS 

funestes  de  leurs  décisions  ,  et  ils 
n'avoient  aucun  dessein  de  s'y 
conformer  eux-mêmes 

Peut-on  en  dire  autant  des  in- 
crédules qui  attaquent  la  religion 
par  leurs  écrits  ?  Peuvent-ils  avoir 
un  dessein  louable  ?  Ils  n'ont  reçu 
d'aucune  puissance  la  commission 
d'inspirer  des  doutes  aux  croyants, 
ni  de  troubler  leur  repos.  Le  ton 
impérieux  de  leurs  écrits ,  la  témé- 
rité de  leurs  assertions  ,  la  mali- 
gnité de  leurs  reproches,  l'infidélité 
de  leurs  citations,  ne  sont  pas  des 
moyens  fort  honnêtes  de  persuader 
et  de  gagner  la  confiance.  Les  ca- 
suistes ont  écrit  dans  une  langue 
qui  n'est  pas  celle  du  vulgaire  ;  il» 
étoient  moralement  sîirs  que  leurs 
ouvrages  ne  seroient  consultés  que 
par  des  théologiens ,  que  leurs  gros 
volumes  demeureroient  renfermés 
dans  les  bibliothèques.  Au  con- 
traire ,  nos  incrédules  modernes 
écrivent  pour  le  public  et  pour  les 
femmes,  répandent  des  brochures , 
font  tous  leurs  efforts  pour  que  le 
poison  pénètre  jusque  dans  les  der- 
niers états  de  la  société. 

Plusieurs  d'entr'eux  conviennent 
que  la  corruption  des  mœurs  s'en- 
suit infailliblement  de  l'irréligion, 
que  Bourdaloue  et  d'autres  l'onl 
démontré  ;  et  nous  n'en  sommes 
que  trop  convaincus  par  l'expé- 
rience. Est-il  aussi  certain  que  les 
décisions  des  casuistes  relâchés  du 
dernier  siècle  ont  beaucoup  inilué 
sur  la  dépravation  de  nos  mœurs? 
Nous  n'a  vons  point  d'autres  garants 
de  ce  fait  que  des  clameurs  départi. 
Ceux  qui  ont  crié  le  plus  haut,  ont 
peut-être  contribué  plus  que  per- 
sonne ,  par  l'absurdité  de  leurs 
systèmes ,  à  faire  éclore  l'irréligion .' 

Cas  de  coNsasKcE.  Voyez  Jan- 
sénisme. 

CASSIEN,  abbé  du  monastère 
de  Saint-Victor  de  Marseille,  mort 
peu  après  l'an  433  ,  a  été  célèbre 
au  commencement  du  cinquième 


CAS 

siècle,  par  ses  vertus  et  par  ses 
écrits.  Ou  a  de  lui  un  livre  de  Vln- 
carnation  ,  contre  Nestorius  ,  les 
Institutions  de  la  vie  monastique  en 
douze  livres,  un  de  Conférences 
s/iirituelles.  Dans  le  treizième,  Cas- 
sirn  a  paru  enseigner  Terreur  des 
semi-pelagiens;  c'est  pour  le  rélu- 
1er  que  saint  Prosper  écrivit  son 
ouvrage  intitulé  Contra  Collato- 
rem.  ISIais  du  temps  de  Cassien 
l'Eglise  n'avoit  pas  encore  pronon- 
cé sur  ce  point;  il  ne  fut  décidé 
qu'au  concile  d'Orange  en  829  ; 
conséquemment  la  méprise  de  Cas- 
sien  n'a  pas  empêché  que  sa  mé- 
moire ne  filt  en  vénération.  Les 
protestants  le  traitent  d'ignorant 
et  de  superstitieux  ,  parce  qu'il 
introduisit  dans  les  Gaules  la  ma- 
nière de  vivre  des  solitaires  et  des 
moines  de  la   Thébaïde  ;  mais    la 

f)révention  des  protestants  contre 
a  vie  monastique  les  rend  très- 
mauvais  juges  du  mérite  de  ceux 
qui  Tout  pratiquée.  Voyez  Moine, 

CASUEL,  àro'ilscasuels.  On  ap- 

Eelle  ainsi  les  honoraires  ou  rétri- 
utions  accordées  aux  curés  ,  vi- 
caires ou  desservants  des  paroisses 
pour  les  fonctions  de  leur  minis- 
tère, pour  les  baptêmes,  mariages, 
sépultures ,  etc. 

Souvent  on  a  cherché  à  rendre 
ces  droits  odieux,  parce  qu'on  en 
ignoroit  l'origine.  Dans  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  ses  minis- 
tres subsistoient  des  oblations  vo- 
lontaires des  fidèles;  ainsi,  à  pro- 
prement parler,  tout  étoit  casuel. 
Les  différentes  révolutions  causées 
par  les  persécutions,  par  les  hcré- 
Bies  ,  par  les  inondations  des  Bar- 
bares ,  firent  sentir  que  la  subsis- 
tance des  ecclésiastiques  seroit 
moins  précaire,  si  on  leur  assignoit 
des  fonds. Cclanecoùtoit  rien  dans 
des  temps  où  il  y  avoit  une  grande 
quantité  de  terres  incultes  par  le 
défaut  de  propriétaires. Telle  est  l'o- 
rigine derinstitution  des  bénéfices. 


CAS  439 

Sous  Charlemagne  ,  on  accorda 
ou  l'on  fit  rendre  aux  pasteurs  la 
dîme,  par  le  même  motif.  A  la  dé- 
cadence de  la  race  carlovingienne, 
l'Eglise  fut  dépouillée  par  les  sei- 
gneurs, ils  s'emparèrent  des  fonds 
et  des  dîmes  ;  le  clergé  fut  à  peu 
prés  anéanti.  Les  peuples  furent 
obligés  d'avoir  recours  aux  moi- 
nes pour  recevoir  les  secours  spi- 
rituels ,  ou  de  faire  subsister 
des  prêtres  par  des  rétributions 
manuel les;ainsi  le  casue/ s'est  établi. 
Si  les  pasteurs  étoient  les  maître» 
de  choisir,  ils  préféreroient  sans 
hésiter  une  subsistance  assurée  sur 
des  fonds  et  sur  les  dîmes  ,  à  la 
triste  nécessité  de  recevoir  des  ho- 
noraires pour  leurs  fonctions. Dans 
plusieurs  diocèses,  il  y  a  des  pa- 
roisses qui  se  sont  trouvées  suffi- 
samment dotées  par  des  fonds  et 
par  la  dîme  ;  le  casuel  y  a  été  re- 
tranché. Au  contraire,  les  supé- 
rieui's  ecclésiastiques  et  les  tribu- 
naux séculiers  se  sont  trouvés  dans 
la  nécessité  dérégler  un  c«sueZplus 
fortdans  Icsparoissesquin'avoient 
ni  des  fonds  ni  des  dîmes  ,  et  d'é- 
tablir les  portions  congrues. 

Plusieurs  jurisconsultes,  et  mê- 
me des  auteursccclésiastiques,  ont 
dit  que  les  prêtres  recevoient  ces 
honoraires  à  titre  à'aunwne  ,  ils 
nous  paroissent  s'être  trompés. 
Une  aumône  n'est  due  que  par  cha- 
rité, elle  n'engagea  rien  celui  qui 
la  reçoit  ;  l'honoraire  est  àù  par 
justice,  et  il  impose  au  ministre 
des  autels  une  nouvelle  obligation 
de  remplir  exactement  ses  fonc- 
tions. 11  est  de  droit  naturel  de 
fournir  la  subsistance  à  tout  hom- 
me qui  est  occupé  pour  nous,  quel 
que  soit  le  genre  de  son  occupa- 
tion. De  même  qu'il  est  juste  d'ac- 
corder la  solde  à  un  militaire  , 
l'honoraire  à  un  magistrat ,  à  un 
médecin  ,  à  un  avocat  ,  il  l'est  de 
faire  subsister  un  ecclésiastique  oc- 
cupé du  saint  ministère;  l'honorai- 
re qui  lui  est  assigné  n'est  pas  plus 


Uo  CAS 

une  aumône  que  celui  des  hommes 
utiles  dont  nous  venons  de  parier. 
Ce  que  reçoivent  les  uns  et  les 
autres  n'est  pas  non  plus  le  prix 
de  leur  travail;  les  divers  services 
qu'ils  rendent  ne  sont  point  esti- 
mables à  prix  d'argent,  et  ils  ne 
sont  pas  payés  par  proportion  à 
l'importance  de  leurs  fonctions  : 
la  diversité  de  leurs  talents  et  du 
mérite  personnel  de  chaque  parti- 
culier n'en  met  aucune  dans  l'ho- 
ïioraire  qui  leur  est  attribué. 

Vainement,  pour  les  avilir,  l'on 
affecte  de  se  servir  d'expressions 
indécentes  ;  l'on  dit  qu'un  ecclé- 
siastique vend  les  choses  saintes  , 
qu'un  militaire  vend  sa  vie,  un  ma- 
gistrat la  justice,  un  médecin  la  san- 
té, un  professeur  les  sciences,  etc. 
La  malignité  des  censeurs  n'a  pas 
le  pouvoir  de  rendre  injuste  et  mé- 
prisable ce  qui  est  conforme  dans 
le  fond  à  l'équité  naturelle  et  à  la 
raison. 

Lorsque  Jésus-Christ  a  ordonné 
à  ses  disciples  de  donner  gratuite- 
mient  ce  qu'ils  avoient  reçu  par 
pure  grâce,  il  a  eu  soin  d'ajouter 
que  tout  ouvrier  est  digne  de  sa 
nourriture. Ma//.,  c.  io,>^.8et  lo. 

Si  nous  répétons  plus  d'une  fois 
ces  principes  ,  c'est  qu'ils  ont  été 
méconnus  par  des  écrivains  qui  se 
croyoient  fort  instruits  ,  et  qui 
cependant  ne  l'étoient  pas  assez  , 
qui  ont  censuré  la  discipline  ac- 
tuelle de  l'Eglise  sans  raisons  suf- 
fisantes. 

En  1757,  lia  paru  une  disserta- 
tion sur  l'honoraire  des  messes  , 
dans  laquelle  l'auteur  condamne 
toute  rétribution  manuelle  don- 
née à  un  prêtre  pour  remplir  une 
fonction  sainte,  les  droits  curiaux- 
et  casuels  ,  les  fondations  pour  des 
messes  ou  pour  d'autres  prières 
à  perpétuité  ,  etc.  Il  regarde  tout 
cela  comme  une  espèce  de  simonie 
et  comme  une  profanation. 

Cette  doctrine  est  certainement 
fausse.  On  ne  peut  pas  nier  qu'il 


CAS 

ne  se  soit  glissé  souvent  des  abus 
et  des  indécences  dans  cet  usage  ; 
l'auteur  de  la  dissertation  les  fait 
très-bien  sentir;  il  les  déplore  et 
les  réprouve  avec  raison  :  mais  il 
falloit  imiter  la  sagesse  des  conci- 
les ,  des  souverains  pontifes  et  des 
éveques,  qui,  en  condamnant  les 
abus  et  en  les  proscrivant  ,  ont 
laissé  subsister  un  usage  légitime 
en  lui-même. 

Encore  une  fois ,  il  faut  distin- 
guer entre  un  paiement,  un  hono- 
raire et  une  aumône.  Le  paiement 
ou  le  prix  d'une  chose  est  censé 
être  la  compensation  de  sa  valeur; 
ainsi  l'on  achète  une  denrée  ,  une 
marchandise  ,  un  service  merce- 
naire ,  et  l'on  en  paie  le  prix  à 
proportion  de  sa  valeur.  Uhono- 
raire  est  une  espèce  de  solde  ou  de 
subsistance  accordée  à  une  person- 
ne qui  est  occupée  pour  le  public 
ou  pour  nous  en  particulier,  quelle 
que  soit  d'ailleurs  la  valeur  de  son 
occupation.  On  donne  la  solde  ou 
l'honoraire  à  un  militaire  ,  à  un 
magistrat,  à  un  jurisconsulte,  à  un 
médecin,  à  un  professeur  de  scien- 
ces ,  à  un  homme  en  charge  quel- 
conque, sans  prétendre  payer  ou 
compenser  la  valeur  de  leurs  ser- 
vices ou  de  leurs  talents,  ni  met- 
tre une  proportion  entre  l'un 
et  l'autre.  Qu'ils  soient  plus  ou 
moins  habiles  ,  plus  ou  moins 
zélés  ou  appliqués,  l'honoraire  est 
le  même.  Uaumône  est  due  à  un 
pauvre  par  charité  ,  l'honoraire  est 
du  à  titre  de  justice.  Celui  qui  re- 
fuse l'aumône  à  un  pauvre ,  pèche 
sans  doute;  mais  il  n'est  pas  tenu 
à  restitution  :  celui  qui  refuseroit 
l'honoraire  à  un  homme  qui  .1 
rempli  pour  lui  ses  fonctions,  se- 
roit  condamné  à  le  lui  restituer. 

Que  l'honoraire  soitfixeou  acci- 
dentel ,  payé  par  le  public  ou  par 
les  particuliers,  accordé  à  titre  d' 
gage  annuel  ou  de  pension ,  qu'il 
soit  casuel,  attaché  à  chaque  fonc- 
tion que  l'on  remplit  ou  à  chaque 


CAS 

aervice  (lue  l'on  rend,  cela  est  égal; 
il  ne  change  pas  de  nature;  le  litre 
de  justice  est  toujours  le  même. 

Il  n'est  donc  pas  vrai  qu'un  prê- 
tre ou  un  clerc  ne  puisse  rien  re- 
cevoir légitimement  des  fidèles  ,  si 
ce  n'est  à  titre  d'aumône.  Dé^qu'il 
prie,  qu'il  célèbre,  qu'il  remplit 
une  fonction  sainte  pour  une  per- 
sonne ou  pour  plusieurs  ,  et  qu'il 
est  occupé  pour  elles,  il  a  droit  à 
une  subsistance  ,  à  une  solde,  à  un 
honoraire.  Jésus -Christ  l'a  ainsi 
décidé  eu  parlant  de  ses  apôtres  : 
Vouvrier  est  digne  de  sa  nourriture , 
Matth.  y  chap.  lo,  "^ .  lo.  Saint 
Paul  a  parlé  de  même,  J.  Cor., 
c.  9 ,  y .  7  ,  etc.  :  «  Qui  porte  les 
♦>  armes  à  ses  dépens!'...  Si  nous 
»  vous  distribuons  les  choses  spi- 
»  rituelles ,  est-ce  une  grande  ré- 
»  compense  de  recevoir  de  vous 
»  quelque  rétribution  temporelle? 
»  Ceux  qui  servent  à  l'autel  ont 
♦)  leur  part  de  l'autel  ;  ainsi  le  Sei- 
»  gneur  a  réglé  que  ceux  qui  an- 
»  noncent  l'Evangile  vivent  de  l'E- 
»  vangile.  » 

Que  ces  choses  spirituelles  soient 
des  instructions  ,  des  sacrifices  , 
des  (Sacrements ,  des  prières  ,  l'as- 
sistance des  malades  ,  etc.,  le  titre 
à  un  honoraire  est  le  même. 

On  sait  que  dans  l'origine  les 
ministres  des  autels  reçurent  des 
oÉFrandes  en  denrées  ou  en  argent; 
dans  la  suite,  pour  rendre  leur 
subsistance  plus  assurée  et  moins 
précaire,  on  institua  pour  eux  des 
bénéfices  ecclésiastiques ,  sembla- 
bles aux  bénéfices  militaires.  Ceux 
d'entre  les  jurisconsultes  qui  ont 
soutenu  que  les  revenus  des  béné- 
fices sont  une  pure  aumône  ,  au- 
roient  dii  le  décider  de  même  à 
l'égard  des  anciens  militaires.  Lors- 
que le  clergé  a  été  ruiné  par  les 
grands  dans  des  temps  d'anarchie, 
il  a  fallu  en  revenir  aux  rétribu- 
tions manuelles.  C'a  été  un  mal- 
heur, sans  doute;  mais  il  ne  faut 
l'attribuer  ni   à   l'Eglise,  ni  à  ses 


CA.S  44. 

ministres,  qui  en  ont  été  les  pre- 
mières victimes, 

Eri  général,  défions -nous  des 
réformateurs  trop  hardis  ;  jamais 
ils  n'ont  été  en  aussi  grand  nombre 
qu'aujourd'hui.  Qu'ils  disent,  s'ils 
le  veulent,  qu'il  seroit  mieux  que, 
suivant  l'ancienne  discipline,  au- 
cun prêtre  ne  fiit  ordonné- sans 
cire  pourvu  d'un  bénéfice,  et  sans 
être  attaché  à  une  église  pour 
quelque  fonction  ;  qu'il  seroit 
mieux  que  les  fidèles  eussent  plus 
de  confiance  à  la  communion  des 
saints  et  aux  prières  générales  de 
l'Eglise,  et  moins  de  vanité,  moins 
d'ambition  d'obtenir  des  prêtres 
des  prières  particulières  pour  eux 
seuls.  Il  seroit  mieux,  en  effet,  que 
les  prêtres  eux-mêmes  préférassent 
la  qualité  de  ministres  de  VEglise 
ou  de  la  société  commune  des  fi- 
dèles ,  à  celle  de  serviteur,  domes- 
tique d'un  grand  seigneur.  II  seroit 
fort  à  souhaiter  que  les  grands 
fussent  moins  orgueilleux  et  moins 
esclaves  de  leur  mollesse  ,  qu'ils 
assistassent  aux  exercices  publics 
du  culte  divin,  plutôt  que  d'exiger 
pour  eux  un  culte  domestique  et 
des  ministres  qui  sont  à  leurs 
ordres.  Mais,  lors  même  que  l'on 
ne  peut  pas  obtenir  le  mieux  ,  il 
ne  faut  pas  condamner  ce  qui  n'est 
pas  mauvais  absolument  et  à  tous 
égards.  Si  l'Eglise  entreprenoit  la 
réforme  des  abus  qu'on  lui  re- 
proche ,  toutes  les  puissances  sé- 
culières ,  tous  les  particuliers 
intéressés  à  les  conserver,  s'y  op- 
poseroient  de  toutes  leurs  forces. 

Il  est  très -permis  de  montrer 
ces  abus,  d'en  désirer  la  correc- 
tion ,  de  proposer  les  moyens  de 
les  retrancher;  mais  il  ne  faut  ja- 
mais argumenter  sur  des  principes 
faux ,  ni  attribuer  le  mal  à  ceux 
qui  n'en  sont  pas  les  auteurs.  C'est 
le  moyen  de  décréditer  un  ouvrage 
qui  pourroit  être  utile  d'ailleurs  , 
de  manquer  le  but  auquel  on 
aspire  ,  de  fournir  des  armes   aux 


442  CAS 

hérétiques  et  aux  incrédules.  N'a- 
vons-nous pas  vu  ces  derniers  re- 
procher à  saint  Paul  les  maximes 
justes  et  sages  que  nous  avons  ci- 
tées ci-dessus  ?  Us  n'ont  pas  rougi 
d'écrire  que  les  ministres  de  l'E- 
glise ont  hérité  des  apôtres  mêmes 
l'esprit  mercenaire  et  ambitieux 
dont  ils  ont  toujours  été  animés. 
Voyez  BÉNÉFICE,  Simonie. 

CASUISTE,  théologien  qui  a  fait 
une  étude  particulière  de  la  mo- 
rale, des  lois  divines  et  humaines, 
des  devoirs  de  l'homme  et  du 
chrétien ,  afin  de  se  mettre  en  état 
de  lever  les  doutes  que  les  fidèles 
peuvent  avoir  sur  leur  conduite , 
de  leur  faire  sentir  la  grièveté  de 
leurs  fautes ,  de  leur  prescrire  ce 
qu'ils  doivent  faire  pour  les  répa- 
rer. Puisque  la  morale  fait  partie 
essentielle  de  la  théologie,  il  doit 
nous  être  permis  de  donner  quel- 
ques réflexions  sur  ce  sujet. 

La  fonction  de  casuiste  est  cer- 
tainement une  des  plus  difficiles 
par  l'étendue  des  lumières  qu'elle 
suppose  ,  une  des  plus  importantes 
par  la  nature  de  son  objet,  une 
des  plus  dangereuses  à  cause  des 
conséquences  que  peut  entraîner 
une  fausse  décision.  Dans  ce  genre, 
le  rigorisme  outré  ne  produit  pas 
des  effets  moins  funestes  que  le 
relâchement  excessif.  Un  casuiste 
fait  la  fonction  de  juge;  il  ne  lui 
est  pas  plus  permis  d'exagérer  que 
de  diminuer  les  obligations  que 
Dieu  nous  impose.  S'il  lui  arrivoit 
d'exiger  de  celui  qui  le  consulte 
une  restitution  qui  n'est  pas  due, 
il  ne  pècheroit  pas  moins  griève- 
ment que  s'il  l'en  dispensoit  mal- 
à-propos. 

Lorsque  les  casuistes  ont  man- 
qué de  justesse  d'esprit ,  ou  se  sont 
laissé  entraîner  par  le  torrent  de 
ceux  qui  les  avoient  procédés,  ils 
ont  eu  tort,  sans  doute;  mais  on 
ne  peut  guère  les  accuser  d'avoir 
péché     volontairement.     Où     est 


CAS 

l'homme  assez  insensé  pour  vouloir 
risquer  son  propre  salutsans  aucun 
intérêt,  en  se  rendant  responsable 
des  péchés  d'autrui  r* 

De  nos  jours  les  philosophes  ont 
élevé  un  cri  général  pour  soutenir 
que.  la  loi  naturelle  est  évidente 
par  elle-même ,  que  la  raison  nous 
en  découvre  infailliblement  tous 
les  devoirs.  Cependant  l'on  a  fait 
un  assez  grand  nombre  de  livres 
pour  savoir  si  le  mensonge  offi- 
cieux est  permis  ou  défendu  par  la 
loi  naturelle,  si  l'intérêt  de  l'ar- 
gent perçu  en  vertu  du  simple  prêt 
est  légitime  ou  usuraire.  Où  est 
donc  cette  évidence  prétendue ,  et 
la  botissole  qu'un  casuiste  doit 
suivre  pour  se  décider  sur  ces 
questions? 

On  ne  doit  cependant  pas  blâmer 
l'exactitude  et  même  la  sévérité 
des  pasteurs  de  l'Eglise  à  réprimer, 
lorsqu'il  est  nécessaire,  la  témérité 
des  casuistes;  un  de  leurs  princi- 
paux devoirs  est  de  veillera  la  con- 
servation du  dépôt  de  la  foi  et  de 
la  morale. 

Mais  faut-il  approuver  de  même 
la  chaleur  avec  laquelle  Pascal  et 
d'autres  ont  poursuivi,  vers  le  mi- 
lieu du  siècle  dernier  ,  la  morale 
relâchée  de  quelques  casuistes  obs- 
curs ?  Ils  dévoient  prévoir  que  les 
principes  de  ces  auteurs,  recueillis 
en  un  corps  ,  et  exposés  en  langue 
vulgaire  ,  ne  manqueroient  pas 
d'enhardir  les  passions  toujours 
disposées  à  s'appuyer  de  l'autorité 
la  plus  fragile.  Le  scandale  que  la 
délation  de  ces  maximes  occasionna 
dans  l'Eglise ,  fut  peut-être  un  plus 
grand  mal  que  celui  qu'auroient 
jamais  fait  des  volumes  poudreux 
relégués  dans  les  ténèbres  de  quel- 
ques bibliothèques  monastiques. 

En  effet,  qui  connoissoit  Villa- 
lobos,  Connink,  Llamas ,  Acho- 
sier,  Dealkoser,  Squilanti ,  Bizo- 
zéri ,  Iriharne  ,  de  Grassalis  ,  de 
Pitigianis,Strevesdorf  et  tant  d'au- 
tres ?  Leurs  principes  étoient  -  ils 


i 


CAÏ 

dangereux  pour  les  ignorants  el 
les  femme»,  ijui  n'entendent  pas  la 
langue  dans  laquelle  ces  auteurs 
ont  écrit,  pour  les  gens  du  monde 
qui  ont  oublié,  le  latin  ,  et  qui  n'ont 
pas  le  temps  de  lire,  ou  pour  des 
théologiens  éclairés  et  décidés  sur 
ces  matières  Pu  n'est  pas  nécessaire 
d'être  grand  casuiste  pour  juger 
lequel  des  deux  est  le  plus  coupa- 
ble ,  celui  à  qui  il  échappe  une 
proposition  absurde  qui  passeroit 
dans  conséquence,  ou  celui  qui  la 
remarque  et  lui  donne  de  l'impor- 
tance. 

Vainement  les  écrivains  d'un  au- 
tre genre  ,  les  prédicateurs  de  l'ir- 
réligion, voudroient-ils  s'autoriser 
de  ces  réflexions  pour  innocenter 
leurs  propres  égarements  ,  pour 
rendre  odieux  les  théologiens  qui 
les  font  remarquer  et  les  réfutent. 
Leurs  erreurs,  qu'ils  publient  eux- 
mêmes  ,  sont  d'une  tout  autre 
conséquence  que  celles  des  ca- 
suistes  ;  on  ne  peut  excuser  les 
premiers  par  aucun  motif  louable  ; 
les  ouvrages  des  incrédules  ont 
fait  plus  de  mal  en  dix  ans  que 
tous  le*  casuistes  de  l'univers  n'en 
ont  fait  dans  un  siècle.  Voyez  Cas 

DE  CONSCIENCE. 

CATABAPTISTES.  Ou  s'est 
quelquefois  servi  de  ce  nom  pour 
désigner  en  général  tous  les  héré- 
tiques qui  ont  nié  la  nécessité  du 
baptême,  surtout  pour  les  enfants. 
Il  est  formé  dexa-rà,  qui  en  com- 
positionsignifie  quelquefois  contre, 
et  de  PaTtToj,  laver,  baptiser;  il  si- 
gnifie opposé  au  baptême,  ennemi 
du  baptême. 

Ceux  qui  ont  soutenu  cette  er- 
reur, sont  tous  partis  à  peu  prés 
du  même  principe  ;  ils  ne  croyoienl 
pas  le  péché  originel  ,  et  ils  n'at- 
tribuoient  an  baptême  aucune 
autre  vertu  que  d'exciter  la  foi. 
Selon  eux,  sans  la  foi  actuelle  du 
baptisé  le  sacrement  ne  peut  pro- 
à^irt  aucun  efifet;  les  enfants  qui 


CAT 


443 


sont  incapables  de  croire  le  re- 
çoivent tres-inutilement.  C'est  l'o- 
pinion des  sociniens.  D'autres  ont 
posé  pour  maxime  générale  que  la 
grâce  ne  peut  pas  être  produite 
dans  une  âme  par  un  signe  exté- 
rieur qui  n'afTccte  que  le  corps, 
que  Dieu  n'a  pas  pu  faire  dépendre 
le  salut  d'un  pareil  moyen.  Cette 
doctrine,  qui  attaque  l'eificacité 
de  tous  les  sacrements  ,  est  une 
conséquence  naturelle  de  la  pré- 
cédente. 

Quoique  Pelage  niât  le  péché 
originel  ,  il  ne  contestoit  pas  la 
nécessité  ou  du  moins  l'utilité  du 
baptême ,  pour  donner  à  un  enfant 
la  grâce  d'adoption  ;  dans  un  en- 
fant ,  disoit-il ,  la  grâce  trouve  une 
adoption  à  faire  ,  mais  l'eau  ne 
trouve  rien  à  laver  :  Habei  graiia 
quod  adoptet ,  non  habet  iinda  quod 
abluat.  La  notion  seule  de  baptême, 
qui  emporte  celle  de  purification  , 
suffit  pour  réfuter  Pelage;  jamais 
cet  hérétique  n'a  expliqué  nette- 
ment en  quoi  il  faisoit  consister 
la  grâce  d'adoption. 

CATACOMBE,  dugrecxarà, 
dans,  et  xufASoç  creux,  désigne  une 
cave  souterraine  pratiquée  pour 
servir  à  la  sépulture  des  morts. 
Les  catacombes  se  nommoient  aussi 
cryptœ ,  cavernes  ,  et  cœmeieria, 
dortoirs. 

Selon  quelques  auteurs ,  ce  nom 
ne  s'est  donné  autrefois  à  Rome 
qu'aux  tombeaux  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Paul  ,  ou  à  une  cha- 
pelle de  saint  Sébastien  ,  dans  la- 
quelle, suivant  l'ancien  calendrier 
romain ,  a  été  mis  le  corps  de  saint 
Pierre,  l'an  258,  sous  le  consulat 
de  Tuscus  et  de  Bassus. 

Aujourd'hui  l'on  appelle  en 
Italie  catacombes  de  vastes  amas 
de  sépulcres  souterrains  qui  sont 
dans  les  environs  de  Rome,  prin- 
cipalement à  trois  milles  de  cette 
ville  ,  près  de  la  voie  Appienne. 
On  croit  <jue  ce  sont  les  tombeaux 


U4 


CAT 


des  martyrs;  on  va  les  visiter  par 
dévotion  ,  et  l'on  en  lire  des  re- 
liques qui  sont  envoyées  dans  les 
divers  pays  catholiques,  après  que 
lepapeles  a  reconnues  sous  le  nom 
de  quelque  saint. 

Ces  catacombes  sont  de  la  lar- 
geur de  deux  ou  trois  pieds  ,  et 
ordinairement  de  la  hauteur  de 
huit  à  dix  pieds ,  en  forme  de  ga- 
leries qui  se  communiquent  les 
unes  aux  autres,  et  s'étendent  sou- 
vent jusqu'à  une  lieue  de  Rome. 
Il  n'y  a  ni  maçonnerie  ni  voiite  , 
la  terre  se  soutient  d'elle  -  même. 
Les  deux  côtés  de  ces  rues ,  qui  en 
sont  comme  les  murailles ,  ser- 
voient ,  de  haut  en  bas  ,  à  mettre 
les  corps  des  morts.  On  les  y  pla- 
çoit  en  long ,  à  trois  ou  quatre 
rangs  les  uns  sur  les  autres,  et  pa- 
rallèlement à  la  rue  ;  on  les  en- 
fermoit  avec  des  tuiles  fort  larges 
et  fort  épaisses,  quelquefois  avec 
des  monceaux  de  mai-bre ,  cimentés 
d'une  manière  que  l'on  auroit  peine 
à  imiter  aujourd'hui.  Le  nom  du 
mort  se  trouve  quelquefois ,  mais 
rarement,  sur  les  tuiles  ;  on  voit 
aussi  quelquefois  une  branche  de 
palmier  ,  symbole  du  martyre , 
avec  ce  chiffre  ,  peint  ou  gravé 
XP,  que  l'on  interprète  ^oro  Christo. 

Pour  rendre  suspectes  les  re- 
liques tirées  des  catacombes ,  plu- 
sieurs protestants  ont  soutenu  que 
ces  caveaux  étoient  destinés  à  la 
sépulture  des  païens;  que  quoique 
les  Romains  fussent  dans  l'usage 
de  brûler  leurs  morts,  ils  enter- 
roient  cependant  les  esclaves  pour 
é-viter  la  dépense.  Les  Romains  de- 
venus chrétiens,  disent-ils,  voyant 
la  vénération  que  l'on  avoit  pour 
les  reliques,  et  voulant  en  avoir  à 
leur  disposition  ,  entrèrent  dans 
les  catacombes ,  mirent  à  côté  des 
tombeaux  les  chiffres  ou  les  in- 
scriptions qu'il  leur  plut  ,  et  les 
fermèrent  pour  les  rouvrir  dans  la 
suite  quand  ils  en  trouveroient 
l'occasion  favorable.  Cette  super- 


CAT 

chérie  fut  ensuite  oubliée,  jusqu'à 
ce  que  le  hasard  fît  ouvrir  les  ca- 
tacombes. 

Avant  d'accuser  les  Romains 
chrétiens  d'un  crime  aussi  grave, 
il  faudroit  avoir  des  preuves  :  non- 
seulement  les  protestants  n'en  ont 
point,  mais  leurs  conjectures  sont 
absurdes.  Tous  les  habitants  d'une 
ville  ont-ils  pu  convenir  ensemble 
de  commettre  une  fourberie  et  une 
impiété  ,  pour  procurer  à  leurs 
descendants  la  satisfaction  de  dis- 
tribuer de  fausses  reliques,  sans  y 
avoir  aucun  intérêt,  et  sans  qu'il 
se  soit  trouvé  personne  qui  ait  eu 
assez  de  probité  pour  réclamer 
contre  cette  supercherie  ?  On  ne 
commet  pas  des  crimes  pour  le  seul 
plaisir  de  les  commettre. 

Il  est  prouvé  ,  au  contraire  , 
i.°  que  l'usage  des  Romains  païens 
n'étoit  point  d'enterrer  dans  des 
catacombes  les  criminels,  les  es- 
claves ,  le  bas  peuple ,  mais  de  les 
jeter  dans  de  grandes  fosses  nom- 
mées puiiculi,  et  d'y  en  brûler  un 
grand  nombre  à  la  fois  ;  au  lieu 
qu'on  brûloit  en  particulier  le 
corps  des  personnes  considérables, 
et  qu'on  renfermoit  leurs  cendres 
dans  des  urnes.  Les  Romains  ,  qui 
laissoient  mourir  de  faim  dans  une 
île  du  Tibre  leurs  esclaves  vieux  ou 
malades,  se  sont-ils  donné  la  peine 
de  leur  accorder  une  sépulture 
honorable  dans  les  catacombes? 

2.°  Les  chrétiens  évitoient  avec 
soin  d'enterrer  leurs  morts  dans 
le  même  lieu  que  les  païens ,  nous 
le  voyons  par  l'histoire  que  le 
martyr  Lucien  a  faite  de  la  décou-» 
verte  des  reliques  de  saint  Etienne. 
Saint  Cyprien  fait  un  crime  à  Mar- 
tial ,  évêque  espagnol ,  d'avoir  fait 
enterrer  des  enfants  dans  des  tom- 
beaux profanes  ,  et  de  les  avoir 
mêlés  avec  des  étrangers.  Nous 
sommes  donc  certains  qu'il  n'y  a 
eu  aucun  païen  enterré  dans  un 
cimetière  destiné  à  la  sépulture 
des  chrétiens. 


CAT 

3."  Il  pst  incoiileslable  que  lo3 
catacombes  ont  servi  aux  assem- 
blées chrétiennes  dans  les  temps 
de  persécution  ,  et  par  la  même 
raison  à  la  sépulture  des  martyrs, 
que  l'on éloit  obligé  d'enterrer  avec 
le  plus  grand  secret.  L'usage  con- 
stant a  été  de  célébrer  les  saints 
mystères  sur  les  reliques  des  mar- 
tyrs, et  les  fidèles,  par  dévotion, 
désiroient  d'être  inhumés  à  côté 
de  ces  précieux  dépôts.  L'histoire 
ecclésiastique  et  les  actes  dos  mar- 
tyrs font  mention  des  défenses 
faites  aux  chrétiens  par  les  persé- 
cuteurs de  tenir  leurs  assemblées 
dans  les  cimetières.  Ils  n'auroient 
pas  voulu  les  tenir  parmi  les  tom- 
beaux des  païens. 

4.°  Prudence,  saint  Paulin  ,  et 
d'autres  ,  attestent  que  les  cata- 
combes de  Rome  renfermoient  les 
corps  de  plusieurs  milliers  de  mar- 
tyrs ;  ce  fait  est  encore  attesté  par 
des  inscriptions  ,  dont  l'une  fait 
mention  de  cinq  cent  cinquante 
martyrs  enterrés  ensemble  ,  une 
autre  de  cent  cinquante.  Saint  Jé- 
rôme dit  que  dans  sa  jeunesse  il 
avoit  coutume  de  visiter  les  cata- 
combes le  dimanche  ,  in  Ezech.  , 
c.  4°.  Ces  saints  lieux  n'ont  donc 
jamais  été  oubliés  ni  perdus  de 
vue  ,  et  l'on  savoit  au  quatrième 
siècle  qu'ils  renfermoient  des  mar- 
tyrs et  non  des  païens 

5.°  Un  grand  nombre  de  ces 
tombeaux  de  martyrs  sont  recon- 
noissablcs  par  des  inscriptions  et 
par  d'autres  symboles  ,  par  le  mo- 
nogramme de  Jésus-Christ  XP,  par 
la  figure  du  bon  pasteur,  par  des 
palmes  ,  par  les  fioles  ou  gobelets 
de  sang  mis  avec  leurs  corps,  etc. 
6. "L'on  ne  peut  assigner  le  temps 
auquel  on  suppose  que  les  catacom- 
bes ont  été  malicieusement  fermées 
par  les  Romains,  pour  donner  lieu 
à  une  erreur  dans  la  suite.  Pendant 
les  persécutions,  les  chrétiens  s'en 
sont  servis  pour  leurs  assemblées 
et  pour  les  sépultures  \  lorsoue  la 


CAT  445 

paix  a  été  rendue  à  l'Eglise,  elles 
ont  été  visitées  par  dévotion.  Si 
on  les  a  fermées  lorsque  les  bar- 
bares ont  saccagé  Rome,  ce  n'a  pas 
été  par  fourberie,  mais  pour  pré- 
venir les  profanations.  Lorsr[ue  la 
tranquillité  a  été  rétablie,  on  n'a- 
voitpas  oublié  ce  que  les  auteurs 
ecclésiastiques  en  avoieiit  dit  au 
quatrième  siècle. 

Les  conjectures  des  prolestants, 
deBurnet,deMisson,deSpanheim, 
deBasnage,  etc.  sont  donc  fausses 
à  tous  égards. 

De  ces  observations  l'on  peut 
conclure  ,  avec  toute  la  certitude 
possible,  que  les  os  tirés  des  ca/a- 
combes  ,  sont  des  reliques,  ou  des 
martyrs  ,  lorsque  cela  est  ainsi  at- 
testé, ou  des  premiers  fidèles.  Quoi- 
que ceux-ci  n'aient  pas  tous  été  des 
saints,  quand  on  connoît  les  mœurs 
de  l'Eglise  primitive,  et  la  dispo- 
sition dans  laquelle  étoient  les  pre- 
miers chrétiens  de  mourir  pour 
leur  foi,  on  ne  peut  pas  disconve- 
nir que  leurs  reliques  ne  soient 
dignes  de  vénération. 

Si  quelques  lecteurs  catholiques 
se  sont  laissé  séduire  par  les  soup- 
çons, et  par  les  conjectures  mali- 
gnes des  protestants  sur  ce  sujet, 
c'est  qu'ils  n'ont  pas  examiné  la 
question  d'aussi  près  que  l'ont  fait 
les  critiques  et  les  antiquaires  de 
Rome.  On  peut  voir  dans  les  Vies 
des  Pères  ,  des  Martyrs  ,  etc.  , 
tome  IX  ,  pag.  68S  et  suiv.  ,  les 
preuves  détaillées  des  faits  que  noua 
avons  allégués. 

Les  catacombes  de  îïaples  peu- 
ventêtreuu  objet  de  curiosité  pour 
les  voyageurs  ,  mais  elles  ne  four- 
nissent aucune  nouvelle  réllexion 
à  faire  sur  les  reliques  que  l'on  tire 
de  celles  de  Rome. 

CATAPHRYGES    ou    CA- 
TAPHRYGIENS.    Voye^  Mon- 

TANISTES. 

CATARACTE.    Vo/ei   Délcgb- 


446  CAT 

CATÉCHÈSE,  du  grec  )caO>,V.»=<. 
instruction  ;  catéchisme  a  la  même 
étyraologie  et  le  même  sens.  C'est 
l'instruction  que  l'on  donnoit  à 
ceux  qui  vouloient  embrasser  le 
christianisme  et  recevoir  le  bap- 
tême :  le  catéchiste  est  celui  qui  étoit 
charge  de  cette  fonction. 

Dans  les  premiers  siècles,  l'usage 
n'étoit  point  de  mettre  par  écrit 
les  dogmes  et  les  pi-a tiques  du  chris- 
tianisme ,  il  auroit  été  à  craindre 
que  ces  écrits  ne  vinssent  à  tomber 
entre  les  mains  des  païens  qui  en 
auroient  abusé  et  les  auroient  tour- 
nés en  ridicule  ,  parce  qu'ils  n'y 
auroient  rien  compris.  Mais  on 
n'eut  jamais  l'imprudence  de  don- 
ner le  baptême  aux  juifs  ni  aux 
païens,  sans  leuravoir enseigné  au- 
paravant les  dogmes  qu'il  falloit 
croire,  et  la  morale  qu'il  falloit 
pratiquer. 

Ainsi  l'avoit  ordonné  Jésus- 
Christ  ;  il  dit  à  ses  apôtres  d'en- 
seigner toutes  les  nations,  et  de  les 
baptiser  ensuite  ,  Matth.,  c.  28  , 
"^ .  19.  Il  en  avoit  donné  l'exemple  , 
les  apôtres  l'ont  suivi  ;  les  Pères  de 
l'Eglise ,  les  évêques  ,  les  pasteurs  , 
ont  rempli  ce  devoir  dans  tous  les 
siècles,  avec  plus  ou  moins  d'exac- 
titude et  de  succès.  Dans  tous  les 
temps  les  conciles  ont  exhorté  les 
ecclésiastiques  à  le  remplir,  et  leur 
en  ont  fait  un  devoir  rigoureux  :1e 
concile  de  Trente  en  a  renouvelé 
les  lois ,  sess.  24  ,  de  Reform. ,  c.  7. 
Mais  il  n'est  prouvé  par  aucun 
ancien  monument ,  que  l'instruc- 
tion des  néophytes  ait  consisté  à 
leur  faire  lire  l'Ecriture  sainte  , 
comme  Mosheim  et  d'autres  pro- 
testants l'imaginent,  selon  le  pré- 
jugé de  leur  secte.  Les  incrédules  , 
au  contraire,  accusent  les  premiers 
chrétiens  d'avoir  caché  leurs  livres 
avec  le  plus  grand  soin  ;  autre 
prévention  qui  n'est  pas  mieux 
fondée 

C'est  donc  une  injustice  de  la 
part  des  incrédules  ,  de  vouloir 


CAT 

persuader  que  le  christianisme  s'cs\ 
établi  dans  les  ténèbres  ,  par  sé- 
duction et  par  artifice  ,  que  le» 
premiers  fidèles  ont  cru  sans  preu- 
ves et  sans  motifs  ,  ont  reçu  le 
baptême  sans  savoir  à  quoi  ils  s'en- 
gageoient.La  rigueur  des  épreuves 
auxquelles  on  les  soumettoit ,  n'é- 
toit certainement  pas  un  piège 
tendu  pour  les  séduire.  Aucune  re- 
ligion n'a  imposé  à  ses  ministrej 
une  obligation  aussi  étroite  d'in- 
struire les  ignorants  ,  et  ils  n'ont 
néglige  ce  devoir  dans  aucun 
temps.  Leurs  anciens  ennemis  , 
Celse  et  d'autres ,  leur  ont  repro- 
ché la  passion  du  prosélytisme  , 
ceux  d'aujourd'hui  leur  en  font 
encore  un  crime  ,  ils  n'en  rougi- 
ront jamais.  Vojfez  Ecoles  Chré- 
tiennes. 

CATÉCHISME  ,  c'est  non-seu- 
lement l'instruction  que  l'on  donne 
aux  enfants  ou  aux  adultes  pour 
leur  apprendre  la  croyance  et  la 
morale  du  christianisme,  mais  en- 
core le  livre  qui  renferme  cette 
instruction.  Comme  les  évêques 
ont  été  établis  par  Jésus-Christ 
pour  enseigner  les  fidèles  ,  c'est  à 
eux  de  dresser  et  de  donner  à  leurs 
diocésains  le  livre  que  nous  appe- 
lons catéchisme.  Celui  qui  a  été  fait 
par  ordre  du  concile  de  Trente, 
a  été  le  modèle  sur  lequel  on  a 
formé  la  plupart  de  ceux  dont  on 
se  sert  aujourd'hui  dans  l'Eglise 
catholique.  L'uniformité  de  la  doc- 
trine enseignée  dans  tous  ces  livre* 
élémentaires,  est  une  preuve  irré- 
cusable de  l'unité  de  foi  qui  règne 
dans  toute  cette  Eglise.  Si  quel- 
quefois des  évêques  ont  essayé  d'y 
émettre  des  opinions  qui  n'appar- 
tiennent point  à  la  foi  catholique  , 
ordinairement  cette  témérité  a  été 
mal  accueillie  ;  ils  ont  trouvé  ,  de 
la  part  de  leur  clergé  et  de  leurs 
ouailles ,  une  résistance  à  laquelle 
ils  ne  s'attendoient  pas.  Preuve 
qu'ils  ne  sont  pas  les  maîtres  de 


CAT 

changer,  quand  ils  voudroiciit,  la 
foi  de  leur  troupeau. 

Dans  la  plupart  des  catéchismes 
faits  par  les  protestants,  ils  ont  eu 
soin  d'y  mettre  des  accusations 
contre  l'Eglise  romaine,  afin  d'in- 
spirer aux  enfants  des  le  berceau, 
des  préventions  et  de  la  haine  con- 
tre le  catholicisme.  Plus  modérés 
qu'eux  ,  nous  n'apprenons  point 
aux  enfants  à  détester  ceux  <iui  sont 
dans  l'erreur  ;  nous  voudrions 
pouvoir  leur  laisser  ignorer  qu'il 
y  a  des  hérétiques  au  monde. 

De  tous  les  livres,  le  plus  difficile 
à  faire  est  peut-être  un  bon  caté- 
chisme; c'tsl  un  abrégé  de  théolo- 
gie ;  plus  un  homme  est  instruit , 
mieux  il  sent  cette  difficulté. 

CATÉCHISTE  ,  ecclésiastique 
chargé  d'enseigner  aux  catéchu- 
mènes les  premiers  éléments  de  la 
religion  ,  et  de  les  disposer  à  rece- 
voir le  baptême  et  les  autres  sacre- 
ments. 

Comme  il  est  rare  aujourd'hui 
débaptiser  les  adultes,  la  fonction 
de  catéchiste  se.  borne  à  instruire  les 
enfants  des  vérités  de  la  religion  , 
à  les  disposer  ainsi  à  recevoir  les 
sacrements  de  confirmation,  de  pé- 
nitence et  à  faire  leur  première 
communion. 

Si  cette  fonction  est  communé- 
ment confiée  à  de  jeunes  ecclésias- 
tiques ,  ce  n'est  pas  qu'elle  soit 
très-aisée  à  bien  remplir  ;  elle  exige 
une  netteté  d'esprit,  une  prudence 
et  une  patience  singulières  :  mais 
c'est  que  les  moyens  d'instruction 
sont  si  multipliés  parmi  nous  , 
que  l'un  peut  toujours  suppléer  à 
l'autre. 

CATÉCHUMÉNAT;  CATÉ- 
CHUMÈNE. Un  catéchumène  est 
une  personne  qui  désire  de  recevoir 
le  baptême,  et  qui  se  fait  instruire 
dans  ce  dessein. Dans  l'Eglise  primi- 
tive, cela  se  faisoit  avec  beaucoup 
de  précaution  et  avec  cérémonie. 


CAT  447 

u  Celui  qui  étoit  jugé  capable  de 
»  devenir  chrétien  ,  dit  M.  Fleury, 
»  étoit  fait  catécliumène  par  l'im- 
»  position  des  mains.  L'évcque  ou 
»  le  prêtre  le  manjuoit  au  front  du 
»  signe  de  la  croix,  en  priant  Diea 
»  qu'il  profitât  des  instructions 
»  qu'il  alloit  recevoir,  et  qu'il  se 
»  rendîtdigne  de  parvenir  au  saint 
»  baptême.  Il  assistoit  aux  sermons 
»  publics  ,  auxquels  les  infidèles 
»  même  étoient  admis.  Le  temps 
»  du  catéchuménat  étoit  ordinai- 
»  rement  de  deux  ans,  mais  on  le 
»  prolongeoit  ou  on  l'abrégeoit 
»  suivant  les  progrès  et  les  dispo- 
»  sitions  du  catéchumène.  On  ne 
•>  regardoit  pas  seulement  s'il  ap- 
»  prenoit  la  doctrine  ,  mais  s'il 
»  corrigeoit  ses  mœurs  ,  et  on  le 
»  laissoit  en  cet  état ,  jusqu'à  ce 
»  qu'il  fiit  entièrement  converti.  » 
Mœurs  des  Chrét. ,  tit.  2. 

Les  catéchumènes  étoient  distin- 
gués des  fidèles,  non-seulement  par 
le  no'.n  qu'ils  portoient ,  mais  par 
la  place  qu'ils  occupoient  dans 
l'église.  Ils  étoient  avec  les  péni- 
tents ,  sous  le  portique  ou  dans  la 
galerie  intérieure  de  la  basilique. 
On  ne  leur  permettoit  point  d'as- 
sister à  la  célébration  des  saints 
mystères  ,  mais  immédiatement 
après  l'évangile  et  l'instruction  , 
le  diacre  leur  crioit  à  haute  voix: 
Ite,  catechumeni,  missa  est  ;  retirez- 
vous  ,  catéchumènes  ,  on  vous  or- 
donne de  sortir.  Cette  partie  même 
de  la  messe  s'appeloit  la  messe  desca- 
téchurnènes-W  paroît,  par  un  canon 
du  concile  d'Orange,  qu'on  ne  leur 
permettoit  pas  de  faire  la  prière 
avec  les  fidèles  ;  on  leur  donnoit 
du  pain  bénit ,  nommé  par  cette 
raison  le  pain  des  catéchumènes , 
comme  un  symbole  de  la  commu- 
nion à  laquelle  ils  pourroient  un 
jour  être  admis. 

Il  y  avoit  plusieurs  ordres  ou 
degrés  de  catéchumènes  ;  mais  le 
nombre  et  la  distinction  de  ces  or- 
dres n'ont  pas  été  constants  ni  les 


^8  CÀT 

mêmes  par  tout.  Les  auteurs  grecs 
en  distinguent  deux  classes  ,  l'une 
de  catéchumènes  imparfaits,  l'autre 
de  parfaits  ou  capables  d'être  ad- 
mis au  baptême  ;  ils  nomment  les 
premiers  écoutants,  audientes,  les 
seconds,  agenouillés,  g'c/2jy/Zec/e/?/es; 
ils  disent  que  ces  derniers  assis- 
toient  aux  prières  et  lléchissoient 
les  genoux  avec  les  fidèles  ,  mais 
que  les  premiers  ne  restoient  dans 
l'église  que  pour  assister  à  la  lec- 
ture de  l'évangile  et  au  sermon. 

Le  cardinal  Bona  en  distingue 
quatre  degrés  ,  les  écoutants  ,  les 
agenouillés  ,  les  compétents  et  les 
élus,  audientes,  genujiectenies,  com- 
pétentes, clecti.  M.  Fleury  n'en  con- 
noît  que  deux  ,  les  auditeurs  et  les 
compétents  ;  d'autres  les  réduisent 
à  trois; preuve  que  cette  discipline 
n'étoit  pas  conforme. 

On  recevoit  les  catéchumènes  par 
l'inciposition  des  mains  et  par  le 
signe  de  la  croix  ;  dans  plusieurs 
églises  on  y  joignoit  les  exorcis- 
mes,  les  cérémonies  de  souffler  sur 
le  visage  ,  d'appliquer  de  la  salive 
aux  oreilles  et  aux  narines,  de  faire 
une  onction  sur  la  poitrine  et  sur 
les  épaules,  de  mettre  du  sel  dans 
la  bouche.  Ces  cérémonies  dont  le 
sens  est  expliqué  dans  nos  caté- 
chismes, sont  encore  observées  au- 
jourd'hui dans  l'administration  du 
baptême,  même  pour  les  enfants; 
autrefois  elles  le  précédoient  de 
quelques  jours  ,  lorsqu'on  ne  bap- 
tisoit  qu'aux  fêtes  solennelles. 
Selon  Terlullien,  on  donnoit  aussi 
du  lait  et  du  miel  aux  catéchumènes 
avant  de  les  baptiser  ,  symbole  de 
leur  renaissance  en  Jésus-Christ , 
et  de  leur  enfance  dans  la  foi  ;  c'est 
dans  ce  sens  que  saint  Augustin  a 
nommé  sacrement  ou  mystère  cette 
cérémonie  ',  on  la  nommoit  aussi 
le  scrutin.  Voyez  ce  mot. 

On  a  fait  ohserver  le  catéchumé- 
nat  dans  les  Eglises  de  l'Orient  et 
de  l'Occident  ,  aussi  long-temps 
qu'il  y  a  eu  des  infidèles  à  conver- 


CAT 

tir,  par  conséquent  dans  rOccideul 
jusqu'au  huitième  siècle.  Dans  la 
suite  on  n'a  plus  observé  cette  dis- 
cipline aussi  exactement  à  l'égard 
des  adultes  qui  demandoient  le 
baptême  ,  parce  que  l'on  n'avoil 
plus  les  mêmes  dangers  à  craindre 
que  dans  les  siècles  précédents. 

Mais  il  n'est  pas  inutile  d'en  con- 
server la  mémoire  ;  il  en  résulte 
non-seulement  que  l'on  a  toujours 
eu  grand  soin  d'instruire  ceux  qui 
vouloient  embrasser  le  christianis- 
me, mais  qucl'on  a  toujours  craint 
qu'après  avoir  été  baptisés  ,  ils  ne 
déshonorassent  par  une  vie  païen- 
ne ,  la  sainteté  de  notre  religion. 
C'est  une  preuve  de  plus  pour 
réfuter  les  incrédules  anciens  ou 
modernes,  qui  ont  osé  dire  que  les 
premiers  fidèles  étoient  un  amas 
d'ignorants  ou  d'hommes  flétri» 
par  de  mauvaises  mœurs. 

Le  caiéchuménai  ctoit  donc  une 
épreuve  et  une  précaution  que  l'on 
avoit  jugée  nécessaire  pour  ne 
point  admettre  ,  dans  la  société 
chrétienne,  de  sujets  mal  instruits, 
vicieux  ,  mal  affermis  ,  capables 
d'abandonner  leur  foi  et  de  la  re- 
nier au  moindre  péril  ;  peut-être  de 
calomnier  l'Eglise  auprès  des  per- 
sécuteurs. 

La  durée  de  cette  épreuve  ne  fut 
pas  la  même  dans  tous  les  temps  ni 
dans  tous  les  lieux  ;  le  concile  d'El- 
vire  ,  en  Espagne  ,  tenu  vers  l'an 
3oo  ,  décida  qu'elle  dureroit  deux 
ans  ;  Justinien  ordonna  la  même 
chose  pour  les  juifs  qui  voudroient 
se  convertir.  Le  concile  d'Agde , 
l'an  5o6,  n'exige  pour  eux  que  huit 
mois  d'instruction.  Les  constitu- 
tions apostoliques,  plus  anciennes 
que  ce  concile,  avoient  demandé 
trois  ans  de  préparation  avant  de  re- 
cevoir le  baptême,  liv.  8  ,  c.  Sa. 
Quelques-uns  ont  cru  que  le  temps 
du  carême  suffisoit.  Dans  des  cir- 
constances pressantes  on  abrégeoit 
encore  ce  terme.  Socrate ,  parlant 
de  la  conversion  des  Bourguignons, 


CAT 

dit  qu'un  éve<(iic  Jos  Gaules  se. 
conleula  de  les  instruire  pendant 
sept  jours.  Si  un  caiéchumcne  se 
trouvoit  subitement  en  danger  de 
mort,  on  le baptisoit  sur-le-champ. 
En  ftc'néral  ,  on  laissoit  à  la  pru- 
dence des  éveques  de  prolonger  ou 
d'abréger  le  temps  de  l'instruction 
et  des  épreuves,  selon  le  besoin  et 
les  dispositions  qu'ils  voyoient 
dans  les  catéchumènes.  Bingham  , 
Orig.  Eccïés.  t.  4  )  1-  lo  ,  c.  1  ,  §  5  ; 
Morin, dePœnit. Laubépine,  Obser- 
vations sur  les  anciens  rites  de  VE- 
glise;  Fleury;  Mœurs  des  chrétiens  et 
hist. ecclés .; Ane. Sacrant .,  2.^  part, 
t.  3 ,   p.  2.    etc. 

CATHARES,  du  grec  xaOapo?, 
pur  ;  nom  que  se  sont  attribué  plu- 
sieurs sectes  d'hérétiques ,  surtout 
les  apotactiques  ou  renonçants,  qui 
étoient  une  branche  des  cncralites. 
Quelques  montanistes  se  pai'èrent 
ensuite  du  nom  de  cathares,  pour 
témoigner  qu'ils  n'avoient  point  de 
part  au  crime  de  ceux  qui  nioienl 
la  foi  dans  les  tourments;  qu'au 
contraire  ils  refusoient  de  les  rece- 
voir à  pénitence  :  sévérité  injuste 
et  outrée.  Pour  la  justifier  ,  ils 
nioié'nt  que  l'Eglise  eût  le  pouvoir 
de  remettre  les  péchés;  ilsportoient 
des  robes  blanches,  pour  montrer, 
disoient- ils  ,  par  leur  habit  ,  la 
pureté  de  leur  conscience.  Nova 
tien ,  prévenu  de  la  même  erreur  que 
les  montanistes,  donna  aussi  le  me 
me  nom  à  sa  secte,  et  quelques  an 
ciens  ne  la  nomment  pas  autrement 

Par  ironie,  l'on  a  nommé  ca/Aares 
différentes  sectes  d'hérétiques  qui 
firent  du  bruit  dans  le  douzième 
siècle  ;  les  albigeois,  les  vaudois  , 
les  patarins  ,  les  cotereaux  et  au- 
tres ,  descendants  des  henriciens  , 
de  Marsille,  de  Tendème ,  etc.  Ils 
furent  condamnés  dans  le  troisième 
concile  de  Latran  ,  tenu  l'an  1 1 79 , 
sous  Alexandre  III.  Les  puritains 
d'Angleterre  se  sont  enfin  décorés 
du  même  titre. 


CAT  449 

C'est  ord  inairemcnt  sous  un  mas- 
que de  réforme  et  de  vertu ,  que 
les  Viérésiarques  ont  séduit  les  sini  - 
pies  ,  et  se  sont  fait  des  partisans  ; 
mais  une  affectation  c.e  régularité  , 
qui  a  pour  base  l'esprit  de  révolte 
et  l'opiniâtreté,  n'est  pas  ordinai- 
rement de  longue  durée  ;  souvent 
ce  n'est  qu'un  voile  pour  cacher  de 
véritables  désordres:  les  novateurs, 
devenus  les  maîtres,  ne  sont  plus 
les  mêmes  que  lorsqu'ils  étoient  en 
core  foibles.  Tant  d'exemples  de 
cette  hypocrisie,'  qui  se  sont  re 
nouvelés  depuis  la  naissance  de 
l'Eglise ,  auroient  du  détromper  les 
peuples;  mais  ils  sont  toujours  prêt  s 
à  se  laisser  prendre  au  même  piège. 

CATHARISTES  ou  purifica- 
teurs ,  secte  de  manichéens  ,  sur 
laquelle  les  autres  rejetoient  les  ot- 
duresetles  impiétés  quisecommet- 
toientdansla  prétendue  consécra- 
tion de  leur  eucharistie.  Saint 
Augustin  ,  ifccr.  46.  ;  Saint  Léon  , 
Episi.  8. 

CATHÉDRALE  ,  église  épisco- 
pale  d'un  diocèse  ;  ce  nom  a  été  tiré 
du  mol  cathedra,  siège  d'un  éveque. 
Dès  l'origine  de  l'Eglise  ,  pendant 
la  célébration  des  saints  mystères, 
l'évêque  présidoit  au  presbytère  ou 
à  l'assemblée  des  prêtres  ;  il  étoit 
assis  sur  une  espèce  de  trône  ou  de 
siège  plus  élevé  que  les  leurs  ;  c'est 
ainsi  que  saint  Jean ,  dans  l'Apo- 
calypse ,  représente  une  assemblée 
chrétienne  ,  c.  4-  J^-  2.  De  là  est 
venu  l'usage  de  désigner  la  dignité 
d'un  éveque  par  le  nom  de  chaire 
ou  de  siège  ,  cathedra  ;  de  célébrer 
même  les  fêtes  de  la  chaire  de  saint 
Pierre  à  Antioche  et  à  Rome  ;  d'ap- 
peler église  cathédrale,  l'église  ou 
l'assemblée  principale  à  laquelle 
l'évêque  préside. 

Mais  ce  nom  employé  pour  dé- 
signer un  édifice  ou  un  temple, 
dans  lequel  un  éveque  célèbre  ordi 
nairemcnt,  n'est  pas  fort  ancien  ; 
39 


45o  CAT 

il  n'a  été  usité  en  ce  sens  que  dans 
l'Occident,  et  depuis  le  dixième 
siècle.  Quoique  les  chrétiens  aient 
eu  la  liberté  de  bâtir  quelques  lieux 
d'assemblée  dès  la  fin  du  troisième, 
sous  le  règne  de  Dioclétien  ,  il  pa- 
roît  que  l'on  commença  seulement 
à  bâtir  de  grandes  églises  sous 
Constantin ,  lorsqu'il  eut  permis 
le  libre  exercice  du  christianisme; 
et  dans  tout  l'Orient  ces  églises  , 
dans  lesquelles  l'évêque  célébroit  , 
étoient  appelées  la  grande  église  , 
V église  épiscopale ,  V église  de  la  ville, 
ou  simplement  l'eg-Zise;  et  l'onnom- 
moit  basilique  ,  les  églises  particu- 
lières érigées  à  l'honneur  des  mar- 
tyrs ou  d'autres  saints. 

Plusieurs  auteurs  espagnols,  qui 
ont  écrit  sur  l'antiquité  de  leurs 
églises  cathédrales  ,  ont  prétendu 
qu'il  y  en  a  eu  qui  datoient  du 
temps  des  apôtres  ;  mais  cette  pré- 
tention n'est  fondée  sur  aucune 
preuve  solide. 

CATHOLIQXJE  ;  ce  terme  déri- 
vé du  grec  xaQôXov,  paHout ,  si- 
gnifie universel.  L'Eglise  est  nom- 
mée catholique  ,  non  -  seulement 
pour  marquer  qu'elle  est  répandue 
par  toute  la  terre ,  chez  toutes  les 
nations  ,  mais  pour  exprimer  la 
profession  qu'elle  fait  de  croire  et 
d'enseigner  partout  la  même  doc- 
trine ,  de  prendre  pour  règle  de  sa 
foi  V  universalité  de  croyance,  qui 
est  suivie  dans  toutes  les  sociétés 
particulières  dont  elle  est  compo- 
sée. Tel  est  le  caractère  qui  distin- 
gue la  véritable  Eglise  de  Jésus- 
Christ  ,  d'avec  les  sectes  qui  se  sont 
séparées  d'elle. 

C'est  l'idée  qu'en  donnoit  saint 
Irénée  dès  la  fin  du  second  siècle 
«  L'Eglise,  dit-il,  quoique  disper- 
»  sée  par  tout  le  inonde ,  conserve 
i>  avec  le  plus  grand  soin  la  foi  et 
»  la  doctrine  qu'elle  a  reçues  des 
»  apôtresetde  leurs  disciples.  Sem- 
■»)  blable  à  une  seule  famille  qui  n'a 
»  qu'un  cœur,  qu'une  âme ,  qu'une 


CAT 

»•  mèmç  voix,  elle  croit,  enseigne 
»  etpreche  partout  de  même,  d'un 
»  consentement  unanime.  Malgré 
»  la  distance  des  lieux  et  la  diver- 
»  site  des  langues,  la  tradition  est 
»  uniforme  partout ,  etc.  »  Adv. 
Hœr. ,  liv.  i,  c.  lo,  n.o»  i  et  2. 
Saint  Augustin  n'a  fait  que  copier 
celte  notion  ,  en  écrivant  contre 
les  donatisles,  liv.  de  Unit.  Ecoles. 
n.°  56  ;  Tract.  3,  in  Epist.  Joan. 
Tertullien  et  saint  Cyprien  s'en 
étoient  servis  avant  lui  pour  réfu- 
ter les  hérétiques.  Tel  est  aussi  le 
sens  que  M.  Bossuet  donne  au  mot 
catholique  ;  Première  Inst.  past.  sur 
les  promesses  de  V Eglise ,  n.°  29. 

Quelques  auteurs  ont  prétendit 
que  Théodose  le  Grand  étoit  le 
premier  auteur  de  cette  dénomina- 
tion ,  qu'il  y  avoit  donné  lieu  en 
ordonnant,  parun  édit,  que  le  titre 
de  catholique  fût  attribué  par  pré- 
férence aux  Eglises  qui  suivoient  les 
décisions  du  concile  de  Nicée.  Vos- 
sius  pensé  que  ce  mot  n'a  été  mis 
dans  le  symbole  qu'au  troisième 
siècle.  Mais  ces  deux  opinions  sont 
insoutenables.  Dans  la  lettre  des  fi- 
dèles de  Smyrne,  touchant  le  mar- 
tyre de  saint  Polycarpe,  qui  est  de 
l'an  169,  il  est  parlé  de  l'Eglise 
catholique  ;  dans  Eusèbe  ,  liv.  4  ^ 
c.  i5.  Valois,  dans  ses  notes  sur 
VHist.  ecclés.  d'Eusèbe ,  liv.  8  , 
observe  que  le  nom  de  catholique 
a  été  donné  à  l'Eglise  dès  le  temps 
le  plus  voisin  des  apôtres,  pour  la 
distinguer  des  sociétés  hérétiques 
qui  s'étoient  séparées  d'elle.  En  ef- 
fet ,  saint  Ignace  ,  plus  ancien  que 
saint  Polycarpe,  a  dit,  dans  sa  let- 
tre aux  fidèles  de  Smyrne  ,  n."  8  : 
«  Où  est  Jésus-Christ ,  là  se  trouve 
»  l'Eglise  catholique.  »  Au  commen- 
cement du  second  siècle  ,  Celse 
nommoit  déjà  l'Eglise  ca/Ao//'yufi  la 
grande  Eglise,  pour  la  distinguer 
des  sectes  hérétiques. Orig.,  contra 
Celse,  1.  5,  n.°  69.  Saint  Cyrille  et 
saint  Augustin  observent  que  les 
hérétiques  mêmes  elles  schismati- 


CAr 

i|ncs  donnoienl  ce  nom  à  la  véri- 
table Ef^lisc  dont  ils  s'cloienl  sépa- 
rés, cl  les  orthodoxes  la  désignoicnt 
l)ar  le  nom  àe.  catholique  tout  seul , 
rat/iolim. 

En  effet,  aucune  secte  hérétique 
n'a  jamais  voulu  s'astreindreà  pro- 
fesser la  doctrine  catholique  ou  uni- 
verselle, la  doctrine  uniformément 
enseignée  par  toutes  les  sociétés 
particulières  qui  composent  la 
grande  Eglise.  Loin  de  se  soumet- 
tre à  celte  condition  commune 
comme  à  une  règle  de  foi ,  elles  ont 
toujours  fait  un  crime  de  cette  mé- 
thode à  l'Eglise  romaine;  hérésie  et 
catholicité  sont  deux  termes  contra- 
dictoires :  le  premier  désigne  une 
doctrine  dont  on  a  fait  un  choix 
particulier  ;  le  second ,  une  doc- 
trine professée  partout.  Bossuet , 
première  Instruction  pastorale  sur 
les  promesses  de  V Eglise ,  n.»»  aS,  29. 

Ainsi,  lorsque  nous  disons  dans 
le  symbole  :  Je  crois  la  sainte  Eglise 
catholique,  nous  entendons:  Je  crois 
que  la  véritable  Eglise  de  Jésus- 
Christ  est  celle  qui  fait  profession 
d'enseigner  la  doctrine  universelle- 
ment reçue  depuis  les  apôtres  dans 
toutes  ses  sociétés  particulières  qui 
foi-ment  cette  grande  société.  Ce 
caractère  n'est  pas  difficile  à  discer- 
ner ;  l'Eglise  romaine  est  ia  seule 
qui  se  l'attribue  ;  toutes  les  sectes 
d'hérétiques  ,  loin  d'y  prétendre  , 
ie  lui  reprochent  comme  une  er- 
reur. Dans  l'article  Catholicisme  , 
nous  prouverons  que  ce  caractère 
est  essentiel  à  la  religion  de  Jésus- 
Christ  ,  et  Bossuet  l'a  démontré. 
Jbid. 

Nous  ne  savons  pas  ce  que  peut 
entendre  un  protestant ,  lorsqu'il 
dit ,  en  récitant  le  symbole  des  apô- 
tres :  Je  crois  la  sainte  Eglise  ca- 
tholique,  ni  en  quel  sens  il  peut 
attribuer  ce  titre  à  la  société  par- 
ticulière dont  il  est  membre.  Celte 
société  n'est  ni  la  plus  étendue  de 
toutes  les  communions  chrétien- 
nes ,  ni  la  plus  ancienne  5  elle  n'a 


CAT  4.11 

aucune  relation  ni  avec  l'Eglise 
grecque  schismatiqup  ,  ni  avec  au- 
cune des  autres  Eglises  orientales: 
toutes  ces  sociétés  s'accordent  avec 
l'Eglise  ca/^o/Z^MC  à  condamner  les 
protestants. 

M.  Bossuet  observe  très -bien 
que  quand  on  dit  :  Je  crois  la  sainte 
Eglise  catholique,  cela  ne  signifie 
pas  seulement  ,ye  c/'ois  qu'elle  existe, 
mais  je  crois  ce  qu^elle  croit  ;  autre- 
ment cène  seroit  plus  croire  qu'elle 
est ,  puisque  le  fond ,  et  pour  ainsi 
dire  la  substance  de  son  être,  est 
la  foi  qu'elle  déclare  à  tout  l'uni- 
vers. Esprit  de  Z<eibnitz ,  tom.  2, 
pag.  ICI. 

On  nous  fait  cependant  une  ob- 
jection. Au  quatrième  siècle,  lors- 
que les  ariens  se  prévaloient  de 
leur  grand  nombre  ,  les  Pères  leur 
ont  répondu  que  la  multitude  des 
errants  ne  prouve  rien.  Au  cinquiè- 
me ,  les  catholiques  reprochèrent 
aux  nestoriens  leur  petit  nombre  , 
et  ces  hérétiques,  à  leur  tour, 
répétèrent  la  réponse  que  l'on 
avoil  donnée  aux  ariens.  Il  en  fut 
de  même  des  eutychiens.  Ces  sectes 
sont-elles  devenues  plus  catholiques 
en  devenant  plus  étendues  ? 

Réponse,  l!i on ^  sans  doute  ;  mais, 
i.°  il  est  faux  que  les  ariens  aient  ja- 
mais été  en  plus  grand  nombre  que 
les  catholiques.  2.°I1  n'y  a  jamais  eu 
entre  eux  aucune  unité,  puisqu'ils 
n'ont  jamais  pu  convenir  d'une 
même  profession  de  foi.  3.°  Ils 
n'ont  jamais  voulu  prendre  pour 
règle  le  consentement  universel  et 
l'uniformité  de  croyance.  En  quel 
sens  pouvoient-ils  s'attribuer  la 
catholicité  ?  Nous  convenons  que 
l'étendue  d'une  secte  et  la  multi- 
tude de  ses  partisans  ,  considérée 
absolument ,  ne  prouve  rien ,  puis- 
qu'elle a  toujours  commencé  par 
un  petit  nombre;  mais  puisqu'en-- 
fin  Jésus  -  Christ  a  promis  à  son 
Eglise  de  lui  réunir  toutes  les  na- 
tions, il  est  absurde  de  vouloir 
que  le  schisme  d'une  partie  de  scv 


2^52  CAT 

membres  l'emporte  sur    le  corps 
entier. 

Les  patriarches  ou  primats  d'O- 
rient ont  pris  le  ixlrtAe catholiques; 
on  disoit  le  catholique  d'Arménie  , 
pour  désigner  le  primat  ou  le  prin- 
cipal évêque  d'Arménie  ,  titi-e  à 
peu  près  semblable  à  celui  à^œcu- 
w^/îi^tfcqu'avoient  pris  les  patriar- 
ches de  Constantinople.  11  paroîl 
cependant  que  le  titre  de  catholique 
étoit  moindre  que  celui  àç.  patriar- 
che ;  les  nestoriens ,  obligés  de  se 
réfugier  dans  la  Perse,  nommèrent 
leur  principal  évêque  catholique  ; 
ils  n'osèrent  pas  l'appeler /^a/n'ar- 
che,  quoique  Nestorius  l'eût  été  de 
Constantinople.  Ce  nouveau  titre 
ne  fut  institué  que  sous  Juslinien 
au  sixième  siècle.  Voy.  Renaudot , 
JJissert.  sur  le  patriarche  d'Alexan- 
drie,  n.°4« 

CATHOLICITÉ  ,  universalité  , 
extension  à  tous  les  lieux ,  à  tous  les 
temps  ,  à  toutes  les  personnes.  La 
catholicité  d'une  doctrine  consiste 
en  ce  qu'elle  a  été  la  même  depuis 
lesapôtres  jusqu'à  nous,  dans  tou- 
tes les  sociétés  chrétiennes  qu'ils 
ont  fondées  ,  dans  tous  les  siècles, 
dans  le  corps  des  pasteurs  comme 
dans  celui  des  fidèles.  La  ca/Ao//c/7e 
de  l'Eglise  est  la  profession  qu'elle 
fait  de  regarder  cette  uniformité 
générale  et  constante  comme  un 
signe  infaillible  de  vérité.  La  ca/Ao- 
licité  d'un  fidèle  est  sa  soumission 
à  cette  méthode  d'enseignement. 
(N.^  XV,  p.  XXXI.) 

Si  par  Ja  catholicité  de  l'Eglise 
on  entendoit  seulement  son  étendue 
dans  toutes  les  parties  du  monde  , 
il  seroit  impossible  à  un  fidèle  igno- 
rant de  savoir  certainement  qu'il 
est  membre  de  l'Eglise  catholique. 
Il  peut  très-bien  ignorer  si  elle  est 
plus  étendue  qu'aucune  des  autres 
sectes  ;  mais  il  ne  peut  pas  ignorer 
que  l'Eglise  ,  dont  il  est  membre  , 
Ini  propose  pour  règle  de  foi  l'uni- 
formité de  doctrine  entre  toutes  les 


CAT 

sociétés  particulières  dont  elle  est 
composée  ;  uniformité  attestée  par 
l'union  et  la  soumission  à  un  seul 
chef,  qui  est  le  vicaire  de  Jésus- 
Christ.  C'est  ce  qu'un  catholique 
fait  profession  de  croire  em-écitant 
le  symbole.  Pour  être  convaincu  de 
la  ca//io//a!Vde  l'Eglise, il  lui  suffit  de 
l'être  de  sa  catholicité  personnelle. 

L'étendue  de  l'Eg^lise  n'a  pas  exis- 
té d'abord  ,  et  n'a  pas  toujours  été 
la  même  ;  la  catfiolicité ,  dans  le 
sens  que  nous  expliquons  ,  est 
aussi  ancienne  qu'elle,  et  n'a  ja- 
mais varié. 

Aujourd'hui  quelques  protes- 
tants ne  font  pas  difficulté  de  dire 
qu'ils  sont  catholiques,  c'est-à-dire, 
membres  de  l'Eglise  universelle , 
composée  de  tous  ceux  qui  croient 
en  Jésus-Christ  ;  mais  c'est  un  abus 
grossier  du  terme.  Comment  peut- 
on  appeler  Eglise  l'amas  de  plu- 
sieurs sectes,  qui  n'ont  entre  elles 
aucune  union,  qui  se  regardent  les 
unes  comme  hérétiques,  les  autres 
comme  idolâtres,  qui  se  disent  mu- 
tuellement anatheme  i*  Pour  être 
catholique,  il  faut  prendre  pour 
règle  de  foi  le  consentement  una- 
nime de  toutes  les  sociétés  chré- 
tiennes qui  reconnoisscnt  un  seul 
chef".  Nous  avons  prouvé  ailleurs 
qu'un  des  caractères  essentiels  à  la 
véritable  Eglise  est  V unité  dans 
la  foi  ,  dans  le  culte  ,  dans  la 
soumission  à  un  chef.  Voyez  Egli- 
se ,  §  i  et  2.  Or,  ce  caractère  se 
trouve  dans  l'Eglise  romaine  seule  : 
elle  est  donc  la  seule  catholique. 

CATHOLICISME,  système  dans 
lequel  on  soutient  que  la  catholi- 
cité de  la  doctrine  est  la  règle  de 
foi  à  laquelle  tout  homme  qui  croit 
en  Jésus  -  Christ  doit  se  confor- 
mer. Comme  toutes  les  sectes  qui 
ont  paru  depuis  les  apôtres  se  sont 
élevées  contre  ce  système,  nous  ne 
pouvons  nous  dispenser  de  prouver 
que  c'est  le  seul  vrai ,  le  seul  que 
puisse  suivre  un  homme  qui  se  pi- 


CAT 

que  de  savoir  raisonnor.  Bossucl 
et  nos  autres  cimtrovcrsistes  l'ont 
«lémontré  contre  les  protestants  : 
voici  à  peu  près  le  sommaire  de 
leurs  réilexions. 

i.°  Dans  la  reiifçion  primitive  , 
la  règle  de  foi  étoit  la  tradition  do- 
mestique ;  les  patriarches  n'en 
avoient  point  d'autre.  Sous  la  loi 
de  Moïse,  la  règle  de  foi  étoit  la 
tradition  nationale  ;  Dieu  l'avoit 
ainsi  ordonné.  DeuL,  c.  17,  y.  10; 
c.  32 ,  y.  7.  Donc  sous  l'Evangile  , 
destiné  à  êXve  prêché  à  ioute  créa- 
ture ,  et  jusqiià  la  cnnsormnaiion 
des  siècles,  la  règle  de  foi  est  la  tra- 
dition générale.  Cette  uniformité 
du  plan  de  la  Providence  en  dé- 
montre la  sagesse;  il  est  absurde 
de  penser  que  Dieu  en  ait  cîiangé. 
Sous  la  première  époque  de  la  l'é- 
vélation  ,  tous  ceux  qui  ont  perdu 
de  vue  la  tradition  des  leçons  don- 
nées à  Adam,  sont  tombés  dans  le 
polythéisme.  Sous  la  seconde,  tou- 
tes les  fols  que  les  Juifs  se  sont 
écartés  des  préceptes  de  leur  reli- 
gion nationale,  ils  se  sont  précipi- 
tés dans  l'idolâtrie  et  dans  les  su- 
perstitions de  leurs  voisins.  Sous 
la  troisième,  quiconque  refuse  de 
consuJter  la  tradition  universelle, 
sç  livre  au  délire  d'une  fausse  phi- 
losophie. 11  y  en  a  autant  d'exem- 
ples qu'il  y  a  eu  d'erreurs  depuis 
les  apôtres  jusqu'à  nous. 

2."  L'unité  est  essentielle  à  l'E- 
glise de  Jésus-Christ;  il  a  dit  lui- 
même  de  ses  ouailles  :  «  J'en  ferai 
un  même  troupeau  sous  un  seul 
pasteur.  »  Joan. ,  c.  1 1  ,  y .  6.  Se- 
lon saint  Paul,  les  fidèles  sont  un 
seul  corps,  qui  a  un  seul  Seigneur  , 
une  seule  foi  ,  un  seul  baptême. 
JLphes.,  c.  4  5^-4  ^^  5*  Quicon- 
que se  sépare  de  cette  unité  n'ap- 
partient donc  plus  au  troupeau  de 
Jésus-Christ.  Or  cette  xinité  ne  peut 
se  conserver  qu'autant  que  les  di- 
verses sociétés  qui  composent  l'E- 
glise se  servent  mutuellement  de 
témoins,  deg.irants  et  de  survcil- 


CAT  4i;3 

lants;  demanièrc  que  si  l'une  venoit 
à  s'égarer,  toutes  lesautres  pussent 
la  redresser.  L'unité  ne  peut  se 
trouver  dans  l'erreur  ,  chacun  se 
trompe  à  sa  manière  ;  l'unité  est 
donc  un  signe  infaillible  de  vérité. 

3.°  De  savoir  si  Jésus-Christ  a 
révélé  telle  doctrine,  ou  xine  doc- 
trine contraire,  c'est  un  fait.  Or, 
pour  constater  un  fait  quelconque 
on  ne  se  borne  point  à  consulter 
l'histoire,  l'on  interroge  la  tradi- 
tion oraleet  lesmonuments.  La  tra- 
dition est  du  plus  grand  poids,  lors- 
que les  témoins  sont  en  très-grand 
nombre  ;  que  tous  ont  intérêt 
a  être  informés  du  fait  et  à  le  pu- 
blier tel  qu'il  est  ;  que  ce  ne  sont 
point  de  simples  particuliers,  mais 
des  sociétés  entières.  Récuser  la 
certitude  morale  ainsi  portée  au 
plus  haut  point  de  notoriété,  c'est 
vouloir  évidemment  se  tromper. 

4.°  Depuis  la  naissance  de  l'E- 
glise, on  s'est  servi  de  celte  règle 
pour  juger  si  une  doctrine  étoit 
vraie  ou  fausse,  orthodoxe  ou  hé- 
rétique. Les  conciles  ont  été  as- 
semblés pour  que  les  évêques  des 
difTérentes  parties  du  monde  pus- 
sent y  rendre  témoignage  de  ce  qui 
étoit  cru,  enseigné  et  professé  dans 
leurs  Eglises.  Lorsque  tous  ,  ou  le 
très  -  grand  nombre,  ont  atteste 
que  telle  étoit  la  croyance  qu'ils 
avoient  trouvée  établie,  on  n'a  pas 
hésité  de  juger  que  c'étoit  la  doc- 
trine de  Jésus-Christ,  et  que  l'o- 
pinion contraire  étoit  hérétique. 
Est-il  croyable  que  dès  l'origine 
l'Eglise  se  soit  trompée  sur  la  règle 
qu'elle  devoitsuivre  pour  enseigner 
les  fidèles  sans  aucun  danger  d'er- 
reur? II  faudroit  que  Jésus-Christ 
l'eût  abandonnée  au  moment  mê- 
me qu'il  veijoit  de  la  former. 

5.°  Ou  il  faut  suivrecette  règle, 
ou  il  faut  s'en  tenir  à  l'Ecriture 
seule,  comme  le  veulent  les  pro- 
testants ;  il  n'y  a  pas  de  milieu. 
Mais  quand  il  s'agit  de  fixer  le  vrai 
sens  di' l'Ecriture,  et  de  savoir  com- 


454 


CAT 


ment  l'on  doit  l'entendre,  c'est  une 
absurdité  de  nous  renvoyer  à  l'E- 
criture. D'un  côté. ,  une  poignée  de 
docteurs  soutiennent  que  ces  paro- 
lesdeJésus-Christ,cecje5/7no/îcor^s, 
doivent  être  prises  dans  le  sens  fi- 
guré; de  l'autre,  toutes  les  Eglises  de 
l'univers  attestent  qu'elles  les  ont 
toujours  entendues  dans  le  sens 
littéral.  Faut- il  préférer  à  cette 
croyance  générale  et  constante  l'o- 
pini  on  particul  iére  d'un  petit  nom- 
bre de  novateurs  ? 

6.''  Toutes  les  sectes  qui  ont  abju- 
ré \t  catholicisme  n'ont  plus  trouvé 
entr'elles  aucun  centre  de  réunion, 
elles  sont  successivement  tom- 
bées d'une  erreur  dans  une  autre. 
V.  à  l'article  Erreur,  l'enchaîne- 
ment de  celles  des  protestants.  Ils 
sont  divisés  en  luthériens,  calvinis- 
tes, arminiens,  gomaristes,  angli- 
cans ,  quakers  ,  hernhutes ,  frères 
moraves,  piétistes,  sociniens,  coc- 
céiens,etc.  Le  désordre  auroil  en- 
core été  plus  grand ,  et  les  ruptures 
plus  fréquentes  ,  si  la  rivalité  en- 
tre ces  sectes  et  l'Eglise  catholique 
ne  leur  avoit  pas  souvent  servi  de 
Irein  ;  elles  ne  sont  unies  que  par 
la  haine  qui  les  anime  contre  elle. 
Après  avoir  secoué  le  joug  de  la 
tradition  universelle,  elles  ont  été 
forcées  de  s'en  tenir  à  leur  tradi- 
tion particulière,  aux  décisions  de 
leurs  synodes ,  à  des  confessions 
de  foi  ,  aux  ordonnances  des  ma- 
gistrats ,  même  d'employer  les  cen- 
sures et  les  peines  pour  maintenir 
dans  leur  sein  une  unité  du  moins 
extérieure. 

Depuis  plus  de  dix-sept  cents  ans 
l'Eglise  catholique  n'a  varié  ni  dans 
ses  dogmes,  ni  dans  sa  règle  de  foi, 
cela  seroit  impossible.  Comment 
les  différentes  Eglises  qui  la  com- 
posent, dont  les  unes  sont  très- 
eloignées  des  autres  ,  qui  se  croient 
toutes  obligées  de  conserver  la  doc- 
trine reçue  de  Jésus-Christ  par  les 
apôtres  ,  qui  ne  peuvent  avoir  au- 
cun intérêt  ni  aucun  motif  de  la 


CAU 

changer,  pourroient-elles  former 
une  conspiration  générale,  un  des- 
sein uniforme  de  l'altérer.''  Un  mê- 
me esprit  de  vertige  ne  peut  pas 
les  saisir  toutes  à  la  fois  ;  l'une 
d'entre  elles  ne  peu  t  pas  s'écarter  de 
la  tradition ,  sans  que  les  autres 
s'en  aperçoivent.  Toutes  les  fois 
qu'un  ou  plusieurs  particuliers , 
éveques  ou  autres,  ont  voulu  in- 
nover, le  scandale  a  éclaté  d'abord, 
et  ils  ont  été  condamnés.  Le  ca- 
Iholicisnne  est  donc  un  principe 
infaillible  d'unité,  de  perpétuité, 
d'immutabilité  dans  la  doctrine. 
Voyez  Eglise. 

CAUCAUBARDITES ,  branche 
d'eutychiens  qui ,  au  sixième  siè- 
cle ,  suivirent  le  parti  de  Sévère 
d'Antioche  et  des  acéphales.  Ils 
rejetoient  le  concile  de  Chalcédoi- 
ne  ,  et  soutenoient ,  comme  Euty- 
chès ,  qu'il  n'y  a  qu'une  seule  na- 
ture en  Jésus -Christ.  Le  nom  de 
caucaubardiles  leur  fut  donné  d'un 
lieu  dans  lequel  ils  tinrent  leurs 
premières  assemblées.  Nicéphore^ 
1.  i8,  c.  49  ■•  Baronius,  ann.  335. 
Quelques-uns  les  ont  nommés  co/i- 
lobabdiies ,  et  d'autres  condabau- 
dites.  Voyez  Eutychiens. 

CAUSE.  Les  théologiens  ,  aussi- 
bien  que  les  philosophes,  sont 
forcés  de  distinguer  plusieurs  es- 
pèces de  causes.  Non  -  seulement 
nous  connoissons  une  cause  pre- 
mière, qui  est  Dieu,  mais  des caw-  a 
ses  secondes,  qui  sont  les  créatures.  ^ 
Parmi  celles-ci  une  cause  peut  être 
matérielle  ou  formelle,  efficiente, 
ou  occasionnelle,  finale  ou  instru- 
mentale ,  physique  ou  morale,  to- 
tale ou  partielle  ,  prochaine  ou 
éloienée,  etc.  Le  détail  de  toutes 
ces  notions  appartient  a  la  méta- 
physique ,  et  il  peut  fournir  la 
matière  à  un  traité  fort  étendu. 

Les  athées  nous  disent  grave- 
ment qu'il  n'est  pas  nécessaire  que 
l'univers   ait  une  cause  première, 


CAU 

qu'il  esta  lui-mt-me  sa  cause,  qu'il 
a  toujours  existe  et  sera  toujours, 
que  tout  ce  qui  arrive  est  un  effet 
nécessaire  des  combinaisons  et  du 
mouvement  de  la  matière. 

Selon  cette  sublime  philosophie, 
tout  est  nécessaire  dans  l'univers 
et  tout  change  ,  tout  s'y  fait  de 
toute  éternité  et  tout  se  succède  ; 
les  combinaisons  de  la  matière 
sont  nécessaires  en  général ,  et  au- 
cune n'est  nécessaire  en  particu- 
lier; puisqu'il  dépend  souvent  de 
nous  de  les  changer  à  notre  gré. 
Quand  nous  n'aurions  pas  pour 
nous  le  sentiment  intérieur  et  in- 
vincible de  cettevérité,  l'absurdité 
et  les  contradictions  du  langage  des 
athées  suffiroient  pour  nous  con- 
vaincre de  la  nécessité  et  de  l'exis- 
tence d'une  cause  première ,  intel- 
ligente et  libre  ,  qui  a  fait  le  monde 
tel  qu'il  est,  et  qui  auroit  pu  le 
faire  autrement  si  elle  l'avoit  vou- 
lu. Voyez  Dieu. 

Ce  même  sentiment  intérieur  , 
qui  est  le  souverain  degré  de  l'évi- 
dence ,  nous  convainc  que  nous 
sommes  véritablement  actifs  et  non 
purement  passifs  comme  la  ma- 
tière, que  nous  sommes  par  con- 
séquent la  cause  efficiente  et  pro- 
prement dite  de  nos  actions.  Mais 
comme  la  foi  nous  enseigne  que 
nous  ne  pouvons  faire  aucune  ac- 
tion méritoire  pour  le  salut  sans 
Je  secours  de  la  grâce,  c'est  une 
grande  question  de  savoir  si  la 
grâce  divine  est  la  cause  physique 
de  nos  actions  méritoires,  ou  si 
elle  en  est  seulement  la  cause  mo- 
rale, dans  le  même  sens  que  les 
motifs  qui  nous  déterminent  sont 
censés  être  cause  de  nos  actions  or- 
dinaires. 

Nous  appelons  cause  physique, 
un  être  quelconque  à  la  présence 
duquel  arrive  toujours  tel  événe- 
ment qui  n'arrive  jamais  dans  son 
absence;  ainsi  le  feu  est  censé  être 
cause  physique  de  la  lumière,  de  la 
chaleur,  de  la  brûlure  ,  parce  que 


SCS  effets  se  font  toujours  sentir 
plus  ou  moins,  lorsque  le  feu  est 
pi-ésent,  et  non  lorsqu'il  est  ab- 
sent ;  la  coexistence  constante  de 
ces  phénomènes  nous  fait  conclure 
que  l'un  est  la  cause  de  l'autre, 
qu'il  y  a  une  connexion  nécessaire 
entre  l'un  et  l'autre  ;  nous  n'avons 
point  d'autre  signe  pour  en  juger  ; 
nous  ignorons  la  raison  à  priori 
pour  laquelle  le  feu  produit  la  lu- 
mière, la  chaleur  et  la  brûlure. 
Mais  cette  causalité  physique  n'a 
lieu  qu'entre  un  corps  et  un  autre 
corps,  elle  ne  peut  nous  donner 
aucune  idée  de  la  manière  dont  la 
grâce  agit  sur  nous. 

Une  cause  morale  se  connoît  par 
le  signe  contraire  ;  elle  ne  produit 
pas  toujours  le  même  effet,  et  sou- 
vent un  même  effet  est  produit  par 
des  causes  différentes.  Ainsi  un  mê- 
me motif  peut  nous  faire  faire  plu- 
sieurs actions  qui  ne  se  ressemblent 
point ,  et  une  même  action  peut 
être  faite  par  plusieurs  motifs  di- 
vers ;  ceux-ci  ne  peuvent  donc  être 
que  cause  morale  de  nos  actions; 
il  n'y  a  entre  celte  cause  et  ses  ef- 
fets qu'une  connexion  contingente. 
Cependant  un  homme  qui  suggère 
des  motifs  à  un  autre,  qui  comi- 
mande,  qui  conseille  ,  qui  excite  a 
faire  une  action  ,  est  aussi  censé  en 
être  la  cause  morale;  elle  lui  estim- 
putée  aussi-bien  qu'à  celui  qui  l'a 
faite. 

En  est-il  de  même  de  la  grâce  ? 
A  proprement  parler,  un  motif  qui 
nous  détermine  à  agir ,  ne  nou.s 
donne  point  de  force  nouvelle;  la 
force  est  censée  être  en  nous  indé- 
pendamment du  motif.  Or,  la  grâce 
nous  donne  une  force  que  nous 
n'avons  pas  naturellement.  Il  n'y  a 
donc  pas  nonplus  une  ressemblance 
exacte  entre  la  causalité  morale  et 
celle  de  la  grâce.  Faut-il  s'étonner 
si  la  manière  dont  la  grâce  agit  sur 
nous  est  un  mystère,  dont  nous  ne 
pouvons  avoir  aucune  idée  par  ce 
qui  se  passe  d'ailleurs  en  nous  ,  et 


456 


CAU 


si  les  disputes  louchanirefficacité 
de  la  grâce  sont  interminables  ? 
Voyez  Grâce  ,  §  IV. 

II  y  a  plus  :  souvent  l'Ecriture 
sainte  semble  nous  donner  pour 
cause  d'un  événement  ce  qui  n'en 
acte  que  Voccasion ;  cette  équivo- 
que fournit  aux  incrédules  une 
ample  matière  de  reproches  et  de 
déclamations.  S'ils  étoient  moins 
préoccupés  ,  ils  verroient  que  ce 
défaut,  si  c'en  est  un,  est  commun 
à  tous  les  peuples  et  à  toutes  les 
langues  ,  il  est  très-fréquent  dans 
la  nôtre. 

Nous  disons  :  Cet  homme  me 
donne  de  l'humeur  ,  il  est  cause  de 
ma  damnation  ;  il  n'en  a  peut-être 
aucune  envie,  sa  conduite  est  seu- 
lement l'occasion  et  non  la  cause 
des  passions  qui  nous  dominent. 
On  dit  à  un  jeune  homme  que  les 
attraits  d'une  femme  le  rendent 
fou  ,  à  un  bienfaiteur  qu'il  fait  des 
ingrats ,  à  un  père  que  par  sa  ten- 
dresse il  gâte  et  perd  ses  enfants , 
à  un  maître  qu'il  rend  son  valet  in- 
solent ;  etc.  Est-ce  leur  intention  ? 
Non  ,  sans  doute,  personne  ne  s'y 
trompe:  on  conçoit  que  dans  tou- 
tes ces  façons  de  parler  l'occasion 
est  prise  pour  la  cause;  et  il  ne  s'en- 
suit rien.  Pourquoi  serions-nous 
scandalisés  de  trouver  le  même 
style  dans  l'Ecriture  sainte. 

Nous  demandons  à  un  homme 
ingrat  et  brutal  :  «  Faut-il  me  mal- 
>»  traiter  pour  avoir  voulu  vous 
»  rendre  service  f  »  Nous  disons 
d'un  écolier  qui  a  mal  profité  des 
leçons  qu'on  lui  a  données  :  «  Il  est 
»  bien  mal  instruit ,  pour  avoir  étu- 
»  dié  sous  d'atissi  habiles  maîtres.» 
Dans  ces  façons  de  parler  ,  pour 
n'exprime  certainement  pas  la  cau- 
se, mais  l'événement. 

Jésus-Christ  dit  dans  l'Evangile: 
-  Je  ne  suis  pas  venu  apporter  la 
»  paix ,  mais  le  glaive.  »  Maith.  , 
c.  lo  ,  y.  34.  Son  intention  n'étoit 
pas  de  diviser  les  hommes  ,  puis- 
qu'il leur  a  constamment  prêché 


CAU 

la  douceur  et  la  paix  ;  mais  il  pré> 
voyoit  que ,  par  la  malice  et  l'in- 
crédulité de  plusieurs  ,  sa  doctrine 
seroitparmi  eux  une  cai^e acciden- 
telle ,  ou  plutôt  une  occasion  et  un 
sujet  de  division  ;  il  avertissoit  ses 
apôtres  des  obstacles  qu'ils  auroienl 
à  vaincre  pour  l'établir.  Dans  la 
même  sens  ,  il  est  dit  de  lui  qu'il  a 
été  établi  pour  la  ruine  et  la  résur- 
rection de  plusieurs  dans  Israël. 
Luc,  c.  2,  y.  34.  Que  l'Evangile  et 
ses  ministres  sont  pour  les  uns  une 
odeur  mortelle  qui  les  tue ,  et  pour 
les  autres  une  odeur  de  vie  qui  les 
ranime.  I.  Cor. ,  c.  2  ,  j)!^.  6.  Ce  ne 
sont  pas  là  deshébraïsmes  ,  comme 
plusieurs  l'ont  prétendu,  mais  des 
gallicismes  purs.  Encore  une  fois , 
cesfaçons  de  parler  sont  communes 
à  toutes  les  langues. 

Conséquemment,  la  conjonction 
ut  àt  la  version  latine  ne  doit  pas 
toujours  .se  rendre  en  françois  par 
afin  que,  comme  si  elle  exprimoit 
l'intention  de  celui  qui  agit;  mais 
par  de  manière  que,  expression  qui 
désigne  seulement  ce  qui  s'est  en- 
suivi ,  même  contre  le  gré  de  celui 
qui  agissoit.  Dans  VExode,  c.  11  , 
yj'.  9  ,  Dieu  semble  dire  à  Moïse  : 
Pharaon  ne  vous  écoutera  pas,  afn 
quil  se  fasse  des  prodiges  en  Egyp- 
te. Etoit-ce  l'intention  de  Pharaon? 
Il  faut  nécessairement  traduire  de 
manière  quil  se  fera  ,  ou  je  ferai 
des  prodiges,  etc.  Jésus-Christ  dit 
aux  Juifs  :  «  Vous  attesterez  vous- 
»  mêmes  que  vous  êtes  /es  enfants 
»  de  ceux  qui  ont  mis  à  mort  les 
»  prophètes.  »  Maith.  ,  c.  23  ,  ^. 
3i.  Les  Juifs  n'avoient  aucune  en- 
vie de  l'attester  ;  mais  c'est  une 
conséquence  qui  s'ensuivoit  de  leur 
conduite.  Les  apôtres  leur  disent: 
«  Puisque  vous  rejetez  la  parole  de 
»  Dieu,  et  que  vous  vous  jugez  in- 
»  dignes  de  la  vie  éternelle,  nous 
»  nous  tournerons  du  côté  des 
»  païens.  »  Act.  ,  c.  i3  ,  ^f.  46. 
Les  Juifs  n'en  jugeoicnt  pas  ainsi  ; 
mais  leur  indignité  étoit  une  con- 


CAU 

eéqiie.nce  de  leur  incrédulilc.  Jé- 
sus-Christ avoit  ajouté  :  «  Vous 
»  poursuivrez  et  mettrez  à  mort 
n  mes  disciples,  a/in  de  Taire  tom- 
»  ber  sur  vous  tout  le  sang  des 
»  justes,  etc.  »  Mailh.,  cap.  23, 
"S '  34  et  35  ;  afin  ne  désigne  point 
ici  l'intention  ,  mais  l'évérienient. 

Nous  taisons  encore  la  même 
équivoque  en  françois  ,  lorsque 
nous  disons  à  un  honime  avec  hu- 
meur :  C'étoit  bien  la  peine  d'aller 
là  pour  faire  nnç  pareille  sottise, 
ou  ,  ce  n'ctoit  pas  la  peine  de  tant 
ti-availler  pour  réussir  aussi  mal. 
Nous  ne  prétendons  pas  lui  repro- 
cher qu'il  avoit  cette  intention. 
Ainsi  ,  lorsque  saint  Paul  dit  : 
«<  La  loi  est  survenuey^our  augmen- 
»  1er  le  péché  ,  »  Rom.,  c.  5,  ^  20, 
nous  ne  sommes  pas  tentés  de  con- 
clure que  c'étoit  là  l'intention  de 
rjicu  ;  nous  pensons  qu'il  faut  tra- 
duire :  La  loi  est  survenue  de  ma- 
nière que  le  péché  s'est  augmenté, 
et  c'est  la  remarque  de  saint  Jean- 
Chrysostôme. 

A  la  vérité ,  saint  Augustin  a 
donné  à  ce  passage  un  sens  plus 
rigoureux  ;  il  prétend  que  Dieu  a 
donné  exprès  la  loi  aux  Juifs  pour 
augmenter  le  péché  ;  afin  que,  con- 
vaincus de  la  nécessité  de  la  grâce 
par  la  multitude  de  leurs  transgres- 
sions ,  ils  implorassent  le  secours 
de  Dieu.  L.  3 ,  contra  duas  episi. 
Pelag. ,  c,  4  j  n.  7  ,  etc.  Mais  cette 
explication  ne  paroît  pas  assez  con- 
forme au  principe  posé  par  saint 
Paul ,  qu'il  ne  faut  pas  faire  le  mal 
afin  qu'il  en  arrive  du  bien ,  Rom. , 
c.  3  ,  y.  8  ;  et  à  ce  que  dit  l'Ecclé- 
siastique ,  c.  i5,  y/.  21,  que  Dieu 
n'a  donné  lieu  à  personne  de  pé- 
cher. Le  saint  docteur  a  entendu  , 
comme  saint  Jean-Chrysostome  , 
le  passage  de  saint  Paul ,  touchant 
la  loi  ancienne.  L.  i  ,  ad  Simplic. , 
q.  a  ,  n.  17  ,  et  1.  2  ,  contra  adoers. 
legisetprophet.  ,  c.  11  ,  n.  36.  L'au- 
tre explication  n'est  donc  pas  in- 
contestable. 


CAU  457 

De  même  lorsque  l'Ecriture  sem- 
ble attribuer  à  Dieu  l'aveuglement, 
les  erreurs,  l'incrédulité,  i'endur- 
cissement  «les  pécheurs  ,  nous  ne 
conclurons  pas,  comnte  Calvin, 
comme  les  manichéens ,  comme  les 
incrédules,  que  Dieu  a  donc  mis 
lui-même  ces  mauvaises  disposi- 
tions dans  leur  cœur,  mais  que  sa 
patience,  ses  bienfaits,  ses  menaces 
ou  ses  châtiments  ,  n'ont  abouti 
qu'à  ce  funeste  efiet;  qu'il  l'a  per- 
mis ,  qu'il  n'a  point  fait  usage  de  sa 
toute-puissance  pour  l'empêcher. 
Dans  ce  sens  il  est  écrit  (jue  Dieu 
suscita  un  ennemi  à  Salomon,  ITI. 
Reg. ,  c.  1 1  ,  ^.  23;  que  Dieu  avoit 
commandé  à  Séniéi  demaudire  Da- 
vid ,  JI.  Reg. ,  c.  16  ,  ^.  10  ;  qu'il 
a  envoyé  un  esprit  de  mensonge 
dans  la  bouche  des  faux  prophètes , 
///.  Reg.  ,  c.  22 ,  y/.  22  ;  qu'il  leur 
a  donné  un  esprit  de  vertige,  Isa'i., 
c.  ig  ,  ^^  14  ;  qu'il  les  a  séduits  , 
c.  63  ,  ^.  17  ;  Jcrcm. ,  c.  20,  S •  7  ; 
qu'il  les  a  trompés,  Ezech.  ,  c.  14, 
X'.g;  qu'il  a  livré  les  philosophes 
à  un  sens  réprouvé ,  Rom  ,  c.  i  , 
yi .  28  ;  qu'il  a  envoyé  un  esprit 
d'obstination  ,  ibid.  ,^  8  ;  qu'il  a 
tendu  un  piège  d'eri-eur ,  J.  Thess. , 
c.  2  ,  y.  II  ;  qu'il  aveugle  les  pé- 
cheurs ,  les  endurcit  ,  les  rend 
sourds  aux  remontrances  ,  Exod. , 
c.  4  ?  3^-  21  ;  Rom.,  c.  9  ,  y.  17  , 
18,  etc 

Sans  cesse  l'Ecriture  répète  que 
Dieu  est  saint,  ennemi  du  crime, 
qu'il  ne  le  commande  point ,  mais 
qu'il  le  défend  et  le  punit  ;  qu'il 
déteste  l'impiété,  qu'il  ne  trompe, 
ne  séduit,  ne  tente  personne;  elle 
dit  que  les  pécheurs  s'aveuglent  et 
s'endurcissent  eux-mêmes  :  Dieu 
n'y  a  point  de  part.  Nous  ne  cite- 
rons à  ce  propos  qu'un  seul  passage. 
«  Ne  dites  pas  :  Dieu  me  manque' 
»  ne  laites  point  ce  qu'il  défend. 
»  N'ajoutez  pas  :  Cest  lui  qui  nid 
»  égaré  ;  car  il  n'a  pas  besoin  de.s 

»  impies Le  Seigneur  n'a  tom- 

»  mantlé  à  personne  de  mal  faire, 


458 


CAU 


»  il  ne  donne  lieu  rie  pécher  à  au- 
j»  cun  homme  ,  il  ne  veut  point 
>»  augmenter  le  nombre  de  ses  en- 
I*  fants  infidèles  et  pervers.  »  JEc- 
cli.  ,  c.  i5  ,  y.  II. 

Cent  eiipressions  équivoques  ne 
peuvent  obscurcir  une  vérité  aussi 
claire  ;  celles  que  nous  avons  citées 
ne  pouvoient  pas  plus  tromper  les 
Juifs  que  nos  discours  ordinaires 
ne  trompent  nos  concitoyens.  Si 
les  incrédules  y  trouvent  un  piège 
d'erreur  et  un  motif  d'opiniâtreté, 
c'est  qu'ils  le  veulent;  Dieu  n'est  pas 
plus  l'auteur  de  leur  entêtement 
que  de  l'endurcissement  de  tous 
les  pécheurs. 

Dans  Isàie ,  c.  4^  ,  5^.  24  »  Di<^u 
dit  aux  Juifs  :  Vous  m  avez  fait  ser- 
tira vos  péchés.  Les  Juifs  avoient- 
ils  donc  le  pouvoir  de  faire  contri- 
buer Dieu  à  leurs  péchés  ?  Non  , 
sans  doute  ;  mais  par  leur  obstina- 
tion ,  les  bienfaits  de  Dieu  ne 
servoient  qu'à  les  rendre  plus 
méchants  et  plus  ingrats. 

Au  contraire,  ce  qui  est  la  vraie 
cause  d'un  événement  est  quelque- 
fois exprimé  dans  l'Ecriture  sainte, 
comme  s'il  n'y  avoit  pas  contribué. 
Dans  Jerern.,  Thren. ,  c.  5  ,  ^.  16, 
les  Juifs  disent  :  <(  Malheur  à  nous, 
»  ei nous  avons  péché,  c'est-à- 
dire  ,  car  ou  parce  que  nous  avons 
péché  :  la  conjonction  hébraïque 
n'indique  pas  seulement  la  suite 
accidentelle,  mais  TefFet  du  péché. 

Saint  Augustin,  dira-t-on,  s'est 
servi  de  tous  les  passages  objectés 
par  les  incrédules,  pour  prouver 
que  Dieu  est  véritablement  la  cause 
de  la  malice  et  de  l'endurcissement 
des  pécheurs.  Lorsque  Julien  lui 
répoiîid.  que  les  pécheurs  ont  été 
abandonnés  à  eux-mêmes  par  la 
patience  divine ,  saint  Augustin 
soutient  que  ,  selon  saint  Paul ,  il 
y  a  eu  un  acte  de  patience  et  un 
acte  de  pu-'ssance  ;  et  il  le  prouve 
par  CCS  mêmes  passages  :  Contra 
Juî.  ,  \  5  ,  c.  3  ,  n  °  i3  ;  c.  4  , 
n."i5,  etc. 


CAU 

Il  n'est  pas  vrai  que  saint  Au^ns- 
tin  ait  soutenu  cette  doctrine  ;  il 
s'est  servi  lui-même  du  passage  de 
l'Ecclésiastique  que  nous  venons 
de  citer,  pour  réfuter  ceux  qui  re- 
jetoient  sur  Dieu  la  cause  de  leurs 
péchés.  X..  de  grai.  et  lib.  arà.  , 
c.  2,  n."  3.  Il  dit  que  Dieu  endurcit, 
non  en  donnant  de  la  malice  au  pé- 
cheur ,  mais  en  ne  lui  faisant  pas 
miséricorde.  Epist.  ig4  adSixtum, 
c.  3,  n.  i4- Que  s'il  endurcit  en  ne 
faisant  pas  miséricorde  ,  ce  n'est 
pas  qu'il  donne  à  l'homme  ce  qui 
le  rend  plus  méchant ,  mais  c'est 
qu'il  ne  lui  donne  pas  ce  qui  le 
rendroit  meilleur,  adSimplic,  1. 1, 
q.  2,  n.°  i5 ,  c'est-à-dire,  une  grâce 
aussi  forte  qu'il  la  faudroit  pour 
vaincre  son  obstination.  Tract.  53 
in  Joan.  ,  n.°  6  et  suiv.  En  cela 
même  consiste  Xacte  de  puissance 
que  Dieu  exerce  pour  lors  :  cette 
puissance  ne  brille  nulle  part  avec 
plus  d'éclat  que  dans  la  distribution 
qu'elle  fait  des  grâces  comme  il  lui 
plaît  ;  mais  les  pélagiens  ne  vou- 
1  oient  pas  que  le  pécheur  eût  besoin 
de  grâce. 

Le  saint  docteur  dit  que  Pharaon 
endurcit  lui-même  son  propre 
cœur ,  et  que  la  patience  de  Dieu 
en  fut  Y  occasion.  L.  de  grat.  et  lib, 
arb.  ,  n.°45  ;  Serm.  ,  67  ,  n.°  8  ;  in 
PS.  i4o,  n.°  1 7.  Il  soutient  que  Dieu 
ne  nous  aide  jamais  à  pécher,  d<; 
pecc.  nierit.  et  remiss.,  l.  2,  n.°  5  ; 
que  quand  nous  disons  à  Dieu  de 
ne  pas  nous  induire  en  tentation, 
nous  demandons  de  ne  pas  nous.y 
laisser  tomber  en  nous  abandon- 
nant. Epist.  157  ,  n.°  16  ,  Dedono 
persev.,  n."  9  et  12,  etc. 

Origène  ,  saint  Basile  ,  saint 
Grégoire  de  Nazianze  ,  saint  Jean- 
Chrysostôme ,  saint  Jérôme  ,  ont 
expliqué  de  même  les  passages  de 
l'Ecriture  qui  regardent  l'endur- 
cissement ,  et  qui  semblent  attri- 
buer à  Dieu  la  cause  du  péché. C'eat 
donc  très-mal  à  propos  que  Calvin, 
Jansénius  cl  tant  d'autres  ont  pré- 


CAU 

ieiidii  avoir  puise  dans  saint  Au- 
(;tistin  les  inij)iélés  qu'ils  onl  sou' 
tenues  ;  et  c'est  une  injustice  de  la 
part  des  incrédules,  d'aifirmer  cjue 
saint  Augustin  a  été  dans  les  mêmes 
Opinions  que  Janséiiius  et  Calvin. 
Voyez  Grâce,  §  III. 

Causes  finales.  La  question  des 
causes  finales  semble  regarder  de 
plus  près  les  philosophes  que  les 
théologiens  ;  mais  l'Ecriture  sainte, 
dans  l'histoire  de  la  création,  attri- 
bue à  l'Auteur  de  la  nature  un  but, 
un  dessein,  dans  la  production  des 
différents  êtres  ;  elle  nous  enseigne 
que  Dieu  a  fait  l'un  pour  servir 
l'autre  ;  qu'après  avoir  achevé  son 
ouvrage,  il  vit  que  tout  éloii  bien. 
Elle  suppose  donc  qu'il  y  a  des 
causes  finales  :  il  s'agit  de  savoir  si 
les  raisonnements  et  les  hypothèses 
des  matérialistes  peuvent  renverser 
cette  doctrine. 

Ou  le  monde,  tel  qu'il  est,  vient 
du  hasard  et  d'une  nécessité  aveu- 
gle, ou  c'est  l'ouvrage  d'une  cause 
intelligente  :  il  n'y  a  pas  de  milieu. 
Tout  pourroit  être  autrement  qu'il 
n'est,  sans  qu'il  en  résultât  aucune 
contradiction  ;  il  n'y  a  donc  point 
là  de  nécessité.  Or ,  certains  êtres 
dépendent  des  autres  et  ne  peuvent 
subsister  sans  eux  :  cette  relation 
de  dépendance  est  constante  et  in- 
variable ;  elle  ne  vient  donc  pas  du 
hasard, c'a  été  le  dessein  d'une  cause 
intelligente  et  libre. 

Lorsqu'une  intelligence  agit  , 
elle  sait  ce  qu'elle  fait  ;  elle  connoît 
son  action  ,  et  veut  l'effet  qui  doit 
s'ensuivre  :  quand  elle  produit  une 
cause  physique,  elle  prévoit  et  veut 
l'effet  qui  en  résultera  :  autrement 
elle  agiroit  tout  à  la  fois  en  cause 
intelligente  et  en  cause  aveugle  ;  ce 
qui  est  absurde.  L'effet  est  donc  le 
but  immédiat  ou  la  fin  prochaine 
qu'un  être  intelligent  se  propose 
en  produisant  une  cause  physique, 
et  cette  cause  est  le  moyen.  Ainsi, 
la  recherche  des  causes  finales  n'est 
autre  chose  que  la  rc  hcrche  des 


CAU  </;9 

effets  produits  par  les  causes  phy- 
si(|ues. 

Puisque  certains  êtres  contri- 
buent comme  causes  physiques  à  la 
conservation  et  avi  bien-être  des 
autres,  c'est  l'intelligeiice  du  Créa- 
teur qui  a  établi  cette  relation;  elle 
n'est  ni  fortuite,  ni  imprévue,  ni 
nécessaire  à  son  égard;  il  auroit 
pu  faire  autrement ,  et  il  a  voulu 
faire  ce  qui  est  :  donc  les  êtres  qui 
servent  à  l'utilité  et  au  besoin  des 
autres,  sont  destinés  par  le  Créa- 
teur à  cet  usage  ou  à  cette  fin  :  donc 
les  derniers  sont  la  cause  finale  des 
premiers.  Nous  ne  voyons  pas  en 
quoi  pèche  cette  démonstration. 

Or,  entre  les  êtres  vivants  ,  celui 
auquel  Dieu  a  donné  plus  de  fa- 
cultés et  plus  de  talent  pour  faire 
servir  à  son  bien-être  les  autres 
créatures,  est  évidemment  l'hom- 
me ;  donc  Dieu  a  formé  ces  créa- 
tures pour  l'avantage  et  le  bien- 
être  de  rhom.me,  malgré  l'abus  que 
celui-ci  peut  en  faire  contre  l'in- 
tention du  Créateur.  Cette  doctrine 
de  l'Ecriture  sainte  tend  à  rendre 
l'homme  attentif,  reconnoissant , 
religieux;  les  sophismes  par  les- 
(juels  on  l'attaque  ,  ne  peuvent 
aboutir  qu'à  nous  rendre  stupides 
et  abrutis. 

On  dit  qu'en  attribuant  à  Dieu 
des  desseins  et  un  but ,  nous  le  fai- 
sons agir  à  la  manière  de  l'homme  ; 
celui-ci  se  propose  une  fin,  parce 
qu'il  en  a  besoin  ,  Dieu  n'a  besoin 
ni  de  fins,  ni  de  moyens. 

En  nous  accusant  d'un  sophisme 
et  d'une  comparaison  fausse  ,  ne 
sont-ce  pas  nos  adversaires  qui 
font  l'un  et  l'autre  ?  Voici  leur 
raisonnement  :  lorsque  l'homme 
se  propose  une  fin  et  prend  des 
moyens  ,  c'est  qu'il  en  a  besoin  ; 
donc  si  Dieu  fait  de  même  ,  c'est 
aussi  par  le  besoin.  Nous  rejetons 
cette  conséquence.  Dieu  n'avoît  pas 
besoin  de  créer  le  monde,  cepen- 
dant il  l'afait  ;  il  n'avoit  pas  besoin 
de  produire  tel  effet  physique  par 


46o  CAU 

le  moyen  de  telle  cause,  mais  il  a 
voulu  que  cela  fût  ainsi  ;  il  n'avoit 
pas  besoin  d'aliments  pour  conser- 
ver les  êtres  vivants ,  ceux-ci  néan- 
moins ne  peuvent  se  conserver 
autrement.  Agir  pour  une  fin  n'est 
donc  pas  pour  lui  un  besoin  ,  mais 
une  perfection;  il  agit  ainsi  ,  non 
parce  qu'il  est  indigent ,  mais 
parce  qu'il  est  intelligent,  sage  et 
bon.  Nous  demandons  si  agir  à  l'a- 
veugle ,  sans  savoir  ce  qu'on  fait  et 
sans  le  vouloir,  est  une  plus  grande 
perfection  <[ue  d'agir  pour  une  fin. 

A  la  vérité. ,  il  y  a  encore  plu- 
sieurs êtres  dont  nous  ne  voyons 
pas  l'utilité  ou  la  cause  finale ,  de 
même  qu'il  y  a  des  phénomènes 
dont  nous  ignorons  la  cause  pby- 
siqi.ie  ;  mais  de  ce  que  nous  ne  con- 
noissons  pas  toutes  les  causes  ,  il 
ne  s'ensuit  point  que  nous  n'en 
connoissions  aucune.  Une  étude  as- 
sidue de  la  natoire  nous  fait  décou- 
vrir tous  les  jours  de  nouveaux 
phénomènes  et  de  nouvelles  causes 
physiques  ;  donc  elle  peut  nous 
montrer  aussi  des  causesjinalcs  qui 
nous  étoient  inconnues. 

On  réplique  :  Si  Dieu  a  destiné  à 
notre  conservation  et  à  notre  bien- 
être  ce  qui  y  contribue  en  effet,  il 
a  donc  aussi  destiné  à  notre  mal- 
heur et  à  notre  destruction  ce  qui 
nous  blesse  et  nous  tue  ;  où  est  le 
motif  de  bénir  la  bonté  et  la  sa- 
gesse du  Créateur  ? 

S'il  avoit  été  de  celte  bonté  et  de 
cette  sagesse  infinie  de  nous  accor- 
der sur  la  terre  un  bonheur  com- 
plet et  constant,  \ine  vie  exempte 
de  tout  mal  physique,  Diei  l'auroit 
fait,  sans  doute  ;  il  auroit  disposé 
les  êtres  de  manière  qu'aucun  ne 
piît  nous  nuire;  mais  cela  devoit- 
il  être  ainsi  ?  Depuis  que  l'on  ar- 
gumente sur  l'origine  du  mal  ,  et 
que  l'on  eai  fait  la  base  de  mille 
objections  ,  est-on  parvenu  à  dé- 
montrer que  le  bien-être  accordé 
aux  créatures  vivantes  par  une  bon- 
lé  infinie  ne  doit  être  mélangé  d'au- 


CAU 

cun  degré  de  mal  ,  que  le  bien  est 
un  rnal ,  à  moins  qu'il  ne  soit  ab- 
solu et  augmenté  à  l'infini  ?  On  ne 
le  prouvera  jamais  ,  puisque  c'est 
une  absurdité.  Conséquemment  , 
sans  dérogera  la  bonté  divine,  nous 
croyons  ,  conformément  à  l'Ecri- 
ture sainte  et  à  la  droite  raison  , 
que  Dieu  seul ,  principe  du  bien  , 
est  aussi  l'auteur  des  maux  ,  Jsaïe, 
c.  45  ,  y.  7  ;  Amos  ,  yi.  6.  etc.  ,  et 
qu'il  ne  s'ensuit  rien  contre  les 
causes  finales.  Voyez  Mai. 

Les  philosophes  modernes  qui  se 
sont  élevés  avec  chaleur  contre  les 
causes  finales  ,  ne  nous  semblent 
pas  avoir  saisi  le  vrai  point  de  la 
question  ;  elle  se  réduit  à  savoir  si 
l'univers  est  le  résultat  d'une  néces- 
sité aveugle ,  que  nous  nommons  le 
hasard,  ou  si  c'est  l'ouvrage  d'un 
être  intelligent  et  libre  qui  opère 
avec  connoissance  et  avec  choix. 
Diront-ils  que  la  constitution  de 
l'univers  ne  dénote  pas  certaine- 
ment Topération  d'une  cause  intel- 
ligente ?  Dans  ce  cas  ,  nous  leur 
demanderons  quel  est  le  signe  par 
lequel  nous  pouvons  distinguer  le 
procédé  d'une  cause  intelligente, 
d'avec  celui  d'une  cause  aveugle  ; 
mais  nous  attendrons  long -temps 
la  réponse. 

Dès  que  l'on  perd  de  vue  les' 
causes  finales  ,  et  que  l'on  mécon- 
noît  dans  la  marche  de  l'univers  la 
main  d'un  Dieu  bon  ,  sage  et  puis- 
sant ,  l'étude  de  la  nature  devient 
sèche,  insipide  ,  morte,  sans  fruit 
et  sans  attraits  ;  la  physique  ,  l'his- 
toire naturelle,  la  cosmogonie  ,  la 
botanique  ,  etc.,  se  réduisent  pres- 
que à  une  simple  nomenclature  et 
à  un  niécanisme  aveugle  dont  on 
ne  voit  ni  le  principe  ni  l'utilité.  Si 
au  contraire  l'on  rapporte  tout  à 
une  providenie  attentive  et  bien- 
faisante, le  cœur  est  touché  et  l'es- 
prit satisfait  ;  l'homme  sent  alors 
qu'il  tient  un  rang  dans  l'univers, 
il  bénit  l'auteur  de  son  être,  et  ei^ 
devient  meilleur. 


CAD 

Agir  pour  nue  cause,  finale  à  dos- 
sfin  et  avec  nue  intention  ,  est  le 
caractère  des  êtres  intelligents  et 
libres,  et  lesactions  ainsi  faites  sont 
les  seules  capables  tic  inoralilé ,  les 
seules  qui  nous  soient  imputables. 
Mais  nous  avons  déjà  remarqué 
dans  l'article  précédent  que  sou- 
vent l'Ecriture  sainte  semble  attri- 
buer à  une  intention ,  à  un  dessein 
formé,  à  une  cause  finale ,  ce  qui 
arrive  contre  l'intention  ou  sans 
l'intention  de  celui  qui  agit  ;  elle 
s'exprime  ainsi ,  soit  à  l'égard  de 
Dieu ,  soit  à  l'égard  des  hommes. 
Saint  Matthieu  ,  par  exemple,  fait 
aux  circonstances  de  la  vie  du  Sau- 
veur l'application  de  plusieurs  pro- 
phéties qui ,  selon  le  sens  d'un  pro- 
phète, paroissentavoireuun  autre 
objet  ;  il  dit ,  c.  2  ,  y .  i5  ,  que  Jé- 
sus enfant  demeura  en  Egypte  jus- 
qu'à la  mort  d'Iiérode  ,  pour  ac- 
complir ,  ou  afn  d'accomplir  ce 
qui  avoit  été  dit  par  un  prophète  : 
J^ai  appelé  mon  fils  de  VEgypIe: 
c'est  en  parlant  des  Israélites  qu'O- 
sée avoit  dit  ces  paroles ,  c.  2  , 
y.  I  ,  et  probablement  les  parents 
de  Jésus  n'avoient  aucun  dessein 
d'accomplir  cette  prédiction. Il  dit, 
y .  23  ,  que  Jésus  demeura  à  Naza- 
reth pour  accomplir  ce  qui  avoit 
été  dit  par  les  prophètes  :  Jl  sera 
nommé  Nazaréen  ;  il  est  vraisem- 
l)lable  que  les  prophètes  ne  fai- 
soient  ,  par  ces  paroles  ,  aucune 
allusion  à  la  ville  de  Nazareth.  L'é- 
vangéliste  entend  donc  seulement 
que  ces  paroles  et  les  précédentes 
se  trouvèrent  accomplies  une  se- 
conde fois  et  dans  un  sens  différent 
de  celui  qui,  peut-être  ,  avoit  été 
le  seul  qu'eiit  le  prophète  en  écri- 
vant. 

Saint  Paul  ,  Galat.  ,  c.  2,  "^ .  i4, 
dit  à  saint  Pierre:  «  Vous  forcez  les 
»>  Gentils  à  judaïser.  »  Ce  n'étoif 
pas  le  dessein  de  saint  Pierre  ;  mais 
sa  conduite  pouvoit  donner  lieu 
aux  Gentils  de  conclure  qu'ils 
étoicnt    obliges   de    judaïser,    ou 


GEL  4G« 

d'observer  les  cérémonies  de  la  loi 
de  Moïse.  Tous  les  jours  nous  di- 
sons de  même  dans  les  discours 
familiers  :  Vous  m'avez  forcé  de 
laîre  telle  chose;  c'csl-à-dirc,  votre 
conduite  a  été  pour  moi  un  motif 
de  faire  ce  que  j'ai  fait. 

On  ne  peut  pas  trop  répéter  ces 
réllexiojis  ;  parce  que  les  incrédu- 
les, et  même  quelques  théologiens, 
ont  fait  un  abus  énorme  des  équi- 
voques semblables  qu'ils  ont  trou- 
vées ,  soit  dans  l'Ecriture  sainte  , 
soit  dans  les  Pères  de  l'Eglise.  Ils 
veulent  nous  persuader  que  l'hé- 
breu est  une  langue  extraordinaire, 
inintelligible  ,  qui  ne  ressemble  à 
aucune  autre  ,  qui  signifie  tout  ce 
que  l'on  veut ,  parce  qu'ils  n'ont 
pas  pris  !a  peine  de  la  comparer  à 
aucune  autre,  pas  même  avec  leur 
langue  maternelle,  dans  laquelle 
ils  auroient  trouvé  les  mêmes  pré- 
tendus contre -sens  et  les  mêmes 
inconvénients.  Voyez  Hébraïsme. 

CÉLÉBRANT.  L'on  appelle  ainsi 
dans  l'Eglise  romaine  l'evêque  ou 
!e  prêtre  qui  offre  le  saint  sacrifice 
de  la  messe  ,  pour  le  distinguer  du 
diacre,  du  sous  -  diacre  ,  et  des 
autres  ministres  qui  as.sistent  à 
l'autel. 

L'abbé  Renaudot ,  dans  sa  Col- 
lection des  liturgies  orientales ,  le 
P.  Lebrun  ,  dans  son  Explication 
des  cérémonies  de  la  messe,  t.  i ,  etc., 
ont  fait  voir  que  dans  toutes  les 
communions  chrétiennes  il  est  d'u- 
sage que  le  célébrant  se  prépare  à 
offrir  le  saint  sacrifice  par  la  con- 
fession de  ses  péchés  ,  s'il  en  a 
besoin,  par  la  retraite,  par  des 
veilles ,  par  des  prières ,  par  la  plus 
grande  pureté  intérieure  et  exté- 
rieure. L'office  de  la  nuit  et  du  ma- 
tin est  une  partie  de  cette  prépa- 
ration ;  mais  il  y  a  encore  d'autres 
prières  qu  i  doivent  précéder  la  cé- 
lébration ;  il  en  est  que  le  prêtre 
doit  réciter  en  prenant  les  habits 
sacerdotaux ,  et  tout  ce  qui  précède 


iC62 


CEL 


le  canon  n'est  censé  qn'unc  prépa- 
ration à  la  consécration  de  l'eu- 
charistie. L'on  a  toujours  été  per- 
suadé que  le  cc/eéranf  doit  apporter 
à  cette  grande  action  des  disposi- 
tions plus  saintes  et  plus  parfaites 
que  le  simple  fidèle  n'est  obligé 
d'en  avoir  pour  recevoir  la  com- 
munion. 

De  cette  conduite  de  l'Eglise 
chrétienne  ,  il  est  aisé  de  conclure 
quedans  tous  les  siècles  elle  a  eu  du 
sacrifice  de  la  messe  une  idée  bien 
différente  de  celles  que  les  sectes 
hétérodoxes  ont  conçues  de  la  cé- 
rémonie qu'elles  nomment  la  cène. 
Le  dogme  de  la  présence  réelle 
qu'elle  admet ,  a  dû  mettre  entre 
son  culte  et  le  leur  la  différence 
énorme  que  nous  y  voyons,  et  l'ap- 
pareil de  son  culte  est  aussi  ancien 
qu'elle.  Voyez  Liturgie. 

Lorsqu'un  prêtre  se  souvient  que 
ce  que  l'on  nomme  aujourd'hui 
messe  solennelle ,  est  la  messe  des 
premieis  siècles,  c'en  est  assez  pour 
lui  faire  comprendre  que  l'habi- 
tude d'offrir  tous  les  jours  ce  saint 
sacrifice  ,  ne  le  dispense  pas  de  la 
préparation. 

Dans  le  voyage  que  le  souverain 
pontife  Pie  VI  a  fait  en  Allemagne , 
en  1782,  les  protestants,  aussi- 
bien  que  les  catholiques  ,  ont  été 
frappes  de  la  majesté  ,  du  respect, 
de  la  piété  avec  lesquels  ils  lui  ont 
vu  célébrer  le  saint  sacrifice  de  la 


CÉLIBAT,  CONTINENCE,  état 
de  ceux  qui  ont  renoncé  au  mariage 
par  motif  de  religion. 

L'histoire  du  célibat,  considéré 
en  lui-même ,  l'idée  qu'en  ont  eue 
les  peuples  anciens ,  les  lois  qui  ont 
été  faites  pour  l'abolir,  les  incon- 
vénients qui  peuvent  en  résulter 
dans  les  circonstances  où  nous  ne 
sommes  point,  sont  des  spécula- 
tions étrangères  à  l'objet  de  la 
théologie.  Nous  devons  nous  bor- 
ner à   examiner  si   l'Eglise   chré- 


CEL 

tienne  a  eu  de  bonnes  raisons  d'y 
assujélir  ses  ministres  ,  et  d'en  au- 
toriser le  vœu  dans  l'état  monas- 
tique,  si  les  prétendus  avantages" 
qui  résuUeroient  du  mariage  des 
prêtres  et  des  religieux  sont  aussi 
certains  et  aussi  solides  qu'on  a 
voulu  le  persuader  de  nos  jours. 

Déjà  les  censeurs  de  cette  disci- 
pline de  l'Eglise  conviennent  que  le 
célibat,  considéré  en  lui-même  , 
n'est  point  illégitime  ,  lorsqu'il  est 
établi  par  une  autorité  divine;  que 
Dieu  ,  sans  doute,  peut  témoigner 
que  la  pratique  de  la  continence  lui 
est  agréable  :  or  il  l'a  témoigné  en 
effet. 

Jésus -Christ ,  après  avoir  dit  : 
«  Heureux  les  cœurs  purs ,  parce 
»  qu'ils  verront  Dieu  ,  »  Maith  , 
c.  5  ,  X^.  8  ,  ajoute  ailleurs  :  «  Il  y 
»  a  des  eunuques  qui  ont  renoncé 
»  au  mariage  pour  le  royaume  des 
»  cieux;  que  celui  qui  peut  le  con- 

»  cevoir  y  fasse  attention Qui- 

»  conque  aura  quitté  sa  famille  , 
»  son  épouse  ,  ses  enfants ,  ses  pos- 
n  sessions ,  .^  cause  de  mon  nom  , 
»  recevra  le  centuple ,  et  aura  la 
»  vie  éternelle.  »  Malth.,  c.  ig, 
y^.  12  ,  2g.  «  Si  celui  qui  vient  à 
»  moi  n'est  pas  disposé  à  quitter 
»  son  père,  sa  mère,  son  épouse, 
»  ses  enfants  ,  ses  frères  et  sœurs  , 
»  sa  propre  vie  ,  il  ne  peut  être 
»  mon  disciple.  »  Luc  ,  c.  \l^,^  26- 
Tel  est ,  en  effet ,  le  sacrifice  que 
les  apôtres  ont  été  obligés  défaire; 
ou  ils  ont  demeuré  dans  le  célibat , 
ou  ils  ont  tout  quitté  pour  se  livrer 
à  la  prédication  de  l'Evangile  et  aux 
travaux  de  l'apostolat  Cependant 
certains  critiques  ont  affirmé  avec 
une  entière  confiance  que  Jésus- 
Christ  n'a  imposé  à  personne  l'ob- 
ligation de  la  continence  ,  pas 
même  aux  apôtres.  Barbeyrac  , 
Traité  de  la  Morale  des  Pères ,  c  8, 
§  4,  et  suivants. 

Saint  Paul  dit  aux  fidèles  :  «  Ce 
»  n'est  point  un  ordre  que  je  vous 
»  donne   mais  un  conseil  :  je  vou- 


CFI. 

»  (Irois  (ju(*  vous  ("lissiez  tons  coiu- 
»  me  moi  ;  mais  cliaciiii  reçoit  de 
»  Dieu  le  clou  qui  lui  convient.  Je 
»  dis  <lonc  à  ceux  (jtii  sont  dans  le 
»  cclibnt  ou  datis  le  vcuvaj^e  ,  qu'il 
»  leur  est  bon  d'y  demeurer  comme 
»  moi.  S'ils  ne  peuvent  garder  la 
»  continence  ,  <|u'ils  se  marient  ; 
»  cela  vaut  mieux  que  de  brûler 
»  d'un  feu  impur.  »  I.  Cor. ,  c.  7  , 
y.  6.  Il  avoit  commencé  par  poser 
pour  maxime  qu'il  est  bon  à  l'hom- 
me de  ne  pas  toucher  une  femme. 
Ibid. ,  y.  I.  Pour  détourner  le  sens 
de  ce  passage  ,  Barbeyrac  dit  que 
saint  Paul  parloit  ainsi,  à  cause 
des  persécutions ,  et  non  pour  tous 
les  temps  ;  mais  le  texte  même  ré- 
fute cette  explication.  La  raison  que 
donne  saint  Paul  ,  est  que  celui 
qui  est  marié  est  occupé  des  choses 
de  ce  monde  et  du  soin  de  plaire  à 
son  épouse  ;  au  lieu  que  celui  qui 
vit  dans  le  célibat,  n'a  d'autre  soin 
que  de  servir  Dieu  et  de  lui  plaire. 
Ibid.,  "f .  32. Cette  l'aison  est  certai- 
nement pour  tous  les  temps.  Il  ex- 
horte Timothée  à  se  conserver  chas- 
te. J.  Tim.,  c.  S  ,  y/.  22.  Entre  les 
qualités  d'un  évêque,  il  demande 
qu'il  n'ait  eu  qu'une  femme,  et  qu'il 
soit  continent.  Tit. ,  c.  i ,  ^.  8.  Par 
continence  ,  jamais  saint  Paul  n'a 
entendu  l'usage  modéré  du  mariage, 
mais  l'abstinence  absolue  ;  cela  est 
clair  par  le  premier  passage  que 
nous  venons  de  citer. 

Mosheim  convient  que  dès  l'ori- 
gine du  christianisme,  les  paroles 
de  Jésus-Christ  et  celles  de  saint 
Paul  ont  été  prises  à  la  lettre,  et 
que  c'est  ce  qui  a  inspiré  aux  pre- 
miers chrétiens  tant  d'estime  pour 
le  célibat  ;  il  le  prouve  par  des  pas- 
sages d'A.thénagore  et  de  Tertul- 
lieii.  Mist.  christ.  ,  sec.  2  ,  §  35  , 
note  I. 

Saint  Jean  représente  devant  le 
trône  de  Dieu  une  foule  de  bien- 
heureux plus  élevés  en  gloire  que 
les  autres:  «  Voilà,  dit-il,  ceux 
»  qui  ne  se  sont  point  souillés  avec 


CRI.  463 

»  les  femmes;  ils  sont  vierges,  ils 
»  suivent  l'Agneau  partout  où  il 
»  va  ;  ce  sont  les  prémices  de  ceux 
»  qu'il  a  rachetés  à  Dieu  parmi  les 
»  hommes.  »  Apoc. ,  c.  i4,  S-  4- 
Et  l'on  ose  encore  décider  que  l'E- 
criture n'attache  aucune  idée  de 
sainteté  ou  de  perfection  à  la  con- 
tinence. Barbeyrac ,  ibid. 

Vainement  queUjues  incrédules 
ont  conclu  de  là  que  le  cliristianis- 
me  avilit  le  mariage,  et  en  détourne 
les  hommes  ;  au  contraire ,  c'est 
Jésus  -  Christ  qui  lui  a  rendu  sa 
sai/iteté  et  sa  dignité  primitives  : 
les  apôtres  ont  condamné  les  héré- 
tiques qui  l-e  regardoient  comme 
HP  état  impur;  mais  ils  nous  repré- 
sentent la  continence  comme  un  état 
plus  pariait ,  par  conséquent  com- 
me plus  convenable  aux  ministres 
du  Seigneur.  Un  état  moins  parfait 
qu'un  autre  n'est  pas  pour  cela  cri- 
minel ou  impur. 

Les  mêmes  critiques  avouent  , 
en  second  lieu,  que  tous  les  peuples 
anciens  ont  attaché  une  idée  de  per- 
fection à  l'état  de  continence,  et 
ont  jugé  que  cet  état  convenoit  sur- 
tout aux  hommes  consacrés  au  cul  te 
de  la  Divinité.  Juifs  ,  Egyptiens  , 
Perses,  Indiens,  Grecs,  Thraces  , 
Romains  ,  Gaulois  ,  Péruviens  , 
philosophes,  disciples  dePythagore 
et  de  Platon,  Cicéron.  et  Socrate  , 
tous  se  sont  accordés  sur  ce  point. 
On  sait  l'excès  des  prérogatives  que 
les  Romains  avoient  accordées  aux 
vestales.  Il  n'est  donc  pas  étonnant 
que  les  fondateurs  du  christianisme 
aient  rectifié  et  consacré  cette  même 
idée.  Malgré  la  haute  sagesse  dont 
se  flattent  nospolitiques  modernes, 
nous  présumons  que  l'opinion  des 
anciens  pouvoit  être  mieux  fondée 
que  la  leur. 

En  troisième  lieu,  ils  convien- 
nent que  l'esprit  et  un  vœu  de  l'E- 
glise ont  toujours  été  que  ses  prin- 
cipaux ministres  vécussent  dans  la 
continence,  et  qu'elle  a  toujours 
travaillé   à  en   établir  la  loi.    En 


464 


CEL 


effet  ,  le  concile  de  Néocésaréo,  , 
tenuen3i5  ,  dix  ans  avant  celui  de 
Nicée  ,  ordonne  de  déposer  un 
prêtre  qui  se  serolt  marié,  après 
son  ordination.  Celui  d'Ancyre , 
deux  ans  auparavant,  n'avoit  per- 
mis le  mariage  qu'aux  diacres  qui 
avoient  protesté  contre  l'obliga- 
tion du  célibat  en  recevant  l'ordi- 
nalion. 

Le  26."^  canon  des  apôtres  ne 
permettoit  qu'aux  lecteurs  et  aux 
chantres  de  prendre  des  épouses. 
Selon  Socrate ,  liv.  i  ,  chap.  11  , 
etSozoméne,  liv.  i,  chap.  23, 
c'étoit  l'ancienne  tradition  de  l'E- 
glise ,  à  laquelle  le  concile  de  Ni- 
cée  trouva  bon  de  se  fixer ,  et  qui 
est  encore  observée  aujourd'hui 
dans  les  différentes  sectes  orien- 
tales. 

Nous  convenons  que  ces  conci- 
les n'obligèrent  point  les  évcques, 
les  prêtres  ni  les  diacres  ,  à  quitter 
les  épouses  qu'ils  avoient  prises 
avant  d'être  ordonnés;  mais  on  ne 
peut  montrer  par  aucun  exemple 
qu'il  leur  ait  jamais  été  permis  de 
se  marier  après  leur  ordination  , 
ni  de  vivre  conjugalement  avec  les 
femmes  qu'ils  avoient  épousées  au- 
paravant. Saint  Jérôme  ,  adv.  Vi- 
gilant. ,  pag.  281 ,  et  saint  Epipha- 
ne,  hccr.  ,  Sg  ,  n.  4^  attestent  que 
les  canons  le  défendoient. 

Nos  adversaires  sont-ils  en  état 
de  prouver  que  saint  Jérôme  et 
saint  Epiphane  en  ont  imposé  i* 
Dodwel ,  ÎJissert.  Cyprian.  3 ,  n.  1 5  , 
cite  l'exemple  de  plusieurs  ecclé- 
siastiques qui  vivoient  avec  leurs 
épouses  comme  avec  leurs  sœui's. 
Eusèbe .  liv.  i  ,  Démonst.  évang.  , 
chap.  9  ,  en  donne  pour  raison 
que  les  prêtres  de  la  loi  nouvelle 
sont  entièrement  occupés  du  ser- 
vice de  Dieu,  et  du  soin  d'élever 
une  famille  spirituelle. 

En  Occident  la  loi  du  célibat  est 
plus  ancienne  ;  elle  se  trouve  dans 
le  trente-troisième  canon  du  con- 
cile d'EIvire,  que  l'on  croit  avoir 


CEL 

été  tenu  l'an  3oo.  Elle  fut  confir- 
mée par  le  pape  Sirice  l'an  385, 
par  Innocent  I."  en  4o4  >  P^' 
le  concile  de  Tolède  l'an  4oo , 
par  ceux  de  Carthage  ,  d'Orange , 
d'Arles  ,  de  Tours ,  d'Agde  ,  d'Or- 
léans ,  etc. ,  et  par  les  capltulaires 
de  nos  rois. 

Cette  loi  n'est  que  de  discipline: 
qu'importe  ?  elle  est  fondée  sur  les 
maximes  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres  ,  sur  le  vœu  de  l'Eglise 
primitive,  sur  la  sainteté  des  de- 
voirs' d'un  ecclésiastique  ,  sur  des 
raisons  même  d'une  sage  politique; 
nous  le  verrons  dans  un  moment. 
Que  faut-il  de  plus  pour  la  rendre 
inviolable  ? 

Les  devoirs  d'un  ecclésiastique, 
surtout  d'un  pasteur ,  ne  se  bor- 
nent point  à  la  prière  et  au  culte 
des  autels;  il  doit  administrer  les 
sacrements  ,  surtout  la  pénitence, 
instruire  par  ses  discours  et  par 
ses  exemples,  assister  les  malades. 
Il  est  le  père  des  y)auvres,  des 
veuves  ,  des  orphelins ,  des  en- 
fants abandonnés  ;  son  troupeau 
est  sa  famille  ;  il  est  le  distributeur 
des  aumônes ,  l'administrateur  des 
établissements  de  charité  ,  la  res- 
source de  tous  les  malheureux. 
Cette  multitude  de  fonctions  pé- 
nibles et  difficiles  est  incompatible 
avec  les  soins,  les  embarras,  les 
ennuis  de  l'état  du  mariage.  Un 
prêtre  qui  y  seroit  engagé  ,  ne 
pourroitplus  se  concilier  le  degré 
de  respect  et  de  confiance  néces- 
saire au  succès  de  son  ministère  ; 
nous  en  sommes  convaincus  par 
la  conduite  des  Grecs  envers  leurs 
papas  mariés  ,  et  des  protestant» 
envers  leurs  ministres. 

L'Eglise  ne  force  personne  à  en- 
trer dans  les  ordres  sacrés;  au  con- 
traire ,  elle  exige  des  épreuves,  et 
prend  toutes  les  précautions  pos- 
sibles pour  s'assurer  de  la  vocation 
et  de  la  vertu  de  ceux  qui  y  aspi- 
rent; ceux  qui  s'y  engagent  le  font 
par  choix  et  de  leur  plein  gré,  à 


CEL 

tin  Spc  auquel  tout  liomme  est 
«  eusé  connoître  ses  forces  et  son 
tempérament  ,  long  -  temps  après 
l'époque  à  laquelle  il  est  habile 
à  contracter  le  mariage.  S'il  y  a 
de  fausses  vocations ,  elles  vien- 
nent de  la  cupidité  et  de  l'ambi- 
lion  des  séculiers  ,  et  non  de  la 
discipline  ecclésiastique. 

A  qui  la  continence  est-elle  péni- 
ble ?  A  ceux  qui  n'ont  pas  tou- 
jours été  chastes,  à  ceux  qu'in- 
fecte la  dépravation  actuelle  des 
mœurs  publiques.  Il  faut  retran- 
cher la  cause,  et  la  vertu  rentrera 
dans  tousses  droits.  Lorsqu'il  ar- 
rive des  scandales,  ils  ne  viennent 
point  de  la  part  des  ouvriers  acca- 
blés du  poids  des  fonctions  ecclé- 
siastiques ,  mais  des  intrus  que 
rintérêt  et  l'ambition  des  familles 
font  entrer  dans  l'Eglise  malgré 
elle. 

On  nous  oppose  Tintérêt  politi- 
que de  la  société,  les  avantages  qui 
résulteroientdumariagc  des  clercs, 
surtout  l'accroissementde  lapopu- 
lation.  Cette  discussion 'ne  devroit 
pas  nous  regarder;  il  faut  cepen- 
dant y  satisfaire. 

i.°  Il  est  faux  ,  toutes  choses 
égales  d'ailleurs,  que  la  popula- 
tion soit  plus  nombreuse  dans  les 
pays  où  le  célibat  est  proscrit.  L'I- 
talie ,  malgré  le  nombre  des  ecclé- 
siastiques et  des  moines ,  est  plus 
peuplée  qu'elle  n'étoit  sous  le  gou- 
vernement des  Romains;  on  peut 
le  prouver  non-seulement  par  un 
passage  de  saint  Ambroise  ,  qui 
l'assuroit  déjà  de  son  temps ,  mais 
parPlinelenaturaliste,  quiavouoit 
que  sans  les  espèces  de  prisons  qui 
rcnfermoient  les  esclaves,  une  par- 
tie de  l'Italie  auroit  été  déserte. 
S'il  y  a  donc  encore  aujourd'hui 
des  parties  dépeuplées,  elles  le  sont 
par  la  tyrannie  du  gouvernement 
féodal ,  et  non  par  l'influence  du 
r.élibat  religieux.  Lorsque  la  Suède 
^loit  catholique,  elle  éloit  plus 
peuplée  «lu'clle  n'est  depuis  <iu'elle 
I. 


est  devenue  protestante.  Les  can- 
tons catholiques  de  l'Allemagne 
ont  autant  d'iiabitants,  à  propor- 
tion, que  les  pays  protestants.  II  en 
est  de  même  des  cantons  de  la 
Suisse,  et  de  l'Irlande  en  compa- 
raison de  l'Angleterre.  On  prétend 
que  la  France  étoit  plus  peuplée  il 
y  a  deux  siècles  qu'elle  n'est  aujour- 
d'hui ;  nous  n'en  croyons  rien  : 
cependant  il  y  avoit  alors  un  plus 
grand  nombre  d'ecclésiastiques  ei 
de  religieux  qu'il  n'y  en  a  de  nos 
jours. 

2.°  Il  est  absurde  d'attribuer  le 
mal  à  une  cause  innocente,  lors- 
qu'il y  en  a  d'autres  qui  sont  odieu- 
ses ,  et  sur  lesquelles  il  faudroit 
frapper.  Dans  les  grandes  villes 
on  compte  plus  de  célibataires  vo- 
luptueux et  libertins  que  de  prê- 
tres et  de  moines,  et  le  nombre  des 
prostituées  excède  de  beaucoup  ce- 
lui des  religieuses  :  faut-il  épar- 
gner le  vice  pour  bannir  la  vertu:' 
Dans  les  campagnes ,  le  défaut  de 
subsistance  éloigne  du  mariage  Ici 
deux  sexes  ;  ce  n'est  pas  au  célibat 
des  prêtres  que  l'on  doit  s^im 
prendre. 

Le  luxe  qui  rend  les  mariages 
ruineux  ,  la  corruption  des  mœur^ 
qui  y  porte  l'amertume  et  l'igno- 
minie, le  faste,  l'oisiveté,  les  pré- 
tentions des  femmes  ,  le  préjugé 
de  naissance  qui  fait  éviter  les  al- 
liances inégales  ,  la  multitude 
des  domestiques  et  des  artisans 
dont  la  subsistance  est  incertaine  , 
le  libertinage  des  enfants  qui  fait 
redouter  la  paternité  ,  l'irréligion 
et  l'égoïsme  qui  ne  veulent  souffrir 
aucun  joug,  etc.  :  voilà  les  désor- 
dres qui ,  de  tout  temps  ,  ont  dé- 
peuplé l'univers ,  contre  lesquels 
il  faut  sévir  avant  de  toucher  a 
ce  que  la  religion  a  sagement 
établi. 

3.°  Les  politiques  qui  se  sont 
élevés  contre  le  mariage  des  sol- 
dats ,  ont  dit  que  l'état  seroit  .sur- 
charge des  veuves  et  des  enfants 
3o 


4G6  CEL 

qu'ils  laisseroieal  dans  la  misère  ; 
il  Je  seroit  encore  davantage  par 
les  veuves  et  les  enfants  des  ecclé- 
siastiques. La  plupart  des  paroisses 
de  la  campagne  ont  bien  de  la 
peine  à  faire  subsister  un  curé 
seul ,  et  on  veut  les  charger  de  la 
subsistance  d'une  famille  entière. 
Les  pères  qui  ont  un  nombre  d'en- 
fants, conviennent  que,  sans  la 
ressource  de  l'clat  ecclésiastique 
et  religieux,  ils  ne  sauroient com- 
ment placer  leurs  enfants ,  et  on 
veut  la  leur  ôter. 

Il  y  auroit  bien  d'autres  ré- 
ilexions  à  faire  sur  les  dissertations 
politiques  des  détracteurs  du  cé- 
libat; mais  nous  y  répondrons  ci- 
après. 

Un  théologien  anglois  ,  nommé 
Tf^arthon ,  qui  a  traité  celte  ques- 
tion ,  a  voulu  prouver  ,  i  ."^  que  le 
célibat  du  clergé  n'a  été  institué  ni 
par  Jésus-Christ ,  ni  par  les  apô- 
tres ;  2.°  qu'il  n'a  rien  d'excellent 
en  soi ,  et  ne  procure  aucun  avan- 
tage à  l'Eglise  ni  à  la  religion  chré- 
tienne; 3.0  que  la  loi  qui  l'impose 
au  clergé  est  injuste  et  contraire  à 
la  loi  de  Dieu  ;  4-°  fju'il  n'a  jamais 
été  prescrit  ni  pratiqué  univer- 
sellement dans  l'ancienne  Eglise. 
Voilà  de  grandes  prétentions  ; 
l'auteur  les  a-t-il  bien  établies.'' 

Sur  le  premier  chef,  nous  avons 
cilé  les  paroles  de  Jésus-Christ  et 
celles  des  apôtres  ,  qui  prouvent 
l'estime  qu'ils  ont  faite  de  la  con- 
tinence ,  la  préférence  qu'ils  lui 
ont  donnée  sur  Tétat  du  mariage, 
la  disposition  dans  laquelle  doit 
être  un  ministre  de  l'Evangile ,  de 
renoncer  à  tout  pour  se  livrer  en- 
tièrement à  ses  fonctions.  Ils  n'ont 
pas  prescrit  le  célibat  par  une  loi 
expresse  et  formelle,  parce  qu'elle 
n'auroit  pas  été  praticable  pour 
lors.  Pour  les  fonctions  aposto- 
liques ,  il  falloit  des  hommes  d'un 
âge  mûr  ;  il  s'en  trouvoit  très-peu 
qui  ne  fussent  mariés  Mais  ils  ont 
suffisamment  témoigné  que,  toutes 


CKL 

clioses  égales  d'ailleurs,  des  céli- 
bataires seroient  préférables.  Il  est 
plus  aisé  de  renoncer  au  mariage, 
que  de  quitter  une  épouse  et  une 
famille  ,  comme  Jésus -Christ 
l'exige.  L'Eglise  l'a  compris  ,  et 
s'est  conformée  à  l'intention  de 
son  divin  maître,  dès  qu'elle  a  pu 
le  faire. 

"Warthon  dit  que  le  célibat  du 
clergé  tire  son  origine  du  zcle  im- 
modéré pour  la  virginité ,  qui  ré- 
gnoit  dans  l'ancienne  Eglise;  que 
cette  estime  n'étoit  ni  raisonnable, 
ni  universelle,  ni  juste,  ni  sensée. 
Cependant  elle  étoit  fondée  sur  les 
leçons  de  Jésus-Christ  et  des  apô- 
tres ;  c'est  la  prévention  des  pro- 
testants contre  la  virginité  et  le 
célibat,  qui  n'est  ni  raisonnable  nî 
sensée  :  elle  vient  d'un  fond  de 
corruption  et  d'éprcuréisme,  qui 
est  l'opposé  du  christianisme. 

11  entreprend  de  prouver  ,  par 
saint  Clément  d'Alexandrie  ,  que 
plusieurs  apôtres  ont  été  manés 
Ce  Père ,  disputant  contre  les  hé- 
rétiques qui  condamnoient  le  ma- 
riage ,  dit:  «  Condamneront- ils 
»  les  apôtres  ?  Pierre  et  Philippe 
»  ont  eu  des  enfants,  et  ce  dernier 
»  a  marié  ses  filles.  Paul,  dans  une 
»  de  ses  épîtres ,  ne  fait  point  dif- 
»  ficulté  de  parler  de  son  épouse; 
»  il  ne  la  menoit  pas  avec  lui  , 
»  parce  qu'il  n'avoit  pas  besoin 
»  de  beaucoup  de  services  ;  il  dit 
»  dans  cette  lettre  :  N'aoons-nous 
»  pas  le  pouvoir  de  mener  avec  nous 
»  une  femme  noire  sœur ,    comme  , 

n  font  les  autres  apôtres  ? Mais         É 

»  comme  ils  donnoient  toute  leur 
»  attention  à  la  prédication,  mi- 
»  nistère  qui  ne  veut  point  de  dis- 
»  traction, ilsmenoient ces  femmes, 
»  non  comme  leurs  épouses,  mais 
»  comme  leurs  sœurs,  afin  qu'elles 
»  pussent  entrer  sans  reproche  et 
»  sans  mauvais  soupçon  dans  l'ap- 
»  parlement  des  femmes,  et  y  por- 
»  ter  la  doctrine  du  Seigneur.  » 
Slrom.f  1,  3,  c.  6,  p.  535,  édit. 


Ae  Pollel.  Warlhon  a  supprimé 
ces  dernières  paroles  ,  el  a  tronqué 
la  moitié  du  passage. 

Nous  avons  prouvé  par  saint 
Paul  lui-même  qu'il  n'étoil  pas 
marié.  Le  Philippe  qui  avoit  deux 
filles,  étoit  l'un  des  sept  diacres, 
et  non  l'apôtre  saint  Philippe.  Ces 
deux  méprises  de  saint  Clément 
d'Alexandrie  ont  été  remarquées 
par  les  anciens  et  par  les  modernes. 
Voyez  les  Noies  des  critiques  sur  cet 
endroit  des  Sironiates ,  et  sur  Eu- 
sébe  ,  Hist.  ecclés. ,  liv.  3,  c.  3o 
et  '6i.  Il  résulte  du  passage  même 
de  saint  Clément  d'Alexandrie,  que 
les  apôtres  ne  vivoient  point  con- 
jugalement avec  ces  prétendues 
épouses.  Saint  Pierre  est  donc  le 
seul  dont  le  mariage  soit  incon- 
testable ;  mais  il  l'avoit  contracté 
avant  sa  vocation  à  l'apostolat,  et 
il  dit  lui-même  à  Jésus-Christ  : 
«  Nous  avons  tout  quitté  pour 
»  vous    suivre.  »  Matih. ,    c.    19, 

Au  3.*  siècle,  on  étoit  si  per- 
suadé que  les  apôtres  n'avoient 
pas  été  mariés ,  que  la  secte  des 
apostoliques  renonçoit  au  mariage 
atin  d'imiter  les  apôtres. 

Sur  le  second  chef,  ce  n'est  pas 
assezide  prouver, comme  fait  War- 
lhon ,  que  l'usage  chrétien  du  ma- 
riage n'a  rien  en  soi  d'impur  ni 
d'indécent ,  c'est  la  doctrine  for- 
melle de  saint  Paul  ;  il  faut  encore 
démontrer  ,  contre  l'Evangile  et 
contre  saint  Paul  lui-même,  que 
la  continence  n'est  pas  un  état  plus 
parfait  et  plus  agréable  à  Dieu  , 
lorsqu'on  y  demeure  afin  de  mieux 
servir  Dieu.  Elle  renferme  en  soi 
le  mérite  de  dompter  une  passion 
Ires-impérieuse  ;  et  si  le  noni  de 
vertu,  synonyme  de  celui  Ae force, 
signifie  quelque  chose ,  la  conti- 
nence est  certainement  une  vertu. 

Le  livre  de  VExodc,  c.  19,^.  i5, 
et  saint  Paul ,  J.  Cor. ,  c.  7  ,  y .  5  , 
attachent  une  idée  de  sainteté  et 
dcraériteàla  continence  passagère; 


CEL  467 

coiiuuenl  celle  cjui  dure  toujours 
peut-elle  être  moins  louable  !* 

Le  c^7i6«/ des  ccclésiasticjues  pro- 
cure à  l'Eglise  et  à  la  religion  chré- 
tienne un  avantage  très-réel  ,  qui 
est  d'avoir  des  ministres  unique- 
ment livrés  aux  fonctions  saintes 
de  leur  état  et  aux  devoirs  de  cha- 
rité ,  des  ministres  aussi  libres 
que  les  apôtres,  toujours  prêts  à 
porter  comme  eux  la  lumière  de 
l'Evangile  aux  extrémités  du  mon- 
de. Les  hommes  engagés  dans  l'é- 
tat du  mariage  ne  se  consacrent 
pointa  servir  les  malades,  à  se- 
courir les  pauvres  ,  à  élever  et  a 
instruire  les  enfants,  etc.  Il  en  est 
de  même  des  femmes  ;  cette  gloire 
est  réservée  aux  célibataires  de 
l'Eglise  catholique.  Il  n'est  pas 
étonnant  que  les  protestants,  après 
avoir  retranché  le  saint  sacrifice  , 
cinq  des  sacrements,  l'office  divin 
de  tous  les  jours,  etc.,  aient  trouve 
bor  d'avoir  des  ministres  mariés; 
on  sait  comment  ils  ont  réussi  à 
en  faire  des  missionnaires  et  des 
saints. 

Sur  le  troisième  chef,  Warthon 
n'a  pas  prouvé,  selon  sa  promesse, 
que  la  loi  du  célibat  imposée  aux 
clercs  est  injuste  et  contraire  à  la 
loi  de  Dieu.  Elle  pourroit  paroître 
injuste  ,  si  l'Eglise  forçoit  quel- 
qu'un ,  comme  elle  l'a  fait  autre- 
fois à  entrer  dans  le  clergé,  et  à  se 
charger  du  saint  ministère.  Lors- 
qu'un homme  marié  avoit  d'ail- 
leurs toutes  les  lumières,  les  ta- 
lents et  les  vertus  nécessaires  pour 
être  un  excellent  pasteur,  l'Eglise, 
en  lui  faisant  une  espèce  de  vio- 
lence pour  se  l'attacher,  ne  croyoit 
point  devoir  pousser  la  rigueur 
jusqu'à  le  séparoi  de  son  épouse; 
celte  femme  auroit  eu  droit  d'alic- 
guer  la  sentence  de  Jésus-Christ  : 
que  l'homme  ne  sépare  point  ce 
que  Dieu  a  uni.  Matth.  ,  c.  19, 
J.  6. 

Pendant    les    persécutions    des 
trois  premiers  siècles ,  les  prclrcs 
3o- 


468 


CEL 


étoieiit  les  principaux  objets  de 
la  haine  des  païens  ;  ils  étoienl  for- 
cés de  prendre  des  précautions 
pour  ne  pas  être  connus ,  et  de 
vivre  ,  à  l'extérieur  ,  comme  les 
laïques  :  il  n'y  auroit  donc  pas  eu 
de  prudence  a  leur  imposer  pour 
lors  la  loi  du  célibat,  ou  à  les  obli- 
ger d'abandonner  leurs  épouses. 

Mais  on  ne  peut  pas  citer  un 
seul  exemple  d'évéques  jii  de  prê- 
tres qui  ,  après  leur  ordination  , 
aient  continué  à  vivre  conjugale- 
ment avec  leurs  épouses  ,  et  en 
aient  eu  des  enfants.  Les  protes- 
tants ont  vainement  fouillé  dans 
tous  les  monuments  de  l'antiquité 
pour  en  trouver  ;  celui  de  S)  né- 
sius ,  dont  ils  triomphent ,  prouve 
contre  eux.  Ce  saint  personnage, 
pour  éviter  l'épiscopat,  protestoit 
qu'il  ne  vouloit  quitter  ni  son 
épouse  ,  ni  ses  opinions  philoso- 
phiques ;  on  ne  laissa  pas  de  l'or- 
donner. 

«  Je  ne  veux  ,  disoit-il  ,  ni  me 
>)  séparer  de  mon  épouse,  ni  l'aller 
»  voir  en  secret ,  et  déshonorer 
»  un  amour  légitime  par  des  ma- 
i>  niéres  qui  ne  conviennent  qu'à 
»  des  adultères.  »  Ce  fait  même 
prouve  que  les  évéques  ne  vivoient 
plus  conjugalement  avec  leurs 
épouses  après  leur  ordination. 
Evagre,  Hisi.  ecclés. ,  liv.  i ,  c.  i5. 
Beausobre,  qui  a  senti  cette  con- 
séquence, dit  que  c'étoit  une 
discipline  particulière  au  diocèse 
d'Alexandrie  ;  mais  où  en  est  la 
preuve  ? 

Sur  le  quatrième  chef  allégué 
par  "Warthon  ,  il  ne  sert  à  rien  de 
citer  un  grand  nombre  d'évêques 
mariés  et  qui  avoient  des  enfants  , 
à  moins  que  l'on  ne  fasse  voir 
qu'ils  les  avoient  eus  depuis  leur 
épiscopat  ,  et  non  auparavant. 
Voilà  ce  dont  les  ennemis  du  cé- 
Jibai  ecclésiastique  ne  fournissent 
encore  aucune  preuve.  Ils  citent 
l'exemple  du  père  de  saint  Grégoire 
de  î^azianzej  nous  éclaircirons  ce 


CEI. 

fait  dans  l'article  de  ce  saint  doc- 
leur. 

Socratc ,  liv.  i  ,  c.  1 1  ,  et  Soio- 
mène  ,  liv.  i  ,  c.  24 ,  rapporleiit 
qu'au  concile  général  de  Nicée ,  les 
éveques  étoient  d'avis  de  défendre, 
par  une  loi  expresse,  aux  évéque.s, 
aux  prêtres  eL  aux  diacres  qui  s'é- 
toient  mariés  avant  leur  ordina- 
tion, d'habiter  conjugalement  avec 
leurs  épouses  ;  que  l'évêquePaph- 
nuce  ,  quoique  célibataire  lui- 
même  et  d'une  chasteté  reconnue, 
s'y  opposa  ;  qu'il  insista  sur  la 
sainteté  du  mariage ,  sur  la  rigueur 
de  la  loi  proposée  ,  et  sur  les  in- 
convénients qui  en  résulleroient  ; 
que,  sur  ses  représentations,  les 
Pères  du  colicile  jugèrent  qu'il  fal- 
loit  s'en  tenir  à  Vancie.nne  tradition 
de  l'Eglise,  selon  laquelle  il  étoit 
défendu  aux  éveques  ,  aux  prêtres 
et  aux  diacres,  de  se  marier  ,  des 
qu'une  fois  ils  avoient  été  or- 
donnés. 

Pour  comprendre  la  sagesse  des 
réflexions  de  Paphnuce  et  de  la 
conduite  du  concile  de  Nicée  ,  il 
faut  savoir  que  ,  pendant  les  trois 
premiers  siècles  de  l'Eglise  ,  il  y 
avoit  eu  plusieurs  sectes  d'héré- 
tiques qui  avoient  condamné  le 
mariage  et  la  procréation  des  en- 
fants comme  un  crime.  Outre  ceux 
dont  parle  saint  Paul ,  2'im. ,  c.  4  . 
}?'.  3  ,  les  doceles  ,  les  marcionites, 
les  cncratites  ,  les  manichéens  , 
étoient  de  ce  nombre.  Sous  l'em- 
pire de  Gallien  ,  mort  l'an  268, 
plusieurs  éveques  furent  mis  à 
mort  comme  manichéens ,  parce 
que  l'on  supposa  qu'ils  gardoient 
le  célibat  par  le  même  principe  que 
ces  hérétiques.  Renaudot  ,  Hisi. 
Patriarch.  Alexand. ,  p.  47-  Si  la 
loi  proposée  au  concile  de  Nicée 
avoit  eu  lieu  ,  elle  auroit  paru  fa- 
voriser ces  sectaires ,  et  ils  n'au- 
roient  pas  manqué  de  s'en  préva- 
loir; Paphnuce  avoit  donc  raison 
d'insister  sur  la  sainteté  du  ma- 
riage et  sur  l'innocence  du  com- 


I 


merce  conjufçal  ,  et  les  cvt'fiucs 
ii'oiircnt  pas  tort  d'y  avoir  égard 
dans  CCS  circonstances  ;  c'est  pour 
cela  que  le  43.*^  canon  des  apôtres 
<oiidamnc  les  ecclésiastiques  qiri 
s'abstiennent  du  mariage  en  haine 
de  la  cràaiinn. 

Malgré  ces  faits  ,  Beausobre  af- 
firme que  les  Pères  de  l'Eglise 
avoient  puisé  leur  estime  pour  le 
c<.'/i6a/dans  les  erreurs  des  docétes, 
des  encratiles,  des  marcionites  et 
(les  manichéens  ;  mais  ,  par  une 
rontradiction  grossière  ,  il  avoue 
que  plusieurs  chrétiens  donnèrent 
«lans  ce  fanatisme  dès  le  commen- 
cement, par  conséquent  avant  la 
naissance  des  hérésies  dont  nous 
parlons.  Hist.  du  Manich. ,  liv.  2, 
c.  6  ,  §  2  et  7  :  preuve  certaine 
qu'ils  avoient  puisé  ce  prétendu 
fanatisme  dans  les  leçons  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres.  En  effet  , 
Beausobre  avoue  encore  ailleurs  , 
qu'il  venoît  d'une  fausse  idée  du 
])ien  et  du  mieux,  dont  saint  Paul 
a  parlé ,  I.  Cor.  ,0.7;  ibid.  ,  1.  7  , 
c.  4>  §  12.  Mosheim  plus  judicieux 
fait  le  même  aveu  ,  Hist...  Christ., 
aœc.  2 ,  §  35  ,  not.  ;  il  prouve  la 
l'éalité  du  fait  par  le  témoignage 
d'Âthénagore  et  de  Tertullien  ;  il 
n'a  pas  osé  blâmer  cette  estime 
pour  le  célibat ,  aussi  ancienne  que 
le  christianisme. 

Ces  mêmes  faits  prouvent  que 
les  Pères  de  Nicée  attachoient  une 
idée  de  perfection  et  de  sainteté  au 
célibat  ecclésiastique  et  religieux  ; 
qu'ils  le  regardoient  comme  l'état 
le  plus  convenable  aux  ministres 
des  autels  ;  qu'ils  auroient  désiré 
dès -lors  pouvoir  y  assujélir  le 
clergé.  En  effet,  les  inconvénients 
<{ui  s'ensuivoient  du  mariage  des 
rrclésiastiques  firent  bientôt  sentir 
la  nécessité  d'en  venir  là  ,  ou  de 
prendre  des  moines  obligés  par 
vœu  à  la  continence,  pour  les  éle- 
ver à  l'épiscopat  et  au  sacerdoce  ; 
et  si  cette  loi  n'existoit  pas  déjà 
dejxiis  (quinze  cents  ans,  on  seroit 


CEL  469 

bientôt  forcé  de  l'établir.  Sans  cela 
l'on  verroit  renaître  les  mêmes 
désordres  qui  arrivèrent  au  neu- 
vième siècle  et  dans  les  suivants, 
lorsque  les  grands  s'emparèrent 
des  évcchés  ,  des  abbayes  et  des 
cures,  en  firent  le  patrimoine  de 
leurs  enfants  ,  déshonorèrent  l'E- 
glise par  les  vices  des  intrus,  et 
anéantirent  enfin  le  clergé  séculier 
par  leurs  rapines. 

S'il  étoit  vrai ,  comme  le  pré- 
tendent nos  adversaires  ,  que  la 
loi  du  célibat  est  injuste  en  elle- 
même  ,  et  contraire  à  la  loi  de 
Dieu,  il  ne  seroit  pas  moins  injuste 
d'empêcher  les  clercs  de  se  marier 
après  leur  ordination  qu'aupara- 
vant. Cependant  nous  voyons, par 
tous  les  monuments  ecclésiasti- 
([ues  ,  que  ni  dans  l'Orient  ,  ni 
dans  l'Occident ,  on  ne  leur  a  ja- 
mais laissé  cette  liberté.  Quel  avan- 
tage ces  censeurs  imprudents  peu- 
ve.it-ils  donc  tirer  de  l'ancienne 
discipline,  et  de  la  prudence  avec 
laquelle  se  conduisirent  les  Pères 
de  Nicée  .?Eusèbe,  qui  avoit  assisté 
à  ce  concile  ,  dit  que  les  prêtres  de 
l'ancienne  loi  vivoient  dans  l'état 
du  mariage  et  désiroient  d'avoir 
des  enfants,  au  lieu  que  les  prêtres 
de  la  loi  nouvelle  s'en  abstiennent, 
parce  qu'ils  sont  entièrement  oc- 
cupés à  servir  Dieu  et  à  élever  une 
famille  spirituelle.  X>emo/Js/.  Jîc^an- 
gélique  ,1.   i  ,  c.  9. 

Aussi  la  loi  du  célibat  pour  les 
évêques,  les  prêtres  et  les  diacres, 
après  leur  ordination  ,  a  continué 
d'être  observée  par  les  jacobites  et 
par  les  nestoriens  après  leur  schis- 
iHC.  Elle  fut  interrompue  chez  ces 
derniers  l'an  4^5  et  en  496  ,  mais 
•/établie  par  un  de  leurs  patriar- 
ches ,  l'an  544-  Assémani  ,  Biblio- 
thèque orient.,  tome  4,  c.  4  et  c.  i4, 
pag.  857. 

En  i549,  '^  parlement  d'Angle- 
terre ,  quoique  réformateur  ,  fut 
plus  raisonnable  que  les  écrivains 
modernes  de  cette  nation  ;  dans  la 


47  o  CEL  CEL 

loi  même  ({u'il  porta  pour  pei*met-  i  prouver  que  les  mœurs  sont  plus 
Ire  le  mariage  aux  ecclésiastiques,  pures  dans  les  lieux  où  le  clergén'ob- 
il  dit  :  «  Qu'il  conveuoit  mieux  aux    serve  point  le  ce'/jôrt/?  Quand  il  a  dit: 


»  prêtres  et  aux  ministres  de  l'E- 
»  glisede  vivre  chastes  et  sans  ma- 
»  riaçe  ,  et  qu'il  seroit  à  souhaiter 
j)  qu'ils  voulussent  d'eux-mêmes 
»  s'abstenir  de  cet  engagement.  » 
D.  Hume  ,  Hist.  de  la  maison  de 
Tudor,  tome  3,  p.  204. 

Un  nouveau  dissertateur  vient 
encore  de  réveiller  celte  question , 
dans  une  brochure  intitulée  les  In- 
convénients du  Célibat  des  prêtres  , 
imprimée  à  Genève  en  1781.  Il  a 
rassemblé  tous  les  sophismes ,  les 
reproches,  les  impostures  des  pro- 
testants sur  ce  sujet  ;  il  n'y  a  rien 
ajouté  que  quelques  passages  qu'il 
a  falsifiés  ,  d'autres  qu'il  a  forgés 
en  citant  des  auteurs  inconnus,  et 
quelques  phrases  impudiques  co- 
piées dans  nos  philosophes  épicu- 
riens ;  nous  ne  relèverons  de  cet 
ouvrage  que  les  endroits  les  plus 
absurdes. 

L'auteur  ,  i."  partie,  c.  2  ,  pré- 
tend que  le  célibat  peut  nuire  à  la 
santé  et  abréger  la  vie  ;  il  exagère 
l'extrême  difficulté  de  garder  la 
continence.  Si  cette  vertu  est  si 
pénible  et  si  meurtrière ,  il  est  de 
l'humanité  de  nos  censeurs  de  per- 
mettre l'adultère  aux  personnes 
mariées ,  qui  se  trouvent  séparées 
pour  long-temps,  ou  dont  l'une  est 
tombée  dans  un  état  d'infirmité  qui 
lui  rend  la  vie  conjugale  impossi- 
ble. Il  faudroit  encore  permettre 
la  fornication  aux  particuliers  des 
deux  sexes  qui  ne  peuvent  pas  trou- 
ver à  se  marier  ,  malgré  le  désir 
qu'ils  en  ont.  Y  a-t-il  moins  de 
vieillards  ,  parmi  les  célibataires 
ecclésiastiques  ou  religieux  ,  que 
parmi  les  gens  mariési' 

Selon  lui ,  le  célibat  est  un  signe 
certain  de  la  décadence  et  de  la 
corruption  des  mœurs.  S'il  entend 
parler  du  célibat  voluptueux  et  li- 
bertin des  laïques  ,  nous  pensons 
comme  lui  ;  mais  est-il  en  état  de 


Multipliez  les  mariages ,  et  les  mœurs 
deviendront  meilleures  ;  il  dcvoil 
changer  la  phrase  et  dire  :  Purifiez 
les  mœurs  ,  et  les  mariages  se  mul- 
tiplieront, sans  qu'il  soit  besoin  de 
changer  l'état  des  ecclésiastiques 
ni  des  religieux,  c.  3  et  4 

A  l'exemple  des  protestants  ,  il 
soutient,  ch.  8,  que  les  paroles  de 
Dieu  adressées  à  nos  premiers  pa- 
rents :  Croissez ,  multipliez ,  peuplet 
la  terre,  renferment  une  loi.  Ce- 
pendant le  texte  dépose  que  c'est 
une  bénédiction  et  non  une  loi. 
Quand  c'en  auroit  été  une  pour  les 
premiers  hommes,  elle  n'a  plus  lieu 
depuis  que  le  monde  est  peuplé. 
Soutiendra-t-on  que  tout  homme 
qui  ne  se  marie  point  pèche  contre 
la  loi  de  Dieu  ?  On  dit  que  si  le  cé- 
libat devenoit  général  ,  le  genre 
humain  périroit.  Nous  répondons 
que  si  le  mariage  étoit  général,  la 
terre  ne  pourroit  plus  nourrir  ses 
habitants;la  population  ne  consiste 
pas  seulementàmeltre  des  hommes 
aumonde,  maisàlesfairesubsister. 
Dans  la  2."  partie  ,  ch.  2  ,  notre 
grand  critique  prétend  que  le  c^//- 
ôa/,  loi  11  d'être  loué  ou  recommandé 
dans  l'Evangile,  y  est  formellement 
condamné  par  ces  mots  :  Que 
rjiomme  ne  sépare  point  ce  que 
Dieu  a  uni  ;  saint  Clémen  t  d'Alexan- 
drie ,  dit-il  ,  l'a  ainsi  entendu  , 
Stromat.  ,  1.  3  ,  p.  544-  C'est  une 
citation  fausse.  Saint  Clément 
prouve  seulement  par  ces  paroles 
que  le  mariage  n'est  point  un  état 
criminel ,  comme  l'cntendoient  cer- 
tains hérétiques.  Mais  autre  chose 
est  de  vouloir  séparer  ceux  que 
Dieu  a  unis  par  le  mariage,  et  autre 
chose  de  trouver  bon  que  ceux  qui 
ne  sont  pas  mariés  continuent  à 
vivre  ainsi ,  lorsque  cela  peut  être 
utile  pour  eux  et  pour  les  autres; 
saint  Paul  lui-même  a  fait  celte 
distinction. 


CEIi 

Apres  a\oir  rciisiirc  tous  les 
comnicnlaleurs  de  l'Evaiiç^ile  ,  ce 
iiiciHC  écrivain  s'érige  en  inler- 
prcte  des  paroles  du  Sauveur. 
Mailh.  ,  c.  19,  S •  12.  «  11  y  a  des 
»  eunuques  qui  ont  renonce  au 
n  mariage  pour  le  royaume  des 
»  cieux  ;  que  celui  qui  peut  le  con- 
»  cevoir  y  fasse  attention.  »  Si  ces 
paroles,  dit-il,  signifient  que  cette 
sentence  est  obscure,  elle  ne  prouve 
rien;  si  cela  veut  dire  qu'il  faut 
une  grâce  particulière  pour  pra- 
tic[uer  cette  maxime  ,  ce  ne  peut 
pas  être  une  loi  ;  le  sens  le  plus  na- 
turel de  ce  passage  ,  est  que  ceux 
qui  se  trouvent  séparés  par  un  di- 
vorce, feront  fort  bien  de  s'abste- 
nir d'un  second  mariage. 

Cette  découverte  Ji'est  pas  heu- 
reuse. Une  preuve  que  la  maxime 
du  Sauveur  n'est  pas  obscure,  c'est 
que  tout  le  monde  l'entend  très- 
bien  ,  à  l'exception  des  anticéliba- 
taires qui  font  la  sourde  oreille. 
Jésus-Christ  fait  entendre  qu'il 
faut  une  grâce  et  une  vocation  par- 
ticulière pour  bien  comprendre  ce 
qu'il  dit  ;  par  conséquent  ce  n'est 
pas  une  loi  pour  tous  ,  mais  pour 
«eux  à  qui  Dieu  donne  cette  grâce 
et  cette  vocation.  Mais  après  que 
le  Sauveur  a  déclaré  formellement 
que  ceux  qui  se  remarient  après 
lin  divorce  commettent  un  adul- 
tère, il  est  absurde  de  lui  faire  dire 
simplement  que  ceux  qui  ont  fait 
divorce/cron/  très-bien  de  ne  pas 
se  marier.  11  est  d'ailleurs  évident 
que  ceux  qui  avoient  renoncé  au 
mariage  pour  le  royaume  des  deux, 
étoient  Jean-Baptiste  et  les  apôtres, 
puisque  ceux-ci  disoient  à  leur 
maître  :  Seigneur  nous  avons  lotit 
t/uitté  pour  vous  suivre. 

Le  passage  de  saint  Paul,  J.  Cor., 
cap.  7  ,  est  clair  :  «  11  est  bon  à 
»  l'homme,  dit-il,  de  ne  pas  tou- 
»  cher  une  femme....  Je  désire  que 
»  vous  soyez  tous  comme  moi  ; 
i>  mais  chacun  a  reçu  de  Dieu  un 
H  don  particulier,  l'un  d'une  ma- 


CEL  471 

»  nière  ,  l'autre  d'une  autre.  Mais 
»  je  dis  à  ceux  qui  sont  dans  le  c<^- 
»  libat  ou  dans  le  veuvage  ,  qu'il 
»  leur  est  bon  de  demeurer  dans 
»  cet  état  comme  moi.  Que  s'ils  ne 
»  sont  pas  continents  ,  qu'ils  se 
»  marient  :  il  est  mieux  de  se  ma- 
»  rier  que  de  briiler  d'un  feu  im- 
>•  pur.  »  Notre  censeur,  fidèle  éco- 
lier des  protestants,  dit,  c.  3,  que 
saint  Paul  parle  ainsi  à  cause  des 
persécutions;  faux  commentaire  : 
l'apôtre  ajoute  qu'il  donne  ce  con- 
seil ,  parce  que  ceux  qui  ne  sont 
pas  mariés  s'occupent  du  service 
de  Dieu  et  des  moyens  de  lui  plaire, 
au  lieu  que  ceux  qui  le  sont  s'oc- 
cupent des  affaires  de  ce  monde, 
^ .  32.  Ensuite  notre  critique  pré- 
tend que  saint  Paul  parle  seule- 
ment des  veufs,  et  les  exhorte  à  ne 
pas  passer  à  de  secondes  noces. 
Nouvel  le  falsification;  l'apôtre  s'ex- 
prime clairement  .Je  dis  aux  veufs 
et  à  ceux  qui  ne  sont  pas  mariés  : 
Dico  autem  non  nupiis  et  viduis  , 
^.  8  ;  il  parle  même  des  vierges  , 
y.  25.  11  dit  que  celui  qui  marie  sa 
fille  fait  bien  ,  et  que  celui  qui  ne 
la  marie  pas  fait  mieux  ,  y .  38. 
Si  c'étoit  une  loi  et  un  devoir  de 
se  marier,  comme  nos  adversaires 
le  soutiennent,  de  quel  front  saint 
Paul  auroit-il  pu  y  donner  atteinte 
d'une  manière  aussi  formellei" 

TVlais  nous  avons  affaire  à  ûes 
disputeurs  fertiles  en  ressources  ; 
saint  Paul,  disent-ils,  étoit  marié, 
ou  du  moins  l'avoil  été  ;  c'est  le 
sentiment  de  saint  Ignace,  dans  sou 
épîlreauxPhiladelphiens  ;  de  saint 
Clément  d'Alexandrie  ,  Siromat. , 
1.  3  ,  c.  6  ,  p.  533  ;  d'Origène  ,  in 
Epist.  ad  Boni.  1.  i,  n.  i  ;  de  saint 
Tîasile,  de  abdic.  Serm.  ;  d'Eusébe  , 
Hisi.  ecclés. ,  1.  3,  c.  3o,  et  de  plu- 
sieurs autres  Pères.  Saint  Paul  lui- 
même  le  témoigne  assez  dans  sa 
lettre  aux  Philippiens,  c.  4i  !^  •  ^- 
Donc  il  a  seulement  voulu  détour- 
ner les  fidèles  des  secondes  noces, 
et  encore  ce  conseil  est-il  contraire 


7,72  CEL 

à  celui  qu'il  donne  aux  jeunes  veu- 
ves, I.  Tim.,  c.  5  :  Je  veux,  dit-il , 
qu'elles  se  marient. 

Si  nos  censeurs  étoient  moins 
aveugles  ,  ils  auroient  vu  que  saint 
Paul ,  qui ,  suivant  eux,  éloit  veuf 
lorsqu'il  écrivit  aux  Corinthiens, 
n'a  pas  pu  parler  de  son  épouse 
comme  vivante,  dans  sa  lettre  aux 
Philippiens  ,  qui  ne  lut  écrite  que 
cinq  ou  six  ans  après  ;  mais  la  pré- 
vention leur  a  ôté  la  présence  d'es- 
prit. La  plupart  des  citations  qu'ils 
nous  opposent  sont  infidèles  ;  il 
n'est  parlé  du  prétendu  mariage 
de  saint  Paul  que  dans  la  lettre  in- 
terpolée ou  falsifiée  de  saint  Ignace 
aux  Philadelphiens,  et  non  dans  le 
texte  grec  authentique.  Il  n'est  pas 
vrai  qu'Origène  soit  de  ce  senti- 
ment ;  il  dit  que  ,  selon  l'opinion 
de  quelques-uns ,  saint  Paul  étoit 
marié  lorsqu'il  fut  appelé  à  l'apo- 
stolat; que,  suivant  cT autres ,  il  ne 
l'étoit  pas.  Nous  n'avons  rien 
trouvé  dans  saintBasile  de  ce  qu'on 
lui  attribue  ;  saint  Clément  d'A- 
lexandrie est  le  seul  des  Pères  qui 
ait  cru  le  mariage  de  saint  Paul. 
Eusèbe  ,  à  la  vérité  ,  cite  ce  qu'a 
dit  saintClément,  mais  il  n'y  donne 
aucune  marque  d'approbation  ;  et 
cette  opinion  n'est  fondée  que  sur 
Tin  passage  de  saint  Paul  mal  en- 
tendu. 

Aussi  Tertullien,  L.  i  ad  uxor. 
c.  3  ;  Z».  de  Tdonagam.  ,  c.  3  et  8  ; 
saint Hilaire,  ï>2  JPs.  127;  saintEpi- 
phane ,  Hœr.  58  ;  saint  Ambroise  , 
in  exhortât,  ad  Virgines  ;  Saint  Jé- 
rôme, X.  I  contra  Jovin.  eiJEpist. 
22  ad  Eustochium  ;  saint  Augustin, 
L.  de  Grat.  et  lib.  Arb.,  c.  4;  L. 
de  bono  Conjug.  ,  c.  10  ;  L.  1  de 
AduU.  conjug.  ,  c.  J^;  L.  de  Opère 
Monach.,  c.  4,  affirment  unanime- 
ment que  saint  Paul  ne  fut  jamais 
marié.  L'opinion  particulière  de 
saint  Clémen  t  d'Alexandrie  ne  peut 
pas  prévaloir  à  cette  tradition  con- 
stante. 

II  n'y  a  aucune  opposition  entre 


CEL 

les  divers  avis  que  donne  saint 
Paul;  il  veut  que  les  jeunes  veuves 
se  remarient,  parce  qu'elles  en  ont 
le  désir,  quia...  nubere  volunt ,  et 
parce  que  plusieurs  ont  manqué  à 
la  foi  qu'elles  avoient  jurée.  J.  Ti- 
niot.,  c.  5, y.  II  et  12.  Sans  doute 
il  étoit  mieux  pour  elles  de  se  re- 
marier que  de  briller  d'un  feu  im- 
pur. J.  Cor.,  c.  7,  y!'.  9. 

Quant  au  passage  de  saint  Paul, 
tiré  de  la  même  lettre  aux  Corin- 
thiens ,  c.  9  ,  ^.  5  ,  qui  a  trompé 
saint  Clément ,  et  sur  lequel  nos 
adversaires  insistent,  il  ne  lait  au- 
cune difficulté.  «  N'avons-nous 
»  pas  ,  dit  l'apôtre  ,  le  pouvoir  de 
»  mener  avec  nous  une  femme  , 
»  comme  notre  sœur ,  comme  font 
»  les  autres  apôtres  ,  et  les  frères 
1)  du  Seigneur,  et  Céphas  ?  »  Saint 
Clément,  disent  ces  critiques,-*ous 
le  nom  de  femme  a  entendu  une 
épouse;  cette  traduction  est  fautive. 
Mais  nos  censeurs  ,  toujours  frap- 
pés du  même  vertige,  veulent  ({ue 
saint  Paul,après  avoir  parlé  comme 
veuf  dans  le  chapitre  7  ,  ait  fait 
mention  de  son  épouse  dans  le  cha- 
pitre 9. 

Suivant  leur  coutume  ordinaire, 
lorsqu'un  Père  de  l'Eglise  a  dit 
quelque  chose  qui  leur  est  favo- 
rable, ils  en  fontun  élogepompeux; 
pour  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  de 
leur  avis  ,  ils  les  dépriment  et  en 
parlent  avec  dédain. 

A  force  de  spéculations,  ils  ont 
deviné  l'origine  de  l'estime  que  l'on 
a  eue  dès  les  premiers  siècles  pour 
la  virginité  et  pour  le  célibat;  elle 
est  venue,  disent-ils,  de  la  croyance 
dans  laquelle  étoient  les  premiers 
chrétiens  que  le  monde  finiroit 
bientôt  ,  de  la  mélancolie  qu'in- 
spire le  climat  de  l'Egypte  et  des 
Indes  ,  des  idées  chimériques  de 
perfection  puisées  dans  la  philoso- 
phie de  Pythagorc  et  de  Platon  ; 
et  cette  superstition  s'est  répandue 
partout. 

Nous  voilà  doue  réduits  à  croire 


que  Jcsus-Chrisl  i-l  ses  i]isci[)l''s  , 
sailli  Paul  cl  raulcur  «le.  l'Apoca- 
lypse, quionlfait  cas  <lo  la  virginité 
il  du  célibat,  éloicnl  ilans  ro[)inion 
delà  fin  prochainedu  monde  ;  qu'ils 
i'ioienl  atlaqucs  de  la  mélancolie 
lie  l'Egyple  et  des  Indes;  (pi'ils 
iloienl  prévenus  des  idées  de  Py- 
(hagorc  et  de  Platon.  A  l'article 
Monde,  nous  fei^ons  voir  qu'il  n'est 
pas  vrai  qu'ils  en  aient  prédit  la  fin 
prochaine. 

Qui  n'admireroit  l'entêtement 
de  nos  adversaires  P  Ils  disent  que 
l'estime  pour  la  virginité  et  pour 
le  célibat  est  absurde,  injurieuse  à 
la  nature,  contraire  aux  desseins  du 
Créateur,  aux  intérêts  de  l'huma- 
nité, aux  plus  pures  lumières  du 
l)on  s,Qns  ;  et  par  une  contagion  dé- 
])lorable,  ce  lie  supcrsti  lion  s'est  ré- 
pandue partout;  elle  a  passé  de 
l'Egypte  aux  Indes  et  à  la  Chine  , 
file  a  infecté  les  ignorants  et  les 
philosophes.  Avec  le  christianis- 
me, elle  a  pénétré  en  Italie  et  dans 
les  Gaules  ,  en  Angleterre  et  dans 
les  climats  glacés  du  Kord  ;  elle  est 
allée  jusqu'au  Pérou  faire  établir 
les  vierges  du  soleil.  lisse  flattent 
néanmoins  ,  par  la  supériorité  de 
leurs  lumières,  de  guérir  enfin  l'u- 
nivers entier  de  cette  maladie,  et 
de  lui  rendre  le  bon  sens  qu'eux 
seuls  croient  posséder  exclusive- 
ment. Ils  disent  que  cette  estime 
aveugle  pour  la  continence  a  été 
poussée  à  l'excès  par  les  Pères  de 
l'Eglise,  et  ils  s'efforcent  de  prou- 
ver que  les  Pères  n'ont  jamais 
pensé  à  en  faire  une  loi  au  clergé. 
ils  disent  que  les  Pères  ont  eu  le 
même  mépris  pour  l'état  du  ma- 
riage que  les  docètes  ,  les  marcio- 
nites  et  les  manichéens  ;  et  à  peine 
ces  hérétiques  ont-ils  paru,  qu'ils 
ont  été  réfutés  et  condamnés  par 
les  Père^. 

Mais  c'est  ici  un  fait  dont  la  dis- 
cussion est  importante.  Ivoire  nou- 
veau disscrtateur  ,  instruit  proba- 
ulemenl   p?.r  Bcausobre  ,  soutient 


que  CCS  anciens  hérétiques,  détrac- 
teurs du  mariage  ,  ne  le  condam- 
noienl  pas  comme  absolument 
mauvais  et  criminel,  qu'ils  le  rc- 
gardoient  comme  un  état  moins 
parfait  que  le  célibat,  doctrine  qui 
est  à  présent  celle  de  l'Eglise  ro- 
maine ,  mais  qui  a  été  condamnée 
par  les  Pères. 

Heureusement  le  maître  et  le  dis- 
ciple se  contredisent  et  se  réfutent 
chacun  de  son  côté.  Le  premier, 
après  avoir  lait  tous  ses  efforts 
pour  prouver  que  les  manichéens 
ne  pensoient  pas,  touchant  le  ma- 
riage, autrement  que  les  Pères,  est 
forcé  de  convenir  que  ces  héréti- 
ques ne  pouvoient  ,  suivant  leurs 
principes,  ni  approuver  le  maria- 
ge, ni  le  regarder  comme  une  ins- 
titution sainte  ,  puisqu'ils  ensei- 
gnoient  que  c'est  le  démon  ou  le 
mauvais  principe  qui  a  construit 
le  corps  humain  ,  et  qu'il  s'est  pro- 
posé de  perpétuer  ,  tant  (^u'il  le 
peut,  par  la  propagation,  la  capti- 
vité des  âmes;  c'etoit  aussi  l'erreur 
de  plusieurs  sectes  de  gnostiques. 
Histoire  du  ManicJi.  ,  livre  7  , 
c.  3,  §  i3  ;  G.  5  ,  §  9.  I>e  second  n'a 
pu  s'empêcher  d'avouer  que  les 
encratites  et  les  apostoliques  reje- 
toient  le  mariage  comme  absolu- 
ment mauvais ,  qu'Eustate  de  Sé- 
baste  en  Arménie  fut  condamné  au 
concile  de  Gangres,  vers  ranp.41 , 
parce  qu'il  inlerdisoil  la  cohabita- 
lion  aux  gens  mariés.  Inconv.  du 
célib.  ,  seconde  pari. ,  c.  6 ,  10  et  i3. 
Voila  ce  que  les  Pères  ni  l'Eglise 
romaine  n'ont  jamais  enseigné, mais 
ce  qu'ils  ont  toujours  proscrit  et 
censuré. 

Nous  ne  suivrons  pas  cet  auteur 
dans  SCS  déclamations  contre  les 
vœux,  contre  l'état  monastique, 
contre  les  couvents  de  religieuses, 
contre  les  superstitions  portées 
dans  le  Nord  par  les  missionnaires 
dans  le  neuvième  siècle  et  les  sui- 
vants ;  ces  invectives  ,  copiées  d'a- 
près les  protestants  ,  et   rebattues 


it74  GEL 

par  les  incrédules  ,  seront  réfutées 
chacune  dans  leur  place.  Quant 
aux  mœurs  du  clergé  dans  les  bas 
siècles,  et  aux  scandales  qui  ont 
affligé  l'Eglise  ,  ces  désordres  n'ont 
eu  lieu  qu'après  la  chute  de  la  mai- 
son de  Charlemagne,  et  après  la 
révolution  qui  bouleversa  les  gou- 
vernements dans  nos  contrées.  Les 
seigneurs,  toujours  armés,  s'em- 

f tarèrent  des  bénéfices ,  en  firent 
cur  patrimoine  ,  y  placèrent  leurs 
enfants  etleurs  protégés,  ces  intrus 
ne  pouvoient  manquer  d'avoir  tous 
les  vices  de  leurs  patrons  ;  la  simo- 
nie et  le  concubinage  allèrent  tou- 
jours de  compagnie;  Mosheim  et 
d'autres  protestants  l'ont  remar- 
qué aussi-bien  que  nous.  En  géné- 
ral ,  qui  sont  les  prélats  qui  ont 
le  plus  déshonoré  l'Eglise  .''  Ceux 
qui  avoîent  eu  des  enfants  légiti- 
mes avant  leur  ordination,  ou  qui 
avoient  eu  des  enfants  naturels. 
Faut-il  renouveler  aujourd'hui  les 
desordres  qu'ils  ont  causés?  Il  est 
faux  que  le  mariage  permis  aux 
ministres  de  la  religion ,  dans  les 
pays  du  Nord  ,  y  ait  rendu  les 
mœurs  plus  pures;  Bayle  a  prouvé 
le  contraire,  Uict.  Crit.  ,  Ermite, 
rem.  i  ,  §  3. 

Pour  ne  rien  laisser  à  désirer  sur 
cette  question  tant  rebattue ,  il 
nous  reste  à  examiner  si  le  change- 
ment de  discipline  sur  ce  point 
produiroit  des  effets  aussi  avan- 
tageux qu'on  le  prétend. 

Dans  les  Annales  politiques  de 
1782,  n.^ai  ,  il  y  aune  lettre  dont 
l'auteur  se  propose  de  démontrer, 
par  le  calcul  ,  que  la  suppression 
du  célibat  ecclésiastique  et  reli- 
gieux seroit  une  fausse  politique  , 
une  puérilité  indigne  de  l'attention 
d'un  grand  législateur ,  et  une  in- 
novation sans  fruit  pour  la  popu- 
lation. 

La  haine,  dit-il,  la  jalousie,  la 
crédulité  ,  l'enthousiasme  réfor- 
mateur, la  rivalité  des  philosophes 
avec    le  clergé  ,  ont  esagéré  jus- 


CEL 

qu'au  ridicule  le  nombre  des  ec- 
clésiastiques et  des  moines  ;  mais 
voici  le  résultat  des  dénombre- 
ments les  plus  exacts. 

Sur  plus  de  dix  millions  d'habi- 
tants ,  l'Espagne  compte  cent  soi- 
xante raille  célibataires  religieux, 
dont  un  tiers  forme  le  clergé  sé- 
culier ;  c'est  un  et  demi  pour  cent 
de  la  génération  complète.  En 
Italie,  il  y  a  quatorze  millions  et 
demi  d'individus  ,  et  deux  cent 
quatre-vingt  mille  ecclésiastiques; 
ce  sont  deux  hommes  par  cent  sur 
la  totalité  des  habitants  :  mais 
plus  de  la  moitié  d'entre  eux  se 
trouvent  dans  le  royaume  de  Na- 
ples  et  dans  les  états  du  pape  ;  le 
reste  de  l'Italie  ne  suppose  qu'un 
soixante- quinzième  ou  environ 
de  sujets  voués  à  la  religion. 

Il  faut  observer  que  l'Italie  a  peu 
de  grandes  villes  qui  absorbent  la 
population  ;  elle  n'entretient  point 
d'armées  ni  de  marine  militaire. 
Un  climat  doux ,  un  sol  fertile  ,  en 
dimijiuant  les  besoins,  augmentent 
les  subsistances. 

Les  derxiiei's  calculs  faits  sous 
l'administration  de  M.  Necker  ont 
porté  la  population  de  la  France 
à  vingt-trois  millions  cinq  cent 
mille  habitants  ;  en  y  supposant 
deux  cent  mille  célibataires  reli- 
gieux ,  comme  l'ont  fait  les  plus 
grands  exagérateurs,  c'est  moins 
d'un  centième  de  la  nation. 

Il  y  a  plus.  Sur  le  total  de  six 
millions  et  plus  de  deux  cent  mille 
femmes  propres  au  mariage  ,  il  y 
en  a  un  million  et  quarante  mille 
qui  ne  sont  pas  mariées  ,  et  on  ne 
peut  compter  que  soixante  et  dix 
mille  religieuses,  c'est  le  quinzième 
des  femmes  célibataires.  Sur  la  to- 
talité des  hommes,  on  doit  en  com- 
pter au  moins  un  million  qui  pour- 
roientêtremariés  et  ne  le  sont  pas; 
sur  ce  million  il  n'y  en  a  qu'envi- 
ron cent  trente  mille  ecclésiasti- 
ques ou  religieux  ,  ce  n'est  que  le 
dixième. 


ci:i. 

Rendez  au  nioiulc  ,  coiiliiiuc 
rauteiir,  tous  les  hommes  ciiler- 
«lés  dans  les  nioiiaslcres  ,  ce  sera 
floixanle  niillelcélibalaires  de  moins 
sur  un  million.  Mais  tous  n'auront 
pas  les  facultés  ,  le  penchant ,  la 
fortune  ,  la  vocation  ,  nécessaires 
au  lien  conjugal.  Les  cadets  de  la- 
mille  ,  les  vieillards,  les  infirmes, 
ceux  qui  préféreront  la  liberté  et 
l'indépendance  du  célibat  au  joug 
du  mariage  ,  etc.  ,  sont  à  retran- 
cher, et  c'est  au  moins  une  moi- 
tié. Vous  gagnerez  donc ,  sur  un 
million  d'habitants,  environ  trente 
mille  sujets ,  sur  lesquels  la  mort , 
la  pauvreté,  l'abstinence  forcée, 
prendront  leurs  tributs  :  voilà  à 
quoi  se  réduisent  les  romanesques 
visions  des  déclamateurs. 

La  seule  capitale  renferme  plus 
de  domestiques  qu'il  n'y  a  de  re- 
ligieux dans  tout  le  royaume  ;  le 
nombre  de  ces  esclaves  du  luxe  , 
dans  toute  l'étendue  de  laFrance, est 
un  douzième  de  la  population. 
Aux  serviteurs,  le  mariage  est  in- 
terdit comme  nuisible  à  l'intérêt 
des  maîtres  :  dans  les  femmes,  on 
tolère  le  libertinage  ,  et  non  la  fé- 
condité légitime.  Le  célibat  forcé 
des  domestiques  est  un  foyer  de 
désordres,  celui  des  ecclésiastiques 
est  contraint  dans  ses  penchants 
par  la  sainteté  de  son  institut,  par 
la  crainte  de  la  honte,  par  l'hon- 
neur du  corps  :  un  religieux  a  de- 
vant lui  dix  exemples  de  vertu  pour 
un  de  dépravation. 

Deux  cent  cinquante  mille  sol- 
dats ou  matelots  sont  enlevés  sur 
la  population  ,  et  l'on  choisit  les 
individus  les  plus  capables  des 
services  civils.  La  débauche,  les 
maladies  honteuses, empoisonnent 
les  armées ,  tandis  que  la  désertion 
les  diminue. 

Comptez  les  mendiants,  les  em- 
ployés des  fermes,  les  rentiers,  les 
journaliers  ,  la  nuée  des  gens  de 
lettres,  mais  surtout  les  pViiloso- 
phcs  :  i'e.<prit  philosopliique,  <iui 


CEL  ^75 

n'est  autre  chose  «[ue  l'esprit  il'é- 
goïsme  ,  fut  toujours  antipathique 
du  mariage.  Voyez  nos  mœurs,  nos 
capitales  ,  nos  ménages  ,  observez 
le  luxe  dans  ses  gigantesques  pro- 
grès, le  concubinage  impossible  à 
réprimer,  la  puissance  maritale  et 
paternellede  jour  en  jour  plus  re- 
lâchée et  plus  insupportable,  le 
ton  et  la  conduite  des  femmes  ; 
llattez-vous  ensuite  que  la  propa- 
gation de  l'espèce  va  couvrii*  la 
terre  ,  lorsque  cinquante  mille 
moines  auront  renoncé  au  vœu  du 
célibat. 

Il  existe  dans  le  royaume  deux 
fois  autant  de  prostituées  que  de 
religieuses  :  lesquelles  sont  les  plus 
funestes  à  la  population  ?  Depuis 
1766  jusqu'en  lyyS  ,  le  nombre  des 
enfants  trouvés  à  Paris  est  aug- 
menté d'un  tiers. 

La  noblesse  des  villes  produit 
peu  de  mariages ,  et  encore  moins 
d'enfants  ;  nos  lois  et  nos  usages 
ont  condamné  les  cadets  à  l'indi- 
gence et  au  célibat:  les  monastères 
ou  les  ordres  sont  donc  une  res- 
source pour  la  noblesse  des  deux 
sexes;  ils  reci'eillent  les  célibatai- 
res produits  par  le  désordre  de  la 
société  ,  mais  ils  ne  les  engendrent 
pas. 

11  vaudroit  donc  mieux  réduire 
notre  état  militaire  ,  renvoyer  la 
moitié  des  gens  de  livrée  dans  les 
campagnes,  avoir  deux  tiers  moins 
d'avocats,  de  procurcui's ,  d'offi- 
ces de  finance  ,  d'huissiers,  d'au- 
teurs ,  etc.  ,  et  conserver  les  moi- 
nes. 

Cela  est  impraticable,  sans  dou- 
te: et  c'est  là  le  mot  de  tous  les 
beaux  plans  de  réforme  qu'on  nous 
étale  dans  les  livres  ,  et  que  l'on 
prône  dans  les  nouvelles  publi- 
ques. Nous  chérissons  nos  vices  , 
et  nous  en  indiquons  le  remède. 
On  déclame  contre  le  luxe  ,  lors- 
que le  luxe  ne  peut  plus  être  ré- 
primé; on  disserte  sur  l'éducation 
lorsque  l'abus  de  la   société  efface 


476  CKL 

tle  plus  en  plus  les  caractères  ;  on 
peuple  les  états  dans  des  brochu- 
res, sans  observer  l'action  irrésis- 
tible des  mœurs  et  des  usaf;es  sur 
les  vraies  sources  de  la  population. 
L'auteur  dos  RccJierches  philoso- 
phiques sur  le  célibat  ,  s'écrie  : 
«  Voyez  les  états  protestants  ,  ils 
»  f'otirmillent  de  bras ,  et  la  calho- 
»  licite  de  déserts.  »  Vingt  autres 
ont  lait  celle  comparaison. 

Mais  enSuisse,  lepluspeuplédes 
cantons  est  celui  de  Soleure,et  il 
est  catholique  ;  il  a  des  ecclésiasti- 
ques ,  des  moines  etdesreligieuses; 
si  la  Sicile  est  pleine  de  masures, 
c'cstl'efFet du  gouvernement  féodal, 
le  plus  atroce  et  le  plus  destructeur 
qu'ait  inventé  l'usurpation.  Les 
Pays-Bas  catholiques  ,  les  riches 
républiques  d'Italie,  ctoient- elles 
dépeuplées  dans  le  quinzième  et  le 
seizième  siècle ?A voient-elles  moins 
de  prospérité  que  la  Hollande!  La 
Prusse  est-elle  plus  féconde  en  ha- 
bitants que  le  Palatinat,  et  la  Suède 
que  la  Lombardie?  La  fertilité  du 
sol,  la  position  topographique  et 
le  gouvernement ,  ont  une  toute 
autre  force  que  les  couvents. 

Réformer  et  non  pas  détruire, 
telle  doit  être  la  maxime  de  tout 
homme  qui  spécule  en  politique. 
Changez  des  asiles  inutiles  en  hos- 
pices de  la  pauvreté,  de  l'âge  ,  de 
la  douleur  ,  du  repentir  et  de  l'ab- 
négation ,  la  société  pourra  y  ga- 
gner, maisnonsa  population. L'a- 
,  mour  du  paradoxe  n'inspire  point 
cette  opinion  ;  quand  on  se  défend 
avec  des  chiffres,  on  ne  peut  guère 
être  soupçonné  d'imposture. 

Il  nousparoît  que  cet  auteur  ne 
craint  pas  d'être  réfuté  ;  s'il  se 
trompe  ,  il  est  très  à  propos  de 
démontrer  son  erreur. 

I/auteur  de  l'article  célibat  dans 
le  Dictionnaire  de  Jurisprudence ,  a 
copié  les  diatribes  de  l'abbé  de 
Saint-Pierre ,  placées  dans  l'an- 
cienne Encyclopédie  ^  et  il  y  a  joint 
ce  que  les  protestants  ont  dit  dans 


CEL 

celle  d'Yvcrdun.  Nous  ne  pouvons 
nous  dispenser  de  révéler  quel- 
ques-unes des  contradictions  de  cet 
article. 

Après  avoir  soutenu  que  le  céli- 
bat étoit  proscrit  chez  les  Juifs  en 
vertu  de  la  prétendue  loi  ,  croisses 
et  multipliez  ,  on  nous  assure  qu'E- 
lie,  Elisée,  Daniel  et  ses  trois  com- 
pagnons ,  vécurent  dans  la  conti- 
nence. Voilà  donc  des  prophètes, 
des  amis  de  Dieu  ,  qui  ont   violé 
publiquement  la  loi  de  Dieu  por- 
tée   dès    la    création.    L'on    nous 
vante  les  lois  que  les  Grecs  et  les 
Romains  avoient  faites  contre  h 
célibat,  l'espèce  d'infamie  dont  ils 
l'avoient  noté,  les  privilèges  qu'ils 
accordoientaux  personnes  mariées; 
cependant  l'on  nous  fait  observei 
que  tous  les  peuples  ont  attaché  unt 
idée  de  sainteté  et  de  perfection 
la  continence  observée  par  niotil 
de  religion;  il  n'est  donc  pas  vra 
que  toute  espèce  de  célibat  ait  ét< 
notée  d'infamie.  D'un  côté  l'ondi 
qu'il  n'y  a  guère  d'hommes  à  qu 
le  célibat  ne  soit  difficile  à  obser- 
ver, que  les  célibataires  doiven 
être  trrs,les  et  mélancoliques  ;   di 
l'autre,  on  cite  une  harangue  di 
Métellus  Numidicus,  adi-essée  ai 
peuple   romain ,    dans  laquelle   i 
avoue  que  c'est  un  malheur  de  n 
pouvoir  se  passer  des  femmes;  (jui 
la  nature  a   établi  qu'on  ne  peu 
guère   vivre  heureux    avec    elles 
Pour  être  heureux,  il  faudroitdom 
n'être  ni  marié  ni  célibataire.  Ui 
de  ces   oracles   dit  que  ,    dans  L 
christianisme,   la  loi  du   célibat 
pour  les  ecclésiastiques  ,  est  auss 
ancienne  que  l'Eglise,  que  Dieu  1'; 
jugé   nécessaire    pour    approche 
plus  dignement  de  ses  autels  ;  ui 
autre  prétend  que  le  célibat  n'étoi 
que  de  conseil  ,  et  <jue  ,  malgré  ci 
qu'en  a  pensé  le  concile  de  Trente 
la  qiiestion   «[ue  nous  examinon 
est  purement  politique.  Dans    1; 
même  page  on  lit  qu'en  Occiden 
\c  célibat  étoit  prescrit  aux  clerc» 


CFJ. 

»l  qu'il  éloil  libre  dans  TF^lisp  la- 
tine; il  laul  donc  que  celle-ci  ne 
soit  pas  la  même  que  l'Eglise  d'Oc- 
cident. 

Ce  que  disoit  l'aLbé  de  Saint- 
Pierre,  que  les  ministres  protes- 
tants sont  aussi  respectés  du  peu- 
ple que  les  prêtres  catholiques* 
est  absolument  faux.  Il  est  cer- 
tain, par  cent  exemples  ,  que  les 
protestants  sensés  ,  même  les 
souverains  ,  ont  toujours  témoi- 
gné, plus  de  respect  pour  les  prê- 
tres catholiques,  dont  ils  connois- 
soient  les  mœurs,  que  pour  leurs 
propres  Tninistres  ;  on  sait  d'ail- 
leurs qu'en  Angleterre  le  bas  cler- 
gé est  très-méprisé.  Londres^  t.  2, 
p.  241. 

Nous  n'avons  garde  de  blâmer 
ce  qui  est  dit  dans  cet  article  con- 
tre le  célibat  volontaire  ou  forcé 
des  séculiers  ;  mais  les  moyens  nue 
l'on  propose  pour  y  remédier  sont 
à  peu  prés  impraticables,  et  ceux 
que  l'abbé  de  Saint-Pierre  avoil 
rêvés  pour  prévenir  les  inconvé- 
nients du  mariage  des  prêtres, sont 
absurdes. 

Les  ennemis  du  célibat  ecclésias- 
tique et  religieux  n'ont  donc  épar- 
gné, pour  l'atlacjuer,  ni  les  con- 
tradictions, ni  les  impostures;  en 
voici  encore  un  exemple  récent. 

Dans  le  Journal  Encyclopédique 
du  i5  mars  1786 ,  pag.  Bog  ,  on  a 
placé  une  lettre  d'^Enéas  Sylvius  , 
qui  devint   pape  sous  le  nom  de 
Pie  II,  l'an  i458,  dans  laquelle  on 
prétend  qu'il  a  justifié  le  liberti- 
nage de  sa  jeunesse ,   et   dans   la- 
quelle il  s'élève  con  re  le  célibat  des 
prêtres  ;    c'est  la   i5.*  du  recueil 
de  ses  lettres.  Mais  dans  T Année 
littéraire  de    cette    même    année  , 
n.°  1 5  ,  un  savant  a  prouvé,  i ."  que 
le  journaliste  a   traduit   infidèle- 
ment la  lettre  d'JLnéas  Sylvius,  et 
qu'il  y  a  mis  du  sien  les  deux  phra- 
ses les  plus  fortes  contre  \c  célibat 
des  prêtres.  2.°  Que  celle  i5.*  let- 
tre a  été  écrite  dans  la  jeunesse  de 


Fauteur,    long- temps  avant   qu'il 
fût  engagé  dans  les  ordres  sacrés. 
3.^  Que  pendant   son  pontifient  il 
a  désavoue  et  rétracté  ce  qu'il  avoit 
écrit  autrefois  dans  reffervescence 
des  passions    Dans  sa  lettre  3cj5  , 
adressée  à  Charles  Cyprianus  ,    il 
dit  :  Méprisez  et  rejetez  ,  n  mortels  , 
ce  que  nous  avons  écrit  dans  notre 
jeunesse  au  sujet  deV  amour  profane; 
suivez,  ce  que  nous  vous  disons  à  pré- 
sent.   Croyez-en  un   vieillard  plutôt 
qu  un  jeune  homme ,  un  pontife  plu- 
tôt quun  simple  particulier ,  Pie  II 
plutôt  quMnéas   Sylvius.  4-°   Que 
Flaccus  Illyricus  ,   sur    la  foi   de 
Platine  et  de  Sabellicus,  attribue 
mal  à  propos  à  ce  pape  la  maxime 
suivante  ,  savoir  :  que  le  mariage 
a  été  interdit  aux  prêtres  pour   de 
bonnes  raisons,  mais  quil  y  en  a 
de  meilleures   pour  le    leur  rendre. 
11  est  démontré  au  contraire  qu'il 
n'y  en  a  aucune  de  toucher  à  l'an- 
cienne  discipline  ,    et   que  toutes 
sortes  de  raisons  engagent  a  la  con- 
server. Voyez  Virginité. 

CÉLICOLES.  Voyez  Cœlicoles. 

CELLITES ,  nom  d'une  congré- 
gation de  religieux  hospitaliers  , 
qui  ont  des  maisons  en  Alleniagne 
et  dans  les  Pays-Bas.  Leur  fonda- 
teur est  un  nommé  Meccio  ;  c'est 
ce  qui  les  a  fait  appeler  mecciens 
en  Italie.  Ils  suivent  la  règle  de 
saint  Augustin  ;  leur  institut  lut 
approuvé  par  Pie  II,  vers  l'an  1 460  ; 
mais  ils  existoient  déjà  depuis  plus 
d'un  siècle.  Ils  sont  occupés  à  soi- 
gner les  malades, particulièrement 
ceux  qui  sont  alta([ués  de  mala- 
dies contagieuses  ,  telles  que  la 
peste  ;  ils  gardent  et  servent  les 
insensés  ,  enterrent  les  morts,  etc. 
Us  ont  beaucoup  de  rapport  aux 
frères  de  la  charité. 

Ainsi  l'on  n'a  pas  atlendu  au 
dix-septième  siècle  pour  faire ,  par 
motif  de  religion  ,  des  établisse- 
ments utiles  à   l'humanilé.  Parmi 


it78  GEL 

un  grand  nombre  d'insliluls,  dont 
nous  ne  voyons  plus  la  nécessité, 
parce  que  les  raisons  qui  les  ont 
fait  établir  ne  subsistent  plus  ,  il 
en  est  dont  les  services  continuent 
toujours,  et  dureront  aussi  long- 
temps que  l'on  voudra  se  donner 
la  peine  de  les  proléger  et  de  les 
favoriser. 

C'a  été  un  trait  de  malignité  de 
la  part  de  Mosheim  ,  de  dire  que 
l'institut  des  celliies  se  forma,  parce 
que  les  ecclésiastiques  du  quator- 
zième siècle  ne  prenoient  aucun 
soin  des  malades  ni  des  moribonds; 
il  n'a  pu  prouver  cette  accusation 
par  aucun  fait  ni  par  aucun  mo- 
nument. Les  vrais  motifs  de  cette 
institution  furent  les  ravages  énor- 
mes de  la  maladie  contagieuse  qui 
régna  l'an  i348  et  les  années  sui- 
vantes ,  qui  désola  l'Italie,  l'Es- 
pagne ,  la  France ,  l'Angleterre  , 
l'Allemagne  et  les  pays  du  Nord  , 
et  qui  fut  appelée  la  peste  noire , 
et  les  indulgences  que  Clément  VI 
accorda  à  tous  ceux  qui  donne- 
roient  aux  pestiférés  les  secours 
spirituels  ou  temporels.  Mais  pen- 
dant que  les  celliies  leur  procu- 
roient  les  seconds ,  qui  leur  don- 
noit les  premiers,  sinon  les  prêtres 
et  les  religieux  ?  C'est  comme  .si 
l'on  disoit  que  les  frères  de  la 
charité  ont  été  institués  l'an  iSao 
pour  soulager  les  corps,  parce  que 
le^s  prêtres  négligeoient  les  âmes, 

Mosheim  observe  que  les  celliies 
furent  aussi  nommés  lollards  ;  mais 
il  ne  faut  pas  les  confondre  avec 
plusieurs  sectes  d'hypocrites  ,  qui 
furent  ainsi  appelés  dans  la  suite. 
Voyez  Lollards. 

CELLULE  ,  diminutif  du  mot 
celle,  qui  a  siguifié  autrefois  un 
lieu  lermé,  et  conséquemment  un 
monastère.  C'est  une  petite  cham- 
bre habituée  par  un  religieux  ou 
par  une  religieuse  ,  et  qui  fait 
partie  d'un  couvent.  Elle  renferme 
ordinairement  un  lit  ou  un  grabat. 


GEL 

une  chaise  ,  une  tal>le  ,  quelquej 
images  et  quelques  livres  de  piété: 
le  reste  seroit  superflu. 

Un  religieux  qui  sait  s'occuper 
dans  sa  cellule  à  prier  ,  à  lire ,  à 
méditer,  à  écrire,  à  faire  quelques 
ouvrages  des  mains,  est  plus  heu- 
teux  qu'un  grand  seigneur  dans  un 
vaste  appartement.  S'il  lui  arrive 
d'entrer  dans  un  de  ces  palais  qui 
renl'erment  les  chefs-d'œuvre  des 
arts  ,  et  des  meubles  précieux  dont 
le  maître  ne  se  sert  jamais,  il  peut 
dire  ,  comme  un  ancien  philo- 
sophe :  combien  de  choses  dont  je 
n'ai  pas  besoin  ! 

Dans  la  Thébaïde,  i!  yavoit  trois 
déserts  habités  par  des  solitaires 
ou  anachorètes ,  l'un  appelé  des 
cellules ,  l'autre  de  la  moniagne  de 
Nitrie,  le  troisième  de  S  celé  ;  c'étoit 
le  plus  éloigné  du  centre  de  l'E- 
gypte   il  confinoit  à  la  Lybie. 

CELSE  ,  philosophe  du  second 
siècle ,  est  célèbre  par  son  ouvrage 
contre  la  religion  chrétienne,  écrit 
vers  l'an  170.  De  nos  jours  on  a 
pris  la  peine  de  recueillir  ,  dans 
saint  Cyrille  ,  les  fragments  des 
1  ivres  de  Julien  sur  ce  même  sujet, 
et  d'en  faire  un  discours  suivi  ; 
nous  ne  connoissons  aucun  ou- 
vrage de  nos  adversaires  dans  le- 
quel ils  aient  fait  la  même  chose  à 
l'égard  de  celui  de  Celse.  C'a  été 
sans  doute  un  tiait  de  prudence 
de  leur  part  ;  celui-ci  renferme 
plusieurs  aveux  très-favorables  au 
christianisme  ,  et  ils  ne  peuvent 
être  suspects.  La  réfutation  qu'O- 
rigène  a  faite  des  calomnies  de 
Celse,  est  le  plus  important  des 
ouvrages  de  ce  Père.  Il  semble  sup-^ 
poser  que  son  adversaire  étoit  épi- 
curien; mais  il  est  plus  probable 
que  c'étoitun  éclectique  ou  nou- 
veau platonicien,  qui  faisoit  pro- 
fession de  n'épouser  aucun  sys- 
tème ,  et  de  ne  tenir  à  aucune 
école. 

Cclsc  regarde  com.mc  une  folie  lo 


»rojet  formé  par  les  clirclicns  de 
oiivcrlir  tous  les  peuples  et  de  les 
anger  sous  Ja  iiiènie  loi  ;  il  veut 
[uc  chaque  nation  conserve  sa  re- 
igion,  quelle  qu'elle  soit.  Or\'^. cou- 
re Crise,  1.  5,n."  ^5  ;  1.  8,n."  72. 
klais  si  la  religion  «les  Egyptiens  et 
;elle  des  Juifs  étoicnl  lausses  et 
ibsurdes ,  comme  il  le  soutient, 
■es  deux  peuples  auroient-ils  eu 
ort  d'en  embrasser  une  meilleure  ;' 
î'il  avoit  vécu  plus  long-temps, 
I  auroit  vu  le  projet  des  cVirétiens 
t  peu  prés  exécute  ;  il  auroit  été 
;onvaincu  que  chez  tous  les  peu- 
)les  et  dans  tous  les  climats  ,  le 
hristiaiiisme  a  produit  les  mêmes 
ffels  et  la  même  révolution  dans 
es  mœurs,  comme  Origéne  le  fait 
ibserver. 

Ce  philosophe  connoissoit   nos 

vangiles  :  il   paroît  même  avoir 

u    sous  les   yeux   celui   de    saint 

lallhieu  ;    il    en  suit  sommaire- 

lent  l'histoire,  et  il  avoit  com- 

aré  les  deux  généalogies  du  Sau- 

éur,  1.  II  ,  n.°  32.  Il  avoit  lu  l'an- 

icn  Testament,  du  moins  le  livre 

e   la   Genèse   tout   entier  ,1.4, 

."  36  et  suiv.  II  est  le  premier  qui 

it  accusé  Jésus-Christ  d'être  né 

'un   commerce   illégitime  ,  et  il 

let   ce  reproche  dans  la  bouche 

'un  juif ,  1.  I ,  n.°  28.  Si  cette  ca- 

)mnie   avoit   eu   quelque  fonde- 

lent,  les  Juifs  contemporains  ne 

auroient  pas  passée  sous  silence; 

s  n'auroient  pas  souffert  que  Jé- 

is  enseignât,   et  se  donnât   pour 

cscendant  de    David.   Cérinthe , 

arpocrate  ,  les  ëbionites  ,   ne  se 

îroient    pas   obstinés   à  soutenir 

ue  Jésus  étoi^  né  de  Joseph  et  de 

[arie;   les  évangélistes  n'auroient 

as  osé  tracer  et  publier  sa  généa- 

)gie,  et  Jésus  n'auroit  trouvé  au- 

an  disciple  parmi  les  Juifs. 

Il  ne  conteste  point  le  massacre 

es  Innocents,  ordonné  par  Hé- 

ade ,   pour  faire  périr  Jésus  en- 

int;  il  n'y  oppose  qu'un  raison- 

ement  qui  ne  signifie  rien     1    i  , 


n.o  58.  Si  ce  fait  éclatant  et  public 
n'étoit  pas  vrai,  toute  la  Judée 
auroit  pu  déposer  du  contraire. 

Qu'oppose-l-il  aux  miracles  de 
Jésus -Ch  ris  t  j*  C'étoit  l'article  le 
plus  important.  Il  dit  que  per- 
sonne ne  les  a  vus  ,  si  ce  n'est  ses 
disciples,  et  qu'ils  les  ont  beau- 
coup exagérés,  1.  i  ,  n  °  68.  Mais 
si  Jésus-Christ  a  laissé  sur  la  terre 
au  moins  cinq  cents  disciples  , 
comme  saint  Paul  nous  l'apprend, 
ce  nombre  de  témoins  nous  paroît 
assez  considérable.  I.  Cor.,  c.  i5, 
f.  6. 

II  dit  que  Jésus  a  opéré  ses  mi- 
racles par  la  magie,  par  des  en- 
chantements, par  l'invocation  des 
démons  ou  génies;  il  lui  reproche 
d'avoir  appris  la  magie  en  Egypte, 
et  d'avoir  eu  ensuite  l'orgueil  de 
se  faire  passer  pour  un  Dieu,  1.  i , 
n.°  6,  28.  Il  ajoute  que  plusieurs 
autres  imposteurs  ont  fait  des  mi- 
racles semblables;  (\ue.  Jésus  lui- 
même  a  défendu  d'y  ajouter  foi  , 
n.°  68.  Il  accuse  aussi  en  général 
les  chrétiens  de  faire  usage  de  la 
magie,  n.°  6.  Mais  si  les  miracles 
de  Jésus-Christ  et  de  ses  disciples 
n'étoient  pas  vrais  et  incontes- 
tables ,  pourquoi  recourir  à  la 
magie  i*  Il  lalloit  les  nier  ferme  , 
et  s'en  tenir  là.  Il  faut  que  Celse  ait 
senti  que  cela  n'étoit  pas  possible  ; 
que  le  témoignage  constant  et  uni- 
forme des  disciples  de  Jésus,  l'aveu 
des  Juifs,  la  révolution  quis'étoit 
ensuivie ,  étoient  des  preuves  in- 
vincibles de  la  réalité  des  mi- 
racles. 

Contre  la  résurrection  du  Sau- 
veur, il  objecte  que  plusieurs  au- 
tres imposteurs  avoient  promis  de 
ressusciter,  ou  avoient  prétendu 
être  revenus  des  enfers  ;  que  Jésus 
ressuscité  n'avoit  été  vu  de  per- 
sonne, excepté  d'une  femme  et  de 
quelques  disciples  ;  qu'ils  avoient 
rêvé,  n'avoient  vu  qu'un  fantôme, 
ou  avoient  forgé  ce  mensonge.  Si 
Jésus,  njoutoit-il ,  étoit  ressuscité, 


iSo 


CEL 


il  devoil  se  montrer  à  ses  ennemis, 
à  ses  juges  ,  à  tout  le  monde  :  il 
eût  encore  mieux  valu  qu'il  ne  se 
laissât  pas  crucifier,  ou  qu'il  des- 
cendît de  la  croix  en  présence  des 
Juifs,  1.  2,  n.°  54  et  suiv. 

Mais  Celse  pouvoit-il  citer  l'exem- 
ple d'un  imposteur  ,  duquel  un 
grand  nombre  d'iiommes  eussent 
jamais  dit  :  Nous  l'avons  vu  mou- 
rir, une  ville  entière  l'a  vu  comme 
nous:  ensuite  nous  l'avons  vu  vi- 
vant, nous  l'avons  touché,  nous 
avons  bu  et  mangé  avec  lui,  après 
sa  résurrection ,  pendant  quarante 
jours.  Où  est  l'homme  ,  excepté 
Jésus,  duquel  on  ait  jamais  rendu 
un  pareil  témoignage? 

Il  devoit  ne  pas  se  laisser  cru- 
cifier, ou  descendre  de  la  croix  , 
ou  se  montrer  à  tout  le  monde  ? 
Pourquoi  le  devoit-il?  où  sont  les 
raisons  qui  prouvent  ce  devoir 
prétendu  !  Nous  soutenons  qu'il 
ne  le  devoit  pas  ;  que  quand  il 
l'auroit  fait,  les  incrédules  n'en 
seroient  pas  plus  touchés  que  du 
miracle  de  sa  résurrection,  prouvé 
comme  il  l'est. 

Cette  résurrection  a  été  publiée, 
crue  et  professée  par  des  milliers 
de  Juifs  ,  cinquante  jours  après  , 
sur  le  lieu  même  où  elle  est  arri- 
vée ;  Celse  n'a  pas  osé  en  discon- 
venir :  donc  ses  disciples  ont  so- 
lidement prouvé  qu'ils  n'avoient 
ni  rêvé  ,  ni  menti. 

Rien  n'est  plus  absurde  que  de 
rejeter  un  miracle,  parce  que  Dieu 
pouvoit  en  faire  un  autre ,  et  de 
contester  une  preuve  ,  parce  que 
Dieu  pouvoit  en  donner  d'autres. 
Quoi  que  Dieu  fasse  ,  les  incré- 
dules sont  bien  résolus  de  n'avouer 
jamais  qu'il  a  bien  fait;  et  quelques 
preuves  qu'on  leur  allègiie,  elles 
ne  suffiront  jamais  pour  vaincre 
leur  opiniàti^eté.  Plusieurs  ont  dé- 
claré que  quand  ils  verroient  de 
leurs  yeux  un  mort  sortir  du  tom- 
beau, ils  ne  le  croiroient  pas. 
Celse  convient  que  le  christia- 


CEL 

nisme  a  été  prêché  ,  s'est  établi ,  cl 
a  fait  des  progrès  très  -  peu  de 
temps  après  la  mort  de  Jésus- 
Christ,!.  2,  n.°  2  et  4  ;  que  ceux 
qui  publient  sa  doctrine  lui  font 
une  infinité  de  disciples,  n.°  4*^- 
Il  avoue  qu'il  y  a  parmi  les  chré- 
tiens des  hommes  vertueux,  sages 
et  intelligents,  1.  i  ,  n.°  27.  Il  ne 
leur  repioche  point  d'autre  crime 
que  de  s'assembler  en  secret,  contre 
la  défense  des  magistrats ,  de  dé- 
tester les  simulacres  et  les  autels , 
et  de  blasphémer  contre  les  dieux. 
Nous  prions  les  incrédules  mo- 
dernes d'y  faire  attention  ,  et  de 
ne  pas  pou.sser  les  calomnies  plus 
loin  que  lui. 

Tantôt  il  approuve,  et  tantôt  il 
blâme  la  fermeté  des  martyrs  ;  mais 
il  convient  de  la  cruauté  des  sup- 
plices qu'on  leur  fait  subir,  1.  8, 
n.°  39,  43,  4^7  ^^^-  C'est  cepen- 
dant un  fait  que  Ton  a  osé  con- 
tester de  nos  jours.  Il  distingue  la 
grande  Eglise  d'avec  les  autres 
sectes  qui  se  disoient  chrétiennes  : 
il  ajoute  que  ces  différentes  sectes 
se  haïssent  et  se  déchirent,  1.  5 
n.o  69  et  suiv. 

C'est  justement  ce  qui  prouv* 
qu'il  n'a  pas  pu  y  avoir  de  collu- 
sion entre  les  premiers  sectateui." 
du  christianisme  pour  forger  de; 
faits  ,  pour  les  publier ,  pour  ci 
imposer  aux  hommes  incrédules 
Les  divisions  ont  commencé  dès  îi 
temps  des  apôtres;  ils  s'en  plai- 
gnent, et  démasquent  les  faux  doc- 
teurs ;  ils  ont  donc  toujours  et» 
surveillés  par  des  ennemis  atten- 
tifs et  jaloux,  soit  juifs,  soit  païens 
même  par  des  philosophes  ma 
conA'ertis,  Mais  parnfî  ceux  qui  on 
levé  l'étendard  contre  les  apôtres 
aucun  ne  les  a  jamais  accusés  d'à 
voir  forgé  ,  déguisé  ,  dénaturé  le 
faits  de  l'Evangile.  Si  les  faits  son 
vrais,  le  christianisme  est  invin 
ciblement  prouvé. 

Il  n'est  pas  aisé  de  démêler  quel; 
éloient  les  sentiments  de  Celse  tou 


CEL 

chant  la  Divinité  ;  sa  philosophie 
est  un  chaos  inintelligible  ,  et  son 
ouvrage  un  tissu  de  contradictions. 
Quelquefois  il  semble  admettre  la 
providence,  d'autres  fois  il  la  nie; 
il  joint  à  l'épicuréismc  le  dogme  <lc 
la  fatalité  ;  il  croit  que  les  animaux 
sont  d'une  nature  supérieure  à 
colle  de  l'homme.  Il  n'exige  point 
que  l'on  rende  un  culte  à  Dieu  , 
créateur  et  gouverneur  du  monde, 
mais  seulement  aux  génies  ou  aux 
dieux  des  païens;  il  vante  les  ora- 
cles, la  divination,  les  prétendus 
prodiges  du  paganisme.  Tantôt  il 
semble  approuver  ,  et  tantôt  il 
blâme  le  culte  des  simulacres  ou 
des  idoles.  A  proprement  parler, 
il  ne  savoit  pas  lui-même  ce  qu'il 
croyoit  ou  ne  croyoit  pas.  C'est 
assez  la  philosophie  de  la  plupart 
des  incrédules  ;  ils  se  ressemblent 
dans  tous  les  siècles. 

La  plupart  des  reproches  qu'il 
fait  aux  chrétiens  en  général  ,  ne 
pouvoient  tomber  que  sur  lesgnos- 
tiques  ,  qu'il  confondoitmal  à  pro- 
pos avec  les  véritables   chrétiens. 

L'exactitude  avec  laquelle  Ori- 
géne  rapporte  les  propres  paroles 
de  Celse,  prouve  que  nos  anciens 
apologistes  n'ont  cherché  ni  àsup- 
primer  les  ouvrages  de  leurs  ad- 
versaires, ni  à  déguiser  leurs  ob- 
jections, ni  à  les  rendre  odieux. 
Sans  les  livres  d'Origénc,  qui  sau- 
roit  aujourd'hui  ce  que  Celse  a 
écrit  1*  Ce  philosophe  étoit  très- 
voisin  des  faits  ,  puisqu'il  a  vécu 
au  milieu  du  second  siècle,  cin- 
quante ou  soixante  ans  seulement 
après  la  mort  du  dernier  des  apô- 
tres. Il  pouvoit  consulter  les  juifs , 
vérifier  si  les  disciples  de  Jésus- 
Christ  avoient  été  des  imposteurs. 
11  dit  qu'il  connoît  parfaitement 
le  christianisme ,  qu'il  s'est  infor- 
mé de  tout;  il  fait  même  parler  un 
jiiif;  cependant  il  n'oppose  aux 
chrétiens,  ni  aucun  fait  décisif, 
ni,  aucun  témoignage  contradic- 
toire au  leur,  ni  aucun  argument 
I. 


CEN  48 1 

fort  redoutable.  S'il  y  avoitcu  de 
l'imposture  de  leur  part,  il  scroit 
incroyable  que  Cclsc  ne  l'eût  pas 
démasquée.  Tout  considéré  ,  sou 
ouvrage  est  un  des  monuments  les 
plus  honorables  et  les  plus  avan- 
tageux à  notre  religion.  Si  l'on 
veut  voir  un  extrait  plus  exact  des 
objections  de  Cclsc.  et  des  répon- 
ses d'Origène  ,  on  le  trouvera  dans 
le  Traité  liistorique  ci  dogmatique  de 
la  vraie  Religion  ,  t.  lO,  2.^  édit. 

CÉNACLE.  Notre  Sauveur ,  la 
veille  de  sa  passion,  dit  à  ses  dis- 
ciples d'aller  préparer  le  souper 
de  la  pâque  à  Jérusalem  ;  qu'ils  y 
trouveroient  un  ce/2ac/e  tout  prêt , 
c'est-à-dire,  une  salle  à  manger , 
avec  les  tables  et  les  lits  sur  les- 
quels on  se  plaçoit  pour  manger. 
Dans  les  siècles  postérieurs,  on  a 
montré  à  Jérusalem  une  salle  qui 
fut  changée  en  église  par  l'impé- 
ratrice Hélène ,  où  l'on  préten- 
doit  que  notre  Sauveur  avoit  fait 
son  dernier  souper,  et  avoit  insti- 
tué l'eucharistie  ;  mais  il  y  a  lieu  de 
douter  que  cette  salle  ait  été  ga- 
rantie de  la  ruine  de  Jérusalem  , 
lorsque  cette  ville  fut  prise  par 
les  Romains;  on  pouvait  tout  au 
plus  connoître,  par  tradition  ,  le 
sol  sur  lequel  le  cénacle  avoit  été 
placé. 

Mais  le  respect  que  l'on  eut  pour 
le  lieu  dans  lequel  on  croyoit  que 
Jésus-Christ  avoit  institué  l'eu- 
charistie, prouve  assez  la  haute 
idée  que  l'on  avoit  conçue  de  cette 
action  de  Notre-Seigneur.  Si  Ton 
avoit  envisagé  pour  lors  la  der- 
nière cène  du  même  œil  que  les 
protestants  ,  on  ne  se  seroit  pas 
avisé  de  changer  le  cénacle  en 
église. 

CENDRE.  Le  mercredi  des  Cen- 
dres est  actuellement  le  premier 
jour  de  carême.  II  est  probable 
qu'il  a  été  ainsi  nommé  ,  à  cause 
de  l'usage  dans  lequel  étoient  lespé- 
3i 


^8a  CEN 

nitents ,  dans  les  premiers  siècles  , 
de  se  présenter  ce  jour-là  à  la 
porte  de  l'église,  revêtus  de  cilices 
et  couverts  de  cendres. 

Mais  quel  rapport  y  a-t-il  entre 
la  cendre  et  la  pénitence?  C'est  un 
monument  des  anciennes  mœurs. 
Se  laver  le  corps  et  les  habits  ,  se 
parfumer  la  tête,  étoit  le  symbole 
de  la  joie  et  de  la  prospérité  :  au 
contraire,  la  marque  d'une  dou- 
leur profonde  étoit  de  se  rouler 
dans  la  poussière,  et  d'y  demeurer 
couché.  Cela  se  voit  encore  quel- 
<juefois  parmi  le  peuple  des  cam- 
pagnes,  qui  se  livre  violemment 
aux  impulsions  de  la  nature.  Un 
homme  qui  se  montroit  avec  le 
corps,  les  cheveux  et  les  habits 
couverts  de  poussière,  annonçoit, 
par  cet  extérieur  négligé,  le  deuil 
et  l'afiliction.  I^es  exemples  en  sont 
fréquents  dans  l'Ecriture  sainte; 
Job,  l'histoire  des  rois,  les  pro- 
phètes, l'Evangile  même  en  parlent. 
David,  pour  exprimer  une  dou- 
leur amère ,  dit  qu'il  mangeoit  la 
cendre  comme  le  pain  ,  ou  plutôt 
avec  le  pain.  Psaïin.  loi ,  y'  lo. 
Gomme  les  anciens  cuisnient  leur 
pain  sous  la  cendre,  ne  pas  se 
donner  la  peine  de  secouer  la  cen- 
dre dont  le  pain  étoit  couvert, 
étoit  une  marque  d'aflliction. 

Aujourd'hui,  dans  l'Eglise  ro- 
maine, le  jour  des  Cendres,  le  cé- 
lébrant ,  après  avoir  récité  les 
psaumes  pénitentiaux  et  d'autres 
prières  ,  bénit  des  cendres ,  en  ira- 
pose  sur  la  tête  du  clergé  et  du 
peuple,  qui  les  reçoit  à  genoux, 
et  à  chaque  personne  à  laquelle  il 
en  donne,  il  adresse  ces  paroles  : 
Homme  ,  souviens  -  toi  que  tu  es 
l'oussicre,  et  que  tu  y  retourneras. 
C'est  la  sentence  terrible  que  Dieu 
prononça  contre  le  premier  pé- 
cheur. Gen.,  c.  3,  "^ .  19.  Lorsque 
la  coutume  de  brûler  les  morts 
subsistoit ,  un  peu  de  cendre  ti- 
rée du  bûcher  et  appliquée  sur 
le  front  d'un    homme,   étoit  un 


CEN 

sytnbolc  encore  plus  énergique; 
c'étoit  un  arrêt  de  mort  encore 
plus  sensible. 

Superstition!  disent  les  protes- 
tants; nionierie  des  préires  !  s'écrient 
les  philosophes.  Nous  leur  répli- 
quons :  Vous  ne  savez  pas  seule- 
ment ce  que  signifie  le  rit  que 
vous  blâmez.  Dans  la  bénédiction 
des  cendres,  l'Eglise  prie  Dieu  d'in- 
spirer des  sentiments  de  pénitence 
à  ceux  qui  les  recevront ,  et  de 
leur  pardonner  leurs  péchés  ;  le 
fidèle  qui  se  présente ,  vient  rati- 
fier pour  lui-même  cette  prière  de 
l'Eglise,  se  frapper  de  l'image  de 
la  mort ,  afin  de  se  détacher  du  pé- 
ché. Où  est  la  superstition  ?  Re- 
trancher du  culte  religieux  les 
symboles  les  plus  naturels  et  les 
plus  expressifs,  c'est  étouffer  tout 
à  la  fois  la  religion  et  la  nature. 

CENE,  souper,  du  latin  cœna, 
et  du  grecxocvïj,  repas  commun 
d'une  famille  rassemblée.  Pourquoi 
les  anciens  ont-ils  donné  ce  nom 
au  repas  du  soir,  plutôt  qu'à  celui 
du  matin,  ou  à  celui  du  milieu  du 
jour?  Parce  que  la  famille  d'un 
laboureur  est  dispersée  pendant 
tout  le  jour  pour  les  travaux  de  l'a- 
griculture ,  elle  prend  ses  repas  au 
hasard  et  dans  la  campagne,  elle 
ne  se  rassemble  que  le  soir  :  c'est 
le  souper  qiii  la  réunit. 

Le  nom  de  cène  a  été  spéciale-' 
ment  donné  au  dernier  souper  que 
fit  Jé^us-Christ  avec  ses  apôtres 
rassemblés  la  veille  de  sa  mort, 
dans  lequel  il  mangea  la  pàque  avec 
eux  ,et  après  lequel  il  institua  l'eu- 
charistie ;  l'Eglise  en  célèbre  la  mé- 
moire le  jeudi-saint.  Pour  nous 
remettre  sous  les  yeux  l'humilité 
de  Jésus-Christ  qui ,  après  la  cène, 
lava  les  pieds  kses  apôtres,  il  est 
d'usage  dans  chaque  église  de  laver 
les  pieds  à  douze  pauvres.  Nos 
rois  renouvellent  aussi  celte  cé.ré> 
monie  touchante  et  majestueuse  , 
et  c'est  ce  que  l'on  appelle/âire/a 


cène.  Après  un  sermon  convenaMc 
:iu  sujet,  et  après  l'absoute  faite 
[)3r  un  évcque  ,  le  roi ,  accompagne 
(les  princes  «lu  sang  et  des  grands 
officiers  de  la  couronne,  lave  et 
l«aise  les  pieds  à  douze  pauvres, 
les  sert  à  table,  et  leur  fait  une 
aumône.  Après  midi  la  reine  fait 
de  même  à  douze  pauvres  filles. 

C'est  une  question  parmi  les 
théologiens  et  les  commentateurs 
de  l'Ecriture  sainte ,  de  savoir  si 
dans  la  dernière  cène  Jésus-Christ 
mangea  la  pàque  avec  ses  apôtres; 
quelques  auteurs  modernes  ont 
.soutenu  qu'il  ne  la  mangea  point: 
nous  prouverons  le  contraire  au 
mot  Paque. 

Lorsque  les  protestants  ont 
donné  le  nom  de  cène  à  la  manière 
dont  ils  célèbrent  l'institution  de 
l'eucharistie  ,  ils  se  sont  écartes  de 
l'ancien  usage  de  l'Eglise ,  et  ont 
abusé  du  terme  par  nécessité  de 
système.  Ils  ont  voulu  donner  à 
t'n  tendre  par-là  que  toute  l'essence 
du  sacrement  consiste  dans  le  re- 
])as  religieux  que  font  les  fidèles 
en  communiant  ;  mais  toute  l'an- 
tiquité dépose  contre  eux.  Dès  le 
premier  siècle  de  l'Eglise  ,  l'usage 
a  été  de  nommer  cucharisiie  l'ac- 
tion de  consacrer  le  pain  et  le  vin  , 
«l  d'en  faire  le  corps  et  le  sang  du 
Seigneur.  Aucun  des  anciens  Pères 
de  l'Eglise  ne  s'est  avisé  d'appeler 
cette  action  la  cène  ou  le  souper 
du  Seigneur.  Cette  cène  étoit  finie, 
lorsque  Jésus-Christ  consacra  l'eu- 
«haristie  pour  la  donner  aux  apô- 
tres.  Luc,  c.  22,y.  20;  I.  Cor., 
c.  11,^.  25.  Il  est  absurde  de  re- 
garder l'action  des  apôtres ,  et  non 
telle  de  Jésus-Christ  ,  comme  la 
partie  essentielle  et  principale  de 
la  cérémonie.  Voyez  Eucharistie  , 

CÉNOBITE  ,  religieux  qui  vit 
d.ins  une  communauté,  sous  une 
règle  commune,  avec  d'autres  re- 
ligieux ;    ce    mot   vient  de  xoivo;  , 


ClilN 


483 


commun  ;  et  defî5oç,  vie.  Un  céno- 
bite est  ainsi  distingué  d'un  ermite 
ou  d'un  anachorète  qui  vit  dans 
la  solituJe. 

L'abbé  Piammon  parle  de  trois 
espècesde  moines  qui  sctrouvoient 
en  Egypte  dans  la  Thébaïde;  sa- 
voir ,  les  cénobites  qui  vivoient 
rassemblés  en  communauté  ;  les 
anachorètes,  quideraeuroientseuls, 
et  les  sarabàites ,  qui  étoicnt  va- 
gabonds; ces  derniers  ont  tou- 
jours été  regardés  comme  de  faux 
moines.  11  rapporte  au  temps  des 
apôtres  l'institution  des  cénobites: 
c'est,  selon  lui,  une  imitation  de 
la  vie  commune  des  fidèles  de  Jé- 
rusalem ;  mais  ces  fidèles  étoient 
des  gens  mariés  qui  n'avoient  pas 
renoncé  au  monde.  Saint  Pacôrae 
passe  pour  le  premier  instituteur 
delà  vie  cénobitique,  parce  qu'il 
est  le  premier  qui  ait  formé  des 
communautés  réglées.  Avant  lui , 
les  moines  étoient  anachorètes  ou 
solitaires.  On  prétend  cependant 
que  saint  Antoine  avoit  bâti  un 
monastère  vingt  ans  plus  tôt  que 
saint  Pacôme  ;  mais  celui-ci  est  le 
premier  qui  ait  écrit  une  règle  mo- 
nastique. 

Dans  le  code  théodosien  ,1.  11 , 
tit.  3o,  De  Appellat.  Leg.,  87,  les 
cénobites  sont  appelés  synoditœ ,  à 
la  lettre ,  gens  qui  marchent  en- 
semble, qui  suivent  le  même  che- 
min; ce  ne  sont  donc  pas  les  do- 
mestiques des  moines,  comme  i'ojit 
imaginé  quelques  glossatcurs,mais 
les  cénobites.  Bingham ,  Orig.  eccl. , 
tom.  3  ,  1.  7  ,  c.  2  ,  §  3, 

Quelques  écrivains  modernes  , 
qui  ont  considéré  les  cénobites  sous 
un  aspect  purement  politique,  ont 
conclu  qu'il  est  de  l'intérêt  public 
de  faire  subsister  un  grand  nombre 
d'hommes  à  moins  de  frais  qu'il 
est  possible,  que  la  vie  commune 
est  beauco\ip  moins  dispendieuse 
pour  chaque  individu,  que  la  vie 
particulière  ;  qu'à  cet  égard  les 
couvents  sont  un  moyen  d'écono- 
3i. 


4S4 


CEN 


mie  :  rexpérieiice  confirme  cette 
observation.  Pour  nous,  qui  ne 
devons  envisager  cet  objet  que  du 
côté  des  mœurs,  nous  pensons  que 
plusieurs  hommes  rasseniblés,  qui 
vivent  sous  une  règle  commune  et 
sont  assujctis  aux  mêmes  devoirs, 
ont  dans  l'exemple  de  leurs  frères 
un  puissant  moyen  de  plus  pour 
se  soutenir  dans  la  vertu  ;  que 
malgré  les  censures  lancées  par  la 
malignité  contre  ce  genre  de  vie  , 
il  est  utile  et  louable  à  tous  égards. 
Fb/ea Moine  ,  état  monastioue. 

CENSURES  ECCLÉSIAS- 
TIQUES. Ce  sont  les  peines  que 
l'Eglise  inflige  à  ceux  qui  ont  dés- 
obéi à  ses  lois.  Puisqu'en  vertu  de 
l'institution  de  Jésus-Christ  ,  les 
pasteurs  de  l'Eglise  ont  droit  de 
faire  des  lois ,  ils  ont  aussi  le  pou- 
voir d'infliger  des  peines  ,  de  re- 
trancher aux  chrétiens  réfractaires 
les  biens  spirituels ,  qui  sont  ac- 
cordés aux  fidèles  soumis  et  do- 
ciles. Voyez  Lois  ecclésiastiques. 
Mais  comme  l'autorité  de  l'Eglise 
est  celle  d'une  mère  tendre  ,  elle 
ne  se  ré.<!Out  à  punir  que  pour  des 
cas  graves ,  et  après  avoir  taché 
d'intimider  par  des  menaces  ses 
enfants  désobéissants. 

On  distingue  trois  espèces  de 
censures  ,  Y  excommunication  ,  la 
suspense,  V interdit.  Voyez  ces  mois 
en  particulier.  Il  y  a  des  censures 
réservées,  et  d'autres  non  réser- 
vées ;  tout  prêtre  approuvé  peut 
absoudre  des  secondes  ,  et  non  des 
premières ,  pour  lesquelles  il  faut 
un  pouvoir  spécial  du  supérieur 
ecclésiastique  qui  les  a  portées. 
Dans  le  tribunal  de  la  pénitence, 
le  prêtre,  avant  d'absoudre  le  pé- 
nitent de  ses  péchés  ,  l'absout  des 
tensures  non  réservées  qu'il  pour- 
roit  avoir  encourues.  Voyez  Van- 
cien  Sacramentaire^iiTGranàcolas, 
i."  partie,  p.  554- 

Il  se  peut  faire  que  dans  les  siè- 
cleâ  peu  éclairés  ,  lorsque  les  peu- 


CEN 

pics  ne  pouvoient  être  retenus  que 
par  la  crainte,  les  supérieurs  ec- 
clésiastiques aient  quelquefois  abu- 
sé des  censures  ,  surtout  en  les 
employant  pour  des  intérêts  pure- 
ment civils  ,  ou  pour  des  cas  qui 
n'étoient  pas  assez  graves  ;  mais 
cet  abus  n'est  pas  une  raison  de 
contester  à  l'Eglise  le  pouvoir  que 
Jésus-Christ  lui  a  donné ,  pouvoir 
nécessaire  pour  conserver  la  dis- 
cipline ecclésiastique. 

Censure  be  livres  ou  de  doc- 
trine. L'Eglise,  qui  a  reçu  de  Jé- 
sus-Christ la  commission  et  l'au- 
torité d'enseigner  les  fidèles  ,  a 
conséquemmcnt  le  droit  de  con- 
damner tout  ce  qui  est  contraire 
à  la  vérité  et  à  la  doctrine  de  son 
divin  maître.  Si  elle  se  bornoit  à 
donner  à  ses  enfants  les  livres 
propres  à  les  instruire ,  sans  leur 
ôter  ceux  qui  peuvent  les  égarer, 
elle  ne  rempliroit  que  la  moitié  de 
son  objet.  Tout  homme  qui  publie 
des  écrits  est  donc  soumis  à  la 
censure  de  l'Eglise  ,  et  s'il  refuse  de 
s'y  conformer,  il  est  coupable  de 
désobéissance  à  l'autorité  légitime. 
Dès  qu'un  ouvrage  quelconque  est 
condamne  comme  pernicieux ,  il 
n'est  plus  permis  de  le  lire,  ni  de 
le  garder;  s'obstiner  à  en  faire  l'a- 
pologie, c'est  se  révolter  sans  raison 
contre  l'autorité  de  Jésus -Christ 
même. 

Depuis  que  les  livres  sont  mul- 
tipliés à  l'infini ,  aucun  ouvrage 
particulier  de  doctrine,  de  morale 
ou  de  piété,  n'est  absolument  né- 
cessaire aux  fidèles  ;  dès  qu'il  est 
condamné  ,  il  ne  peut  plus  leur 
être  utile. 

Sous  le  nom  de  censure ,  on  n'en- 
tend pas  ordinairement  la  con- 
damnation d'une  doctrine  portée 
dans  un  concile  ,  mais  celle  qui  a 
été  faite  ,  soit  par  le  souverain 
pontife,  so't  par  un  ou  plusieurs 
évêques,  soit  par  des  théologiens; 
l'on  appelle  quall/ications  les  notes 
qu'ils  ont  imprimées  aux  propo- 


CEN 

sitions  qui  leur  ont  paru  réprc- 
liensiblcs,  soit  qu'ilsaiciit  appliqué 
lUstiuctemcnt  ces  notes  à  chaque 
proposition  en  particulier  ,  soit 
«ju'ils  les  aient  censurées  seulement 
iMî  général  ou  in  globo. 

Une  proposition  peut  être  con- 
ilamnée  comme  impie  ,  blasphéma- 
toire, hérétique,  sentant  l'hérésie, 
erronée,  fausse,  scandaleuse,  cap- 
tieuse, téméraire,  danf^ereuse,  mal 
sonnante  ,  offensive  des  oreilles 
j»ieuses  ;  il  est  à  propos  de  donner 
une  idée  nette  et  précise  de  chacune 
de  ces  qualifications. 

Une  doctrine  ou  une  proposition 
est  impie  et  blasphématoire ,  lors- 
qu'elle attribue  à  Dieu  des  qualités 
ou  une  conduite  qui  déroge  à  ses 
infinies  perfections  :  telle  est  celle 
qui  exprime  que  Dieu  est  l'auteur 
du  péché,  conduite  contraire  à  la 
sainteté  de  Dieu  et  à  sa  justice. 
Cette  note  est  la  plus  flétrissante 
que  l'on  puisse  imprimer  à  une  pro- 
position ;  elle  donne  lieu  de  juger 
que  l'auteur  a  méconnu  une  vérité 
non-seulement  révélée,  mais  dictée 
par  la  droite  raison ,  et  qu'il  a  per- 
du tout  sentiment  de  respect  pour 
la  Divinité. 

La  doctrine  hérétique  est  celle 
qui  est  directement  contraire  à  une 
«lécision  formelle  de  l'Eglise.  II  peut 
arriver  à  un  écrivain  quelconque 
de  contredire  une  vérité  révélée  , 
sans  tomber  dans  l'hérésie ,  lorsque 
l'Eglise  n'a  pas  encore  expressé- 
ment décidé  que  tel  est  le  sens  de 
la  révélation  ;  mais  lorsque  l'Eglise 
a  prononcé,  il  y  a  de  l'opiniâtreté, 
et  c'est  une  hérésie  de  résister  à  sa 
décision. 

Quandon  dit  qu'une  proposition 
sertt  Vhérésie  ,  ou  approche  de  V hé- 
résie, on  entend  qu'elle  donne  lieu 
de  juger  que  l'auteur  nie  et  veut 
combattre  un  dogme  décidé  par 
l'Eglise.  Si  un  théologien  soutenoit 
que  l'eucharistie  n'est  que  la  figure 
<lu  corpsetdu  sang  de  Jésus-Christ, 
cette  proposition  scroit  hérétique  , 


CT:N  485 

puisque  l'Eglise  a  solennellement 
décidé  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Christ  dans  l'eucharistie.  S'il  se 
bornoità  dire  que  c'est  la  figure  ou 
le  signe  du  corps  et  du  sang  de  Jé- 
sus-Christ, sans  faire  entendre  que 
c'est  quelque  chose  de  plus,  cette 
laçon  de  parler  scntiroit  l'hérésie; 
elle  feroit  soupçonner  que  l'auteur 
n'admet  pas  la  présence  réelle  ,  a 
moins  que  dans  le  reste  de  son  ou- 
vrage il  n'eut  professé  distincte- 
ment cet  article  de  notre  foi. 

Lorsqu'une  proposition  est  flé- 
trie comme  erronée,  il  semble  que 
c'est  quelque  chose  de  plus  que  si 
elle  étoit condamnée  comme/aiisse. 
Une  fausseté  peut  être  sans  consé- 
quence, lorsqu'il  n'en  résulte  rien 
contre  la  foi  ni  contre  les  mœurs  ; 
mais  on  appelle  erreur  une  fausseté 
qui  attaque  l'une  ou  l'autre.  Cepen- 
dant toute  erreur  n'est  pas  une  hé- 
résie formelle.  Il  est  faux  ,  par 
exemple  ,  que  saint  Pierre  n'ait  pas 
été  à  Rome  :  mais  on  ne  taxeroit  pas 
d'hérésie  un  homme  qui  se  borne- 
roit  à  contester  ce  fait.  S'il  affir- 
moit  que  le  souverain  pontife  n'est 
pas  le  successeur  de  saint  Pierre  , 
ce  seroit  une  doctrine  erronée ,  de 
laquelle  il  s'ensuivroit  que  le  sou- 
verain pontife  n'est  pas  le  chef  vi- 
sible de  l'Eglise.  Or  cette  dernière 
proposition  sentiroit  l'hérésie  , 
parce  que  c'en  est  une  de  soutenir 
qu'il  n'a  pas  un  pouvoir  de  juridic- 
tion sur  toute  l'Eglise  ;  le  contraire 
estformellement  décidé  par  le  con- 
cile de  Trente. 

Une  doctrine  est  scandaleuse  ou 
pernicieuse  au  salut  des  âmes,  lors- 
qu'elle tend  à  diminuer  dans  les 
fidèles  l'horreur  du  péché,  le  res- 
pect pour  les  choses  saintes ,  la  sou- 
mission à  l'Eglise;  une  proposition 
fausse  en  fait  de  morale  est  ordi- 
nairement dans  ce  cas.  On  doit 
regarder  comme  scandaleux  des 
éloges  prodigués  par  certains  écri- 
vains aux  hérétiques  et  aux  enne- 
mis de  l'Eglise,  dons  le  dessein  de 


485  CEN 

persuader  qu'ils  ont  été  condam- 
nés mal  à  propos ,  que  leur  doc- 
trine étoit  vraie  et  innocente;  af- 
fectation très-commune  chez  nos 
auteurs  modernes. 

Lorsqu'une  opinion  est  contraire 
a  u  sen  ti  men  t  du  très-grand  nombre 
des  théologiens,  et  à  la  croyance 
commune  des  fidèles  ,  qu'elle  n'est 
fondée  que  sur  des  conjectures  et 
sur  des  raisonnements  tres-peu  so- 
lides elle  est  téméraire  ;  c'est  la 
note  que  mériteroit  un  écrivain  qui 
otlaqueroit  la  conception  immacu- 
lée de  la  sainte  Vierge.  Sa  doctrine 
ofenseroit  encore  les  oreilles  pieu- 
ses ,  parce  que  tout  chrétien  qui 
fait'  profession  de  piété  ,  honore 
singulièrement  la  mère  de  Dieu  , 
et  ne  peut  souffrir  que  l'on  attaque 
ses  augustes  privilèges. 

On  appelle  doctrine  dangereuse 
celle  dont  les  hérétiques  peuvent 
abuser  pour  soutenir  leurs  erreurs: 
mais  ce  qui  est  dangereux  dans  un 
temps  peut  cesser  de  l'être  ;  ainsi 
le  mot  consubstanitel  fut  rejeté  par 
un  concile  d'Anliochc  ,  parce  que 
les  partisans  de  Sabellius  en  abu- 
soient  pour  confondre  les  Person- 
nes divines  et  les  réduire  à  une 
seule;maislorsquece  danger  n'exis- 
ta plus,  le  concile  deNicée  consa- 
cra ce  même  terme  pour  exprimer 
la  divinité  de  Jésus-Christ. 

Si  une  proposition  exprime  une 
▼érité  en  termes  durs,  indécents  , 
capables  de  la  rendre  odieuse,  elle 
est  notée  comme  mal  sonnante. 
Lorsqu'un  théologien  dit  que  la 
^râce  a  manqué  à  saint  Pierre,  il 
donne  à  entendre  que  toute  grâce 
lui  a  manqué ,  ce  qui  est  faux.  Saint 
Pierre  a  manqué  d'une  grâce  effi- 
cace, et  non  d'une  grâce  suffisante; 
autrement  sa  chute  n'auroit  été  ni 
libre  ,  ni  imputable  à  péché.  Par  la 
même  raison ,  cette  même  proposi- 
tion est  captieuse  ,  parce  que,  sous 
des  termes  que  l'on  peut  prendre 
en  bonne  part,  elle  cache  le  venin 
de    l'erreur.  Holdcn  ,    de   résolut. 


CEN  1 

fidei ,    1-  2  ,  c.  8  ,  lect.  i  ;  Canus  , 
de  locis  Theol. ,  1.  i2 ,  c.  lo. 

Dans  notre  siècle ,  on  a  sérieu- 
sement mis  en  question  si  le  sou- 
verain pontife  et  l'Eglise  peuvent 
condamner  un  nombre  de  propo- 
sitions in  globo ,  comme  respective- 
ment fausses  ,  scandaleuses  ,  héré- 
tiques ,    etc.  ,    sans    appliquer    à 
chacune  en  particulier  la  note  ou 
la  qualification  qui  lui  convient. 
On  disoit,  Que  nous  apprend  une 
pareille  condamnation  ?  Elle  nous 
apprend  qu'il  n'est  aucune  des  pro- 
positions comprises  dans  la  censure 
qui  ne  mérite  quelqu'une  des  notes 
ou  qualifications  qui  leur  sont  don- 
nées en  général  ;  par  conséquent  , 
qu'il  n'est  permis  d'en  soutenir  au- 
cune telle  qu'elle  se  trouve  dans  le 
livre  condamné  ;  elle  nous  apprend 
que  la  lecture  de  ce  livre  est  per- 
nicieuse aux  fidèles,   et  n'est  plus 
permise  à  aucun.  Qu'importe   au 
simple  fidèle  de  savoir  si  telle  pro- 
position est  hérétique  ,   ou  seule- 
ment erronée  et  fausse  ?  Quand  elle 
ne  seroit  que  mal  sonnante  ou  cap- 
lieuse,  n'en  est-ce  pas  assez  pour 
qu'il  faille  s'en  abstenir?  C'est  l'af- 
faire  des  théologiens  de  voir  en 
quels    termes    chacune  doit   être, 
notée. 

Il  est  très  à  propos  sans  doute  de 
recommander  l'équité,  la  modé- 
ration ,  le  désintéressement,  l'in- 
dulgence, la  timidité  même  ,  aux 
théologiens  chargés  de  censurer 
des  livres  ;  il  faut  les  prier  de  se  , 
souvenir  que  dans  cette  circon- 
stance ils  sont  juges  et  non  dispu- 
teurs  ;  qu'ils  doivent  renoncer  à 
tout  système  ,  à  toute  prévention 
contre  un  auteur  et  contre  le  corps 
dont  il  est  membre  ,  à  tout  esprit 
de  parti  ;  qu'une  censure  infectée 
de  l'un  de  ces  défauts  est  nulle  et 
sans  autorité.  Mais  il  ne  faut  pas 
oublier  non  plus  de  prêcher  aux 
écrivains  la  sagesse  et  la  docililé. 
Lorsqu'un  auteur  n'a  point  écrit 
dans  le  dessein  de  dogmatiser  ,  de^ 


CEN 

faire  du  bruit,  d'inquiéter  le9  pas- 
teurs et  les  théologiens,  il  mérite 
de  l'indulgence  ,  il  consent  volon- 
tiers à  s'expliquer  ou  à  se  rétracter; 
s'il  avoit  des  intentions  contraires, 
il  n'a  droit  d'exiger  aucun  ména- 
gement. La  censure  à  laquelle  un 
auteur  se  soumet  sans  résistance  , 
ne  le  flétrit  point  aux  yeux  de  ses 
contemporains  ni  de  la  postérité  : 
Fénélon  s'est  acquis  plus  de  gloire 
par  sa  soumission  qu'il  n'auroitpu 
faire  par  une  apologie  complète. 
Celui  qui  résiste  et  déclame  contre 
ses  juges  est  un  plaideur  de  mau- 
vaise foi. 

Dans  un  siècle,  où  la  plupart  des 
écrivains  semblentsaisis  de  l'esprit 
de  vertige  ,  ne  respectent  aucune 
religion  ni  aucune  autorité ,  s'ex- 
citent les  uns  les  autres  à  braver 
toute  censure ,  ce  n'est  pas  le  cas 
de  les  ménager.  L'intrépidité  dont 
ils  se  parent  ne  les  mettra  point  à 
couvert  de  l'ignominie  qu'ils  mé- 
ritent; leurs  ouvrages  tomberont 
dans  l'oubli,  la  censure  subsistera. 
Cent  auteurs  qui  ont  fait  autrefois 
du  bruit,  ne  sont  plus  connus  au- 
jourd'hui que  par  la  flétrissure 
dont  leur  nom  est  chargé  ;  les  at- 
tentats de  nos  premiers  incrédules 
ont  été  effacés  par  ceux  de  leurs 
successeurs,  et  déjà  on  ne  se  sou- 
vient plus  de  ceux  quiontprécédé; 
il  en  sera  de  même  dans  tous  les 
temps.  Voyez  Livres  défendus. 

CENTURIES  DE  MAGDE- 

BOURG  ,  corps  d'histoire  ecclé- 
siastique ,  composé  par  quatre  lu- 
thériens de  Magdebourg ,  qui  le 
commencèrent  l'an  i56o.  Ces  qua- 
tre auteurs  sont  Mathias  Flaccius, 
surnommé  Illyricus,Jean"W"igand, 
!Vialthieu  Lejudin,  Basile  Fabert  , 
•  uxquels  qxielques-unsajoutentlSi- 
rolas  Gallus,  et  d'autres  André 
(,orvin.  Iliyricus  conduisoit  l'ou- 
vrage ,  les  autres  travailloicnt  sous 
lui.  On  l'a  continué  jusqu'au  treî- 
licme  «ièclc. 


CEP  l,%j 

Chaque  ccn/uric  contient  les  cho- 
ses remarquables  qui  se  sont  pas- 
sées dans  un  siècle.  Celte  compi- 
lation a  demandé  beaucoup  de 
travail;  mais  ce  n'est  une  histoire 
ni  fidèle,  ni  exacte,  ni  bien  écrite. 
Le  but  des  centuriateurs  étoit  d'at- 
taquer l'Eglise  romaine,  d'établir 
la  doctrine  de  Luther,  de  décrier 
les  Pères  et  les  théologiens  catholi- 
ques. Le  cardinal  Baronius  entre- 
prit ses  Annales  ecclésiastiques 
pour  les  opposer  aux  centuries. 

On  a  reproché  à  Baronius  d'a- 
voir été  trop  crédule,  et  d'avoir 
manqué  de  critique  :  ceux  qu'il 
réfute  avoicnt  péché  par  l'excès 
contraire  ;  ils  avoient  rejeté  et 
censuré  tout  ce  qui  les  incommo- 
doit.  Le  P.  Pagi  ,  cordelier,  Isaac 
Casaubon  ,  le  cardinal  Noris,Til- 
Icmont,  le  cardinal  Orsi ,  etc.,  ont 
relevé  les  fautes  de  Baronius  ,  et  on 
a  réuni  leurs  remarques  dans  une 
édition  des  Annales  ecclésiastiques 
données  à  Lucques.  Au  contraire, 
les  erreurs  et  les  calomnies  des 
centuriateurs  ont  été  répétées,  com- 
mentées, amplifiées  parla  plupart 
des  écrivains  protestants  et  par  les 
incrédules  leurs  copistes  ;  on  a  beau 
les  réfuter  par  des  preuves  invin- 
cibles, ceux  qui  ont  intérêt  de  les 
accréditer  ne  se  rebutent  point,  et 
à  force  de  renouveler  les  mêmes 
impostures  ,  ils  parviennent  à  les 
persuader  aux  ignorants.  Voyez 
Histoire  ecclésiastique. 

CÉPHAS,  nom  que  Jésus-Christ 
donna  à  Simon  fils  de  Jean,  lors- 
que son  frère  André  le  lui  amena. 
Joan. ,  c.  I , S •  4^' 

Céphas  en  syriaque  signifieP/'er- 
re  ,  comme  l'explique  saint  Jean. 
De  là  les  apôtres  qui  ont  écrit  en 
grec,  ontappelé  saint  Pierre lÏETpoî, 
et  les  Latins  Petrus  ;  ils  ont  ce- 
pendant retenu  en  quelques  en- 
droits le  nom  de  Céphas.  Telle 
est  l'élymologie  qu'ont  donnée  de 
'  ce  nom  Teriullien  ,  saint  Jérôme, 


4.88  CEP 

saint  Augustin  ,  et  la  plupart  des 
commentateurs.  Quelques-uns  ont 
cru  que  Céphas  venoit  du  grec 
xtipaVî),  tête,  mais  Jésus  -  Christ 
ne  parloit  pas  grec  ,  et  saint  Mat- 
thieu avoit  écrit  en  syriaque  ;  il 
avoit  dit  ,  c.  i6,  ^.  17  :  Tu  es 
Cépha  ,  et  sur  cette  cépha  je  bâtirai 
mon  Eglise.  Dans  les  versions  grec- 
que et  latine ,  on  a  changé  le  nom 
peira  en  celui  de  Pcirus ,  pour  le 
faire  convenir  à  saint  Pierre;  mais 
en  françois  il  n'y  a  rien  à  changer: 
Tu  es  Pierre ,  et  sur  cette  pierre  je 
bâtirai  mon  Eglise. 

Jésus-Christ  a  donc  voulu  faire 
comprendre  qu'en  élevant  saint 
Pierre  à  la  dignité  de  chef  des  apô- 
tres ,  il  en  faisoit  la  pierre  fonda- 
mentale de  son  Eglise.  Puisqu'il 
ajoute  que  cet  édifice  ne  sera  point 
renversé ,  mais  subsistera  jusqu'à 
la  fin  des  siècles ,  il  faut  que  l'au- 
lorité  de  saint  Pierre  ait  passé  à 
ses  successeurs  ,  et  que  son  siège 
soit  toujours  le  centre  d'unité  au- 
quel les  fidèles  doivent  tenir  pour 
être  membres  de  l'Eglise.  Ainsi 
ont  raisonné  les  Pères  ,  et  après 
eux  les  théologiens  ;  les  hérétiques 
et  les  incrédules  font  de  vains  ef- 
forts pour  obscurcir  cette  vérité. 

Un  passage  de  l'épître  de  saintPaul 
aux  Galates  ,  c.  a ,  ^.  i  et  suiv.  ,  a 
donnélieuàunedispute  sur  le  nom 
de  Céphas.  L'apôtre  dit  que  qua- 
torze ans  après  sa  conversion  ,  ou 
après  un  voyage  qu'il  avoit  fait  à 
Jérusalem ,  il  y  en  fit  un  autre  pen- 
dant lequel  il  conféra  sur  l'Evan- 
gile avec  les  apôtres ,  et  en  parti- 
culier avec  ceux  qui  paroissoient 
cire  quelque  chose  ;  que  Jacques  , 
Céphas  et  JesLU,  qui  paroissoient  être 
les  colonnes  de  cette  Eglise ,  trou- 
vèrent bon  qu'avec  Barnabe  il  prê- 
chât aux  gentils, comme  eux-mêmes 
I)rechoient  aux  circoncis.  «  Mais, 
»  ajoute  saint  Paul ,  Céphas  étant 
»>  venu  à  Antioche  ,  je  lui  résistai 
»  en  face,  parce  qu'il  étoit  répré- 
u  hensible.  Avanirarrivce  deqûel- 


CEP 

»  ques  juifs  ,  venus  de  la  part  de 
♦>  Jacques  ,  il  mangeoit  avec  les 
»  gentils;  depuis  leur  arrivée,  il 
»  se  retiroit  et  se  tenoit  à  l'écart, 
»  depeurdedéplaireauxcirconcis; 
»  et  il  en  entraîna  plusieurs  dans 
»  cette  dissimulation.  Comme  je  vis 
»  qu'ils  n'agissoient  pas  selon  la 
«  droiture  de  l'Evangile,  je  dis  à 
»  Céphas  devant  tout  le  monde  : 
»  Si  vous  ,  qui  êtes  juif  ,  vivez 
»  comme  les  gentils  ,  pourquoi 
n  voulez-vous  les  obliger  à  judaï- 
)>  ser  ;  etc.  » 

La  question  est  de  savoir  si  ce  j 
Ce;o^as,reprisparsainlPaul,estra- 
pôtresaintPierre,ouun  disciple  de 
cenom.  Lesanciensontété partagés 
sur  cette  question  :Origène,  Didy-  , 
me,  Apollinaire, Eusèbe  d'Edesse,  ,' 
Théodore  dTiéraclce  ,  saint  Jean 
Chrysostôme  ,  Théodoret ,  parmi 
lesGrecs;Tertullien,saintCyprien, 
saint  Jérôme,  saint  Augustin ,  l'au- 
teur nommé  Ambrosiaster  ,  saint 
Grégoire  le  Grand,  saint  Thomas, 
parmi  les  Latins  ,  et  le  plus  grand 
nombre  des  commentateurs  ,  ont 
pensé  que  ceCé^Aasestl'apôtresaint 
Pierre.  On  cite  pour  le  sentiment 
contraire  saint  Clément  d'Alexan- 
drie dans  ses  hypotyposes  ,  Eusebe 
qui  en  rapporte  le  passage  sans  le 
contredire,  Dorothée  de  Tyr  dans 
une  chronique  pascale  ,  plusieurs 
écrivains  dont  parlent  saint  Jean 
Chrysostôme,  saint  Jérôme  ,  saint 
Grégoire,  et  qui  vivoient  de  leur 
temps,  l'auteur  delà  CAro/îi'^ued'^- 
lexandric ,  qui  écrivoit  au  septième 
siècle ,  et  Œcuraénius,  qui  est  mort 
dans  le  onzième. 

Comme  il  s'agit ,  non  pas  d'un 
point  de  dogme  ,  mais  d'histoire  et 
de  critique,  le  Père  Hardouin  a 
pensé  '^u'il  devoit  se  décider  par 
des  raisons  plutôt  que  par  des  au- 
torités ,  puisqu'il  n'y  a  point  ici  de 
témoins  contemporains;  il  a  fait 
en  1709  une  dissertation  pour  prou- 
ver que  Céphas  n'est  point  l'apôtre 
saint  Pierre.  L'abbé  Boileau  l'a  rc- 


CEP 

fuie  dans  une  autre  dissertation  en 
1713.  Dom  Calmet  a  rapporté  les 
Taisons  pour  et  contre  dans  une 
dissertation  sur  ce  même  sujet  , 
Bible  (ÏAi>îgnon,  t.  i5,  paf;.  yoS. 
Il  s'est  décidé  pour  le  sentiment  de 
l'abbé  Boileau. 

Chacun  de  ces  auteurs  arrange 
la  chronologie  d'une  manière  favo- 
rable à  son  opinion  ;  mais  comme 
c'est  une  pure  conjecture  de  part 
et  d'autre ,  nous  ne  nous  y  arrêtons 
point.  La  principale  difficulté  est  de 
savoir  si  la  dispute  de  saint  Paul 
avec  Céphas  arriva  avant  ou  après 
le  concile  de  Jérusalem  ,  dans  le- 
quel il  avoit  été  décidé  que  les 
gentils  n'étoientpoint obligés  d'ob- 
server la  loi  de  Moïse ,  comme  le 
prétendoient  les  juifs. 

Le  P.  Hardouin  soutient  que  ce 
fut  avant  le  concile ,  parce  que ,  si 
saint  Pierre  avoit  commis  la  faute 
dont  on  l'accuse,  après  avoir  jugé 
lui-même  la  cause  contre  les  juifs 
et  en  faveur  des  gentils ,  sa  con- 
duite à  Antioche  seroit  inexcusa- 
ble. Dom  Calmet  ne  semble  pas 
avoir  suffisamment  satisfait  à  cette 
première  objection  du  Père  Har- 
douin. 

Celui-ci  observe,  en  second  lieu, 
que  saint  Paul  dans  l'épître  même 
aux  Galates,  appelle  trois  fois  saint 
Pierre,  n/Tpoç,  c.  1  ^'^.  18;  c.  a , 
j!^.  7  et  8  ;  qu^il  n'est  pas  probable 
qu'au  S •  9  il  '^  nomme  Céphas  ; 
la  manière  dont  il  parle  de  celui-ci 
seroit  très -indécente  à  l'égard  de 
«aint  Pierre.  A'-t-il  pu  dire  de  lui  : 
Je  conférai  avec  ceux  qui  parois- 
soient  être  quelque  chose,  y.  2  ;  ceux 
qui  paroissoient  être  quelque  chose , 
ne  m'ont  rien  donné,  ^.  6,  après 
avoir  dit ,  cap.  i  ,  ^".  18  :  Je  vins 
à  Jérusalem  voir  Pierre  ,  et  je  de- 
meurai chez  lui  pendant  quinze 
jours?  Est-il  probable  que  pendant 
ces  quinze  jours  saint  Paul  n'avoit 
profité  en  rien  des  instructions  de 
saint  Pierre  ?  Il  est  beaucoup  plus 
naturel  de  cioire  que  Jacques  ,  Ce- 


ci:i»  489 

pTias  et  Jean  ,   desquels  il  parle 
S ■  f>  et  9  ,  avec  une  espèce  de  mé- 
pris ,  n'étoient  pas  trois  apôtres  , 
mais  trois  disciples  desquels  saint 
Paul  u'étoit  pas  content. 

Dom  Calmet  répond  que  puisque 
saint  Pierre  avoit  deux  noms,  saint 
Paul  a  pu  s'en  servir  indifférem- 
ment ;  mais  il  ne  satisfait  pas  à  la 
seconde  partie  de  l'objection. 

En  troisième  lieu,  dans  la  pre- 
mière épître aux  Corinthiens,  ci, 
^.  12  ,  saint  Paul  leur  reproche 
que  parmi  eux  les  uns  disoient ,  Je 
sais  à  Paul ,  les  autres  ,  Je  suis  à 
Apollo  ;  ceux-ci ,  Je  suis  à  Céphas, 
ceux-là,  Je  suis  à  Jésus -Christ. 
Outre  qu'il  est  fort  douteux  que 
saint  Pierre  ait  jamais  prêché  à  Co- 
rinthe,  y  ait  eu  des  disciples  parti- 
culiers ,  y  ait  été  nommé  Céphas , 
etnon  IltTpoî,  peut-on  se  persuader 
que  saint  Paul  ne  l'ait  placé  qu'au 
troisième  rang,  et  après  un  simple 
disciple  Ml  fait  de  même,  c.  9, 
Ji!^.  5 ,  en  parlant  des  autres  apôtres, 
des  frères  du  Seigneur  et  de  Céphas. 
Il  y  auroit  en  cela  une  affectation 
trop  marquée. 

On  a  beau  dire  qu'il  nes'agissoit 
pas  là  de  régler  les  rangs  ;  la  place 
que  tenoit  saint  Pierre  parmi  les 
apôtres,  exigeoit  plus  de  ménage- 
ment que  saint  Paul  n'en  témoigne 
pour  Céphas. 

Les  autres  raisons  qu'allègue  le 
P.  Hardouin  ne  paroissent  pas  fort 
solides,  et  l'on  ne  peut  pas  approu- 
ver son  affectation  de  préférer  la 
leçon  de  la  vulgate  à  celle  du  texte 
grec. 

Dans  le  fond ,  cette  contestation 
ne  nous  paroît  pas  fort  importante. 
Quand  le  Céphas  repris  par  saint 
Paul  seroit  l'apôtre  saint  Pierre, 
quand  celui-ci  auroit  ménagé  à  l'ex- 
cès le  préjugé  des  juifs ,  sa  faute  ne 
nous  paroîtroit  pas  fort  grave. 
Saint  Paul  lui-même,  par  ménage- 
ment pour  les  juifs,  fit  circoncire 
son  disciple  Timothée ,  se  purifia 
dans  le  temple,  et  fit  les  oblalions 


490  CEP 

prescritespar  la  loi,^c/.,c.  16,^.  3; 
c.  ai  ^.  21.  II  jugeoit  donc,  aussi- 
bien  que  saint  Pierre  ,  qu'il  éloit  à 
propos  d'avoir  quelque  condescen- 
dance pour  la  prévention  des  juifs, 
qu'il  ne  falloit  pas  la  heurter  de 
front.  Quand  saint  Pierre  n'auroit 
pas  d'abord  fait  attention  aux  con- 
séquences qui  pouvoient  en  résul- 
ter ,  ce  ne  seroit  pas  un  crime. 
C'est  très-injustement  que  les  hé- 
rétiques et  les  incrédules  ont  pris 
occasion  de  ce  fait  pour  calomnier 
cps  deai  apôtres  ;  il  n'y  a  dans  la 


CEP 

conduite  de  l'un  ni  de  l'autre  au- 
cun trait  d'hypocrisie  ni  de  niau- 
vaise  foi.  Ceux  d'entre  les  protes- 
tants qui  ont  conclu  de  là  que  saint 
Pierre  n'étoit  pas  infaillible,  se  sont 
joués  du  terme  ;  ils  dévoient  con- 
clure tout  au  plus  que  saint  Pierre 
n'étoit  pas  impeccable.  Tenir  une 
conduite  de  laquelle  on  peut  tirer 
une  fausse  conséquence  et  une  er- 
reur ,  ce  n'est  pas  enseigner  pour 
cela  l'erreur.  Saint  Pierre  pourroit 
donc  avoir  péché  dans  sa  conduite, 
sans  avoir  failli  dans  sa  doctrine. 


FIN    DU    TOMEPREMIER. 


CMOOO«OO*OOO0«OOOÛ()OOOt>MOOOOOOOOOOaoOUOUOUUOOUJOUOOOrOOOOO*noOOu*  IOt»lu»«OOUU«OM(>a« 


NOTES. 


NOTE  PREMIÈRE.— ABRAHAM. 
(Page  17.) 

«Dieu  dit  à  Abraham,  Gen.  c.  i'i,y.  i5  :  Je  donnerai  à  vous  et  à  votre 
pPite'rite  tout  ce  pays  que  vous  voyez. 

La  promesse  que  Dieu  fait  ici  à  Abraham,  de  lui  donner  personnellement  la 
terre  de  Chanaan,  a  été  sans  effet,  disent  les  incrédules;  puisque  ce  patriarche  n'y 
posséda  jamais  en  propre  qu'un  champ  et  une  caverne  qu'il  avoit  achetés  quatre 
cents  sicles. 

Les  interprètes  répondent  que  la  particule  et  signifie  en  cet  endroit  c'est-à-dire  ; 
de  sorte  que  le  sens  de  ce  verset  est  que  Dieu  promet  la  terre  de  Chanaan  à  Abraham , 
c'est-à-dire  à  sa  postérité. 

Parmi  plusieurs  significations  que  renferme  la  particule  hébraïque  VAO,  qui  est 
rendue  dariWe  passage  que  nousexaminons  ,  par  et,  celle  de  c'est-à-dire  en  françois  , 
id  est  en  latin,  en  est  une;  c'est  ce  que  nous  allons  démontrer  par  divers  exemples. 

Genèse,  c.  2,  y  .  3.  Dieu  bénit  le  septième  jour,  VAU,  c'est-à-dire,  le  sanctifia. 

Exode ,  c.  4i  y  •  12.  Je  serai  dans  votre  bouche,  VAU,  c^ est-à-dire ,  je  vous 
apprendrai  ce  que  vous  aurez  à  dire.  C.  7,  Jf.  H.  Pharaon  fit  venir  les  sages, 
VAU,  c'est-à-dire ,  les  magiciens. 

Nombres,  c.  3i ,  y.  6.  Moïse  les  envoya  à  la  guerre,  leur  confiant  les  instru- 
ments sacrés,  VAU,  c'est-à-dire ,  les  trompettes  d'un  son  éclatant. 

Juffes,  c.  8,  y.  27.  Cet  éphod  devint  un  piège  qui  causa  la  ruine  de  Gédéon  , 
VAU,  c'est-à-dire,  de  sa  maison. 

2.  Rois,  c.  II,  y.  II.  Je  jure  par  votre  vie,  vau,  c'est-à-dire,  par  votre 
conservation.  »  Bullet,  Re'p.  cril. ,  tom.  I,  pag.  37,  édit.  de  Besançon ,  1819. 

NOTE  IL— ADAM. 

(Page  33.) 

Les  matérialistes  prétendent  que  l'homme  est  une  production  de  la  nature  ;  ce 
qui ,  dans  le  sens  qu'ils  attachent  à  ce  mot ,  veut  dire  qu'il  a  été  formé  sans  dessein 
par  les  différentes  combinaisons  de  la  matière  en  mouvement. 

«La  nature,  dénuée  de  sentiment  et  d'intelligence,  a  donc  produit  cet  êt:-e 
merveilleux  dont  la  constitution  étonne  également  l'anatomiste  et  le  philosophe  1  la 
terre  a  donc  fait  l'homme  comme  le  bourgeois-gentilhomme  fait  de  la  prose ,  c'est-à- 
dire  ,  sans  le  savoir  !  ces  millions  de  parties  qui  forment  le  corps  humain  ont  donc 
ëté  dispersées  jadis  sur  le  globe,  se  sont  rencontrées  on  ne  sait  quand  ni  comment, 
te  sont  entre-heurtées,  attirées,  repoussées;  puis,  après  bien  des  essais,  se  sont 
rangées  tout  juste  dans  le  bel  ordre  où  nous  les  voyons;  ordre  qui  surpasse  tout  ce 
que  l'art  a  pu  produire  et  tout  ce  que  l'esprit  peut  concevoir  !  Mais  ce  n'est  pas  là  le 
plus  étonnant.  Ces  mêmes  atomes ,  de  bruts  et  de  morts  qu'ils  étoicnt ,  ont  produit, 
par  leurs  combinaisons  fortuites,  la  vie,  le  sentiment  et  ta  faculté  de  raisonner. 
Pour  s'épargner  la  peine  de  former  à  si  grands  frais  chaque  individu ,  ils  se  sont 
arrangés  en  mâle  et  femelle ,  de  manière  à  pouvoir  désormais  étendre  leur  espèce  par 
la  vote  de  la  génération.  C'est  enfin  à  leurs  impulsions  réciproques ,  à  leur  gravitation 
mutuelle,  que  l'on  doit  l'inve-ntion  de  la  parole,  des  sciences  et  des  aris.  Si  ce 
système  paroit  monstrueux  à  la  raison,  il  faut  avouer  qu'il  plaît  moins  à  l'imagi- 
ualion  que  les  brillantes  illusions  de  la  mythologie....» 

I.  a 


j,  JNOTES. 

«  Si  Id  nature  ou  la  matière  a  produit  tous  ces  corps  organises,  plantes,  anima^.iï 
et  hommes,  d'où  vient  que,  depuis  qu'on  l'observe,  elle  ne  produit  plus  rien  de 
pareil  ?  la  nature  a-t-elle  donc  changé  ?  pourquoi  cette  même  rencontre  d'atomes , 
qui  fit  jadis  tant  de  merveilles,  n' a-t-elle  plus  lieu,  et  pourquoi  s'obstine-t-elle  à 
laisser  aux  ctres  organises  le  soin  de  se  reproduire  eux-mêmes  ?  » 

«  Les  anciens,  qui  étoient  aussi  ignorants  en  histoire  naturelle  qu'en  physique, 
pouvoient  croire  qu'un  animal  se  formoit  comme  le  sel ,  par  la  jux ta- position  de 
différentes  molécules  réunies  en  vertu  de  certaines /orcf s  de  rapport.  Il  leur  étoit 
permis  de  conjecturer  qu'une  masse  de  boue,  imprégnée  et  échauffée  par  le*  rayons 
flu  soleil,  peut  s'animaliscr,  tout  comme  ils  se  persuadoient  que  les  insectes,  les 
âjrenouillcs ,  les  crapauds  et  les  lézards  qu'ils  trouvoicnt  dans  la  fange  du  îsil ,  éfrienl 
de  ia  boue  animée  par  la  chaleur.  Mais  il  est  inconcevable  que ,  dans  le  dix-huitisme 
si'rle,  après  toutes  les  découvertes  des  modernes,  on  n'ait  pas  honte  de  parler 
t-ncore  comme  les  anciens,  et  d'etayer  un  système  de  philosophie  sur  des  erreur» 
dont  le  peuple  même  commence  à  se  moquer.  Un  animal  ne  naît  que  de  son  sem- 
blable: c'est  la  loi  uniforme  et  invariable  de  la  nature.  Rien  de  ce  qui  est  organise 
ne  se  forme  par  opposition ,  pas  même  le  champignon  ni  la  mousse.  La  raison  s'unit 
à  l'expérience  pour  rejeter  les  générations  équivoques.  Elle  nous  dit  qu'un  corps 
organisé  est  un  tout  qui  n'a  pu  se  former  successivement,  puisque  chaque  partie 
suppose  l'existence  des  autres.  C'est  un  système  d'un  nombre  infini  de  machines  qui 
correspondent  directement,  qui  ont  entre  elles  des  rapports  intimes,  qui  sont  faites 
les  unes  pour  les  autres,  et  dont  les  forces  concourent  à  un  but  génér^  Ce  tout  se 
développe  et  augmente  de  volume;  mais,  en  tant  que  machine,  il  est  toujours  en 
pel  i  t  c-e  qu'il  sera  en  grand ,  de  sorte  que  toutes  les  matières  alimentaires  ne  sauraient 
y  ajouter  une  fibre.  » 

«  Lnaginons  pour  un  moment  que  l'aveugle  concours  des  molécules  de  la  matière 
inanimée  ait  réussi  à  produire  un  homme,  à  l'aide  des  lois  de  l'impubion  et  de 
l'attraction.  Supposons,  contre  toute  vraisemblance,  que  dis-je?  contre  toute  cer- 
titude ,  que  la  nature  ne  sait  plus  faire  aujourd'hui  ce  qu'elle  a  su  faire  en  des  temps 
plus  reculés.  Dévorons  enfin  toutes  les  absurdités  qui  entourent  et  accablent  le 
système  de  l'athée,  soumettons  le  bon  sens  au  préjugé  et  l'évidence  à  l'erreur;  qui 
est-ce  qui  animera  cet  androïde ,  cette  matière  organiquement  disposée  par  les  main& 
du  hasard  ?  qui  est-ce  qui  lui  donnera  la  faculté  de  sentir,  de  penser,  de  juger  et 
de  faire  des  abstractions?  comment  est-ce  que  la  natuFe  donnera  l'intelligence  et  le 
sentiment,  n'ayant  ni  sentiment  ni  intelligence?  Hélas  !  elle  n'est  qu'impulsion  et 
gravitation:  et  il  lui  est  aussi  impossible  de  produire  par-là  une  seule  pensée,  qu'il 
l'est  au  néant  de  créer  un  seul  atome.  » 

«  Les  matérialistes  croient,  en  toute  simplicité  de  cœur,  que  le  sol  delà  Laponie 
a  produit  le  renne ,  parce  que  cet  animal  est  indigène  à  ce  pays  et  qu'il  ne  peut  vivre 
dans  un  climat  plus  doux.  Que  dites-vous  de  l'argument?  Voyez- vous  ces  vers  qui 
fourmillent  dans  les  cavités  d'un  vieux  fromage?  Ils  y  trouvent  une  nourriture  et 
une  chaleur  qui  leur  convient;  donc  c'est  ce  fromage  qui  les  a  produits.  Une  telle 
conclusion  est  fort  bonne  pour  l'enfant  qui  a  mangé  le  fromage  sans  se  soucier  du 
•ver;  mais  elle  étonne  dans  un  philosophe  qui  se  donne  pour  capable  de  creuser  lei 
idées ,  et  d'interpréter  la  nature.  »  Holland ,  Réflexions  philosophiques  sur  k 
Système  de  la  nature,  c.  6. 

NOTEEL  —  AME. 

(Page  84.) 

La  philosophie  ou  la  raison  individuelle  est  bien  foible,  puisque,  comme  le  dit 
très-bien  Bergier,  elle  n'a  jamais  pu  par  elle-même  démontrer  invinciblement 
les  dogmes  essentiels  de  la  spiritualité  et  de  l'immortalité  de  l'àme. 

Descartes  lui-même  l'a  reconnu  :  «  car  laissant  à  part ,  dit-il ,  ce  que  la  foi  nous 
»  enseigne ,  je  confesse  que ,  par  la  seule  raison  naturelle ,  nous  pouvons  bien  faire 


NOTES.  u\ 

I»  beaucoup  de  colljt;clur^s  à  notre  avaiitaj^c,  cl  avoir  tic  flallcusc.'i  espérances,  mais 
»  non  point  aucune  assurance.  »  (Lettre  à  la  princesse  EliiuLelh.  ) 

Saint  Justin  parlant  de  roriglnc  du  monde,  de  la  création  de  l'homme  et  de 
l'immortalité  de  l'àme,  dit  qu'il  n'est  pas  possibieà  l'homme  de  connoîire  ces  vr^riloj 
sublimes  par  les  seules  forces  de  la  nature  ou  de  l'esprit  humain;  que  nous  devons 
nous  en  rapporter  à  la  tradition  de  nos  pères  qui,  n'enseignant  rien  d'eux-milmes , 
nous  ont  transmis  la  véritable  doctrine  qu'ils  ont  reçue  de  Dieu.  Qui  omni  con- 
tentivnis  studio,  et  factionuni  dissidio  liberi,  sicuti à  Deo  acceperanl,  ila  nobis 
doctritiain  tradiderunt.  Neque  enini  vel  naturd ,  vel  ingenio  hutnano,  res  tarn 
sublimes  et  divinas  honnnihus  cognitione  asseijui  est  possibile ;  sed  eu  quod  tù/n 
cœlitùs  in  viros  sanctos  descendit,  gratuito  opus  est  dono.  (Ad  Grœcos  Cohort. , 
pag.  9,  édit.  de  Paris,  i6iS.) 

«  Si  les  hommes,  dit  Leland,  n'avoîent  d'autre  certitude  d'un  ctal  futur,  que 
celle  qu'ils  peuvent  tirer  des  seules  lumières  de  leur  raison ,  ce  dogme  se  trouveroit 
combattu  par  des  objections  et  des  difficultés  qui  élèvcroient  dans  leur  esprit  des 
doutes  auxquels  il  seroit  difficile  de  répondre  d'une  manière  satisfaisante.  Leur  foi 
en  seroit  troublée  et  affoiblie.  Les  arguments  métaphysiques,  pris  de  la  nature 
différente  du  corps  et  de  l'esprit,  quoique  justes  en  eux-mêmes,  ne  prennent  que 
sur  des  âmes  vraiment  philosophiques,  accoutumées  aux  spéculations  abstraites  :  ils 
ne  sont  point  à  la  portée  du  commun  des  hommes  qui ,  accoutumés  aux  objets  sen- 
sibles et  matériels,  ne  sauroicnt  se  former  une  notion  distincte  d'un  être  qui  n'es! 
point  matière....  Ceux  qui  croient  le  plus  fermement  l'immortalité  de  l'âme,  ont 
bien  de  la  peine  à  concevoir  comment  elle  agit  lorsqu'elle  est  séparée  du  corps.  La 
vie  future  ne  nous  est  point  sensible  :  c'est  un  état  dont  nous  n'avons  naturellement 
aucune  connoissance ,  et  dont  nous  ne  saurions  nous  former  aucune  idée  claire  et 
satisfaisante,  si  nous  n'avions  sur  cela  d'autres  lumières  que  celles  de  la  raison. 
Cette  vie  future  est  l'objet  propre  de  la  révélation  divine  et  de  l'exercice  de  la  foi 
qui  est  l'évidence  des  choses  invisibles.  Comme  l'âme  humaine  n'existe  point  par  la 
nécessité  de  sa  nature ,  mais  que  la  continuation  de  son  existence  dépend  de  la  volonté 
de  Dieu,  nous  ne  pouvons  être  assurés  de  son  immortalité  qu'autant  que  nous 
sommes  sûrs  que  Dieu  veut  qu'elle  soit  immortelle.  Plusieurs  raisons  nous  portent  à 
croire  que  Dieu  l'a  ainsi  ordonné;  mais  il  falloit,  pour  que  nous  en  eussions  une 
certitude  entière,  que  Dieu  nous  le  révélât  expressément.  Les  preuves  morales  d'un 
état  futur  sont  aussi  d'un  grand  poids  ;  mais  les  voies  de  la  providence  nous  sont 
cachées  ;  c'est  un  abîme  que  nous  ne  devons  pas  espérer  de  sonder.  Notre  vue  est 
trop  courte ,  nous  connoissons  trop  peu  les  desseins  de  Dieu  et  les  lois  qu'il  suit 
dans  le  gouvernement  du  monde ,  pour  en  tirer  des  lumières  propres  à  dissiper  en- 
tièrement nos  doutes  et  nos  incertitudes  sur  un  objet  aussi  délicat.  La  révélation 
Mule  pouvoit  fixer  nos  idées  et  notre  croyance.  »  JS^ouvelle  démonsir.  évang. ,  part. 
3, chap.  I. 

Bonnet  prouve,  dans  sts  Recherches  philosophiques  sur  le  christianisme,  chap. 
a,  que  l'on  ne  peut  s'assurer,  par  les  seules  lumières  de  sa  raison,  de  la  certitudt 
d'un  état  futur.  Voyez  les  articles  CERTITUDE,  RAISON,  Loi  NATURELLE,  RÉ- 
VÉLATION ,  etc. 

NOTE  IV.  -  AME. 
(Page  84.) 

I,  La  spiritualité  de  l'âme  aussi-bien  que  l'existence  de  Dieu  est  une  croyance 
nniversclie,  un  témoignage  constant  que  l'humanité  se  rend  clle-mômc;  c'est  la 
foi  du  genre  humain.  Qu'elle  soit -venue  de  la  tradition  primitive,  du  sentiment 
inférieur  ou  de  la  réflexion  sur  nos  opérations,  cela  esteï^al  ;  pouiquoi  ncscroU-cUe 
pas  venue  de  ces  trois  sources?  Avant  qu'il  y  cijt  des  philosophes,  aucun  peuple, 
aucun  être  raisonnable  ne  s'cloil  persuade  que  la  matière  pût  penser,  aucun  mènie 
n'avoil  imaginé  qu'elle  pût  se  mouvoir.  Malgré  lei  sophismes  d'Epicure,  ia  spiri- 


IV  NOTES. 

tualité  de  l'clre  pensant  est  un  dogme  aussi  gcndralcment  r(^pandu  que  dani  le* 
premiers  âges  du  monde.  S'il  y  a  une  ve'riie'  que  la  nature  et  la  conscience  dictent 
à  tous  les  hommes,  c'est  la  différence  entre  l'esprit  et  la  matière;  aucun  peuple  qui 
n'ait  des  termes  divers  pour  les  designer;  tous  entendent,  sous  le  nom  d'' esprit ,  un 
être  qui  connoîl ,  qui  se  sent  exister,  qui  a  la  conscience  du  moi  individuel,  qui  a 
le  pouvoir  d'agir  et  de  mouvoir  la  matière. 

Rien  n'est  plus  risible  que  de  voir  des  philosophes  sVverluer  pour  trouver  dans 
l'antiquilo  le  premier  peuple  qui  a  cru  la  spiritualité  et  l'ininiorlalitc'  de  l'âme.  Le» 
uns  s'arrèlent  aux  Egyptiens,  d'autres  aux  Thraces  ou  aux  Gaulois,  quelques-uns 
aux  Indiens,  et  font  gravement  la  généalogie  de  ce  dogme.  Il  auroit  été  p!us  court 
de  citer  une  nation  qui  eut  professé  la  croyance  contraire:  jusqu'à  présent  l'on  n'en 
a  connu  aucune.  Mais  c'est  justement  parce  que  cette  opinion  est  générale,  que  nos 
raisonneurs  se  font  gloire  de  lutter  contre  elle,  et  jugent  qu'il  est  digne  d'eux  de 
l'étouffer;  ils  parviendront  plutôt  à  dépouiller  l'homme  de  sa  propre  nature. 

Les  matérialistes  prétendent  que  tous  les  philosophes  anciens  laisoient  de  l'âme 
humaine  une  substance  matérielle;  mais  cette  assertion  est  absolument  fausse. 
Voyez  l'article  EsPRiT,  où  Bergier  rapporte  la  doctrine  des  philosophes  sur  la 
spiritualité  de  l'âme. 

IL  Le  sentiment  intérieur  :  il  suffit  à  tout  homme  raisonnable.  Je  sens  ma  propre 
existence,  et  je  me  sens  distingué  de  tout  être  qui  n'est  p;is  moi  :  or,  je  ne  sens  ni 
l'existence,  ni  la  figure,  ni  la  structure,  ni  le  jeu  de  mon  cerveau,  ni  d'aucune 
partie  intérieure  de  mon  corps  ;  donc  chacune  de  ces  parties ,  et  toutes  prises  en- 
semble, ne  sont  pas  moi. 

Je  sens  que  je  suis  le  même  individu  qui,  depuis  soixante  ans,  éprouve  des  sen- 
sations, des  pensées,  des  vouloirs,  du  plaisir,  de  la  douleur,  etc.  ;  je  sens  donc 
que  je  suis  une  substance ,  puisque  sous  ce  nom  l'on  entend  un  être  qui  reçoit 
successivement  différentes  modifications,  et  les  perd  sans  cesser  d'exister,  sans  rien 
perdre  de  son  être. 

Ce  sentiment  du  moi  individuel  et  permanent  n'est  point  un  accident  qui  me 
survienne,  c'est  mon  essence  même,  l'essence  de  mon  âme;  il  ne  peut  cesser  sans 
que  je  sois  anéanti ,  je  ne  serois  plus  si  je  ne  me  sentois  pas  exister  :  il  ne  resteroit 
de  moi  que  l'idée  abstraite  à^ètre,  sans  attributs  et  sans  aucune  modification  quel- 
conque :  un  tel  être  n'est  qu'une  chimère.  Si  j'esistois  sans  sentir  mon  existence, 
comment  pourrois-je  recevoir  ce  sentiment  ?  Dieu  même  ne  pourroit ,  sans  contra-^ 
diction,  me  donner  le  sentiment  à'' avoir  e  te ,  puisque,  selon  la  supposition,  je 
recevrois  le  sentiment  d'être  pour  la  première  fois.  Un  matérialiste,  un  sceptique  , 
ne  s'entend  pas  lui-même  quand  il  dit  :  je  sens  en  moi  je  ne  sais  quel  être ,  je  ne 
sais  quelle  substance,  qui  est  le  sujet  de  mes  modifications.  Il  détache  par  abstrac- 
tion l'existence  d'avec  sa  substance,  il  fait  de  lui-même  un  être  abstrait,  il  pictend 
sentir  l'existence  hors  de  la  substance  qui  existe.  Y  a-t-il  une  absurdité  plus 
complète  ? 

Donc  il  est  démontré  que  le  sentiment  du  moi  individuel  et  permanent  est 
l'essence  même  de  l'âme.  Or,  ce  sentiment  n'est  point  l'essence  de  la  matière, 
autrement  toute  matière  se  sentiroit.  Il  est  impossible  qu'elle  le  reçoive,  puisque  ce 
n'est  point  un  accident  de  l'être  qui  se  sent  ;  donc  il  est  évident  que  l'esprit  et  la 
matière  sont  deux  êtres  essentiellement  différents ,  et  que  mon  âme  n'est  point 
matière. 

Lorsque  les  philosophes  disent  que  nous  n'avons  point  d'idée  de  l'âme  ni  d'au» 
cune  substance  :  si  par  idce  ils  entendent  une  image,  cela  est  vrai;  mais  il  est 
absurde  que  l'esprit  ait  une  image.  S'ils  entendent  une  idée  abstraite,  cela  est 
encore  vrai;  mais  faut-il  que  l'esprit  fasse  une  abstraction  de  lui-même,  qu'il 
se  voie  hors  de  soi-même  comme  nous  nous  voyons  dans  un  miroir?  Ces  raisonneurs 
■veulent  voir  leur  âme  en  dehors  et  du  dehors;  ils  disent  qu'un  terme  auquel  ne 
correspond  aucun  objet  sensible ,  ne  signifie  rien.  C'est  le  comble  de  l'absurdité 
de  substituer  des  idées  abstraites  au  sentiment  intérieur;  ce  sentiment  est  supérieui* 
À  toute  évidence  d'idées  possibles. 


NOTES.  V 

Four  connoîire  à  foinl  deux  substances,  il  faut  les  comparer.  Nous  connoiMons 
notre  âme  par  le  sentiment  de  ses  opérations,  et  la  matir-re  par  ses  qualités  sen- 
sibles; les  opérations  de  l'âme  font  sentir,  penser,  réfléchir,  vouloir,  mouvoir  !<• 
corps  :  voyons  si  la  matière  en  est  capable. 

III.  La  matière  est  incapable  de  sensation.  Il  est  ddmonirc'  que  IVtre  sensitif 
est  un  être  simple  :  or,  la  matière  n'est  point  un  être  simple;  donc  l'être  sensitif 
n'est  point  matière. 

Un  cire  privalivement  afFeclè  de  sensations  bornées  a  lui,  et  qui  ne  sont  senties 
que  par  lui,  est  réellement  distingué  de  tout  autre  èlrc  sensitif.  Un  être  qui  se  sent 
soi-même  ne  peut  se  sentir  hors  de  lui-même  ;  il  ne  peut  se  sentir  dans  un  autre , 
il  n'y  a  que  lui  qui  puisse  se  sentir  :  donc  chaque  être  sensitif  est  simple  et  réelle- 
ment distingué  de  tout  autre  être  sensitif. 

Vous  êtes  assuré  que  vous  ignorez  ce  que  je  sens,  et  je  suis  assuré  aussi  que  j'î- 
gnore  ce  que  vous  sentez;  nous  coimoissons  donc  avec  certitude  que  nous  sentons 
séparément,  que  votre  sensation  n'est  pas  la  mienne,  que  votre  être  sensitif  et  le 
mien  sont  réellement  et  individuelîemeni  distincts  l'un  de  l'autre. 

Nous  pouvons  ,  il  est  vrai ,  nous  communiquer  nos  sentiments  et  nos  pensées  par 
des  paroles  et  par  d'autres  signes  convenus  ;  mais  il  n'y  a  aucune  liaison  nécessaire 
entre  ces  signes  et  les  sensations  ;  l'on  peut  s'en  servir  également  pour  mentir  et 
pour  dire  la  vérité.  Nous  n'y  avons  recours  que  parce  que  nous  savons  que  nos 
sensations  sont  incommunicables  par  elles-mêmes  ;  l'usage  de  ces  signes  est  un  aveu 
continuel  de  l'incommunicabiiitede  nos  sensations  et  de  l'individualité  de  nos  âmes. 

Puisque  l'être  sensitif  est  nécessairement  simple,  il  s'ensuit  qu'on  ne  peut  sup- 

foser  un  assemblage  d'êtres  qui  aient  la  faculté  de  sentir,  sans  reconnoitre  qu'ils 
ont  chacun  en  particulier,  et  que  chacun  d'eux  doit  sentir  à  part  ;  que  leurs  sen- 
sations ne  peuvent  par  elles-mêmes  se  commun  ;qiier  de  l'un  à  l'autre.  Il  s'ensuit  qu'un 
tout  composé  de  parties  sensilives  ne  peut  pas  former  une  âme  ou  un  être  sensitif 
individuel,  parce  que  chacune  de  ces  parties  sentiroit  privalivement  et  séparément 
de  l'autre.  Il  ne  pourroil  donc  y  avoir  entre  elles  aucune  réunion  ni  combinai- 
son intime  d'idées;  l'idcede  chacune  d'elles  seroit  inconnue  aux  autres. 

Il  est  donc  évident  qu'une  portion  de  matière  organisée,  composée  de  parties 
réellement  distinctes,  placées  les  unes  hors  des  autres,  quoique  contigucs,  ne  peut 
pas  former  une  âme  ou  un  principe  sensitif  :  or  ,  toute  matière  est  composée  de  parties 
réellement  distinctes; donc  lesêtressensitifs  individuels  ne  peuvent  être  des  substances 
matérielles. 

Dansunearméede  vingt  mille  hommes,  chaque  soldat  sent  son  existence  indivi- 
duelle :  mais  il  est  impossible  que,  de  tous  ces  sentiments  particuliers  et  incommu- 
nicables ,  il  résulte  un  sentiment  général  par  lequel  toute  l'année  se  sente  exister 
comme  armée  ,  ait  la  conscience  des  sensations  de  chaque  soldat  ;  donc  dans  un 
composp  de  matière  quelconque  ,  quand  même  chaque  atome  sentiroit  sa  propre 
existence,  il  seroit  impossible  qu'en  vertu  de  ces  sentiments  individuels  ,  le  tout  ou 
le  composé  se  sentît  exister,  eiît  la  conscience  des  sensations  de  chaque  atome  ;  donc 
le  sentiment  que  j'ai  de  mon  existence  individuelle  et  des  sensations  qui  affectent 
chacun  de  mes  organes  ,  n'est  point  et  ne  peut  être  le  résultat  du  sentiment  de 
plusieurs  atomes  de  matière.  Voilà  une  démonstration  à  laquelle  les  matérialistes 
n'ont  jamais  essayé  de  répondre. 

IV.  Je  puis  ,  au  même  instant,  éprouver  plusieurs  sensations  différentes  v  îe  sens 
tout  à  la  fois  lu  chaleur  du  feu  ,  l'odeur  et  la  saveur  d'un  fruit ,  le  plaisir  de  la  mu- 
sique, la  beauté  d'un  tableau  ou  d'un  paysage  ;  je  juge  laquelle  de  ces  sensations 
iii'aît  la  plus  agréable,  je  la  choisis  et  la  préfère:  il  y  a  donc  un  /«o/iadivisible  qui 
reçoit  au  même  moment  ces  différentes  affections.  Puisque  toute  matière  organisée 
est  étendue  et  divisible  ,  il  est  impossible  que  le  /no/ soit  matière.  La  même  parti- 
cule de  mon  cerveau  n'a  pu  recevoir  au  même  instant  cinq  mouvements  divers,  encore 
moins  les  comparer  et  en  j'Jger.  Bayle  ,  après  avoir  pesé  la  force  de  ce  raisonnement, 
ne  craint  point  de  conclure  ainsi  :  On  peut  dire,  sans  hyperbole,  que  c'est  une  dii- 
nionstration  aussi  assurée  que  celles  de  géométrie.  (JSowei/es  de  la  répnb.des  lettres^ 
aoiît  l6b4)  art.  6,  p.   iio.) 


VI  NOTES. 

De  même  je  puis  sentir  ,  au  même  instant ,  de  la  douleur  dans  les  différentes  par- 
ties de  mon  corps  ,  distinguer  et  comparer  ces  divers  sentiments  simultanés  ,  ju- 
ger quel  est  le  plus  vif  et  le  plus  incommode  ;  est-ce  un  atome  indivisible  de  ma- 
tière qui  est  mu  en  quatre  ou  cinq  directions  différentes ,  ou  plusieurs  atomes  ^j^alllés 
chacun  de  son  côté  ?  La  première  supposition  est  impossible;  dans  la  seconde,  le 
mouvement  ou  l'ébranlement  de  l'atome  A  n'est  point  celui  de  l'atome  B  ;  celui-ci 
ne  peut  avoir  la  conscience  du  mouvement  de  son  voisin  et  la  conscience  cie  son 
propre  mouvement  :  il  ne  peut  donc  les  comparer  ni  en  juger.  Lorsque  je  porte  ma 
main  à  mon  visage ,  le  sentiment  est  double  ;  mon  visage  sent  nia  main ,  et  ma 
main  sent  mon  visage  ;  si  une  autre  personne  me  toucboit.le  sentiment  seroit  dif- 
férent. Je  dislingue  si  j'applique  sur  mon  visage  un  seul  doigt ,  deux  ou  plusieurs  ;  si 
ces  doigts  sont  courbés  ou  étendus, si  l'un  appuie  plus  fort  que  l'autre  ,  etc.,  est-ce 
ane  molécule  de  matière  qui  se  sent  elle-même  de  plusieurs  côtés  ,  ou  dans  plusieurs 
parties  diiTérentes ,  qui  ala  conscience  de  cinq  ou  six  attouchements  divers? 

V.  La  nature  de  la  pensée  répugne  par  elle-même  à  k  nature  de  la  matière  :  que 
l'on  subtilise  celle-ci  tant  que  l'on  voudra,  elle  sera  toujours  étendue  et  divisible, 
Jes  matérialistes  en  conviennent.  La  pensée,  au  contraire,  est  un  acte  sirnple  ,  in- 
divisible ,  instantané  ,  que  l'on  ne  peut  mesurer  ni  décomposer.  Qui  a  jamais  osé  dire 
la  moitié  ou  le  quart  de  ma  pensée,  le  premier  ou  le  secondinstant  de  mon  juf^e- 
inent,  la  lenteur  ou  la  vitesse  de  mon  raisonnement,  un  morceau  ou  une  fraction 
de  doute ,  de  choix ,  devolonte?  Penser,  juger,  douter,  raisonner,  vouloir,  dé- 
sirer, choisir,  ne  sont  point  des  actes  susceptibles  d'étendue  ,  de  durée  ou  de  par- 
ties :  ces  actes  simples  peuvent-ils  naître  d'un  principe  double  ou  divisible  ?  un  être 
composé  ou  étendu  peut-il  en  être  le  sujet?  Selon  un  matérialiste  célèbre,  la  pensée 
est  divisible.  Dans  une  pcche ,  dit-il ,  j'aperçois  la  couleur ,  la  rondeur  ,  la  mollesse, 
la  fraîcheur,  la  pesanteur ,  l'odeur,  la  saveur;  l'idée  de  pêche  est  composée  de  ces 
différentes  perceptions,  elle  est  donc  divisible.  (iSjs/.  de  la  nat. ,  1. 1,  c.  8  ,  p.  ii3.) 
Fausse  conséquence.  Une  idée  qui  résulte  de  plusieurs  idées  successives  n'en  est  pas 
pour  cela  composée.  Quand  j'aperçois  d'abord  la  couleur,  c'est  une  idée;  quand 
je  remarque  la  rondeur ,  c'est  une  autre  idée ,  etc.  Lorsqu'à  la  suite  de  ces  idées 
simples,  je  forme  l'idée  complexe  de  pêche,  les  idées  précédentes  ne  sont  point  des 
parties  de  celle-ci  ;  de  même  que  la  première  ne  fait  point  partie  de  la  seconde  ,  ni  la 
seconde  de  la  troisième.  Ce  sont  autant  d'idées  abstraites  et  distinctes.  Une  idée 
complexe  n'a 'paiS  plus  de  parties  qu'une  idée  simple,  l'objet  est  complexe  ou  com- 
posé ,  et  non  l'idée  ;  c'est  par  métaphore  que  l'on  attribue  à  l'idée  un  terme  qui  ne 
convient  qu'à  son  objet. 

Un  principe  pensant ,  susceptible  d'idées  simples,  nesauroit  être  lui-même  com- 
posé ni  divisible;  une  seule  idée  abstraite  et  simple  est  une  démonstration  invincible 
contre  le  matérialisme. 

«  Quoi!  dit  un  déiste  célèbre  ,  je  puis  observer  ,  connoîtreles  êtres  et  leurs  rap- 
»  ports;  je  puis  sentir  ce  que  c'est  qu'ordre  ,  beauté,  vertu;  je  puis  contempler  l'u- 
)i  nivers  ,  m' élever  à  la  main  qui  le  gouverne  ;  je  puis  aimer  le  bien ,  le  faire  ,  et  je 
»  me  comparerois  aux  bêtes?  âme  abjecte  ,  c'est  la  triste  philosophie  qui  te  rend  sem- 
»  blable  à  elles ,  ou  plutôt  tu  veux  en  vain  t'avilir  ;  ton  génie  dépose  contre  tes 
»  principes ,  ton  cœur  bienfaisant  dément  ta  doctrine ,  et  l'abus  même  de  tes  fa- 
»  cultes  prouve  leur  excellence  en  dépit  de  toi.»  (^Emile,  t.  III ,  p.  6o.) 

VL  Ceux  qui  attribuent  à  la  matière  la  faculté  de  penser ,  confondent  la  pensée 
avec  le  mouvement  :  l'on  n'a  jamais  imaginé  que  la  pensée  et  le  repos  fussent  la 
mem«  chose;  mais  on  distingue  aussi  clairement  la  pensée  d'avec  le  mouvement  que 
d'avec  le  repos.  Le  mouvement  est  le  passage  du  corps  d'un  point  de  l'espace  à  un 
autre  point:  concevons-nous  la  pensée  par  cette  définition?  la  pensée  est-elle  na 
mouvement  plus  ou  moins  vite,  en  ligne  droite,  eu  ligne  courbe  ,  la  rotation  d'un 
atome  sur  lui-même  ,  un  choc ,  une  secousse  ou  une  combinaison  de  mouvements 
divers?  Quand  on  prcuvcroit  que  la  pensée  ne  peut  naître  sans  un  mouvement  des 
fibres  du  cerveau  ,  celui-ci  n'est  ni  la  cause,  m  l'instrument,  ni  le  «njet ,  ni  la  pensée 
même;  il  n'y  a  aucun  rapport,  aucune  analogie  entre  l'une  et  l'autre.  Tant  qua 


NOTES.  vit 

vous  ue  sujiposerer,  point  un  principe  pcnsuiil  ,  flistinfjuc  de  la  matiVrp ,  rapahie 
«l'en  apercevoir  les  cliaiigemenls  ou  les  mouvements,  vous  n'aurcE  ni  la  pensée, 
ni  rien  qui  en  approche. 

i.e  mouvement  est  divisible  conime  la  matière;  il  peut  se  mesurer  ,  il  est  suscep- 
tible (le  plus  et  <le  moins,  nous  en  calculons  les  instants,  les  degrés  de  f'ircc  et  da 
viiesse;  il  peut  être  accéléré  ou  retarde  ,  recevoir  telle  ou  telle  direction  et  en  clianeer; 
plusieurs  forces  distinctes  peuvent  y  concourir,  une  seule  force  peut  l'imprimera 
deux  corps  parla  même  action.  Le  mouvement  se  communique  et  se  divise;  le  corps 
qui  l'imprime  en  perd  à  proportion  de  ce  qu'il  en  donne.  Kien  de  tout  cela  ne  con- 
vient à  la  pensée  :  elle  n'a  ni  instant  ni  degios,  elle  ne  peut  être  soumise  au  calcul , 
clic  ne  se  communique  point  :  ma  pensée  ne  peut  être  celle  d'un  autre  ,  clic  ne  peut 
passer  de  mon  cerveau  dans  le  sien  ,  elle  est  individuelle  cl  identifiée  avec  moi.  Deux 
esprits  ne  peuvent  concourir  à  la  même  pensée,  ils  ne  peuvent  la  partager  entre  eux.  Il 
en  est  de  même  du  sentiment ,  du  jugement,  du  raisonnement,  du  vouloir,  du  clioix 
et  de  toutes  les  opérations  de  l'ànie» 

Un  matérialiste  s'entend-il  lui-même  lorsqu'il  dit  que  le  mouvement  n'est  point 
matériel  ,  non  plus  que  le  sentiment  et  la  pensée,  mais  que  ce  sont  des  accidents 
d'êtres  matériels  ?  Un  accident  divisible  est  certainement  matériel,  à  moins  que  la 
divisibilité  ne  soit  une  propriété  de  l'esprit. 

VII.  Toutes  les  propri  tes  ,  les  attributs,  les  accidents,  les  qualités  de  la  matière 
sans  exception  ,  sont  divisibles  comme  le  mouvement ,  sont  susceptibles  de  plus 
ou  de  moins  ;  l'étendue  ,  la  solidité  ,  la  figure  ,  la  gravité  ,  l'attraction  ,  la  prétendue 
force  d'inertie  ,  et  telle  autre  qualité  que  l'on  voudra  ,  peuvent  être  divisées  ,  se 
«llvisent  en  effet;  lorsqu'on  scpare  les  parties  de  la  masse,  toutes  les  propriétés  de 
ia  masse  se  retrouvent  à  un  moindre  degré  dans  chacune  des  parties  ;  il  n'est  si  petit 
atome  de  matière  qui  n'en  soit  doué.  En  est-il  de  même  de  la  pensée  ?  Si  le  cerveau 
pense ,  il  faudra  dire  que  chacune  des  parties  du  cerveau  pense  aussi  dans  un  moincLe 
degré,  a  une  pensce  moindre  que  le  cerveau  entier.  Il  y  aura  donc  autant  de  pen- 
sées distinctes  qu'il  y  a  d'atomes  dans  le  cerveau?  de  deux  atomes  pensans  ,  l'un  ne 
peut  pas  savoir  si  son  voisin  pense  ou  ne  pense  pas. 

îSous  ne  connoissons  pas,  disent  nos  adversaires,  toutes  les  propriétés  delà  ma- 
tière ;  il  peut  y  avoir  en  elle  une  qualité  inconnue,  dont  la  pensée  soit  le  résultat. 

Vain  subterfuge.  Il  est  contre  la  raison  de  supposer  dans  la  n)atièie  aucune  qualité 
connue  ou  inconnue  qui  soit  incompatible  avec  sa  nature.  Scion  les  matérialistes 
mêmes,  la  matière,  par  sa  nature,  est  étendue  et  divisible;  il  est  donc  impossible 
qu'il  y  ait  en  elle  aucune  qualité  inétendue  et  indivisible;  il  est  impossible  qu'au- 
cune qualité  divisible  soit  le  fondement  ou  la  cause  de  la  pensée,  ait  aucune  ana- 
logie, aucun  rapport  avec  elle.  La  divisibilité  de  la  substance  exclut  nécessairement 
toute  qualité,  tout  accident,  toute  modification  indivisible.  Les  possibilités,  les 
feut-élre ,  auxquels  les  matérialistes  ont  recours  pour  éluder  un  argument  qui  les 
écrase  ,  sont  autant  d'absurdités. 

A  quoi  pensoit  donc  le  fameux  Locke  lorsqu'il  a  dit  :  Il  nous  est  impossible  de  dé- 
couvrir, par  la  contemplation  de  nos  propres  idées  ,  si  la  toute-puissance  de  Dieu 
n'a  point  donné  «  ijuelijue  compose  de  matière  bien  dispose  la  faculté  d'apercevoir 
et  de  penser.  Ce  doute  ,  recueilli  avec  tant  d'empressement  par  nos  philosophe»  ,  ne 
leur  sera  pas  d'un  grand  secours.  Quelque  disposition  que  l'on  suppose  dans  nu 
composé  de  matière,  il  est  divisible  puisqu'il  est  composé.  Or,  il  y  a  contradiction 
qu'un  composé  divisible  soit  le  principe  et  le  sujet  d'une  modification  indivisible, 
telle  qu'une  pensée  ou  une  perception.  Ce  n'est  point  borner  la  puissance  divine 
d'assurer  que  Dieu  ne  peut  pas  faire  ce  qui  est  contradictoire;  douter  s'il  le  pci;t 
est  une  absurdité.  Locke  ,  avant  de  proposer  son  doute,  devoit  détruire  les  démon- 
strations que  nous  venons  d'alléguer. 

Admettrons-nous  qu'un  atome  simple  et  indivisible  de  matière  peut  penser  ?  Nou- 
velles contradictions  à  dévorer.  Ou  cet  atome  pense  par  lui-mêr'ie,  et  alors  la  faculté 
dr,  penser  lui  est  es.sentielle  ,  il  est  par  lui-même  indestructible  et  immortel;  à  mems 
(juc  Dieu  l'ancanlisse  ,  il  pensera  pendant  toute  l'éternité;  nous  retrouverons  dans 


VIII  JNOIVES. 

cet  atome  prétendu  Vespril  dont  les  matérialistes  ont  peur.  Si  la  pensét  luî  est  acci- 
dentelle ,  il  la  reçoit  donc  d'un  autre  comme  il  reçoit  le  mouvement  ;  il  y  aura  coin, 
munication  de  pensées  comme  de  mouvement ,  mais  la  pensée  est  incommunicable  ; 
un  atome  pensant  ne  peut  transmettre  sa  pensée  à  un  autre  ;  un  atome  non  pensant 
Je  peut  encore  moins. 

Mais  aucun  matérialiste  n'attribue  la  pensée  à  un  atome  particulier  ;  tous  disent 
qu'elle  est  un  résultat  de  l'organisation  :  or  l'organisation  suppose  un  composé  de 
plusieurs  parties  de  matière. 

VIII.  Le  pouvoir  de  réfléchir  répugne  à  la  nature  de  la  matière,  rson-seulemenl 
l'homme  pense  ,  mais  il  réfléchit  sur  ses  pensées  ;  il  les  compare  pour  former  ses  juge- 
ments,  il  raisonne  en  tirant  la  conséquence  de  deux  jugements  comparés.  La  pensée 
réfléchie  est  donc  essentiellement  accompagnée  de  la  conscience  ou  du  sentiment 
de  la  pensée  même;  c'est  un  acte  é\-idemrnent  spontané.  Je  suis  actif  et  non  passif 
quand  je  juge ,  je  compare  et  je  raisonne.  Or ,  la  matière  est  incapable  d'un  acte  spon- 
tané ;  les  matérialistes  en  conviennent.  D'ailleurs  un  mouvement  ne  peut  se  replier 
sur  lui-même,  être  la  conscience  de  sol-même;  le  mouvement  direct  et  le  mou- 
vement rétrograde  sont  deux  mouvements  différents,  la  pensée  directe  et  réfléchie 
est  une  seule  et  unique  pensée  simple  et  indivisible  :  penser  et  sentir  que  l'on  pense 
ne  sont  point  deux  actes  différents  ;  il  est  impossible  ,  dit  Loc¥e ,  d'apercevoir  sans 
se  sentir  apercevant. 

IX.  L'âme  est  douée  de  la  force  motrice ,  propriété  incompatible  avec  l'inertie 
de  la  matière.  Celle-ci  peut  communiquer  le  mouvement  qu'elle  a  reçu  et  non  le 
commencer  :  se  mettre  en  mouvement  est  un  acte  spontané  contraire  à  la  nature  d'une 
substance  passive. 

Ici  nous  partons  encore  du  sentiment  intérieur  :  je  sens  que  Je  remue  mon  bras , 
ce  mouvement  lui  est  imprimé  par  un  corps  ou  par  un  esprit ,  il  n'y  a  pas  de  mi- 
lieu. Un  corps  ne  peut  se  mouvoir  s'il  n'a  reçu  le  mouvement  d'un  autre  ,  celui-ci 
d'un  troisième ,  et  ainsi  à  l'infini  :  or ,  ce  progrés  à  l'infini  est  absurde  ,  nous  l'avons 
démontré  ailleurs.  Je  sens  d'autre  part  que  c'est  ici  un  mouvement  commencé  et 
non  acquis  ou  communiqué  :  donc  il  ne  vient  pas  d'un  corps  ,  mais  d'un  esprit. 

Lorsqu'un  corps  donne  le  mouvement  à  un  autre  ,  il  en  perd  autant  qu'il  en 
communique ,  loin  de  pouvoir  en  augmenter  la  quantité  ;  c'est  une  loi  générale  et 
constante  connue  par  expérience.  Je  sens  au  contraire  que  la  puissance  qui  remue 
mon  bras  ne  perd  rien  de  son  activité,  que  je  puis  continuer  ou  finir ,  augmenter 
ou  diminuer  ce  mouvement  à  mon  gré;  donc  le  principe  de  ce  mouvement  n'est  pas 
un  corps. 

Si  un  corps  meut  un  autre  corps  ,  aucun  des  deux  ne  peut  changer  la  direction 
qu'il  a  reçue;  autre  loi  générale  du  mouvement:  or ,  je  sens  que  je  puis  changer  à 
volonté  la  direction  du  mouvement  de  mon  bras ,  lui  faire  décrire  une  ligne  droite 
ou  une  ligne  courbe  ,  le  porter  en  haut ,  en  bas  ,  à  droite,  à  gauche,  dans  tous  les 
sens  imagmables  ;  donc  ma  force  n'apparticait  pas  à  un  corps ,  mais  à  un  esprit. 

Cette  force  est  entièrement  différente  de  toute  force  supposée  dans  les  corps.  Lors- 
que deux  corps  sont  en  équilibre  ,  ils  y  restent  constamment  à  moins  qu'une  cause 
extérieure  n'augmente  ou  ne  diminue  le  poids  de  l'un  des  deux. 

Cet  équilibre  consiste  dans  un  point  indivisible  ,  le  moindre  excès  de  gravitéd'un 
coté  le  détruit.  Au  contraire  ,  quand  je  tiens  par  ma  propre  force  un  corps  en  équi- 
libre ,  l'effort  que  je  fais  est  susceptible  de  plus  et  de  moins  ;  on  pourroit  augmenter 
de  quelque  chose  le  poids  que  je  soutiens  ,  et  je  l'emporterois  encore.  Je  puis  em- 
ployer plus  ou  moins  de  force  à  mon  gré ,  quoique  je  ne  puisse  passer  une  certaine 
mesure.  En  employant  toute  ma  force,  je  me  fatigue,  elle  diminue;  après  une 
longue  résistance,  le  poids  l'emporteroit  enfin  sur  moi.  Bien  de  tout  cela  n'auroit 
heu  dans  l'équilibre  des  corps;  donc  le  principe  de  ma  force  n'est  pas  un  corps. 

Un  matérialiste  qui  pose  pour  principe  que  l'âme  agit  et  se  meut  suivant  des  lois, 
comme  tous  les  autres  êtres  de  la  nature  ,  avance  une  fausseté  palpable. 

Quand  un  organiste  emploie  tout  à  la  fois  ses  doigts  sur  le  clavier,  ses  pieds  sur 
Ifes  pédales ,  ses  yeux  sur  la  note  ,  sa  voix  pour  accompagner  ,  sa  langue  pour  arli- 


NOTES.  j^ 

culer  des  mots  ,  son  oreille  pour  sentir  si  tout  est  d'accord;  est-ce  une  molécule  de 
matière  qui  fait  intérieurement  la  fonction  de  maître  de  musique  ,  qui  bat  la  me- 
sure ,  qui  combine  et  marie  ensemble  les  sensations,  les  idées,  la  force  motrice, 
qui  fait ,  de  ces  différentes  pièces  disparates ,  un  seul  tout  ou  un  seul  concert  ?  Quel- 
ques matérialistes  ont  essayé  d'expliquer,  par  le  mécanisme,  une  sensation  simple; 
nous  verrons  s'ils  y  ont  réussi  :  je  voudrois  que  ,  dans  une  dissertation  savanic  ,  ils 
entreprissent  d'expliquer,  par  les  lois  du  mécanisme  ,  l'opération  compliquée  d'un 
oreanisic  ou  d'un  joueur  de  liarjje  ;  qu'ils  nous  fissent  sentir,  au  doif^t  et  à  l'œil , 
qu  une  portion  de  cerveau  peut  faire  au  même  moment  autant  de  fonctions  dif- 
féientes. 

Ces  preuves  de  la  spiritualité  de  l'âme  ne  sont  ni  du  sophisme  ,  ni  de  simples  pro- 
babilités ,  ni  des  réflexions  nouvelles;  il  est  étonnant  que  les  matérialistes  n'aient 
pas  encore  pris  la  peine  de  les  réfuter  l'une  après  l'autre;  plaignons-les  de  leur  aveu- 
glement. «  L'homme  ,  dit  le  Psalmiste,  a  méconnu  sa  propre  gloire  ei  la  dignité  de 
I'  son  être,  il  s'est  comparé  aux  animaux  slupides,  et  s'est  rendu  semblable  à  eux.  » 
Psalm.  48,  y .  iZ.  Traité  historique  et  dogmatique  de  la  vraie  Religion,  tom.I], 
edit.  de  Besançon  ,  1820. 

NOTE  V.  —  AME, 

(Page  87.) 

I.  Nous  avons  plusieurs  preuves  de  l'immortalité  de  l'âme.  La  première  est  tîrée 
de  la  croyance  générale. 

L  L'immortalité  de  l'âme  a  toujours  été  une  croyance  universelle  du  genre  hti- 
inain  ,  de  l'aveu  même  des  plus  ardents  ennemis  du  cViristiarn'sme.  Voltaire  cl 
Bolingbrote  en  conviennent  expressément.  Selon  ce  dernier  ,  <i  la  doctrine  de  l'im- 
»>  mortalité  de  l'âme  et  d'un  état  futur  de  récompenses  et  de  châtiments  paroît  se 
»  perdre  dans  les  ténèbres  de  l'antiquité  :  elle  précède  tout  ce  que  nous  avons  de 
i>  certain.  Dès  que  nous  commençons  à  débrouiller  le  chaos  de  l'histoire  ancienne  , 
))  nous  trouvons  cette  croyance  établie  de  la  manière  la  plus  solide  dans  l'esprit  des 
»  premières  nations  que  nous  coruioissions.  » 

L'idolâtrie  elle-même  est  fondée  en  grande  partie  sur  ce  dogme.  Comment  au- 
roit-on  partout  rendu  un  culte  à  certains  hommes,  si  Ton  avoit  cru  que  l'homme 
tout  entier  périssoit  à  la  mort?  La  métempsycose,  la  nécromancie,  et  mille  autres 
superstitions  pareilles  ,  supposent  également  la  croyance  de  l'immortalité  de  l'âme. 

C'éloit  la  doctrine  des  Egyptiens  ,  des  Chaldéens,  des  Perses  ,  des  Indiens  ,  des 
Chinois  ,  des  Japonois  ,  des  Grecs  ,  des  Romains  ,  des  habitants  de  la  Thrace,  des 
Gètes,  des  Gaulois,  des  Germains,  des  Sarmates,  des  Scjthes,  des  Bretons  ,  des 
Ibères  ,  des  peuples  de  l'Amérique  ;  en  un  mot,  la  doctrine  de  toutes  les  nations. 

Elles  ont  cru  également  qu'après  la  mort  l'âme  subissoit  un  jugement  irrévO" 
cable ,  suivi  de  récompenses  ou  de  châtiments  éternels  ,  et  elles  ont  admis  de  plus 
l'existence  d'un  état  intermédiaire,  d'un  \éT\\a\Ae  purgatoire  ,  ainsi  que  Voltaire, 
'Warburlhon  ,  le  reconnoissent  formellement. 

Les  Egyptiens  meltoicnt  dans  la  bouche  des  mourants  une  prière  pour  demander 
d'être  reçus  dans  le  séjour  des  immortels.  Ils  prioient  pour  les  morts  ,  comme  l'a 
prouvé  W.  Morin  par  un  passage  de  leur  liturgie  ;  ils  appeloient  l'enfer  ameu' 
thés.  C'est  Yadés  des  Grecs  qui  ,  à  ce  qu'il  paroît  ,  empruntèrent  d'eux  jusqu'au 
nom  du  Tarlare,  mot  qui ,  dans  la  langue  égyptienne,  s\^ni[\e habi/ation  éternelle. 

«Plusieurs  philosophes,  dit  Leiand ,  ont  enscigtié  l'immortalité  de  l'âme  et 
»  un  état  futur  de  récompenses  et  de  peines.  Mais  ils  n'ont  point  enseigné  ce  dogme 
»  comme  une  opinion  qu'ils  eussent  inventre,  une  production  de  leur  raison  ,  une 
»  découverte  de  leur  génie  philosophique  ,  mais  comme  une  ancienne  tradition  qu'ilj 
»  avoient  adoptée,  et  qu'ils  appuyoient  des  meilleurs  arguments  que  leur  fournis- 
M  soit  la  philosophie.  »  {Nouvelle  demonstr,  évang.,  tome  IV,  page  12g  et  i3o.) 

Quelle  étoit  cette  tradition?  que  disoil-elle!  Platon  va  nous  l'apprendre. 


X  NOTES. 

«  Celui  qui  r^gne  sur  nou5  ayant  vu  que  toutes  les  actions  humaines  ont  pour 
t>  âme  ,  soit  la  vertu,  soit  le  vice,  il  nous  a  préparé  différentes  demeures  selon  la 
»  nature  denos  actions,  laissant  à  notre  volonté  le  choix  entre  ces  demeurcsdi\  erses... 
»  Ainsi  les  âmes  portent  en  elles-mi-mes  la  cause  du  changement  qu'elles  doivent 
»  éprouver  selon  l'ordre  et  la  loi  du  destin.  Celles  qui  n'ont  commis  que  des  fautes 
V  légères  descendent  moins  bas  que  les  âmes  plus  coupables;  elles  errent  sur  la 
»  surface  de  la  terre.  Celles  qui  ont  commis  plus  de  crimes,  et  des  crimes  plua 
N  grands  ,  sont  précipitées  dans  l'abîme  qu'on  appelle  l'enlir  ou  d'un  nom  sem- 
»  blablc,  lieu  redoute  des  vivants  et  des  moris  -,  et  dont  la  pensée  trouble  encore 
»  l'homme  pendant  son  sommeil.  Mais  l'àme  qui,  par  de  continuels  efforts  de  sa 
•  volonté ,  avance  dans  la  vertu  et  se  corrige  du  vice ,  est  transportée  dans  un  séjour 
»  d'autant  plus  heureux  et  plus  saint ,  qu'elle  s'est  plus  rapprochée  de  la  perfection 
»  divine  ;  et  le  contraire  arrive  à  l'àme  qui  ,  au  lieu  de  se  corriger,  s'est  pervertie. 
»  Jeune  homme ,  tel  est  le  jugement  des  dieux  qui  habitent  le  ciel  ,  des  dieux  que 
»  tu  t'imagines  ne  pas  s'occuper  de  toi.  Les  bons  seront  réunis  aux  âmes  des  bous  , 
»  et  les  méchants  aux  âmes  des  méchants.  Chacun  rejoindra  ceux  qui  lui  ressemblent, 
>.  pour  agir  et  souffrir  selon  ce  qu'il  est.  Que  ni  toi ,  ni  aucun  autre  ne  se  flatte 
>>  d'éviter  ce  jugement  des  dieux.  Quand  tu  pénétrerois  dans  les  profondeurs  de  la 
>>  terre  ,  quand  prenant  ton  vol ,  tu  l'clèverois  dans  les  hauteurs  des  cieux,  le  sup- 
»  plice  que  tu  as  mérité  t'atteindra,  soit  ici-bas,  soit  dans  les  enfers,  soit  dans  un 
»  lieu  plus  terrible  encore.  «  (  X*?  /egib.,  lib.  lO.) 

Socrale  enseignoit  «  Qu'il  y  a  deux  chemins  différents  pour  les  âmes  lorsqu'elles 
))  sortent  du  corps.  Celles  qui ,  entraînées  et  aveuglées  par  les  passions  ,  se  sont 
»  souillées  de  vices  cachés,  ou  de  crimes  publics,  prennent  un  chemin  détourné 
»  qui  les  conduit  loin  de  l'assemblée  des  dieux  ;  mais  celles  qui ,  demeurant  chastes 
>)  et  pures ,  se  sont  préservées  de  la  contagion  du  vice  ,  et  ont  eu  dans  un  corps 
»  mortel  une  vie  toute  divine,  retournent  vers  les  dieux  dont  elles  deviennent. 
»  Telle  est ,  ajoute  Cicéron  ,  la  doctrine  des  anciens  et  des  Grecs.  »  (^Tuscvlan. , 
lib.  I ,  c.  3o.^ 

Qui  n'admireroit  l'immuable  uniformité  de  cette  doctrine ,  et  l'universalité  de 
l'antique  tradition ,  qui  ,  instruisant  également  les  peuples  policés  ou  barbares  , 
dans  tous  les  temps,  dans  tous  les  lieux,  mettoit,  à  dix-huit  siècles  de  distance,  les 
mêmes  paroles  dans  la  bouche  d'un  philosophe  d'Athènes,  et  dans  celle  d'un  sau- 
vage américain!  Pierre-Martyr,  dans  son  Sommaire ,  rapporte  qu'un  vieux  Indien 
dit  à  Christophe  Colomb  :  «  Tu  nous  as  effrayés  par  ta  hardiesse  :  mais  souviens-toi 
)»  que  nos  âmes  ont  deux  routes,  après  la  sortie  du  corps  :  l'une  est  obscure  et  ténc- 
»  breuse;  c'est  celle  que  prennent  les  âmes  de  ceux  qui  ont  molesté  les  autres  hom- 
»  VD&s.  L'autre  est  claire  ,  brillante  ,  et  destinée  aux  âmes  de  ceux  qui  ont  donne  la 
»  paix  et  le  lepos.  »  La  doctrine  des  Incas  etoit  d'accord  avec  celle  de  ce  vieux  in- 
sulaire. Ils  enteignoient  que  les  bons  jouissent  d'une  vie  heureuse  après  cette  vie  ,  et 
que  les  méchants  souffrent  toutes  sortes  de  tourments.  (Carli ,  Lettres  umeric.y  1. 1, 
paç.  io6.) 

La  même  croyance  étoit  répandue  dans  tout  le  Nouveau  Monde,  lïhid.  ,p.  laS.) 

Plusieurs  sectes  philosophiques  avoient  conservé  chez  les  Grecs  et  chez  les  Bo- 
mains  ce  dogme  de  l'antique  tradition  ,  que  d'autres  sectes  tentoient  d'ébranler. 
Suivant  Zf'non  et  les  stoïciens ,  il  existe  des  enfers  et  des  demeures  différentes  pour 
les  gens  de  bien  et  pour  les  impies:  les  premiers  habitent  des  régions  délicieuses  et 
tranquilles,  les  autres  expient  leurs  crimes  dans  un  séjour  ténébreux  et  dans  d'hor- 
ribles gouffres.  (  Lactant.,  Divin.  Institut. ,  lib.  7,  c.  7.  ) 

Gelse,  quoique  épicurien,  n'ose  s'élever  contre  cette  doctrine.  «  Les  chrétiens, 
»>  dit-il,  ont  raison  de  penser  que  ceux  qui  vivent  saintement  seront  récompensés 
«  après  la  mort,  et  que  les  méchants  subiront  des  supplices  éternels.  Du  reste,  ce 
i>  sentiment  leur  est  commun  avec  tout  le  monde.  »  (  Orig.  contra  Cehum ,  lib.  8.) 
Et  c'est  aussi  ce  qu'avoue  SextusEmpiricus.  (  Lib.  8.  ) 

On  a  des  preuves  qne  c'étolt  un  dogme  des  Etrusques;  et  les  marbres,  les  bas- 
reliefs,  les  inscriptions  des  tombeaux,  et  beaucoup  d'autres  monuments,  attestent 


NOTES.  XI 

qu'il  n'y  eut  jamais  de  croyance  plus  universelle.  Extrait  de  l'Essai  sur  fmàiffé- 
veiice  en  matière  de  Religion,  toin.  lll,  c.  87. 

Or  ,  comme  le  dit  Lcland  ,  «  on  ne  voit  point  de  conclusion  plus  Ic'f^itimc  à  tirer 
de  la  grande  antiquité  de  cette  doctrine  que  celle-ci  ;  savoir,  qu'elle  faisoit  partie  de 
la  rclif^ioii  primitive  communiquée  par  ime  révélation  expresse  de  Dieu  aux  pre- 
miers pères  du  genre  humain  ,  afin  qu'ds  la  transmissent  a  leur  postérité'.  C'est  la 
pensée  de  Grotius,  qui  dit  que  la  tradition  de  Timmortalito  de  Tame  passa  de  nos 
premiers  pères  aux  nations  les  plus  civilisées  :  Q/yrc  antiijiùssiind  trudillo  à  primis 
(^unde  enirnalioatii?  )  parentibus  ad  populos  nioratiorcs  pêne  oinnes  nianavit, 
c.  21 .  Il  est  en  effet  difficile  de  concevoir  que  ,  dans  ces  premiers  âges  où  les  hommes 
grossiers  et  ignorants  ctoient  incapables  de  faire  des  raisonnements  abstraits  et  sub- 
tils ,  ils  fussent  parvenus  eux-mêmes  à  se  former  des  notions  de  la  nature  d'un  être 
immatériel  qui  devoit  survivre  à  la  mort  du  corps,  et  continuer  de  penser  après  la 
destruction  des  organes  corporels.  Comment  purent-ils  alors  s'élever  aux  spécula- 
tions sublimes  et  pénibles  de  la  nature  et  des  qualités  de  l'âme,  qui  ont  embarrassé 
depuis  les  philosophes,  les  plus  grands  génies,  dans  le  bel  âge  de  la  science?  Toutes 
les  connoissances  des  hommes  se  boinoient  à  ce  qu'ils  pouvoient  apprendre  par 
l'observation  et  l'expérience,  ou  par  la  voie  de  l'instruction.  Ils  voyoient  leurs  sem- 
blables mourir  après  avoir  vécu  un  certain  nombre  d'années.  Voilà  à  quoi  se  rédui- 
soit  l'expérience  sur  la  fin  de  l'homme  ;  elle  n'étoit  guère  propre  à  leur  donner  l'i- 
dée d'une  vie  future  où  chacun  seroit  puni  ou  récompensé  selon  qu'il  auroit  bien  ou 
mal  vécu  dans  celle-ci.  Ce  ne  fut  donc  ni  par  un  raisonnement  scientifique  dont  ils 
n'étoient  pas  capables  ,  ni  par  l'expérience  et  l'observation  ,  que  les  hommes  par- 
vinrent à  la  connoissance  de  l'immortalité  de  l'âme  et  d'un  état  futur.  Il  ne  reste 
plus  qu'un  moyen,  celui  de  l'instruction  di\ine,  ou  de  la  révélation.  C'est  à  la 
re'vélation  qu'il  faut  rapporter  l'origine  de  cette  tradition  universelle.  Plusieurs 
auteurs  païens  déjà  cités  lui  donnent  une  origine  divine,  et  l'Ecriture  sainte  ne 
nous  permet  pas  d'en  douter.  »  Nouvelle  démonstration  évangéli(jue  ,  page  1 1 1 1 
chap.  2. 

II.  Les  biens  de  cette  \ie  sont  communs  aux  bons  et  aux  méchants,  indifférem- 
ment distribués  aux  uns  et  aux  autres.  On  peut  même  dire  qu'à  cet  égard  les  scélé- 
rats sont  mieux  traités  que  les  honnêtes  gens.  La  raison  en  est  que,  n  ayant  en  vue 
que  ces  sortes  de  biens,  ils  emploient,  pour  se  les  procurer  ,  toutes  sortes  de  moyens 
honnêtes  ou  malhonnêtes  que  les  hommes  vertueux  ne  se  permettent  pas.  Je  n'ai 
pas  besoin  de  prouver  cette  vérité  que  fait  voir  évidemment  et  continuellement 
l'expérience.  Nos  adx-ersaires  ne  la  contestent  pas.  Au  contraire  ,  ils  se  font  de  la 
prospérité  des  méchants  un  de  leurs  principaux  arguments  contre  la  providence,  ar- 
gument qui  véritablement  auroit  de  la  force ,  si  le  dogme  de  la  vie  future  n'en  don» 
noit  pas  la  solution. 

D'après  cette  répartition  des  biens  et  des  maux  de  la  vie ,  égale  entre  les  justes  et 
i£S  malfaiteurs ,  si  même  elle  n'est  pas  plus  favorable  à  ceux-ci ,  nous  faisons  le  rai- 
sonnement contraire  à  celui  des  incrédules ,  et  bien  mieux  fondé  que  le  leur.  Nous 
disons  que  Dieu  ne  récompensant  pas  dans  celte  vie  les  vertus ,  et  n'y  punissant  pas 
les  vices  ,  c'est  une  conséquence  nécessaire  qu'il  y  ait ,  après  la  mort ,  un  autre  état 
où  la  récompense  sera  accordé»  et  le  châl-iment  infligé  ;  qu'il  se  doit  à  lui-même 
cette  sanction  ;  et  qu'il  manqueroit  à  sa  sagesse  ,  à  sa  bonté  et  à  sa  justice,  s'il  man- 
quoit  à  l'exercer. 

I.  Il  est  contraire  à  la  sagesse  de  vouloir  une  fin ,  sans  en  vouloir  les  moyens. 
Dieu  veut  que  l'homme  fasse  le  bien  et  évite  le  ma! ,  et  il  lui  en  donne  le  précepte. 
11  est  donc  de  sa  sagesse  de  pourvoir  à  l'observation  de  ce  précepte,  en  donnant  à 
l'homme  un  motif  puissant ,  universel  et  toujours  subsistant ,  de  suivre  la  vertu  et  de 
s'éloigner  du  vice.  Les  motifs  qui  déterminent  l'homme  ,  sont  le  désir  du  bonheur 
et  la  crainte  du  malheur  :  la  sagesse  divine  exige  donc  qu'il  soit  pourvu  à  l'observa- 
lion  du  précepte ,  en  attachant  le  bonheur  à  la  vertu  et  le  malheur  au  vice.  Mais 
daas  la  vie  présente  cette  sanction  n'est  pas  effectuée;  il  doit  donc  y  avoir ,  après 
cette  vie,  un  autre  état  où  elle  se  réalise. 


xii  JNOTES.  ^ 

Dan£  l'hypothèse  des  incrcJules,  quel  motif  assez  fort  pourra  d^teriniier  l'homme 
aux  sacrifices  que  souvent  exige  la  pratique  de  la  vertu?  S'il  n'a  d'autres  biens  à  es- 
pe'rer  que  ceux  de  la  vie  actuelle ,  son  unique  intérêt  sera  de  se  les  procurer  par 
toutes  sortes  de  voies;  et  comme  le  vice  apporte  souvent  plus  d'avantages  présents 
que  la  vertu,  il  aura,  dans  une  multitude  d'occasions,  plus  d'intcrct  à  commettre, 
le  mal  qu'à  opérer  le  bien.  Ainsi ,  la  sagesse  infinie  se  conlrediroit  elle-même  ;  elle 
donneroit  à  la  fois  le  précepte  de  l'observation  et  le  motif  de  l'infraction  ;  elle  met- 
troit  le  moyen  en  opposition  avec  la  fin. 

2.  S'il  n  y  a  de  bonheur  que  dans  cette  vie,  la  bonté  divine  est  évidemment  en  dé- 
faut; l'existence  qu'elle  adonnée  à  l'homme  n'est  qu'un  don  funeste;  les  souffrances 
n'ont  plus  de  dédommagement;  les  combats  contre  les  passions,  plus  de  palmes: 
les  travaux ,  plus  de  salaires;  les  douleurs  ,  plus  de  consolations.  Les  incrédules  qui 
relèvent,  qui  exaltent ,  qui  quelquefois  même  exagèrent  les  maux  que  souffrent  les 
justes  sur  la  terre ,  font  sentir  bien  claiiement  la  nécessité  d'une  vie  différente  sous 
l'empire  d'un  Dieu  bienfaisant.  Un  maître  bon  doit  faire  le  bonheur  de  ceux  qui 
suivent  ses  ordres.  Ole?,  la  vie  future,  quel  est  le  bonheur  que  Dieu  procure  aux  ob- 
servateurs de  ses  commandements? 

Est-il  conforme  a  la  bonté  du  Créateur ,  que  sa  créature ,  par  l'acte  le  plus  parfait 
d'obéissance  et  de  vertu  qu'elle  puisse  faire,  détruise  son  bonheur.  Le  comble  de  la 
perfection  est  de  mourir  pour  la  vertu.  Si  cet  acte  héroïque  ne  mène  pas  au  bonheur, 
il  anéantit  tout  celui  que  l'homme  peut  espérer. 

3.  Est-il  juste  à  un  supérieur  qui  a  donné  des  ordres  ,  de  traiter  également  et 
indifféremment  ceux  qui  les  enfreignent  et  ceux  qui  les  remplissent?  C'est  cependant 
ce  qu'imputent  à  Dieu  ceux  qui  prétendent  qu'il  a  borné  l'existence  de  l'homme  à 
cette  vie.  Il  faut  même  qu'ils  aillent  plus  loin  :  comme  le  vice  jouit  plus  souvent  des 
agréments  et  des  avantages  de  ce  monde  que  la  vertu  ,  ils  doivent,  conséquemment  à 
ieur  système,  soutenir  que  la  justice  divine  a  voulu  et  a  établi  un  ordre  de  choses 
dans  lequel  c'est  à  l'infraction  de  ses  commandements  qu'elle  a  attaché  le  bonheur, 
et  c'est  à  cause  de  l'observation  quelle  rend  misérable.  Voici  le  raisonnement  qu'ils 
attribuent  au  dominateur  essentiellement  et  infiniment  juste  :  En  créant  un  être 
libre,  je  lui  ai  donné  des  préceptes;  je  lui  ai  ordonné  de  les  observer,  en  n'épar- 
çnant  ni  efforts  ni  travaux;  je  lui  ai  défendu  de  les  violer,  quelque  satisfaction, 
quelque  avantage  qu'il  pût  y  trouver;  et  celui  qui  m'aura  obéi  aura,  pour  tout  prix 
de  ses  sacrifices,  les  peines  qu'elles  lui  auront  causées;  celui  au  contraire  qui  m'aura 
désobéi  aura ,  pour  unique  punition ,  la  jouissance  des  plaisirs  qu'il  se  sera  procure's. 
Malheur  aux  observateurs  du  commandement,  bonheur  aux  infractaires  ;  sage  celui 
qui  se  rend  heureux  aux  dcpenls  de  ses  semblables  ,  insensé  celui  qui  fait  Je  bon- 
iieur  public  par  ses  privations.  Voilà  le  système  de  justice  divine  de  nos  adver- 
saires. 

Concluons  en  trois  mots.  Ou  le  précepte  divin  de  faire  le  bien  et  d'éviter  le  mal 
n'est  muni  d'aucune  sanction  ,  ou  il  a  sa  sanction  dans  la  vie  présente,  ou,  comme 
nous  le  soutenons,  sa  sanction  est  réservée  à  une  vie  future.  De  ces  trois  choses  la 
première  répugne  manifestement  aux  attributs  divins  ;  la  seconde  est  formellement 
démentie  par  une  expérience  constante  et  évidente;  reste  donc  la  troisième. 

J'oserai  donc  le  dire  à  ia  suite  des  docteurs  de  l'Eglise  :  S'il  n'y  a  pas  de  sanc- 
tion dans  une  autre  vie ,  il  n'y  a  pas  de  veHu  sur  la  terre  ,  il  n'y  a  pas  de  Dieu  dans 
'eciel.  C'est  bannir  la  vertu  que  de  lui  ôler  ses  motils  ;  c'est  anéantir  Dieu  que  de  le 
priver  de  ses  attributs.  (  M.  de  la  Luztrut^  Dissertation  sur  la  loi  naturelle,  cha- 
pitre 3.  ) 

«  Plus  je  rentre  en  moi ,  dit  Rousseau ,  plus  je  me  consulte ,  et  plus  je  lis  cts  mots 
gravés  dans  mon  âme  :  Sois  juste  et  tu  seras  heureux.  ïl  n'en  est  rien  pourtant  à 
eoiLsidérer  l'état  présent  des  choses.  Le  méchant  prospère  et  le  juste  reste  opprimé. 
Voyez  aussi  quelle  indignation  s'allume  eh  nous  quand  cette  attente  est  frustrée!. 
r.a  conscience  s'élève  et  murmure  contre  son  auteur;  elle  lui  crie  en  gémissant  : 
Tu  m'as  trompé.  Je  t'ai  trompé,  téméraire  ,  et  qui  îe  l'a  dit  ?  Ton  âme  est-elle 
aacanlie?  As-tu  cessé  d'exister?  OBrutus  !  ô  mon  fils!  ne  souille  point  ta  noble  vie" 


NOTES.  xm 

en  la  finiMant  ;  ne  laisse  fioint  ton  espoir  et  ta  gloire  aux  champs  de  Pliilippes. 
Pourquoi  dis-tu  :  sa  vertu  n'est  rien  ,  quand  tu  vas  jouir  du  prix  de  la  tienne;  'J'u 
vas  mourir,  penses-tu.  Non  tu  vas  vivre;  et  c'estalors  que  je  tiendrai  tout  ce  que  je 
t'ai  promis. 

M  Si  rame  est  immati^rielle,  elle  peut  survivre  au  corps  ;  et  sî  elle  lui  survit ,  la 
Providence  est  justifiée.  Quand  je  n'aurois  d'autres  preuves  de  l'immorlalilé  de  l'âme 
que  le  triomphe  du  méchant  et  l'oppression  du  juste  en  ce  monde  ,  cela  seul  m'em- 
pècheroit  d'en  douter.  Une  si  choquante  dissonance  dans  l'harmonie  universelle  me 
îeroit  chercher  à  la  résoudre.  Je  me  dirois  :  tout  ne  finit  pas  pour  nous  avec  la  vie, 
tout  rentre  dans  l'ordre  à  la  mort. 

»  Quand  l'union  du  corps  et  de  l'âme  est  rompue,  je  conçois  que  l'un  peut  se 
dissoudre  et  l'autre  se  conserver.  Pourquoi  la  destruction  de  l'un  cntraîneroit-ello 
la  destruction  de  l'autre  ?  Au  contraire,  étant  de  natures!  différente  ,  ils  etoicnt ,  par 
leur  union,  dans  un  ctat  violent;  et  quand  cette  union  cesse,  ils  rentrent  tous  deux 
dans  leur  état  naturel,  l^a  substance  active  regagne  toute  la  force  qu'elle  employoïtà 
mouvoir  la  substance  passive  et  morte.  Hélas  !  je  le  sens  trop  par  mes  vices  :  l'homme 
ne  vit  qu'à  moitié  durant  sa  vie;  et  la  vie  de  l'âme  ne  se  commence  qu'à  la  mort  du 
corps.  »  (Esprit  el  maximes  de  J.  J.  Runsseuii.) 

III.  Les  philosophes ,  ceux  même  qui  ont  osé  attaqtier  le  dogme  de  l'immortalité  de 
l'âme  ,  ont  été  forcés  d'avouer  qu'il  est  nécessaire  à  la  société.  Epicure  n'a  jamais  osé 
prétendre  que  sa  doctrine  pût  être  utile  à  la  société  ,  si  elle  dcvenoit  commune  ;  il  la 
donnoit  comme  un  mystère  desiiné  seulement  à  faire  la  félicité  d'un  philosophe: 
comme  si  un  philosophe  n'étoit  plus  un  homme! 

Pline ,  qui  ne  croyoit  ni  Dieu  ni  Providence  ,  a  cependant  reconnu  l'utilité  de  cette 
doctrine.  «  Il  est  avantageux  ,  dit-il  ,  que  l'on  croie  que  les  dieux  font  attention  aux 
«  choses  humaines  ;  que  si  les  malfaiteurs  tardent  si  souvent  à  être  punis  à  cause  de  la 
»  multitude  des  soins  dont  Dieu  est  occupé,  ils  n'échappent  jamais  au  châtiment; 
»  que  l'homme  n'a  point  été  créé  semblable  à  Dieu  pour  se  rapprocher  des  brutes  par 
»  ses  inclinations.  »  (  Hist.  nat. ,  1.  2,  c.  7.  ) 

Pomponace ,  qui  ne  s'est  rendu  que  trop  suspect  d'athéisme  ,  dit  que  ,  si  tous  les 
hommes  étoient  nés  avec  un  excellent  caractère  ,  la  beauté  de  la  vertu  et  ses  avantages 
suffiroitnt  pour  les  engager  tous  à  bien  faire  ;  mais  que  .,  comme  le  très-grand  nombre 
a  de  mauvaises  inclinations ,  il  a  fallu ,  pour  le  bien  commun  ,  imaginer  lei  peines  et 
les  récompenses  de  l'autre  vie,  parce  que  cette  croyance  peut  être  utile  à  tous  les 
hommes.  (  De  immortalilate  animœ ,  p.  ia3.  "Voyez  i."  Dissertation  tirée  de 
Warburlhon ,  p.  53 ,  Sy.  ) 

Spinosa  parle  de  même.  «  Si  tous  les  hommes,  dit-il ,  dloient  d'un  tempérament 
j»  à  ne  rien  souhaiter  que  de  raisonnable  ,  il  est  certain  que  ,  pour  vivre  ensemble ,  ils 
»  n'auroient  pas  besoin  de  lois;  il  suffiroit  de  les  instruire  d'une  bonne  morale... 
»  Mais  la  nature  humaine  est  bien  éloignée  de  cette  modération  ;  tous  courent  à  leur 
t>  intérêt,...  et  vont  aveuglément  où  leur  appétit  les  entraîne.  De  là  vient  que  I  auto- 
m  rite  et  la  violence  sont  le  maintien  des  sociétés  ,  et  qu'il  y  faut  absolument  des  lois 
»  qui  tiennent  en  bride  la  licence  effrénée  des  hommes  et  répriment  leur  insolence.  » 
Après  avoir  remarqué  que  la  crainte  est  un  état  violent  et  un  joug  que  les  hommes  sont 
toujours  tentés  de  secouer  ,  il  ajoute  :  «  Voilà  la  raison  qui  obligea  Moïse  divinement 
»  inspiré,  à  introduire  dans  sa  république  la  religion,  afin  que  le  peuple  fil  son 
»  devoir  plus  par  dévotion  que  par  crainte.  »  Enfin  il  dit  que  celui  qui  n'a  aucune 
idée  de  Dieu ,  ni  par  l'histoire  de  la  révélation  ,  ni  par  la  lumière  naturelle ,  s'il  n  est 
impie  et  réfractai re,  est  un  brutal  qui  n'a  que  le  nom  d'homme,  et  que  Dieu  n  a 
doué  d'aucune  bonne  qualité.  (Trait.  théoL  polit.  ,c.  5,  traduction,  page  i34, 

ï37.i44-) 

Bayle,  quia  employé  toutes  les  subtilités  possibles  pour  prouver  qu  une  société 
d'athées  pourroit  subsister,  rend  quelquefois  hommage  aux  effets  salutaires  de  la 
religion  ,  et  en  avoue  la  nécessité.  «  On  a  reconnu  de  tout  temps ,  dit-il ,  que  la  re- 
»  ligiun  étoit  un  des  liens  de  la  société,  et  que  les  sujets  n'étoient  jamais  m»e<ix  rete- 
»  niudans  l'obéissance  que  lorsqu'on  savoit  à  propos  faire  intervenir  le  ministère  d«» 


XIV  NOTES. 

V  dieux....  N'en  dëplaise  à  Cardan,  une  sociëtd  d'athëeâ,  incapable  qu'elle  «croit 
»  de  se  servir  des  motifs  de  la  religion  pour  se  donner  du  courage,  seroit  bien  plus 
i>  facile  à  dissiper  qu'une  société  de  sens  qui  servent  les  dieux;  et,  quoiqu'ilait  quelque 
»  raison  de  dire  que  la  croyance  de  l'immortalité  de  l'âme  a  causé  de  grands  désordres 
t>  dans  le  monde  par  les  guerres  de  religion  qu'elle  a  excitées  de  tout  temps,  il  est 
M  faux  ,  même  à  ne  regarder  les  choses  que  par  des  vues  de  politique ,  qu'elle  ait  ap- 
»  porté  plus  de  mal  que  de  bien ,  comme  il  voudroit  le  faire  accroire.  >»  (  Pensées  sur 
fcf  tvi/nrte  ,  §  io8  et  1 3i .  ) 

Bayle  cite  le  traité  dans  lequel  Plutarque  a  démontré  aux  épicuriens  que  la  doc- 
trine, qui  rejette  la  providence  de  Dieu  et  l'immortalité  de  l'âme,  ôte  à  l'homme  une 
infinité  de  consolations  pendant  sa  vie,  et  le  réduit  au  désespoir  quand  il  faut  mourir  ; 
et  il  avoue  que  Plutarque  a  prouvé  ce  point  très-solidement.  (  Dict.  crit.  Epi- 
cure.  R.  ) 

Il  le  confirme  ailleurs  par  l'exemple  de  Brutus  qui  termina  sa  vie  en  injuriant  la 
vertu  et  en  se  repentant  de  l'avoir  pratiquée.  Ce  Romain ,  dit-il ,  n'avoit  pas  tout  le 
tort  que  l'on  s'imagine.  «Si  l'on  ne  joignoit  pas  à  l'exercice  de  la  vertu  ces  biens  à 
»  venir  que  l'Ecriture  promet  aux  fidèles ,  on  pourroit  mettre  la  vertu  et  l'innocence 
»  au  nombre  des  choses  sur  lesquelles  Salomon  a  prononcé  son  arrêt  définitif:  Vanité 
»  des  vanités ,  et  tout  est  vanité.  S'appuyer  sur  son  innocence  seroit  s  appuyer  sur 
»  le  roseau  cassé  qui  perce  la  main  de  celui  qui  veut  s'en  servir.  »  (  Dict.  crit. ,  Brutus 
Marc.  Jun.  CD.) 

En  parlant  des  saducéens,  il  observe  qu'en  ruinant  le  dogme  de  l'immortalité  de 
l'âme  on  ôte  à  la  religion  toute  sa  force,  par  rapport  à  la  pratique  de  la  vertu;  il  le 
prouve  par  deux  remarques  :  «  L'une  ,  qu'il  n'est  presque  pas  possible  de  persuader 
»  aux  gens  qu'ils  prospéreront  sur  la  terre  en  vivant  bien  ,  et  qu'ils  seront  accablés  de 
>>  la  mauvaise  fortune  en  vivant  mal  ;  parce  que  l'expérience  paroît  contraire  :  l'autre , 
»  que  les  orthodoxes  peuvent  se  flatter  de  cette  espérance  tout  comme  les  saducéens,  et 
»  qu'ayant  de  plus  la  ressource  de  l'éternité  ils  seront  plus  en  état  de  faire  influer  la 
»  religion  sur  leur  morale  pratique.»  (JJict.crit.,  saducéens.  £.  Con/«/i.  des  pens. 
rf/V.  ,^i5î.  ) 

Bolingbroke  avoue  que  la  doctrine  des  récompenses  et  des  peines  futures  est  propre 
à  donner  de  la  force  aux  lois  civiles,  et  à  réprimer  les  vices  des  particuliers.  La  rai- 
son ,  dit-il ,  qui  ne  peut  pas  l'admettre  sur  les  principes  de  la  théologie  naturelle ,  ne 
doit  pas  la  rejeter  dans  les  principes  de  la  bonne  politique.  (  Œuvres ,  tom.  V ,  page 
322-489.  )  «  L'utilité  de  maintenir  la  religion  ,  et  le  danger  de  la  négliger  ,  ont  été 
»  extrêmement  visibles  dans  toute  la  durée  du  gouvernement  romain....  Quoique  la 
»  religion  établie  par  Nu  ma  fût  absurde,  cependant  la  crainte  du  pouvoir  suprême  , 
»  la  croyance  d'une  Providence  qui  régloit  toutes  choses ,  produisirent  les  merveil- 
»  leux  effets  que  Polybe  ,  Cicéron  ,  Plutarque  et  Machiavel  leur  attribuent. . .  L'ou- 
»  bli  et  le  mépris  de  la  religion  furent  la  cause  principale  des  maux  que  Rome  éprouva 
»  dans  la  suite  :  la  religion«t  l'état  déchurent  dans  la  même  proportion.  »  (Tome  IV , 
p.  328.  ) 

Shaftsbury,  après  avoir'  soutenu  que ,  sans  la  croyance  d'un  Dieu ,  l'homme  peut 
sentir  les  avantages  de  la  vertu  et  en  avoir  une  haute  idée ,  ajoute  :  «  Néanmoins  il 
»  faut  avouer  que  la  pente  naturelle  de  l'athéisme  est  très-différente  ;  il  tend  à  re- 
I»  trancher  toute  affection  à  ce  qu'il  y  a  de  plus  aimable  et  de  plus  digne  de  l'bommc. 
»  Peut-on  être  porté  à  aimer  ou  à  admirer  quelque  chose,  comme  ayant  rapport  à 
»  l'ordre  de  l'univers,  quand  on  regarde  l'univers  comme  un  chaos  de  désordre?.... 
»  Rien  n'est  plus  capable  d'exciter  à  la  vertu  et  de  détourner  du  vice  que  la  présence 
»  d  un  Etre  suprême  ,  témoin  et  juge  de  ce  qui  se  passe  dans  l'univers  ;  et  c'est  un 
»•  grand  défaut  dans  l'athéisme  de  retrancher  ce  motif...  Croire  que  les  mauvaises  ac- 
>»  tiens  ,  auxquelles  nous  sommes  entraînés  par  des  passions  violentes  ,  sont  punies 
»  par  la  justice  divine  ,  est  le  meilleur  remède  contre  le  vice  et  le  plus  grand  encou- 
j>  rarement  à  }a  vertu.  »  (  Recherches  sur  te  mérite  de  la  vertu,  1. 1 ,  3.  Part. ,  §  3.  ) 

David  Hume  s'est  expliqué  d'une  manière  encore  plus  forte.  «  Ceux  qui  s'effor- 
•»  cent ,  dit-il ,  de  désabtaer  le  genre  humain  de  ces  sortes  de  préjugés  (  de  religion  ), 


NOTES.  XV 

11  eunl  iicnt-rlic  de  bons  raisonneurs  ;  mais  je  ne  saiirois  les  rcronnoîlre  pour  lions 
>•  cituyciisni  pour  bons  pol il iqiies,  puisqu'ils  afTranrliissenl  les  liomnics  «l'un  des 
»  freins  de  leurs  passions,  et  qu'ils  rendent  Pinlradion  des  loisde  l'rquité  cl  de  la 
»  soti<-te,  et  plus  aisi-c  ,  et  plus  sûre  à  cet  égard.  »  (^JLssai,  Œuvres,  tonielli. 

L'auteur  de  la  Lettrede  Thrasibule  à  Leudppe  soutient,  dans  un  endroit,  que  l'o- 
pinion de  l'existence  de  Dieu  ne  sert  de  rien  pour  rendre  les  hommes  meilleurs; 
mais  dans  la  suite  il  se  rétracte  et  convient  que  les  Cctions  de  la  vie  à  venir  sont  très- 
avantageuses  au  genre  humain.  «  Le  commun  des  hommes,  dit-il,  est  trop  corrompu 
»  et  trop  insensé  pour  n'avoir  pas  besoin  d'être  conduit  à  la  pratique  des  actions  ver- 
•>  tueuses,  c'esl-à-dirc  à  la  société,  par  l'espoir  de  la  récompense,  et  détourné  des  ac- 
»  tions  criminelles  par  ia  crainte  des  châtiments.  C'est  là  ce  qui  a  donné  naissance 
B  aux  lois;  mais,  comme  ces  lois  ne  punissent  ni  ne  récompensent  les  actions  secrètes, 
»  et  que  dans  les  sociétés  les  mieux  réglées  les  coupables  puissants  et  accrédites  trou- 
»  vent  le  secret  de  les  éluder ,  il  a  fallu  imaginer  un  tribunal  plus  redoutable  que 
i>  celui  du  magistrat.  On  a  supposé  qu'à  la  mort  nous  entrions  dans  une  nouvelle 
»  vie,  etc....  Cette  opinion  ,  sans  doute  ,  est  le  plus  ferme  fondement  des  sociétés  ; 
w  c'est  elle  qui  porte  les  hommes  à  la  vertu  et  les  détourne  du  crime,  u  (Lettre  de 
Thrasibule ,  p.  169  et  282.  )  Toland,  àziisse.%  Lettres  philosophiques  dit  la  même 
chose.  (^Seconde  lettre,  §  i3,  p.  80.  ) 

DaQs\ts  ]S^ou{/elles  libertés  de  penser  (^^.  i5oet  i5i),  un  philosophe,  aprèsavoir 
attaqué  l'existence  de  l'âme  et  l'existence  de  Dieu  ,  soutient  que  la  morale  n'est  fon- 
dée que  stir  l'amour-propre,  et  finit  par  ces  mots  :  «  Ce  n  est  pas  que  cette  morale  ne 
»  fût  dangereuse  en  général  ;  elle  n'est  bonne  à  prêcher  qu'aux  honnêtes  gens  ,  et  le 
»  peuple  neseroitpas  arrêté  par  ce  sentiment  dclicat  de  l'amour-propre:  mais  est-ce 
»  la  faute  de  la  morale?»  Et  quelle  morale  plus  fautive  que  celle  qui  ne  convient 
pas  au  peuple  et  qui  est  dangereuse  en  général? 

L'auteur  du  Système  de  la  Nature  observe  que,  «  dans  une  société  nombreuse  , 
»  fixée  et  civilisée,  les  besoins  venant  à  sii  multiplier  et  les  intérêts  à  se  croiser.  Von 
»  est  obligé  de  recourir  à  des  gouvernements  ,  à  des  lois  ,  à  des  cultes  publics ,  à  des 
»  systèmes  uniformes  de  religion,  pour  maintenir  la  concorde;...  qu'ainsi  peu  à  peu 
»  la  morale  et  la  politique  se  trouvent  liées  au  système  religieux.  »  (  Sjst.  de  la 
Nat.,  t.  IL,  ch.  i3,  pag.  Syy-Syg.  ) 

On  demandera  peut-être  comment ,  après  de  pareils  aveux  ,  de  prétendus  zélaleiirs 
des  intérêts  de  l'humanité  osent  écrire  contre  la  croyance  d'une  autre  vie.  Ce  n  est 
point  à  nous  de  répondre  ;  c'est  aux  lecteurs  judicieux  de  leur  rendre  la  justice  qui 
leur  est  due.  Extrait  du  Traité  de  la  Religion ,  tom.  l,p.  aag,  édition  de  Besançon, 
1820.  V.  l'art.  Athéisme. 

NOTE  VL  —  AMÉRICAINS. 

(Page  98.) 

Les  incrédules  prétendent  que  l'Amérique  n'a  pu  être  peuplée  par  les  descendants 
deNoë. 

«  M.  de  Guignes  ,  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions ,  etc. ,  a  solidement 
répondu  à  cette  obiection  .  dans  une  dissertation  qui  a  pour  titre  :  Recherches  sur 
ks  navigations  des  Chinois  du  côté  de  l'Amérique.  Cet  illustre  savant  qui ,  par 
son  érudition  dans  les  langues  orientales,  a  si  fort  étendu  nos  connoissances  his- 
toriques ,  a  indiqué  dans  cet  ouvrage  plusieurs  manières  dont  l'Amérique  a  pu  être 
peuplée  par  les  nations  de  notre  continent  ;  et  il  en  a  si  bien  prouvé  la  possibilité, 
et  même  pour  quelques-unes  la  facilité,  qu'il  ne  doit  rester  aucune  difficulté  sur 
ce  sujet  pour  ceux  qui  cherchent  la  vérité  de  bonne  foi.  Nous  ajouterons  à  ces 
preuves  ,  déjà  si  solides  ,  une  observation  qui  leur  donne  une  nouvelle  force ,  et  qui 
n'a  pu  être  connue  de  cet  habile  académicien,  parce  qu'elle  n'avoit  pas  encore  été? 
faîte  lorsqu'il  écrivoit.  Kracheninnikotv  a  démontré  que  le  continent  de  l'Arr,é- 


XVI  NOTES. 

rique  teno'it  autrefois  à  l'Asie  par  le  Kamtschatka.  Voici  U  note  que  Téditeur  fait     j 
•ur  ces  paroles  de  son  discours  préliminaire.  ^ 

«  Suivant  le  récit  de  ce  savant  étranger  ,  le  continent  de  rAménque  s  étend  du 
»  sud-ouest  au  nord-cit ,  presque  partout  à  une  égale  distance  des  côtes  du 
i>  Kamtschatta  ,  et  les  deux  rôles  semblent  parallèles  ,  surtout  depuis  la  pointe  do* 
»  Kovmles  ,  jusqu'au  cap  de  Tchoukotsa.  11  n'y  a  que  deux  degrés  et  demi  entre  c« 
»  dernier  cap  et  le  rivage  de  l'Amérique  correspondant.  On  voit,  par  l'aspect  des 
w  côtes ,  qu'elles  ont  été  séparées  avec  violence  ,  et  les  îles  qui  sont  entre  deux 
M  forment  une  espèce  de  chaîne  comme  les  Maldives.  Les  habitants  de  l'Amérique 
»  correspondant  à  l'extrémité  orientale  de  l'Asie  «ont  de  petite  taille,  basanés  et 
i>  peu  barbus,  comme  les  Kamtschadales  ,  etc.  Voyet  les  preuves  de  cette  opinion 
M  dans  l'ouvrage  même  de  Krachcninnlkow ,  traduit  au  second  volume  in-4.«  du 
»  voyage  en  Sibérie  de  l'abbc  Chappe.  Ces  preuves  sont  trop  fortes  pour  ne  servir 
»  qu'à  l'appui  d'un  système. 

»  Loî  lions ,  les  tigres,  et  les  autres  bêtes  sauvages  que  les  Espagnols  ont  trouvées 
dans  le  continent  de  l'Amérique ,  sont  encore  une  preuve  qu'il  étoit  anciennement 
contigu  au  nôtre;  car  ils  n'ont  trouvé  aucun  de  ces  animaux  dans  aucune  île  éloignée 
de  la  terre  feme. 

»  Un  savant  russe  ,  professeur  de  l'académie  de  Pétersbourg  ,  nommé  M.  Krache- 
ninnikow^,  profitant  des  connoissances  qu'il  a  acquises  par  un  lon^  séjour  dans  le 
Kamtschatka,  Histoire  du  Kamtschatka ,  tom.  I,  pag.  898,  et  des  observations 
de  M.  Steller  qui  y  a  aussi  demeure  plusieurs  années  ,  estime  que  cette  presqu'île  de 
l'Asie  étolt  autrefois  contiguë  à  l'Amérique ,  d'où  elle  a  étti  séparée  par  quelque 
grand  tremblement  de  terre.  Voici  les  preuves  qu'il  en  apporte  :        •<» 

»  i.oLe  continent  de  l'Amérique  s'étend  du  sud-ouest  au  nord-est  presque  par- 
tout à  une  égale  distance  des  côtes  du  Kamtschatka  ,  et  les  deux  côtes  semblent  pa- 
rallèles ,  surtout  depuis  la  pointe  des  Kowriles  jusqu'au  cap  Tchoukotsa. 

»  a.»  On  voit  par  l'aspect  des  côtes  qu'elles  ont  été  séparées  avec  violence,  et  les 
îles  qui  sont  entre  deux  forment  une  espèce  de  chaîne  comme  les  Maldives.  Les 
ticmblemenls  de  terre  sont  très-fréquents  dans  le  Kamtschatka. 

»  3.0  Quantité  de  caps  s'avancent  dans  la  mer  jusqu'à  l'espace  de  quinze  lieues. 
»  4'°  1-cs  habitants  de  l'Amérique  correspondant  à  l'extrémité  orientale  de  l'Asie , 
mû  est  vis-à-vis  le  Kamtschatka ,  ressemblent  aux  Kamtschadales.  Ils  sont  épais , 
trapus  et  robustes  ;  ils  ont  les  épaules  larges  ;  leur  taille  est  moyenne  ;  leurs  che- 
veux sont  noirs  et  pendants ,  ils  les  portent  épars  ;  leur  visage  est  i)Iat  et  basané  ; 
leurs  nez  sont  écrasés  sans  être  fort  larges  ;  ils  ont  les  yeux  noirs  comme  du  char* 
bon  ,  les  lèvres  épaisses  ,  peu  de  barbe  et  le  cou  court.  Ils  se  nourrissent  de  poissons  , 
de  betes  marines  et  d'herbe  douce  ,  qu'ils  apprêtent  comme  les  Kamtschadales.... 
Ds  regardent  comme  un  ornement  particulier  de  se  faire  des  trous  dans  les  joues  et 
d'y  mettre  des  pierres  de  différentes  couleurs  ou  des  morceaux  d'Ivoire.  Quelques- 
uns  se  mettent  dans  les  narines  des  crayons  d'ardoise  de  la  longueur  d'environ 
deux  verchoks  ;  quelques  autres  portent  des  os  d'une  égale  grandeur  sous  la  lèvre 
inférieure  ;  il  y  en  a  qui  en  portent  de  semblables  sur  leur  front  ;  les  naturels  des  îles 
qui  sont  aux  environs  du  cap  Tchoukotsa ,  et  qui  ont  communication  avec  les 
Tchouktchi,  sont  vraisemblablement  de  la  même  origine  que  ces  peuples  de  l'A- 
mérique, puisqu'ils  regardent  aussi  comme  un  ornement  de  se  mettre  des  os  au 
visage. 

»  5.»  Les  Américains  et  les  KamtscliadaJes  ont  les  mêmes  traits  de  visage. 
»  6.0  Ils  gardent  et  préparent  l'herbe  douce  de  la  même  manière ,  ce  que  1  on 
n^a  jamais  remarqué  ailleurs. 

»  7.0  Ils  se  servent  les  uns  et  les  autres  du  même  instrument  de  bois  pour  alln-> 
mer  du  feu. 

»  8.»  Leurs  îiaches  sont  de  cailloux  ou  d'os  ;  ce  qui  fait  croire  avec  juste  raison 
à  M.  Steller  que  les  Américains  ont  eu  autrefois  communication  avec  les  Kamt- 
schadales. 

»  9.0  Leurs  habitt  et  \txai  chapeaux  «ont  fait^  comme  ceiu  des  Kamtscbada 


NOTES.  xvti 

u  10.»  Ils  teifjncnl ,  denicnie  que  lesKaintscliadalcs ,  leur  jieau  avec  Je  l'i-corn: 
tVauiie. 

»  Toutes  CCS  preuves  réunies  semblenl  ne  pas  laisser  lieu  de  douter  que  le  Kamt- 
xlialka  n'ait  elc  aiicienneinciit  cor.ligu  à  l'Amérique,  et  que  les  Américains  qui 
.sont  vis-à-vis  le  Kamtscliatka  ne  soient  une  colonie  de  Kamtschadales  ,  en  svipposaiit 
même  que  le  continent  de  l'Amérique  n'ait  jamais  été  joint  à  celui  de  l'Asie.  Ces 
deux  parties  du  monde  sont  si  voisines,  que  personne  ne  disconviendra  qu'il  ne  soit 
très-possible  que  les  habitants  de  l'Asie  soient  passes  en  Amérique  pour  s'y  établir; 
ce  qui  est  d'autant  plus  vraisemblable  que,  dans  l'espace  peu  tilendu  qui  sépare  ces 
lieux  continents  ,  il  se  trouve  une  asseï  grande  quantité  d'îles  qui  ont  pu  favoriser 
celte  transmigration. 

»  Plusieurs  parties  de  l'Europe  ont  éprouvé  des  révolutions  semblables  à  celle  du 
Kamtscliatka.  La  Sicile  a  été  séparée  de  l'Italie,  l'Espagne  de  l'Afrique,  la  Grande- 
IJretagne  de  la  France ,  l'île  de  Finlande  du  Groenland.  x 

»  On  a  mis  avec  raison  les  tempêtes  au  nombre  des  moyens  par  lesquels  le  Nou- 
veau Monde  a  pu  se  peupler.  11  faut  ajouter  que  ce  ne  sont  pas  seulement  les  vais- 
seaux qui  peuvent  être  jetés  par  les  vents  ,  des  côtes  d'Afrique  jusqu'en  Amérique, 
comme  l'éprouva  la  flotte  de  Cabrai ,  mais  encore  de  simples  barques ,  ainsi  qu'il 
arriva  à  celle  dont  le  père  Gumilla  raconte  l'histoire. 

»  M'étant  trouvé  en  iy3i  (Histoire  de  l'Orenoque,  i  ,  1 1  ,  c.  3i .)  ,  au  mois  de 
»  décembre,  dans  la  ville  de  Saint-Joseph  de  Oruna,  capitale  du  gouvernement  de 
»  la  Trinité  de  Bar/own/o,  située  à  douze  lieues  de  l'embouchure  de  l'Orénoque  , 
»  j'appris  des  habitants  qu'il  étoit  arrivé  dans  leur  port  un  bateau  deTénériffe  chargé 
:»  de  vin ,  lequel  étoit  conduit  par  cinq  ou  six  hommes  maigres  et  décharnés ,  les- 
»  quels  ayant  fait  provision  de  pain  et  de  viande  pour  quatre  jours ,  passoient  de 
•»  Ténériife  dans  une  autre  île  des  Canaries.  La  tempête  les  ayant  surpris ,  ils  furent 
1»  obligés  de  s'abandonner  à  la  fureur  des  vents  et  des  flots  pendant  plusieurs  jours  ; 
»  de  sorte  qu  ayant  consommé  le  peu  de  vivres  qu'ils  avoient  pris ,.  ils  se  virent  ré- 
»  duîts  à  boire  du  vin  pour  toute  ressource.  Ils  attendoient  la  mort  à  tout  moment , 
Il  lorsque  par  une  grâce  spéciale  du  Ciel ,  il»  découvrirent  l'île  de  la  Trinité t  qui  est 
»  vis-à-vis  de  VOre'noque  :  ils  rendirent  grâces  à  Dieu  de  ce  succès  inespéré.  Us  arri- 
11  vèrent  et  prirent  fond  dans  le  port  d'Espagne ,  au  grand  étonnement  de  la  garnison 
n  et  des  habitants ,  qui  accoururent  tous  pour  être  témoins  de  ce  prodige. 

u  Que  ce  passage  ait  été  occasionné  par  le  hasard  plutôt  que  par  la  volonté  de  ces 
»  pauvres  insulaires  ,  je  n'en  veux  d'autres  preuves  que  leur  déclaration,  l'état  ml- 
»  sérable  où.  ils  étoient  réduits ,  et  le  passe-port  de  la  douane  de  Ténériffe ,  qui  mar- 
)i  quoit  leur  destination  pour  l'île  de  Palme  ou  celle  de  Gomere  qui  appartient  aux 
Il  Canaries.  Ce  fait  ainsi  attesté  ,  qui  pourra  nier  que  ce  qui  s'est  passé  de  nos  jours 
•I  ne  puisse  être  arrivé  dans  les  siècles  passés,  vu  que  ces  faits  sont  attestés  par  des  aii- 
)•  tcurs  classiques?  »  Bullet,  Réponses  critiques,  t.  II ,  édit.  de  Besançon,  1819. 

NOTE  VII.  —  ANGE. 

(Page  121.) 

Cdtoît  un  des  points  de  la  doctrine  ancienne,  que  Dieu  gouvernoit  le  monde  , 
même  matériel ,  par  le  ministère  des  esprits',  à  chacun  desquels  il  lui  avoit  plu  d'at-' 
tribuer  certaines  fonctions.  Il  se  servoit  des  bons  pour  maintenir  l'ordre  général, 
pour  veiller  aux  empires  ,  protéger  les  hommes  et  répandre  sur  eux  ses  bienfaits  :  «l 

fiermettoi  taux  mauvais  de  les  éprouver ,  comme  on  le  volt  dans  l'histoire  de  Job  ,  ou 
es  chargeoit  d'exécuter  les  arrêts  de  sa  justice.  Partout  l'Ecriture  rappelle  ce  mer- 
veilleux ministère  des  anges  ,  et ,  à  quelque  époque  qu'on  veuille  remonter  ,  on  ne 
trouvera  point  sur  la  terre  de  tradition  plus  constante.  L'Evangile  nous  montre  Jc- 
»is-Chrlst  lui-même  tente  par  Satan  ,  et  guérissant  des  hommes  soumis  à  la  puissance 
<lc6  esprits  de  malice.  U  nous  enseigne  que  les  petits  enfants,  tendre  objet  des  soins 
d'une  providence  maternelle  ,  ont  des  anges  préposés  à  leur  garde  ,  Malth. ,  c.  28 , 
1.  b 


xviir  JNOTES. 

^.  10  ;  tant  est  grand  le  prix  Je  noire  âme  aux  yeux  de  Dieu  !  Tous  les  esprits  cè~ 
lesles  sont  ses  ministres,  selon  saint  Paul,  elilles  envoie  pournous  aider  à  recneiUii' 
l'héritage  du  salut,  Heb. ,  c.  i ,  ^.  i4;  pournous  défendre  contre  celui  qui  a  e'Ii 
homicide  dès  le  commencement ,  Joan. ,  c.  8 ,  ^.  44  »  ^"^  9"'  tourne  sans  cesse  autour 
de  nous  comme  un  lion  pour  nous  dévorer,  1.  Ep.  Petr. ,  c.  5,  > .  8  ;  nous  n'avons 
pas  à  lutter  seulement  contre  la  chair  el  le  sang,  mais  contre  les  principautés  et  les 
puissances  ,  contre  ceux  qui  ont  pouvoir  dans  ce  monde  de  ténèbres,  contre  les 
esprits  méchants  répandus  dans  Pair.  Ephes. ,  c.  6  ,  y'.  12. 

Dépositaires  fidèles  de  l'antique  tradition  confirmée  par  l'enseignement  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres  ,  les  saints  Pères,  d'une  voix  unanime,  nous  apprennent  que  la 
providence  du  Très-Haut  s'étend  à  tout  ce  qui  existe  ,  et  qu'il  se  sert,  pour  l'exécu- 
tion de  ses/desseins,  du  ministère  des  anges.  Ilsgouvernent  l'univers  et  le  conservent, 
lis  président  à  toutes  les  choses  visibles ,  aux  astres  du  ciel ,  à  la  terre  et  à  ses  produc- 
tions, au  feu  ,  aux  vents  ,  à  la  mer,  aux  fleuves ,  aux  fontaines ,  aux  êtres  vivants.  Ils 
présentent  à  Dieu  les  prières  des  hommes  ;  associés  à  sa  vaste  administration,  ils  ne 
dédaignent  aucune  des  fonctions  que  le  Tout-Puissant  leur  confie  ,  et  chacun  d'eux 
se  renferme  dans  l'emploi  qui  lui  est  prescrit.  Ainsi  parlent  saint  Justin,  Athéna- 
gore,  Théodoret,  Clément  d'Alexandrie,  saint  Grégoire  de  Nazianze,  Origéne  , 
Ëusèbetle  Césarée  ,  saint  Jérôme,  saint  Augustin  ,  saint  Hilaire  ,  saint  Ambroise  , 
saint  Jean-Chrysostôme,  saint  Cyrille  et  saint  Thomas. 

Ecoutons  maintenant  Bossuet  expliquant  la  même  doctrine  :  «  Nous  voyons  avant 
»  toutes  choses,  dans  ce  livre  divin  (  V Apocalypse  )  ,  le  ministère  des  anges.  On  les 
>>  voit  aller  sans  cesse  du  ciel  à  la  terre ,  et  de  la  terre  au  ciel  ;  ils  portent  ,  ils  iuter- 
»  prêtent,  ils  exécutent  les  ordres  de  Dieu  ,  elles  ordres  pour  le  salut,  comme  les 
»  ordres  pour  le  châtiment....  Tout  cela  n'est  autre  chose  que  l'exécution  de  ce  qui 
»  est  dit,  que  les  anges  sont  esprits  administrateurs  envoyés  pour  le  ministère  de 
«  notre  salut.  Tous  les  anciens  ont  cru ,  dès  les  premiers  siècles  ,  que  les  anges  s'en- 
»  tremettoient  dans  toutes  les  actions  de  l'Eglise  ;  ils  ont  reconnu  un  ange  qui  in- 
»  tervenoit  dans  l'oblalion ,  et  la  porloit  sur  l'autel  sublime  de  Jésus-Christ;  un 
»  ange  qu'on  appeloit  Y  ange  de  l'oraison ,  qui  présentoit  à  Dieu  les  vœux  des  fidèles. 
»  (  'Tert. ,  de  Orat.  )  Les  anciens  étoient  si  touchés  de  ce  ministère  des  anges ,  qu'Ori- 
»  gène ,  rangé  avec  raison  au  nombre  des  théologiens  les  plus  sublimes  ,  invoque 
>)  publiquement  et  directement  l'ange  du  Baptême,  et  lui  recommande  un  vieillard 
»  qui  alloit  devenir  enfant  en  Jésus-Christ.  Il  ne  faut  point  hésiter  à  reconnoitre  saint 
>>  Michel  pour  défenseur  de  l'Eglise,  comme  il  l'étoit  de  l'ancien  peuple ,  après  le 
>>  témoignage  de  saint  Jean  (  Apocalypse ,  c.  12  )  ,  conforme  à  celui  de  Daniel, 
w  c.  10,  i3,  21  et22.  Les  protestants  qui,  par  une  grossière  imagination,  croient 
»  toujours  ctcrà  Dieu  tout  ce  qu'il  donne  à  ses  saints  et  à  ses  anges  dansrarcompiis- 
»  sèment  de  ses  oavrages,  veulent  que  saint  Michel  soit  dans  \.  Apocalypse  Jésus- 
«  Christ  même  le  prince  des  anges,  et  apparemment  dans  Daniel  le  Verbe  conçu 
>>  éternellement  dans  le  sein  de  Dieu  ;  mais  ne  prendront-ils  jamais  le  droit  esprit  de 
»  l'Ecriture?  Ne  voient-ils  pas  que  Daniel  nous  parle  du  prince  des  Grecs,  du 
»  prince  des  Perses,  c,  10,  c'est-à-dire,  sans  difficulté,  des  anges  qui  présidoient 
3>  par  l'ordre  de  Dieu  à  ces  nations  ,  et  que  saint  Michel  est  appelé  dans  le  même  sens 
»  le  prince  de  la  synagogue ,  ou  comme  l'archange  Gabriel  l'explique  à  Daniel  , 
»  ]\lichel  votre  prince ,  Ibid.  Et  ailleurs  plus  expressément  :  Michel  un  grand 
>.  prince  qui  est  établi  pour  les  enfants  de  votre  peuple.  Ibid. 

»  Quand  je  vols  dans  les  prophètes  et  l'Apocalypse ,  et  dans  l'Evangile  même  ,  cet 
I»  ange  des  Perses,  cet  ange  des  Grecs,  cet  ange  des  Juifs  ,  l'ange  des  petits  enfants  , 
w  qui  en  prend  la  défense  devant  Dieu  contre  ceux  qui  les  scandalisent,  l'ange  des 
»  eaux  ,  l'ange  du  feu  et  ainsi  des  autres  ;  et  quand  je  vois  parmi  tous  ces  anges  , 
«>  celui  qui  met  sur  l'autel  le  céleste  encens  des  prières,  jeconnois  dans  ces  paroles 
»  une  espèce  de  médiation  des  saints  anges,  je  vois  même  le  fondement  qui  a  pu 
u  donner  occasion  aux  païens  de  distribuer  leurs  divinités  dans  les  éléments  et  dans 
»>  les  royaumes  pour  y  présider  ;  car  toute  erreur  est  fondée  sur  quelques  vérités  dont 
"  on  abuse. 


WOTES.  xfK 

»  Je  VOIS  aussi  Jans  l'Apocalypse  ,  non-sculcmcnt  une  grande  {gloire,  mais  en- 
»  core  une  grande  puissance  dans  les  saints.  »  (  Préface  de  l'Apocalypse ,  c.  27.  ) 

1^'cxislence  des  bons  et  des  mauvais  esprits  qui  concourent,  quoique  d'une  manioie 
diflin-enlc  ,  à  l'exécution  des  desseins  de  Dieu,  et  sont  comme  les  instruments  de  la 
Providence  dans  le  gouvernement  de  l'univers,  même  matériel  (Cicer.,  de  uat. 
Deor.  ,  lib.  i  ,  c.  2  )  ;  l'immortalité  de  l'ame  et  l'clat  de  gloire  et  de  puissance  où 
les  justes  sont  c'Ievc's  après  cette  vie;  ces  croyances,  aussi  anciennes  que  ie  genre  hu- 
main, appartiennent  donc  à  la  tradition  universelle  ;  et  voilà  pourquoi  ,  consacrées 
par  le  christianisme  ,  elles  font  partie  de  la  doctrine  de  la  société  universelle  ou  ca- 
tholique. 

Un  homme  d'un  vaste  savoir  (Huet,  Aliiet.  quœst.,  lib.  2,  c.  i4),  a  prouvd 
qu'elles  se  trouvoicnt  chez  tous  les  peuples  de  la  terre;  que  les  Grecs  les  avoient 
reçues  Aa  Egyptiens  et  des  Phéniciens;  que  l'antiquité  entière  a  reconnu  l'exis- 
tence d'esprits  inférieurs  au  Dieu  suprême,  et  créés  pour  présider  .à  l'ordre  de  la  na- 
ture, aux  astres,  aux  éléments,  .\  la  génération  des  animaux.  Le  monde,  selon  Thaïes 
cl  Pythagore,  est  plein  de  ces  substances  spirituelles.  On  les  croyoit  répandues  dans 
leseicux  et  dans  l'air.  Elles  se  divisoient  en  deux  classes,  l'une  des  esprits  bons  , 
l'autre  des  esprits  mauvais,  inférieurs  aux  premiers.  Platon  parle  même  d'un  prince 
d'une'  nature  malfaisante  ,  préposé  à  ces  esprits  chassés  par  les  dieux  et  tombés  dit 
ciel ,  dit  Plutarque.  La  croyance  des  anges  gardiens  ou  des  génies  destinés  à  veiller 
sur  l'homme ,  depuis  sa  naissance  jusqu'à  sa  mort ,  n'étoit  ni  moins  ancienne,  i\\ 
moins  générale.  M.    delà  Mennais ,  Essai,  etc. ,  tom.  III,  c.  S^. 

NOTE  VIII.  — APOSTOLIQUE, 

(Page  182.) 

On  dislingue  deux  sortes  d'aposlolicité  immédiatement  essentielles,  et  formanl 
comme  deux  parties  intégrantes  de  l'apostolicité  de  l'Eglise;  savoir,  celle  de  la 
iloctrinc  et  celle  du  ministère.  Les  hérétiques  et  les.  schismatiques  qui  prétendent 
avoir  conservé  tous  les  dogmes  de  la  foi  ,  conviennent  sans  peine  que  l'apostolicité 
de  la  doctrine  est  une  qualité  essentielle  à  l'Eglise,  et  l'un  des  caractères  qui  la  dis- 
tÎDguent  des  sociétés  qui  se  sont  séparées  d'elle. 

Mais  si  l'apostolicité  de  la  doctrine  est  nécessaire  à  la  vraie  société  des  fidèles, 
celle  du  ministère  ne  lui  est  pas  moins  essentielle.  En  effet,  le  légitime  ministère  est 
Intimement  uni  à  la  saine  doctrine,  puisque  c'est  par  le  ministère  que  la  doctrine 
est  répandue  et  assurée.  Si  le  canal  par  lequel  nous  sont  transmis  les  dogmes  sacrés 
pouvoit  être  interrompu,  comment  pourrions-nous  être  certains  qu'ils  découlent 
de  la  vraie  source?  On  marqueroit  dans  tous  les  temps  le  point  oii  la  communica- 
tion fut  interceptée.  Mais  Jésus-Christ,  voulant  que  les  vérités  saintes  qu'il  appor- 
loit  au  monde  ne  périssent  jamais,  les  a  confiées  à  un  ministère  impérissable  ,  à  un 
ministère  qui,  se  renouvelant  sans  cesse,  reste  toujours  le  même.  Ainsi  ce  dépôt 
sacré  ne  change  pas  de  main.  Comme  c'est  au  corps  entier  des  pasteurs  qu'il  a  été 
commis  ,  leur  succession  ne  le  déplace  pas;  au  contraire  cette  succession  non  inter- 
rompue forme  la  continuité  du  corps.  Chacun  de  ces  pasteurs  reçoit  à  la  fois,  et  de 
son  prédécesseur  ,  et  de  tous  ses  collègues,  la  tradition  précieuse  qu'il  transmet  con- 
jointement avec  eux  à  ses  successeurs.  C'est  une  chaîne  non  interrompue,  dont  le 
premier  anneau  remonte  à  Jésus-Christ,  et  qui  se  prolonge  dans  tous  les  siècles,  pour 
les  réunir  tous  dans  la  même  foi.  Ainsi  le  ministère  qui  s'exerce  dans  l'Eglise,  est 
le  même  que  les  apôtres  ont  reçu  fîe  Jésus-Christ ,  comme  la  doctrine  qui  s'y  prêche 
est  la  même  que  Jésus-Christ  a  enseignée  à  ses  apôtres.  L'apostolicité  du  ministère 
est  l'appui  et  le  garant  de  l'apostolicité  de  la  doctrine,  et  l'on  ne  peut  porter  at- 
teinte à  l'une  sans  ébranler  l'autre. 

On  distingue  deux  choses  dans  le  ministère  ecclésiastique  :  le  pouvoir  d'ordre  et 
le  pouvoir  de  jurid^iction.  Tous  les  deux  émanent  des  apôtres  qui  les  avoient  reçus 
•Je  Jésus-Christ.  C'est  dans  la  continuité  de  ces  deux  pouvoirs  ,  depuis  les  apôtres 


xx  NOÏES.^ 

(]ui  les  premiers  oi.l  exerce'  ce  ministère  sacré,  jusqu  ;tLix  cvéques  qui  j  exercent  au^ 
jourd'hui ,  que  consiste  l'apostolicilé  du  ministère.  Le  premier,  c'est-à-dire,  le  pou- 
voir d'ordre,  s'est  perpe'tué  sans  interruption  par  l'ordination  canonique.  Les  apô- 
tres ont  ordonne'  les  premiers  cvèques  ;  ceux-là  en  ont  consacré  d'autres  :  et  ainsi 
les  évêques  de  nos  jours  ont  reçu  le  même  caractère  épiscopal  qu'avoient  les  premiers 
successeurs  des  apôtres.  Si,  dans  le  cours  des  siècles,  il  s'est  rencontré  quelque 
homme  assez  téméraire  pour  entreprendre  de  faire  uue  ordination  d'éveques ,  sans 
avoir  reçu  lui-même  des  successeurs  des  apôtres  le  caractère  épiscopal ,  cette  ordi- 
nation a  été  non-seulement  illégitime,  mais  encore  invalide.  Un  tel  épiscopat, 
n'étant  pas  le  même  qu'avoient  les  apôtres,  n'est  pas  apostolique;  il  est  nul. 
Le  second  pouvoir,  qui  est  le  pouvoir  de  juridiction,  ayant  été  dès  l'origine 
de  l'Eglise  fixé  à  des  sièges  et  circonscrit  dans  des  territoires  ,  c'est  la  succession  con- 
tinue des  évêques  sur  ces  sièges  qui  forme  l'apostolicité  de  la  juridiction.  Chaquv,- 
successeur  a  reçu  la  juridiction  qu'avoit  son  prédécesseur,  et  cette  tradition  non 
interrompue  remonte  jusqu'aux  apôtres.  Les  érections  nouvelles  d'évêchés  ayant  été 
faites  par  l'autorité  des  successeurs  des  apôtres,  sont  de  même  dans  la  succession 
apostolique.  Les  uns  sont  établis  dans  les  régions  récemment  acquises  à  la  foi,  et 
sont  aussi  apostoliques  que  ceux  qu'établissoient  les  apôtres  à  mesure  qu'ils  éten- 
doient  leurs  prédications  :  ils  sont  fondés ,  comme  le»  premiers  ,  par  la  puissance 
apostolique.  Les  autres  sont  des  démembrements  d'évêcbés  que  l'on  juge  trop  éten- 
dus. Les  évêques  qu'on  y  installe  ,  succèdent  légitimement  en  cette  partie  à  ceux 
dont  on  a  démembré  le  territoire,  lesquels  les  reconnoissent  comme  leurs  succes- 
seurs. Tous  ces  établissements  récents  sont  denouveaux  rameaux,  mais  qui  sortent 
de  la  tige  sacrée,  et  qui  tirent  leur  substance  de  la  racine  apostolique.  Au  contraire, 
qu'un  évêque  prétende  se  faire  un  siège  à  lui-même,  ou  ce  qui  reN-ient  au  même, 
qu'une  puissance  qui  n'est  pas  celle  des  apôtres,  entreprenne  d'en  établir  un  ,  ce  ne 
sera  point  un  siège  apostolique ,  parce  qu'il  ne  sera  pas  dans  l'ordre  de  la  succes- 
sion. Celui  qu'on  y  aura  élevé  pourra  avoir  l'ordination  apostolique,  mais  il  n'aura 
pas  la  juridiction  apostolique  ;  il  n'exercera  donc  pas  un  ministère  apostolique. 

Ainsi  la  succession  des  évêques  sur  les  mêmes  sièges  ,  depuis  les  apôires  jusqu'à 
nous,  ne  constitue  pas  moins  l'apostolicité  du  ministère,  que  la  tradition  successive 
de  l'ordination.  L'apostolicité  du  ministère  a ,  comme  nous  l'avons  déjà  observé ,  un 
rapport  immédiat  et  nécessaire  à  l'apostolicité  de  la  doctrine.  C'est  pour  maintenir 
la  perpétuité  de  la  doctrine  qu'il  confioil  à  ses  apôtres,  que  Jésus-Christ  les  a  revêtus 
d'un  ministère  perpétuel  qui  devoit  se  continuer  après  eux  jusqu'à  la  consomma- 
tion des  siècles.  Or,  ce  n'est  pas  la  succession  de  l'ordination  ,  mais  la  succession  de 
la  juridiction  qui  transmet  la  doctrine.  En  vertu  de  l'ordination  les  évêques  portent 
au  ciel  les  vœux  des  peuples  ,  offrent  le  saint  sacrifice  ,  administrent  le  saint  Sacre- 
ment ;  mais  c'est  en  vertu  de  la  mission  et  de  la  juridiction  qu'ils  annoncent  les  vé- 
rités saintes ,  et  qu'ils  jugent  les  matières  de  foi  ;  en  un  mot ,  qu'ils  apprennent  aux 
peuples  chrétiens  ce  qu'ils  doivent  croire.  C'est  donc  la  succession  de  la  juridiction,  et 
non  celle  de  l'ordination,  qui  perpétue  la  doctrine.  Supposons  unc.^uile  d'éveques 
légitimement  ordonnés  ,  mais  n'ayant  point  de  sièges  qui  leur  donnent  la  juridic- 
tion ,  tels  à  peu  près  que  sont  parmi  nous  les  évêques  in  pariibits,  K'ayant  pas  le 
pouvoir  d'annoncer  la  doctrine ,  comment  pourront-ils  la  perpétuer  ?  Rcconnoissons 
donc  la  nécessité  d'une  succession  de  juridiction  dans  l'Eglise,  c'est-à-dire,  d'une 
continuité  d'éveques  se  renouvelant  sur  les  mêmes  sièges,  pour  transmettre  la 
doctrine  apostolique. 

Telle  a  été  en  effet  la  doctrine  des  Pères  de  l'Eglise  :  ils  regardent  comme  le  prin- 
cipal fondement  de  la  tradition  apostolique  la  succession  des  évêques.  Ce  seroit  un 
travail  trop  long  et  superflu  de  citer  tous  les  saints  docteurs  qui  ont  enseigné  cette 
vérité  fondamentale  ;  nous  nous  contenterons  de  rapporter  la  doctrine  des  premiers 
siècles  de  l'Eglise. 

L'autorité  de  saint  Irénce  est  du  plus  grand  poids,  par  sa  proximité  de  l'origine  d-e 
l'Eglise ,  par  ses  liaisons  intimes  avec  les  disciples  immédiats  des  apôtres  ,  par  l'objet 
même  de  son  grand  ouvrage    lequel  étant  la  réfutation  des  hércsies ,  l'avoit  mis  dans 


NOTES.  XXI 

le  cas  cVdludicr  plus  prolonddment  la  constitution  de  l'Eglise  et  ses  caractères.  Or 
il  est  impossible  d'établir  plus  positivement  qu'il  le  fait  le  principe  de  l'apostolicil^ 
du  ministère. 

w  La  connoissancc ,  dit-il,  de  la  doctrine  apostolique,  de  l'anliquilc  de  l'Eglise, 
»  du  caractère  du  corps  de  Je'sus-Christ ,  est  dans  la  succession  des  évoques,  à  qui 
»  les  apôtres  ,  dans  cbaque  pays  ,  l'ont  transmise  ,  et  qui  est  parvenue  sans  fiction 
»  jusqu'à  nous....  Où  sont  les  grâces  du  Seigneur,  c'est  là  qu'il  faut  apprendre  l.i 
«  vdritd ,  c'est-à-dire,  auprès  de  ceux  dans  qui  est  la  succession  ecclésiastique  des 

»  apôtres,  et  avec  elle  la  parole  saine,  irréprochable  et  incorruptible Par  cet 

»  ordre  et  cette  succession  ,  la  tradition  qui  est  dans  l'Eglise  depuis  les  apôtres  ,  et  la 
»  pre'conisation  de  la  vérité  arrive  jusqu'à  nous,  et  c'est  la  marque  certaine  que  noua 
»  avons  la  même  foi  vivificatrice ,  qui  s'est  conservée,  et  qui  a  été  véritablement  trans- 
»  mise  dans  les  Eglises  jusqu'à  présent....  Il  faut  écouler  ceux  des  éveques  qui  sont 
»  dans  l'Eglise ,  qui  ont,  comme  nous  l'avons  montré,  la  succession  depuis  les  apô- 
»  1res  ;  et  qui ,  avec  cette  succession  d'épiscopat ,  ont  reçu  certainement ,  selon  la 
»  volonté  divine  ,  la  grâce  delà  vérité.  Quant  aux  autres,  qui  se  séparent  delà  suc- 
»  cession  principale,  et  qui  amasient  en  quelque  lieu  que  ce  soit,  on  doit  les  tenir 
»  pour  suspects  ou  comme  hérétiques  et  de  doctrine  dépravée  ;  ou  comme  schisma- 
>>  tiques,  pleins  d'orgueil  et  de  complaisance  pour  eux-mêmes;  ou  comme  liypo- 
»  crites  ,  agissant  dans  la  vue  du  gain  et  de  la  vaine  gloire.  Tous  ceux-là  se  sont  écartés 
»  de  la  vérité....  La  tradition  des  apôtres  manifestée  dans  tout  le  monde  ,  est  facile 
i>  à  connoître  dans  toutes  les  Eglises  par  quiconque  a  le  désir  de  voir  la  vérité  ;  et 
»  nous  pouvons  compter  sur  ceux  qui  ont  été  institués,  par  les  apôtres,  éveques 
»  dans  les  Eglises ,  et  leurs  successeurs  jusqu'à  nous ,  qui  n'ont  rien  connu  ni  ensei- 
»  gné  de  ce  que  les  hérétiques  avancent  dans  leur  délire.  Mais  ,  comme  il  seroit  trop 
»  long  de  rapporter  dans  cet  ouvrage  toutes  les  successions  des  diverses  Eglises  , 
»  prenons  cette  grande,  antique,  renommée  Eglise  fondée  à  Rome  parles  glorieux 
fc  apôtres  Pierre  et  Paul.  En  montrant  la  tradition  qu'elle  tient  des  apôtres,  otla  foi 
»  annoncée  à  tous  les  hommes,  et  parvenue  jusqu'à  nous  par  la  succession  des  évê- 
»  ques,  nous  confondons  tous  ceux  qui ,  de  quelque  manière  que  ce  soit ,  ou  par  une 
»  complaisance  coupable  pour  eux-mêmes,  ou  par  une  vaine  gloire,  ou  par  aveu- 
»  glement  et  opinion  corrompue,  amassent  où  ils  ne  doivent  pas.  »  Le  saint  docteur 
reprend  ensuite  la  succession  des  éveques  de  Rome ,  depuis  saint  Pierre  jusqu  à  Eleu- 
thère  son  douzième  successeur,  qui  occupoit  alors  le  saint  siège.  (i5'.  Irœn.^  contrit 
Jiœres.,  lib.  3,  c.  3  ;  lib.  4>  c-  20,  26,  33.  ) 

TertuUien ,  postérieur  de  peu  de  temps  à  saint  Irénée  (dans  son  Traite  des  Pres- 
criptions ,  c.  ao,  21 ,  32,  36) ,  établit  la  même  doctrine  avec  son  énergie  ordinaire, 
n  Les  apôtres  fondèrent  dans  chaque  ville  des  Eglises.  De  là  les  autres  Eglises  ont 
»  tiré  la  communication  de  la  foi  et  les  semences  de  la  doctrine  ,  et  ils  les  en  tirent 
»  tous  les  jours,  pour  devenir  des  Eglises.  C'est  pour  cela  qu'elles  sont  réputées  ca- 
>  tholiques  ,  comme  étant  la  descendance  des  Eglises  apostoliques  ;  toute  race  parti- 
))  cipeàla  nature  de  son  origine....  Ce  qu'ont  prêché  les  apôtres  ,  ce  que  Jésus-Christ 
»  leur  avoit  révélé,  j'établis  cette  prescription  ,  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  le  prou- 
»  ver  autrement  que  par  ces  mêmes  Eglises  que  les  apôtres  ont  fondées  en  y  prêchant 
u  d'abord  de  vive  voix  et  ensuite  par  écrit.  S'il  en  est  ainsi ,  il  est  constant  que  toute 
î>  doctrine  qui  s'accorde  avec  ces  Eglises,  mères  et  origines  de  la  foi,  doit  être  re- 
>  gardée  comme  la  vérité,  puisqu'elle  contient  sans  aucun  doute  ce  que  l'Eglise  a 
»  reçu  des  apôtres,  les  apôtres  de  Jésus-Christ,  Jésus-Christ  de  Dieu  :  toute  autre 
»  doctrine  doit  être  jugée  d'avance  mensongère,  comme  étant  contre  la  vérité  des 
»  Eglises,  des  apôtres,  du  Christ,  de  Dieu.  11  reste  donc  à  démontrcj  que  notre 
»  doctrine  vient  delà  tradition  des  apôtres ,  et  que  toutes  Ici  autres  sont  fausses.  Nou*î 
u  communiquons  avec  les  Eglises  apostoliques,  en  ce  que  notre  doctrine  ne  diffî-re 

1»  en  rien  de  la  leur.  Voilà  le  témoignage  de  la  vérité Si  quelques  hérésies  osent 

•»  «e  rapporter  au  temps  apostolique,  pour  paroîlre  transmises  par  les  apôtres,  pré- 
«tendant  qu'elles  ont  existé  sous  eux,  nous  pouvons  leur  dire,  qu'elles  produisent 
i>  donc  l'origine  de  leurs  Eglises  ,  qu'elles  déploient  l'ordre  de  leurs  évcqncs  desccn- 


.\Mr  NOTES. 

..  tldiit  par  une  îucccssion  continue  ,  de  manière  que  leurs  premiers  ëvôqucs  aitnl 
><  pour  auteur  ou  pour  prédécesseur  un  des  apôtres  ou  des  bommes  apostoliques  qui 
w  ont  vécu  avec  eux.  Car  c'est  airvsi  que  les  Eglises  apostoliques  établissent  leur  filia- 
>»  tion.  Ainsi  l'Eglise  de  Smyrne  rapporte  que  Polycarpc  y  a  e'té  placé  par  saint  Jean. 
»  Ainsi  l'Eglise  de  Rome  produit  Clément  ordonné  par  saint  Pierre.  Ainsi  toutes 
>>  les  autres  Eglises  montrent  ceux  qui  ,  établis  par  les  apôtres  dans  l'('piscopat ,  leur 
>•  ont  transmis  la  semence  apostolique.  Que  les  hérétiques  inventent  quelque  chose  de 
»  semblable....  Vous  qui  voulez,  sur  l'affaire  de  votre  salut,  satisfaire  une  curiosité 
«  légitime,  parcourez  les  Eglises  apostoliques,  dans  lesquelles  président  encore  lea 
>)  chaires  des  apôtres  aux  lieux  qu'ils  occupèrent  ;  dans  lesquelles  on  récite  encore 
»  leurs  lettres  authentiques ,  qui  rappellent  leurs  voix  et  représentent  leurs  personnes. 
■»  Etes-vous  voisin  de  l'Achaïc?  Vous  avez  Corinthe.  Si  vous  n'êtes  pas  éloigné  de 
M  la  Macédoine,  vous  avez  Philippes ,  vous  avez  Thcssalonique.  Si  vous  allez  en  Asie, 
a  vous  avez  Ephèse.  Si  vous  êtes  près  de  l'Italie,  vous  avez  Rome  dont  l'autorité  est 
»  près  de  nous....  On  peut  dire  avec  raison  aux  hérétiques  :  Qui  ctes-vous?  Quand 
»  et  d'oii  etes-vous  venus  ?  Que  faites-vous  dans  mon  bien  ,  vous  qui  n'êtes  pas  à 
w  moi  ?  De  quel  droit,  Marcion,  coupez-vous  ma  forêt? Qui  vous  a  permis,  Valentin, 
»  dé  troubler  ma  source  ?  Par  quelle  autorité ,  Apelles ,  cbraulez-vous  mes  limites  ? 
>»  La  possession  est  à  moi  ;  je  possède  anciennement ,  je  possède  le  premier.  Je 
M  tire  mon  origine  indubitable  des  auteurs  à  qui  la  chose- appartient.  Je  suis  l'héritier 
«  des  apôtres.  » 

Ce  que  TertuUicn  disoït  aux  hérétiques  de  sou  temps ,  tout  catholique  peut  le  dire 
aux  protestants.  Il  n'y  a  que  les  noms  à  changer;  les  raisonnements  sont  les  mêmes. 
Il  peut,  comme  Tertullien  ,  exiger  que  ceux  qui  prétendent  tirer  leur  doctrine  des 
apôtres ,  montrent  la  succession  d'évêques  par  qui  elle  leur  est  parvenue  ;  qu'ils  dé- 
clarent quel  est  l'apôtre  ou  l'homme  apostolique  de  qui  cette  succession  descend: 
qu'ils  nomment  les  Eglises  dans  lesquelles  cette  doctrine  leur  a  été  transmise  ;  qu'ils 
disent  de  qui  vient  le  droit  qu'ils  s'arrogent  de  prêcher  leurs  dogmes.  Il  peut ,  de 
même  que  ce  docteur ,  défier  toutes  les  communions  protestantes  de  produire  rien  dp 
semblable.  U  peut ,  au  contraire,  se  vanter  avec  lui  de  cette  succession  que  les^ pro- 
testants n'ont  pas  ,  et  par-là  se  déclarer  l'héritier  des  apôtres. 

Saint  Clément  d'Alexandrie,  contemporain  de  TerUilVien.  (^Slromat.  lib.  ),  dit 
que  ceux  qui  conservoient  la  vraie  tradition  de  la  sainte  dqctrlne  reçue  des  apôtres, 
comme  un  fils  la  rcccvroit  de  son  père,  sont ,  par  la  volonté  de  Dieu  ,  parvenus  jus- 
qu'à son  temps,  pour  y  déposer  les  semences  apostoliques  reçues  des  anciens.  Voilà 
la  succession  apostolique  très-bien  marquée.  Saint  Clément  qui  vivoit  à  la  fin  du  se- 
cond et  au  commencement  du  troisième  siècle  ,  n'entendoit  pas  certainement  que  les 
disciples  immédiats  des  apôtres  eussent  vécu  jusqu'à  son  temps.  Il  y  a  voit  entre  les 
apôtres  et  lui  au  moins  trois  ou  quatre  générations.  Ce  sont  ces  diverses  générations 
qui  conservent  la  tradition  de  la  doctrine  ,  qui  ont  reçu  des  apôtres ,  comme  un  fils 
de  son  père,  la  semence  apostolique  ,  et  qui  sont  parvenues  jusqu'à  sou  temps. 

Origéne,  successeur  de  saint  Clément  dans  l'école  d'Alexandrie  (//»  i^fa//A. , 
tract.  XXIX.  )  ,  ca  réfutant  les  hérétiques  de  son  temps ,  semble  avoir  prévu  le  grand 
argument  des  protestants  ,  qui  prétendent  avoir  pour  eux  les  saintes  Ecritures  et  la 
parole  de  vérité.  «  Mais ,  leur  répond-il ,  nous  ue  devons  pas  les  croire  et  nous  éloi- 
«  gncr  de  la  primitive  tradition  de  l'Eglise  :  au  contraire ,  nous  ne  devons  croire 
»  que  conformément  à  ce  que  les  Eglises  de  Dieu  nous  ont  transmis  par  succession.  » 
Voilà  encore  la  succession  dans  les  Eglises  donnée  pour  la  note  de  la  saine  doctrine, 
La  doctrine  protestante  peut-elle  s'attribuer  ce  caractère? 

Saint  Cjprien  (Ep.  LXXXVI  ad  Triagn.)  ,  pour  combattre  le  schisme  que  No- 
valien  avoit  introduit  dar^s  l'Eglise  de  Rome,  lui  déclare  «  qu'il  n'est  point  évcque, 
i>  et  ne  peut  être  regardé  comme  tel ,  lui  qui ,  au  mépris  de  la  tradition  évangélique 
«  et  apostolique ,  ne  succédant  à  personne  ,  est  né  de  lui-même...  Peut-il  être  tenu 
>»  pour  pasteur  celui  qui,  tandis  qu'il  existe  un  véritable  pasteur,  lequel  préside 
11  dans  l'Eglise  en  vertu  d'une  ordination  divine  et  d'une  succession  légitime  ,  ne 
V  succédant  lui-même  à  personne  et  commençant  par  lui ,  se  montre  l'ennemi  de  b 


ISOTKS.  xxji 

>•  paix  du  Seigneur  cl  de  l'utiilc  divine.  »  Le  saint  dvcqtic  de  Cailhagc  donne  cvi- 
«einment  ici,  pour  sigrie  de  la  véritable  l''glise,  la  succession  episcopale  ,  et  pour 
iTiarquc  du  scliisme ,  le  défaut  de  celte  succession. 

Saint  Kpiphane,  après  avoir  rapporté  la  suite  des  pontifes  romains,  ajoute 
{Hceres.  XXVIl,  c.  6,)  qne,  «  personne  ne  doit  s'e'lonner  qu'il  ait  parcouru  avec 
»  tant  de  soin  tous  ces  noms  ,  puisque  par-là  se  montre  la  vérité  certaine  et  exacte... 
»  Lesquels,  dit-il  ailleurs  (irf.  LXXV,  c.6.),  sont  les  plus  habiles  ,  ou  ce  petit 
»  homme  déçu  par  l'erreur,  qui  a  paru  depuis  peu  et  qui  vit  encore,  ou  les  témoins 
»  qui  nous  ont  précédés  ,  qui  avant  nous  ont  tenu  dans  l'Eglise  la  même  tradition 
«  qa  ils  avoicnt  reçue  de  leurs  porcs,  que  leurs  pcrcs  avoient  apprise  de  leurs  an- 
»  cc'tres  ,  de  même  que  l'Eglise  conserve  jusqu'à  ce  jour,  avec  les  traditions  ,  la  foi 
i>  véritable  et  pure  qu'elle  a  reçue  de  ses  pères  ?  »  Dès  que  c'est  par  la  succession  des 
éveques  que  se  montre  la  vérité ,  cette  succession  est  donc  une  note  de  la  vraie  Eglise. 

Saint  Optât,  écrivant  contre  les  donatistes,  leur  dit  qu'ils  ne  peuvent  pas  ignorer 
que  saint  Pierre  a  fondé  à  Rome  une  chaire  episcopale  où  il  a  siégé  le  premier.  Il 
rapporte  la  suite  des  évoques  depuis  saint  Pierre  ,  et  finit  par  les  sommer  de  rendre 
compte  de  l'origine  de  leur  chaire,  eux  qui  veulent  s'arroger  le  titre  de  sainte  Eglise. 
(De  sc/iism.  iJonat. ,  lib.  IV  ,  c.  2(3.)  C'est  donc  ,  selon  ce  saint  docteur ,  l'origine 
de  la  chaire  ,  prouvée  par  la  succession  des  évoques  qui  l'ont  occupée  ,  qui  marque 
la  sainte  Eglise. 

Comme  saint  Augustin  est  un  des  Pores,  et  même  celui  de  tous  qui  a  le  plus  écrit 
contre  les  hérésies  et  les  schismes  ,  son  autorité  est  une  des  plus  imposantes.  Elle 
est  en  même  temps  une  des  plus  claires  et  des  plus  précises. 

Combattant  les  donatistes ,  il  parcourt ,  comme  saint  Irénés,  saint  Epiphane  et  saint 
Optât,  la  suite  des  évoques  de  Rome  jusqu'à  son  temps,  et  observe  que  parmi  eux  il  n'y 
a  pas  un  donatistc.  Il  dit  que  l'ordre  des  évoques,  se  succédant  continuellement ,  mé- 
rite considération  :  la  succession  des  pontifes  de  celte  Eglise  apporte  encore  une  cer- 
titude plus  grande...  (Ep.  CLXV,  a!.  LUI,  ad  Gfnems.yC.  i ,  n.  6.), nous,  dit-il 
ailleurs,  c'est-à-dire  La  foi  catholique  qui  vient  de  la  doctrine  des  apôtres,  qui  a 
été  plantée  parmi  nous  ,  que  nous  avons  reçue  par  une  suite  de  succession,  que  nous 
devons  transmettre  pure  à  nos  successeurs...  (in  Joan. ,  tract.  XJfXlV,  n.  6.)  Hé- 
siterons-nous ,  demande-t-il  dans  un  autre  endroit ,  à  nous  renfermer  dans  le  sein  de 
cette  Eglise  qui  ,  malgré  les  vains  aboiements  des  hérétiques  ,  a  obtenu,  par  la  suc- 
cession de  ses  éveques  sur  la  chaire  apostolique ,  la  suprême  majesté. . .  (  De  util,  cre- 
liertdi,  c.  XVII,  n.  35.)  Rapportant  les  diverses  raisons  qui  le  retiennent  dans 
]  i-glise  catholique,  une  des  principales  qu'il  donne  est  la  succession  des  éveques  jus- 
qu'au pontife  actuel,  depuis  saintPierre,  à  qui  Jésus-Christ  a  recommandé  de  paître 
ses  brebis  (contra  Epist.fundarn. ,  c.  4»  n.  5.  )  Ces  passages  prouvent  bien  claire- 
ment que  saint  Augustin  regardoit ,  de  même  que  nous,  la  succession  épiscopalc 
comme  essentielle  à  l'Eglise,  et  comme  une  marque  distinctive  delà  vraie  Eglise 
d'avec  les  sectes  qui  en  sont  privées. 

Ce  saint  docteur  fait,  dans  d'autres  endroits  ,  l'application  de  ce  principe  à  l'au- 
tlienticitc  des  livres  saints,  et  il  donne  contre  les  manichéens ,  pour  moyen,  certain  de 
diseerner  les  livres  authentiques  des  apocryphes  ,  d'examiner  quels  sont  ceux  qui  ont 
(té  ou  n'ont  pas  été  transmis  par  les  successions  des  évoques.  «  Si  les  livres,  dit-il , 
w  qui  portent  en  tête  les  noms  d'André,  de  Jean,  étoient  véritablement  d'eus,  ils 
»  scroient  reçus  par  l'Eglise  qui ,  depuis  leur  temps  jusqu'au  nôtre,  persévère  dans 
«  les  successions  certaines  des  éveques...  (Con/ra  ad\>.  le^.  et prophet.  ,1.  i ,  c.  20, 
»  n.  36.)  On  distingue  des  livres  plus  récents,  l'excellente  autorité  de  l'ancien  et  du 
»  nouveau  Testament ,  laquelle  ,  confirmée  du  temps  des  apôtres  ,  est  placée  comme 
n  sur  un  trône  élevé  par  les  successions  des  évoques  et  la  propagation  des  Eglises  , 
»  et  à  laquelle  doit  se  soumettre  tout  esprit  fidèle  et  pieux...  (  Contra  Faustum  , 
»  ].  1 1 .  c.  5.)  Je  vous  avertis  en  peu  de  mots  ,  vous  qui  êtes  retenus  dans  cette  cri- 
t  minelle  et  exécrable  erreur  ,  si  vous  voulez  suivre  l'autorité  des  Ecritures  préféra- 
»  ble  à  toutes  les  autres  ,  de  suivre  celle  qui ,  depuis  le  temps  de  la  présence  de  Jésu.*- 
»  Christ ,  conservée ,  recommandée ,  glorifiée  sur  toute  la  Icrrc ,  cri  parvenue  jusqiià 


XXIV  NOTES 

>•  noi  jours  par  la  publication  qu'en  enl  faite  les  apôtres ,  et  par  les  successions  ccr- 
»  taines  des  évêques.  »  (Ibifl. ,  lib.  23,  cap.  g.)  —  Extrait  de  M.  de  la  Luzerne, 
Instruction  pastorale  sur  le.  schisme  de  France ,  tom.  I,  et  Dissertation  sur  les 
Eglises  catholi(jues  et  protestantes,  tom.  II. 

NOTE  IX.  —  APPROBATION. 

(Page  198.) 

«Puisque  la  nature  et  l'ordre  du  jugement  exigent  qu'une  sentence  ne  puisse  être 
»  portée  par  un  juge  que  sur  ceux  qui  lui  sont  sujets ,  on  a  toujours  été  persuade  dans 
I»  l'Eglise  de  Dieu  ,  et  le  concile  con&rme  cette  vérité  ,  que  l'absolution  prononcée 
»  par  un  prêtre  sur  celui  sur  qui  il  n'a  pas  de  juridiction,  soit  ordinaire,  soit  subdé- 
t>  léguée ,  doit  otre  de  nul  poids.  (  Concile  de  Trente,  sess.  XIV  ,  chap.  7.)  Quoique 
»  les  prêtres  ,  dans  leur  ordination  ,  reçoivent  la  puissance  d'absoudre  les  péchés,  le 
»  saint  concile  décrète  qu'aucun  prêtre  ,  même  régulier  ,  ne  peut  entendre  les  con- 
»  fessions  des  séculiers  ,  même  des  prêtres,  ni  être  regardé  comme  idoine  à  ce  minis- 
>>  tère,  a  moins  qu'il  ne  possède  un  bénéfice  paroissial»  ou  que  l'évêque  ne  lui 
»  donne  gratuitement  après  l'avoir  examiné,  s'il  le  juge  nécessaire,  une  approbation, 
»  nonobstant  tous  les  privilèges  ou  coutumes  même  immémoriales  «  {^Sess.  X2i.IIl, 
de  la  réform..,  c.  i5.) 

NOTE  X.  — ATHÉE. 

(Page  344.) 

L'oubli  de  toute  religion  conduit  à  l'oubli  de  tous  les  devoirs  de  l'iioonme. 

De  combien  de  douceurs  n'est  pas  privé  celui  à  qui  la  religion  manque?  Quel 
sentiment  peut  le  consoler  dans  ses  peines?  quel  spectateur  anime  les  bonnes  actions 
qu'il  fait  en  secret  ?  quelle  voix  peut  parler  au  fond  de  son  âme  ?  quel  prix  peut-il 
attendre  de  sa  vertu  ?  comment  doit-il  envisager  la  mort?... 

Ah  !  quel  argument  contre  l'incrédule  que  la  vie  du  vrai  chrétien  !  Y  a-t-il  quel- 
que âme  à  l'épreuve  de  celui-là  ?  quel  tableau  pour  son  cœur  ,  quand  ses  amis  ,  ses 
enfants ,  sa  femme  concourront  tous  à  l'instruire  en  l'édifiant  ;  quand  ,  sans  lui  prê- 
cher Dieu  dans  leurs  discours  ,  ils  le  lui  montreront  dans  les  actions  qu'il  inspire  , 
dans  les  vertus  dont  il  est  l'auteur ,  dans  le  charme  qu'on  trouve  a.  lui  plaire.  ;  quand 
il  verra  briller  l'image  du  ciel  dans  sa  maison;  quand  une  fois  le  jour  il  sera  forcé  de 
se  dire  :  Non  ,  l'homme  n'est  pas  ainsi  par  lui-même  ;  quelque  chose  de  plus  qu'hu- 
main règne  ici  ? 

On  ne  sauj-oit  se  passer  de  la  religion.  En  vain  un  heureux  instinct  porte  au  bien, 
une  passion  violente  s'élève  ;  elle  a  sa  racine  dans  le  même  instinct  :  que  fera-t-on 
pour  la  détruire?  En  vain  tire-t-on  ,  de  la  considération  de  l'ordre ,  la  beauté  de  la 
vertu  ;  et  sa  bonté,  de  l'utilité  commune  :  que  fait  tout  cela  contre  l'intérêt  particu- 
lier ?  En  vain  la  crainte  de  la  honte  ou  du  châtiment  empêche  de  faire  du  mal  pour 
son  profit  :  il  n'y  a  qu'à  faire  mal  en  secret  ;  la  vertu  n'a  plus  rien  à  dire,  et  l'on  pu- 
nira, comme  à  Sparte,  non  le  délit,  mais  la  maladresse.  En  vain,  enfin  ,  le  carac- 
tère et  l'amour  du  beau  sont  empreints  par  la  nature  au  fond  de  l'âme  ;  la  règle  sub- 
sistera aussi  long-temps  qu'il  ne  sera  point  défiguré  :  mais  comment  s'assurer  de 
conserver  toujours  dans  sa  pureté  cette  effigie  intérieure  qui  n'a  point,  parmi  les 
êtres  sensibles,  de  modèle  auquel  on  puisse  la  comparer?  Ne  sait-on  pas  que  les  af- 
fections desordonnées  corrompent  le  jugement  ainsi  que  la  volonté  ,  et  que  la  con- 
fiance s'altère  et  se  modifie  insensiblement  dans  chaque  siècle,  dans  chaque  peuple, 
daus  chaque  individu ,  selon  l'inconstance  et  la  variété  des  préjugés? 

Fuyez  ceux  qui  ,  sous  prétexte  d'expliquer  la  nature,  sèment  dans  les  cœurs  des 
nommes  de  désolantes  doctrines ,  et  dont  le  sophisme  apparent  est  une  fois  plus  af- 
ftrm.'itif  et  plus  dogmatique ,  que  le  ton  décidé  de  leurs  adverjairrs.  Sous  le  hautai.n 


NOTES  XXV 

prétexte  qu'eux  seuls  sont  eclaii<!s ,  vrais ,  de  l)oiinc  foi ,  iU  nous  soumcUenl  inine- 
riouscment  à  leurs  décisions  tranchantes,  et  prétendent  nous  donner  pour  les  vrais 
principes  des  clioscs,  les  ininlelligibles  systèmes  qu'ils  ont  bâtis  dans  leur  imagina- 
lion.  Du  reste  ,  renversant ,  détruisant ,  foulant  aux  pieds  tout  ce  que  les  boiumea 
respectent,  ils  ôtent  aux  affliges  la  dernière  consolation  de  leur  misère,  aux  puis- 
sant» et  aux  riches  le  seul  freiii  de  leurs  passions;  ils  arrachent  du  fond  des  cœurs  N 
remords  du  crime,  l'espoir  de  la  vertu,  et  se  vantent  encore  d'être  les  bienfaitcur.i 
du  genre  humain.  Jamais,  disent-ils,  la  vérité  n'est  nuisible  aux  hommes;  je  le 
crois  comme  eux  ,  et  c'est ,  à  mon  avis,  une  grande  preuve  que  ce  qu'ils  enseignent 
n'est  pas  la  vérité. 

Par  les  principes  ,  la  philosophie  ne  peut  faire  aucun  bien  ,  que  la  religion  ne 
le  fasse  encore  mieux;  et  la  religion  en  fait  beaucoup  que  la  philosophie  ne  sauroit 
faire. 

Il  est  indubitable  que  des  motifs  de  religion  empêchent  souvent  de  mal  faire  ceux- 
incmes  qui  ne  la  suivent  qu'en  partie,  et  obtiennent  d'eux  des  vertus ,  des  actions 
louables  ,  qui  n'auroient  point  eu  lieu  sans  ces  motifs. 

Le  spectacle  de  la  nature,  si  vivant,  si  animé  pour  ceux  qui  reconnoissent  un  Dici , 
est  mort  aux  yeux  de  l'athée  ;  et,  dans  cette  grande  harmonie  des  êtres  où  tout  parle 
de  Dieu  d'une  voix  si  douce,  il  n'aperçoit  qu'un  silence  éternel....  L'irréligion,  et 
en  général  l'esprit  raisonneur  et  philosophique,  attachent  à  la  vie  ,  efFéminent,  avi- 
lissent les  âmes,  concentrent  toutes  les  passions  dans  la  bassesse  de  l'intérêt  particu- 
lier, dans  l'abjection  du  /no: humain  ,  et  sapent  ainsi,  à  petit  bruit,  les  vrais  fon- 
dements de  toute  société;  car  ce  que  les  intérêts  particuliers  ont  de  commun  est  si 
peu  de  chose  qu'il  ne  balancera  jamais  ce  qu'ils  ont  d'opposé. 

Si  l'athéisme  ne  fait  pas  verser  le  sang  des  hommes,  c'est  moins  par  amour  pour  la 
paix  que  par  indifférence  pour  le  bien.  Comme  que  tout  aille  ,  peu  importe  au 
prétendu  sage ,  pourvu  qu'il  reste  en  repos  dans  .«■on  cabinet.  Ses  principes  ne-font 
pas  tuer  les  nommes,  mais  ils  les  empêchent  de  naître,  en  détruisant  les  mœurs  qui 
les  multiplient,  en  les  détachant  de  leur  espèce,  en  réduisant  toutes  leurs  action'^  a 
un  secret  égoïsme , aussi  funeste  à  la  population  qu'à  la  vertu. L'indifférence  phi!!>- 
sophique  ressemble  à  la  tranquillité  de  l'état  sous  le  despotisme  :  c'est  la  tranquillité 
de  la  mort;  elle  est  plus  destructive  que  la  guerre  même.  —  Esprit,  maximes,  etc., 
de  J.  J.  Rousseau. 

NOTE  XL  —  BAPTiÈME  . 

(I»age3i5.) 

Eramus  naturâ  filii  trœ.  Plusieurs  interprètes  pensent  qu'il  s'agit  ici  des 
bdultes,  et  que  l'apôtre  parle  principalement  des  péchés  actuels.  Ils  se  fondent  sur 
le  contexte  ,  qui  paroît  en  effet  favoriser  cette  interprétation.  Car  il  est  ainsi  conçu  : 
Et  vos  cùm  essetis  mortui  delictis  et  peccatis  vestris  ,  in  quitus  aliquando  ambu- 
Ifîstis  secundùm  seculum  niundi  huj'us,  secundùm principem  potestatis  aeris  fiuj'iis 
Spiritiis ,  qui  nunc  operatur  infilios  dijfidentiœ.  —  In  quitus  et  nos  omnes  ait- 
uiiando  eonversati  sumus  ,  in  desideriis  camis  nostrœ  facientes  voluntatem  carnis 
rt  cogitationum  ;  et  eramus  fî  ATVV.A  ^lii  irœ ,  sicut  et  cœteri,  etc.  Eph. ,  r.  a,^.  i, 
2,3.  Voyez  Ménochius ,  Cornélius  à  Lapide  ^  et  surtout  la  Triple  Explication 
des  épîtres  de  saint  Paul  par  Bernardin  de  Péquigny. 

Au  reste,  de  quelque  manière  qu'on  entende  les  paroles  de  l'apôtre,  elles  ne 

Prouvent  pas  que  les  enfants  morts  sans  baptême  sont  condamnés  aux  supplices  de 
enfer;  car  on  peut  absolument  les  concilier  avec  le  sentiment  des  docteurs  qui 
n'admettent  point  d'autre  peine  éternelle  du  péché  originel  que  la  privation  du 
royaume  des  cieux.  On  reconnoîl  dans  l'un  et  l'autre  système  que  l'homme  en  nais- 
(ant  est  enfant  décolère  ,  et  que,  parce  qu'il  est  enfant  de  colère,  iJ  e«t  exclu  de  la 
vision  intuitive,  s'il  n'est  régénéré  parle  baptême. 


XXVI  NOTES. 

NOTE    XK.  — BAPTÊME. 

(  Page  3i6.) 

U  est  vrai  que  ,  dans  un  sermon  plein  de  véhémeace ,  saint  Augustin  enseigne 
que  les  enfants  morts  sans  baptême  sont  condamnés  aux  peines  de  l'enfer  et  aux  leux 
éternels  ;  mais  il  a  beaucoup  adouci  cette  doctrine  dans  le  cinquième  de  ses  livres 
contre  Julien  ,  ouvrage  des  mieux  réfléchis  et  des  mieux  travaillés  entre  tous  ceux 
du  saint  docteur.  Voici  ses  propres  expressions  :  «  Won,  je  ne  dis  pas  que  les  enfants 
morts  sans  baptême  doivent  subir  une  si  grande  peine  qu'il  leur  eût  été  plus  avan- 
tageux de  n'être  point  nés.  Je  n'oserois  dire  qu'il  eût  été  plus  ezpédient  pour  eux  de 
n'être  point  du  tout  que  d'être  là  où  ils  sont.  On  ne  doit  point  douter,  ajoute-t-il, 
que,  n'ayant  point  d'autre  péché  que  celui  qu'on  appelle  originel ,  la  peine  à  la- 
quelle ils  sont  condamnés  ne  soit  la  plus  légère  de  toutes.  »  Il  ne  les  condamne  donc 
point  aux  flammes  éternelles  ,  comme  les  adultes  réprouvés  ,  pour  qui  le  Sauveur  dit 
qu'il  seroit  plus  avantageux  de  n'avoir  jamais  existé.  Ego  autem  non  dko parvulos, 
sine  Christi  baptismale  morientes  ,  tuntâ  pœnn  esse  plectendos  ,  ut  eis  non  nasci 
poiiùs  expediret  ;  cùm  hoc  Dominas  non  de  quibuslibet  peccatorihus ,  sed  de  sce~ 
lestissimk  et  impiis  dixerit.  Si  enim  quod  de  Sodomis  ait ,  et  utique  non  de  solis 
intelligi  volait ,  alias  alio  tolerabiliùs  in  die  judicii  puniretur ;  quis  dubitaverit  par- 
vulos non  baptizatos ,  qui  solum  habcnt  originale  peccatum  ,  ncc  ullis propriis  ag- 
gravantur ,  in  damnatione  omnium  levissimâ futures?  Qua  qualis  et  quanta  erit, 
quamvis  definire  non  possint,  non  tamen  audeo  dicere  quod  eis  ut  nulli  essent, 
<fmm  ut  ihi  essent,  putiàs  expediret.  Contra  Julianum  ,  lib.  5,  cap.  a. 

Saint  Augustin  reconnoît  même  pour  ces  enfants  la  possibilité  d'un  état  mitoyen 
entre  la  récompense  et  le  châtiment  :  Non  enim  metuendum  est,  nevila  esse  potue- 
rit  média  quœdam  inter  rectefactum  et  peccatum ,  et  sententia  Judicis  média  esse 
non  possit  inter prœmium  atque  supplicium.  De  lib.  arb. ,  lib.  3,  c.  aS. 

Saint  Grégoire  de  Nar-ian/^  exempte  ces  enfants  de  douleur  et  de  tristesse.  Nec  cœ- 
lesti  glorid,  nec  suppliciis ,  à  justo  judice  afficientur ;  utpot'e  qui  licèt  non  signati 
nonfuerint,  improbitate  tamen  careant...  ISfeque  quis  honore  indignas  est,  statirn 
eiiam  pœnatn  promeretur.  Orat.  ^o.  Saint  Grégoire  de  Nysso  pense  comme  saint 
Grégoire  de  Nazianze  :  Immatura  mors  infantium ,  neque  in  doloribus  ac  mœsti- 
titi  esse  eum  qui  sic  vivere  desiit ,  intelligendùm  esse  suggerit.  Orat.  de  Infan- 
tibus  ,  etc. 

Innocent  III  fait  consister  la  peine  du  péché  originel  dans  la  privation  de  la 
vision  de  Dieu,  et  la  peine  du  péché  actuçl  dans  les  supplices  éternels  :  Pœna  ori- 
ginalis  peccati  est  carentia  visionis  Dei;  actualis  verb  peccati  est  gehennœ perpétuée 
cruciatus.  Ex  cap.  Majores  debaptismo.  Ad  illud qubd parvuli multas pœnalila- 
tes  sustinent  in  hdc  vitâ ,  dit  saint  Bonaventure  ,  dicendum  qubd  etsi  temporaliter 
punire pro peccato  originali sit  justum  ,  non  tamen  sequitur  qubd œternaliter.ln  2. 
dist.  33,  a  3  ,  q.  I ,  suivant  saint  Thomas,  nihil  omninb  dolebunt  de  carentia  vi- 
sionis intuitives;  imb  magis  gaudebunt  de  hoc  qubd participabunt  multùm  de  di- 
vinn  bonitate,  et perfectionibusnaturalibus.  In  a.  dist.  33  ,  q.  2,  art.  2. 

Voyez  ce  Dictionnaire  ,  au  mot  Originel. 

L'auteur  de /a  Foi  justifiée  de  tout  reproche  de  contradiction  avec  la  raison, 
pag.  60,  édit.  de  Paris  1776,  s'exprime  ainsi  :  «  Pour  ce  qui  est  du  dogme  du 
»  péché  originel,  il  n'y  a  ni  injustice  ni  défaut  de  bonté  dans  Dieu  de  refuser,  à  la 
)•  postérité  d'un  père  coupable  ,  des  privilèges  purement  gratuits  ,  qui  n'étoient  dus 
»  ni  au  père  ni  aux  enfants  ,  et  qui  n'étoient  assurés  aux  uns  et  aux  autres  que  sous 
»  la  condition  d'une  obéissance  fidèle  à  la  loi  du  Créateur.  Un  sujet  comblé  des 
I»  grâces  et  des  faveurs  de  son  prince  se  révolte  contre  lui,  et  le  prince  en  consé- 
>»  quence  lui  retire  et  à  sa  postérité  des  privilèges  qui  ne  dévoient  être  héréditaires 
»  que  sous  des  conditions  justes  qui  n'ont  pas  été  remplies ,  et  auxquelles  même  on  a 
M  manqué  formellement.  Y  a-t-il  en  cela  quelque  injustice  ou  un  défaut  de  bonté? 
w  Mais  voilà  au  vrai  à  quoi  se  réduisent  les  suites  du  péché  originel.  « 


INOTES.  xxvii 

NOTE  XIII.  -  CALVIN . 
(  Page  399.  ) 

Oblige  de  quitter  la  France  pour  se  soustraire  à  des  poursuites  juridiques,  Calvia 
passa  en  Allemagne,  y  rechercha  la  plupart  de  ceux  qui  remuoient  alors  les  con- 
science«  et  agitoient  les  esprits.  ABàle  il  fut  présenté  par  Buccr  à  Erasme,  qui  se 
tenoit  auv  écoutes  ,  sans  se  laisser  emporter  aux  opinions  des  novateurs.  Erasme , 
après  s'être  entretenu  avec  lui  sur  quelques-uns  des  points  de  la  religion ,  fort  étonné 
de  ce  qu'il  avoit  découvert  dans  cette  âme,  se  tourna  vers  Bucer,  et  lui  dit,  en  lui 
montrant  le  jeune  Calvin  :  «  Je  vois  un  grand  fléau  s'élever  dans  l'Eglise  contre 
»  l'Eglise  :  «  Video  magnant  pestem  oriri  in  Ecclesiu  contra  Ecciesiam. 

L'esprit  intolérant  et  sanguinaire  de  cet  homme  devenu  trop  célèbre,  se  montre 
dans  une  de  ses  lettres  au  marquis  du  Poët ,  son  ami  :  «  Ne  faites  faute  ,  lui  dit-il , 
a  de  défaire  le  pays  de  ces  zélés  fanatiques,  qui  exhortent  les  peuples  par  leurs  dis- 
»  cours  à  se  roidir  contre  nous,  noircissent  notre  conduite  ,  et  veulent  faire  passer 
»  pour  rêverie  notre  croyance.  Pareils  monstres  doivent  être  étouffés ,  comme  fit 
»  en  l'exécution  de  Michel  Servet ,  espagnol.  » 

Les  mauvais  sentiments  de  Calvin  sur  la  Tiinîté  excitèrent  contre  lui  le  zèle  d'un 
homme  qui ,  d'ailleurs ,  partageoit  ses  opinions  sacramentaires  :  «  Quel  démon  t'a 
»  poussé ,  ô  Calvin ,  à  déclamer  avec  Arius  contre  le  Fils  de  Dieu  ?...  C'est  cet  an- 
»  techrist  du  Septentrion  que  tu  as  l'imprudence  d'adorer ,  ce  grammairien  Mé- 
»  lancthon...  Garde-toi ,  lecteur  chrétien  ,  et  vous  surtout ,  ministres  de  la  parole, 
»  gardez-vous  des  livres  de  Calvin...  Ils  contiennent  une  doctrine  impie,  les  blas- 
»  phèmes  de  l'arianisme,  comme  si  l'esprit  de  Michel  Servet ,  en  s' échappant  du 
»  bûcher,  avoit  à  la  platonicienne  transmigré  tout  entier  dans  Calvin.  »  (Stancha- 
rus,  de  Médiat,  in  Calvin.  Instit. ,  n.  3  et  4-)  En  enseignant  que  Dieu  étoit  l'au- 
teur de  tous  les  pochés,  Calvin  révolta  contre  lui  tous  les  partis  de  la  réforme.  Les 
luthériens  de  l'Allemagne  se  réunirent  pour  rJfuter  un  si  horrible  blasphème: 
«  Cette  opinion,  disent-ils,  doit  être  partout  en  horreur,  en  exécration  :  c'est  une 
«  fureur  stoïcienne,  fatale  aux  mœurs,  monstrueuse  et  blasai Kématoire.  »  (  Corpus 
doclrinœ  christianœ.^ 

«  Cette  erreur  calvinistique  est  horriblement  injurieuse  à  Dieu,  et  de  toutes  les  er- 
»  reursla  plus  funeste  au  genre  humain;  selon  cette  théologie  calvinienne  Dieu  seroit 
»  le  phis  injuste  des  tyrans...  et  ce  n'est  plus  le  démon,  mais  Dieu  lui-même  qui 
»  sera  le  père  du  mensonge.  »  (ConradusSchlussemb.,  Calvin.  Theolog.,  fol.  4é'} 

Le  même  auteur,  qui  étoit  surintendant  inspecteur  général  des  églises  luthériennes 
en  Allemagne,  dans  les  trois  livres  qu'il  publia  contre  la  théologie  calvinienne 
(Francfort,  1592),  n'y  nomme  jamais  les  calvinistes  sans  leur  donner  les  épithctes 
d'infidèles,  d'impies,  de  blasphémateurs,  charlatans ,  hérétiques ,  incrédules,  gens 
frappés  d'un  esprit  d'aveuglement  et  de  vertige,  gens  sans  front  et  sans  pudeur , 
ministres  turbulents  et  brouillons  de  Satan ,  etc. 

Heshusius ,  après  avoir  exposé  la  doctrine  des  calvinistes  ,  déclare  avec  indigna- 
tion ,  «  que  non-seulement  ils  transforment  Dieu  en  démon,  ce  dont  la  seule  pcn- 
»  sée  fait  horreur,  mais  qu'ils  anéantissent  le  mérite  de  Jésus-Christ  à  tel  point 
»  qu'ils  sont  dignes  d'être  relégués  au  fond  des  enfers.  »  (Lib.  de  Prœsentiâ  cor- 
paris  Christi.) 

Les  partisans  de  Calvin  ont  essayé  de  le  justifier  sur  le  crime  et  la  flétrissure  dont 
on  l'accusoit  hautement  de  porter  la  marque  à  l'épaule  ;  mais  «  ce  qui  doit  passer 
»  pour  une  conviction  indubitable  des  crimes  imputés  à  Calvin,  est  que  depuis  qu'il 
"  a  été  chargé  de  cette  accusation ,  l'Eglise  de  Genève  non-seulement  n'a  pas  jus- 
»  tifié  le  contraire,  mais  même  n'a  pas  nié  l'information  que  Berthelicr,  envoyé 
»  par  ceux  de  la  même  ville,  fitàNoyon.  Celte  information  étoit  signée  des  jjlua 
i>  apparents  de  la  ville  deNoyon,  et  avoit  été  faite  avec  toutes  les  formes  ordinaires 
i>  de  la  justice  j  et,  dans  la  même  information,  l'on  voit  que  cet  hérésiarque  aya 


xxvm  NOTES. 

s  été  convaincu  d'un  pcch<?  abominable,  que  l'on  ne  punît  que  par  le  feu  ,  la  peine 
»  qu'il  avcit  méritée  fut,  à  ia  prière  de  son  c'vêquc,  modérée  à  la  fleur-de-lis.... 
»  Ajoutez  à  cela  que  Bolsec  ayvit  rapporté  la  tnrwc  information  ,  Berthclier  qui 
»  vivoit  encore  au  temps  de  Bolsec  ne  le  démentit  point;  ce  qu'il  eût  fait,  sans 
»  doute ,  s'il  eiît  pu  le  faire  sans  trahir  le  sentiment  de  sa  conscience  et  sans  s'opptv 
»  ser  à  la  créance  publique.  Ainsi  le  silence  et  de  toute  une  ville  intéressée  et  de  son 
»  secrétaire  ,  est ,  en  cette  occasion ,  une  preuve  infaillible  des  dérèglements  imputés 
»  à  Calvin.  »  (Le  cardinal  de  Richelieu  ,  liv.  a.) 

Ces  dérèglements  étoient  alors  si  peu  contestes  qu'un  auteur  catholique  (  Com- 
pian,  dans  la  troisième  raison,  an  i58i),  parlant  de  la  vie  infâme  de  Calvin, 
avance  comme  un  fait  connu  en  Angleterre  ,  que  «  le  chef  des  calvinistes  avoit  été 
»  fleurdelisé  et  fugitif,  et  que  son  antagoniste  Wittaker  ,  avouant  le  fait ,  n'y  ré- 
»  pond  que  par  cet  indigne  parallèle  :  Calvin  a  été  stigmatisé,  mais  saint  Paul  l'a 
»  été,  d'autres  l'ont  été  aussi.  » 

Stapleton  ,  fort  à  portée  d'en  être  instruit ,  puisqu'il  avoit  passé  sa  vie  dans  le  voi- 
sinage de  Noyon ,  parle  de  l'aventure  de  Calvin  dans  les  termes  d'un  homme  très-sûr 
de  son  fait  :  Inspiciuntur  eliam  adhùc  hodiè  civitatis  Noviodunensis  in  Picardid 
scrinia  et  rerum  gestarum  monamenta  :  in  illis  adhùc  hodiè  legitur  Joannem  hune 
Calvinum,  sodomiœ  convictum ,  ex  episcopi  et  magistratûs  indulgentiâ ,  solostig' 
mate  in  tergo  notatum ,  urbe  excessisse  ;  nec  ejus  familice  honestissimi  viri ,  adhuc 
superstites ,  inipelrare  hactenùs  potuerunt  ut  hujiis  facti  memoria ,  tjuce  totifa- 
Tuiliœ  notam  aliquam  inurit,  è  civicis  illis  monumentis  ac  scriniis  eraderetur, 
(Promptuarium  catholicum  ,  part.  3.) 

Les  luthériens  d'Allemagne  en  parloient  également  alors  comme  d'un  fait  certain  ; 
De  Calvini  variis  fiagitiis  et  sodomiticis  Ubidinibus ,  ob  quas  stigma  JoannisCal- 
i'ini  dorso  impressum  fuit  à  magistratu  sub  quo  vixit,  (  C.  Schlussembefg ,  in  Cal-' 
vin.  theolog.,  lib.  2  ,  fol.  72.) 

Enfin  ,  si  l'on  en  croit  un  de  ses  disciples,  témoin  oculaire,  il  mourut  dans  le 
désespoir  et  d'une  maladie  horrible.  Calvinus  in  desperutione  finiens  vitam  ,  obiit 
turpissimo  etfœdisiimo  morbo,  quem  Veus  rebellibus  et  maledictis  comminatus 
est ,  priùs  excniciatus  et  consumptus.  Quod  ego  verissimè  aitesturi  audeo ,  quijn- 
nestum  et  tragicnm  illius  exiium  et  exitiuin  his  meis  oculis  prccsens  aspexi- 
(  Joan.  Haren  ,  apud  Petrum  Cutzemium.^ 

Les  luthériens  attestent  le  même  fait":  Veus  etiam  in  hoc  sœculo  judicium  in 
Calvinum  patefecit ,  quem  in  virgâ  furoris  visitavit ,  atque  horribiliter punivit ante 
mortis  infelicis  horam.  Deus  enim  manu  sua  potenti  adeb  hune  hœreiieum  per- 
cussit ,  ut  desperatâ  salute,  dœmonibus  invocatis ,  furans ,  exsecrans  et  blasphe- 
mans,  miserrimè  animam  malignam  exhalant  ;  vermibus  cirva  pudenda  in  apos- 
themate  seu  ulcère  fœtentissimo  crescentibus ,  ita  ut  nullus  assistentiuni  Jœtorem 
umpliùs ferre posset.  (Conrad.  Schlussemberg ,  in  Theolog.  Calvin.,  1.  2. fol.  72.) 
—  Cette  notice  est  extraite  de  la  Discussion  amicale,  tom.  1 ,  lettre  2 ,  Append.  2. 

rsOTE  XIV.  —  CALVIN. 

(Page  400.) 

Rousseau  justifie  son  déisme  par  l'esprit  de  la  prétendue  réforme,  et  confond  les 
ministres  de  Genève,  qui  s'étoient  élevés  contre  sa  doctrine.  «Qu'est-ce  que  la  reli- 
gion de  l'état,,  leur  dit-il?  C'est  la  sainte  réformation  évangclique.  Voilà  sans  con- 
tredit des  mots  bien  sonnants.  Mais  qu'est-ce  à  Genève  aujourd'hui  que  la  sainte  ré- 
formation évangélique?  Le  saiiriez-vous ,  monsieur,  par  hasard  ?  En  ce  cas  je  vous 
en  félicite.  Quant  à  moi  ie  l'ignore.  J'avois  cru  le  savoir  ci-devant  ;  mais  je  me  trom- 

•  1  •  ni  "l  •  • 

pois  ainsi  que  bien  d  autres  plus  savants  que  moi  sur  tout  autre  point,  et  non  moins 
ignorants  sur  celui-là. 

»  Quand  les  réformateurs  se  détachèrent  de  l'Eglise  romaine,  ils  l'accusèrent  d'er- 
reur, et,  pour  corriger  cette  erreur  dans  sa  source,  ils  donnèrent  à  l'Ecriture  un  autre 
sens  que  «lui  que  l'Eglùie  lui  donnoit.  On  leur  demanda  de  quelle  autorité  ils  s'ccar- 


JNOTES.  xxiK 

loicnt  ainsi  de  la  doctrine  reçue.  Ils  dirent  que  c'etoil  de  leur  autorilt' propre,  de  cello 
de  leitr  raison.  Us  dirent  que  le  sens  de  la  lîible  étant  intelligible  et  clair  à  tous  le« 
hoinnnes  en  ce  qui  cloit  du  salut ,  chacun  ctoit  juge  compétent  de  la  doctrine,  et  pou- 
voit  interpréter  la  Bible  qui  en  est  la  règle ,  selon  son  esprit  particulier;  que  tous  s'ac- 
cordoient  ainsi  sur  les  choses  essentielles,  et  que  celles  sur  lesquelles  ils  ne  pourroicnt 
s'accorder  ne  l'ëtoient  point. 

»  Voilà  donc  l'esprit  particulier  e'tabli  pour  unique  interprète  de  l'Ecriture  ;  voilà 
l'autorité  de  l'Eglise  rejetée  ;  voilà  chacun  mis  pour  la  doctrine  sous  sa  propre  juri- 
diction. Tels  sont  lesdeux  points  fondamentaux  de  la  réforme.  Rcconnoître  la  Bible 
pour  rôgle  de  sa  croyance ,  et  n'admettre  d'autre  interprète  du  sens  de  la  Bible  que 
soi.  Ces  deux  points  combines  forment  le  principe  sur  lequel  les  chrétiens  réformés  se 
sont  séparés  de  l'Eglise  romaine,  et  ils  ne  poavoient  moins  faire  sans  tomber  en  con- 
tradiction :  car  quelle  autorité  interprétative  auroient-iis  pu  se  réserver,  après  avoir 
rejeté  celle  du  corps  de  l'Eglise  ? 

»  Mais  ,  dira-t-on  ,  comment  sur  un  tel  principe  les  réformés  ont-ils  pu  se  réu- 
nir? Comment,  voulant  avoir  chacun  leur  façon  de  penser,  ont-ils  fait  corps  contre 
l'Église  catholique?  Ils  le  dévoient  faire  :  ils  se  réunissoient  en  ceci,  que  tous  recon- 
noissoient  chacun  d'eux  comme  juge  compétent  pour  lui-même.  Ils  toléroient ,  et 
ils  dévoient  tolérer  toutes  les  interprétations  hors  une  ,  savoir  celle  qui  ôte  la  liberté 
des  interprétations.  Or  cette  unique  interprétation  qu'ils  rejetoient  étoit  celle  des  ca- 
tholiques. Us  dévoient  donc  proscrire  de  concert  Kome  seule ,  qui  les  proscrivoit 
également  tous.  La  diversité  même  de  leurs  façons  de  penser  sur  tout  le  reste  étoit 
le  lien  commun  qui  les  unissoit.  C'étoicnt  autant  de  petits  états  ligués  contre  une 
grande  puissance  ,  et  dont  la  confédération  générale  n'ôtoit  rien  à  l'indépendance 
de  chacun. 

»  Voilà  comment  la  réformation  évangs'lique  s'est  établie  ,  et  voilà  comment  elle 
doit  se  conserver.  Il  est  bien  vrai  que  la  doctrine  du  plus  grand  nombre  peut  être 
proposée  à  tous,  comme  la  plus  probable  et  la  plus  autorisée. Le  souverain  peut  même 
la  rédiger  en  formule  et  la  prescrire  à  ceux  qu'il  charge  d'enseigner,  parce  qu'il  faut 
quelque  ordre  ,  quelque  règle  dans  les  instructions  publiques  ,  et  qu'au  fond  l'on 
ne  gène  en  ceci  la  liberté  de  personne,  puisque  nul  n'est  forcé  d'enseigner  malgré 
lui  ;  mais  il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  les  particuliers  soieat  obligés  d'admettre  préci- 
sément ces  interprétations  qu'on  leur  donne  et  cette  doctrine  qu'on  leur  enseigne. 
Chacun  en  demeure  seul  juge  pour  lui-même ,  et  ne  reconnoît  en  cela  d'autre  au- 
torité que  la  sienne  propre.  Les  bonnes  instructions  doivent  moins  fir.er  le  choix  que 
nous  devons  faire  que  nous  mettre  en  état  de  bien  choisir.  Tel  est  le  véritable  esprit 
de  la  réformation,  tel  en  est  le  vrai  fondement.  La  raison  particulière  y  prononce ,  en 
tirant  la  foi  de  la  règle  commune  qu'elle  établit ,  savoir  l'Evangile  ;  et  il  est  tellement 
de  l'essence  de  la  raison  d'être  libre,  que  quand  elle  voudroit  s'asservir  à  l'autorité  , 
cela  ne  dépendroit  pas  d'elle.  Portez  la  moindre  atteinte  à  ce  principe,  et  tout  l'é- 
vangélisme  croule  à  l'instant.  Qu'on  me  prouve  aujourd'hui  qu'en  matière  de  foi  je 
suis  obligé  de  me  soumettre  aux  décisions  de  quelqu'un  ,  dès  demain  je  me  fais  ca- 
tholique ,  et  tout  homme  conséquent  et  vrai  fera  comme  moi. 

»  Or ,  la  libre  interprétation  de  l'Ecriture  emporte  non-seulement  le  droit  d'en 
expliquer  les  passages,  chacun  selon  son  sens  particulier  ,  mais  celui  de  rester  dans 
le  doute  sur  ceux  qu'on  trouve  douteux ,  et  celui  de  ne  pas  comprendre  ceux  qu'on 
trouve  incompréhensibles.  Voilà  le  droit  de  chaque  fidèle,  droit  sur  lequel  ni  les  pas- 
leurs  ni  les  magistrats  n'ont  rien  à  voir. Pourvu  qu'on  respecte  toute  laBible  et  qu'on 
r  accorde  sur  les  points  capitaux ,  on  vit  selon  la  reformation  évangéliquc.  Le  serment 
des  bourgeois  de  Genève  n'emporte  rien  de  plus  que  cela. 

»  Or ,  ]e  vois  déjà  vos  docteurs  triompher  sur  ces  points  capitaux  ,  et  prétendre 
que  je  m'en  écarte.  Doucement,  messieurs  ,  de  grâce  ;  ce  n'est  pas  encore  de  moi 
qu'il  s'agit,  c'est  de  vous  :  sachons  d'abord  quels  sont,  selon  vous,  ces  points  capi- 
taux ,  sachons  quel  droit  vous  avez  de  me  contraindre  à  les  voir  où  je  ne  les  vois  pas, 
el  où  peut-être  vous  ne  les  voyez  pas  vous-mêmes.  N'oubliez  point,  s'il  vous  plaît , 
que  me  donner  vos  décisions  pour  lois  c'est  vou*  <karter  de  la  sainte  réformation 


x:sx  NOTES. 

c'varigéliquc,  c'est  en  ébranler  les  vrais  fondements  ;  c'est  vous  qui  par  laloîmAi- 
tez  punition. 

»  La  religion  protestante  est  lolc'ranle  par  principe,  elle  est  tolérante  essentielle- 
ment, elle  l'est  autant  qu'il  est  possible  de  l'être,  puisque  le  seul  dogme  qu'elle  ne 
tolère  pas  est  celui  de  l'intolcrance.  Voilà  l'insurmontable  barrière  qui  nous  sépare 
des  catholiques,  et  qui  réunitles  autres  comnaunions  entre  elles  :  chacune  regarde  bien 
les  autres  conjmc  étant  dans  Terreur,  mais  nulle  ne  regarde  ou  ne  doit  regarder  cette 
erreur  comme  un  obstacle  au  salut. 

Les  réformés  de  nos  jours  ,  du  moins  les  ministres ,  ne  connoissent  pas  ou  n'ai- 
ment plus  leur  religion.  S'ils  l'avoicnt  connue  et  aimée ,  à  la  publication  de  mon 
livre  ils  aurcient  poussé  de  concert  un  cri  de  joie,  ils  se  seroient  tous  unis  avec  moi 
qui  n'attaquois  que  leurs  adversaires  ;  mais  ils  aiment  mieux  abandonner  leur  propre 
cause  que  de  soutenir  la  mienne  ;  avec  leur  ton  risiblement  arrogant ,  avec  leur  rage 
de  chicane  et  d'intolérance ,  ils  ne  savent  plus  ce  qu'ils  croient ,  ni  ce  qu'ils  veulent , 
ni  ce  qu'ils  disent.  Je  ne  les  vois  plus  que  comme  de  mauvais  valets  de  prêtres ,  qui 
les  servent  moins  par  amour  pour  eux  que  par  haine  contre  moi.  Quand  ils  auront 
bien  disputé ,  bien  chamaillé,  bien  ergoté,  bien  prononcé,  tout  au  fort  de  leur  petit 
triomphe ,  le  clergé  romain ,  qui  maintenant  rit  et  les  laisse  faire ,  viendra  les  chasser 
armé  d'arguments  ad  hominem  sans  réplique,  et  les  battant  de  leurs  propres  armes , 
il  leur  dira  :  Cela  va  bien  ,  mais  à  présent  oiez-vous  de  là,,  méchants  intrus  que 
vous  êtes ,  vous  n'avez  travaillé  que  pour  nous.  Je  reviens  à  mon  sujet. 

»  L'Église  de  Genève  n'a  donc  et  ne  doit  avoir  ,  comme  reformée,  aucune  pro- 
fession de  foi  précise ,  articulée  ,  et  commune  à  tous  ses  membres.  Si  l'on  vouloit  en 
avoir  une,  en  cela  même  on  blesseroit  lalibertéévangélique,  on  renonceroit  au  prin- 
cipe de  la  réformation,  on  violcroit  la  loi  de  l'état.  Toutes  les  Eglises  protestantes 
qui  ont  dressé  des  formules  de  profession  de  foi ,  tous  les  synodes  qui  ont  déterminé 
des  points  de  doctrine  ,  n'ont  voulu  que  prescrire  aux  pasteurs  celle  qu'ils  dévoient 
enseigner,  et  cela  étoit  bon  et  convenable.  Mais  si  Ces  Eglises  et  ces  synodes  ont  pré- 
tendu faire  plus  par  ces  formules ,  et  prescrire  aux  fidèles  ce  qu'ils  dévoient  croire  ; 
alors  par  de  telles  décisions  ces  assemblées  n'ont  prouvé  autre  chose  sinon  qu'elles 
ignoroient  leur  propre  religion. 

»  L'Église  de  Genève  paroissoit  depuis  long-temps  s'c'cartcr  moins  que  les  autres 
du  véritable  esprit  du  christianisme ,  et  c'est  sur  celte  trompeuse  apparence  que  j'ho- 
norois  ses  pasteurs  d'éloges  dont  je  les  croyois  dignes;  car  mon  intention  n'étoit  as- 
surément pas  d'abuser  le  public.  Mais  qui  peut  voir  aujourd'hui  ces  ministres,  jadis 
si  coulants  et  devenus  tout  à  coup  si  rigides ,  chicaner  sur  l'orthodoxie  d'un  laïque , 
et  laisser  la  leur  dans  une  si  scandaleuse  incertitude  ?  On  leur  demande  si  Jésus- 
Christ  est  Dieu ,  ils  n'osent  répondre  ;  on  leur  demande  quels  mystères  ils  admettent, 
ils  n'osent  répondre.  Surquoi  donc  répondront-ils,  et  quels  seront  lesarticles  fonda- 
mentaux ,  différents  des  miens  ,  sur  lesquels  ils  veulent  qu'on  se  décide ,  si  ceux-là 
n'y  sont  pas  compris? 

»  Un  philosophe  jette  sur  eux  un  coup  d  œil  rapide:  il  les  pénètre,  il  les  voit  aiieus, 
sociniens;  il  le  dit,  et  pense  leur  faire  honneur  ;  mais  il  ne  voit  pas  qu'il  expose 
leur  intérêt  temporel ,  la  seule  chose  qui  généralement  décide  ici-bas  de  la  foi  des 
hommes. 

»  Aussitôt  alarmes,  effrayés,  ils  s'assemblent,  ils  discutent,  ils  s'agitent  ,  ils  ne 
savent  à  quel  saint  se  vouer  ;  et  après  force  consultations ,  délibérations  ,~  conférences, 
le  tout  aboutit  à  un  amphigouri  où  l'on  ne  dit  ni  oui  ni  non ,  et  auquel  il  est  aussi 
peu  possible  de  rien  comprendre  qu'aux  deux  plaidoyers  de  Rabelais.  La  doctrine 
orthodoxe  n'est-elle  pas  bien  claire,  et  ne  la  voilà-t-il  pas  en  de  sûres  mains  i 

»  Cependant,  parce  qu'un  d'entre  eux  compilant  force  plaisanteries  scolastiques 
aussi  bénignes  qu'élégantes,  pour  juger  iBon  christianisme,  ne  craignit  pas  d'abjurer 
le  sien;  tout  charmés  du  savoir  de  leur  confrère,  et  surtout  de  sa  logique,  ilsa'ouent 
son  docte  ouvrage ,  et  l'en  remercient  par  une  députation.  Ce  sont,  en  vérité.,  de 
sinjnilières  gens  que  messieurs  vos  ministres  !  On  ne  sait  ni  ce  qu'ils  croient  ni  cô 

,V,  "1  .  ^  l'i     r  l  1  J  •  1 

qu  ils  ne  croient  pas  ;  on  ne  sait  pas  même  ce  qu  ils  lont  semr)lant  de  rroire  ;  leur 


NOTES.  xxxr 

seule  inanînrc  (l'établir  leur  foi  est  d'attaquer  celle  des  autres...  Au  lieu  de  s'expli- 
quer sur  la  doctrine  qu'où  leur  im|)ulc ,  ils  pensent  donner  le  change  aux  autres 
Efjiiscs  en  cherchant  querelle  à  leur  propre  défenseur;  ils  veulent  prouver  par  leur 
ingratitude  qu'ils  n'avoicnt  pas  besoin  de  mes  soins  ,  et  croient  se  montrer  assez  or- 
thodoxes en  se  montrant  persécuteurs. 

»  De  tout  ceci  je  conclus  qu'il  n'est  pas  aise'  de  dire  en  quoi  consiste  à  Genève  au- 
jourd'hui la  sainte  réfornnation.  Tout  ce  qu'on  peut  avancer  de  certain  sur  cet  ar- 
ticle est  qu'elle  doit  consister  principalement  .H  rejeter  les  points  contestes  à  l'Egliso 
romaine  par  les  premiers  reformateurs,  et  surtout  par  Calvin.  C'est  là  l'esprit  de 
voire  institution  ;  c'est  par-là  que  vous  êtes  un  peuple  libre,  et  c'est  par  ce  côleseul 
que  la  religion  fait  chez  vous  partie  de  la  loi  de  l'ëtat.  »  —  Seconde  lettre  de  l>t 
Montagne. 

NOTE  XV.  — CATHOLICITÉ. 

(Page  452). 

La  catholicité'  de  l'Eglise  est  son  universalité.  Plusieurs  saints  Pères,  traitant  de 
la  catholicité  ,  distinguent  une  triple  universalité  :  universalité  de  temps  ,  en  ce  que 
l'Eglise  a  toujours  subsisté  et  qu'elle  subsistera  toujours  jusqu'à  la  lin  des  siècles; 
universalité  de  doctrine  ,  en  ce  que  l'Eglise  enseigne  toutes  les  vérités  que  Jésus- 
Christ  a  apportées  à  la  terre  ;  universalité  de  lieux  ,  en  ce  que  l'Eglise  est  répandue 
par  tout  le  monde....  C'est  de  cette  troisième  espèce  d'universalité  qu'il  s'agit  ici... 

11  y  a  plusieurs  distinctions  à  faire  sur  l'universalité  ou  catholicité  de  l'Eglise 
Nous  distinguons  d'abord  l'universalité  physique  et  l'universalité  morale.  La  pre- 
mière est  celle  qui  comprend  tous  les  psys  de  la  terre  sans  exception  ;  la  seconde  , 
celle  qui  s'étend  dans  la  plus  grande  partie  des  régions  connues.  Ce  n'est  que  de 
celte  seconde  qu'il  est  question  ici.  C'est  l'établissement  de  notre  Eglis*:  dans  la  plus 
grande  part  ie  des  régions  connues ,  qui  forme  ,  selon  nous ,  sa  catholicité ,  et  qui  est 
une  preuve  de  sa  divine  origine.  Nous  ne  croyons  pas  non  plus,  et  en  ce  point  nous 
suivons  la  doctrine  de  saint  Augustin ,  qu'il  soit  nécessaire  à  la  catholicité  de  l'Eglise 
que  la  totalité  des  habitants  des  pays  où  elle  a  été  introduite  s'y  soit  soumise.  Il  suf- 
fit qu'il  y  ait  dans  ces  régions  un  nombre  notable  de  catholiques,  pour  qu'elles  fas- 
sent partie  de  la  catholicité.  (  Saint  Augustin  contra  Crescon,,  lib.  4,  c.  6l,  j^.  ) 
D'après  cette  observation,  il  est  nécessaire  d'entendre  les  oracles  sacrés  qui  annoncent 
la  dilfusion  de  l'Eglise  sur  toute  la  terre  dans  un  sens  moral  ;  et  cette  interprétation 
est  conforme  à  la  manière  ordinaire  de  s'exprimer  des  auteurs  sacrés.  Ainsi  nous  li- 
sons dans  Jérémie ,  que  tous  les  royaumes  de  la  terre  étoient  sous  la  puissance  du 
Nabuchodonosor  (  c.  34  ,  ^  •  l-  )  >  <1''d*  Daniel ,  que  le  troisième  royaume  ,  qui  de- 
volt  être  celui  d'Alexandre,  commanderoit  à  toute  la  terre  (  c.  11,3^.  Sg.  )  ;  dans 
saint  Luc ,  qu'il  fut  publié  un  édit  de  l'empereur  Auguste  ,  pour  faire  le  dénombre- 
ment de  tout  l'univers  (  c.  ii  ,  ^'.  i.  )  ;  dans  saint  Paul,  que  la  foi  de  l'Eglise  de 
Kome  est  célèbre  dans  tout  le  monde.  (  Rom. ,  c.  i  ,  ^  .  8.  ) 

Une  autre  distinction  essentielle  à  faire  est  entre  l'universalité  successive  et  l'uni- 
versalité actuelle.  Nous  croyons  que  l'Eglise  de  Jésus-Christ  doit  avoir  successive- 
ment la  catholicité  physique  et  totale;  c'est-à-dire  que,  dans  tout  le  cours  des  siècles, 
il  n'y  aura  pas  un  pays  habité  sur  la  terre  oii  la  vraie  foi  n'ait  été  annoncée  ,  et  oii 
Dieu  n'ait  eu  ses  adorateurs  en  vérité  ,  et  conformément  au  culte  qu'il  a  prescrit. 
C'est  ainsi  que  nous  entendons  l'oracle  de  Jésus-Christ  que  je  rapporterai  incessam-- 
ment,  sur  la  prédication  de  son  Evangile  dans  tout  l'univers.  Mais  ce  n'est  pas  parmi 
nous  un  point  de  doctrine  certain  ,  que  l'Eglise  de  Jésus-Christ  doive  être  dans  au- 
cun temps  physiquement  et  totalement  universelle,  en  sorte  qu'il  n'y  ait  plus  sur  la 
terre  que  des  catholiques.  Nous  ne  voyons  pas  que  ce  genre  d'universalité  lui  ait  elé 
prorais  par  Jésus-Christ.  Ce  peut  être  l'objet  de  nos  désirs  ,  même  de  nos  espérances, 
nviis  non  de  notre  foi.  Au  reste  ,  la  catholicité  successivement  totale  ,  que  nou«  re- 
gardons comme  devant  ctre  une  qualité  de  la  vraie  Eglise,  no  peut  pas  être  présentée 


xxxn  NOTES. 

comme  une  de  ses  notes,  puisqu  elle  n'est  pas  actuellement  visible.  Ainsi  ce  n  est 
pas  «le  celle-là  que  je  parlerai  ici  ;  je  ne  donnerai  comme  note  distinctive  de  l'Eglise 
que  son  universalité  actuelle  ,  telle  que  nous  la  voyons,  telle  que  l'ont  vue  toua  les 
a<Tcs  ;  c'est-à-dire,  Je  le  répète  ,  son  universalité  morale. 

Regardant  la  catholicité  comme  un  caractère  accordé  à  la  véritable  Eglise ,  pour 
la  discerner  des  autres  communions  chrétiennes,  nous  distinguons  encore  sa  catho- 
licité absolue  et  sa  catholicité  relative;  c'est-à-dire,  la  diffusion  ,  l'étendue  de  l'E- 
clise  de  Jésus-Christ  considérée  en  elle-même  ,  et  son  étendue,  sa  diffusion,  com- 
parée à  celle  des  sectes  séparées  d'elle.  Nous  pensons  que,  quoiqu'il  puisse  y  avoir 
des  pays  où  la  vraie  foi  n'ait  pas  pénétré,  et  même  quelques-uns  dont  elle  soit  po- 
sitivement bannie,  cependant  elle  est  et  elle  doit  être  en  tout  temps  plus  répandue 
que  chacune  des  Eglises  fausses  ,  et  que  cette  diffusion  plus  grande  est  un  des  carac- 
tères auxquels  on  doit  la  rcconnoître  et  la  distinguer  d'elles. 

D'après  ces  observations,  je  réduis  à  deux  points  principaux  la  notion  de  la  catho- 
licité, considérée  comme  cai-aclèrc  de  l'Eglise  véritable.  Elle  consiste  en  ce  que 
1 .  l'Eglise  de  Jésus-Christ  soit  répandue  actuellement  dans  la  plus  grande  partie  des 
régions  connues  ;  2.  qu'elle  soit  constamment  plus  répandue  que  chacune  des  com- 
munions qui  la  combattent.  Telle  est  notre  doctrine 

Les  preuves  de  la  catholicité ,  telle  que  nous  l'entendons  ,  se  tirent  de  l'Ecriture , 
que  les  protestants  prétendent  être  la  règle  de  leur  foi ,  et  des  Pères  des  premiers 
siècles ,  dont  ils  reconnoissent  que  la  doctrine  a  été  pure. 

Dans  l'ancien  Testament ,  la  propagation  de  l'Eglise  de  Jésus-Christ  sur  toute 
la  terre  est  prédite  par  une  multitude  d'oracles  des  plus  clairs.  Je  me  borne  à  en 
rapporter  quelques-uns. 

Les  protestants  professent  comme  nous  que  c'étoit  de  Jésus-Christ  et  de  sa  religion 
que  Dieu  disoit  à  Abraham  :  Toutes  les  nations  de  la  terre  seront  bénies  dans  voire 
race.  (  Gen. ,  c.  12,  S-  3  et  18;  c.  26,  S-^'i  c  38,  S-  i4-  )0'",  ils  conviennent 
aussi  avec  nous  que  les  bénédictions  de  Dieu  ne  sont  que  pour  ceux  qui  sont  dans 
son  Eglise;  et  qu'il  ne  les  accorde  point  aux  membres  d'Eglises  qu'il  réprouve. 
Toutes  les  nations  doivent  donc  ,  selon  la  prophétie  de  Dieu  même ,  entrer  dans  son 
Eglise. 

Les  protestants  appliquent  aussi ,  de  même  que  nous  ,  an  Messie,  ces  paroles  des 
psaumes  ;  Demandez-moi,  et  je  vous  donnerai  les  nations  pour  héritage,  et  les 

extrémités  de  la  terre  pour  possession Il  dominera  d'une  mer  Jusqu'à  l'autre, 

et  du  fleuve  jusqu'aux  bornes  de  l'univers.  Tous  les  rois  de  la  terre  l'adoreront  : 

toutes  les  nations  lui  obéiront Tous  les  confins  de  la  terre  se  convertiront  au 

Seigneur:  toutes  les  familles  des  nations  seront  en  adoration  devant  lui.  (  Ps.  2  , 
^.  8  ;  ps.  71 ,  ^.  8,  21  ;  ps.  21.  y .  18.  )  Peut-on  dire  que  les  Eglises  fausses,  qui 
professent  une  doctrine  contraire  à  celle  de  Jésus-Christ ,  soient  sa  possession  et  son 
héritage,  tandis  qu'il  les  rejette;  qu'elles  lui  obéissent,  elles  qui  sont  en  révolte 
contre  lui  ;  qu'elles  se  convertissent  à  lui ,  en  s'éloignant  et  en  l'offensant  ?  Il  n'y  a 
que  de  la  vraie  Eglise  de  Jésus-Christ  dont  tout  cela  peut  être  dit.  C'est  elle  qui  est 
8on  royaume  sur  la  terre,  qui  qbéit  à  ses  préceptes,  qui  est  convertie  à  lui.  Or,  d'a- 
près ces  prophéties,  cette  Eglise  doit  comprendre  toutes  les  nations,  se  soumettre 
tous  les  rois ,  s'étendre  jusqu'aux  bornes  de  l'univers. 

C'est  encore,  selon  les  protestants ,  Jésus-Christ  qu'Isaïe  avoiten  vue,  lorsqu'in- 
spiré  de  l'Esprit  saint  il  disoit  :  C'est  peu  que  tu  sois  mon  serviteur,  pour  ranimer 
les  tribus  de  Jacob  et  convertir  la  lie  d'Israël;  voilà  que  je  t'ai  établi  la  lumière 
des  nations ,  pour  que  tu  portes  le  salut  qui  vient  de  moi  jusqu'aux  extrémités  de 
la  terre....  île  Seigneur  a  préparé  son  saint  bras  aux  yeux  de  toutes  les  nations . 
et  toutes  les  bornes  de  la  terre  verront  le  salut  de  notre  Dieu.  (  Is. ,  c.  49  <  S-  6; 
c.  52  ,  y .  10.  )  Le  prophète  annonce  que  le  salut  doit  être  porté  jusqu'aux  extrémi- 
tés de  la  terre  ;  donc  ,  d'après  ses  oracles  ,  l'Eglise  dans  laquelle  seule  peut  se  trouver 
le  salut  doit  y  être  étendue  :  or,  les  protestants  admettent  comme  nous  le  principe 
qu'il  n'y  a  de  salut  que  dans  la  véritable  Eglise  ;  donc  la  véritable  Eglise  doils'd^ 
tendre  jusqu'aux  confins  de  la  terre. 


JNOTES.  xxxin 

Noiisliions  dans  Malachic  unccélèlirc  prophétie  que  les  prolesl.inlsentendeiit  ainsi 
que  nous  de  la  religion  de  Jésus-Christ.  Je  ne  mets  pins  en  vom  ma  volonté  ,  dit  Ir 
Seigneur  des  armées,  et  je  ne  recevrai  plus  de  dons  par  vos  mains;  car  du  tei^ant 
jusqu'au  couchant ,  mon  nom  est  glorifie  parmi  les  nations,  et  dans  tous  les  lieux 
on  offre  et  on  sacrifie  en  mon  nom  une  offrande  pure.  (C.  i  ,y.  lo,  1 1 .  )  C'est  du 
levant  au  couchant  que  doit  être  glorifié  le  nom  du  Seigneur;  c'est  àins  tous  les 
lieux  que  doit  lui  être  présentée  une  offrande  pure  ;  donc  son  Eglise  doit ,  du  levant 
au  couchant ,  s'étendre  en  tous  lieux  ;  car  je  n'imagine  pas  qu'où  soutienne  que  Dieu 
tienne  son  nom  glorifié  par  les  Eglises  ennemies  de  la  foi ,  et  qu'il  accepte  comme 
pures  les  offrande*  qu'elles  lui  font. 

Ces  prophéties  de  l'ancien  Testament ,  si  claires  et  si  positives  en  elles-mSai»  , 
pour  annoncer  la  future  diffusion  de  l'Eglise  dans  tontes  les  nations,  deviennent  plus 
démonstratives  encore  par  l'application  que  Jésus-Christ  en  a  faite  à  cet  objet ,  et 
parce  qu'il  a  déclare'  qpie  c'est  dans  ce  sens  qu'elles  doivent  être  entendues.  Ce  fut 
dans  une  des  apparîtïons  qui  suivirent  sa  résurrection,  et  que  rapporte  saint  Luc  , 
que  montrant  à  ses  apôtres  l'accomplissement  dans  sa  personne  des  oracles  de  la  loi 
de  Moïse,  des  prophètes  et  des  psaumes  ,  il  ajouta  :  Ainsi  il  a  été  écrit ,  et  ainsi  il  a 
fallu  que  le  Christ  souffrit  et  ressuscitât  le  troisième  jour  d'entre  les  morts,  et  qu'en 
son  nom  la  pénitence  et  la  rémission  des  péchés  fussent  préchees  dans  toutes  les  na- 
tions ,  en  commençant  par  Jérusalem.  (  Luc.  ,  c.  a4  .  X •  44  »  4^  >  4^»  47-  )  C'pst 
donc  Jésus-Christ  lui-même  qui  nous  apprend  que ,  si  nous  voyons  son  Eglise  éten- 
due sur  toute  latf^rre  ,  c'est  une  suite  des  oracles  qui  l'avoient  annoncé  ;  c'est  lui- 
même  qui  nous  fournit  contre  les  protestants  ce  raisonnement.  Son  Eglise  est  où  la 
placent  les  prophètes,  et  où  après  eux  il  la  place  lui-même  ,  dans  toutes  les  nations 
de  la  terre.  Donc  toute  Eglise  qui  n'existe  que  dans  quelques  nations  n'est  pas  l'E- 
glise de  Jésus-Christ. 

Le  nouveau  Testament  n'est  pas  moins  positif  que  l'ancien.  Outre  les  parolesde 
Jésns-Christ  que  je  viens  de  rapporter  d'après  saint  Luc  ,  nous  le  voyons  dire  à  ses 
apôtres  ,  tantôt  :  Cet  Evangile  du  royaume  sera  prêché  dans  tout  l'univers ,  pour 
servir  de  témoignage  à  toutes  les  nations  :  et  alors  viendra  la  consommation;  tantôt  : 
toute  puissance  m'a  été  donnée  dans  le  cielet  sur  la  terre.  Allez  donc,  enseignez 
dans  toutes  les  nations,  les  baptisant  au  nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint- 
Esprit  ;  leur  enseignant  à  observer  tout  ce  que  je  vous  ai  commandé;  tantôt  :  Al^ 
lez  dans  le  monde  entier  :  prêchez  l'Evangile  à  toute  créature;  tantôt  :  Kous  rece- 
vrez la  vertu  de  l'Esprit  saint  qui  descendra  sur  vous ,  et  vous  me  servirez  du 
témoins  dans  Jérusalem,  dans  la  Judée,  dans  la  Samarie  ,  et  jusqu'aux  extrémi- 
tés de  la  terre.  (  Matth.,  c.  :i^,S'  i4'i  c  28,  S-  18,  19,  20.  Marc.,  c.  16, >^.  i3. 
Act.,  c.  I  ,  S •  8.  )  D'après  ces  passages,  réunissons  quelques  principes  qui  porte- 
ront jusqu'à  l'évidence  notre  dogme  de  la  catholicité. 

I.  Il  est  évidemment  prescrit  aux  apôtres  ,  dans  ces  textes,  de  prêcher  l'Evangile 
il  toutes  les  nations  du  monde.  Cette  vérité  est  si  évidente  à  la  seule  inspection  des 
paroles  du  Sauveur  qu'il  seroit  ridicule  d'entreprendre  de  la  prouver. 

a.  En  ordonnant  à  ses  apôtres  de  prêcher  sa  loi  à  toutes  les  nations ,  Josus-Chriit 
les  chargeoit  d'y  établir  son  Eglise.  Cette  vérité  est  la  conséquence  immédiate  de  la 
précédente,  et  est  également  claire.  L'Eglise  étant  composée  de  ceux  qui  font  pro- 
fession de  la  vraie  foi  ;  donner  aux  apôtres  la  mission  de  planter  dans  tous  les  pays  la 
vraie  foi ,  c'étoit  leur  ordonner  d'y  établir  l'Eglise.  Ils  ne  pouvoient  pas  faire  l'un 
sans  l'autre. 

3.  Les  apôtres  ont  formé  l'Eglise  comme  leur  divin  maître  leur  avoit  ordonné. 
Jamais  les  protestants  ne  les  ont  accusés  d'avoir  manqué  à  sts  préceptes.  Ils  font  pro- 
fession de  les  révérer  comme  de  saints  personnages.  Ils  leur  attribuent  même  la  préro- 
gative de  l'infaillibilité. 

4.  Les  apôtres  ont  donc  fondé  l'Eglise  dans  toutes  les  nations  ,  du  moins  autant 
j'ils  l'ont  pu  de  leur  vivant  ;  et  certes  ils  l'avoient  établie  dans  un  très-grand  no( 


qu  Ils  1  ont  pu  1 


no>n- 


bre  de  contrées.  L'histoire  de  leur  prédication  en  est  la  preuve.  Nous  lisons  dans  l'E- 
Marc  qu'ils  prêchèrent  partout,  (c  26  ,  S  '  ?y)  Saint  Piul  dit  aux 


vangile  de  saint 
I. 


XXXIV  JNOTES. 

Romains  que  lui  et  sts  collègues  ont  reçu  la  grâce  de  l'apostolat ,  pour  faire  obéir  à 
(a  foi  toutes  les  nations  au  nomde  Jésus-Christ  ;  (^c.  i ,  }f .  5.)  aux  Colossiens,  que 
la  parole  véritable  de  l'Evangile  est  parveriue,  non-seulement  à  eux  ,  mais  dans 
tout  le  monde;  qu'elle  fructifie  et  y  croît  chaque  jour  ;  et  que  l'Evangile  qu'ils  ont 
entendu  a  étë  prêché  à  toute  créature  qui  est  dans  le  ciel,  (ci,  fj ,  5,6,  23.} 

5. La  véritable  Eglise  est  celle  que  les  apôtres  ont  fondée  d'après  le  précepte  de  leur 
maître.  Les  protestants  ne  contesteront  pas  non  plus  cette  vérité. 

6.  Donc  la  vraie  Eglise  est  celle  que  l'on  voit  universellement  étendue.  Je  ne  con- 
çois pas  comment ,  forcés  de  convenir  de  toutes  les  autres  propositions ,  nos  adver- 
saires pourront  nier  celle-là. 

Ainsi  nous  voyons  la  catholicité,  c'est-à-dire ,  la  diffusion  aniverselle  de  l'Eglise, 

{crédite  par  les  prophéties,  prescrite  par  Jésus-Christ,  effectuée  par  les  apôtres.  Que 
àut-il  de  plus  pour  y  croire  ?... 

Ce  qui  confirme  notre  doctrine  sur  la  catholicité,  c'est  que  le  sens  que  nous  donnons 
aux  passages  de  l'Ecriture  est  £xé  par  la  manière  dont  les  ont  entendus  les  Pères  des 
premiers  temps,  les  uns  disciples  immédiats  ou  presque  immédiats  des  apôtres  ,  les 
autres,  disciples  de  ceux-là,  et  qui  ont  fleuri  dans  les  siècles  dont,  de  l'aveu  des  pro~ 
testants  ,  la  foi  étoit  pure  et  la  doctrine  saine. 

Nous  ne  voyons  pas  dans  les  livres  saints  le  mot  catholique  employé  ;  mais  nous 
le  trouvons  appliqué  à  l'Eglise  de  Jésus— Christ  dès  le  temps  qui  a  immédiatement 
suivi  les  apôtres.  Le  symbole  qui  porte  leur  nom  atteste  la  croyance  à  la  sainte  Eglise 
catholique.  Saint  Ignace ,  évoque  d'Antioche  et  martyr ,  qui  avoit  été  disciple  de 
saint  Jean,  et  qui  avoit  vu  Jésus— Christ  dans  sa  chaire,  dit  que  là  est  l'Eglise  catho- 
lique où  est  Jésus-Christ.  (^Ep.  ad  Smymenses,  n.  8.)  L'épître  de  PEglise  de 
Snayrne  ,  au  sujet  du  martyre  de  saint  Polycarpe ,  son  évêque ,  est  adressée  à  l'Eglise 
de  Dieu  qui  est  à  Philomèle ,  et  à  tous  les  diocèsesde  la  sainte  Eglise  catholique  dans 
tous  les  lieux  ,  et  on  y  lit  que  ce  saint  évêque  recommande  dans  ses  prières  l'Eglise 
catholique  répandue  d  ans  tout  l'univers,  totiusque  Ecclesiœ  catholicœ  per  universum 
orbemdiffuscemeniionemfecerit.(^usth.Iiist.  ecclcs,,  lib.  4>  cap-  i5.)  Nous 
voyons  dans  cette  dpître  deux  choses  réunies:  la  catholicité  de  l'Eglise,  et  son  étendue 
sur  toute  la  terre  ;  ce  qui  montre  que  dès  lors  ,  c'est-à-dire, 'dans  le  temps  qui  a 
immédiatement  suivi  les  apôtres ,  non-seulement  on  distinguoit  l'Eglise  de  Dieu 
par  le  titre  de  catholique,  mais  qu'on  lui  donnoit  ce  nom  à  raison  de  la  diffusion 
universelle. 

Saint  Justin  suit  immédiatement  les  disciples  des  apôtres ,  qui  lui  avoient  enseigné 
la  doctrine  de  leur  maître.  Argumentant  contre  Try  phon  qui  étoit  juif,  il  lui  prou\-e, 
par  le  texte  de  Malachie  que  )'ai  rapporté,  que  les  juifs  ne  sont  plus  le  peuple  de 
Dieu.  D'abord,  lui  dit-il ,  votre  nation  n'est  point  répandue  du  levant  au  couchant, 
et  il  y  a  des  pays  où  l'on  ne  voit  habiter  aucun  des  vôtres.  Mais  ensuite ,  ajonte-t-il, 
il  n'y  a  aucun  peuple ,  soit  Grec  ,  soit  barbare ,  quel  que  soit  son  nom ,  quelles  que 
soient  ses  mœurs  et  ses  coutumes ,  dans  lequel  il  ne  soit  adressé  des  prières  à  Dieu  le 
Père,  au  nom  de  Jésus  crucifié.  (D/a/.  cum  Tryph. ,  n.  117.)  C'est  à  un  juif,  il  tst 
vrai ,  et  non  à  un  hérétique ,  que  Justin  propose  ce  raisonnement  ;  mais  le  principe 
de  son  raisonnement  est  applicable  aux  hérétiques  comme  aux  juifs.  Ce  principe  est 
que,  d'après  l'oracle  de  Malachie  ,  la  vraie  doctrine  ,  le  vrai  peuple  de  Dieu,  doi- 
vent être  répandus  dans  tous  les  pays.  Ainsi ,  selon  ce  Père ,  toute  doctrine  qui  n'a 
pas  cette  diffusion ,  toute  société  qui  n'a  pas  cette  étendue ,  ne  sont  pas  la  doctrine  et 
l'Eglise  de  Dieu. 

Saint  Lrénée  étoit ,  comme  saint  Justin  ,  disciple  des  Pères  apostoliques ,  ayant  été 
instruit  par  saint  Polycarpe.  Il  dit,  dans  plusieurs  endroits  de  son  ouvrage  contre  les 
hérésies,  que  l'Eglise  est  répandue  par  toute  la  terre  et  y  conserve  la  foi.  (Lib.  i,  cap. 
I ,  n.  I  et  a  ;  lib.  3 ,  cap.  2 ,  n.  8  ;  lib.  4  ,  cap.  26 ,  n.  i .)  Ce  n'étoit  certainement  pas 
des  sectes  hérétiques  que  parloit  ce  saint  docteur;  il  les  excluoit  même  certainement, 
puisque  c'étoit  contre  elles  qu'il  écrivoit ,  et  qu'il  faisoit  valoir  l'universelle  diffusion 
de  l'Eglise ,  conservatrice  de  la  vraie  foi. 

Saint  Cyprien,  dans  son  umé  de  l'Unité  de  l'Eglise,  établit  awsi  $a  calholicitd 


NOTES  XXXV 

dans  1c  sens  que  nous  cnlcnJons,  en  disant  qu'elle  conserve  son  unitc^,  quoiqu'elle 
soil  répandue  dans  tous  les  pays.  11  la  représente  éclairée  de  la  lumière  du  Seigneur, 
répandant  ses  rayons  dans  tout  l'univers.  11  la  compare  à  un  arbre  qui  ctcnd  ses  ra- 
meaux sur  toute  la  terre.  Il  pensoit  donc,  comme  les  Pères  qui  l'avoient  pre'codé, 
qu'une  prérogative  de  l'Eglise  de  Jésus-Christ  est  de  s'étendre  dans  toutes  les  ré- 
gions :  et,  par  une  conséquence  nécessaire  ,  il  n'auroit  pas  reconnu  comme  l'Eglise 
de  Jésus-Christ  celle  dans  qui  il  n'auroit  pas  vu  cette  dilFusion. 

Saint  Pacien  qui ,  dans  le  même  temps  que  saint  Cyprion ,  combattoit  comme  lui 
Jes  novatiens,  dit  que  «  l'Eglise  est  un  corps  plein  ,  solide,  déjà  répandu, dans  tout 
»  l'univers.  »  (  Epht.  3.  ) 

Dans  le  siècle  suivant,  saint  Cyrille  de  Jérusalem  ,  dans  une  de  ses  catéchèses,  ex- 
pliquant ces  paroles  du  symbole  :  Je  crois  la  sainte  Eglise  catholique,  dit  :  «  l'Eglise 
«  est  appelée  catholique  ou  universelle  ,  parce  qu'elle  est  répandue  dans  tout  l'uni- 
»  vers ,  depuis  une  extrémité  de  la  terre  jusqu'à  l'autre.  »  Voilà  une  déBnItion  de  la 
catholicité  précise  et  absolument  conforme  à  la  nôtre.  Et  il  faut  observer  que  c'est 
dans  un  ouvrage  fait  pour  l'instruction  des  simples  fîdèles ,  où  les  expressions  doivent 
être  simples  et  très-exactes.  Un  peu  plus  bas,  ce  même  Père  comparant  l'autorité 
temporelle  à  celle  de  l'Eglise  ,  y  met  cette  diflférence  ,  que  les  souverains,  distribués 
en  différents  lieux ,  trouvent  dans  les  limites  de  leurs  états  des  bornes  à  leur  puis- 
sance, mais  que  la  sainte  Eglise  catholique  seu'.e  jouit  d'une  puissance  illimitée,  et 
dans  tout  l'univers.  (  Catechesi  i8,  n.  23  et  27.) 

Quelque  temps  auparavant ,  au  concile  de  Nicée,  Arius  et  Euzocius  avoient  pré- 
senté une  profession  de  foi.  «  Nous  croyons,  y  est-il  dit  ,  une  Eglise  catholique  de 
>>  Dieu,  qui  s'étend  des  premiers  fondements  jusqu'aux  dernières  extrémités  de  la 
»  terre.  Nous  avons  reçu  cette  foi  des  saints  Evangiles,  le  Seigneur  ayant  dit  à  ses 
»  disciples  :  Allez  ,  et  enseignez  toutes  les  nations.  »  (  Socrates ,  Hist.  Ecoles. , 
1.  I ,  G.  26c  )  Ainsi ,  catholiques  et  hérétiques,  tous,  dans  ces  premiers  siècles  ,  pro- 
fcssoient  comme  un  article  de  foi  que  l'Eglise  a  reçu  de  Jésus-Christ  la  prérogative 
de  l'universelle  diffusion. 

A  la  fin  du  même  siècle,  deux  grandes  lumières  de  l'Eglise  d'Afrique,  saint 
Optât  et  saint  Augustin,  prouvoient  aux  donatistes  que  leur  secte  n'étcit  pas  la 
véritable  Eglise  ,  parce  qu'elle  n'étoit  pas  catholique,  c'est-à-dire,  universellement 
répandue. 

«Nous  avons,  leur  dit  saint  Optât ,  ?i  démontrer  ce  que  nous  avons  promis 
V  que  nous  établirions  :  quelle  est  cette  Eglise  que  Jésus-Christ  appelle  sa  colombe 
»  et  son  épouse.  Vous  dites  qu'elle  est  en  vous  seuls.  Apparemment  que,  dans  votre 
i>  orgueil,  vous  vous  a  ttribuez  spécialemen  t  lasaint  été  ;  en  sorte  que  l'Eglise  soit  où  vous 
M  voulez,  et  ne  soit  point  où  vous  ne  voulez  pas.  Ainsi,  pour  qu'elle  puisse  être  cher 
»  vous  ,  dans  une  petite  partie  de  l'Afrique,  dans  le  coin  d'une  petile  région,  elle  ne 
X  sera  pas  avec  nous  dans  une  autre  partie  de  l'Afrique,  elle  ne  sera  pas  dans  les 
»  Espagnes,  dans  les  Gaules,  dans  l'Italie,  où  vous  n'êtes  point.  »  Le  saint  docteur 
fait  encore  l'c'numération  d'un  grand  nombre  de  pays,  où  il  n'y  a  point  de  donatis- 
tes, et  d'où  ils  excluent  l'Eglise ,  et  il  poursuit  ainsi  :  «  Où  sera  donc  la  propriété  du 
»  nom  de  catholique ,  puisque  l'Eglise  est  appelée  catholique  parce  qu'elle  est  raison- 
»  nable  et  répandue  partout  ?  car,  si  vous  la  resserrez  ainsi  à  votre  volonté  dans  un 
a  lieu  étroit ,  si  vous  lui  ôtez  toutes  les  nations,  où  sera  ce  que  le  Fils  de  Dieu  a  mé- 
n  rite?  Où  sera  ce  que  lui  a  promis  volontairement  son  Père,  lui  disant  dans  le  psoumc 
»  second  :  Je  vous  donnerai  les  nations  en  héritage,  et  les  bornes  de  la  terre  pour 
»  vo/rf^oss^ss/on?  Pourquoi  enfreignez-vous  une  telle  promesse,  en  sorte  que  l'é- 
w  tendue  de  tous  les  roy^aumes  soit  mise  par  vous  comme  dans  une  prison  ?  Pourquoi 
»  voulez-vous  opposera  cette  libéralité?  pourquoi  combattez-vous  les  mérites  du  Sau- 
»  veux  ?  Permettez  au  Fils  de  posséder  ce  qui  lui  a  été  accordé.  Permettez  au  Père 
»  d'acroroplir  ses  promesses.  De  quel  droit  posez-vous  des  borner,  tracez-vous  des 
»  limites?  Quand  Dieu  le  Père  accordeau  Sauveur  toute  la  terre,  rien  n'est  excepté 
ji  dans  aucune  partie  de  îa  terre.  Toute  la  terre  avec  ses  nations  est  la  possession  du 
11  Christ.  »  Saint  Ojptat  répète  ensuite  le  texte  du  psaume  second,  et  rapporte 


xxxvi  JNOTES. 

relui  quei'ai cité  du  psaume  soixame-onie.  (DeSc/iisrn.  Donat.,  lib.  ii.  c.  i.  )  H 
x.c  peut  nen  y  avoir  de  phis  formel  que  ce  texte  pour  établir  que  la  vraie  Eglise  est 
celle  que  l'on  voit  répandue  sur  toute  la  terre;  que  cette  prérogative  lui  a  éié  accordée 
par  son  divin  fondateur  ,  et  qu'elle  lui  est  essentielle.  La  clarté  évidente  de  ce  passage 
me  dispense  d'en  rapporter  d'autres  où  saint  Optât  établit  le  même  principe. 

Saint  Augustin,  dans  son  traité  de  l'Unité  de  l'Eglise,  contre  les  donatistes,  traite 
ex  professa  la  question  de  la  catholicité  ,  et  démontre,  par  beaucoup  de  textes  de  la 
sainte  Ecriture,  que  l'Eglise  de  Jésus-Christ  est  celle  qui  s'étend  sur  toute  la  terre. 
11  commence  par  la  Genèse,  rapporte  la  promesse  faite  à  Abraham,  que  toutes  les 
nations  seront  bénies  dans  son  rejeton  ;  prouve  que  ce  rejeton  est  Jésus-Christ  ;  mon- 
tre que  la  promesse  a  été  renouvelée  à  Isaac  et  à  Jacob  :  «Donnez-nous,  conclut-il, 
>»  cette  Eglise ,  si  elle  est  parmi  vous;  montrez  que  vous  êtes  en  communion  avec  tou- 
•»  tes  les  nations  que  nous  voyons  maintenant  bénies  dans  ce  rejeton.  Donnez-la ,  ou , 
•j  déposant  votre  erreur ,  recevez-la ,  non  pas  de  moi ,  mais  de  celui-là  même  dans 
•>  qui  toutes  les  nations  sont  bénies.  »  (  C.  6,  n.  i4'  ) 

«  Que  lit-on  dans  les  prophètes?  ajoute-t-il.  Combien  sont  nombreux ,  combien 
"'»  sont  évidents  leurs  témoignages  ausujet  de  l'Eglise  répandue  dans  toutes  les  nations, 
»  sur  toute  la  terie  !  Qu'Isaïe  nous  dise  où,  par  une  révélation  divine,  il  a  vu  d'avance 
»  l'Kglisa ,  afin  que ,  dans  les  paroles  de  celui  qui  prédisoit  l'avenir,  nous  voyions  ce 
»  qui  maintenant  est  devenu  présent.  >>  Il  produit  plusieurs  textes  de  ce  prophète,  et 
il  fait  voir  combien  ils  prouvent  clairement  l'étendue  universelle  de  l'Eglise.  «  Que 
»)  celui  qui  l'osera  ,  reprend-il  ,  contredise  ;  mais  que  celui  qui  ne  l'osera  pas,  espère 
•»  en  Jésus-Christ  avec  toutes  les  nations  ,  et  ne  se  sépare  pas  de  l'unité  des  peuples 
»  qui  espèrent  en  lui  :  ou,  s'il  s'en  est  écarté ,  qu'il  revienne,  afin  de  ne  pas  périr..., 
■»  Qui  e5t-ce  qui  est  assez  sourd,  assez  insensé,  assez  aveugle  d'esprit,  pour  oser  par- 
»  1er  contre  des  témoignages  si  évidents?..  Que  peut-on  exiger  de  plus  clair  ?  Voyez 
»  dans  un  seul  prophète  combien  d'oracles ,  quelle  est  leur  clarté  :  et  cependant  on 
»  résiste,  on  contredit,  non  un  homme  ,  mais  l'Esprit  de  Dieu,  et  la  plus  évidente 
»  vérité.  Et  cependant ,  ceux  qui  se  glorifient  du  titre  de  chrétiens  envient  la  gloire 
»  du  Christ,  et  ne  veulent  pas  qu'on  croie  accomplies  les  choses  qui ,  si  long-temps 
»  avant ,  «voient  été  prédites  de  lui ,  lorsqu'elles  sont ,  non  plus  prédites  mais  inon- 
»  trées  ,  mais  vues,  mais  possédées.  »  (  JÂ/V/.,  c.  y,  n.  i5,  16,  19.  ) 

Saint  Augustin  oppose  ensuite  aux  donatistes  les  psaumes,  et  spécialement  le 
second  et  le  soixante-onzième.  Après  en  avoir  rapporté  les  passages  :  «  Voilà,  dit-il, 
j>  que  dans  les  psaumes  est  manifestée  l'Eglise  répandue  dans  tout  l'univers  ,  sur  la- 
«  quelle  repose  la  gloire  de  son  souverain...  Que  répondront  à  ce  que  Je  viens  de  rap- 
«  porter  des  prophètes  et  des  psaumes  au  sujet  de  l'Eglise  de  Jésus-Christ  qui  est 
»  répandue  dans  tout  l'univers,  ceux  qui  aiment  mieux  la  combattre  avec  perver- 
>)  site,  que  de  communiquer  avec  elle  en  se  corrigeant?  »  (  C.  8  et  g,  n.  22 
et  23.  ^ 

De  1  ancien  Testament  le  saint  docteur  passe  au  nouveau.  Il  en  cite  des  passages 
que  j'ai  rapportés.  Sur  celui  de  saint  Luc,  il  oppose  aux  donatistes  le  raisonnement 
quej'ai  fait  plus  haut ,  que  Jésus-Christ  lui-même  a  appliqué  à  l'universelle  difFu- 
sion  de  son  Eglise  les  passages  de  la  loi ,  des  prophètes  et  des  psaumes.  Sur  le  pas- 
sage des  actes  des  apôtres  ,  il  dit  que  l'on  y  voit  le  commencement  de  l'Eglise  dans 
Jérusalem  ,  dans  la  Samarie  ,  et  sa  propagation  successive  dans  toutes  les  nations.  Il 
prouve  par  les  faits  et  par  l'énumération  de  beaucoup  de  pays,  où  la  vraie  foi  étoil 
ïiéjà  portée  de  son  temps  ,  et  il  résume  ainsi  :  «  11  nous  a  été  annoncé  que  l'Eglise 
»  seroit  sur  toute  la  terre.  Le  Seigneur  lui-même  a  attesté  que  cela  étoit  prédit  dans 
»  la  loi,  dans  les  prophètes  et  dans  les  psaumes.  Il  a  prophétisé  qu'elle  commenceroit 
»  par  Jérusalem ,  et  qu'elle  se  répandroit  sur  toutes  les  nations.  Il  a  prédit  à  ses 
»  apôtres  ,  lorsqu'il  est  remonté  dans  les  cieux,  qu'ils  seroient  ses  témoins  dans  Jé- 
»  rusalem  ,  dans  toute  la  Judée  et  la  Samarie ,  et  jusque  dans  toute  la  terre.  Les 
»  faits  se  sont  conformés  à  ses  paroles.  Comment ,  ayant  commencé  par  Jérusalem  , 
»>  et  delà  s'étant  accrue  dans  la  Judée  et  la  Samarie,  et  ensuite  sur  toute  la  terre, 
"  l'Eglise  s'y  agrandit-elle  maintenant ,  jusqu'à  ce  qu'enfin  elle  possède  le  reste  des 


rsOlES.  xxxvri 

H  nations  où  elle  n'existe  pas  encore?  Le  témoignage  des  saintes  Ecritures  le  montre 
u  positivement.  Quiconque  ëvangclisc  autrement,  qu'il  soit  anathi-me.  Or,  celui-là 
»  ovangclise  autrement ,  qui  dit  que  l'Eglise  a  péri  dans  le  reste  du  monde  ,  et  sub- 
»  siste  dans  la  seule  Afrique,  et  dans  le  parti  de  Donat.  »  (  Ibid. ,  cap.  lo  ,  n.  25, 
et  c.  II ,  n.  27  ,  etseq.  ) 

Il  résulte  évidemment  de  tous  ces  passages  tirés  du  seul  traite' </e  l'Unité  de  /'JE- 
glise ,  que  non-seulement  ce  saint  docteur  étoit  dans  les  mêmes  principes  que  nous 
sur  la  catholicité,  mais  que,  pour  les  prouver,  il  empioyoil  les  mêmes  raisonnements 
que  nous.  Les  preuves  dont  nous  combattons  les  protestants  sont  celles  dont  il  réfu- 
toit  les  donatistes.  Les  hérétiques  modernes,  pour  voir  leur  condamnation,  n'ont 
qu'à  voir  ce  qui  a  été  opposé  aux  hérétiques  anciens. 

Et  nous  voyons  de  plus  que ,  dans  la  célèbre  conférence  de  Carthage  ,  entre  les 
catholiques  et  les  donatistes ,  les  donatistes  faisoient  consister  la  catholicité ,  non  dans 
la  réunion  de  l'universalité  des  nations,  mais  dans  la  plénitude  des  sacrements  (Brw.T 
cuil.  cum  Donat. ,  dies  3  ,  c.  3 ,  n.  3  )  :  ce  qui  ne  s'éloigne  pas  beaucoup  du  système 

f protestant.  Mais  ils  furent  combattus  par  les  évêques  catholiques  ,  qui  produisirent 
es  textes  convaincants  de  l'Ecriture  sur  la  diffusion  universelle  de  l'Eglise.  Les  do- 
natistes non-seulement  ne  voulurent  pas  discuter  celte  question  ,  mais  ils  n'osèrent 
pas  l'aborder.  11  se  rabattirent  à  soutenir  que  l'Eglise  de  Jésus-Christ  n'est  composée 
que  des  hommes  vertueux ,  et  ne  comprend  pas  le«  pécheurs  :  (  Ibid.,  c.  8  ,  "^ .  I.o.  ) 
ce  qui  est  encore  une  prétention  des  protestants. 

Voilà  une  chaîne  d'autorités  qui  embrasse  et  qui  unit  ensemble  tous  les  temps 
e'coulés  depuis  la  promesse  faite  à  Abraham.  Il  en  résulte  évidemment  que  la  vraie 
Eglise  de  Jésus-Christ  doit,  par  son  institution,  s'étendre  sur  toute  la  terre.  ]Nous 
voyons  cette  étendue  universelle  prédite  dans  l'ancienne  loi ,  par  une  multitude  d'o- 
racles ,  commandée  par  Jesus-Christ  à  plusieurs  reprises,  exécutée  par  ses  apôtres 
aut.'^nt  qu'ils  l'ont  pu,  réalisée  peu  après  eux  ,  et  dès  les  premiers  temps  du  chris- 
tianisme ,  revendiquée  par  les  saints  docteurs  comme  un  signe  de  la  vérité  de  leur 
Eglise  et  de  la  fausseté  des  communions  séparées.  Comment ,  en  admettant  toutes 
ces  autorités ,  peuvent-ils  refuser  d'v  croire?  Selon  eux,  l'Ecriture  est  infaillible  :  de 
leur  aveu ,  les  Pères  des  premiers  siècles  n'étoient  point  dans  l'erreur.  Comment 
donc  peu*,  ent-iis  se  soustraire  a  l'enseignement  unanime  de  tous  les  livres  sacrés  et 
de  tous  ces  saints  personnages  ?  —  Le  cardinal  de  la  Luicme.  Dissertations  sur  les 
incises  catholiques  et  protestantes ,  lom.  2 ,  ch.  8. 


FIN    DES    ^OTES. 


4 


La  Bibliothèque 
Université  d'Ottawa 
Echéance 


The  Library 
University  of  Ottawa 
Date  Due 


'  JAN 1 9  19B7 

J/INO9 
NOV  2lMW 


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BERCIERi  NICOLOS  SYLVE 

DICTIONIMfiIRE  DE  THEOLO 


CE    BR        0095 
•B56    1841     VOOl 
COO        BERGIER,     NIC 
ACC#     1419642 


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